Avant d'y aller de mon introduction habituelle, j'aimerais demander au Comité s'il consent, quand la sonnerie annonçant le vote se fera entendre, que nous poursuivions nos travaux jusqu'à cinq ou dix minutes avant la tenue du vote? Ai-je le consentement du Comité?
Des députés: D'accord.
Le président: Merci.
Ce point étant réglé, nous pouvons maintenant entreprendre nos travaux.
Je souhaite à tous la bienvenue à cette 21e réunion du Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités de la Chambre des communes. La réunion d'aujourd'hui se déroulera selon un mode hybride. Conformément à l'ordre de la Chambre du 25 janvier 2021, les délibérations seront diffusées sur le site Web de la Chambre des communes. Comme vous le savez, dans une émission Web, c'est seulement la personne qui parle, plutôt que l'ensemble des participants, que l'on voit à l'écran.
Pour assurer le bon déroulement de la réunion, il y a quelques points que je tiens à souligner. Les membres et les témoins peuvent s'exprimer dans la langue officielle de leur choix. Des services d'interprétation sont disponibles, et vous n'avez qu'à choisir, au bas de votre écran, le français ou l'anglais. Je prie les membres qui participent en personne de procéder comme ils le font ordinairement quand le Comité se trouve en entier dans la salle de réunion. N'oubliez pas les directives du Bureau de régie interne concernant le port du masque et les protocoles sanitaires. Avant d'intervenir, veuillez attendre que je vous donne la parole. Ceux qui participent à la réunion par vidéoconférence doivent s'assurer d'activer leur microphone en cliquant sur l'icône du micro. Quant à ceux présents dans la salle, leur microphone sera contrôlé comme d'habitude par l'agent des procédures et de la vérification. Je rappelle à tous, membres et témoins, que toutes leurs interventions doivent être adressées à la présidence. Lorsque vous n'avez pas la parole, assurez-vous de mettre votre micro en sourdine.
Pour ce qui est de la liste des intervenants, le greffier du Comité et moi-même ferons de notre mieux, comme toujours, pour maintenir l'ordre d'intervention de tous les membres, qu'ils participent en virtuel ou en personne.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le jeudi 29 octobre 2020, le Comité se réunit aujourd'hui pour poursuivre son étude sur la Banque de l'infrastructure du Canada.
J'ai le plaisir de vous présenter et d'accueillir nos témoins. Nous entendrons Toby Sanger, directeur général, Canadiens pour une fiscalité équitable, Robert Ramsay, agent de recherche principal, et Mathieu Vick, attaché de recherche, tous deux du Syndicat canadien de la fonction publique. Nous accueillons également, de la First Nations Major Projects Coalition, la cheffe Sharleen Gale, présidente, et Niilo Edwards, directeur exécutif, ainsi que Sandra Skivsky, présidente de la Coalition nationale des entrepreneurs spécialisés du Canada, et Ryan Riordan, professeur agrégé, Institute for Sustainable Finance, Université Queen's.
Bienvenue à tous nos témoins.
Monsieur Sanger, vous avez la parole pour cinq minutes.
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Merci beaucoup, monsieur le président et distingués membres du Comité, de m'avoir invité à participer à cette réunion.
D'entrée de jeu, je dirai que l'idée à l'origine de la Banque de l'infrastructure du Canada était fondamentalement erronée. Elle revenait à apporter un financement public à faible coût en vue d'obtenir un financement privé à coût beaucoup plus élevé pour l'infrastructure publique. Le modèle initial de la BIC était une version de partenariat public-privé. Or, aucun des projets en PPP du Canada ne s'est visiblement traduit par une optimisation des ressources. Ils ont plutôt été fondés sur des calculs gonflés du risque évité et des taux d'actualisation gonflés afin de minimiser les coûts futurs de façon à justifier ce qui est, au fond, un financement hors bilan très dilaté de l'infrastructure publique.
Dans son examen de 74 PPP de l'Ontario, la vérificatrice générale de l'Ontario a conclu que les évaluations de leur rentabilité étaient foncièrement erronées et qu'ils coûtaient environ 28 % et 8 milliards de dollars de plus que s'ils étaient financés, selon quelque autre formule, par l'État. Il est insensé que les infrastructures publiques soient financées à des taux de financement privé de 7 % et plus, alors même que les gouvernements peuvent emprunter à une fraction de ces taux, soit actuellement à moins de 2 % sur 30 ans. Aucun propriétaire de maison, aucune entreprise, n'agirait ainsi. Il est d'autant plus absurde de recourir actuellement à un financement privé beaucoup plus coûteux pour l'infrastructure publique, alors que le gouvernement fédéral est si prodigue de fonds publics à faible coût pour les prêts aux entreprises privées par l'entremise de la BDC, d'EDC, de la SCHL et, plus récemment, du CUEC.
L'unique raison d'être des PPP est de permettre un financement hors bilan et de donner au secteur financier des possibilités lucratives d'investissement à faible risque, aux frais des contribuables pour des décennies à venir. Si ces projets étaient réellement privatisés, nous nous retrouverions sans aucun doute avec une infrastructure vraiment inadéquate, comme c'est le cas au Royaume-Uni. Un récent sondage mené auprès d'entreprises du Royaume-Uni a révélé que les trois quarts étaient insatisfaites de l'état de l'infrastructure, si bien qu'il y a un début de renationalisation.
Dans un rapport que j'ai rédigé il y a quatre ans, j'ai fait valoir que le modèle de la BIC était vicié et que le gouvernement fédéral devait la remplacer par une véritable banque publique de l'infrastructure, semblable à la BDC, à la CDEE et à la SCHL. Je suis soulagé de pouvoir dire que l'expérience des quatre dernières années a montré que les critiques de la BIC avaient vu juste. Même Bay Street et le secteur financier canadien étaient très sceptiques à l'égard de la BIC, et celle-ci a eu du mal à trouver des projets dans lesquels investir, exception faite du REM. Elle est loin d'avoir atteint le ratio de financement privé-public de 4 à 1 proposé au départ.
Après quatre ans, le REM est le seul projet dont la réalisation correspond quelque peu à ce qui était projeté à l'origine, mais on peut difficilement le considérer comme un succès. Il est controversé — l'examen environnemental ayant fait voir d'importants problèmes — et, même s'il va de l'avant, il accusera un retard de plusieurs années et entraînera probablement un dépassement considérable de coûts. Cependant, je suis heureux de pouvoir dire que je ne vois pas d'un mauvais œil que la BIC n'ait pas réussi à concrétiser sa vision initiale. En effet, je pense que, devant cet échec, le gouvernement et la BIC ont commencé à opérer un redressement.
