ENVI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON ENVIRONMENT AND SUSTAINABLE DEVELOPMENT
COMITÉ PERMANENT DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 23 novembre 1999
Le président (l'hon. Charles Caccia (Davenport, Lib.)): Bonjour à tous. Excusez ma voix de fausset; je chantais à l'opéra hier soir et je suis allé un peu trop loin.
Je m'excuse aussi de notre retard auprès de nos témoins. Nous aurions pu commencer il y a une demi-heure, mais nous n'avions pas quorum.
Je remercie les membres du comité qui sont arrivés; nous pouvons maintenant commencer sans faire attendre les témoins plus longtemps.
Je voudrais tout d'abord vous aviser que je vais présenter demain une motion proposant que le comité puisse réduire son quorum de cinq à trois pour pouvoir entreprendre ses séances, et faire passer de deux à un le nombre de députés de l'opposition qui doivent être présents à cette fin.
• 0920
Je suis très heureux que M. Jaffer soit ici aujourd'hui, ce
qui nous permet de commencer même si nous n'avons pas exactement le
nombre de membres prévu par notre règlement; j'espère que vous n'y
voyez pas d'objection.
Nous entendrons ce matin, de l'Association canadienne des eaux potables et usées, M. Ellison, je pense, et M. Douglas; et aussi, de Santé Canada, M. Thomas et Mme Morisset. Quand nous en aurons terminé avec cette équipe, si je puis dire, nous entendrons ensuite les représentants du Congrès du Travail du Canada.
Si j'ai bien compris, M. Ellison veut commencer. J'invite chacun des groupes à limiter ses commentaires à une dizaine de minutes si possible, pour que nous puissions ensuite poser des questions, évidemment.
Encore une fois, au nom des membres du comité, je m'excuse de vous avoir fait attendre et je vous souhaite la plus cordiale bienvenue.
Monsieur Ellison, vous avez la parole.
M. Duncan Ellison (directeur général, Association canadienne des eaux potables et usées): Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité.
Je suis directeur général de l'Association canadienne des eaux potables et usées. Je suis en compagnie de M. André Proulx, qui est membre du conseil d'administration et du comité directeur de l'ACEPU. C'est lui qui fera le gros de notre présentation. Nous avons également avec nous M. Ian Douglas, qui est ingénieur des procédés à la Section de la qualité de l'eau de la Municipalité régionale d'Ottawa-Carleton et qui préside le Comité des eaux de l'ACEPU.
M. André Proulx (secrétaire-trésorier, Association canadienne des eaux potables et usées): Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je suis directeur de la Division de l'eau à la Municipalité régionale d'Ottawa-Carleton. Je siège aussi au conseil d'administration de l'ACEPU à titre de représentant de l'Ontario Waterworks Association et je suis secrétaire-trésorier de son comité directeur.
M. Duncan Ellison: Monsieur le président, l'ACEPU représente l'ensemble des organismes municipaux chargés de l'approvisionnement en eau et du traitement des eaux usées, qui sont sur la ligne de front en ce qui concerne la protection de la santé publique et de l'environnement dans le domaine de l'eau. Notre association représente, à l'échelle nationale, les services sans but lucratif qui s'occupent de l'approvisionnement en eau et du traitement des eaux usées dans plus de 3 000 municipalités, où vivent plus de 24 millions de Canadiens. Elle travaille en collaboration avec les sept associations régionales ou provinciales dans ce domaine, qui regroupent les organisations assurant le fonctionnement des systèmes de traitement, de collecte et de distribution de l'eau potable et des eaux usées.
L'ACEPU remercie le comité de lui avoir permis de participer à l'examen de la gestion des produits antiparasitaires au Canada; le comité lui a demandé de l'information au sujet des effets des pesticides sur la qualité de l'eau potable, ainsi que des divers procédés servant à désinfecter l'eau potable et les eaux usées.
À cet égard, l'ACEPU tient à préciser que ni le chlore, ni aucun des autres désinfectants chimiques en usage ne sont considérés comme des pesticides au sens du programme de gestion des pesticides. Ce sont des désinfectants, dont les autorités provinciales et fédérales responsables de la santé publique et de l'environnement exigent l'utilisation pour désinfecter l'eau potable et les eaux usées, à titre d'outils de gestion des risques de contamination microbienne dans toutes les sources d'approvisionnement en eau et dans les effluents contenant des déchets humains ou autres.
M. André Proulx: Je vais maintenant vous parler des pesticides. Ces produits ont deux types d'effets sur les services municipaux d'adduction d'eau: leur présence dans les nappes d'eau souterraines et de surface, et les défis que représente leur traitement. Je vais ensuite vous parler de la désinfection de l'eau potable et des effluents d'eaux usées, et vous décrire les différents procédés chimiques ou autres qui sont disponibles ou qui devraient être utilisés pour assurer le respect des objectifs de santé publique.
La contamination des sources d'eau par les pesticides est un problème sérieux. L'utilisation, en toute légalité, de pesticides pourtant homologués a pollué les nappes d'eau dans l'ensemble du Canada et dans toutes les régions du monde.
Les pesticides pénètrent dans ces nappes d'eau de trois façons: par déversement accidentel ou rejet, par lessivage dans les eaux souterraines et par ruissellement dans les eaux de surface.
Les activités de surveillance fédérales et provinciales ont permis de détecter dans toutes les régions du pays la présence de pesticides dans des nappes d'eau servant de sources d'approvisionnement en eau potable. Même si les niveaux observés sont généralement conformes aux lignes directrices à cet égard, les responsables de la santé publique et de l'approvisionnement en eau potable demeurent préoccupés par la nécessité de protéger à long terme nos sources d'eau potable.
Il est difficile de prédire les conséquences que peuvent avoir sur la santé l'exposition à ces pesticides résiduels dans l'eau potable, de même que les procédés de traitement utilisés pour supprimer ces pesticides ou en abaisser le niveau. Il est donc important d'empêcher dès le départ que des pesticides se retrouvent dans nos sources d'approvisionnement en eau.
• 0925
Pour protéger ces sources d'approvisionnement, l'ACEPU et tous
les services municipaux d'adduction d'eau sont résolus à assurer
l'élaboration et la mise en oeuvre de saines pratiques de gestion
des bassins hydrographiques, ce qui inclut en l'occurrence les eaux
de surface et les régions d'alimentation des formations aquifères.
Toutes les sources de pollution, qu'elles soient ponctuelles ou
non, doivent êtres visées par le programme. Un déversement ou un
rejet de pesticides est considéré comme une source de pollution
ponctuelle, tandis que la contamination par écoulement ou par
migration dans les eaux souterraines constitue une source non
ponctuelle. Comme la plupart des bassins hydrographiques débordent
de loin les limites des municipalités, et par conséquent leur
territoire de compétence, les programmes de gestion des bassins
hydrographiques doivent être mis en oeuvre aux niveaux provincial
ou fédéral.
Bien que certaines technologies de traitement des eaux permettent de supprimer assez complètement—ou même très complètement—les pesticides, la prévention est de loin préférable. L'ACEPU recommande donc que votre comité appuie les initiatives fédérales visant à empêcher dès le départ que des pesticides se retrouvent dans les sources d'eau potable. Il faut multiplier immédiatement les efforts de formation, d'éducation et de sensibilisation portant sur l'utilisation et l'application optimales des pesticides par les utilisateurs commerciaux et résidentiels.
Les propriétaires de maisons devraient être une des premières cibles visées puisque—fait étonnant—l'utilisation des pesticides par acre est parfois plus élevée dans les villes et les banlieues que dans les fermes. Un sondage effectué auprès de propriétaires de maisons de la banlieue de Chicago a révélé que le traitement des pelouses nécessitait chaque année une dizaine de livres de pesticides par acre, ce qui correspond à peu près à neuf kilos par hectare, comparativement à deux kilos environ par hectare utilisés par les producteurs de soya.
Il faut aussi cibler les usagers des terrains de golf et les utilisateurs de pesticides industriels, par exemple sur l'emprise des lignes électriques, des pipelines et des voies ferrées, de même qu'à proximité des barrages et des aqueducs. Tout ce qui est vaporisé dans les airs ou sur le sol finit par se retrouver dans nos nappes d'eau.
Il faudra effectuer de la recherche supplémentaire pour en arriver à mieux comprendre les effets à long terme, sur la santé publique et sur l'environnement, des pesticides provenant de toutes les sources, et plus particulièrement leurs effets synergiques. Il faudra aussi faire de la recherche sur l'ampleur et la permanence de la contamination des eaux souterraines et des eaux de surface par les pesticides au Canada, ce qui est essentiel pour comprendre la portée du problème auquel doit faire face le secteur du traitement des eaux et de l'approvisionnement en eau.
L'eau provenant de la nature n'est jamais pure. Elle contiendra toujours des impuretés, naturelles ou artificielles—qu'elles soient chimiques ou microbiennes—, et il faudra toujours la traiter pour en supprimer ces impuretés ou en réduire la quantité. Les risques de contamination microbienne proviennent de toutes les créatures vivantes dont les excréments se retrouvent, naturellement ou intentionnellement, dans les nappes d'eau.
Il faut employer des désinfectants pour respecter les normes de santé publique établies par les organismes fédéraux et provinciaux responsables de la santé publique et de l'environnement. L'eau potable et les effluents d'eaux usées sont désinfectés dans le but de réduire au minimum l'incidence des maladies d'origine hydrique. Les autorités sanitaires sont unanimes à dire qu'il ne faut pas compromettre l'efficacité des mesures de désinfection de l'eau, même si les sous-produits de cette désinfection peuvent présenter certains dangers.
Pour circonscrire la menace que représentent les protozoaires, les autorités de réglementation réclament une plus grande efficacité dans la désinfection de l'eau ou encore dans la suppression de ces organismes par des moyens physiques. En raison des récentes épidémies causées par des agents microbiens et du nombre croissant de personnes dont le système immunitaire est déficient dans notre société, ces autorités exigent un plus haut niveau de désinfection et de suppression des microbes par des moyens physiques afin de réduire les risques à cet égard.
Les principales méthodes de désinfection en usage aujourd'hui reposent sur l'utilisation du chlore sous une forme ou sous une autre, qu'il s'agisse du chlore gazeux, du bioxyde de chlore, de l'hypochlorite de sodium ou des chloramines. L'ozone et les rayons ultraviolets peuvent constituer des désinfectants de remplacement et sont d'ailleurs de plus en plus répandus. Bien que ces désinfectants aient pour but de tuer les agents microbiens et les autres organismes présents dans les sources d'eau, ils ne sont pas considérés comme des pesticides et ne sont pas réglementés comme tels, pas plus que s'ils étaient utilisés dans des hôpitaux pour désinfecter ou stériliser les outils chirurgicaux et les autres pièces d'équipement, ou encore les zones où se trouvent les patients. La filtration sur membrane est par ailleurs une technologie de traitement non chimique, dont l'usage n'est pas encore très répandu pour des raisons économiques, mais qui est déjà utilisée dans de petits réseaux.
• 0930
Les désinfectants et les procédés chimiques et non chimiques
servant au traitement de l'eau potable et des eaux usées sont
souvent utilisés en combinaison ou en séquence pendant les
multiples étapes des processus de traitement, de distribution et
d'élimination. Il existe une certaine souplesse relativement à leur
utilisation à ces diverses étapes, mais quel que soit le procédé
utilisé, on s'est rendu compte qu'il faut de toute façon utiliser
du chlore, soit directement, soit sous forme de chloramines, pour
s'assurer que l'eau des réseaux de distribution demeure désinfectée
et bonne à boire. Les rayons ultraviolets, l'ozone et les
membranes, dont j'ai parlé tout à l'heure, n'offrent pas une
protection suffisante.
Traditionnellement, le chlore et les produits connexes ont toujours été—et ils le sont encore, d'ailleurs—largement utilisés dans les phases de prétraitement et de post-traitement de l'eau potable et dans la désinfection des effluents d'eaux usées juste avant leur rejet dans l'environnement. Le chlore est efficace pour éliminer les risques de contamination microbienne, il est facilement disponible et il a eu une influence primordiale sur la promotion de la santé publique dans le monde entier. Les maladies d'origine hydrique sont un important facteur de mortalité infantile et juvénile, de même que de diminution de la production économique, dans les pays en voie de développement.
Les sous-produits de la désinfection au chlore suscitent des préoccupations sur le plan de la santé publique, mais les autres méthodes et systèmes de désinfection ont eux aussi des effets négatifs. C'est là tout le dilemme: comment obtenir les effets bénéfiques de la désinfection, pour la santé et pour l'environnement, sans effets négatifs indus? Mais quelles que soient les solutions de rechange adoptées pour le prétraitement de l'eau potable et le post-traitement des eaux usées, il doit rester un résidu de chlore ou d'un autre produit similaire dans les réseaux de distribution d'eau potable. Il n'y a tout simplement pas d'autre solution.
L'ozone est utilisée dans certains processus de désinfection de l'eau potable à l'étape du prétraitement, avant ou juste après la coagulation, la floculation et la filtration. L'ozone est un puissant agent d'oxydation et de désinfection, qui se forme sur place par le passage d'air sec sur des électrodes de haut voltage.
L'ozone est une substance qui se produit naturellement, le plus souvent après un orage électrique. On peut la sentir à l'occasion. Après un orage électrique, l'air sent l'ozone.
Cette substance est plus répandue en Europe qu'au Canada et aux États-Unis, quoique cette technologie soit employée à Montréal, Québec et Sainte-Foy, dans la province de Québec, et que la ville de Windsor, en Ontario, ait décidé récemment de l'adopter.
Cependant, l'utilisation de l'ozone à des fins de désinfection entraîne la formation de sous-produits comme les aldéhydes et les bromates, qui présentent aussi des risques pour la santé. C'est pourquoi, par exemple, les lignes directrices provisoires établies par Santé Canada au sujet de la concentration maximum acceptable pour les bromates fixent cette concentration à un niveau assez bas, soit 0,01 milligramme par litre.
La technique des rayons ultraviolets, ou UV, repose sur l'utilisation de particules lumineuses de haute énergie, plutôt que de produits chimiques oxydants, pour la désinfection de l'eau. Des lampes UV émettent de l'énergie sur une longueur d'ondes qui pénètre les parois des cellules et détruit le matériel génétique des bactéries et des virus. Tous les organismes sont sensibles à l'action germicide des rayons UV, mais la dose mortelle varie d'un organisme à l'autre. L'utilisation de systèmes UV exige un accès facile à l'équipement, qui doit subir un entretien périodique, des canaux pour les banques de lampes et une source fiable d'énergie, y compris d'énergie d'appoint. Les coûts d'énergie représentent une part importante du coût de fonctionnement total des systèmes de désinfection aux rayons UV et peuvent, selon la source de cette énergie, entraîner une production supplémentaire de gaz à effet de serre.
