ENVI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON ENVIRONMENT AND SUSTAINABLE DEVELOPMENT
COMITÉ PERMANENT DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 8 décembre 1999
Le président (l'hon. Charles Caccia (Davenport, Lib.)): À l'ordre!
Bonjour, madame Girard-Bujold. Bienvenue au comité.
[Traduction]
Merci à vous, monsieur Lastewka, d'être venu si tôt, et à vous tous de permettre au comité de siéger et d'écouter des témoins qui ont fait tant de chemin pour comparaître devant nous. Les circonstances étant exceptionnelles, nous tenons cette séance avec un quorum minimal.
• 1535
Je souhaite la bienvenue à nos témoins, MM. Murphy et Drost.
Veuillez nous présenter vos exposés, en essayant de ne pas dépasser une dizaine de minutes, pour que nous puissions vous poser des questions. Sans plus tarder, je vous donne la parole et je vous remercie de vous être donné la peine de venir de si loin.
M. Bill Drost (sous-ministre de la Technologie et de l'Environnement, gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard): Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis Bill Drost. Je suis le sous-ministre de la Technologie et de l'Environnement de la province de l'Île-du-Prince-Édouard. Je vous présente mon collaborateur, Clair Murphy, qui est directeur des Ressources hydrologiques de l'île-du-Prince-Édouard.
Je vous remercie de prendre le temps de nous rencontrer aujourd'hui, étant donné les circonstances très difficiles ici, à Ottawa, que vous ne pouviez sans doute pas prévoir.
Je vous présente les excuses de mon ministre, M. Murphy, qui a lui-même des affaires à régler à l'Assemblée législative. Notre assemblée législative siège actuellement à l'Île-du-Prince-Édouard et un certain nombre de ministres n'y sont pas actuellement. D'ailleurs, certains d'entre eux sont ici même, à Ottawa. Le premier ministre a donc décidé hier soir que le ministre Murphy devait rester à l'Assemblée législative, puisque déjà bon nombre d'autres ministres étaient à Ottawa dans l'espoir d'y obtenir quelque argent. Il pensait qu'il était très important qu'ils viennent ici, mais qu'il conserve sa position en Chambre, et il avait donc besoin de ministres là-bas.
Cela n'enlève rien à l'importance du message que nous vous livrons aujourd'hui. Vous avez peut-être lu dans les journaux qu'au cours des derniers mois, il y a eu à l'île-du-Prince-Édouard des cas de perte de poissons, empoisonnés par des pesticides dans l'eau de ruissellement. Les médias locaux en ont beaucoup parlé, certains médias nationaux en ont fait leurs grands titres, et même des médias internationaux. Cela nous préoccupe fort, pour diverses raisons dont je ne vous parlerai pas aujourd'hui, faute de temps.
Je vais demander à Clair Murphy de vous présenter un bref exposé. Nous répondrons volontiers aux questions et accueillerons avec plaisir vos commentaires, mais auparavant, avez-vous déjà des questions?
Le président: Nous serons ravis de vous écouter, pour commencer.
M. Clair Murphy (directeur des Ressources hydrologiques, ministère de la Technologie et de l'Environnement, gouvernement de l'île-du-Prince-Édouard): Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis bien un Murphy, mais certainement pas le ministre de la Technologie et de l'Environnement de l'île-du-Prince-Édouard.
Encore une fois, monsieur le président, merci de nous donner l'occasion de nous adresser au comité cet après-midi. Nous avons envoyé un texte que je suivrai, aussi rapidement que possible. J'espère ne pas dépasser de beaucoup la quinzaine de minutes que vous nous proposez.
Notre ministère n'a pas la responsabilité de l'application de Loi sur le contrôle des pesticides de la province, mais il s'intéresse à de nombreux aspects du problème des pesticides. Je veux faire part au comité des événements récents qui préoccupent tous les habitants de l'Île-du-Prince-Édouard.
À l'Île-du-Prince-Édouard, un certain nombre de cas d'empoisonnement mortel du poisson attribuable aux pesticides ont été observés ces quelques dernières années. Pendant une période de cinq ans, soit de 1994 à 1998, on a signalé quatre cas d'empoisonnement mortel du poisson causé par les pesticides. L'été de 1999 a été particulièrement difficile: on a déploré huit cas d'empoisonnement mortel du poisson provoqué par les pesticides, pendant la saison de croissance.
Des concentrations élevées de pesticides ont été décelées dans des échantillons d'eau, de sédiments et de tissus de poisson prélevés au cours des enquêtes qui ont suivi. Il semble que les pesticides responsables des empoisonnements mortels du poisson ont été appliqués conformément aux directives figurant sur les étiquettes. Aucune preuve du contraire n'a été recueillie. Ces incidents remettent en question la pertinence des règlements existants actuels sur les pesticides, à l'échelon tant provincial que fédéral, et minent la confiance du public face au système d'homologation des pesticides.
Je sais que mon temps de parole est limité mais je veux insister sur certaines informations de base afin de mettre les choses en perspective.
L'industrie agricole et agroalimentaire fait partie intégrante de l'économie de l'Île-du-Prince-Édouard; cette industrie génère annuellement des rentrées de 310 millions de dollars, dont presque la moitié proviennent de la production de pommes de terre. Le marché mondial change rapidement et ce phénomène exerce des pressions additionnelles sur les systèmes de production existants. S'adapter à ces changements tout en s'efforçant d'utiliser des méthodes de production respectueuses de l'environnement est un véritable tour de force.
• 1540
La production de pommes de terre à l'Île-du-Prince-Édouard a
réagi aux pressions mondiales. Entre 1989 et 1999, la superficie
totale des terres utilisées pour la culture de la pomme de terre
est passée de 68 000 à 113 000 acres. Il y a un vif débat autour de
la question de savoir si la pérennité de l'environnement a été
sacrifiée pour permettre ces changements.
Actuellement, la superficie des terres disponibles pour la culture de la pomme de terre à l'Île-du-Prince-Édouard est évaluée à 250 000 acres. La production annuelle met en oeuvre 113 000 acres, ce qui fait qu'il n'y a rotation des cultures qu'aux deux ans en moyenne. Une rotation de trois ans ou plus est nécessaire pour assurer une production durable.
À l'Île-du-Prince-Édouard, compte tenu des méthodes actuellement utilisées, la production de pommes de terre est largement dépendante des pesticides. En règle générale, le producteur peut faire de 12 à 15 applications de pesticides pendant une seule saison. Ajoutons à cela le fait que les sols de l'Île-du- Prince-Édouard, s'ils ne sont pas correctement entretenus, sont très érodables et que le changement climatique laisse croire que les conditions météorologiques seront de plus en plus variables. Étant donné les tempêtes plus fréquentes et plus violentes, il semble que le risque de lessivage des pesticides appliqués sur les terres agricoles ne diminuera pas mais que, au contraire, il pourrait s'intensifier.
Le gouvernement, l'industrie et le grand public reconnaissent tous les grands défis que présente la viabilité de la culture de la pomme de terre à l'Île-du-Prince-Édouard. On prend des mesures pour s'attaquer à ces problèmes. Un comité d'action pour la lutte contre le lessivage des terres cultivées a été mis sur pied à la suite des cas d'empoisonnement mortel du poisson; ce comité a formulé des recommandations qui sont actuellement mises en oeuvre dans le but de réduire au minimum les risques que d'autres incidents de ce genre ne se produisent à nouveau. Mentionnons, par exemple, des programmes de financement mis en place pour aider les agriculteurs à élaborer des plans environnementaux en agriculture et pour offrir des incitatifs à l'utilisation des techniques de conservation des sols.
J'ai apporté des exemplaires du rapport du comité d'action, si vous désirez plus de détails sur les recommandations qui ont été faites.
Une autre initiative très importante prise à l'Île-du-Prince- Édouard est la stratégie alimentaire de l'Île-du-Prince-Édouard. Il s'agit d'une initiative de marquage et de commercialisation d'aliments de grande qualité produits à l'Île-du-Prince-Édouard dans le cadre d'un système de production respectueux de l'environnement. Tandis que nous progressons dans cette direction, dans le but d'accroître les rentrées économiques du secteur agroalimentaire et d'assurer l'utilisation de pratiques durables, nous avons d'autant plus de raisons de veiller à l'élimination des conséquences non voulues de l'utilisation des pesticides, y compris les dommages à la vie aquatique.
Je veux, par ces renseignements de base, bien faire comprendre que nous reconnaissons que le problème de l'empoisonnement mortel du poisson à l'Île-du-Prince-Édouard comporte de nombreuses facettes et exige des mesures appliquées sur de nombreux fronts différents. Le gouvernement provincial multiplie ses interventions. Il y a notamment l'adoption par la province, en juin dernier, d'une loi exhaustive sur les zones tampons. Il est désormais obligatoire d'établir des zones tampons pour tous les cours d'eau et les terres humides. Nous accélérons aussi l'élaboration de codes de pratiques pour divers types d'activités agricoles.
Cependant, d'après notre expérience, il faut également apporter des améliorations aux règlements fédéraux sur les pesticides en vue d'arriver à une solution. Dans ce but, nous vous proposons aujourd'hui sept améliorations dont nous voudrions discuter avec vous. Tout d'abord, parlons de l'accès à l'information conservée à l'ARLA. Au cours de l'enquête sur les divers cas d'empoisonnement mortel du poisson à l'Île-du-Prince- Édouard, des demandes de renseignements ont été présentées à l'ARLA. Dans certains cas, l'ARLA ne possédait pas le genre de renseignements que nous demandions. Par exemple, des résidus de pesticides ont été décelés dans des tissus de poisson pendant notre enquête mais l'ARLA n'était pas en mesure de nous renseigner sur les impacts des quantités de résidus de pesticides constatées sur la santé des poissons. Les données de base font défaut.
Dans d'autres cas, l'ARLA nous a fourni les renseignements demandés, mais pas toujours dans des délais raisonnables. Nous savions qu'on venait de terminer un examen spécial au sujet d'un pesticide sur lequel nous enquêtions, mais il a fallu attendre pendant environ un mois pour que le rapport soit publié.
Toutefois, le plus frustrant et le plus troublant de tout, c'est lorsqu'on nous disait que l'information demandée existait mais que l'ARLA ne pouvait pas la communiquer en raison d'accords de confidentialité conclus avec les fabricants de pesticides. On nous a dit de nous adresser directement aux fabricants de pesticides pour obtenir les renseignements voulus. La situation est problématique lorsqu'on en est rendu à compter sur le bon vouloir de l'entreprise qui fabrique le produit faisant l'objet d'une enquête pour obtenir des renseignements susceptibles de nuire à l'entreprise et à l'image de son produit. Monsieur le président, malgré tout le respect qu'on doit à l'idée de la confidentialité, il faut trouver moyen de permettre aux instances comme la nôtre qui font enquête d'avoir accès à des renseignements aussi cruciaux que ceux se rapportant à la toxicité de ces produits.
• 1545
Nous reconnaissons qu'une nouvelle loi sur les produits
antiparasitaires a été proposée et que celle-ci pourrait régler bon
nombre de ces problèmes. Nous demandons avec instance l'adoption et
l'application de cette loi. Toutes les données touchant à la santé
et au sort des pesticides dans le milieu, qu'il s'agisse de
produits anciens ou nouveaux, devraient être facilement disponibles
auprès de l'ARLA.
Une autre grave lacune de la base de données se rapporte aux effets synergiques d'une gamme de produits divers dont on connaît l'existence dans l'environnement.
Notre deuxième recommandation porte sur la nécessité de réévaluer les anciens produits, en tenant compte davantage des préoccupations environnementales pendant cette évaluation. Bon nombre des pesticides actuellement utilisés sont des produits anciens qui ont été homologués à une époque où les exigences réglementaires n'étaient pas aussi rigoureuses que les normes actuelles. Nous appuyons l'initiative actuelle de l'ARLA, soit la réévaluation de tous les pesticides homologués avant 1995. Nous voudrions que, si possible, le processus soit accéléré pour que la réévaluation soit terminée avant la date proposée, soit 2006-2007.
Le processus de réévaluation reposera dans une large mesure sur les examens effectués par l'agence américaine de protection de l'environnement, la U.S. Environmental Protection Agency. Si l'innocuité d'un pesticide est mise en doute dans l'examen effectué aux États-Unis et si des restrictions additionnelles sont imposées pour l'utilisation du produit, nous aimerions qu'un processus accéléré soit mis en place afin d'assurer que des mesures semblables seront prises rapidement au Canada, pour des utilisations similaires du pesticide en question. Il semble que cette initiative de réévaluation découle, en grande partie, des questions touchant à la salubrité des aliments, tant au Canada qu'aux États-Unis.
Nous déplorons le peu de cas fait des incidences environnementales; en effet, dans des réévaluations récentes, des produits très toxiques, par exemple le carbofuran, ont conservé leur homologation malgré les fortes objections des scientifiques du Service canadien de la faune d'Environnement Canada. Le gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard a été invité à prendre des mesures à la suite des inquiétudes soulevées par le Service canadien de la faune au sujet du carbofuran. Il est évident que les différentes provinces n'ont pas les ressources ni les compétences pour agir indépendamment de l'ARLA et que cet organisme doit se pencher sérieusement sur ces problèmes. Nous aimerions que l'ARLA fasse en sorte que les incidences environnementales possibles de ces pesticides soient considérées avec une attention égale dans le cadre des réévaluations.
La priorité de l'homologation des pesticides à faible risque est une autre question d'importance à nos yeux. Il faudrait considérer comme prioritaire le remplacement des anciens pesticides hautement toxiques par des produits nouveaux à faible risque ayant une sélectivité accrue et une toxicité moindre pour les organismes non visés. Mon ministre a écrit au ministre responsable de l'ARLA, M. Rock, pour lui demander de veiller à ce que l'agence s'engage plus à fond à accorder la priorité à l'homologation des nouveaux produits antiparasitaires à faible risque. Je tiens à en faire la remarque au comité, aujourd'hui.
Nous sommes également préoccupés par la surveillance après l'homologation des résidus de pesticides. L'ARLA devrait exiger que les fabricants de pesticides effectuent une surveillance additionnelle après l'homologation lorsque l'utilisation d'un pesticide a été autorisée. Au cours des dix dernières années, le gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard a dépensé des dizaines de milliers de dollars pour la surveillance des eaux de surface et des eaux souterraines en vue de déceler la présence de résidus de pesticides. Nous avons contacté les fabricants de pesticides dont les produits étaient visés par ces travaux de surveillance pour leur demander une aide financière. Un seul fabricant de pesticides a fourni une aide financière, minime. Nous avons l'impression qu'il faudrait plutôt imposer aux fabricants de pesticides la responsabilité de la surveillance après l'homologation dans les secteurs de grande utilisation dans le but d'établir avec certitude que ces produits n'ont pas d'effets néfastes sur l'environnement dans des conditions d'utilisation réelle. L'administration provinciale ne devrait pas assumer seule la responsabilité de garantir la salubrité des sources d'eau potable et des systèmes aquatiques, pour ce qui est des résidus de pesticides, auprès du grand public.