Bon nombre des projets auxquels participe la BIC n'ont pas obtenu de financement du secteur privé, du moins pas encore. Ce qui se produit plutôt, c'est que les fonds fédéraux destinés à des projets dans le secteur parapublic ont un effet de levier et attirent un financement d'autres sources publiques, ce qui est une très bonne chose. On semble être en train de remodeler la BIC pour en faire une banque qui ressemble davantage à ce que j'avais suggéré, et j'aimerais féliciter le gouvernement et le ministre d'avoir amorcé ce virage. Les autres initiatives prévues semblent excellentes, notamment celles des autobus à émission nulle et de la modernisation des bâtiments commerciaux. Elles tireront parti d'un financement public à faible coût pour aider les secteurs public et privé à faire de grands progrès dans la transition vers une économie plus durable.
J'exhorte le gouvernement à aller plus loin dans cette voie et à transformer la Banque de l'infrastructure du Canada en une véritable banque d'infrastructure verte pour le Canada. La Banque devrait également mettre en place des fonds et des programmes dans d'autres domaines afin de procurer des fonds publics à faible coût pour des projets tels que les projets communautaires d'énergie renouvelable et l'amélioration énergétique des infrastructures publiques, notamment les écoles, les hôpitaux et le logement social publics et à loyer modique, dans les municipalités et les communautés autochtones, ainsi que certains projets privés et sans but lucratif. Comme la BIC a un seuil élevé pour l'examen et l'approbation des projets, elle pourrait s'associer à des agences de développement régional pour offrir plus généralement ces programmes de financement. La BFI pourrait également profiter de ces projets pour émettre des obligations vertes assorties d'une garantie du gouvernement fédéral afin de procurer des fonds supplémentaires pour les nombreux investisseurs intéressés par l'investissement à impact social.
Une chose que la Banque ne devrait pas faire, c'est d'utiliser le financement privé à coût élevé pour privatiser l'infrastructure publique. Pour aider les Canadiens à se remettre de la pandémie et à mieux reconstruire, il y a beaucoup de choses vraiment importantes et passionnantes qui pourraient et devraient avoir sa préférence.
Merci beaucoup de votre attention. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions et de discuter de ces questions avec vous.
:
Je vous remercie de m'avoir invité à participer à votre étude.
Je dirai d'abord que le SCFP convient que l'investissement dans l'infrastructure est l'un des meilleurs moyens de stimuler la croissance économique. Je pense que nous sommes tous d'accord là-dessus.
Je dirais ensuite que la Banque de l'infrastructure du Canada n'est pas ce qu'on nous avait annoncé. En 2015, bon nombre d'entre nous, de tous les horizons politiques, avons été emballés par l'idée d'une banque publique de l'infrastructure. Le but de cette banque publique qui était proposée était de fournir du financement à faible coût pour des projets d'infrastructure. Il y a de très bons exemples de banques publiques de l'infrastructure, tant à l'étranger qu'au pays. Elles offrent des prêts à faible taux d'intérêt aux secteurs public et privé pour des projets d'infrastructure de diverses tailles. Il s'agit d'entités publiques qui ont pour fonction de regrouper des capitaux et de répartir le risque. L'État peut garantir les obligations sur les marchés financiers, de sorte qu'il s'agit d'investissements stables et très attrayants.
Au Canada, la Municipal Finance Authority, de la Colombie-Britannique, est un bon exemple de ce que la Banque de l'infrastructure pourrait être. Initialement alimentée par des fonds publics, la MFA a évolué de façon à offrir non seulement un financement d'immobilisations à long terme, mais aussi une gamme d'instruments financiers aux municipalités, parfois en partenariat avec des institutions financières privées.
Je pourrais aussi mentionner, comme M. Sanger l'a fait, la Société canadienne d'hypothèques et de logement, la Banque de développement du Canada et EDC, tous des établissements de crédit qui offrent des prêts à faible coût, bien en deçà des taux créditeurs pratiqués dans le secteur privé. La BIC, de son côté, offre aux Canadiens une plus faible optimisation des ressources. Le gouvernement fédéral peut emprunter à des taux nettement inférieurs à ceux du secteur privé, des taux historiquement presque à leur plus bas, ce qui rend beaucoup plus coûteux tout projet financé à partir de fonds de capital-investissement. Cela ne concorde pas avec les pratiques exemplaires.
Voici trois choses que la BIC pourrait faire dans l'immédiate pour devenir un bailleur de fonds plus utile pour l'infrastructure publique.
La première serait de financer directement des projets. C'est le moyen le plus rapide et le plus efficace de construire des infrastructures et de commencer à combler les lacunes dans ce domaine. Le gouvernement le fait déjà avec succès par le truchement du Fonds de la taxe sur l'essence. Comme je l'ai mentionné, nous avons ici d'autres bons exemples d'institutions publiques de financement. Pourquoi alors n'envisage-t-on pas un modèle qui a fait ses preuves, plutôt qu'un modèle qui manifestement a échoué?
Deuxièmement, il faut abandonner le mandat des PPP. La privatisation et les PPP ne fonctionnent pas quand il s'agit de l'infrastructure publique ou des services publics. Les pays qui se sont engagés dans cette voie ces dernières décennies font marche arrière. En effet, une étude menée en 2019 par le Transnational Institute, à laquelle nous avons contribué, a révélé plus de 1 400 cas, dans 58 pays, d'infrastructures et de services publics, privatisés ou en PPP, qui avaient été réintégrés dans le secteur public. Pourquoi? Parce que la privatisation et les PPP ont échoué. Il s'agit d'un modèle sans avenir pour le secteur public et, en ce moment, tout à fait insuffisant pour relever les grands défis de notre époque, notamment le changement climatique, les inégalités et l'aggravation des crises de santé publique. Seul un secteur public robuste est en mesure de le faire.
Troisièmement, il faudrait modifier le modèle de gouvernance pour que les provinces et les municipalités aient leur mot à dire. Un modèle de gouvernance qui n'exclut pas les intervenants municipaux, mais les inclut, permettra à la BIC de mieux protéger l'intérêt public.
Merci de votre attention. Je vais céder le reste de mon temps à mon collègue M. Vick.
:
Bonjour. Merci de m'avoir invité.
Comme M. Ramsay l'a dit, cette banque pourrait être très utile aux municipalités, et le SCFP souhaiterait qu'il en soit ainsi. Le problème tient au fait qu'on ne peut pas réaliser des projets publics dans l'intérêt public en laissant les investisseurs contrôler les immobilisations et prendre des décisions en fonction de leur marge bénéficiaire. Si on le fait, on se retrouve avec certains des problèmes que nous avons eus avec la Banque. C'est créer une situation lourde de conséquences que d'accepter que le public perde la responsabilité, la surveillance et le contrôle des projets d'immobilisation et que l'infrastructure ne soit pas construite à l'endroit et de la façon qui seraient dans le meilleur intérêt du public, mais à l'endroit et de la façon qui seraient les plus profitables pour l'investisseur.