Comme les rayons UV sont produits sur place, cette méthode élimine la nécessité de transporter, d'entreposer et de manipuler des produits chimiques; elle n'exige pas d'équipement de sécurité coûteux, ni de formation dispendieuse sur la manipulation des produits chimiques ou l'évacuation du personnel. Cependant, les frais annuels de remplacement de l'équipement peuvent atteindre 70 p. 100 du coût total du système, et l'exploitation d'un système UV exige la gestion de certains produits chimiques de nettoyage. Par exemple, il peut falloir de l'acide phosphorique à 5 p. 100 pour nettoyer les lampes tous les trois à cinq jours.
La filtration sur membrane oppose une barrière physique aux contaminants et permet d'enlever une très forte proportion des particules dont la taille dépasse 0,5 micron. Pour ceux qui ne le savent pas, un micron mesure un millième de millimètre; or, la plupart des virus font moins de 0,5 micron.
La filtration sur membrane est une méthode très prometteuse pour éliminer les protozoaires comme les lambliases et les cryptosporidies, mais elle est relativement coûteuse.
Je dois cependant vous rappeler que, même si les technologies non chimiques réduisent la nécessité d'avoir recours aux produits chimiques, l'utilisation d'un désinfectant résiduel reste nécessaire pour protéger la qualité de l'eau dans le réseau de distribution, et les coûts d'installation des systèmes UV et des systèmes de filtration sur membrane demeurent élevés pour le moment.
• 0935
J'aimerais maintenant vous parler des questions relatives aux
eaux usées et aux eaux pluviales, plutôt que de me concentrer
uniquement sur l'eau potable.
À certains endroits et dans certaines situations, les autorités provinciales peuvent aussi exiger que les municipalités désinfectent leurs eaux usées, ce qui inclut les eaux pluviales, afin de protéger la santé publique et la qualité de l'eau lorsque ces eaux contiennent de fortes concentrations de parasites de l'humain, de bactéries et d'autres organismes pathogènes. Cette situation découle du fait que de nombreuses localités prennent leur eau potable en aval des points de déversement des égouts ou se servent de leur source d'eau à des fins récréatives.
Le rejet d'eaux usées non désinfectées peut entraîner la transmission de diverses maladies comme la typhoïde, la polio, le choléra, la dysenterie et l'hépatite.
Comme dans le cas de l'eau potable, les procédés de désinfection les plus courants en Amérique du Nord reposent encore sur le chlore, quoique la situation soit en train de changer. Le chlore en radicaux libres et le chlore combiné employés pour désinfecter les effluents municipaux sont toxiques pour les écosystèmes aquatiques; ils entraînent une mortalité élevée chez les poissons et des changements de structure dans les populations, par exemple une réduction de la diversité et des modifications dans la composition des espèces.
Les effets des déversements d'effluents sur les nappes d'eau dépendent de divers facteurs, par exemple la nature de la zone de mélange et la vitesse à laquelle les résidus de chlore peuvent se dissiper par dilution ou par réaction avec les matières organiques contenues dans les plans d'eau récepteurs. La nécessité de protéger les organismes vivant dans ces plans d'eau contre les effets toxiques du chlore a incité les autorités de réglementation de certaines provinces à exiger la déchloration des effluents ou l'utilisation d'autres méthodes de désinfection.
La déchloration est la suppression, par des moyens physiques ou chimiques, des traces de chlore résiduel qui restent après le processus de désinfection; elle peut reposer sur l'utilisation d'autres produits chimiques comme l'anhydride sulfureux. D'autres autorités reconnaissent qu'il n'est pas toujours nécessaire de désinfecter les effluents déversés en hiver dans des environnements aquatiques froids parce que les organismes ne sont pas viables dans ces conditions.
Les procédés et les technologies qui ne reposent pas sur le chlore sont efficaces pour produire des effluents de haute qualité, conforme aux lignes directrices sur les niveaux acceptables d'organismes pathogènes. Il s'agit notamment de l'utilisation des rayons ultraviolets...
Le président: Puis-je vous demander de conclure, s'il vous plaît?
M. André Proulx: Certainement.
Le président: Vous avez déjà eu 20 minutes.
M. André Proulx: D'accord.
Pour mentionner simplement les autres options, il y a les rayons ultraviolets, l'ozone, les bassins, les marais artificiels et l'utilisation de membranes. Toutes ces méthodes peuvent être employées comme méthodes de remplacement pour la désinfection des eaux usées ou des eaux pluviales. Évidemment, les défis que les municipalités devront relever à cet égard touchent la recherche dans ces domaines et les effets directs de ces méthodes sur les plans d'eau récepteurs.
Les services d'adduction d'eau et de traitement des eaux usées des municipalités canadiennes, la communauté scientifique et les autorités de réglementation visent tous les mêmes buts: de l'eau propre, sûre et de haute qualité, tant dans nos maisons que dans la nature.
Ce sera tout, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Proulx.
Qui veut continuer? M. Thomas.
M. Barry Thomas (conseiller scientifique principal, Bureau des dangers des produits chimiques, Santé Canada): Je m'appelle Barry Thomas. Je suis conseiller scientifique principal au Bureau des dangers des produits chimiques, à la Direction de l'hygiène du milieu de Santé Canada.
Véronique Morisset, qui est chimiste, est à mes côtés. Elle est évaluatrice à la Section de l'eau potable. Elle m'a aidé à préparer le mémoire et en a assuré la traduction; elle est donc ici pour m'aider.
Je vous remercie de m'avoir invité à venir vous parler aujourd'hui. Le président du comité m'a écrit pour me demander de vous mettre au courant de ce que fait Santé Canada au sujet de la chloration et des sous-produits chlorés; je vais donc me concentrer sur cette question.
Santé Canada a créé un Groupe de travail sur les sous-produits chlorés de désinfection, qui a pour mandat d'examiner l'ensemble du problème dans une perspective très vaste. Je vais également vous parler d'une étude que Santé Canada effectue actuellement dans ses propres laboratoires au sujet de ce que les consommateurs peuvent faire eux-mêmes pour atténuer les problèmes causés par les fortes concentrations de sous-produits de désinfection.
Mais tout d'abord, je dois insister, comme mes collègues viennent de le faire, sur l'importance de la désinfection de l'eau. À l'état naturel, l'eau est infestée d'organismes pathogènes; il est donc essentiel de la traiter si nous ne voulons pas courir d'énormes risques sur le plan de la santé publique.
On cite souvent à cet égard l'exemple de ce qui s'est passé au Pérou au début des années 90. Les autorités de ce pays avaient été tellement alarmées par les rapports de l'Environmental Protection Agency américaine au sujet des sous-produits chlorés qu'elles avaient cessé de chlorer l'eau potable. Il y a eu là-bas de terribles épidémies de choléra et de typhoïde, et des milliers de personnes sont mortes.
• 0940
Il est donc très clair que la réponse à ces problèmes ne
consiste pas à cesser la désinfection de l'eau.
Pour les scientifiques, le chlore est une préoccupation à cause des effets à long terme que peut avoir la consommation d'eau chlorée sur l'incidence des cancers de la vessie, de même que de ses effets possibles à court terme pendant la grossesse. Des études récentes ont en effet démontré que, plus le niveau des sous-produits chlorés est élevé, plus les taux d'avortements spontanés et de mortinatalité ont tendance à augmenter.
Les Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada indiquent clairement que les tentatives pour réduire ces risques ne doivent pas compromettre la désinfection. C'est d'ailleurs également l'avis de l'Organisation mondiale de la santé.
Il reste que nous ne devons pas sous-estimer les risques que présentent les sous-produits chlorés. C'est évidemment la raison pour laquelle Santé Canada consacre des ressources considérables à l'examen de la question.
Il est important de rappeler au comité comment se partagent les compétences relatives à l'eau potable. Au Canada, la responsabilité de l'approvisionnement en eau potable de bonne qualité relève des provinces, et non du gouvernement fédéral. Dans le système actuel, les provinces adoptent des recommandations, des objectifs et des règlements exécutoires, généralement fondés sur les recommandations de Santé Canada. L'élaboration de ces recommandations a été confiée au Sous-comité fédéral-provincial sur l'eau potable, qui y a consacré plusieurs décennies. Il y a donc un consensus national sur cette question.
Le gouvernement fédéral a toutefois compétence sur un des aspects de ce dossier, c'est-à-dire sur les matériaux qui entrent en contact avec l'eau potable. Comme ce sont des produits, ils relèvent du gouvernement fédéral. Au cours de la dernière session du Parlement, le gouvernement avait déposé le projet de loi C-14—la Loi sur la sûreté des produits liés à l'eau potable—pour tenter de réglementer la qualité de ces produits, ce qui aurait évidemment inclus le chlore. Nous sommes toujours d'avis qu'il s'agit d'une question importante.
Si le chlore cause un problème, c'est parce que c'est un produit chimique hautement réactif. C'est ce qui fait qu'il tue les bactéries. Mais, malheureusement, il réagit avec la myriade de composés organiques présents naturellement dans les sources d'eau potable, pour produire les sous-produits chlorés de désinfection. Les chimistes en ont répertorié plusieurs centaines, et leur élimination pose un problème de taille. Il est certainement préférable de supprimer cette matière organique avant d'ajouter le chlore.
Comme mon collègue l'a mentionné, il y a d'autres solutions. Je ne m'y attarderai pas. Mon collègue vous a dit que l'ozone est probablement un produit de désinfection plus efficace que le chlore, mais qu'il coûte cher, surtout pour les petits réseaux; il génère en outre ses propres sous-produits de désinfection et, contrairement au chlore, il n'agit pas longtemps. Il ne maintient donc pas l'eau au niveau de désinfection nécessaire dans le réseau de distribution, ce qui fait qu'il faut quand même employer du chlore. L'utilisation de rayons ultraviolets, d'autre part, est un procédé non chimique qui semble assez prometteur, comme d'autres vous l'ont dit également. Nous allons suivre l'évolution de cette technique.
Comme je l'ai mentionné dans ma présentation écrite, le groupe de travail établi par Santé Canada examinera la recommandation existante au sujet d'un groupe de sous-produits de désinfection appelés trihalométhanes, ou THM. Le niveau de ces sous-produits a été fixé en 1993 à 100 microgrammes par litre. Nous allons examiner cette question avec le groupe de travail, qui compte des représentants des divers groupes intéressés, dont les provinces, les groupes écologistes et les groupes de promotion de la santé. Dans le cadre de cet examen, Santé Canada effectue des évaluations et des recherches scientifiques pour essayer de déterminer l'ampleur des risques liés à ces sous-produits chlorés.
Le groupe de travail étudie également les technologies disponibles pour améliorer la qualité de l'eau, tant pour abaisser les concentrations de sous-produits de désinfection que pour réduire les risques de contamination microbienne. Il doit préparer un rapport qui sera soumis au Sous-comité fédéral-provincial sur l'eau potable et qui contiendra des recommandations relatives à l'utilité de modifier les lignes directrices actuelles afin de protéger la santé publique et, s'il est effectivement indiqué de les modifier, aux technologies dont les municipalités disposeraient pour respecter de nouvelles recommandations plus sévères. Nous nous attendons à ce que ce travail soit terminé d'ici un ou deux ans.
• 0945
Comme partout ailleurs, l'argent pose un problème. Tout
abaissement des niveaux autorisés entraînera inévitablement
d'énormes dépenses. Si nous resserrons sensiblement les lignes
directrices, il faudra probablement dépenser plusieurs milliards de
dollars sur une période de cinq à dix ans pour modifier les
systèmes de traitement.
D'un autre côté, il faut comprendre que l'eau potable au Canada est une des moins chères au monde. D'après les chiffres que j'ai en main, elle coûte aux alentours de 0,03 cents le litre. Il pourrait donc être justifié d'augmenter ce coût pour améliorer la santé publique.
Nous allons examiner les coûts, les avantages et les risques à cet égard.
J'ai entendu certaines personnes se plaindre que Santé Canada n'en arrivait pas très vite à une conclusion dans cette affaire. D'après la documentation que j'ai parcourue, je dois vous dire que les données sont parfois contradictoires et que l'information scientifique disponible est loin d'être claire au sujet des façons dont ces sous-produits pourraient causer des cancers et des problèmes de reproduction. Il faut donc lire une énorme quantité de documents et essayer d'en arriver à des conclusions scientifiques claires, parce qu'il est évident que, si nous prenons des mesures qui coûtent des milliards de dollars aux citoyens du pays, nous ferons mieux de ne pas nous tromper.
J'aimerais terminer en vous soumettant deux courtes recommandations, qui se trouvent déjà dans ma présentation écrite. Je recommande d'abord au comité d'appuyer l'initiative prise par Santé Canada pour examiner la question critique de la gestion des risques liés aux sous-produits chlorés. Je lui demande également de se pencher sur toute la question de la sécurité de l'eau potable et des matériaux qui entrent en contact avec elle, afin de réduire les risques associés à des produits dangereux qui peuvent affecter négativement la qualité de l'eau potable.
Merci de votre attention. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Le président: Merci, monsieur Thomas.
[Français]
Madame Morisset, voulez-vous ajouter quelques mots?
Mme Véronique Morisset (évaluatrice, Division de la qualité de l'eau, de la microbiologie et des cosmétiques): Non, c'était inclus dans sa présentation.
[Traduction]
Le président: Monsieur Douglas, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Ian Douglas (président, Comité des eaux, Association canadienne des eaux potables et usées): Non, ça va, merci.
Le président: Le silence est d'or, n'est-ce pas?
C'est parfait. Nous allons donc pouvoir poser de nombreuses questions, à commencer par M. Jaffer, s'il vous plaît.
M. Rahim Jaffer (Edmonton—Strathcona, Réf.): Merci, monsieur le président.
Je vais poser mes questions à la ronde, pour ceux qui voudront bien y répondre.