Nous sommes également préoccupés par le rétrécissement du champ d'intérêt de l'ARLA et par le fait que l'aide financière aux initiatives de recherche sur les pesticides, de surveillance et d'éducation du public ne fait plus partie du mandat de l'organisme. D'autres ministères fédéraux réalisent des programmes de recherche et de surveillance mais ce travail n'est que l'une des nombreuses tâches qui leur sont confiées et doit faire concurrence avec les autres programmes pour obtenir une partie des maigres ressource disponibles.
• 1550
Il faut que l'organisme central responsable de la
réglementation des pesticides au Canada s'engage sérieusement à
repérer et à financer les projets relatifs aux pesticides qui
pourraient ne pas trouver facilement leur place dans un secteur de
recherche précis relevant d'un autre ministère fédéral.
Aux dires de tous, les pesticides responsables des empoisonnements mortels du poisson à l'Île-du-Prince-Édouard ont été appliqués conformément aux directives des étiquettes exigées par la réglementation fédérale. Nous pouvons en déduire qu'il faut changer l'étiquetage de façon à mieux préciser le type de pratiques agricoles qu'il faudrait utiliser avant que l'application d'un pesticide ne soit autorisée.
Dans notre province, notre ministère a été prié instamment d'appliquer la loi provinciale sur la protection de l'environnement de façon plus rigoureuse à la suite des cas signalés d'empoisonnement mortel du poisson causé par les pesticides. Déjà, nous appliquons une politique de tolérance zéro dans le cadre de ces enquêtes et il est impossible d'être plus rigoureux dans l'application de la loi.
Il ne faut pas oublier non plus que la loi provinciale sur la protection de l'environnement est appliquée seulement après que le dommage a été fait. Le simple fait d'appliquer plus rigoureusement la loi ne peut entraîner des changements notables pour ce qui est de la diminution des risques d'empoisonnement mortel du poisson. Il faut plutôt des mesures davantage proactives ou préventives, pour l'étiquetage.
Nous sommes également préoccupés par le nombre insuffisant d'employés fédéraux affectés aux inspections qui sont chargés de la surveillance et de l'application des consignes des étiquettes concernant l'utilisation des pesticides. Nous avons l'impression que les responsabilités du gouvernement fédéral dans ce domaine ne font pas l'objet d'un soutien approprié sur le terrain et, dans ce cas également, on s'en remet aux autorités provinciales.
La dernière préoccupation dont je vais vous parler aujourd'hui se rapporte à la participation de l'ARLA aux enquêtes sur les incidents mettant en cause des pesticides. Nous sommes reconnaissants à l'ARLA des efforts déployés pour aider aux enquêtes sur les cas d'empoisonnement mortel du poisson à l'Île-du- Prince-Édouard, en fournissant des renseignements lorsque possible, et nous remercions l'organisme de sa participation à titre de membre du comité d'action pour la lutte contre le lessivage des terres cultivées, créé en 1999.
Cependant, nous invitons l'organisme à participer plus directement aux enquêtes visant à déterminer la cause, et les solutions possibles, de tout incident futur impliquant des pesticides, peu importe l'endroit au Canada. La participation directe de l'organisme est nécessaire pour s'assurer que les lois fédérales n'ont pas été enfreintes et pour déterminer les changements requis, le cas échéant, soit au niveau de l'étiquetage des produits visés, soit au niveau du système d'homologation et d'évaluation des produits comme tels.
Comme je l'ai dit au début de mon exposé, je ne veux pas laisser l'impression que nous voulons que l'ARLA s'occupe seule des problèmes posés par les pesticides à l'Île-du-Prince-Édouard. De nombreux groupes à l'Île-du-Prince-Édouard, y compris le gouvernement, les producteurs et l'industrie des pesticides, travaillent de concert au règlement de ces problèmes. Il existe certainement des responsabilités qui sont du ressort du gouvernement provincial et que nous devons accepter, mais nous avons également besoin d'un leadership solide de la part de l'ARLA et de sa participation pour que l'application des pesticides dans l'Île-du-Prince-Édouard puisse se faire de manière sûre et durable.
Dans mon exposé, j'ai voulu mettre l'accent sur certains des secteurs où, à notre avis, la réglementation fédérale sur les pesticides pourrait être améliorée. Je tiens à souligner encore une fois l'orientation stratégique importante et unique adoptée actuellement par le secteur agricole dans l'Île-du-Prince-Édouard avec l'appui du gouvernement provincial et, espérons-le, du gouvernement fédéral.
Nous voulons montrer au Canada et à l'Amérique du Nord une nouvelle façon de progresser en combinant les intérêts de notre économie agricole et la qualité de l'environnement. La transition ne se fera pas du jour au lendemain, mais nous connaîtrons le succès seulement si nous travaillons avec diligence en collaboration avec nos collègues fédéraux pour faire en sorte que les outils utilisés dans le secteur agricole, y compris les pesticides, soient conçus et utilisés de manière à assurer la protection de la qualité de l'environnement.
Voilà qui termine notre exposé, monsieur le président. Encore une fois, je remercie le comité pour cette occasion de nous exprimer. M. Drost et moi-même serons ravis de répondre aux questions du comité.
Le président: Merci, monsieur Murphy. C'était tout un marathon! Vous avez soulevé bon nombre de questions fort importantes.
On a l'impression que vous n'êtes pas l'un des plus chauds partisans de l'ARLA, mais nous verrons ce qui ressortira des questions.
[Français]
Madame Girard-Bujold, êtes-vous prête à commencer? Allez-y, s'il vous plaît.
Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ): Je tiens à vous remercier tous les deux d'être ici. Nous nous excusons si nous avons l'air un peu fatigués, mais c'est à cause de la situation actuelle.
Je constate que vous n'êtes pas venus ici pour faire le procès de l'ARLA. Vous êtes venus nous dire qu'il y a des choses à changer à l'ARLA et que vous avez des problèmes bien précis à l'Île-du-Prince-Édouard. Vous nous dites qu'il y a eu des problèmes de pesticides bien précis reliés aux poissons et à l'agriculture. Vous savez que notre comité étudie à l'heure actuelle ce qui se passe à l'ARLA et que nous ferons des recommandations sur le projet de loi qui sera déposé.
• 1555
Vous nous
avez fait part de beaucoup d'éléments dans votre
exposé. Vous dites que vous avez des
responsabilités au niveau de la province,
mais que vous n'avez pas suffisamment d'argent
et que vous voudriez qu'il y ait un leadership national
pour tout ce qui est lié aux pesticides. J'aimerais
que vous précisiez les modifications très
importantes qui devraient être apportées au mandat
de l'ARLA et que vous nous disiez à quel point l'ARLA
vous est indispensable pour vous aider à vous acquitter
de vos responsabilités
provinciales.
[Traduction]
M. Clair Murphy: Bon, je vais essayer de répondre à ces questions.
Nous sommes ici précisément pour voir si nous pouvons encourager des changements dans divers aspects se rapportant à l'homologation et à l'évaluation des pesticides. Nous aimerions que les produits à faible toxicité soient disponibles plus facilement et plus rapidement. C'est l'une de nos préoccupations clés.
La disponibilité des données relatives à la toxicité des composés employés actuellement est une question d'importance lorsqu'il s'agit de mener des enquêtes. Nous avons eu beaucoup de difficulté à obtenir des renseignements dans ces domaines.
Troisièmement, il y a aussi le fait que même si ces produits sont appliqués selon le mode d'emploi, nous avons quand même des problèmes en pratique. Certaines de nos pratiques de gestion des sols ne sont probablement pas conformes aux meilleurs codes de pratique. Que je sache, il n'en va pas autrement ailleurs au pays.
Ce sont là à mon avis des faits incontournables. Nous pouvons certainement améliorer nos pratiques de gestion des sols, mais entre temps, la réalité nous fait comprendre qu'il y a de graves problèmes de toxicité associés à ces produits. Le produit tombe de la plante cible, il est lessivé et a de graves incidences sur l'environnement aquatique.
Je dirais que ce sont là les principaux problèmes que nous voulions vous exposer aujourd'hui.
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Comment se fait-il que vous ayez tant de mal à obtenir de l'information de l'ARLA? N'avez-vous pas des contacts réguliers avec elle? Vous n'êtes pas en contact avec les bons intervenants? À quelles personnes devez-vous vous adresser? Nous dites-vous que vous n'êtes pas en mesure de savoir à qui vous devez vous adresser? Vous dites que vous avez des problèmes. Vous dites même que vous aviez demandé de l'information sur un pesticide et qu'on vous a répondu d'appeler le fabricant. Vous avez vraiment un gros problème. Je ne comprends pas pourquoi l'ARLA n'a pas pu vous donner de l'information. Aujourd'hui, sur Internet, on peut avoir beaucoup d'information, mais ils n'ont pas été capables de vous la divulguer. Est-ce qu'il y a des problèmes entre les personnes contacts?
[Traduction]
M. Clair Murphy: Non, c'est à cause d'un accord de confidentialité entre le demandeur d'homologation—le fabricant de pesticides—et l'ARLA. Si j'ai bien compris, lorsque les renseignements sur la toxicité sont fournis à l'ARLA pour fins d'évaluation, pendant l'homologation, le processus d'approbation, un accord leur interdit, pour des raisons de confidentialité et de secret commercial, de publier ou de communiquer ses renseignements. Voilà où est le problème. C'est une question de confidentialité. Ce n'est pas nécessairement que l'ARLA ne veut pas nous fournir le renseignement. Dans un cas dont j'ai parlé, on nous a renvoyés au fabricant californien, parce que l'ARLA estimait que ces renseignements appartenaient à l'entreprise, qui pouvait les partager avec nous si elle le souhaitait.
C'est une façon de faire que nous acceptons mal. L'information devrait être facilement disponible à partir d'un organisme central, afin que des instances comme la nôtre puissent y avoir accès sans problème. On pourrait certainement diffuser l'information sur Internet, où elle serait facilement accessible, afin que nous ne perdions pas des semaines à rechercher l'information quand nous faisons enquête sur une situation grave.
C'est donc une question de confidentialité. Malgré cela, tout en reconnaissant que la confidentialité est importante, je crois qu'il nous faut trouver une façon de rendre cette information disponible à des instances comme la nôtre. Nous pourrions peut-être avoir un accès différent de celui qui serait accordé au public, d'une façon ou d'une autre, pour que nous puissions obtenir facilement ces renseignements.
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Pourriez-vous préciser ce que vous voulez dire par «traiter différemment les populations en général»?
[Traduction]
M. Bill Drost: Je pense que ce que nous voulons dire, c'est que nous sommes un organisme qui veille à l'application des règlements. À l'Île-du-Prince-Édouard, par exemple, notre ministère compte environ 75 employés. C'est un petit ministère, dont l'effectif atteint peut-être 100 personnes, l'été.
Je pense qu'Environnement Canada a une personne sur le terrain, mais ni Environnement Canada ni mon personnel n'a accès à ces renseignements auxquels des organismes de réglementation devraient avoir accès. Au lieu de cela, l'information est protégée par des accords commerciaux conclus entre l'ARLA et le fabricant, à cause des secrets de fabrication. Le fabricant n'a aucune obligation de nous fournir les données, et si nous les obtenons, rien ne nous garantit qu'elles sont exactes.
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Dites-vous que l'ARLA pourrait vous donner cette information? Vous faites la mise en oeuvre de la loi sur le terrain et vous dites qu'il n'y a pas assez de fonctionnaires fédéraux pour vous aider sur le terrain. Vous dites avoir des problèmes. Vous voudriez avoir de l'information, mais l'ARLA ne veut pas vous en donner. Pensez-vous que l'ARLA devrait devenir une source de renseignements? Quand vous avez un problème, l'ARLA devrait vous renseigner au lieu d'invoquer l'entente de confidentialité qu'elle a avec les fabricants pour vous refuser l'information. Comment pourrait-on dénouer cette impasse?
[Traduction]
M. Bill Drost: Nous disons que la nature de la relation entre l'ARLA et le fabricant de pesticides doit changer, de manière que l'ARLA ait accès à l'information et puisse la communiquer à d'autres organismes de réglementation. Ainsi, s'il y a un problème, que ce soit à l'Île-du-Prince-Édouard, dans une autre province, ou dans le territoire juridiction d'une autre instance, l'ARLA pourra fournir facilement et rapidement l'information, et nous saurons que cette information est fiable. Au lieu de cela, l'engagement de l'ARLA de protéger les secrets commerciaux du fabricant de pesticides prime sur sa responsabilité de protéger l'environnement.
[Français]
Le président: Merci, madame Girard-Bujold.
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Les intervenants suivants seront M. Lastewka, M. Herron et le président.
M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je voudrais remercier les témoins de leur rapport. Il me semble qu'il se sont attaqués directement au problème, quitte à formuler certaines critiques, mais je pense que c'est ce qu'il convenait de faire.
J'ai plusieurs questions concernant votre rapport. Vous dites au dernier point du premier paragraphe: «ces incidents remettent en question la pertinence des règlements actuels sur les pesticides, à l'échelon tant provincial que fédéral...». Pourriez-vous nous donner quelques précisions? Qu'entendez-vous exactement quand vous dites qu'il faudrait les changer?
M. Clair Murphy: Ce passage se rapporte à plusieurs problèmes que nous avons mentionnés dans notre exposé, notamment celui des exigences en matière d'étiquetage établies selon le processus réglementaire fédéral. Nous avons une loi provinciale concernant les produits de lutte antiparasitaire, mais elle aussi traite des méthodes de l'application de ces produits et de l'accréditation des opérateurs, et pas tellement de la toxicité ou des règlements concernant l'utilisation des produits. Il y est question essentiellement de la formation et de l'accréditation des opérateurs antiparasitaires pour s'assurer qu'ils ont la compétence nécessaire pour répandre ces produits. D'après nous, la solution à long terme viendrait de la combinaison de ces deux aspects.
M. Walt Lastewka: Si je ne m'abuse, votre province a ses propres règlements en la matière et vous pourriez décider d'être plus stricts concernant l'utilisation de produits antiparasitaires, n'est-ce pas?
M. Clair Murphy: C'est exact. À titre d'exemple...
M. Walt Lastewka: Pourquoi ne procédez-vous pas de cette façon?
M. Clair Murphy: Je vais me servir du carbofuran comme exemple.
M. Walt Lastewka: Très bien.
M. Clair Murphy: C'est certainement un cas problématique pour de nombreux habitants de l'Île-du-Prince-Édouard et des groupes écologistes. Le Service canadien de la faune a recommandé fortement l'interdiction de ce produit et comme on lui a fait la sourde oreille au niveau fédéral, il a décidé d'exercer des pressions sur nos ministres dans la province afin d'obtenir cette interdiction. Mais nous ne sommes pas en mesure d'établir la base de données et de recueillir des données sur place nécessaires pour justifier l'interdiction de ces produits. Nous serions vite exposés à une contestation judiciaire de notre compétence ou des données sur lesquelles nous avons fondé notre règlement.