[Français]
Le Réseau express métropolitain, ou REM, à Montréal, est l'exemple parfait. Soyons clairs: le Syndicat canadien de la fonction publique, ou SCFP, est en faveur d'investissements massifs dans le transport en commun. Honnêtement, j'espère avoir tort, parce que je veux que le REM soit une réussite, puisque j'habite à Montréal.
Je vais vous donner quelques exemples de conséquences néfastes que peut avoir le fait de maximiser les ristournes au détriment de l'intérêt public.
[Traduction]
L'annonce de la première phase du REM faisait état de 24 nouvelles stations, mais, en fait, 12 de ces stations étaient celles d'un train de banlieue déjà électrifié, qui était presque neuf et qui fonctionnait très bien. C'était le plus performant de nos trains de banlieue, mais nous allons le détruire et dépenser 1,2 milliard de dollars pour reconstruire ce nouveau REM exactement sur le même parcours. Je pense que la plupart diraient que ce n'est pas de l'argent bien dépensé, puisque que nous aurions pu utiliser ce même montant pour améliorer le transport en commun dans les secteurs où il est lacunaire et où les gens réclament un meilleur service depuis des années.
Une loi a également été adoptée pour que le REM et la construction le long de deux de ses axes soient complètement exclus des évaluations environnementales passées et futures. Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de gens ici qui pourraient me dire que c'est dans l'intérêt de l'environnement ou du public…
Je tiens d'abord à souligner que je m'adresse à vous depuis le territoire non cédé du Traité no 8 de ma nation, la Première nation de Fort Nelson, qui se trouve dans la région nord-est de la Colombie-Britannique.
Je suis accompagné aujourd'hui du directeur exécutif de la coalition, Niilo Edwards, qui dirige la prestation des services de notre organisme à nos membres.
La coalition est un organisme à but non lucratif, apolitique et dirigé par des gens des Premières Nations. Notre mandat consiste à procurer à nos membres une capacité impartiale et indépendante en affaires et à les aider à prendre des décisions d'affaires éclairées concernant leur participation aux grands projets d'infrastructure et de mise en valeur des ressources naturelles.
Un peu plus de 70 Premières Nations de partout au Canada sont membres de la coalition. Nous sommes actuellement actifs dans cinq grands projets qui représentent, au total, des coûts d'investissement de 7 milliards de dollars.
Nous croyons que la Banque de l'infrastructure du Canada a un rôle à jouer pour combler un manque critique d'accès à des capitaux par les Premières Nations et tous les peuples autochtones. L'accès à des capitaux à des taux concurrentiels est un obstacle à une large participation économique des Autochtones aux grands projets. Les marchés financiers exigent qu'un certain niveau de capitaux propres soit mis à risque avant d'accorder des prêts aux conditions commerciales normales. L'exigence de capitaux mis à risque constitue un obstacle pour la plupart des communautés autochtones du Canada, qui n'ont pas les moyens financiers de satisfaire aux conditions de base établies par les marchés financiers.
Pour le Canada, l'inaction risque de compromettre le climat d'investissement, ainsi que la croissance économique, qui serait par ailleurs stimulée par de nouvelles activités. Pour les communautés autochtones, l'inaction signifie le maintien du statu quo, la stagnation du niveau de vie et l'absence de progrès vers l'autodétermination.
En 2019, la First Nations Major Projects Coalition s'est lancée, à la demande de 12 Premières Nations, dans une participation à un fonds d'investissement commercial en temps réel. Dès le départ, elle a soutenu le projet de nos membres de former une société en commandite. Nous avons présenté une soumission, formé un partenariat de soumissionnaires avec deux autres investisseurs institutionnels et effectué un sondage commercial sur le marché, le tout en l'espace de cinq mois.
Cet exercice s'est soldé par un coût de renonciation pour les Premières Nations, puisqu'elles ont été forcées de retirer, assez tard dans le projet, leur participation au capital en raison du coût non concurrentiel du capital. Ce résultat confirme la position de la coalition, qui constate que les marchés financiers demeurent difficiles pour les Premières Nations qui cherchent à accroître la compétitivité du coût du capital sans un rehaussement du crédit apporté par le gouvernement ou par des tiers.
Il nous semble que la BIC a été créée en partie pour répondre aux besoins financiers de projets qui sont commercialement viables, mais qui ne sont peut-être pas admissibles au financement traditionnel sur les marchés financiers. Le Canada n'a pas de stratégie nationale pour favoriser l'accès aux capitaux par les Autochtones et, de ce fait, l'élargissement du mandat de la BIC pour y inclure des prêts sous forme de prise de participation dans le but de soutenir la propriété autochtone de grands projets permettrait de corriger cette lacune.
Pour cela, il n'est pas nécessaire d'alourdir la bureaucratie gouvernementale ou d'imposer de nouvelles charges aux contribuables. Ce qui entraîne un coût, c'est le fait de ne pas élargir l'accès au capital pour soutenir la participation à la propriété par les communautés autochtones. Les retards et l'augmentation des coûts liés à l'obtention du consentement éclairé des peuples autochtones pour la réalisation de grands projets sur leur territoire ont une incidence sur l'avenir économique des Canadiens autochtones et non autochtones.
Une analyse récente de quatre grands projets, effectuée par la Banque Nationale, a permis de constater une augmentation de 28,5 % du coût moyen des projets et un retard de près de trois ans du calendrier de construction moyen en raison de délais non respectés et de diverses poursuites judiciaires.
En même temps, la façon dont le monde investit change. Les placements durables basés sur les normes ESG sont en hausse. Les investisseurs veulent savoir quelles seront les répercussions socioéconomiques de leur investissement sur les populations autochtones et non autochtones avant de décider d'investir ou non.
Le Canada doit agir pour soutenir une stratégie nationale d'accès aux capitaux par les Autochtones, à défaut de quoi le risque pour les investisseurs augmentera au Canada et entraînera des tendances de fuite et de non-attraction des capitaux.
Notre coalition estime que l'inclusion des nations autochtones en tant que participantes au capital est un moyen très efficace d'obtenir leur consentement éclairé aux projets de mise en valeur des ressources naturelles et de leur assurer d'en tirer des avantages et d'en contrôler les répercussions environnementales et sociales.
À l'heure actuelle, le goulot d'étranglement pour nos nations, c'est l'accès aux capitaux. La Banque de l'infrastructure aurait un rôle naturel à jouer pour éliminer ce goulot et relancer la croissance économique.
Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Mussi cho.