Monsieur Thomas, vous avez parlé du partage des compétences au sujet de l'eau. J'aimerais savoir s'il existe des normes portant sur les quantités maximales de chlore qu'il est permis d'ajouter à l'eau. Est-ce qu'il existe des normes générales applicables à l'ensemble des municipalités et des provinces? Et, s'il n'y en a pas, est-ce qu'il y a des différences importantes entre les municipalités en ce qui concerne les niveaux de chlore dans l'eau? Est-ce que ça dépend de ce que l'eau contient ou de la saison, par exemple la période de ruissellement des eaux de fonte? Comment ces normes sont-elles établies? Pouvez-vous nous donner des explications à ce sujet-là?
M. Barry Thomas: Il n'y a pas de normes fixes au sujet du chlore ajouté dans les réseaux municipaux; en fait, vous en avez vous-même évoqué la raison. La quantité de chlore qu'il faut ajouter à l'eau pour s'assurer qu'elle est parfaitement désinfectée—ce qui est la première raison de cet ajout, ne l'oubliez pas—varie considérablement en fonction de la qualité de l'eau et même de la saison. Par exemple, dans certaines villes des Prairies, d'où vous venez, il y a un très fort écoulement d'eau au printemps; le contenu organique de l'eau augmente alors considérablement, ce qui fait qu'il faut y ajouter plus de chlore.
Le seul mécanisme de réglementation en place, ce sont les lignes directrices dont je vous ai parlé au sujet des trihalométhanes, qui sont des sous-produits chlorés. C'est la norme utilisée pour essayer de maintenir la qualité de l'eau. Et c'est la raison pour laquelle, par exemple, le scénario que je viens de vous décrire est très complexe. Quand le contenu organique est élevé, il faut ajouter plus de chlore, ce qui a un effet multiplicateur: on obtient alors plus de trihalométhanes, ce qui augmente les risques pour la santé.
Voilà comment les choses se passent. Nous ne pouvons pas fixer de quantité maximale pour le chlore parce que la qualité de l'eau varie.
M. Rahim Jaffer: Je vois. J'aimerais savoir également s'il existe des données plus précises au sujet des effets du chlore sur la santé. Je ne sais pas exactement depuis combien d'années nous utilisons le chlore dans nos réseaux, mais ça fait déjà un certain temps; est-ce que nous en connaissons certains des effets directs? Je sais que vous avez mentionné qu'il semble exister des liens directs, par exemple, entre les niveaux de chlore et les effets sur la santé des gens, quel que soit leur âge; il y a des effets sur les femmes enceintes et sur la population en général.
M. Barry Thomas: Je dois insister sur le fait que nous n'avons pas de preuves que le chlore lui-même pose un problème. Ce sont les sous-produits chlorés qui sont préoccupants. Et, oui, nous avons des données assez précises. Le Canada a en fait joué un rôle de premier plan dans ce domaine.
• 0950
Une étude réalisée en Ontario au milieu des années 90, et
financée par Santé Canada, a révélé un lien statistique très fort
entre les niveaux de sous-produits chlorés et les cancers de la
vessie et du côlon. C'est un des éléments qui ont mené à
l'initiative en cours à Santé Canada.
Pour ce qui est des effets de ces produits sur la reproduction, une étude réalisée en Californie en 1998 a démontré que les taux d'avortements spontanés étaient plus élevés qu'ailleurs dans les municipalités californiennes où les niveaux de sous-produits chlorés étaient élevés. Et tout récemment, un rapport publié en Nouvelle-Écosse en 1999 faisait également état d'une augmentation des taux de mortinatalité dans les municipalités où ces niveaux sont élevés. Les études épidémiologiques ont donc permis de recueillir pas mal de données sur la santé humaine.
Les données concernant les animaux ne sont pas tout à fait aussi concluantes, quoiqu'il ait été démontré que certains sous-produits chlorés causent des cancers chez les rats. Les organes touchés ne sont cependant pas les mêmes que chez les humains; ce sont plutôt le foie et les reins. On a aussi constaté certains effets touchant la reproduction chez les animaux.
M. Rahim Jaffer: Ma dernière question s'adresse à André.
Vous avez mentionné dans votre présentation que des pesticides pouvaient à l'occasion s'écouler dans l'eau potable. Avez-vous détecté certains pesticides à des niveaux constants dans les différentes régions du pays? Avez-vous constaté qu'il y avait certaines régions où l'eau contenait plus de pesticides à cause des effets du ruissellement, par exemple? Ou alors, est-il possible que ce ne soit pas vraiment un facteur?
M. André Proulx: La situation varie beaucoup d'un bout à l'autre du pays. Il faut tenir compte d'un certain nombre de facteurs: la taille du bassin hydrographique, le débit et le facteur de dilution—même si je déteste parler de facteur de dilution—, et c'est pourquoi nous préconisons de supprimer les agents polluants à la source.
Les petites collectivités alimentées par des bassins assez réduits dans les grandes régions agricoles, par exemple, sont beaucoup plus susceptibles de ressentir les effets de l'utilisation des pesticides dans ces régions. Encore une fois, quand ces substances se retrouvent dans les eaux souterraines, il est beaucoup plus difficile de s'en débarrasser. Le débit des eaux souterraines est extrêmement lent, et c'est pourquoi ça pose un grave problème pour les gens qui ont des puits, et aussi pour la nappe aquifère.
Mais la situation varie selon les régions.
M. Rahim Jaffer: Il y a une chose qui m'a frappé dans ce que vous venez de dire; il y a peut-être quelqu'un de Santé Canada qui aura quelque chose à dire à ce sujet-là.
Quand on mélange le chlore avec ces pesticides, sous diverses formes, est-ce que les réactions chimiques qui en résultent peuvent avoir des effets encore plus négatifs que le chlore lui-même? Ou alors, est-ce qu'il se peut que le chlore ne cause pas nécessairement de réactions négatives avec les différentes formes de pesticides qu'on peut retrouver dans les eaux d'écoulement? Je ne connais riens à ces réactions, mais est-ce qu'il peut en résulter des effets négatifs?
M. André Proulx: Je pense que nous en avons déjà parlé brièvement. La présence de pesticides dans l'eau—ou de n'importe quoi d'autre, d'ailleurs—soulève des questions de synergie. Nous avons déjà parlé des effets de la combinaison de la matière organique et du chlore. Quand on retrouve deux pesticides différents ou d'autres produits dans l'eau, que ce soient des produits organiques ou artificiels, il y a toujours un effet. La réaction du chlore avec les pesticides n'a pas vraiment fait l'objet de recherches scientifiques particulières, je pense. Mais M. Thomas pourrait probablement vous en parler mieux que moi.
En ce qui concerne les pesticides, nous tenons à nous assurer que l'eau potable est bonne pour la santé. C'est ce qui nous préoccupe. Il faut surtout éviter que les pesticides se retrouvent dans les sources d'eau potable et dans la nappe aquifère. Si nous pouvons l'éviter, nous n'aurons pas à nous préoccuper des effets possibles en aval.
Je voudrais aussi vous dire quelques mots pour faire suite à un commentaire de M. Thomas au sujet du chlore. Il est essentiel de souligner que ce sont les sous-produits chlorés qui posent un problème, et pas le chlore lui-même. Si on réussit à supprimer la matière organique et à traiter l'eau, il faudra moins de chlore et il y aura donc beaucoup moins de sous-produits. C'est dans ce sens-là que l'industrie fait des pressions. Il se fait beaucoup de recherche à ce sujet-là un peu partout dans le monde. Si on peut éviter ces niveaux élevés de chlore, on réduit nécessairement les niveaux de trihalométhanes, comme nous l'avons déjà dit.
Le président: Merci, monsieur Jaffer.
Monsieur Reed, suivi de Mme Carroll.
M. Julian Reed (Halton, Lib.): Merci beaucoup.
Ma question est elle aussi de nature générale. Il y a actuellement des millions de personnes qui vivent autour des Grands Lacs. Combien sont-ils, quelque 30 millions? La plupart d'entre eux tirent leur eau potable des Grands Lacs et y déversent leurs effluents d'eaux usées. Si toute cette eau est chlorée, il est évident qu'une partie de ce chlore va former des sous-produits, que ce soit parce qu'il entre en contact avec l'eau de rinçage des toilettes ou avec autre chose.
• 0955
Est-ce qu'il y a eu des études sur les effets de ce chlore en
aval? Les changements qui se produisent dans certaines espèces
marines vivant dans le fleuve Saint-Laurent sont un avertissement,
comme celui que lançaient les canaris dans les mines. Mais est-ce
que la question a vraiment été étudiée?
Cette technologie, qui a vu le jour il y a bien des années, est encore utilisée par les municipalités. Je dois avouer que, dans la circonscription que je représente, on a décidé d'envoyer une autre canalisation se déverser dans le lac Ontario et y rejeter des effluents. Est-ce que nous savons ce que ça va entraîner en aval?
M. André Proulx: Je vais vous donner le point de vue de l'Association canadienne des eaux potables et usées. Nous savons certainement tous que les effluents retournent dans les plans d'eau récepteurs, que ce soient les Grands Lacs, les fleuves ou les rivières. La qualité de ces effluents est un facteur important, de même que leur assimilation par ces plans d'eau récepteurs.
Par exemple, si on compare la rivière des Outaouais au lac Ontario ou à la rivière Grand, dans le centre de l'Ontario, tous ces plans d'eau ont des propriétés d'assimilation très différentes. Donc, il faut examiner les effets pour chaque plan d'eau. C'est la première chose que je voulais vous dire.
Les effets du déversement de chlore dans les milieux aquatiques ont certainement été examinés. Il y a des effets sur ces milieux aquatiques parce que l'eau entre directement dans le courant sanguin; il y a des effets toxiques. La gravité de ces effets dépend bien sûr du plan d'eau récepteur, du genre d'eau qui est traitée et de la qualité de cette eau. Les différentes municipalités ont différents niveaux de traitement pour les eaux usées—primaire, secondaire et tertiaire—, et les méthodes de désinfection peuvent varier également.
Il y a des cas où le chlore est déversé dans certains des Grands Lacs dont les températures sont très basses. L'eau du lac Supérieur, par exemple, est très froide. On peut dès lors se demander s'il est vraiment nécessaire de la chlorer. Qu'est-ce que les microbes peuvent faire dans une eau aussi froide? Il est entendu que les effets sont différents, en ce qui concerne l'assimilation des microbes. Il n'est peut-être pas nécessaire de désinfecter.
La ville de Duluth, au Minnesota, ne fait aucune désinfection. L'État du Minnesota l'a autorisée à ne pas désinfecter ses eaux usées parce qu'elles sont déversées dans le lac Supérieur.
M. Julian Reed: Vicky Keith, qui a traversé le lac Ontario à la nage, a raconté qu'elle avait dû nager dans une décharge d'effluents provenant de l'agglomération torontoise. Ça l'a rendue malade, d'ailleurs. De toute évidence, c'étaient des effluents de qualité douteuse.
Je vous fais part de cette préoccupation parce que nous pêchons encore des fruits de mer à l'embouchure du Saint-Laurent. Nous nous attendons à ce qu'ils soient bons à consommer, et pourtant nous utilisons encore une technologie qui était peut-être acceptable, sur le plan de la dilution, il y a 60 ans—et encore! Mais la population augmente considérablement autour des Grands Lacs, et cette canalisation qui se déverse à Halton ne sera pas la dernière, à moins que nous mettions au point d'autres technologies.
Est-ce que j'agite le drapeau rouge pour rien?
M. Barry Thomas: Non, je pense que c'est une question importante. Il y a de nouvelles technologies. Les égouts ne relèvent pas vraiment de Santé Canada, mais j'ai certainement été impressionné par le pouvoir désinfectant des rayons ultraviolets. C'est une technologie qui n'entraîne pas de contamination de l'eau par des composés chlorés.
Comme mes collègues pourront le confirmer, la désinfection au moyen de rayons UV est en train de se répandre un peu partout dans le monde. C'est une tendance qui mérite d'être encouragée à mon avis, parce que nous avons ici, en Ontario, un des premiers fabricants d'équipement de ce genre au monde; or, les gens de cette entreprise me disent que leurs principaux marchés se trouvent à l'extérieur du Canada. Ils n'ont pas beaucoup de clients par ici.
Je pense que nous devrions favoriser l'utilisation des rayons UV pour remplacer le chlore comme désinfectant parce que, comme vous dites, c'est une technologie qui était peut-être efficace il y a des années. Mais les populations augmentent autour des Grands Lacs, et de beaucoup d'autres plans d'eau aussi; il faut donc un plus haut niveau de sécurité.
Pour ce qui est des effets sur la santé, je pense qu'il ne faut pas les exagérer. Santé Canada a réalisé des études sur la question, et nous avons un programme consacré aux Grands Lacs. Nous n'avons pas vu beaucoup de preuves touchant des problèmes de santé attribuables à l'eau des Grands Lacs.
• 1000
Nous avons examiné l'incidence des cancers chez les gens qui
tirent leur eau potable des Grands Lacs. Nous n'avons pas constaté
que cette eau était en soi une cause de cancer. La chloration de
l'eau potable entraîne une augmentation des cas de cancer de la
vessie, mais pas l'eau elle-même.
Il y a aussi d'autres effets sur la santé; vous avez certainement entendu parler des nombreux effets hormonaux et des autres effets du genre. Donc, je pense qu'il y a beaucoup d'inquiétude, ce qui est légitime. Nous devons chercher à mettre au point de nouvelles technologies plus sûres.
Le président: Merci, monsieur Thomas.
Mme Carroll, M. Pratt, Mme Torsney, et ensuite le président.
Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.): Merci, monsieur le président.
Ma question découle en partie de celles qu'a posées M. Reed; nous avons un chalet sur la baie Georgienne et nous y avons constaté que le niveau de l'eau avait baissé d'au moins quatre pieds cette année. Nous tenons un registre du niveau de l'eau, comme la plupart des villégiateurs. Bien sûr, le niveau de la baie Georgienne reflète celui du lac Huron et de l'ensemble des Grands Lacs, comme vous le savez sûrement. Cette baisse de niveau a entraîné une augmentation de la température de l'eau, ce qui a déjà des effets sur les espèces de poissons qui ont besoin d'eau froide pour se reproduire efficacement, et ainsi de suite. Il y a aussi des effets sur l'ensemble de l'écosystème.
Les scientifiques ne semblent pas tout à fait d'accord entre aux au sujet de cette baisse du niveau de l'eau, mais beaucoup nous disent qu'il faudra un bon bout de temps avant que le niveau se rétablisse; il est actuellement plus bas que dans les années 60.