M. Bill Drost: Nous avons effectivement examiné cette approche. Indépendamment du fait que c'est une très grosse tâche pour une petite province ou même 10 provinces et trois territoires que d'entreprendre seuls une telle démarche, notre conseiller juridique nous a informés que si nous voulions le faire unilatéralement comme province sans que les autres provinces prennent la même décision, il y aurait probablement contestation de la part du fabricant du produit pour plusieurs raisons. D'abord, il invoquerait le fait que les autres provinces sont d'avis que l'utilisation de ce produit est acceptable pour leurs écosystèmes. De plus, les fabricants de produits antiparasitaires voudraient empêcher que cette initiative fasse balle de neige et soit imitée par les autres provinces. Donc, pour des raisons de capacité et aussi pour des raisons techniques liées à l'évaluation et aussi pour assurer une cohérence nationale, nous estimons que cette responsabilité doit continuer à relever de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, comme c'est le cas maintenant.
M. Walt Lastewka: Mais les ministres provinciaux se réunissent et il y a également des réunions fédérales-provinciales. Personnellement, je ne vois pas pourquoi on ne peut pas y discuter de cette question et adopter cette orientation.
Passons à la question suivante.
Il y a un an et demi, j'étais à l'Île-du-Prince-Édouard pour visiter différentes entreprises et des cultivateurs. Comme vous l'avez fait remarquer dans votre deuxième paragraphe, l'utilisation excessive était déjà un problème et ce problème persiste. Pouvez- vous me dire ce qui a été fait au cours de cette période d'un an et demi pour s'attaquer à ce problème d'utilisation excessive et de faible rotation des cultures, qui pourrait causer d'autres problèmes à l'avenir?
M. Bill Drost: On a multiplié les initiatives à l'Île-du- Prince-Édouard depuis un an et demi. Je ne veux pas vous tracer l'histoire de l'agriculture à l'Île-du-Prince-Édouard, mais nous avons connu une croissance explosive dans ce secteur, ce qui explique en partie le problème que nous avons aujourd'hui.
Nous ne décourageons pas la culture de la pomme de terre mais nous sommes loin de l'encourager. En fait, nous encourageons l'agriculture durable en insistant auprès des cultivateurs sur la nécessité d'établir un plan environnemental en agriculture. En fait, la plupart de l'argent provincial—ou plutôt tout l'argent provincial, d'après ce que je sais—consacré aux agriculteurs, que ce soit des subventions ou le financement d'un programme novateur, est versé à la condition d'avoir un plan environnemental.
Nous avons adopté une loi très avant-gardiste au printemps dernier prévoyant la mise en oeuvre de certaines de ces initiatives pour l'an 2000 et 2001. Cet automne—je pense que cela s'est fait vendredi—, un projet de loi a été proposé à la Chambre pour modifier la loi afin d'avancer d'un an la date d'entrée en vigueur. Plusieurs de ces mesures sont donc déjà en place, alors nous avons adopté l'approche de la carotte et du bâton.
M. Walt Lastewka: À ce propos, je voudrais vous parler des produits antiparasitaires à risque élevé, par opposition à ceux qui présentent un faible risque, que vous avez mentionnés tout à l'heure. Avez-vous déjà connu une situation où un fabricant n'était pas disposé à vous offrir un produit parce qu'il serait utilisé à l'Île-du-Prince-Édouard, compte tenu du coût prohibitif que représente la mise au point d'un nouveau produit?
M. Bill Drost: Pas vraiment. Le secteur de la pomme de terre à l'Île-du-Prince-Édouard dépasse en importance ceux du Nouveau- Brunswick et du Manitoba combinés, alors pour ce qui est de l'importance et de la capacité de notre secteur, nous dépassons toutes les autres provinces. Nous constituons un marché important pour ces fabricants qui savent très bien nous trouver quand il s'agit de vendre leurs produits.
J'espère que j'ai répondu à la question.
M. Walt Lastewka: Je vais continuer pour voir si nous pouvons nous mettre d'accord sur quelque chose.
Je sais qu'il faut entre 200 000 $ et 300 000 $ pour amener un produit à l'étape de la commercialisation. Les fabricants pourraient hésiter à améliorer un produit à cause du coût et parce que le produit serait utilisé uniquement à l'Île-du-Prince-Édouard. Je voulais simplement qu'on me confirme que cela ne se produit pas.
M. Bill Drost: Non. En fait, je connais le secteur de la pomme de terre pour y avoir travaillé et je sais qu'il n'y a pas beaucoup de variation dans l'utilisation des produits antiparasitaires, qu'il s'agisse de l'Idaho, de l'Île-du-Prince-Édouard ou du Nouveau-Brunswick. Nous devons tous éliminer les pucerons, le doryphore et la brûlure de la pomme de terre et toutes sortes d'autres parasites. Nos problèmes sont loin d'être uniques.
M. Walt Lastewka: Je vois.
Dans votre exposé, vous avez mentionné le rapport de votre comité d'action. Je vous saurais gré de nous en laisser un exemplaire.
J'aimerais aussi vous parler de la question de l'accès à l'information. Au sujet de l'ARLA, vous mentionnez le service et le peu d'empressement à fournir les renseignements, et si j'ai bien compris, vous vouliez aussi être partie aux accords de confidentialité. Comme l'agence ne peut pas vous aider directement, vous demandez: Ne pourrions-nous pas être partie à ses accords de confidentialité et devenir ainsi son prolongement? Vous ai-je bien compris?
M. Clair Murphy: Oui.
M. Walt Lastewka: Si je comprends bien, vous cherchez à obtenir des renseignements opportuns afin de résoudre le problème sans être entravés par le manque d'information, n'est-ce pas?
M. Clair Murphy: Oui.
M. Walt Lastewka: Très bien.
Vous avez constaté que nous avons un problème d'érosion qui va continuer. Vous dites qu'à cause des tempêtes plus fréquentes et plus intenses, l'écoulement va continuer et empirer. C'est une déclaration surprenante de la part d'un ministère qui ne mentionne pas de solution.
M. Clair Murphy: Environnement Canada nous informe que la fréquence des précipitations irrégulières et des orages pendant l'été va probablement augmenter. Cela semble être la tendance actuelle. Bien sûr, nous avons toujours eu des orages d'été, souvent avec deux ou trois pouces de pluie en 12 heures ou 24 heures. Ce sont des situations que nous connaissons. Mais on nous dit que ce genre de temps peu prévisible sera plus fréquent à l'avenir, ce qui est très mauvais pour l'écoulement des eaux de ruissellement pendant des périodes de croissance critique.
M. Walt Lastewka: N'est-il pas encore plus essentiel aujourd'hui d'avoir un bon plan provincial d'utilisation des terres? J'habite une région agricole où les cultivateurs exploitaient la terre jusqu'à la limite de leurs terrains, jusqu'aux fossés, sans laisser de zones tampons et sans se préoccuper de leurs zones d'écoulement, et ils ne faisaient jamais profiter les autres cultivateurs des choses que l'expérience leur apprenait. Nous avons créé un réseau pour remédier à ce problème. Est-ce que vous n'avez pas la responsabilité de faire quelque chose pour corriger la situation? Je sais que le problème se pose parce que j'ai pu le constater il y a un an et demi.
M. Bill Drost: Vous avez absolument raison. Tout le monde a un rôle à jouer ici. Si vous regardez l'expérience à l'Île-du-Prince- Édouard depuis un an et demi, vous constaterez que nous avons adopté ce qui est probablement la législation la plus avant- gardiste au Canada concernant l'utilisation des terres dans différents domaines. Je ne parle pas de l'agriculture parce que la terre est très limitée à l'Île-du-Prince-Édouard. Les terres de la province totalisent 1,4 million d'acres. Si l'on exclut les municipalités, les autres types d'exploitation agricole et les terrains de golf—je m'en voudrais de ne pas les mentionner—il reste très peu de terre pour les autres types d'activité.
• 1615
Du point de vue de la gestion et de la réglementation, nous
croyons que nous avons les politiques et le cadre législatif les
plus progressistes au Canada pour l'utilisation des terres
agricoles. Mais nous reconnaissons que nous avons un rôle important
à jouer dans ce domaine et nous avons adopté une loi et mis en
oeuvre des programmes. Nous sommes encouragés par certaines
déclarations récentes du ministre de l'Environnement, David
Anderson, et les engagements qu'il a pris concernant certains de
nos problèmes en matière d'environnement. Jusqu'ici nous n'avons
pas vu de choses concrètes mais nous sommes encouragés par les
propos qu'il a tenus.
M. Walt Lastewka: J'aimerais vous remercier de votre rapport et de vos réponses. Comme vous le dites dans votre résumé, il faut une collaboration pour régler ce problème et s'y attaquer directement. Encore une fois, je vous remercie.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci.
Monsieur Herron.
M. John Herron (Fundy—Royal, PC): Merci, monsieur le président.
C'est un plaisir pour moi de souhaiter la bienvenue à nos cousins du Canada Atlantique. Je viens de la province voisine du Nouveau-Brunswick. Je ne sais pas si je suis ici en conflit d'intérêts mais...
M. Walt Lastewka: Vous avez une petite exploitation de pommes de terre.
M. John Herron: C'est exact.
M. Drost est un très bon ami à moi depuis des années et c'est en effet un plaisir de lui souhaiter la bienvenue à ce comité. Je suis désolé d'être en retard. J'espère que les commandes que je vous livrais n'arrivaient pas aussi en retard.
Le président: Monsieur Drost, c'est tout à fait normal chez lui, ne prenez pas personnellement son retard.
M. John Herron: Cela dit, lorsqu'il s'agit de partenariat fédéral-provincial, de votre rôle dans l'utilisation des pesticides, du régime de réglementation, de l'application, vous êtes en train de dire que vous êtes tout à fait capables de le faire mais que vous vous attendez à ce que le gouvernement fédéral fasse son travail en évaluant les risques éventuels pour la santé et en faisant faire les recherches nécessaires pour déterminer si le pesticide en question présente ou non des dangers. Et à titre de représentants du gouvernement provincial des habitants de votre région, vous devriez pouvoir avoir accès aux données sur les risques pour la santé humaine et pour l'environnement. Est-ce bien cela que vous dites? Dites-vous bien que vous êtes prêts à jouer votre rôle si le gouvernement fédéral joue son rôle en matière de santé?
M. Bill Drost: Merci de votre chaleureux accueil, monsieur Herron. Il y a longtemps que nous ne nous étions pas vus. Depuis qu'il fait de la politique, je ne le vois plus beaucoup à l'Île-du- Prince-Édouard. Il nous vendait beaucoup d'acier inoxydable et des tas d'autres choses. C'était un excellent vendeur.
M. John Herron: Bien dit.
M. Bill Drost: Et je suis sûr qu'il l'est toujours.
Vous avez en fait raison. Notre rôle en matière de réglementation ne consiste pas simplement à demander comment sont entreposés les pesticides ni comment ils sont transportés entre l'entrepôt et les champs, ou quelle formation a reçu l'exploitant, etc. Ce programme est en fait administré par notre ministère provincial de l'Agriculture et non pas par celui de l'environnement. C'est quelque chose que la province doit évidemment réexaminer constamment afin de s'assurer qu'elle s'acquitte bien de ses responsabilités. Toutefois, lorsqu'il s'agit d'écohygiène, et de connaissance des produits, de savoir quels produits peuvent être utilisés, nous estimons que c'est le gouvernement fédéral qui est le mieux placé pour cela et qui a d'ailleurs ce mandat. Nous l'encourageons ainsi à suivre certaines des recommandations que nous avons présentées et à envisager d'améliorer certaines de ses activités.
M. John Herron: À ce sujet, pour ce qui est de recommandations, nous savons que le Comité consultatif sur la lutte antiparasitaire ne s'est pas réuni depuis juin. Mme Claire Franklin, directrice générale de l'ARLA, a déclaré à notre comité qu'il existe un avant-projet de loi depuis 1997 mais qu'il n'a pas encore été déposé et que c'est donc une loi vieille de 30 ans qui s'applique.
Vous avez ainsi fait des recommandations très spécifiques. Je suppose que vous avez vu les projets de textes législatifs qui seront peut-être un jour déposés.
M. Clair Murphy: Non, je ne peux vous en parler, nous ne les avons pas vus.
Je crois qu'il est question de l'accès aux données, dans une certaine mesure. Peut-être que certains des problèmes que nous soulevons auront disparu dans le nouveau projet de loi, mais nous ne l'avons pas vu. Nous croyons que...
M. Bill Drost: Nous n'avons en effet pas vu de projet de loi mais nous serions très heureux de pouvoir y jeter un coup d'oeil et de vous faire nos commentaires, à vous ou aux légistes, selon le cas.
M. John Herron: Je trouve cela un peu inquiétant. Quand on parle de fédéralisme coopératif, monsieur le président, vous savez peut-être que j'ai posé quelques questions la semaine dernière sur les pesticides et que le ministre m'a répondu à la Chambre qu'on en était encore à l'étape des consultations avant de déposer un texte. On nous a alors dit que le Comité consultatif sur la lutte antiparasitaire ne s'était même pas réuni depuis juin. Maintenant, j'apprends qu'un ministre provincial n'a pas vu ces projets de modification de la loi, et j'aimerais donc savoir qui consulte actuellement le ministre s'il ne consulte pas les ministres provinciaux ni le Comité consultatif sur la lutte antiparasitaire.
Dois-je alors supposer que le Conseil canadien des ministres de l'Environnement n'a pas vu cet avant-projet de loi qui est prêt depuis 1997?
M. Bill Drost: Je suis sous-ministre de l'Environnement depuis septembre 1997. Si ma mémoire est exacte, nous n'avons en effet pas reçu ce genre d'information au sein du Conseil canadien des ministres de l'Environnement. D'autre part, en tant que province, je ne crois pas non plus que nous ayons reçu ces informations ni que nous ayons été consultés à ce titre. Je répète que nous serions très heureux d'obtenir ces informations et de participer à cette consultation.
M. John Herron: Peut-être devrais-je attendre le deuxième tour, monsieur le président.
Le président: Si vous avez une autre question, vous avez encore le temps.
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Vous pouvez continuer. Il vous reste du temps.
[Traduction]
M. John Herron: Les affaires de la Chambre n'avancent pas tellement vite ces jours-ci, et c'est donc peut-être un refuge pratique.
Vous avez des recommandations spécifiques à faire au gouvernement fédéral en ce qui concerne l'accès à l'information, la possibilité d'être «traité de façon différente», comme vous l'avez je crois dit. Peut-être qu'il serait préférable de dire traité sérieusement dans un contexte de coopération fédérale-provinciale.
À quel ministre avez-vous présenté vos recommandations?
M. Clair Murphy: Notre ministre a écrit au ministre de la Santé, à M. Rock, qui est responsable de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire.