Lorsque la Banque de l'infrastructure du Canada a été créée en 2017, nous attendions avec impatience les nouveaux partenariats public-privé qui auraient pour effet d'accroître les dépenses pour des projets d'infrastructure partout au Canada. Ces investissements sont essentiels à la création d'emplois et à la croissance de notre secteur et de l'économie. Cependant, nous sommes déçus du retard dans l'engagement de ces dépenses prévues pour les projets d'infrastructure, y compris les 35 milliards de dollars qui ont été initialement attribués à la BIC. Les données détaillées ne sont pas facilement accessibles, ou alors je n'ai pas pu les trouver, mais il semble que la BIC a participé à 12 ou 13 projets. Cinq seulement d'entre eux ont bénéficié d'engagements financiers, de l'ordre de 4 milliards de dollars, et seulement une petite partie de cette somme — 1,2 milliard de dollars, je crois, comme je l'ai entendu plus tôt — a été affectée à un projet actif.
Il semble que les avantages découlant de ces investissements n'aient d'importance réelle qu'à long terme. Il est certain que les projets à long terme, de grande envergure, sont importants pour la modernisation et la transformation de l'infrastructure du Canada dans l'avenir. Toutefois, ils ne règlent pas les problèmes plus immédiats auxquels sont confrontées les collectivités et ceux que connaît actuellement l'industrie de la construction.
L'industrie de la construction a obtenu de bons résultats en 2020, mais des signes indiquent que 2021 pourrait être une année beaucoup plus difficile pour le secteur en raison d'un certain nombre de problèmes liés à la chaîne d'approvisionnement, au perfectionnement de la main-d'œuvre et à l'accès limité au financement public et privé qui est à la source des projets. La Banque de l'infrastructure du Canada cible des secteurs d'investissement très précis et, même s'ils sont tous essentiels pour le Canada, le travail dans ces secteurs ne concerne qu'une partie de l'industrie de la construction. D'autres secteurs de la construction sont tout aussi importants pour soutenir et stimuler la croissance dans les collectivités de toutes tailles et devraient faire partie d'un plan d'infrastructure.
Le plan de croissance de la BIC pourrait corriger certaines des lacunes auxquelles sont confrontés les entrepreneurs spécialisés, qui sont, bien entendu, engagés dans la construction de nouvelles installations de transport, dans les équipements des réseaux à large bande, dans la rénovation et dans les infrastructures vertes. Cependant, encore une fois, cela ne représente un avantage pour eux qu'au moment où ces projets sont en chantier, ce qui n'est pas tout à fait la même chose que s'ils sont prêts à démarrer. Il est impératif d'investir dès maintenant dans l'industrie de la construction pour assurer la croissance économique et la prospérité au moment où nous nous remettons de la pandémie de la COVID-19. Toutefois, compte tenu des décalages systémiques entre les étapes de planification et les dates de démarrage des projets, il est peu probable que les dépenses d'infrastructure, même si elles sont accélérées, atteignent un niveau tel qu'elles puissent aider, avant la fin de 2021, l'industrie à composer avec les répercussions de la pandémie.
Il y a un manque apparent de travail qui se profile à court terme à l'horizon pour l'industrie. Lorsque les perspectives du marché de l'industrie sont incertaines, elles tendent à freiner l'investissement et le perfectionnement de la main-d'œuvre, malgré les prévisions à long terme de pénuries de main-d'œuvre. Sans des investissements dans de nouveaux projets de construction, les entrepreneurs spécialisés hésiteront à embaucher à court terme, car ils seront réticents à accroître et à maintenir leurs effectifs. Cette hésitation du fait de l'incertitude entourant les travaux futurs a des répercussions importantes sur les programmes de formation et rend difficile de soutenir des initiatives pour attirer plus de gens dans les métiers. Sans la capacité de créer des emplois et de faciliter le perfectionnement de la main-d'œuvre, l'industrie sera aux prises avec d'importants défis pour répondre aux demandes futures en matière d'infrastructure au Canada.
Il faut apporter des ajustements à court terme au financement des infrastructures pour traverser les passages difficiles où navigue l'industrie. Il faut également avoir une vision claire et lointaine des travaux futurs — je crois qu'un plan de 25 ans a été mentionné dans l'un des exposés — qui inspirera confiance et permettra à l'industrie d'optimiser son rôle dans la reprise économique du Canada. Nous avons hâte de voir comment la BIC évoluera pour soutenir ce rôle. L'industrie de la construction a toujours été un moteur de croissance économique au Canada, et nous sommes prêts à contribuer au redressement de son économie.
Merci. Je serai heureuse de répondre à vos questions.
Bonjour, monsieur le président et membres du Comité.
Je m'appelle Ryan Riordan. Je suis professeur de finances à la Smith School of Business de l'Université Queen's. Je suis aussi, et c'est probablement la raison de ma présence ici, le directeur de la recherche à l'Institute for Sustainable Finance. Il s'agit d'un carrefour unique en son genre qui réunit dans un travail de collaboration des gens du milieu universitaire, du secteur privé et du secteur gouvernemental. Notre seul objectif est d'accroître durabilité de la capacité de financement du Canada.
Je tiens à vous remercier de me donner l'occasion de comparaître aujourd'hui au nom de l'institut et de contribuer à l'étude sur la Banque de l'infrastructure du Canada.
J'aimerais faire deux divulgations proactives. Premièrement, l'Institute for Sustainable Finance bénéficie du soutien de l'Université Queen's, de l'Ivey Foundation, de la Fondation McConnell, de la McCall MacBain Foundation et de la Chisholm Thomson Family Foundation. Fait important, en novembre 2020, les cinq plus grandes banques du Canada — la Banque TD, la Banque Scotia, la CIBC, la BMO et la Banque Royale du Canada — ont annoncé un don de 5 millions de dollars à l'ISF. Deuxièmement, et c'est plus pertinent dans le contexte actuel, je tiens à dire qu'Ehren Cory, président-directeur général de la Banque de l'infrastructure du Canada, est membre du conseil consultatif de l'Institute for Sustainable Finance depuis février 2021.
Dans la poursuite des objectifs de l'institut, nous avons établi un réseau canadien de financement durable, qui est un réseau national indépendant de recherche et d'éducation composé de 73 universitaires provenant de 23 universités de partout au Canada.
Pour revenir à l'objet de l'étude du Comité, j'aimerais souligner un rapport publié en septembre 2020 par l'ISF, intitulé « Capital Mobilization Plan for a Canadian Low Carbon Economy ». Il s'agit d'un rapport de recherche historique qui a fourni un plan d'investissement concret, axé sur des données, pour la transition du Canada vers une économie à faibles émissions de carbone. Dans l'étude, nous avons examiné les investissements régionaux et sectoriels nécessaires pour atteindre la cible fixée dans l'Accord de Paris pour 2030, soit une réduction des émissions de carbone de 30 % par rapport à 2005.