Quels sont les effets de cette baisse des niveaux d'eau—s'il y en a—sur les éléments dont nous avons discuté ce matin, à savoir la capacité qu'ont nos lacs d'assimiler les désinfectants, lorsque ceux-ci sont manipulés de façon sécuritaire et ajoutés en fonction d'un certain ratio par volume? Est-qu'il y a des effets? Est-ce qu'il devient alors plus difficile de disperser le chlore en toute sécurité ou de traiter les effluents, comme le disait M. Reed?
M. Ian Douglas: Votre question est intéressante. Si le niveau de l'eau baisse dans un plan d'eau donné, il y aura des effets sur l'assimilation des contaminants et des polluants qui retournent dans ce plan d'eau. Ces effets seront sans doute particulièrement prononcés le long du rivage, où il peut ne rester qu'un pied d'eau, par exemple, alors qu'il y en avait trois ou quatre auparavant. Cela entraînera d'énormes changements dans cette zone.
Les grands plans d'eau comme le lac Huron ou la baie Georgienne gardent essentiellement la même taille même si le niveau de l'eau varie légèrement. Pour ce qui est de l'assimilation, les canalisations s'avancent généralement très loin du rivage. Donc, il y a des effets. Ils sont surtout limités aux zones littorales, mais il y aussi des effets sur l'assimilation.
Mme Aileen Carroll: Merci. C'est tout, monsieur le président.
Le président: Merci, madame Carroll.
M. Pratt.
M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.): Merci, monsieur le président.
André, comme vous le savez, la ville de Nepean a été une des premières à se servir des rayons UV pour traiter ses eaux pluviales. J'aimerais bien savoir s'il y a en ce moment au Canada des municipalités qui appliquent cette méthode pour la désinfection de leur eau potable. Y a-t-il actuellement des municipalités canadiennes, ou américaines, qui utilisent cette technologie?
M. André Proulx: Je ne pourrais pas vous les nommer de mémoire, mais il y en a sûrement. Cette technologie peut être utilisée pour les petits réseaux de distribution desservant une population d'environ 5 000 habitants, mais certainement pas dans les grandes villes.
Le gros problème, en ce qui concerne les rayons UV, c'est que c'est sans doute une bonne méthode de désinfection, mais qu'il n'y a pas beaucoup de recherche qui a été faite à ce sujet-là. Nous ne sommes donc pas tout à fait sûrs de ce que cette technologie permet de désinfecter exactement, en termes de microbes pathogènes. Nous sommes à peu près certains de ses effets sur les microbes les plus courants, mais dans le cas des lambliases et des cryptosporidies, nous avons certaines inquiétudes au sujet du temps de contact. Les rayons UV frappent une membrane, ce qui fait qu'il faut des temps de contact différents pour les divers organismes. Il peut donc y avoir un problème à cet égard. Cette technologie n'est utilisée qu'à l'étape du prétraitement; elle ne peut pas être employée dans le réseau de distribution. Il est important de le répéter.
Dans les réseaux de distribution d'eau, il faut un désinfectant résiduel pour éviter le retour des bactéries. Toutes les autres options, par exemple l'ozone, les rayons UV et les membranes, peuvent servir pour la désinfection de l'eau à la source. C'est là que ces options sont applicables. Elles ne le sont pas ailleurs pour le moment. Il n'y a pas de technologies adaptées aux réseaux de distribution.
M. Ian Douglas: Il y a un important regain d'intérêt pour l'application de la technologie des UV à l'eau potable. Je viens de rentrer d'une conférence sur la qualité de l'eau aux États-Unis; au cours de la dernière année, la technologie des UV a suscité un net regain d'intérêt là-bas. Elle a été jugée très efficace pour les cryptosporidies et les lambliases, les deux principaux pathogènes présents dans l'eau potable.
• 1005
Il y a des municipalités canadiennes qui se servent de cette
méthode, dans la région de Collingwood, je crois; je pourrais vous
trouver lesquelles. Je sais qu'il s'agit généralement d'usines de
traitement assez petites. Les économies d'échelle posent un
problème dans le cas des rayons UV. La plus grande usine de
démonstration dans ce domaine se trouve actuellement au Royaume-Uni, et
tout le monde a les yeux fixés sur elle pour voir quels
seront ses résultats.
La technologie des rayons UV suscite donc un vif regain d'intérêt, mais comme André l'a mentionné, il faut quand même un désinfectant chimique pour protéger la qualité de l'eau à toutes les étapes de sa distribution; on peut se servir par exemple des chloramines.
M. David Pratt: Jusqu'à quel point les normes relatives à la qualité de l'eau sont-elles similaires des deux côtés de la frontière? Vous avez mentionné le Minnesota tout à l'heure, et la situation là-bas. Est-ce qu'il existe des données scientifiques pour appuyer la position de la municipalité, à savoir qu'elle peut déverser ses eaux usées sans utiliser de chlore?
M. André Proulx: Nous parlons ici des eaux usées, bien sûr, mais Ottawa-Carleton permet elle aussi la non-désinfection pendant l'hiver en raison de la température de l'eau. Durant les mois d'hiver, la municipalité d'Ottawa-Carleton a été autorisée par le gouvernement provincial à ne pas désinfecter les effluents qu'elle déverse dans la rivière des Outaouais, à l'usine R.O. Pickard, à cause de la basse température. Mais pendant l'été, en raison de l'activité dans le plan d'eau récepteur, nous sommes forcés de désinfecter.
Je pense que nous n'avons pas encore de données scientifiques complètes sur cet aspect-là de la question, mais nous en avons. C'est pourquoi la non-désinfection est autorisée dans certaines circonstances, ce qui a deux conséquences, évidemment. Cela permet de réduire la quantité de chlore utilisée et rejetée, ce qui est toujours meilleur pour l'environnement. Si le plan d'eau récepteur peut assimiler cette activité microbiologique à basse température, cela se fait naturellement.
Il y a au Canada une foule de plans d'eau récepteurs où on retrouve beaucoup d'espèces fauniques et où on ne fait aucun traitement. Pensez au dégel du printemps au Canada; tout se retrouve dans les rivières. Ces plans d'eau ont une certaine capacité d'assimilation naturelle; cela se produit depuis des milliers d'années, et les plans d'eau peuvent donc l'assimiler. Il s'agit de savoir jusqu'à quel point.
M. David Pratt: Pouvez-vous nous donner un ordre de grandeur en ce qui concerne l'utilisation du chlore pour la désinfection de l'eau potable comparativement à son utilisation pour la désinfection des effluents? De façon générale, quel est le ratio à cet égard? Évidemment, quand on se sert de l'eau, le chlore qu'elle contenait y est toujours présent même quand cette eau se retrouve dans les eaux usées.
M. André Proulx: Quand on se sert de l'eau potable à la maison, il ne reste plus de chlore, par exemple après une douche ou un bain. Il reste très peu de chlore résiduel dans l'eau potable au Canada. Dès qu'on ajoute de la matière organique dans l'eau, le chlore s'y fixe immédiatement et perd son pouvoir désinfectant. Dès que l'eau commence à descendre dans les égouts, il n'y reste plus de chlore.
L'important, c'est que les usines de traitement des eaux usées enlèvent tout ce qu'elles peuvent avant de désinfecter. La seule raison pour laquelle elles désinfectent—nous devons le répéter sans cesse—, c'est que les autorités ordonnent aux municipalités de le faire avant de déverser leurs effluents.
Comme l'a dit M. Thomas, la technologie évolue rapidement du côté des eaux usées. De plus en plus de provinces... Nous venons de parler du Québec. Je pense que le Québec ne permet pas de rejets chlorés. Il y a peut-être une exception pour Montréal, mais autrement, les municipalités ne sont pas autorisées à rejeter des effluents chlorés. Elles doivent soit les déchlorer, soit trouver une autre méthode de désinfection.
C'est aussi ce qui se passe en Ontario, et partout ailleurs au Canada. On cherche de plus en plus à interdire les rejets chlorés. C'est un problème important pour le Grand Vancouver, à cause des plans récepteurs qu'il y a là-bas, ainsi que du saumon et de la truite. Je ne pense pas que ce soit permis là-bas non plus.
M. Ian Douglas: La déchloration est un moyen relativement simple et efficace de produire des eaux usées ayant un faible contenu microbien et ne contenant pas de chlore toxique pour les espèces aquatiques. On peut donc se servir du chlore ou des rayons UV. Si on veut se débarrasser du chlore, il est très simple d'ajouter dans le système une infime quantité d'un produit chimique très sûr. Cela entraîne une déchloration immédiate. Je pense qu'il devrait y avoir plus de pressions dans le sens de la déchloration afin de rendre les plans d'eau plus sûrs.
M. David Pratt: Est-ce qu'il me reste du temps, monsieur le président?
Le président: Au deuxième tour.
M. David Pratt: D'accord.
Le président: Je comprends votre intérêt pour la qualité de l'eau, mais j'invite les membres du comité à se concentrer un peu plus sur la question des pesticides.
M. David Pratt: C'était l'objet de ma prochaine question.
Le président: Mme Torsney, s'il vous plaît.
Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): J'étais contente de vous entendre dire qu'il faudrait essayer d'encourager les différents utilisateurs de pesticides à réduire la charge qu'ils imposent aux nappes d'eau. Qu'est-ce que vous comptez faire dans ce sens-là? L'Association canadienne des eaux potables et usées a-t-elle entrepris une campagne nationale? Pensez-vous que ce soit au gouvernement de le faire? Comment pouvons-nous faire passer ce message?
M. André Proulx: Nous sommes membres de la fraternité qui s'occupe de l'eau en Amérique du Nord, l'American Water Works Association, dont presque toutes les municipalités canadiennes font partie. Cet organisme met surtout l'accent sur la gestion des bassins hydrographiques, ce qui recouvre un certain nombre de questions, dont celle des pesticides. Donc, dans la région d'Ottawa, nous tirons tous notre eau de la rivière des Outaouais et, s'il y avait un problème particulier dans le plan d'eau récepteur, nous l'aborderions sous l'angle de la gestion du bassin hydrographique.
Pour ce qui est des réserves souterraines, dans les nappes aquifères par exemple, toutes les associations insistent beaucoup sur la nécessité de protéger les sources d'approvisionnement. Ce qui se rattache à la question des pesticides, qui est liée à son tour aux différentes facettes de l'agriculture, depuis l'élevage du bétail—ce qui touche la question des engrais—jusqu'à l'utilisation des pesticides. Donc, il se fait beaucoup d'efforts, et cette question est prise très au sérieux. Je sais que dans le sud de l'Ontario, dans la région de la rivière Grand—un plan d'eau récepteur situé dans une zone fortement agricole—, les gens des associations vont rencontrer directement les agriculteurs pour discuter de l'utilisation des pesticides et de leur rejet dans les plans d'eau récepteurs.
Il se fait donc beaucoup d'efforts à ce chapitre, mais je ne suis pas au courant de la recherche dans ce domaine. M. Thomas pourrait peut-être vous en parler.
Duncan.
M. Duncan Ellison: J'aimerais ajouter que certaines municipalités contrôlent à peu près à 100 p. 100 les bassins hydrographiques d'où elles tirent leur eau. La ville de Nanaïmo, en Colombie-Britannique, en est un bon exemple, et il y a de bonnes chances que ce soit le cas également pour Moncton. Mais pour d'autres municipalités, comme celle d'Ottawa-Carleton, le bassin se trouve à des milliers de kilomètres carrés en amont. La ville d'Edmonton reçoit pour sa part son eau d'une région où la production de bétail est très intensive.
Donc, les municipalités n'ont pas toutes le même contrôle sur l'utilisation de leur bassin hydrographique. C'est pourquoi il faut dépasser le niveau municipal, pour assurer une gestion commune des bassins. La municipalité de Grand River, en Ontario, en est un excellent exemple.
Mais quand on a affaire à des bassins à cheval sur deux provinces, comme celui de la rivière des Outaouais ou ceux des rivières Saskatchewan Nord et Saskatchewan Sud, il faut des mécanismes fédéraux-provinciaux pour en assurer la gestion. Malheureusement, nous n'avons pas encore de système de gestion des bassins hydrographiques vraiment intégré, au Canada. Nous assurons la gestion des bassins fluviaux en termes de débit, de contrôle des inondations, de production d'énergie électrique, de protection des habitats de poissons et d'usages récréatifs, mais—à quelques exceptions près, comme celle de la rivière Grand—nous ne contrôlons pas le développement industriel ou l'exploitation des ressources dans le cadre de nos activités de gestion des bassins hydrographiques.
Mme Paddy Torsney: Mais dans la région que M. Reed et moi représentons, il semble pousser un nouveau terrain de golf chaque semaine. Les terres n'appartiennent plus aux fermiers, elles appartiennent aux clubs de golf. Nous avons aussi des critères très élevés pour ce qui est de nos pelouses. J'ai bien l'impression que la situation dans notre région est à peu près la même que dans la banlieue de Chicago. Si les gens étaient mieux informés, je suis certaine qu'ils réfléchiraient aux décisions qu'ils prennent. Je suis convaincue qu'ils prennent souvent leurs décisions sans savoir ce qu'elles impliquent.
À qui revient la responsabilité des efforts de formation, d'éducation et de sensibilisation dont vous avez parlé tout à l'heure? Aux municipalités? À votre association?
M. André Proulx: Pour le moment, ce sont les municipalités qui jouent ce rôle, parce qu'elles ont la responsabilité de fournir de l'eau potable à leurs habitants. S'il y a un problème lié à l'eau potable, ce sont normalement elles qui prennent les choses en main et qui vont voir les gens qui se trouvent en amont pour leur dire: «Nous avons un problème à cause de vos rejets; comment pouvons-nous travailler ensemble pour le corriger?»
Mme Paddy Torsney: Pour finir, j'étais bien contente de vous entendre parler des membranes, qui sont fabriquées dans ma circonscription grâce aux technologies Zenon. Il est certain qu'une partie d'une problème, c'est qu'il y a déjà des réseaux établis dans l'ensemble du pays et que les gens ont tendance à se servir des procédés qu'ils connaissent. Donc, la question des coûts se pose plutôt parce que les gens préfèrent ce qui est connu, ce qui est pratique courante, plutôt que d'adopter de nouveaux procédés.
• 1015
Avons-nous établi des objectifs pour la recherche de solutions
qui permettraient d'éliminer plus complètement le chlore, par
exemple dans les effluents chlorés, ou de nouvelles façons de faire
les choses? Est-ce qu'il y a des objectifs en ce sens? Il semble
plus facile de motiver les gens en fixant un objectif de réduction
sur dix ans. Ou bien est-ce qu'il y a de la demande, ou de
nouvelles possibilités, quand les nouveaux réseaux sont mis en
place? Je pense que la municipalité de Collingwood a adopté la
technologie des membranes parce qu'elle avait eu un horrible
problème de...