M. John Herron: Oserais-je demander si M. Rock a répondu?
M. Clair Murphy: La lettre n'est partie qu'il y a une quinzaine de jours, et je n'ai pas encore vu de réponse. Je suppose que nous en recevrons une.
M. Bill Drost: Si vous permettez, pour être juste vis-à-vis de nos collègues fédéraux, nous apprenons tous beaucoup dans ce processus. Si vous m'aviez dit il y a un an que nous connaîtrions ce que nous avons connu ces six derniers mois, je vous aurais dit que vous étiez fou. Il nous arrivait d'avoir un problème de temps en temps, mais il y a maintenant un certain nombre de facteurs qui se sont combinés, pesticides, météo, et autres. Nous apprenons au fur et à mesure et nous en apprenons beaucoup sur les carences de nos systèmes respectifs. Nous sommes ici aujourd'hui pour signaler de façon constructive certaines des carences du système fédéral et pour suggérer certaines améliorations afin que le gouvernement fédéral puisse être mieux placé pour assumer certaines de ses responsabilités.
M. John Herron: Ma dernière question, monsieur le président, porte sur un autre sujet, puisqu'il s'agit d'un projet auquel je travaille au Nouveau-Brunswick à propos de clapets à marée dans le pont-jetée de Petitcodiac, qui est essentiellement un bassin hydrographique dont l'écosystème a été totalement détruit à cause d'un clapet à marée artificiel qui menace tout le bassin.
Je tiens à féliciter le gouvernement de l'Île-du-Prince- Édouard dans ce qu'il a fait ces dernières années pour supprimer trois ponts-jetées et les remplacer par des structures, essentiellement des ponts, qui ont permis de rétablir trois bassins hydrographiques. C'est une expérience qui semble réussir et j'espère que mes cousins du Nouveau-Brunswick y auront recours sous peu aussi. Félicitations pour cela.
M. Bill Drost: Merci beaucoup. Vous serez en fait content de savoir que nous avons d'autres travaux en cours actuellement. Le pont-jetée de la Vernon va être remplacé par un pont. Nous continuerons sur cette lancée dans la mesure de nos possibilités financières.
M. John Herron: C'était un prélude à une visite éventuelle du comité à Petitcodiac, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Herron. Nous savons que vous aimez beaucoup voyager.
Avant d'entamer le deuxième tour, il y a quelques questions de ce côté aussi.
On nous dit qu'à l'Île-du-Prince-Édouard, l'utilisation des pesticides a augmenté de quelque 500 p. 100 au cours des 14 dernières années. Est-ce un chiffre à peu près exact? Il y a eu beaucoup...
M. Clair Murphy: Chose certaine, au cours des 25 dernières années, la production de pommes de terre a plus que doublé. Je ne puis vous confirmer ce chiffre particulier, mais 500 p. 100, cela ne nous étonnerait guère.
Le président: Avez-vous des données que vous pourriez soumettre au comité?
M. Clair Murphy: Non, nous n'avons pas cela sous la main. On pourrait toutefois vous en trouver.
Le président: Chez vous?
M. Clair Murphy: Oui.
Le président: Pourriez-vous nous envoyer un graphique ou quoi que ce soit qui indique l'augmentation de cette utilisation?
M. Bill Drost: Je ne connais pas le pourcentage exact mais il est vrai que l'utilisation des pesticides a certainement augmenté. Il ne faut pas simplement considérer l'augmentation, toutefois, mais aussi la toxicité et les autres facteurs, pas seulement le volume de pesticides mais également ce à quoi on les utilise. Les choses ont beaucoup changé au cours des années. Nous pourrions certainement vous fournir ces informations mais je crois que l'on peut dire qu'il y a eu une sérieuse augmentation.
Le président: Si l'on vous pose cette question, c'est pour savoir si vous pourriez nous faire des observations sur l'effet des monocultures extensives sur la consommation, sur le besoin de pesticides. Y a-t-il à votre avis une corrélation?
M. Bill Drost: Je ne sais pas si l'on a des données pour corroborer ou contester cela, du moins pour l'Île-du-Prince- Édouard. Nous savons que les agriculteurs de l'Île-du-Prince- Édouard sont assez déçus de constater que les aliments génétiquement modifiés ne vont pas être acceptés très rapidement, s'ils le sont jamais. Ce serait certainement une solution pour une meilleure gestion des récoltes. L'Île-du-Prince-Édouard a mis au point une variété de pomme de terre GM qui résiste au doryphore de la pomme de terre, un des parasites qui nous obligent à utiliser des pesticides. C'est en effet pour lutter contre cet insecte que l'on retrouve dans le monde entier là où l'on cultive des pommes de terre qu'il nous faut des pesticides.
La décision de McCain il y a une quinzaine de jours de ne pas traiter de pommes de terre génétiquement modifiées est une décision purement commerciale et pas du tout scientifique et tout le monde s'entend là-dessus.
Nous estimons qu'il faut certainement essayer de trouver des solutions de rechange aux insecticides, qu'il s'agisse d'aliments GM ou d'une meilleure rotation. Nous essayons actuellement de faire adopter à nos agriculteurs une rotation de trois ans, avec une récolte de pommes de terre tous les trois ans. Pour cela, il faut plus de terre et il faut cultiver moins de pommes de terre. Ce sont donc des problèmes difficiles auxquels nous faisons face actuellement.
Nous convenons je crois avec vous qu'il faut considérer l'ensemble du système et pas simplement l'application de pesticides.
Le président: Votre conclusion est-elle donc que vous n'avez pas été en mesure d'observer de corrélation entre les monocultures extensives et l'utilisation accrue de pesticides?
M. Clair Murphy: Je voudrais essayer de répondre.
Je crois qu'il y a probablement eu une augmentation de l'utilisation des pesticides, et surtout de ceux qui servent à combattre le doryphore de la pomme de terre. Autrefois, lorsqu'un agriculteur avait un champ de pommes de terre, il n'y retournait pas et ne s'en approchait pas pendant plusieurs années, si bien qu'il n'y avait pas multiplication de ces insectes dans la région. Avec les méthodes actuelles, beaucoup de champs sont plantés d'année en année. Bien souvent, si un champ n'est pas planté, l'autre à côté l'est.
Il est certain que dans certaines régions de la province, le problème du doryphore de la pomme de terre est très grave. Nous encourageons les agriculteurs à pratiquer la culture en bande et le tracé de courbes de niveau qui permettent d'alterner pommes de terre, céréales et foin. Il ne fait aucun doute que cultiver indéfiniment des pommes de terre dans une région a des répercussions sur l'ensemble de la population.
• 1630
Un autre facteur ces dernières années, c'est que nos hivers
ont été relativement très doux. Il n'y a presque pas eu de gel et
de neige et le taux de survie des insectes pendant l'hiver a été
très élevé. On est bien conscients de tous ces problèmes, soit la
monoculture et la présence de pommes de terre dans une région où il
y a beaucoup d'insectes.
Le président: Merci.
Le moindre qu'on puisse dire, comme l'a déjà fait remarquer M. Lastewka, d'après les éléments que vous nous avez présentés sur les renseignements fournis par l'ARLA, c'est que vous n'êtes pas très satisfaits de la performance de l'agence. Est-ce bien le cas?
M. Bill Drost: Pas nécessairement. Je pense qu'on pourrait faire mieux. Je sais qu'il est toujours possible de faire mieux dans notre système aussi. Comme je l'ai dit au début, nous continuons toujours à apprendre. Je pense que nous avons appris bien des choses au sujet de l'ARLA et de ses méthodes et leur influence sur l'écosystème de l'Île-du-Prince-Édouard, sur nos industries agricoles et sur notre capacité de nous occuper de ces questions. C'est pour cela que nous voulons faire part de tous ces renseignements au comité.
Le président: D'accord. À ce moment-là, pensez-vous que c'est dans le domaine de l'information que la performance de l'ARLA laisse le plus à désirer, vu que vous dites à l'article 3 que l'ARLA ne fournit pas toujours les renseignements «dans des délais raisonnables» ou, encore, que l'ARLA «ne possédait pas le genre de renseignements que nous demandions» ou, encore, que l'ARLA «ne pouvait pas communiquer les renseignements en raison d'accords de confidentialité»?
M. Clair Murphy: Dans bien des cas, les renseignements tardaient à venir à cause de la confidentialité et de la nécessité d'obtenir l'autorisation de la compagnie pour fournir ces renseignements. Dans certains cas, nous devons nous adresser directement au fabricant. C'est essentiellement une question de confidentialité.
Il n'est pas arrivé jusqu'ici que les renseignements ne soient tout simplement pas disponibles. Comme je l'ai dit tantôt, nous n'avons pas pu trouver et n'avons pas encore pu trouver des renseignements ou des données qui font le rapport entre les données sur les tissus du poisson et les effets concrets sur le poisson. Il ne semble vraiment pas y avoir beaucoup de données disponibles.
Le problème vient à la fois de la lenteur du processus pour obtenir des renseignements de bonne qualité et de la simple absence de renseignements dans certains cas. C'est l'une des choses que nous déplorons. S'il y a quelques aspects clés à retenir, c'est sans doute qu'il faudrait des évaluations plus rigoureuses de ces produits dans la pratique, c'est-à-dire sur le terrain. Et, comme l'Île-du-Prince-Édouard est la région du Canada qui produit le plus de pommes de terre, où la culture est la plus intense...
Le président: Très bien. Je voudrais vous poser une question et j'espère que vous pourrez nous donner une réponse précise: Comment empêcheriez-vous l'empoisonnement du poisson?
M. Clair Murphy: Comment je l'empêcherais?
M. Bill Drost: Il n'y a pas de solution magique, si c'est ce que vous voulez. Il ne s'agit pas simplement non plus que l'ARLA donne suite à nos recommandations. La création d'une zone tampon que nous avons prévue à l'échelle provinciale ne suffit pas non plus comme solution. Il ne faut pas non plus se contenter d'un programme d'éducation pour les agriculteurs ou de créer un meilleur milieu de réglementation aux niveaux provincial et fédéral. Il y a d'autres facteurs en cause et je pense que nous devons considérer le problème de façon globale. Le rôle de l'ARLA n'est qu'une pièce du casse-tête, mais c'est une pièce essentielle si nous voulons réussir.
Si je cherchais une solution, je vous dirais que je ne sais pas vraiment comment procéder parce que nous n'avons certes pas suffisamment d'informations pour dire de façon définitive comment garantir absolument qu'il n'y aura plus d'empoisonnement du poisson à cause des résidus de produits antiparasitaires. Je ne sais pas si quelqu'un pourrait vous donner une réponse définitive, mais je pense que la solution consiste à examiner tous les facteurs et à essayer de résoudre chaque problème séparément, y compris ceux qui touchent l'ARLA.
Le président: D'accord.
Vous ne mentionnez nulle part dans votre mémoire la gestion intégrée des parasites. Avez-vous des programmes de gestion intégrée dans l'Île-du-Prince-Édouard?
M. Clair Murphy: Oui, le comité d'action a notamment recommandé que la province mette sur pied une stratégie de réduction des pesticides et une stratégie de gestion intégrée des parasites.
Le président: Quand cela se fera-t-il?
M. Clair Murphy: D'ici quelques mois, et d'ici la prochaine...
Le président: Pourquoi ne l'a-t-on pas fait plus tôt?
M. Clair Murphy: Je ne peux pas vous dire pourquoi certaines choses n'ont pas été faites...
Le président: Ce n'est pas une invention récente.
M. Clair Murphy: ...surtout parce que le ministère n'exerce pas le plein contrôle sur la situation. Il s'agit d'une initiative du ministère de l'Agriculture et des Forêts qui relève de la Loi sur le contrôle des pesticides dans la province. Je crois cependant que c'est un pas en avant.
Le président: Pouvez-vous expliquer à ce moment-là le dernier paragraphe de votre point 1 où vous parlez de la remise en question de la pertinence des règlements actuels sur les pesticides? Que feriez-vous surtout si vous rédigiez vous-même un nouveau règlement, monsieur Murphy? Il me semble que c'est une observation importante de votre part et que c'est une chose très utile. Si vous rédigiez un règlement, comment procéderiez-vous? Que voudriez-vous y dire?
M. Bill Drost: Voulez-vous parler du texte...
Le président: Je veux parler du texte de l'honorable Mitch Murphy.
M. Clair Murphy: C'est le premier point?
Le président: C'est le dernier point du paragraphe 1.
M. Bill Drost: Pourriez-vous nous relire la phrase?
Le président: La voici:
-
Ces incidents remettent en question la pertinence des règlements
actuels les pesticides, à l'échelon tant provincial que fédéral, et
minent la confiance du public face au système d'homologation des
pesticides.
M. Clair Murphy: Il me semble, monsieur le président, que nous voulions parler ici de la mesure dans laquelle les règlements sur l'étiquetage sont pertinents par rapport aux essais...
Le président: D'après vous, que signifie le règlement sur l'étiquetage?
M. Clair Murphy: Lorsqu'un produit porte une étiquette, la loi et les règlements fédéraux obligent l'utilisateur du produit à utiliser le produit conformément aux règlements.
Ce que nous avons constaté, ou plutôt nous n'avons pas d'indication du contraire, c'est qu'on n'utilise pas en réalité les produits conformément à ce qu'on dit sur l'étiquette. Nous devons supposer qu'ils sont utilisés prudemment parce qu'ils coûtent très cher et que les utilisateurs ne vont pas en vaporiser plus qu'il ne le faut normalement. Ce n'est cependant pas la source du problème, même si les agriculteurs en utilisaient un peu plus que prévu. Le fait est que l'eau de pluie transporte ces produits chimiques toxiques vers nos rivières. Il y a souvent de fortes pluies dans l'Île-du-Prince-Édouard et les produits chimiques aboutissent dans les cours d'eau. Selon nous, les règlements sur l'étiquetage ne parlent pas suffisamment de la toxicité ou de la protection de l'environnement quand on utilise certains de ces produits.
Le président: Ils ne donnent pas suffisamment d'information.
M. Clair Murphy: Il ne s'agit pas vraiment de fournir plus d'information, il s'agit plutôt de consignes plus rigoureuses pour empêcher...
Le président: Mais comment une étiquette peut-elle être rigoureuse? Ce n'est qu'une étiquette. Elle ne peut pas être rigoureuse.
M. Bill Drost: Je pourrais peut-être faire une analogie. Si vous achetez un produit de nettoyage pour votre maison ou un robot boulanger pour votre cuisine et que vous l'utilisez conformément aux recommandations du fabricant—et dans le cas des produits toxiques, la loi exige certains avertissements sur l'étiquette—, et que vous êtes blessé ou qu'un membre de votre famille est blessé ou tué, nous dirions que quelque chose ne va pas dans le système. Vous avez utilisé le produit de la façon normale, suivi les instructions à la lettre et quelque chose d'épouvantable est arrivé malgré tout.
C'est ce que nous disons au sujet des étiquettes pour ces produits. Nous nous servons de ces produits et nos agriculteurs s'en servent de la façon normale pour faire leur travail, mais il y a malgré tout des résultats catastrophiques. Ces produits tuent certainement les insectes, mais s'il pleut au mauvais moment, ils tuent aussi le poisson.