La conclusion la plus importante de notre rapport est que le Canada aurait besoin d'un investissement d'environ 128 milliards de dollars au cours des 10 prochaines années pour atteindre ces objectifs. C'est considérable, sans doute, mais c'est loin d'être impossible. Pour vous donner un peu de contexte, et je parlerai bientôt du secteur privé, l'investissement annuel de 12,8 milliards de dollars représente 0,62 % du PIB du Canada en 2018 ou 2,7 % des recettes fiscales provinciales annuelles.
Pour utiliser un comparateur du secteur privé, cela représente moins de 10 % des dépenses annuelles d'immobilisation des entreprises cotées à la TSX. En fait, si les grandes entreprises canadiennes cotées en bourse consacraient seulement 5 % de leurs dépenses annuelles d'immobilisation à des projets de réduction des GES au cours de la prochaine décennie, cela représenterait plus de la moitié de l'investissement nécessaire pour atteindre nos objectifs de 2030. Il importe de signaler qu'il existe déjà d'importantes indications qui donnent à penser que des capitaux privés sont engagés à cette fin et qu'ils arrivent déjà.
Comme nous l'avons souligné dans notre rapport, la Banque de l'infrastructure du Canada serait, parmi les nombreux mécanismes de mobilisation de capitaux privés, un moyen efficace d'encourager et de stimuler les partenariats public-privé.
Le rapport a dégagé quatre secteurs d'importance critique, à savoir le secteur du bâtiment, les transports, le secteur pétrolier et gazier et celui de l'électricité. Fait notable, ces quatre secteurs comptent pour 70 % des émissions du Canada.
Le secteur du bâtiment est celui qui offre le plus de facilité, étant le seul où nous avons déterminé que la réduction des émissions de carbone serait moins coûteuse que leur maintien au niveau actuel, si bien qu'une petite incitation financière ou comportementale dans ce secteur nous aiderait à réaliser d'importants avantages environnementaux, mais aussi économiques.
Le secteur des transports est évidemment d'une grande importance dans un pays aussi vaste que le Canada. C'est dans ce secteur que les enjeux sont les plus grands. Les partenariats public-privé peuvent constituer un moyen efficace d'y mobiliser des capitaux.
L'électricité et le secteur pétrolier et gazier représentent de grandes gageures qu'il nous faut gagner. Les efforts de coopération entre ces deux secteurs aideront à accélérer le mouvement de nos capitaux et la réorientation de nos compétences du secteur des hydrocarbures à celui de l'électricité.
Nous nous attendons à ce que le flux de capitaux se maintienne et s'accélère au cours de la prochaine décennie, non seulement en dépit des défis économiques particuliers causés par la pandémie, mais aussi à cause d'eux.
Des mécanismes de financement comme les obligations vertes, les obligations de transition, les fiducies de placement vert et les modèles de financement mixte sous forme de partenariats public-privé contribueront à donner des assises à ces nouveaux moyens de financement.
Enfin, l'ISF et moi-même croyons que le Canada doit investir dans une solide infrastructure de collecte de données et de production de rapports qui permettra à nos entreprises publiques et privées de faire savoir haut et fort qu'elles réussissent à diminuer leur incidence sur environnement. L'obtention, en temps opportun, de données environnementales pointues et accessibles aideront le gouvernement et la BIC à cerner les possibilités de programmes d'investissement les plus avantageux. Fait important, elle contribuera également à attirer au Canada les capitaux privés, nationaux et étrangers, nécessaires pour financer la transition du Canada vers une économie à faibles émissions de carbone.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie encore une fois. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
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Merci, monsieur Riordan. Je vous en suis reconnaissant. Excellent travail.
Chers collègues, il nous reste 15 minutes avant le vote. Je ne sais pas s'il y a des députés qui doivent venir à la Chambre à partir de leur bureau à Ottawa. Est-ce le cas pour certains d'entre vous? Est-ce que tout le monde a la possibilité de poursuivre un peu plus longtemps? J'envisageais de poursuivre jusqu'à cinq minutes avant le vote. Est-ce que cela vous convient?
Des députés: D'accord.
Le président:Parfait.
Nous avons établi la liste pour la première série d'interventions de six minutes.
Nous allons commencer par les conservateurs, avec M. Scheer. Il sera suivi de M. Sidhu, du Parti libéral, puis de M. Barsalou-Duval, du Bloc, et enfin de M. Bachrach, du NPD.
Monsieur Scheer, vous avez la parole pour six minutes.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Encore une fois, je tiens à remercier tous les témoins de leurs exposés très réfléchis. Bien que des points de vue différents aient été exprimés, je vous sais gré de tout le temps et des efforts que vous consacrez à cette question, ce qui ne sera sans aider le Comité à comprendre exactement ce qui ne va pas avec la Banque de l'infrastructure du Canada. Cette institution, qui était censée générer des milliards et des milliards de dollars en investissements du secteur privé pour aider à la réalisation de grands projets, n'a, bien entendu, réalisé aucun projet au cours des quatre années d'existence. Son récent rapport trimestriel montre qu'elle a perdu plus de 110 millions de dollars de l'argent des contribuables sans pouvoir montrer le moindre résultat en contrepartie.
C'est pour tirer au clair de telles situations que le Comité existe. Il est bon d'entendre le point de vue de ceux qui pourraient s'opposer philosophiquement aux PPP — les partenariats public-privé — et de ceux qui les appuient en principe, mais qui comprennent en quoi le modèle même de la Banque est vicié. C'est ce que le Comité tâche de comprendre.
J'aimerais d'abord m'adresser à Mme Skivsky au sujet de certaines de ses observations, en particulier à propos de sa perception d'un manque de travail imminent qui s'annonce. Beaucoup de municipalités nous disent qu'il y a beaucoup de projets prêts à démarrer et que de nombreuses demandes ont été présentées. D'où vous vient donc cette l'impression? Est-ce à cause d'arrangements de financement qui ont des ratés? Pourriez-vous approfondir un peu cette question.
:
Approbation, financement; il y a beaucoup de raisons. Et il y aussi a d'autres problèmes qui surgissent.
La chaîne d'approvisionnement d'un grand nombre de différents matériaux et produits a été perturbée. Nous n'avons pas récupéré toute la main-d'œuvre dans le secteur de la construction. Nous sommes toujours en deçà des niveaux d'avant la pandémie. Il y a beaucoup de problèmes, mais le fait de ne pas avoir de certitude quant au travail futur a toutes sortes de conséquences sur le plan de l'embauche, de l'investissement dans l'entreprise et de la capacité d'accepter du travail.