Une voix: Filtration.
Mme Paddy Torsney: Merci. Je sais qu'il y a eu une urgence à l'hôpital; on a alors mis en place une unité portative, et plus tard une unité municipale.
Ce sont souvent les urgences qui créent l'occasion. Mais est-ce qu'il se fait quelque chose pour mettre de nouveaux projets pilotes en place au Canada? Nous exportons beaucoup de technologies; quand les gens vont visiter les usines, ils doivent ensuite aller voir ailleurs, dans un autre pays, comment les choses fonctionnent dans la pratique.
M. Duncan Ellison: Un des problèmes qui se posent en ce qui concerne l'acceptation et l'implantation des nouvelles technologies, c'est évidemment toujours la question de la gestion des risques. Est-ce que ça va fonctionner ou non? Un des critères que nous avons essayé d'établir à l'association, en collaboration avec la Fédération canadienne des municipalités, au sujet des propositions relatives au programme d'infrastructure mis de l'avant en ce moment, c'est que les investissements devraient servir à l'application de nouvelles technologies qui permettront de résoudre les problèmes.
C'est un des critères. Il y en a probablement sept ou huit. Mais cela devrait en être un. Nous devons profiter de cette occasion pour promouvoir l'application des nouvelles technologies, afin de pouvoir atteindre nos objectifs en matière de santé et d'environnement.
M. Ian Douglas: J'ajouterais que la recherche de solutions qui permettraient de se débarrasser du chlore suscite énormément d'intérêt et fait l'objet de nombreuses études. Quand on va dans ces conférences, il est question des rayons UV, des membranes et des autres technologies parce que les règlements sont resserrés continuellement.
Comme l'a mentionné M. Thomas, la recommandation relative aux niveaux acceptables de THM a été abaissée considérablement en 1993; elle est passée de 350 parties par milliard à 100 parties par milliard. Tout à coup, les municipalités se rendent compte qu'elles ne pourront pas respecter cette nouvelle norme à moins de trouver des technologies de remplacement. Donc, il est certain que les règlements fondés sur une saine gestion des risques constituent une motivation. C'est ce dont s'occupe actuellement le groupe de travail de Santé Canada.
M. Barry Thomas: Je vous en ai déjà parlé. Nous allons établir non seulement quels sont les risques pour la santé, mais aussi quelles sont les options. Il est évident que ces nouvelles technologies font partie de ces options. Il ne fait aucun doute que les lignes directrices, qui ont le même effet que des règlements dans bien des provinces, sont d'importants moteurs de changement.
Si les niveaux de trihalométhanes permis sont abaissés de 100 à 50, par exemple, cette décision aura d'énormes répercussions économiques partout au pays, mais elle forcera aussi les gens à se tourner vers les nouvelles technologies, parce que l'utilisation du chlore deviendra de plus en plus problématique. Je pense que ce que nous faisons actuellement s'inscrit dans cette optique; nous travaillons de concert avec l'Association canadienne des eaux usées et potables et avec d'autres pour voir quelles sont les technologies disponibles et quels sont les coûts d'utilisation de ces nouvelles technologies.
Nous travaillons donc très activement dans cette direction.
Mme Paddy Torsney: Bravo! Merci.
Le président: Madame Catterall, s'il vous plaît.
Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest, Lib.): Vous avez dit que le chlore n'était pas considéré comme un pesticide, mais je ne vois pas vraiment où est la différence entre un produit qui tue les larves dans ma pelouse et un autre qui tue les lambliases et les cryptosporidies dans l'eau.
J'aimerais donc savoir, monsieur Thomas, pourquoi ce n'est pas considéré comme un pesticide.
M. Barry Thomas: Je ne suis pas sûr d'être la personne la mieux placée pour vous le dire. Les gens de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire connaissent sans doute la loi mieux que moi. Il ne fait aucun doute que, dans la définition des pesticides, le chlore et les autres agents antibactériens... Comme l'ACEPU l'a mentionné dans son mémoire, je pense, les agents antibactériens utilisés dans les hôpitaux ne sont pas non plus considérés comme des pesticides.
Donc, je pense que le chlore est plutôt classé dans la même catégorie que les antiseptiques et les antibactériens. Ils servent à protéger la santé humaine. C'est tout. Donc, c'est vraiment une question de définition. Quand on aborde la question sous un angle strictement scientifique, je suppose qu'on peut dire en effet que les pesticides tuent les insectes et que les désinfectants tuent les bactéries. C'est la grande différence du point de vue scientifique, le fait qu'il s'agisse d'insectes plutôt que de bactéries, ce qui n'est évidemment pas pareil sur le plan biologique même s'il s'agit d'organismes vivants dans les deux cas.
Mme Marlene Catterall: En fait, vous semblez tous les deux passer plutôt rapidement... Et je voudrais bien, comme l'a demandé le président, en revenir à la question des pesticides parce qu'il me semble que c'est la principale raison pour laquelle nous avons de l'eau chlorée. C'est très bien, mais je voudrais que nous parlions encore un peu des pesticides dans l'eau.
Vous avez dit qu'il était possible de les éliminer, mais vous nous avez très peu parlé de ce qui est possible et de ce qui ne l'est pas. Il n'y a à peu près rien ici au sujet de l'ampleur du problème des pesticides dans l'eau. Comme mon collègue M. Pratt s'apprêtait à vous le demander, quelles sont les tendances à cet égard? Les niveaux se sont-ils multipliés par dix, par cent ou par mille au cours de la dernière décennie, ou s'il y a en fait eu une baisse des résidus de pesticides dans l'eau? Quels sont les effets de la présence de ces pesticides sur la qualité générale de l'eau que nous devons ensuite traiter pour la rendre propre à la consommation humaine?
M. Barry Thomas: Je devrais peut-être répondre à votre question sur la fréquence du problème dans l'eau potable, parce que c'est une question qui relève de Santé Canada et de notre programme de l'eau potable, ainsi que des provinces et des municipalités évidemment.
Donc, la réponse, c'est qu'il y a des programmes en place pour surveiller périodiquement la qualité générale de l'eau. Les évaluations se font habituellement de façon ponctuelle, grâce à des fonds provenant des organismes fédéraux et provinciaux dans des proportions variables. Agriculture Canada, par exemple, effectue des relevés dans les fermes pour déterminer la qualité de l'eau de puits, où il y a souvent des pesticides. Je dois vous dire que la tendance n'est pas alarmante. En fait, elle est plutôt encourageante.
Les relevés les plus récents, qui ont été financés par des organismes fédéraux, ont démontré que le nombre de puits dans lesquels on a retrouvé des niveaux élevés de pesticides, dans les fermes, était en fait assez faible. Sur les milliers de puits dont l'eau a été analysée, si je me souviens bien, le nombre de ceux où il y avait des niveaux détectables ne dépassait pas quelques dizaines. Je n'ai pas apporté de chiffres précis à ce sujet-là, mais nous pouvons vous les fournir.
Il est évident que certains pesticides causent beaucoup de tort. Il y en a un en particulier qui revient toujours dans la conversation quand on parle à des gens qui s'occupent de l'eau potable: c'est l'atrazine. L'atrazine est le principal pesticide qui s'infiltre dans l'eau potable, en raison de sa nature même. Il est largement utilisé—pour la culture du maïs, je pense—et il semble avoir une très forte propension à traverser le sol pour se retrouver dans l'eau de puits. Il est considéré comme problématique.
Donc, nous surveillons la situation. Il ne semble pas y avoir une forte augmentation d'incidence.
Je vais laisser mes collègues vous dire ce qu'il serait possible de faire au sujet du traitement. Ce n'est pas vraiment une question à laquelle nous nous intéressons. J'ai toujours pensé qu'il était plutôt difficile de supprimer les pesticides, mais mes collègues nous ont dit aujourd'hui que c'était en fait assez facile. Je pensais que c'était difficile et très coûteux, et c'est pourquoi je suis certainement d'accord avec ceux qui disent que la meilleure chose à faire, c'est d'essayer d'empêcher dès le départ les pesticides de se retrouver dans l'eau potable. La mise en place de systèmes de traitement, à mon avis, coûterait très cher et serait très compliquée. Le système que nous appliquons, en ce qui concerne les lignes directrices, c'est que nous en élaborons pour les pesticides seulement quand il y a un problème. Donc, quand le système échoue et qu'il y a un problème, nous établissons des lignes directrices.
Mme Marlene Catterall: Bravo pour le principe de précaution!
M. Barry Thomas: Il existe littéralement des milliers de pesticides, ou en tout cas des centaines. Je ne sais pas exactement combien il y en a. Donc, évidemment, nous ne pouvons pas avoir de lignes directrices nationales pour chacun d'entre eux parce que l'élaboration de ces lignes directrices prend beaucoup de temps. Elle exige des consultations fédérales-provinciales et une évaluation complète des risques par Santé Canada. Il faut donc en général de deux à trois ans pour établir des lignes directrices au sujet d'un seul pesticide.
Nous nous intéressons actuellement à deux pesticides en particulier: le MCPA et le dichloropropène. Donc, nous établissons des lignes directrices au sujet de ces deux pesticides qui causent un problème et pour lesquels il n'y a pas de recommandations touchant l'eau potable. Nous sommes en train de les élaborer. En tout cas, c'est le système que nous appliquons.
Mme Marlene Catterall: Je m'écarte un peu du sujet, mais est-ce que ça veut dire que vous n'avez pas évalué les risques que présentent les autres produits?
M. Barry Thomas: Non. L'homologation des pesticides inclut une évaluation de leur potentiel de contamination de l'eau potable. C'est l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire qui s'en charge; Santé Canada ne s'en occupe pas directement. Mais l'Agence relève évidemment de Santé Canada. Nous ne faisons pas ce travail dans le cadre du programme de l'eau potable. C'est l'Agence qui s'en occupe. C'est une mauvaise note pour le pesticide proposé quand les essais sur le terrain démontrent qu'il a une forte propension à se retrouver dans les eaux souterraines, par exemple. Donc, il me semble que le processus d'homologation permet une certaine protection.
Mme Marlene Catterall: Est-ce qu'il me reste du temps pour demander à nos témoins du palier municipal s'ils surveillent la présence de pesticides dans l'eau, à son arrivée à l'usine de traitement et à son départ de l'usine—quand elle arrive chez moi, par exemple—, et quelle semble être la tendance à cet égard? Quelle est la nature de ces pesticides? Quels sont leurs effets sur la qualité de l'eau? Et quelles sont les mesures prises à ce sujet-là?
J'ai entendu cette semaine un commentaire fort intéressant sur le fait que—dans la région de Chatham, je pense—les agriculteurs peuvent être autorisés à aller porter au dépotoir des pesticides dont ils ne peuvent pas se débarrasser autrement. Comme quelqu'un l'a souligné, beaucoup de ces produits arrivent dans des tonneaux de métal qui n'ont pas servi depuis des années. Donc, ils ont été entreposés longtemps dans des contenants qui rouillent et qui risquent de fendre à tout moment.
Avons-nous déjà fait ce genre de chose dans la région d'Ottawa-Carleton?
M. Ian Douglas: La dernière question que vous avez évoquée concerne l'élimination des matières dangereuses; il y a des techniques appropriées pour se débarrasser de ces produits.
Il y a environ 80 paramètres réglementés dans les recommandations de Santé Canada au sujet de l'eau potable. Environ 50 d'entre eux—corrigez-moi si je me trompe—concernent des pesticides. Donc, les pesticides reçoivent la part du lion dans les recommandations établies par Santé Canada au sujet de l'eau potable.
Nous surveillons le bassin de la rivière des Outaouais depuis une dizaine d'années; nous examinons chaque année les niveaux de centaines pesticides. Nous avons examiné plus de 400 paramètres différents dans l'eau potable. Nous regardons les niveaux de concentration en parties par milliard et en parties par billion, ce qui correspond à des quantités absolument infimes. La bonne nouvelle, c'est que nous n'avons pas constaté de hausse. Nous détectons rarement grand-chose.
Évidemment, ce commentaire vaut uniquement pour le bassin de l'Outaouais, qui est très vaste et qui est très peu touché par l'activité agricole. J'ai en fait l'impression que, dans d'autres parties de l'industrie et d'autres régions du pays, la tendance est plutôt à la baisse; il est assez rare qu'un pesticide pose un grave problème. Si c'est le cas, il faut évidemment remonter à la source et se demander qui s'en sert; il faut remonter aux utilisateurs et retirer ce produit du bassin hydrographique. Nous suivons la situation de très près dans l'ensemble du pays. L'atrazine est probablement le problème le plus notoire. Je pense que, dans le Midwest américain, on en a détecté de fortes concentrations à certains endroits.
Certains pesticides se décomposent en quelques jours après leur application. D'autres durent à peu près indéfiniment. C'est très complexe.
Mme Marlene Catterall: Donc, beaucoup de municipalités assurent ce genre de surveillance dans les différentes régions du pays. Si je comprends bien, il ne se fait aucun effort pour regrouper tout cela sous la responsabilité de Santé Canada, qui pourrait être intéressé à examiner les tendances dans le cadre de ses travaux de recherche.
M. Ian Douglas: Comme Barry l'a mentionné, la qualité de l'eau potable est d'abord et avant tout de compétence provinciale. Je sais qu'il existe en Ontario un programme de surveillance qui vise à suivre de près ce qui se passe dans tous les services publics de la province; on évalue par exemple la situation relative aux pesticides et aux produits de ce genre. Quand on se rend compte qu'il y a un problème de pesticide à North Bay, par exemple, on en discute directement avec les gens de North Bay pour essayer de résoudre le problème.
Dans l'ensemble, je ne dirais pas que les pesticides constituent actuellement un problème sérieux pour l'eau potable. Il y a d'autres dangers plus graves qui nous menacent. Mais c'est un problème qui fait surface à l'occasion, dans certains bassins. La bonne nouvelle, c'est qu'il se fait des tests rigoureux pour détecter la présence de ces pesticides à la limite de nos capacités d'analyse actuelle et que, en général, nous n'en trouvons pas. Nous avons une liste de 200 composés, et il n'est pas rare que nous n'en trouvions aucun. Les résultats sont donc souvent positifs.
Le président: Merci.
Mme Marlene Catterall: Est-ce que mon temps est écoulé?