Le président: Que manquait-il sur l'étiquette en question?
M. Bill Drost: Je ne sais pas s'il manquait quelque chose de spécial sur une étiquette particulière, mais il me semble que les exigences générales pour l'étiquetage doivent être plus rigoureuses. Par exemple, on pourrait dire: «N'utilisez pas le produit si les prévisions météorologiques annoncent de la pluie dans les 72 heures qui suivent.» C'est une chose qu'on pourrait faire. Cependant, tant qu'on n'a pas examiné chaque produit, ses effets sur l'écosystème, ses conséquences lorsqu'on l'utilise en même temps qu'un autre produit fabriqué par une autre compagnie et utilisé couramment en agriculture, tant qu'on n'aura pas de données de ce genre, je ne pense pas que quelqu'un puisse vraiment savoir ce qu'il faut mettre sur l'étiquette.
Le président: Quand vous dites «rigoureux», vous voulez dire que l'étiquette devrait donner une information plus complète et plus détaillée pour empêcher les accidents.
M. Clair Murphy: Monsieur le président, je pense que, si l'on faisait un essai plus rigoureux de ces produits, certains d'entre eux ne seraient pas approuvés pour être utilisés dans certains cas, notamment dans l'Île-du-Prince-Édouard, où le sol est sensible à l'érosion, par exemple. Dans un autre cas, on exigerait peut-être que le sol soit géré conformément à un code d'utilisation très strict pour le sol et la conservation du sol. C'est le genre de choses qu'il faudrait indiquer sur l'étiquette et prévoir comme condition d'utilisation pour certains produits.
Le président: Avez-vous déjà vu une bonne étiquette? Avez-vous déjà vu une étiquette que vous pourriez qualifier de rigoureuse? Pourriez-vous nous en donner un exemplaire?
M. Clair Murphy: Probablement pas. Par exemple, nous avons fait...
Le président: Est-ce parce qu'une telle étiquette n'existe pas?
M. Clair Murphy: Je ne suis pas certain qu'elle n'existe pas, mais je ne peux pas vous donner d'exemple. Tout ce que je peux dire, c'est que nous trouvons des résidus de bon nombre de produits antiparasitaires qu'on utilise dans l'Île-du-Prince-Édouard. Dans le cadre de nos recherches, nous avons trouvé des résidus de 12 des 23 produits pour lesquels nous avons fait des tests. Dans certains cas, les résidus dépassaient les lignes directrices canadiennes pour la protection de la vie aquatique.
Nous savons que ces produits sont utilisés couramment et qu'ils persistent dans notre environnement. Dans certains cas, nous n'avons pas décelé la présence du produit et peut-être que dans ces cas l'étiquette est acceptable. Je l'ignore. C'est peut-être un autre genre de pesticides. Ils sont peut-être moins lixiviables ou peut-être qu'ils s'accrochent mieux.
Il faudrait surtout des épreuves sur le terrain plus rigoureuses des produits pour qu'on puisse avoir une étiquette qui convienne au produit et qui protège l'environnement des incidences au-delà des secteurs traités.
Le président: Merci, monsieur Murphy.
Deuxième série de questions, madame Girard-Bujold.
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold: J'aimerais parler du point 7 de votre document. Vous parlez du mandat rétréci de l'ARLA. Avez-vous déjà eu des échanges avec l'ARLA au sujet de vos préoccupations quant au rétrécissement du champ d'intérêt de l'ARLA? Également, vous dites être très surpris que l'éducation du public ne fasse plus partie du mandat de l'organisme. Vous dites également que l'ARLA s'est engagée à réévaluer les pesticides avant 1995. Vous êtes d'accord sur cela, mais vous trouvez que l'échéance de 2005-2006 est trop éloignée. Si un nouveau projet de loi était présenté, que devrait-il contenir afin que la réévaluation des pesticides soit faite de façon accélérée? Dans combien de temps cela devrait-il se faire, selon vous?
Vous dites également au point 5 que la priorité devrait être donnée à l'homologation des pesticides à faible risque. Est-ce essentiel à la réalisation du mandat que vous a donné la province ou si cela devrait également faire partie du mandat général de l'ARLA pour vous aider davantage à faire l'homologation de nouveaux produits?
[Traduction]
M. Clair Murphy: Ce que nous recommandons, c'est qu'on accélère le processus d'homologation des nouveaux produits moins toxiques utilisés pour des parasites déterminés et que l'ARLA accorde la priorité à l'approbation de ces nouveaux produits moins toxiques. De notre côté, nous n'avons pas le pouvoir d'approuver ces produits. Cela relève de l'ARLA. Nous voudrions simplement qu'on donne la priorité à l'approbation de ces nouveaux produits pour que nos agriculteurs puissent s'en servir.
M. Bill Drost: Si vous me le permettez, je voudrais répondre à la partie de la question qui visait à savoir ce que nous aimerions voir dans la loi. Nous avons parlé ici de diverses questions concernant l'accès à l'information et l'échange de renseignements, du moins avec les autres organismes de réglementation, et nous considérons que ce serait important d'avoir un tel échange. Je pense aussi qu'il faudrait exiger que les fabricants de produits antiparasitaires soient davantage responsables des produits qu'ils mettent sur le marché.
Il y a d'autres aspects de nature législative. Cependant, je pense que ce sont les deux principales choses qui ressortent de ce que nous avons noté à propos de l'information et du rôle de l'ARLA. Dans le cas de l'ARLA, c'est peut-être davantage une question de ressources que de loi.
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Ce sont les compagnies qui produisent les pesticides et qui disent tout ce qu'ils contiennent. Pensez-vous que les compagnies devraient être obligées de donner de l'argent pour l'évaluation de ces pesticides? Il y aurait alors une collaboration entre l'ARLA, les provinces et les compagnies. Verriez-vous d'un bon oeil qu'on oblige les compagnies à contribuer de l'argent pour un tel système d'évaluation?
[Traduction]
M. Bill Drost: Selon moi, c'est une très bonne suggestion. Nous allons le proposer. À mon avis, cela incite les fabricants eux-mêmes à prendre mieux soin de l'environnement. Si nous comparons l'industrie des antiparasitaires à l'industrie de l'emballage, par exemple, on constate que celle-ci, à cause de la réglementation et de son propre code de déontologie, tient compte maintenant ce qui arrive aux matériaux d'emballage, c'est-à-dire au papier, au plastique, et ainsi de suite, à partir du moment de la production jusqu'à l'enfouissement dans le sol de l'emballage, ou plutôt, on espère qu'il ne sera pas enfoui. Selon moi, l'industrie des antiparasitaires devrait adopter une approche semblable, et peut-être, comme vous le dites, qu'ils doivent être tenus davantage comptables de leurs produits une fois que ceux-ci quittent leurs entrepôts.
M. Clair Murphy: Si je peux ajouter une chose, nous ne voulons pas laisser entendre que les fabricants ne fournissent pas beaucoup de renseignements utiles sur la toxicité quand ils demandent qu'un nouveau produit soit homologué au Canada. Ils le font certainement. L'ARLA se fonde sur les renseignements disponibles pour approuver ces produits et ces renseignements sont probablement fiables.
D'après ce que nous voyons sur le terrain, il faudrait davantage d'essais et de surveillance de ces produits sur le terrain. Nous sommes bien d'accord que cela ne fait pas partie du rôle de l'ARLA et que ce ne devrait pas non plus être la province qui s'en occupe. Ce devrait plutôt être le fabricant.
On pourrait peut-être prévoir dans la nouvelle loi un système pour que, si de tels incidents sont notés quelque part sur le continent, au Canada, aux États-Unis ou ailleurs, cela entraîne un processus d'examen quelconque et oblige le fabricant à refaire des essais sur le terrain pour trouver une solution au problème. Nous ne voulons pas dire que l'ARLA devrait être l'organisme chargé de rassembler ces données et ce ne devrait certainement pas non plus être les provinces. Ce devraient être les fabricants qui ont mis ces produits sur le marché.
[Français]
Le président: Merci, madame Girard-Bujold.
Monsieur Lastewka.
[Traduction]
M. Walt Lastewka: Je voudrais être bref, monsieur le président, parce que je sais que nous avons un autre témoin.
Je voudrais poser une seule question qui découle de mes inquiétudes au sujet de l'utilisation des produits antiparasitaires et du type de produit utilisé et des risques que cela pose pour la santé. Comment définit-on un «risque pour la santé»? On voit des choses comme «risque acceptable» et je voudrais comprendre exactement ce que cela signifie. On parle de choses comme la limite de sécurité et les résidus après utilisation. Comment définiriez- vous un risque pour la santé? Comment expliqueriez-vous cela à quelqu'un? Que diriez-vous?
M. Bill Drost: C'est difficile de répondre à cela.
M. Walt Lastewka: C'est pour cela que j'ai posé la question.
M. Bill Drost: Je sais. Je suis certain que vous avez déjà posé la même question à d'autres témoins.
C'est très difficile de répondre. J'imagine que, ce matin, quand je me suis levé, j'ai décidé de courir un risque pour ma santé en conduisant jusqu'à Charlottetown et en montant à bord d'un avion pour Ottawa. J'ai cependant considéré que c'était un risque acceptable pour moi. C'est cependant plus difficile de trancher quand il s'agit de l'utilisation de produits antiparasitaires dans la production de nos aliments.
On vous a probablement déjà dit que l'utilisation d'une certaine quantité de produits antiparasitaires est justifiée parce que, sans cela, nous ne pourrions pas produire de récoltes saines de divers aliments que consomment maintenant les Canadiens et les autres peuples du monde. Nous pouvons mieux nous alimenter parce que nous pouvons produire plus de cultures et plus d'aliments. L'utilisation de produits antiparasitaires est donc justifiée, même s'ils représentent un risque pour la santé. Il est peut-être préférable de manger une pomme sur laquelle il reste un peu de pesticide que de ne pas manger de pomme du tout. C'est peut-être une analogie utile.
Je ne sais vraiment pas. C'est au ministre de la Santé qu'il appartient de décider, après avoir consulté tous les Canadiens et pas seulement les habitants de votre province. Il y a plusieurs facteurs à considérer. C'est une question de santé. C'est une question d'économie. C'est aussi une question d'environnement. Je ne pense pas qu'on puisse répondre facilement à cette question.
M. Walt Lastewka: Monsieur Murphy, auriez-vous une définition plus claire?
M. Clair Murphy: Nous ne cherchons pas nécessairement à créer un environnement sans le moindre risque, mais lorsque nous constatons la présence de ces produits dans un milieu quel qu'il soit, nous essayons de voir s'il y a des conséquences évidentes et s'il existe des lignes directrices, notamment celles du Conseil canadien des ministres de l'Environnement, pour l'utilisation de ces produits. Quand l'on rédige ces lignes directrices et que l'on effectue des recherches sur les produits, on tient compte des facteurs de risque. Si nous trouvons quelque chose dans notre eau potable ou dans nos eaux de surface, la première chose à demander, c'est s'il y avait une ligne directrice sur l'eau potable, une ligne directrice sur la vie aquatique en eau douce, ou autre chose. Cela nous permet d'évaluer si les risques sont raisonnables ou non. Nous n'élaborons pas de lignes directrices dans la province parce que, comme je l'ai déjà dit, notre province est petite et nous n'avons pas les ressources nécessaires. Cela se fait dans bon nombre des provinces plus grandes.
Nous ne pourrions pas rejeter des eaux usées dans nos environnements récepteurs si nous n'étions pas prêts à accepter une modification raisonnable des conditions ambiantes de qualité d'eau qui présente certains risques.
Nous acceptons donc quelques risques pour produire des pommes de terre dans l'Île-du-Prince-Édouard, mais ce ne devrait pas être au point où le poisson meurt chaque fois qu'il pleut.
Le président: Monsieur Herron.
M. John Herron: Dans la partie 3 de votre mémoire, vous dites une chose très précise. Vous dites:
-
La situation est problématique lorsqu'on en est rendu à compter sur
le bon vouloir de l'entreprise qui fabrique le produit faisant
l'objet d'une enquête pour obtenir des renseignements susceptibles
de nuire à l'entreprise et à l'image de son produit.
Plus loin, vous dites:
-
Toutes les données touchant à la santé et au sort des pesticides
dans le milieu, qu'il s'agisse de produits anciens ou nouveaux,
devraient être facilement disponibles auprès de l'ARLA.
Est-ce une recommandation claire que vous avez formulée au ministre dans votre note?
M. Clair Murphy: C'en était une, en effet.
M. John Herron: Vous dites dans cette partie du mémoire que vous avez déjà écrit à l'ARLA. Quand l'avez-vous fait?
M. Clair Murphy: Je dirais au cours des deux dernières semaines, ou trois au plus.
M. John Herron: J'ai deux autres questions rapides. D'abord, dans la partie 5, vous dites qu'il faudrait donner la priorité à l'homologation des pesticides à faible risque. Bon nombre de témoins en ont aussi parlé, et cela semble très logique, mais personne n'a pu nous donner d'exemple. Êtes-vous au courant d'un pesticide qui est sur le point d'être approuvé, qui présente peu de risques et qui remplacerait un autre produit que nous préférerions ne pas utiliser autant? Personne n'a jamais pu nous donner d'exemple. Pouvez-vous nous en donner un?
M. Bill Drost: Je peux peut-être me faire le porte-parole des témoins précédents et dire que nous ne sommes pas des chimistes ou des experts en pesticides. Nous sommes ceux qui doivent généralement s'occuper des problèmes une fois qu'ils ont surgi.
L'une des choses qu'on pourrait dire en réponse à votre question, c'est que l'EPA aux États-Unis homologue divers produits pour utilisation avant que le Canada ne le fasse. De façon générale, on se sert là-bas des mêmes applications, des mêmes produits et des mêmes récoltes, on a les mêmes insectes ou pestes et à peu près le même écosystème. Il y a donc beaucoup de bonnes données disponibles. Bien entendu, il y a des différences géographiques et politiques entre le Canada et les États-Unis, mais les bonnes méthodes scientifiques restent bonnes peu importe où l'on est.
M. John Herron: Un agriculteur est-il déjà allé au ministère de l'Environnement ou de l'Agriculture en disant: «On utilise ce produit en Idaho. Il a été approuvé par l'EPA aux États-Unis. Comment se fait-il que nous ne pouvons pas le faire approuver plus rapidement ici?» Avez-vous déjà eu un tel exemple?
M. Bill Drost: Je crois que oui, mais je ne peux pas vous donner le nom d'un produit.
Pouvez-vous le faire?
M. Clair Murphy: Non.
M. Bill Drost: Je peux certainement vous donner un exemple de produit qui a perdu son homologation aux États-Unis plus rapidement qu'au Canada. Un produit qui a été blâmé pour la mortalité du poisson dans l'Île-du-Prince-Édouard et qui s'appelle, je pense, azinphos-méthyle, a perdu son homologation aux États-Unis depuis deux ans, si j'ai bonne mémoire, mais on peut encore se le procurer au Canada. Le temps de réaction du système canadien, qu'il s'agisse d'approuver ou de retirer des produits de la liste d'homologation, laisse donc à désirer.