Quand il y a beaucoup de travail qui arrive d'un seul coup et que tout le monde semble très occupé, ce n'est pas non plus une bonne chose parce qu'il est très difficile d'entreprendre de nombreux projets dès le départ, surtout dans le cas des entrepreneurs spécialisés, que je représente. Il s'agit surtout ici de petites et moyennes entreprises. Lorsque ces entrepreneurs commencent un projet, ils doivent puiser pendant deux mois dans leurs réserves financière avant d'être payés. Cela tient tout simplement à la façon dont les contrats sont exécutés, si bien que celui qui accepte trop de travail risque d'avoir des ennuis de trésorerie et de se trouver en difficulté. L‘entrepreneur qui manque de travail doit néanmoins bien se garder de trop en prendre. Il y a beaucoup de plans au niveau fédéral — et nous en sommes heureux, bien entendu — pour examiner la situation de la main-d'œuvre et préparer son perfectionnement, mais pour cela, il faut des…
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Je vous remercie, monsieur le président.
Selon vous, monsieur Riordan, il faudrait avoir un plan financier pour pouvoir bien développer les infrastructures au pays. De plus, il serait aussi important d'avoir une vision responsable en matière d'environnement. Je pense que cela allait dans le sens de ce que M. Sanger disait tout à l'heure.
Cependant, lorsque la Banque de l'infrastructure du Canada investit dans un projet, c'est comme si c'était le gouvernement du Canada qui investissait dans ce projet. C'est ainsi qu'elle fonctionne, et c'est même ce que prévoyait la loi qui l'a constituée. On sait que le gouvernement du Canada a déjà décidé de ne pas respecter les normes environnementales des provinces ou des municipalités et de ne pas tenir compte des lois municipales.
Pensez-vous que cela représente un risque, notamment pour l'environnement?
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Merci, monsieur Sanger.
Je vais maintenant m'adresser à nos témoins du Syndicat canadien de la fonction publique, M. Vick et M. Ramsay. L'un ou l'autre d'entre vous peut répondre à cette question.
Plus tôt cette semaine, le Comité a entendu le témoignage de Mme Heather Whiteside, professeure à l'Université de Waterloo, qui a parlé du cadre de propositions non sollicitées récemment dévoilé par la Banque de l'infrastructure du Canada, qui priorise les intérêts des investisseurs au détriment de l'intérêt public.
Je me demande ce que vous en pensez et si vous avez des préoccupations au sujet de ce changement d'orientation qui a été annoncé, c'est-à-dire que la banque va présenter des projets au secteur privé et essayer de les intéresser à ces projets.
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Je pense y avoir fait allusion dans mes observations.
Cela se produit pour certains types de projets, et ce sont habituellement des projets de grande envergure. Ils ont une grande incidence, mais seulement sur une partie de l'industrie de la construction. Lorsque vous envisagez un mode de relance, vous voulez des projets de tailles et de types différents. Il ne peut pas s'agir uniquement de routes, de ponts ou d'infrastructures énergétiques. Certains doivent comprendre des immeubles, qu'on pense aux hôpitaux, aux centres communautaires, aux écoles et aux établissements de soins de longue durée. Bon nombre de ces autres types de projets pourraient être réalisés dans de petites collectivités et profiter à un segment plus important de l'industrie de la construction, ce qui aurait un effet multiplicateur très important sur les sommes qui y sont consacrées.
Pour ce qui est de l'emploi et de l'amélioration de la situation des collectivités, les retombées ne sont pas seulement les emplois immédiats que l'on voit chez les entrepreneurs spécialisés, mais aussi les emplois et les retombées économiques qui découlent de ces types de petits projets dans certaines collectivités.
Il faut un équilibre entre les deux. Comme je l'ai dit, les grands projets à long terme sont de nature transformatrice et ils sont nécessaires. C'est pourquoi nous avons besoin de cet horizon lointain de planification pour pouvoir les exécuter dans le cadre d'autres activités.
Le problème que nous avons, c'est qu'au fil des ans, il y a eu de nombreuses annonces, mais il a fallu beaucoup de temps avant que quoi que ce soit ne se concrétise dans le cadre d'un projet actif.
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Merci, monsieur le président.
Merci à nos témoins de leurs divers points de vue sur la Banque de l'infrastructure et sur la valeur des PPP.
Ma première question porte sur l'infrastructure à large bande comme projet et comme infrastructure. Je vais adresser ma question à Mme Skivsky, puis à la cheffe Gale.
Nous savons que l'infrastructure à large bande n'est plus un luxe, mais qu'elle est importante pour les Canadiens, surtout en cette période de pandémie. Je me suis rendu compte que de plus en plus de gens travaillent à domicile et apprennent à distance et qu'ils ont besoin d'avoir accès à des services à large bande fiables. Les projets d'infrastructure à large bande permettent de créer immédiatement des emplois et de l'activité économique, mais ce qui importe en l'occurrence, c'est que les Canadiens n'ont plus accès à des secteurs importants de l'économie en raison du manque d'infrastructure à large bande. Ces secteurs ne sont accessibles que numériquement.
Les PPP peuvent-ils aider à répondre aux besoins des gens partout au pays pour pouvoir travailler et apprendre grâce à des réseaux fiables? Ma question s'adresse à Mme Skivsky et à la cheffe Gale.
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Merci, monsieur Bachrach. Je vais essayer d'être bref.
Effectivement, il faut financer l'infrastructure dans les petites collectivités. Il y a un besoin criant partout au pays dans un certain nombre de secteurs différents, notamment du côté des services publics municipaux et d'autres améliorations et rénovations qui permettraient de réaliser les objectifs du gouvernement en matière d'atténuation des changements climatiques, qui sont valables et dont nous nous réjouissons.
Mais le modèle de la BIC, tel qu'il a été déployé à Mapleton, s'est révélé inadapté au contexte. Le rythme de lancement du projet, les consultations juridiques et la négociation des contrats ont coûté très cher à la municipalité, qui a dépensé des centaines de milliers de dollars pour finalement se retrouver sans projet. Quand ils ont comparé le projet de la BIC et la possibilité de le financer eux-mêmes au moyen d'une créance au titre du capital, ils se sont rendu compte qu'il leur en coûterait moins cher de le faire eux-mêmes parce qu'ils pourraient le financer à des taux beaucoup moins élevés.
À mon avis, ce serait le cas pour les petites municipalités du pays qui ont des ressources financières limitées et qui hésitent à conclure des PPP plus coûteux.
Il y a aussi une question que vous n'avez pas posée, à savoir la pertinence de la participation des sociétés privées aux décisions concernant l'infrastructure publique, si vitale pour la santé des Canadiens, comme l'eau et les eaux usées, mais vous ne l'avez pas posée, et donc...
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Merci, monsieur le président, et merci, monsieur Kram.
Voilà un bel esprit d'équipe.
Pour commencer, je m'adresserai à Mme Skivsky.
Au cours des dernières semaines, nous avons entendu beaucoup de témoins, dont certains ont exprimé leur frustration au sujet de projets mis en oeuvre par la Banque de l'infrastructure du Canada. Sans vouloir parler pour vous, je crois que c'est ce que vous avez dit aujourd'hui, madame Skivsky. Je vais vous laisser parler pour vous-même dans un instant.