Le président: Oui. Nous avons pris environ 45 minutes de retard et je présente mes excuses au Congrès du travail du Canada qui attend patiemment son tour. Nous allons au moins terminer ce tour de questions et nous ferons peut-être un deuxième tour afin de permettre à ceux qui le veulent de poser une question supplémentaire.
Monsieur Thomas, vous avez fait souvent allusion, dans votre exposé ce matin, à des lignes directrices. Il semble que cela fasse partie du mandat de votre ministère. Pourquoi ne pas parler de normes?
M. Barry Thomas: Nous utilisons les termes de «lignes directrices» parce que nous n'avons pas le pouvoir fédéral d'imposer des normes. Elles peuvent en fait devenir des normes, selon la loi provinciale. C'est le cas en particulier en Alberta. Les lignes directrices ont force de normes en Alberta étant donné que la législation albertaine qui s'applique à l'eau potable précise qu'il faut considérer comme des normes les lignes directrices émises par Santé Canada. Les différents règlements provinciaux du Canada forment une véritable mosaïque dont nous n'aurons pas le temps de parler ce matin. Mais chaque province impose des niveaux différents de...
Le président: Qu'est-ce qui empêche Santé Canada d'émettre, d'annoncer ou d'établir des normes qui seraient ou non appliquées par les provinces?
M. Barry Thomas: Il est fort probable que de telles normes seraient appliquées, étant donné que nous le faisons par l'intermédiaire du régime fédéral-provincial. Par conséquent, il y a consensus au niveau provincial sur les limites que nous établissons.
Le président: Alors pourquoi ne pas les présenter comme des normes dès le départ?
M. Barry Thomas: Parce que la plupart des provinces ne disposent pas du pouvoir législatif nécessaire pour en faire des normes. Elles les considèrent comme des objectifs ou des lignes directrices.
Le président: Qu'arriverait-il si Santé Canada présentait des normes plutôt que des lignes directrices? Quel serait le problème?
M. Barry Thomas: Le problème serait que nous n'avons pas les pouvoirs nécessaires pour les appliquer.
Le président: Très bien. Quel serait l'avantage?
M. Barry Thomas: D'utiliser le mot «norme»?
Le président: Oui.
M. Barry Thomas: Je l'ignore.
Cela contribuerait peut-être à augmenter les attentes de la population. J'aurais peur que le public s'attende à ce que ces normes soient respectées. Et si Santé Canada se voyait dans l'impossibilité de faire respecter ces normes, étant donné que nous n'avons pas le pouvoir législatif de le faire, je pense que nous aurions un problème. Cependant, je crois qu'il est assez clair que ces lignes directrices... En fait, l'expression que nous utilisons est «concentrations maximales acceptables». Par conséquent, lorsqu'une ligne directrice n'est pas respectée, Santé Canada précise que cela n'est pas acceptable.
Le président: Monsieur Thomas, je crois que l'ARLA relève actuellement de votre ministère. Et elle ne produit pas de rapport annuel, si j'ai bien compris.
M. Barry Thomas: Je ne suis pas certain, parce que je ne traite pas directement avec eux.
Le président: Nous ne sommes pas non plus au courant d'un rapport. Est-ce que vous pensez qu'elle devrait en produire un?
M. Barry Thomas: Je ne suis pas en mesure de me prononcer sur ce sujet. Dans le cadre du Programme de la qualité de l'eau potable, nous n'avons pas, comme je l'ai dit, beaucoup de liens avec les gens de l'ARLA. Nous pouvons les conseiller, s'ils le demandent, non seulement sur les risques que présente l'eau potable, mais sur beaucoup d'autres risques pour la santé lorsqu'ils font leurs propres évaluations. Mais ils ont maintenant des scientifiques qui font les évaluations. Il y a quelques années encore, c'étaient les services de Santé Canada pour lesquels je travaille qui effectuaient la partie de l'évaluation concernant l'eau potable, mais maintenant, ils ont leur propre personnel pour faire eux-mêmes leurs évaluations.
Le président: Qui sont ces gens dont vous parlez?
M. Barry Thomas: L'ARLA.
Le président: Avez-vous des commentaires à formuler au sujet de ce changement?
M. Barry Thomas: Pas vraiment. Je suppose que la création de l'agence avait pour but de tout réunir sous un même toit et qu'il n'était par conséquent pas très pratique sur le plan de la gestion de faire effectuer l'évaluation ailleurs. Mais à par ça, je n'ai pas de commentaire à formuler. Comme je le dis, nous ne participons plus activement à l'évaluation des nouveaux pesticides dans l'eau potable.
Le président: C'est vrai?
M. Barry Thomas: C'est vrai.
Le président: Pensez-vous que vous devriez participer à ces évaluations?
M. Barry Thomas: Je n'ai aucune raison de croire qu'ils ne font pas un bon travail. Voilà ce que je peux dire. D'un autre côté, nous ne les contrôlons pas, parce que ce n'est pas le rôle d'un secteur ministériel d'en contrôler un autre. Rien ne permet de dire que les nouveaux pesticides qui sont utilisés dans l'environnement causent des problèmes.
À cet égard, le fait que rien ne permet d'affirmer qu'il existe une hausse marquée de la contamination de l'eau potable par les pesticides me paraît révélateur. S'il s'avérait que la commercialisation de nouveaux pesticides a des répercussions graves sur l'eau potable, on pourrait en conclure que le système d'homologation fait défaut. Or, aucune incidence de ce type n'a été constatée.
Le président: Ne trouvez-vous pas étrange qu'un organisme chargé de la gestion des produits antiparasitaires soit aussi responsable des études sur la qualité de l'eau et de l'application des politiques concernant l'eau?
M. Barry Thomas: Pas vraiment. Cela fait partie de l'ensemble des renseignements qu'ils reçoivent des requérants. Je crois que les fabricants de pesticides doivent effectuer des essais sur le terrain et étudier l'incidence des produits sur les eaux superficielles et la nappe phréatique. Cela fait donc partie de la documentation que l'agence reçoit des fabricants et qu'elle est chargée d'évaluer. Comme je l'ai déjà dit, nous faisions ce type d'évaluation il y a quelques années.
Le président: Quand la responsabilité de cette évaluation a-t-elle été transférée à l'ARLA?
Mme Véronique Morisset: Il y a environ deux ans.
M. Barry Thomas: Mme Morisset a effectué beaucoup de ces évaluations.
Le président: Je devrais peut-être alors lui poser ma question.
Cet arrangement est-il satisfaisant?
Mme Véronique Morisset: Nous n'avons aucune raison de penser qu'il ne l'est pas. Rien ne semble indiquer que l'eau potable contient plus de pesticides. Par conséquent, il n'y pas de problème.
Le président: De qui parlez-vous quand vous dites «nous»?
M. Barry Thomas: Je pense qu'elle parle du Programme de la qualité de l'eau potable. Permettez-moi d'ajouter quelques précisions à ce qui a été dit au sujet de la surveillance et du rôle de Santé Canada. Lorsque nous rencontrons les organismes provinciaux, ils nous présentent le type de données de contrôle que mes collègues ont mentionné. Ils nous indiquent, au cours de ces réunions fédérales-provinciales, quels sont les pesticides qui sont présents dans leurs eaux. C'est par exemple la raison pour laquelle Santé Canada se penche, dans le cadre de son Programme de la qualité de l'eau potable, sur le MCPA et le dichloropropanol. Les provinces nous ont indiqué que, d'après leur programme de contrôle, ces pesticides sont causes de problèmes.
Par conséquent, c'est par l'intermédiaire des provinces et de leur programme de contrôle que nous exerçons notre fonction de surveillance. Autrement dit, nous fonctionnons sur un mode pyramidal.
Le président: Les provinces vous ont-elles signalé une augmentation ou une diminution des traces de pesticides?
M. Barry Thomas: Je pense que les niveaux sont assez stables. Les provinces n'ont pas signalé d'augmentation de la contamination de l'eau potable par les pesticides.
Le président: Est-ce qu'avec le temps vous vous attendez à une diminution ?
M. Barry Thomas: J'espère que les niveaux de contamination vont diminuer.
Le président: Sur quoi vous fondez-vous pour dire cela?
M. Barry Thomas: J'espère que nous serons plus prudents dans l'homologation des pesticides, afin d'éviter les problèmes. Un moyen très rentable d'éviter la contamination de l'eau potable consiste à refuser l'homologation des pesticides dangereux.
Le président: Comment allez-vous inciter à la prudence?
M. Barry Thomas: Je crois que c'est le mandat de l'agence d'évaluer la sécurité des pesticides pour les êtres humains, notamment d'examiner les risques de contamination qu'ils présentent pour l'eau potable.
Le président: Est-ce que vous pensez qu'elle remplit bien sa mission?
M. Barry Thomas: J'en suis persuadé, mais je ne prétends pas que nous surveillons étroitement son programme.
Le président: Ne pensez-vous pas que vous devriez le faire?
M. Barry Thomas: Non, je ne pense pas que je me sentirais à l'aise d'évaluer un autre programme, à moins qu'on nous en donne le mandat. Mais ce n'est pas le cas.
Le président: Pourquoi ne seriez-vous pas à l'aise dans un tel rôle?
M. Barry Thomas: Je pense que ce serait une perte de temps. Ces scientifiques sont aussi compétents que moi. Pourquoi me placerais-je dans une position supérieure? C'est cela qui me pose problème.
Le président: Mais vous pourriez le faire tout en conservant une position d'égalité.
M. Barry Thomas: Je n'aurais aucune objection à effectuer une évaluation en tant que pair. Je suppose que nous n'aurions aucune objection à effectuer ce genre d'évaluation, mais le programme ne fonctionne pas de cette manière et je crois que la participation d'un groupe de l'extérieur entraînerait quelques problèmes logistiques. D'après moi, l'agence...
Le président: Mais vous n'êtes pas de l'extérieur; vous faites partie du même ministère.
M. Barry Thomas: Oui, je suppose...
Le président: Faites-vous partie ou non du même ministère?
M. Barry Thomas: C'est le même ministère...
Le président: Eh bien, pourquoi vous considérez-vous alors comme étranger à l'agence?
M. Barry Thomas: Sur le plan organisationnel, nous sommes différents. Le Programme de la qualité de l'eau potable relève de la Direction de l'hygiène du milieu qui fait partie de la Direction générale de la protection de la santé. Je suppose que les programmes se rejoignent à un certain niveau, mais il n'y a jamais eu de demande.
Le président: À quel niveau?
M. Barry Thomas: Au niveau de la direction générale, je crois.
Vous devez comprendre que je suis un scientifique et pas un gestionnaire. Pour moi, toutes ces questions de gestion ne sont pas toujours claires. Cependant, je crois que l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire fait partie de la Direction de l'hygiène du milieu et que l'élément commun serait M. Joseph Losos, le sous-ministre adjoint de la Direction générale de la protection de la santé, si c'est le cas. C'est à son niveau que serait prise la décision d'évaluer le travail de l'agence et non pas au niveau d'un scientifique comme moi.
Le président: Merci. J'ai une dernière question technique. Est-ce qu'il y a une relation entre la présence de pesticides dans l'eau et l'utilisation du chlore? Autrement dit, l'usage du chlore entraîne-t-il une augmentation de la présence des pesticides, ou est-ce qu'il n'y a absolument aucun lien entre les deux?
M. Barry Thomas: Je dirais qu'il n'y a absolument aucun lien.
Le président: Merci.
Nous allons rapidement faire un deuxième tour. Monsieur Reed.
M. Julian Reed: Merci beaucoup, monsieur le président.
J'ai entendu une observation qui m'a paru particulièrement intéressante: certains pesticides disparaissent rapidement après leur application, alors que d'autres semblent durer plus longtemps. D'après vous, les nouveaux pesticides qui arrivent sur le marché et qui sont approuvés sont-ils en toute probabilité du type de ceux qui disparaissent rapidement plutôt que de ceux qui persistent?
• 1040
Je pose cette question parce que nous nous penchons
actuellement sur le processus d'approbation des nouveaux
pesticides. Certains des nouveaux pesticides sont utilisés en
petites quantités, sont biodégradables, etc. Pouvez-vous nous dire
s'il y a actuellement une tendance en ce sens?
Le président: Barry, pouvez-vous donner votre point de vue?
M. Barry Thomas: Je ne suis pas certain de pouvoir répondre à cette question. Je connais la procédure d'évaluation, puisque, comme je l'ai dit, nous avions l'habitude d'y participer.
Un des tests consiste à effectuer des applications répétées. Si le produit est persistant, on a tendance à constater une accumulation. Si cette accumulation atteint un niveau critique sur le plan de la santé, on donne une mauvaise note au pesticide.
Du point de vue scientifique, j'estime que le processus d'évaluation devrait donner une mauvaise note à un produit chimique extrêmement persistant, étant donné que son application répétée sera dangereuse. Au cours de l'évaluation, on ne se contentait pas d'effectuer une seule application, mais plusieurs, afin de vérifier l'accumulation dans le sol d'un champ, par exemple, ou dans la nappe phréatique.
Par contre, je ne sais pas exactement si les nouveaux pesticides commercialisés actuellement sont moins biopersistants que les produits existants.
M. Julian Reed: Merci.
Merci, monsieur le président.
Le président: S'il n'y a pas d'autres questions, nous allons nous arrêter ici. Je remercie M. Ellison, M. Proulx, M. Thomas, Madame Morisset, M. Douglas. Vos exposés et commentaires ont été très utiles et nous espérons vous revoir bientôt.
M. Barry Thomas: Si vous le permettez, j'ai un correctif à apporter. On vient de me transmettre une note indiquant que je vous ai mal renseigné. Mme Franklin, la directrice de l'ARLA, relève directement du sous-ministre et non pas de la Direction générale de la protection de la santé. Je vous prie de m'excuser.
Le président: Merci.
Nous allons maintenant appeler les prochains témoins, M. Bennett et M. Yussuff, du Congrès du travail du Canada.
Monsieur Bennett, je vous souhaite la bienvenue au comité. Bienvenue à vous aussi, monsieur Yussuff. Je crois que vous témoignez pour la première fois.
Veuillez nous excuser pour le retard. Nous sommes très heureux de votre présence aujourd'hui. Qui veut commencer?
M. Hassan Yussuff (vice-président directeur, Congrès du travail du Canada): Je suis Hassan Yussuff, vice-président directeur du congrès. Je suis responsable du département de la santé, de la sécurité et de l'environnement et d'un certain nombre d'autres secteurs au sein du congrès.