M. John Herron: Cela nous mène de façon tout à fait naturelle à votre point suivant.
Pour parler d'une question qui n'est pas liée d'aussi près à l'agriculture, nous avons entendu pas mal de témoignages manifestant certaines inquiétudes au sujet de la santé pour l'être humain et de l'environnement, mais surtout au sujet de la santé, à cause de l'utilisation de pesticides dans les villes. Vu que l'île est une région très agraire, si vous voulez réduire la quantité de pesticides consommés, essayez-vous de dissuader les gens d'utiliser des pesticides en milieu urbain ou avez-vous même peut-être des règlements plus stricts là-dessus?
Un exemple qu'on donne souvent, c'est qu'une entreprise d'entretien des pelouses doit suivre des cours pour utiliser certains pesticides. Parfois, ces compagnies utilisent un pesticide bas de gamme qu'on peut acheter chez Canadian Tire ou à un autre magasin de ce genre. Pourtant, le simple particulier qui se sert du même pesticide n'a pas besoin d'avoir reçu la moindre formation. Pouvez-vous me dire ce qui se fait dans les municipalités de l'Île- du-Prince-Édouard?
M. Bill Drost: Comme vous l'avez dit, l'Île-du-Prince-Édouard est une province fortement axée sur l'agriculture. J'oublie quel pourcentage d'habitants de l'île ne sont qu'à une génération ou deux de la ferme, mais c'est un pourcentage vraiment très élevé. Cependant, même dans l'Île-du-Prince-Édouard, la population accepte beaucoup moins qu'auparavant l'utilisation de pesticides pour des raisons surtout esthétiques et pour l'entretien des pelouses. Avant même cette série de cas d'empoisonnement mortel du poisson, des citoyens et des groupes environnementaux avaient réclamé que ces produits soient interdits, surtout dans les cours d'école et dans les zones très peuplées.
C'est une question délicate, mais c'est aussi une chose qu'on peut contrôler facilement. Nous avons les mêmes règlements que la plupart des autres régions du Canada pour ce qui est de la formation que doivent recevoir les employés de ces compagnies d'entretien des pelouses. Vous avez cependant raison. On peut aller à un magasin Canadian Tire et acheter à peu près les mêmes produits que ces compagnies utilisent et s'en servir en suivant le mode d'emploi sur l'étiquette. Ils ne sont peut-être pas dangereux, mais ils sont néanmoins toxiques. C'est certain.
M. John Herron: Merci, monsieur le président.
Le président: Je serai très bref parce que, comme nous l'a rappelé M. Lastewka, nous avons encore un autre témoin.
• 1700
Pour revenir aux carbofurans, si j'ai bien compris, si un
scientifique qui travaille pour le Service canadien de la faune
vous avise du danger que représente l'utilisation d'un produit
particulier, comme dans le cas des carbofurans, vous ne pouvez pas
interdire ce produit parce que vous craignez d'être poursuivis.
Est-ce exact?
M. Bill Drost: Oui, c'est exact. C'est une considération pour nous. On nous a conseillé d'être prudents.
Il y a aussi le fait que ces questions ne relèvent pas de notre réglementation à l'heure actuelle. Cela relève du gouvernement fédéral. Selon nous, c'est la meilleure façon de procéder parce qu'il ne faudrait pas que 10 provinces et trois territoires établissent leurs propres règles dans ce domaine. Il faut des normes nationales quelconques et il faut que le gouvernement fédéral prenne l'initiative.
Le président: Donc, même s'il y avait une source bien informée, un scientifique qui faisait une mise en garde au sujet d'une substance, vous ne pourriez prendre de mesures à moins que ce soit l'ARLA qui vous communique l'information?
M. Bill Drost: Non, nous prendrions certainement des mesures. Les provinces édictent des lois et prennent des règlements constamment, et parfois elles empiètent sur des domaines de responsabilité fédérale. Cela crée parfois toute une nouvelle série de problèmes non seulement pour les deux paliers de gouvernement mais également pour les spécialistes dans le domaine, qui tentent de comprendre avec quelle série de règles ils doivent travailler.
Dans notre cas particulier à l'Île-du-Prince-Édouard, nous sommes une petite province, comme je l'ai dit, et pour faire une bonne évaluation, pour évaluer, réglementer, contrôler et inspecter adéquatement, il nous faudrait établir une infrastructure complète. Nous ne croyons pas que cela serait une façon efficace d'utiliser l'argent des contribuables de l'Île-du-Prince-Édouard, et ce ne serait certainement pas une façon efficace d'utiliser l'argent des contribuables canadiens. Toutes les provinces seraient peut-être obligées de faire la même chose dans leur cas particulier.
Le président: Pour conclure, alors, ai-je bien compris lorsque vous nous dites qu'à l'Île-du-Prince-Édouard, les municipalités n'ont pas le pouvoir d'interdire les pesticides, comme c'est le cas au Québec, et que vous vous attendez à ce que le gouvernement fédéral exerce le pouvoir d'interdire ces substances?
M. Bill Drost: Non, cela n'est pas ce que j'ai dit. Nous croyons que notre province a des pouvoirs législatifs. Les municipalités peuvent prendre leur propre règlement municipal pour limiter...
Le président: Les a-t-on dotées de la loi habilitante pour le faire?
M. Bill Drost: Je crois qu'il y a une loi en place pour les municipalités, mais le problème que nous avons ne se manifeste pas habituellement dans les limites d'une municipalité. Il se manifeste habituellement dans les parties rurales de notre province qui relèvent de la compétence provinciale et fédérale, non pas municipale.
Le président: Mais dans le cas des substances utilisées pour les pelouses dans les régions urbaines, question qu'a soulevée M. Herron, les municipalités ont le pouvoir de les interdire à l'heure actuelle?
M. Bill Drost: Exactement. Oui, c'est exact.
Le président: Mais elles choisissent de ne pas le faire?
M. Bill Drost: Je le suppose. Je ne peux répondre pour les municipalités.
Le président: Bien.
Dans le cas des autres substances, vous attendez-vous à ce que l'ARLA impose l'interdiction ou estimez-vous avoir suffisamment de pouvoir au niveau provincial pour les interdire vous-mêmes?
M. Bill Drost: Nous avons le pouvoir d'interdire des produits mais nous n'avons ni la capacité ni les ressources pour le faire. Par ailleurs, nous comptons sur l'ARLA pour le faire, car c'est en fait leur responsabilité dans ce domaine.
Le président: Le vice-président de notre comité a préparé sept questions par écrit, et un autre membre du comité qui ne pouvait être présent en raison du vote a lui aussi préparé une série de questions. Seriez-vous prêts à répondre à ces questions par écrit si nous vous donnions les textes des deux? Il y a peut-être des chevauchements, de sorte que vous devrez faire le tri vous-mêmes. Seriez-vous prêts à le faire et à transmettre le tout à notre greffier pour la gouverne des membres du comité?
M. Bill Drost: Nous le ferons avec plaisir.
Le président: Messieurs Drost et Murphy, merci beaucoup. Nous vous savons gré de ce que vous avez fait ici pour améliorer nos connaissances et nous aider à mieux comprendre le problème.
M. Bill Drost: L'Île-du-Prince-Édouard vous remercie également. Je suis certainement heureux de constater le niveau d'intérêt de votre comité pour cette très importante question, et nous attendons avec impatience de connaître les résultats de votre étude. Merci beaucoup.
Le président: Merci.
J'invite M. Rubin à s'approcher pendant que nous avons toujours le quorum.
Monsieur Rubin, excusez-nous pour le retard. Je vous invite à commencer. Nous avons très peu de temps.
M. Ken Rubin (témoignage à titre personnel): Merci, monsieur le président et membres du comité.
J'ai déjà distribué des exemplaires de mon mémoire. Je ne les lirai pas, mais je ferai quelques observations.
Je suis recherchiste sur les questions d'intérêt public. Je suis également agriculteur biologique. J'ai certainement écouté avec intérêt le fait que la transparence est une question qui vous préoccupe beaucoup. C'est un domaine auquel j'ai consacré beaucoup de temps sur le plan de l'accès à l'information.
Permettez-moi de commencer en disant que nous sommes presque en l'an 2000, qui était une date cible pour beaucoup de choses—par exemple, la réduction des substances toxiques, les pesticides, et de la pauvreté chez les enfants. Malheureusement, nous n'avons atteint aucun de ces objectifs. Nous avons peut-être des préoccupations à court terme, notamment de trouver une solution au bogue de l'an 2000, ou certaines personnes diront peut-être que l'on devrait tout simplement dépenser 46 milliards de dollars et que le gouvernement ne devrait pas faire certaines choses. Cependant, je suis d'avis que nous vivons une crise et sommes confrontés à un problème. Nous pouvons repousser les échéanciers autant que nous le voulons, mais nous ferions mieux de commencer à nous attaquer à ces problèmes.
Le fait est que, comme on l'écrit dans le Globe and Mail d'aujourd'hui, les émissions polluantes ont augmenté au pays. Nous avons une situation, comme je le dirai plus tard au cours de mon exposé, où une toute nouvelle génération de pesticides génétiquement modifiés sont rapidement approuvés pour être vendus sur le marché.
Comme le représentant de l'Île-du-Prince-Édouard l'a dit avant moi, il y a un problème au niveau de la mortalité massive des poissons. Eh bien, ce n'est qu'un symptôme. Le fait est qu'il y a un problème plus grave car on envisage des solutions à court terme. On ne semble pas pouvoir additionner deux et deux et conclure que l'augmentation considérable de l'utilisation des pesticides à l'Île-du-Prince-Édouard va mener à certains problèmes dramatiques.
Écoutez, nous ne parlons même pas du changement climatique et de la possibilité de la disparition de l'Île-du-Prince-Édouard après un certain temps. Nous avons de graves problèmes environnementaux. Il faut voir plus loin que le bout de son nez dans de tels cas.
Comme certains témoins l'ont dit dans certains témoignages que j'ai lus, il est très important que le groupe le plus vulnérable de notre société, la prochaine génération d'enfants, soit protégé.
Le ministre de la Santé est certainement de cet avis en ce qui concerne le tabagisme. Il cible la publicité pour les enfants mineurs. Mais ensuite, l'Institut canadien pour la protection des cultures comparaît devant votre comité, et vous remet leur rapport annuel dans lequel on retrouve beaucoup de très belles photos d'enfants. Ils ont de très beaux dépliants qui portent sur les cadeaux que vous pouvez offrir à votre pelouse, avec une mère et un enfant ou la famille debout devant sur leur pelouse qui a été traitée chimiquement.
• 1710
Pourquoi le ministre de la Santé et notre gouvernement ne se
préoccupent-ils pas de ce qui se passe à l'heure actuelle? Vous
avez entendu des exposés des médecins de l'Association canadienne
du droit de l'environnement au sujet des conséquences à long terme
de l'utilisation des pesticides pour nos enfants.
Il y a une certaine valeur ici aujourd'hui à ce que je puisse venir vous en parler, car c'est une question qui vous intéresse, sur le plan de la transparence. Mais il y a également beaucoup d'hypocrisie dans ce pays, en ce sens que les mandats sont contradictoires, en ce sens que des organismes comme l'ARLA disent qu'ils vont faire quelque chose ou ne pas le faire. Je pense qu'il est très important d'avoir un point de vue différent sur la question.
Le président: Je suis désolé de vous interrompre. Vous soulevez d'excellents points. J'aimerais cependant que vous nous donniez vos points principaux.
M. Ken Rubin: C'est ce que je vais faire.
La première chose que je voulais dire dans mon introduction, c'est que nous sommes en pleine crise. Notre Commissaire à l'environnement nous l'a certainement rappelé, mais ce n'est pas nouveau; nous le savons depuis de nombreuses années. Lorsque je dis que les objectifs n'ont pas été atteints, je ne pense pas que la gestion intégrée des parasites pour en quelque sorte nous sevrer des pesticides chimiques et essayer de trouver des solutions de rechange a vraiment eu du succès. Personne n'a réellement pu en évaluer le succès.
Lorsque soudainement, en partie à cause des pressions des États-Unis, peut-être à cause du Commissaire de l'environnement, l'ARLA décide de faire un examen interne, sommes-nous tous supposés dire que les problèmes seront résolus? Je suis fermement convaincu que l'examen n'est pas la réponse.
En conclusion, je recommande qu'une enquête beaucoup plus large soit faite, car l'agence a un intérêt personnel beaucoup trop important pour pouvoir mener une telle enquête. Elle fait toujours l'homologation des pesticides. Elle ne fait toujours pas de tests dans certaines régions, et elle ne publie toujours pas beaucoup d'information.
Je vous ai remis une coupure d'un article du Globe and Mail paru en mai dernier. Le fait est, d'après une étude d'Agriculture Canada, que l'utilisation des pesticides pour la culture des fruits et légumes au Canada est à la hausse, pour ce qui est des niveaux de détection, et que nous n'avons pas nécessairement le matériel de détection le plus perfectionné.
Lorsque je me promène dans la ville et dans les fermes avoisinantes, je constate que le problème n'a pas disparu. Au contraire, il s'est peut-être aggravé. Il y a de plus en plus d'activités, notamment la pisciculture, qui nécessite l'usage de pesticides. À l'Île-du-Prince-Édouard, on utilise de plus en plus de pesticides pour la culture de la pomme de terre et d'autres cultures. Nous retrouvons des problèmes liés aux pesticides dans les ressources alimentaires nordiques.
Nous avons eu un symposium international ici récemment au cours duquel on a commencé à établir un lien entre le cancer du sein et l'utilisation de pesticides. Notre propre gouvernement fédéral utilise toujours des pesticides pour l'entretien des pelouses, des parcs et pour la lutte antiparasitaire à l'intérieur des locaux. Il y a de nombreuses décharges à l'air libre pour les produits toxiques ici même dans cette ville qui ont été créées par le gouvernement fédéral. Il faut donc commencer à regarder dans sa propre cour, comme on dit.
Dans le cadre du régime actuel de gestion des pesticides, si on peut l'appeler ainsi, il me semble que les seuls niveaux de résidus maximums ou les seuls niveaux de tolérance qui ont été établis ou pour lesquels on a fait des compromis sont dans une certaine mesure dans le secteur alimentaire. Je ne vois pas les mêmes niveaux s'appliquer lorsqu'il y a lixiviation des pesticides dans le sol ou dans les cours d'eau. Aucune étude vraiment solide n'a été effectuée, et il n'existe aucun niveau de tolérance, mais il y a toujours des études qui sont faites au sujet des Grands Lacs, et l'une des sources des problèmes dus aux produits toxiques sont les pesticides.
La première chose que je veux dire, c'est que nous sommes dans une situation de crise. Il ne faut pas s'attendre à ce que l'ARLA ait des solutions—elle fait partie du problème.