J'aimerais tout d'abord citer ce qu'on m'a dit dans une municipalité lorsque je faisais mes propres recherches sur la Banque de l'infrastructure du Canada. « En résumé, nous estimons que le processus de la BIC et la structuration des projets étaient opaques. Nous n'avons pas pu obtenir de réponses claires ni d'engagements fermes de la part de la BIC. » Ils n'ont donc pas recommandé de travailler avec la BIC, ce qui est évidemment décourageant. Nous voulons tous que des emplois soient créés et que l'économie soit relancée.
Madame Skivsky, je m'adresse à vous parce que, au début, vous avez dit, je crois, que le délai de mise en oeuvre était trop lent pour favoriser la relance économique. J'ai gribouillé des notes à toute vitesse pendant que vous parliez, donc corrigez-moi si je me trompe.
Il y a évidemment de la frustration. D'après vous, est-ce que ce retard est lié à ce que je disais au sujet de l'opacité de cette banque et de la difficulté à obtenir des réponses? Est-ce que c'est ce qui remonte du terrain de votre côté?
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Il y a d'abord que les entrepreneurs spécialisés ne participent pas au premier niveau d'examen, où l'on s'interroge sur les types de projet et sur leur lieu de réalisation. Le décalage dont vous parlez n'est pas le propre de la BIC, il est applicable à beaucoup de dépenses d'infrastructure. Si on examine le plan d'infrastructure du Canada, on constate qu'il y a encore 15 milliards de dollars qui dorment. Le programme n'a toujours pas été déployé alors qu'il tire à sa fin. C'est le déploiement qui compte pour les gens avec et pour qui je travaille. Il faut que le projet soit actif et lancé et que des gens soient sur le chantier.
Je comprends que beaucoup de projets exigent un processus de planification plus long, mais, quand ces programmes sont annoncés, il y a un délai entre... Comme je l'ai déjà dit, l'expression « prêt à démarrer » ne veut rien dire dans le secteur privé. Ce qui veut dire quelque chose, c'est lancer les travaux. C'est toute la différence. Il ne s'agit pas d'une question de politique ni de savoir s'il est difficile de travailler avec la Banque. Je ne saurais le dire. Tout ce que je sais, c'est qu'il est très difficile de savoir où en sont les choses et dans quelle direction elles vont.
Entre une annonce et un projet, on me pose des questions. Il y a des entrepreneurs dans l'ouest du Canada à qui on aurait dû confier certains projets; ils ont même suivi tout le processus. Il y a quelque chose quelque part qui bloque puisqu'ils n'ont pas commencé, et, tant qu'ils n'ont pas commencé, de mon côté de la chaîne alimentaire, ils ne comptent pas.
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J'ai consulté le site Web et j'ai examiné les projets. Après quatre ans, il y a un... Je sais qu'un certain nombre de rôles consultatifs ont été assumés dans le cadre de certains projets, mais je ne connais pas la date exacte de beaucoup des projets auxquels participe la Banque. Un échéancier serait certainement utile.
Quand on annonce du financement pour un projet, avec un objectif, et que, au bout de quatre ans, j'apprends qu'aucun de mes membres n'a travaillé dans le cadre de ce projet, l'impact est nul à cette échelle. Que ce soit vrai ou non, si les gens ne savent pas que l'argent de la Banque ou de l'infrastructure a été dépensé pour quelque chose, il ne se passe rien.
Il y a un décalage. C'est cela, le problème. On fait une annonce, et tout le monde pense que c'est une excellente nouvelle, mais les entrepreneurs, eux, disent qu'il n'y a pas de projets concrets.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je souhaite la bienvenue aux témoins et les remercie beaucoup de leur présence au Comité aujourd'hui.
Ma première question s'adresse à M. Riordan ou à Mme Skivsky.
D'une part, le programme d'accélération des projets de la Banque de l'infrastructure du Canada travaille avec les promoteurs, fournit des conseils d'expert et aide à trouver des solutions créatives en matière de financement.
Pouvez-vous parler du rôle important que peut jouer la Banque de l'infrastructure du Canada et nous dire comment un financement créatif peut aider à mieux faire avancer les projets?
D'autre part, comme vous le savez, nous vivons une crise sanitaire. La pandémie est un problème mondial, et les Canadiens n'y échappent pas. La priorité de ce gouvernement et de tous les Canadiens est de relancer et de stimuler l'économie, ainsi que de créer des emplois pour les Canadiens. Les conservateurs, et particulièrement notre collègue M. Andrew Scheer, semblent par contre avoir une autre idée: ils demandent des compressions de plus de 12 milliards de dollars.
J'aimerais entendre votre opinion à ce sujet.
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Merci beaucoup de la question. C'était un échange intéressant.
J'espère me souvenir de la question. Je crois qu'il s'agissait d'exemples de projets susceptibles de catalyser les investissements dans l'économie et de la façon dont la Banque de l'infrastructure peut les faciliter.
Notre plan de mobilisation de capitaux a fait notamment ressortir le secteur de la construction. À mon avis, la Banque de l'infrastructure du Canada et les partenariats publics-privés, mais aussi des solutions financières novatrices, peuvent vraiment aider.
Il est étrange que l'investissement dans la rénovation énergétique soit à la fois bon pour l'environnement et pour l'économie, mais que les gens ne semblent pas s'y intéresser. Des établissements comme la Banque de l'infrastructure du Canada peuvent inciter les gens, financièrement ou idéologiquement, à prendre des décisions qu'ils ne prennent pas, et ce pour des raisons qui m'échappent, même si je suis économiste. Je pense que c'est un exemple très clair.
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Excusez-moi, monsieur El-Khoury. Votre temps de parole est écoulé.
Pour ces témoins, si vous voulez bien essayer de glisser une partie de votre réponse à cela dans certaines des réponses que vous donnerez à d'autres intervenants, ce serait parfait.
Je vais maintenant passer à la dernière série de questions et, oui, je vais essayer d'aller jusqu'au bout. Malheureusement, ce petit échange a pris un peu de temps, mais je vais essayer de compléter le prochain tour.
Nous allons commencer par M. Soroka, qui aura cinq minutes, suivi de M. Fillmore, puis M. Barsalou-Duval et M. Bachrach auront deux minutes et demie chacun.
Monsieur Soroka, vous avez la parole pour cinq minutes.
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Merci, monsieur le président.
Je ne vous blâme pas, mais il est honteux que les libéraux prétendent qu'une information est fausse et détournent l'attention de leur incapacité à mener des projets à terme.
Cela dit, ma question s'adresse à la cheffe Gale.