Comme vous le savez, le congrès s'intéresse de près aux questions de santé, de sécurité et d'environnement, au point que nous avons mis sur pied un département afin d'assurer la continuité de nos travaux. Bien entendu, la politique publique est tout aussi importante. Nous avons parallèlement deux comités permanents, un sur la santé et la sécurité et un autre sur l'environnement que nous rencontrons régulièrement pour examiner les diverses questions qui se rapportent à notre mandat. Nous sommes ici aujourd'hui pour parler de la réglementation et de la gestion des pesticides et nous espérons que les points de vue que nous allons vous présenter seront utiles au comité lors de ses délibérations finales.
Le Congrès du travail du Canada représente 2,3 millions de travailleurs dans les secteurs public et privé au Canada. De nombreux travailleurs sont en contact direct avec les produits antiparasitaires, par exemple ceux qui les mettent au point et les fabriquent, les travailleurs agricoles, les travailleurs forestiers, les employés des municipalités et des chemins de fer, ceux qui entretiennent les gazons et d'autres sont exposés aux antiparasitaires chimiques. En outre, nous sommes les victimes fortuites de l'utilisation de ces produits, parce que nous sommes exposés aux résidus qui contaminent notre eau et nos aliments.
Le Congrès du travail du Canada a participé à l'Examen du processus d'homologation des pesticides (1990), à la suite duquel a été fondée l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA). Le CTC n'a pas signé le rapport final de l'examen, car nous croyions qu'il était trop faible pour être utile; nous avons exprimé notre dissidence dans un énoncé qui a été inséré dans le rapport. Par ailleurs, le gouvernement de l'époque n'a pas donné suite à tout le rapport du consensus, notamment en ce qui concerne le Bureau des nouvelles méthodes et le droit d'être informé avant la notification.
• 1045
On a lancé la Campagne pour la réduction des pesticides parce
que les organismes voués à l'élimination et au contrôle des
produits chimiques antiparasitaires étaient inefficaces. Le CTC est
membre fondateur de la campagne et fait partie de son comité
directeur. Au départ, environ la moitié des organismes membres de
la campagne consistait en syndicats locaux et en conseils du
travail municipaux. Le CTC a fortement appuyé les démarches de la
campagne en vue de faire interdire l'usage des produits
antiparasitaires à des fins esthétiques, adopter des arrêtés
municipaux interdisant ou restreignant beaucoup l'utilisation des
antiparasitaires chimiques et respecter le plein droit du public
d'être informé au sujet de ces produits et de leurs effets sur la
santé humaine.
Pour ce qui est de la santé humaine, presque toutes les preuves utilisées par le Centre international de recherche sur le cancer, le CIRC, pour classer les antiparasitaires parmi les substances cancérogènes proviennent des expositions professionnelles. Les travailleurs sont les premières victimes des maladies chroniques causées par les antiparasitaires chimiques, sans parler des effets aigus dont a traité l'exposé fait par la campagne à ce comité.
Le gouvernement fédéral mise sur la prévention de la pollution, comme il l'indique dans sa politique intitulée La prévention de la pollution: Une stratégie fédérale de mise en oeuvre publiée en 1995. Et la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, la LCPE de 1999, est axée sur la prévention. Dans son préambule, le gouvernement s'engage à privilégier, à l'échelle nationale, la prévention de la pollution dans le cadre de la protection de l'environnement.
Selon sa politique, la prévention de la pollution consiste à éviter de créer des polluants plutôt qu'à chercher à les gérer une fois qu'ils existent. La prévention est définie comme suit:
-
L'utilisation de procédés, de pratiques, de matières, de produits
ou de formes d'énergie qui empêchent ou qui minimisent la
production de polluants et de déchets et le gaspillage, tout en
réduisant, dans l'ensemble, les risques pour la santé humaine ou
l'environnement.
Dans le cas des antiparasitaires chimiques, nous faisons face à un problème propre à leur utilisation. Une fois ces produits en usage, il devient impossible d'empêcher qu'ils s'échappent dans l'environnement, avec les conséquences qui s'ensuivent pour les populations humaines, les travailleurs, les consommateurs et le milieu. Il est possible de limiter les expositions aiguës des travailleurs en prévoyant des équipements de protection individuels et des délais de sécurité après traitement, mais ces moyens sont beaucoup moins efficaces en pratique qu'en théorie. Par ailleurs, ils ne protègent pas les travailleurs contre les effets chroniques sur la santé, qui sont, dans des pays industrialisés comme le Canada, beaucoup plus importants que les effets aigus.
Puisqu'il en est ainsi, la prévention de la pollution n'est pas seulement le moyen à privilégier; elle constitue presque le seul moyen de parer aux conséquences de l'utilisation des antiparasitaires chimiques sur l'humain et sur l'environnement. Comme le gouvernement le reconnaît lui-même, le contrôle et la gestion sont beaucoup moins efficaces que l'élimination des polluants à la source, la «réduction à la source» selon l'expression consacrée dans le domaine. Le seul point où nous pouvons réduire à la source se situe dans le processus d'agrément prévu par la Loi sur les produits antiparasitaires, la LPA, dont l'application relève de l'ARLA.
Quelle note faut-il attribuer au rendement de l'ARLA en fonction des intentions déclarées et des politiques du gouvernement fédéral? D-. Elle n'obtient pas la note de passage. La Loi sur les produits antiparasitaires assure la surveillance de l'introduction des antiparasitaires chimiques dans l'environnement canadien, mais elle échoue tout à fait pour ce qui est de prévenir la pollution causée par ces produits. On n'a relevé aucun refus d'agrément sous le régime de la loi, alors que plus de 6 000 antiparasitaires sont agréés. Rien n'est fait pour restreindre l'entrée des antiparasitaires chimiques sur le marché ni pour en refuser l'agrément lorsque des solutions moins dangereuses apparaissent. L'ARLA utilise très mal le seul dispositif en son pouvoir pour éviter la création de pollutions chimiques, pollutions occasionnées par des substances qui seraient considérées et classées comme des déchets toxiques extrêmement dangereux si elles étaient produites et disséminées dans tout autre contexte que celui de leur utilisation légale en vertu de la LPA.
Ceux qui s'opposent aux antiparasitaires chimiques en sont réduits à militer en faveur d'interdictions, une fois que les produits sont en usage et que l'état de l'environnement est déjà altéré—une démarche lente, coûteuse et incertaine qui au mieux permet d'éliminer une poignée d'antiparasitaires, sans obtenir la garantie que le produit de substitution sera moins dangereux. De même, l'ARLA en est réduite à encourager des solutions de remplacement sur le tard, quand d'énormes quantités d'antiparasitaires multiples prolifèrent et polluent l'environnement, portées par la propagande commerciale et les incitations des distributeurs.
Pour ce qui est du droit à l'information, le tableau est presque aussi sombre. Les fiches signalétiques des antiparasitaires ne sont pas exigées par la loi, ce qui signifie que les travailleurs et le grand public n'ont pas accès aux caractéristiques chimiques des produits (renseignements sur les adjuvants ou les ingrédients «inertes» qui sont loin de l'être) ni aux données que l'entreprise fournit pour l'agrément. Il n'y a pas de vérification scientifique indépendante des données, vérification qui de toute façon est impossible si la composition chimique des antiparasitaires n'est pas connue. De même, quantité d'antiparasitaires chimiques utilisés au Canada sont inconnus, situation presque unique dans le monde industrialisé.
• 1050
Dans le cadre de l'examen du Système d'information sur les
matières dangereuses utilisées au travail (SIMDUT), le comité
parlementaire compétent, en 1992, a convenu de soumettre les
antiparasitaires à la norme s'appliquant aux produits chimiques
industriels en matière d'étiquetage et de fiches signalétiques
ainsi que pour les questions de secrets commerciaux—renseignements
commerciaux confidentiels, RCC—sous l'égide du Conseil de contrôle
des renseignements relatifs aux matières dangereuses (CCRMD).
Ainsi, à tous les égards, les antiparasitaires ayant été
déclarés—c.-à-d. agréés—seraient traités de la même façon que les
produits chimiques industriels et soumis aux mêmes critères de
communication de l'information. Il est essentiel dans les révisions
à venir de la LPA que le projet de loi permette la mise en oeuvre
du SIMDUT, ainsi que l'examen par le CCRMD des demandes relatives
aux secrets commerciaux, et que des mesures réglementaires soient
prises immédiatement après.
À l'heure actuelle, des discussions internationales sont en cours au sujet de la classification chimique, de l'étiquetage et des fiches signalétiques des antiparasitaires, de la formation et des RCC, sous les auspices du Forum intergouvernemental chargé de la sécurité chimique. Ces discussions s'inscrivent dans le cadre du chapitre 19 sur la gestion écologique des produits chimiques qui fait partie d'Action 21, produit par la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement à Rio, en 1992. Toutefois, toute norme internationale qui pourrait en résulter ne serait pas appliquée dans le prochain cycle législatif quinquennal. Nous devons agir maintenant pour obtenir le droit à l'information.
Le tout vous est respectueusement soumis par le Congrès du travail du Canada.
Je suis prêt, maintenant, avec mon collègue Dave Bennett à répondre aux questions des membres du comité.
Le président: Merci, monsieur Yussuff.
Monsieur Mancini.
M. Peter Mancini (Sydney—Victoria, NPD): Merci, monsieur le président. J'ai une ou deux questions.
Tout d'abord, la note que vous attribuez à l'ARLA est très significative. Vous ne mâchez pas vos mots et vous lui attribuez carrément une mauvaise note. Pouvez-vous nous donner un peu plus de précisions à ce sujet?
Pour moi, c'est très clair. Vous avez déclaré «On n'a relevé aucun refus d'agrément sous le régime de la loi, alors que plus de 6 000 antiparasitaires sont agréés». Pouvez-vous nous donner un peu plus de détails? Permettez-moi de vous demander si, à votre avis, l'ARLA fait quelque chose de bien?
M. Dave Bennett (directeur national, Santé, sécurité industrielle et environnement, Congrès du travail du Canada): Au sujet de la Loi sur les produits antiparasitaires—puisque c'est la loi elle-même qui gouverne les travaux de l'agence—M. Mancini aimerait savoir si l'ARLA fait oeuvre utile. À proprement parler, nous n'en savons rien. Le public n'a pas accès aux données dont se sert l'agence pour homologuer les pesticides. Le public n'a pas accès aux critères de réglementation ni aux critères d'homologation des pesticides, pas plus qu'aux conditions qui sont imposées aux fabricants au moment de leur commercialisation.
Au niveau international, l'ARLA est très respectée, parce qu'elle exige une grande quantité de renseignements de la part des fabricants de pesticides. Elle exige notamment des données sur l'efficacité des pesticides et pas seulement sur leur toxicité et leurs répercussions possibles sur les êtres humains et l'environnement. Elle a bonne réputation en tant qu'organisme gouvernemental chargé de surveiller l'introduction de pesticides dans l'environnement canadien.
Mais que fait exactement l'agence? Si l'on se fie à sa réputation, l'agence surveille très efficacement l'introduction de pesticides dans l'environnement canadien. Elle contrôle très bien l'efficacité des pesticides, leurs effets toxicologiques, ainsi que leur infiltration probable dans l'environnement.
• 1055
C'est pourquoi nous lui accordons la note D-. Elle fait
quelque chose et elle le fait bien. Cependant, l'agence ne remplit
tout simplement pas une de ses fonctions principales qui consiste
à restreindre ou empêcher l'introduction de nouveaux pesticides
dans l'environnement canadien.
Pourquoi cet échec? Pourquoi l'agence a-t-elle cette attitude laxiste à l'égard des produits chimiques polluants? Pourquoi l'agence autorise-t-elle, sans aucune restriction évidente, n'importe quel produit qui arrive sur le marché?
Lorsque la loi a été rédigée, il y a plusieurs décennies, les parlementaires et les fonctionnaires estimaient que les questions techniques se rapportant à l'homologation des pesticides étaient du ressort du personnel compétent, techniquement et scientifiquement qualifié. Autrement dit, on considérait à l'époque que l'introduction de pesticides sur le marché canadien et dans l'environnement canadien, était une question purement scientifique.
Pour cette raison, la loi et les règlements ne contiennent aucun critère tangible donnant des indications ou des instructions aux personnes chargées d'accepter ou non l'homologation de certains pesticides chimiques. En d'autres termes, les bureaucrates scientifiques ont carte blanche et peuvent décider quels sont les pesticides qui seront autorisés à polluer l'environnement canadien.
Selon nous, ce qui s'est produit historiquement, c'est que les parlementaires ont autorisé la machine gouvernementale à se substituer aux décisions politiques appropriées. Ces décisions appartiennent, à notre avis, au Parlement, à la Chambre des communes, aux parlementaires comme vous. C'est pourquoi, lorsque viendra le temps de réviser la Loi sur les produits antiparasitaires, nous demanderons que les parlementaires eux-mêmes se chargent de cette question de politique publique.
La pollution de l'environnement canadien n'est pas simplement une question technique, scientifique et bureaucratique. Il appartient aux parlementaires de décider quels sont les critères qui doivent s'appliquer au moment d'autoriser ou d'interdire l'introduction d'un produit sur le marché canadien. Ces critères relèvent de la politique publique et devraient être définis dans la loi elle-même. Une fois que cela sera fait, on pourra envisager une interdiction globale et une diminution de la pollution chimique dans l'environnement canadien.
Dans sa forme actuelle, la loi place la décision de politique entièrement entre les mains des bureaucrates scientifiques. Le résultat est que nous avons une politique extrêmement laxiste qui n'impose aucune restriction à l'introduction de pesticides chimiques dans l'environnement canadien.
M. Peter Mancini: J'aimerais vous demander un éclaircissement. Vous parlez des fiches signalétiques des antiparasitaires qui ne sont pas exigées par la loi. Il n'existe aucune vérification indépendante des pesticides chimiques utilisés sur les lieux de travail et vous soulignez qu'il s'agit là d'une situation pratiquement unique dans les pays industrialisés.
Je crois que ce que vous évoquez en parlant des «fiches signalétiques des antiparasitaires» est une indication du type de produits chimiques et de pesticides que l'on trouve sur les lieux de travail et du degré d'exposition des travailleurs à ces substances. Pouvez-vous me dire si j'ai bien compris et si nous sommes le seul pays industrialisé à ne pas exiger ce genre d'information?