• 1715
Je vais maintenant passer à un domaine que je connais, qui est
celui de la transparence et de la responsabilisation. Je pense que
votre comité a peut-être bien appris une leçon, car la LCPE a été
émasculée. L'un des éléments de la Loi qui a été émasculé, par le
lobby de l'industrie, est le degré de confidentialité—plus que
toute autre loi au pays—que l'on permet dans le cas de ces
produits toxiques. Cette confidentialité prime sur la Loi sur
l'accès à l'information. La discrétion ministérielle entre en jeu,
les secrets commerciaux, et tout le reste.
Pourquoi devrait-on s'attendre à ce que l'ARLA ou quiconque écoute s'ils ont déjà fait adopter par le Parlement l'une des 50 mesures législatives qui supplantent la Loi sur l'accès à l'information dans le domaine le plus important, c'est-à-dire celui de la sécurité? C'est une chose que de protéger le caractère confidentiel commercial ou la sécurité nationale, mais nous parlons ici de la protection de la santé et de la sécurité des Canadiens.
Je sais que lorsque je présente une demande en vertu de la Loi sur l'accès à l'information à Santé Canada—cette administration en particulier—on me répond que tout est confidentiel et interdit. C'est un peu comme un secret commercial. On ne peut donc pas en savoir beaucoup, et ce qu'on nous révèle n'est que superficiel. Nous avons même demandé une liste des pesticides qui s'appliquent aux produits du tabac. Il faut poser les bonnes questions sinon la réponse n'est pas très longue. J'ai reçu une liste indiquant qu'il y avait une quantité considérable de pesticides utilisés pour toutes sortes de produits du tabac—un poison après l'autre, pour ainsi dire—et il y a des gens qui fument. Sont-ils au courant de ce risque supplémentaire ou de ce risque supplémentaire potentiel?
Des provinces comme l'Île-du-Prince-Édouard qui n'ont même pas de loi sur l'accès à l'information—je les ai entendu dire qu'elles avaient les résultats de tests. Je parie que ces résultats de tests n'ont pas été publiés. Cela fait partie du problème. Nous avons des ententes fédérales-provinciales qui disent: «Nous vous donnerons cette information, mais nous ne la donnerons pas au public.» Cela crée un problème. S'il faut toujours aller sous la table, on aura constamment un problème. Je ne pense pas qu'il y ait d'équilibre.
Vous en avez maintenant confié l'administration à Santé Canada, qui a divers autres problèmes en matière de protection de la santé. Je me ferai un plaisir de continuer à vous parler de transparence, mais quand les gens parlent de transparence, ils ne parlent pas nécessairement de transparence pour le public. Ils ne parlent pas vraiment d'un bouleversement radical. Par exemple, en matière de secrets pharmaceutiques, je m'occupe actuellement au tribunal de questions de présentation de médicaments. Je demande qu'on me montre le droit propriétal des secrets commerciaux concernés. Je leur dis qu'ils font peut-être dans leur usine une pilule ayant une certaine dimension etc., mais que ce qui m'intéresse, ce sont les présentations concernant la sécurité qui ont été présentées au sujet de la toxicologie de ce médicament, de son efficacité, etc. Je leur demande si ces informations leur appartiennent. Non, ce sont des renseignements qui sont fournis aux responsables de la réglementation pour des raisons de sécurité.
Finissons-en avec cette idée que l'industrie des pesticides a réussi à imposer à tout le monde, que tout est un secret commercial parce que le responsable de la réglementation, qui est censé être l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, est là pour réglementer. Les informations fournies ne sont pas simplement les ingrédients secrets, ce sont les résultats de leur examen sur les questions de sécurité, ou une partie de cela, espérons-le. Il y a une espèce de tabou sur certaines informations parce qu'on a fait croire à tout le monde que ces informations étaient secrètes.
Le président: Excusez-moi, monsieur Rubin, comme il y a un vote à la Chambre des communes et que nous devons repartir là-bas, vous pourriez peut-être commencer à...
M. Ken Rubin: Très bien. Je voudrais simplement aborder deux autres points.
Il y a une question très importante pour le comité, et que je connais bien, c'est celle de l'incohérence et du conflit des mandats dont nous parlons. Santé Canada a l'ARLA, mais le ministère a aussi fixé des normes pour les limites des résidus dans les produits alimentaires. On mélange le commerce et la sécurité dans toutes sortes de domaines sous une seule autorité. C'est un problème.
• 1720
En fait, en donnant à Santé Canada divers mandats pour la
gestion de produits dangereux, du tabac, des stupéfiants, etc., on
s'écarte de l'essentiel qui est de protéger et de mettre en
évidence la santé et la sécurité des Canadiens.
Quand on regroupe des mandats contradictoires, on risque de ne pas se concentrer sur l'essentiel. J'ai l'impression, comme je le dis dans mon mémoire, que vous devriez vous pencher sur cette question, parce que je les ai entendus dire: «De toute façon, il y a un projet de loi qui existe depuis 1997». Certes, il y a un projet de loi sur la sécurité des produits médicaux et sur la sécurité des produits alimentaires. À quoi servent ces projets de loi? Ils ne font qu'affaiblir la réglementation gouvernementale et la limiter.
J'ai entendu les témoins proposer tout à l'heure qu'on donne plus de responsabilités aux entreprises. Et la responsabilité du gouvernement? Et la législation? Nous allons nous orienter vers une forme de gestion du risque au lieu d'une protection universelle des Canadiens.
La structure législative s'effrite. Je crois que votre comité devrait bien se rendre compte que Santé Canada joue un rôle de premier plan dans toutes les mesures législatives qui sont présentées.
J'aimerais brièvement mentionner les pesticides que l'on trouve sur le marché et qui viennent d'aliments génétiquement modifiés. Je crois que c'est toujours le même problème que pour l'homologation des pesticides, c'est-à-dire qu'on se demande si les essais sont suffisamment poussés. Est-ce que l'on cherche à savoir ce qui se passera une fois que le produit sera commercialisé? Y a- t-il vraiment une surveillance du marché? Fait-on des essais? Peut- on vraiment obtenir des informations? D'après mon expérience, cela me semble très limité.
En ce qui concerne les OGN et mon article paru dans le Ottawa Citizen la semaine dernière, il faut reconnaître que quand on remet en question une soi-disant procédure de sécurité pour accélérer la commercialisation de deux pommes de terre transgéniques de Monsanto, et qu'on fait intervenir des politiciens, des responsables de l'industrie de la pomme de terre... Ce n'est pas à eux qu'on devrait faire appel normalement. Si une entreprise comme Monsanto a une lacune, qu'elle en discute avec les hauts fonctionnaires concernés. On ne fait pas venir des gens qui vont dire—comme cela a été le cas dans l'un des points à l'ordre du jour—qu'ils veulent voir ce que l'on peut faire pour commercialiser les produits NatureMark, qui sont les produits transgéniques de Monsanto.
Nous avons donc un problème de crédibilité. Je me souviens du début des années 80, où le laboratoire des États-Unis faisait des tas d'essais sur les pesticides... Je sais bien que vous allez entendre les représentants de Cantox; vous devriez sérieusement leur demander s'ils font vraiment des tests sérieux. En fait, on a prouvé que ce laboratoire aux États-Unis avait falsifié les résultats des tests, et nous en subissons toujours les conséquences. Il y a là aussi une crise. C'est toute la confiance du public qui est en jeu ici.
Monsieur le président, je sais que votre comité—et ceci sera ma dernière remarque avant de conclure—avait des inquiétudes au sujet des aliments pour poisson, un domaine sur lequel je me suis penché pendant plusieurs années, inquiétudes qui ont été écartées par les hauts fonctionnaires. Ces centres de pisciculture sont une industrie qui représente des milliards de dollars probablement, et qui a été encouragée par le gouvernement. Le gouvernement fédéral a mis très longtemps à se pencher sur la question des limites de résidus ou de pesticides. Il y a pourtant là un problème écologique. Ce qui se passe au Canada—et la Loi canadienne sur la protection de l'environnement n'y peut plus grand-chose, évidemment—c'est qu'Environnement Canada se trouve mis sur la touche. Si l'on présente de nouvelles mesures législatives, je suis sûr qu'elles remplaceront les examens des pesticides.
La réglementation sur l'évaluation environnementale qu'on essaie actuellement de faire passer empêcherait Environnement Canada de faire des essais en double aveugle sur les produits alimentaires pour s'assurer de leur innocuité. C'est l'Agence canadienne d'inspection des aliments qui s'occuperait des études sur les aliments pour animaux et les rejets dans l'environnement, cependant que Santé Canada s'occuperait de la sécurité des aliments.
Cela pose un problème. D'après ce que je crois savoir, votre comité voudrait se pencher sur la question de la lutte antiparasitaire. Ce n'est pas un domaine réservé de Santé Canada ou du Comité de la santé. C'est une question qui nous concerne tous car elle a des conséquences sur l'environnement, sur la santé et sur l'hygiène du milieu. On ne peut pas se pencher sur des questions comme les aliments pour le poisson et les pesticides avec des oeillères comme on le fait actuellement à Ottawa.
• 1725
Le défi ne consiste pas seulement à améliorer l'alimentation.
Je sais que vous avez reçu l'autre jour un message—ce qui est
encourageant—de certains groupes proposant des produits
biologiques durables. On peut remplacer les produits chimiques
traditionnels par d'autres produits. C'est peut-être un peu
difficile, comme la démocratie, mais c'est tout de même réalisable
sur le plan économique.
McCain a pris la décision... Le précédent témoin a dit que les fondements scientifiques demeurent solides, mais je ne le crois pas. Je ne pense pas que McCain ait agi sous la pression du public. Sa décision a été motivée tout simplement par le fait que ces pommes de terre transgéniques n'avaient pas un bon rendement. Le doryphore de la pomme de terre—je suis agriculteur, et je le connais bien—va être plus fin que ces petits pesticides insérés dans les cellules. C'est un fait et une réalité.
Une entreprise part du principe qu'elle ne va pas exploiter un produit s'il ne rapporte pas. Malheureusement, on a laissé beaucoup trop de liberté à l'industrie des pesticides.
En conclusion, étant donné la foule de problèmes et de conflits inhérents à l'administration actuelle, je pense qu'il est grand temps que votre comité recommande une enquête publique beaucoup plus poussée que celle qui est actuellement menée sur l'état de la gestion des pesticides et des produits toxiques au Canada. Il faut assurer une meilleure protection et une meilleure transparence pour protéger non seulement nos aliments, mais aussi nos sols, notre eau et notre air. Tous ces éléments sont liés. C'est quelque chose d'indispensable.
Merci.
Le président: Monsieur Rubin, merci beaucoup pour ce tableau très vaste de la situation.
En procédant à cette enquête poussée que vous proposez, on reporterait de plusieurs années les initiatives législatives. Notre comité est là précisément pour procéder à cette enquête plus poussée dans un délai limité. Ce ne sera pas une enquête absolument complète, mais c'est mieux que rien et nous espérons que cela incitera le gouvernement à agir plus rapidement que prévu. C'est tout ce que nous pouvons faire pour protéger les intérêts du public.
Je vous remercie de toutes ces questions que vous avez soulevées et je suis sûr que Mme Girard-Bujold et mon collègue M. Lastewka ont des questions à vous poser.
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Monsieur le président, je n'ai pas beaucoup de commentaires à faire ou de questions à poser parce que l'exposé de M. Rubin était complet. Il a résumé les témoignages de tous les autres gens qui ont comparu devant le comité.
C'est vrai qu'on devrait recommander la tenue d'une enquête publique, monsieur le président. Après tout ce qu'on a entendu ici depuis des semaines, il est temps qu'on agisse. Si on ne s'occupe pas de ce problème au Canada et dans les provinces, le fossé va se creuser de plus en plus. Je pense qu'on va arriver à un point où on ne pourra plus agir dans un sens positif pour la santé des gens.
Monsieur, selon vous, qui devrait piloter l'enquête publique et quel devrait être le mandat de cette enquête? Merci.
[Traduction]
M. Ken Rubin: Question délicate. Je me souviens de l'époque, il y a quelques années, où j'étais au Conseil des sciences du Canada, qui n'existe plus, et où je me disais toujours que ce qu'il nous fallait au Canada, c'était un organisme indépendant pour évaluer les progrès de la technologie et de la science. Cela nous permettait d'avoir une vue d'ensemble, un dispositif d'alerte précoce, si vous voulez. Cet organisme n'existe plus. Je sais que nous avons le recours possible à la mécanique très lourde de la commission royale, ce que je ne recommande pas, mais nous avons aussi des savants qui sont sans parti pris et qui pourraient mener une enquête.
Je crois que le problème, pour revenir à la question de la transparence, est de savoir ce que nous pourrions trouver si nous avions des possibilités d'accès plus direct à l'information. Nous constaterions peut-être que cette information n'existe pas ou qu'elle est très ténue, incomplète, qu'elle comporte des lacunes comme cela a été le cas pour la somatotrophine bovine. Nous constaterions peut-être que nous avons besoin de ce genre d'organisme beaucoup plus indépendant qu'un Cantox qui est lié au gouvernement, pour évaluer vraiment la situation en tenant compte de nos intérêts, car sinon ce ne sera jamais fait.
• 1730
Peut-être une enquête prendrait-elle trop longtemps, comme l'a
dit le président, mais il nous faudrait en tout cas une meilleure
protection. Si nous n'avons pas le moyen de renvoyer constamment
ces questions à des groupes de savants impartiaux qui n'ont aucun
problème de conflit d'intérêts, la situation va s'améliorer. Je ne
vois pas la terre promise, en tout cas dans le domaine des
pesticides chimiques, dont on nous parle.
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Je n'ai pas eu le temps de lire tout votre exposé, mais je le ferai avec intérêt. Vous dites qu'il faut que les choses changent. Vous dites qu'il n'y a pas de structure qui va permettre un changement. Vous suggérez cela, mais vous dites ensuite qu'une commission d'enquête mettrait peut-être trop de temps à accomplir son mandat. Pour ma part, je ne verrais pas la mise sur pied d'une commission d'enquête. Il y a eu des enquêtes publiques dans les provinces, mais ce n'étaient pas de grandes commissions d'enquête pour noyer le poisson, comme on en a vu au Canada.
[Traduction]
M. Ken Rubin: Non, cela pourrait être le cas.
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Toutes les personnes qui sont venues ici ont identifié les causes de cette situation. Vous dites que l'ARLA n'a pas accompli son mandat. Je ne sais pas si son mandat était très clair. Qu'est-ce qu'il nous faudrait faire pour qu'on agisse tout de suite? Nous avons entendu beaucoup de choses. Nous avons un pouvoir de recommandation. Qu'est-ce que je vais pouvoir recommander? Je vais recommander tout ce que vous nous dites, mais que vais-je dire ensuite? Que pourrais-je dire pour cerner tout cela afin qu'on agisse?