Mardi, un représentant du Conseil canadien pour le commerce autochtone nous a dit qu'il y a, en fait, 40 projets prêts à démarrer dans les communautés autochtones au Canada. Il semble que beaucoup de communautés déposent des demandes, mais n'obtiennent pas d'investissements.
Pourriez-vous nous dire pourquoi?
On peut répondre à cette question sous divers angles.
L'échelle et l'ampleur des projets sont variables. Pour faire suite aux commentaires de la cheffe Gale et pour préciser le mandat de notre organisation, nous nous intéressons aux projets dont le coût en capital est de 100 millions de dollars ou plus. Ce sont des projets d'infrastructure industrielle et d'exploitation des ressources naturelles à grande échelle.
Il y a évidemment des projets de moindre envergure qui sont très importants et utiles pour les communautés autochtones. Ces projets concernent principalement l'infrastructure communautaire. Il y a bien sûr aussi des projets de développement économique.
Quand il est question d'infrastructure communautaire, il faut trouver le moyen de réaliser des projets dans des délais plus courts à des coûts plus rentables. On pourrait, par exemple, donner aux communautés autochtones les outils et la capacité nécessaires pour réaliser des projets autonomes, puisque, après tout, ce sont nos membres qui savent ce qui est le plus important pour leurs communautés. Certaines initiatives, comme l'Institut des infrastructures des Premières Nations, sont en cours d'élaboration et permettront d'éliminer une partie de l'arriéré. Nous suivons évidemment la situation de près.
J'aimerais attirer votre attention sur une distinction. Il y a un lien entre la participation des Autochtones aux grands projets et l'infrastructure communautaire. Les communautés autochtones savent faire valoir leur participation économique à ces grands projets pour obtenir ces sources de revenus et créer de l'infrastructure communautaire grâce au produit de leur participation comme actionnaires. Notre organisation s'intéresse à cette possibilité.
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Merci, monsieur le président.
Comme les témoins et les membres du Comité le savent, le gouvernement a un plan d'infrastructure très ambitieux, à long terme et bien financé, un plan de plus de 180 milliards de dollars. Nous planifions vraiment pour les 50 prochaines années, pour nos enfants et nos petits-enfants, et pour l'avenir. On peut comprendre, et je comprends, que le rythme des projets lancés par la BIC, la Banque de l'infrastructure, puisse susciter de la frustration dans les premières années.
Permettez-moi de vous donner deux exemples pour situer ma question. Premièrement, au cours des quatre premières années, nous avons investi 13 milliards de dollars dans le transport en commun — en seulement quatre ans. C'est environ 13 fois plus que l'investissement du gouvernement précédent dans ce domaine. Deuxièmement, depuis mars dernier, depuis le début de la pandémie, notre gouvernement minoritaire a approuvé plus de 1 300 projets d'infrastructure. Par comparaison, le gouvernement majoritaire précédent n'en avait approuvé que 975 dans ses quatre dernières années d'exercice.
Malgré les critiques de nos collègues, la BIC a reçu beaucoup d'éloges. Cela dit, M. Scheer n'accorde peut-être pas beaucoup d'importance à l'opinion de la FCM, de Clean Energy Canada ou d'Efficacité énergétique Canada, qui ont fait d'excellents commentaires sur la BIC, mais il en accorde peut-être aux espoirs que fondent le premier ministre Kenney, la Fédération canadienne de l'agriculture, Les producteurs de grains du Canada et la National Cattle Feeders' Association sur le potentiel de la BIC. C'est bien étrange quand on songe aux compressions de 18 milliards de dollars imposées en 2019 par l'actuelle opposition conservatrice dans le domaine des infrastructures.
C'est dans cette perspective que j'aimerais poser une question à la cheffe Gale ou à M. Edwards au sujet des besoins des communautés autochtones en matière d'infrastructure. Je sais très bien que le milliard de dollars promis par la BIC est insuffisant. Cela ne comblera pas l'écart. C'est une aide considérable, mais il y a beaucoup à faire. D'après votre expérience et compte tenu de votre expertise, est-ce qu'il y a des secteurs précis ou des projets spécifiques que, dans les communautés autochtones, la BIC devrait privilégier en raison de leurs retombées.
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Oui, la rénovation fait partie de tous les métiers de la mécanique, de l'électricité, de la tôlerie, du chauffage et de la réfrigération. C'est un aspect important de leurs activités. D'autres métiers sont également concernés, mais peut-être pas autant.
Il a été question de regrouper un grand nombre de ces projets de rénovation, surtout les projets fédéraux, jusqu'à leur donner une très grande envergure. Il devient difficile de soumissionner dans ce cas, parce qu'il faut soumissionner pour l'ensemble, et c'est trop gros. Pour certaines collectivités ou certains secteurs, les petits projets, oui, je suis d'accord avec vous, pour la rénovation... Même la construction écologique dépend de la conception. Le principe est le suivant: « Vous concevez, l'industrie de la construction construira ».
Je ne veux pas avoir l'air de critiquer, mais l'annonce d'un programme n'est pas la même chose qu'un projet actif pour les entrepreneurs spécialisés. Il y a un décalage quelque part. Je travaille dans ce secteur depuis plus de 30 ans et j'ai souvent posé cette question au gouvernement fédéral, au gouvernement provincial, au gouvernement municipal, et, quelque part dans cette séquence, il y a un goulot d'étranglement.
Peut-être que c'est en train de changer et que c'est fluide, mais, justement, c'est difficile à déterminer. Beaucoup de projets ont été approuvés, et beaucoup d'argent dort encore dans des programmes. Et pourtant très peu de projets ont effectivement été financés. L'approbation se fait à un niveau au-dessus du monde dans lequel je travaille.
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Merci, messieurs Vick et Bachrach.
Je remercie tous les membres du Comité de leurs interventions.
Je remercie également tous les témoins, et c'est aussi important, du temps qu'ils nous ont consacré aujourd'hui. Je suis certain que vos réponses et vos témoignages feront partie du rapport final que nous présenterons à la Chambre. Merci encore du temps que vous nous avez accordé aujourd'hui.
Chers collègues, avant de lever la séance, je vous rappelle que la prochaine étude porte sur les investissements ciblés dans les infrastructures, proposée par la députée libérale Mme Jaczek. Ce sera notre prochaine étude, et tous les membres devraient commencer à réfléchir aux listes de témoins. Peut-être pourrions-nous fixer au vendredi 26 mars l'échéance de dépôt des listes préliminaires. Notre première réunion après le congé aura lieu le mardi 13 avril, et le greffier aura besoin de temps pour convoquer ces témoins. Si vous pouviez tous dresser ces listes d'ici là, ce serait parfait, et ce serait beaucoup plus facile pour le greffier.
Comme il n'y a pas d'autres points à l'ordre du jour, la séance est levée.