[Traduction]
M. Ken Rubin: C'est assez considérable. Je souligne certaines des lacunes et des réalités telles que je les vois. On pourrait lancer des enquêtes plus modestes. Elles pourraient porter par exemple sur un groupe particulier de pesticides ou sur les nouveaux pesticides que l'on essaie ou sur des aliments transgéniques. Nous en avons 42 actuellement. Voyons ce qu'on a fait jusque-là. Concentrons-nous stratégiquement sur certains domaines particuliers. Examinons certains des principaux pesticides, comme le 2,4-D et le Roundup, ou peut-être la lixiviation liée aux pesticides dans les endroits du Canada où il y a d'importantes nappes phréatiques.
Penchons-nous sur les domaines prioritaires. Je sais qu'en matière de substances toxiques on est censé se concentrer sur les domaines prioritaires, alors voyons ce qui se passe dans ce cas-là. Je pense que nous avons les moyens de le faire et si nous en avons la volonté, ce qui ne me semble pas le cas actuellement, on pourra...
Si on n'avait pas démantelé la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, je pourrais dire avec un peu plus d'assurance que nous pouvons aller de l'avant plus vite. Mais nous nous heurtons à un lobby très solide, et on a fait avalé à tout le monde l'argument bidon du secret commercial. Il faut ouvrir cette fenêtre. On a fait avaler aux gens l'idée qu'il s'agissait d'un organisme distinct et qu'il ne devrait pas être lié à autre chose ni avoir des mandats contradictoires. Actuellement, il s'agit d'un mandat de ventes commerciales plus que d'un mandat de protection de la sécurité. Il faut remanier tout cela. Certaines de ces questions relèvent de la législation et d'autres du débat public.
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Monsieur, dans votre document, vous faites allusion à la Commission de réforme du droit du Canada de 1987. Vous dites que les représentants officiels ont pris connaissance des résultats de la Commission de réforme du droit du Canada et ont décidé d'ignorer son rapport dans une large mesure. Ce rapport est-il public? Qu'y avait-il dans ce rapport? Pourriez-vous nous en parler?
[Traduction]
M. Ken Rubin: Oui. C'était un simple document d'étude, mais qui rassemblait des personnes très intéressantes. Quand on a lancé l'idée de la gestion des pesticides dans le domaine agricole, on a vraiment espéré que cette notion de gestion intégrée des parasites marcherait, et que l'on s'écarterait des pesticides toxiques pour s'orienter vers d'autres produits biologiques. Certains des groupes d'écologistes qui ont participé à cet exercice n'ont pas été enthousiasmés par les résultats, sinon ils ne reviendraient pas maintenant dire au comité qu'ils ont été...
• 1735
On a lancé un processus, qui a été récupéré par Agriculture
Canada, par les gens de l'industrie et par ceux qui aiment de
jolies expressions comme «gestion intégrée des parasites», sans
qu'il y ait des programmes solides, ni du côté de la transparence,
ni dans la rigueur des règlements. Si j'ai bien compris, à l'Île-
du-Prince-Édouard, je pensais que les municipalités avaient le
droit d'interdire elles-mêmes l'utilisation de pesticides chimiques
sur les gazons, comme on le fait ici, à Chelsea. Peut-être que
c'était avant 1997.
Il faut redonner le pouvoir à la population. Il faut lui rendre les outils du pouvoir. Si on ne crée pas des instruments de vérification, certains groupes profiteront de la situation. C'est la vie. Leur motivation n'a rien à voir avec l'intérêt public.
Le président: Monsieur Lastewka.
M. Walt Lastewka: Monsieur le président, comme le temps est devenu l'une de nos priorités, je ne poserai qu'une question, qui porte justement sur les priorités.
Si vous ne pouviez transmettre au comité que deux messages, quels seraient-ils, brièvement?
M. Ken Rubin: Les deux qui me plaisent le plus... Si le comité recommande une plus grande transparence, comme je crois qu'il le fera, et qu'il ne choisit pas, par exemple...
M. Walt Lastewka: Dites-nous ce que vous voulez qu'on fasse, plutôt que... Soyez bref. Quelles sont les mesures prioritaires que vous voulez recommander au comité?
M. Ken Rubin: J'ai dit que la priorité, pour cet aspect de la question, c'est une divulgation élargie, qu'il n'y ait plus de secrets commerciaux, que lorsqu'on discute d'applications il y ait un examen par des pairs, des tests indépendants et un suivi. La transparence est importante.
Deuxièmement, il faut éliminer les conflits d'intérêts du mandat de réglementation des pesticides et le placer là où il doit être, dans un contexte clair. Si cela doit relever du ministre de la Santé, il faut qu'il soit clair que cela fait partie de son mandat. Quelqu'un d'autre pourra s'occuper des aspects commerciaux et de l'homologation. C'est une question de sécurité. Ce n'est pas une question de commerce ou de commercialisation. Ce n'est pas simplement une question d'homologation.
M. Walt Lastewka: Merci.
Le président: Monsieur Rubin, vous nous dites que les organismes qui ont un double mandat ne peuvent pas agir dans l'intérêt du public, parce qu'ils chevauchent deux chevaux à la fois qui galopent en sens contraire. Est-ce une image conforme à vos propos?
M. Ken Rubin: Je crois que oui. On essaie de plus en plus de mettre divers facteurs en équilibre, dont la gestion du risque, plutôt que d'appliquer les principes de prudence scientifique dont des témoins précédents ont parlé. On sacrifie beaucoup.
J'ai donné l'exemple de Monsanto, où essentiellement, on faisait un examen sur l'innocuité du produit quand, tout d'un coup, des questions commerciales et des pressions relatives aux semis de l'année qui venait sont devenues importantes, même si on a corrigé les lacunes par la suite et respecté les échéances.
Quand ce genre de chose nous pend au-dessus de la tête, c'est plus difficile. Divers témoins, dans leurs mémoires, ont affirmé qu'il fallait alléger le fardeau réglementaire et réduire les dédoublements. Ce qu'ils disent, c'est qu'on n'a pas besoin d'Environnement Canada qui fait des règlements sur l'évaluation environnementale et des vérifications supplémentaires. Autrement dit, ils veulent qu'on commercialise les produits en oubliant les conséquences environnementales et les préoccupations relatives à la sécurité.
Le président: En réponse à la question de M. Lastewka, vous recommandez que les organismes à double mandat soient remplacés par des organismes à mandat unique?
M. Ken Rubin: Je crois que oui. Je serais plus à l'aise si Environnement Canada et Santé Canada étaient les principaux responsables, même s'ils n'ont pas été des ministères très sérieux dans l'application de ces règles, pour éviter certains des conflits que nous voyons actuellement.
Je crois vraiment que les considérations environnementales que votre comité examine dans le contexte actuel ne sont pas prises au sérieux. Si nous ne les prenons pas de nouveau au sérieux, nous aurons un problème, puisque c'est l'environnement, puis la santé humaine, qui en souffriront.
Le président: En terminant, monsieur Rubin, à la page 3, vous faites une affirmation qui m'a vraiment frappé. Vous dites:
-
Les niveaux de pesticides qui sont tolérés dans la nourriture, tel
que le prévoit la division 15 de la Loi sur les aliments et
drogues, reposent sur une limite maximale des résidus non
scientifique.
Pouvez-vous nous en dire davantage? Pourquoi dites-vous «reposent sur une limite maximale des résidus non scientifique»?
M. Ken Rubin: Je suis le premier à dire que je ne suis pas un scientifique, mais j'ai lu des rapports scientifiques et je sais qu'il y a eu de la controverse.
D'abord, c'est un fait que dans le cas de certains aliments, il n'y a aucune limite. Certaines limites s'appliquent à tous les aliments et se trouvent dans la division 15 de la Loi sur les aliments et drogues. Je crois que la limite se situe à 0,1 partie par million. Est-ce que c'est trop élevé? Si on applique cette mesure principalement aux fruits et aux légumes, est-ce qu'on étudie seulement un seul pesticide et son effet? En fait, il s'agit de l'interaction de plusieurs pesticides. Qui a établi les objectifs et les balises? Ne devrait-on pas les réévaluer? D'aucuns disent que ces objectifs et balises ont été mal calculés, mais on accepte quand même ce niveau de résidus.
Je crois avoir également dit dans mon exposé que lorsque ces limites sont dépassées—ce n'est plus Santé Canada mais bien Agriculture Canada qui effectue dorénavant les inspections—je dois mettre des mois juste pour découvrir qui sont les coupables en vertu de la liste de conformité à la réglementation. On apprend toutes sortes de choses à propos de ce qui se passe au Canada, et ce, non seulement pour les produits importés. Lorsque j'obtiens finalement ces listes mensuelles en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, je découvre que les limites sont dépassées régulièrement. Parfois, les coupables sont des petites compagnies, parfois ce sont de grandes entreprises.
Il y a donc un problème lorsque les limites sont dépassées, mais comme pour tout le reste, il faut réexaminer cette question. Je crois avoir également dit qu'on n'a pas établi de limites de tolérance pour les terres, les arbres, l'eau et ainsi de suite. C'est une chose que de...
Le président: Monsieur Rubin, je m'excuse de vous interrompre, mais la limite maximale des résidus se trouve au coeur des questions que nous étudions à l'heure actuelle.
M. Ken Rubin: C'est vrai.
Le président: Lorsque vous nous dites que les LMR courantes sont mal calculées, cela fait l'effet d'une bombe. Par conséquent, vous devez nous éclaircir, puisque cela chambarde énormément nos travaux. Sur quoi basez-vous cette affirmation?
M. Ken Rubin: La division 15 existe depuis bon nombre d'années, mais quand j'ai fait une demande d'accès à l'information, je n'ai jamais pu trouver une réévaluation des limites contenues dans cette division. Il y a des limites universelles pour plusieurs produits. À mon avis, c'est déraisonnable. Des gens comme Sam Epstein, de l'Université d'Illinois à Chicago, qui a été très critique à ce chapitre—il est l'auteur de The Politics of Cancer...
Le président: Ces limites sont-elles imposées de façon arbitraire? Sont-elles définies de façon arbitraire?
M. Ken Rubin: Voilà ce que je me demande. Mais elles sont vraiment appliquées universellement, avec quelques exceptions. Il faut donc se demander si elles sont efficaces. Prenez l'exemple d'une pomme: elle ne contient pas seulement un produit chimique, mais plus de 40. Comment se fait le test de la limite maximale des résidus? Voilà le problème. Je crois que personne... J'encouragerais le comité à étudier cette question plus en profondeur, parce que je...
Le président: Dans ce cas-là, il nous faudra cinq ans. C'est tout un labyrinthe. Le fait que vous ayez conclu que les limites sont calculées de façon non scientifique est très préoccupant.
M. Ken Rubin: Bien, c'est mon opinion parce que c'est le même problème pour beaucoup de produits. La méthode de calcul ne prend pas en considération certains groupes, tels les enfants et les gens du Nord qui mangent à même les sources alimentaires, qui sont plus vulnérables. Il n'existe qu'un système universel, qu'un niveau de résidus. Je ne crois pas qu'il soit réaliste de penser qu'un tel système protège la santé et la sécurité de personnes comme les femmes enceintes ou d'autres personnes vulnérables.
D'après moi, la science a tellement progressé qu'il est maintenant possible de détecter des résidus et d'en ajuster les niveaux en fonction des situations environnementales et de la santé. Tout ce que je dis c'est que personne n'a même pas fait l'effort de passer en revue ces limites. Elles existent depuis des années; personne ne les a remises en question, ni retestées. Les tests, qui sont par voie d'échantillonnage, sont très limités et sont faits sur un produit à la fois. D'après moi, les tests ne sont pas bien faits, ni ne sont pas systématiques, et ne prennent pas en considération les groupes vulnérables, ni d'autres facteurs.
• 1745
Je ne suis pas un expert en la matière, mais si cela
représente la pierre angulaire du système, au secours! Si les
ingrédients contiennent des produits faisant l'objet de secrets
commerciaux—que ce soit les ingrédients inertes ou actifs dans les
pesticides—et si nous manquons de données faute de tests, ou si
nous ne savons pas ce que les entreprises ajoutent aux cellules
transgéniques, je ne suis pas en mesure de vous dire si tel ou tel
niveau est adéquat.
Il serait logique de croire qu'une instance donnée surveillerait la situation et étudierait le fait que certaines personnes semblent être davantage affectées par leur environnement, par des pesticides, ou semblent souffrir davantage de problèmes respiratoires ou de certains cancers.
Je me suis senti très mal à l'aise lorsque certains groupes sont venus me voir à Chelsea. Ils savaient que je pratiquais l'agriculture organique. Ils m'ont dit que certains de leurs membres souffraient du cancer du sein et m'ont posé des questions sur l'effet des pesticides. Je ne suis pas un expert en la matière, mais ils avaient assisté à des conférences où parlaient des experts.
Les gens commencent à poser des questions. Ils ne sont pas prêts à accepter ce que leur disent les administrateurs, surtout quand on leur dit qu'il y a un niveau de tolérance acceptable, qu'il faut l'accepter et qu'il ne nuit à personne. Eh bien, pourquoi les gens sont-ils encore malades et pourquoi commence-t-on à découvrir des liens entre certains produits et certaines maladies? Ce n'est pas seulement sur les fermes, où les dosages de pesticides ne sont pas nécessairement bien contrôlés, que les gens souffrent. C'est un problème qui semble être répandu dans plusieurs groupes de la société.
Je n'en sais rien. J'aurais bien voulu vous fournir des réponses. Mais le but de mon travail, qui consiste à chercher et obtenir de l'information, est en partie de sonner l'alarme pour mon propre bénéfice; sinon, les gens acceptent aveuglément ce qui se fait.
Comme je l'ai dit au début, nous voilà en l'an 2000. Nous avions fixé toutes sortes d'objectifs formidables, y compris des limites pour les substances toxiques et des échéances. Dans les années 70, Ross Hume Hall et d'autres personnes travaillaient à cette question. Ils avaient commencé à réévaluer les substances toxiques et ont finalement réussi, après beaucoup de travail, à faire réévaluer les dioxines et d'autres produits. Mais les évaluations progressent à pas de tortue. C'est déplorable.
Pourquoi? D'un côté, nous dépensons des milliards de dollars dans d'autres domaines, mais nous ne semblons pas capables de trouver l'argent pour étudier quelque chose qui nous touche de près. Par exemple, l'Île-du-Prince-Édouard a une petite économie. Étant donné l'augmentation du niveau des pesticides sur l'île, il va y avoir des sérieux problèmes dans quelques années. J'aimerais bien qu'on vienne en aide aux gens qui vont souffrir, ainsi qu'à d'autres qui sont encore plus vulnérables.
Le président: Merci, monsieur Rubin. Nous apprécions beaucoup vos idées et votre intérêt.
M. Ken Rubin: Merci.
Le président: La prochaine séance aura lieu lundi après-midi. Nous recevrons le Commissaire à l'environnement et au développement durable, M. Emmett. Merci beaucoup.
La séance est levée.