M. Dave Bennett: J'aimerais faire une observation générale au sujet des pesticides chimiques par rapport aux produits chimiques industriels. Pour des raisons historiques encore une fois et peut-être pour des raisons qui ne sont pas vraiment très bien comprises, les pesticides sont traités très différemment des produits chimiques industriels.
Le régime canadien de déclaration des nouveaux produits chimiques exige par exemple une analyse chimique des produits industriels. Les informations concernant les produits chimiques industriels doivent figurer sur les étiquettes, les fiches signalétiques et faire partie de la formation des travailleurs. Des règles très strictes s'appliquent aux fabricants relativement à ce qu'ils doivent divulguer et ce qu'ils peuvent passer sous silence. On constate donc une énorme différence entre le contrôle exercé sur les produits chimiques industriels et les pesticides. Pourtant, ce sont tous des produits chimiques et beaucoup d'entre eux sont toxiques. Ce sont tous des polluants en puissance. Et pourtant, les pesticides ne sont absolument pas traités de la même manière que les produits chimiques industriels.
En ce qui a trait aux renseignements commerciaux confidentiels, l'industrie fait beaucoup plus de mystère dans le cas des pesticides que dans celui des produits chimiques industriels. Elle revendique beaucoup plus facilement le privilège ne de pas rendre certaines informations publiques. Il est évident que les règles ne sont pas les mêmes puisque, une fois le pesticide homologué, absolument aucune restriction ne s'applique pour empêcher la pollution de l'environnement canadien.
Jamais les dirigeants d'une grande usine ne seraient autorisés à déverser dans l'environnement des produits chimiques aussi dangereux que les pesticides. Avant longtemps, ils seraient emprisonnés pour pollution chimique. Et pourtant, la pollution chimique par les pesticides est légitime, encouragée et considérée comme une attitude normale dans une société industrialisée. Il nous semble qu'il y a là une contradiction dans la façon dont ces deux produits sont traités.
Quant aux fiches signalétiques, très peu de pays les exigent et le Canada ne fait donc pas exception à cet égard. Ce qui nous paraît intolérable, c'est que les produits chimiques sont assujettis à des règles de divulgation, à des règles concernant les secrets commerciaux et les renseignements commerciaux confidentiels, alors que les fiches signalétiques ne le sont pas.
Quant au volume de pesticides chimiques utilisés au Canada, monsieur Mancini, il n'existe aucun système de contrôle permettant de savoir quel est le volume de produits vendus ou utilisés. Je crois d'ailleurs que le Canada est un cas unique dans ce domaine. Je pense que la Slovénie est le seul pays industrialisé à n'appliquer aucun contrôle.
M. Peter Mancini: Merci.
Le président: Monsieur Reed, s'il vous plaît.
M. Julian Reed: Faites-vous une différence entre les pesticides non biodégradables et les pesticides biodégradables, c'est-à-dire ceux qui sont assimilés par les bactéries du sol après leur utilisation, au bout d'une période relativement brève?
M. Dave Bennett: L'évaluation des produits chimiques s'intéresse généralement à trois facteurs différents. Le premier est la persistance, la durée de vie du produit dans l'environnement; le deuxième est la bioaccumulation, c'est-à-dire son degré d'accumulation dans la chaîne alimentaire; et le troisième les diverses sortes de toxicités.
Il est clair qu'un produit chimique présentera moins de risques et sera moins dangereux s'il persiste moins longtemps dans l'environnement. Mais ce n'est là qu'un seul parmi plusieurs facteurs de l'évaluation chimique. Un produit chimique moins persistant sera moins dangereux qu'un autre produit qui demeurera très longtemps dans l'environnement.
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Cependant, on pense souvent à tort qu'un produit ayant une
persistance moindre présente des risques plus faibles pour la santé
humaine parce qu'il a une demi-vie plus courte. Si l'environnement
est constamment pollué par un produit chimique, il importe peu que
la persistance du produit soit relativement négligeable, puisque
l'on continue à le déverser constamment dans l'environnement.
Par ailleurs, tant que ce pesticide n'a pas disparu, il risque d'entraîner des troubles chroniques et aigus de la santé chez les êtres humains. Il peut aussi contribuer à la dégradation de l'environnement. Par conséquent, la persistance est un facteur important, mais je ne pense pas que son importance devrait être surestimée au moment de l'établissement du profil de toxicité d'un produit chimique.
M. Julian Reed: Est-ce que vous préféreriez interdire les pesticides?
M. Hassan Yussuff: J'ai envie de vous répondre par l'affirmative. Les pesticides sont très toxiques pour la santé des êtres humains. Et la santé est une de nos grandes préoccupations.
M. Julian Reed: Votre réponse a un corollaire.
M. Hassan Yussuff: Oui, j'en ai bien conscience.
M. Julian Reed: Trouver un vers dans une pomme, c'est désagréable, mais trouver la moitié d'un vers, c'est encore pire. Combien de demi-vers êtes-vous capable de tolérer dans les pommes que vous achetez au magasin?
M. Hassan Yussuff: Il y a peut-être d'autres façons de régler ce problème. L'industrie des pesticides essaie de nous faire croire que ses produits sont la seule manière de débarrasser l'environnement de certains insectes et animaux nuisibles.
M. Julian Reed: J'ai passé toute ma vie dans l'agriculture et je sais qu'il existe des méthodes qui permettent dans certains cas de lutter contre les animaux nuisibles. La question est de savoir quelle limite on peut tolérer. Par exemple, si j'applique une méthode autre que les pesticides pour réduire l'invasion d'insectes indésirables dans mon verger, je serai toujours à la merci d'un insecte ou d'un autre problème pour lesquels j'utilise maintenant un insecticide. Si je ne peux pas vendre mon produit dans un magasin, cela signifie que les autres produits comparables et acceptables atteindront un prix beaucoup plus élevé. Êtes-vous prêt à faire un tel compromis?
M. Hassan Yussuff: Puisque vous parlez de coût, il faudrait également tenir compte du coût de la maladie absorbée par le système de santé. C'est un coût qui n'est jamais mesuré. Pourtant, il faut le prendre en compte. Assez souvent, l'effet de l'exposition à un pesticide n'est pas évident tout de suite. L'effet se révèle au fil des années et se traduit par divers problèmes de santé. Par conséquent, on ne mesure pas ses répercussions.
C'est la même chose que le tabagisme passif. On peut mesurer l'effet immédiat, mais je ne pense pas que l'on puisse le faire sur une période prolongée. Nous savons que la fumée a des conséquences graves sur la santé humaine. Si nous avons à coeur de protéger la santé à long terme, nous devons envisager d'autres solutions afin de diminuer le nombre de pesticides absorbés par notre organisme.
Les travailleurs sont exposés à ces pesticides lorsqu'ils les épandent dans les champs, lorsqu'ils traitent leurs arbres et dans le cadre de leurs activités quotidiennes. Il faut comprendre que ces produits peuvent avoir des effets nocifs sur leur santé. Les règlements doivent tenir compte de tout cela.
M. Julian Reed: Il y a 40 ans, on traitait les pommiers avec des métaux lourds. Je l'ai fait moi-même. Ensuite, nous avons utilisé des produits comme les organophosphates et les organochlorés qui ne semblent pas avoir occasionné une plus grande concentration que les métaux lourds.
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J'essaie de replacer tout cela dans une juste perspective,
parce que nous savons depuis très très longtemps que nous avons
besoin d'une certaine forme de contrôle antiparasitaire, ou tout au
moins du résultat qu'il permet d'obtenir, mais après un certain
temps, nous avons compris que les types de pesticides que nous
utilisons n'étaient pas bons et qu'il serait préférable d'en
utiliser d'autres. Eh bien, maintenant, nous utilisons d'autres
produits et il semble que les risques pour la santé en général
n'ont pas augmenté depuis ce temps.
Ou alors, c'est peut-être le fait d'avoir été contaminé par tous ces produits qui a fait de moi un homme politique.
M. Dave Bennett: Les pesticides vous ont chassé de l'agriculture.
Je pense que c'est une question complexe mais inéluctable. Le Congrès du travail du Canada est membre et même membre fondateur de la Campagne pour la réduction des pesticides. J'attire votre attention sur le titre. Il s'agit bien de «réduction» de l'usage des pesticides. Je pense qu'on ne peut pas prétendre éliminer complètement l'exposition du public canadien, des travailleurs canadiens et de l'environnement canadien aux pesticides chimiques. Cependant, nous réclamons une diminution draconienne de l'usage des pesticides chimiques. Nous voulons que les pesticides chimiques soient considérés comme des produits qui peuvent être parfois utiles dans certaines industries—ils sont nécessaires, mais nous ne voulons pas que les pesticides soient utilisés de manière courante dans l'agriculture.
Deuxièmement, personne ne préconise une interdiction totale. Personne ne demande que l'on cesse d'utiliser complètement les pesticides chimiques d'ici l'an 2001. Ce que nous préconisons, c'est un régime reconnaissant que la plupart des pesticides chimiques sont des produits polluants extrêmement dangereux et qu'il serait préférable de ne pas les utiliser. Lorsqu'il est nécessaire de les utiliser, il faudrait le faire avec parcimonie. Il faudrait examiner de près les méthodes qui préconisent l'application répétée de pesticides, afin de vérifier si leur utilisation est vraiment nécessaire.
De nombreux travaux universitaires ont démontré qu'il est possible, même en conservant les méthodes agricoles actuelles, de réduire de 50 p. 100 l'usage de certains pesticides si les conditions de leur application sont bien respectées.
Par conséquent, nous pensons qu'en appliquant un régime d'homologation plus strict combiné à la promotion d'autres méthodes de lutte antiparasitaire, nous assisterons à une modification spectaculaire et efficace des tendances en matière d'application des pesticides chimiques et, par le fait même, à une modification des comportements dans l'agriculture et l'horticulture canadiennes.
Je ne pense pas que ce soit quelque chose de déraisonnable à souhaiter. Il ne s'agit pas d'une politique publique pernicieuse. Ce n'est pas un changement qui entraînerait la faillite des agriculteurs et des entrepreneurs.
M. Julian Reed: N'importe quel agriculteur serait d'accord avec vous. Tous les agriculteurs qui utilisent actuellement des pesticides seraient entièrement d'accord avec vous. Ils ne souhaitent pas dépenser plus d'argent qu'il n'en faut pour obtenir une récolte. Ils n'utilisent pas plus de pesticides qu'il n'en faut pour atteindre le but recherché.
Je pense que les agriculteurs partagent tout à fait votre point de vue sur la réduction des pesticides. Ce sont eux les premiers concernés. Et d'ailleurs, si le Canada s'intéresse aux nouveaux pesticides et en autorise l'homologation, c'est entre autres choses dans le but de trouver des produits qui seraient moins toxiques pour l'environnement et plus efficaces, ce qui permettait d'en utiliser de plus petites doses pour obtenir le même résultat.
Le président: Merci.
Madame Torsney, et ensuite le président.
Mme Paddy Torsney: Une petite question. Est-ce que vous encouragez vos syndiqués à faire eux aussi leur propre choix quand il s'agit de traiter leur pelouse? Avez-vous un programme de réduction des pesticides à nous présenter? Vous avez sans doute fait dans vos rangs une sorte de campagne de sensibilisation.
M. Dave Bennett: En effet. Le programme éducatif du congrès sur les produits chimiques dangereux, qui englobent les pesticides, comprend plusieurs volets. Un d'entre eux étant ce que nous appelons la réduction du risque à la source. Cela signifie supprimer totalement l'exposition des travailleurs en éliminant ou interdisant les pesticides. Ensuite, il y a tout un ensemble de mesures qui permettent, lorsqu'un agent polluant est présent dans l'environnement de travail ou dans le milieu de vie, d'appliquer des mesures de contrôle appropriées afin de limiter au maximum l'exposition.
Troisièmement, il y a les attitudes personnelles et le comportement des travailleurs, sur les lieux de travail et dans leur environnement. Ils doivent adopter un comportement responsable et faire des choix qui correspondent à leurs valeurs.
Nous avons établi une hiérarchie qui consiste, en vue d'éliminer les produits chimiques, à les interdire, à les réduire progressivement et à imposer des restrictions quant à leur usage. Ensuite, nous entrevoyons l'imposition de mesures de contrôle et troisièmement, l'adoption de valeurs et d'un comportement personnel approprié.
Par conséquent, les choses sont en place, mais je dois souligner que ce n'est pas la façon idéale de diminuer l'exposition aux pesticides chimiques. Par exemple, il est contradictoire d'arroser les cours d'école avec des produits chimiques extrêmement dangereux tout en demandant aux enfants de faire très attention afin d'éviter de s'exposer aux pesticides chimiques.
M. Hassan Yussuff: J'aimerais souligner à ce sujet que nous avons beaucoup travaillé avec nos conseils du travail dans toutes les régions du pays pour obtenir des municipalités qu'elles cessent d'utiliser systématiquement des pesticides dans les lieux publics. Cela ne veut pas dire que nous interdisons à quiconque de traiter sa pelouse avec des insecticides.
Mme Paddy Torsney: C'est justement là où je voulais en venir. Apparemment, c'est dans les propriétés privées qu'on trouve les plus hautes concentrations de pesticides. Il y en a plus que dans les champs des exploitations agricoles. Par conséquent, compte tenu de l'effectif impressionnant que vous avez dans toutes les régions du pays, vous pourriez, grâce à une campagne de sensibilisation, réduire de manière spectaculaire l'usage des pesticides chez les particuliers.
Vous envoyez toutes sortes d'informations à vos membres et je sais que le sujet vous tient à coeur. Je me demande si vous ne pourriez pas les aviser sur les choix qu'ils peuvent faire afin qu'ils soient mieux informés et qu'ils puissent prendre de meilleures décisions pour leur jardin et peut-être même exercer une certaine influence en ce sens dans les écoles que fréquentent leurs enfants.
Il serait utile par exemple de parler... Il faudrait sensibiliser les gens qui gaspillent l'eau, les municipalités, apprendre aux gens à faire les bons choix concernant leur jardin. Vous disposez certainement de beaucoup de recherches et d'informations. Quel genre d'informations transmettez-vous à vos membres?
M. Dave Bennett: Comme nous l'avons dit dans notre exposé, nous sommes membres fondateurs de la Campagne pour la réduction des pesticides et la plupart de nos efforts de sensibilisation du public se font par l'intermédiaire de la campagne.
Lorsque la campagne a commencé, plus de la moitié des membres appartenaient soit aux conseils du travail, soit aux sections syndicales locales, ou étaient des travailleurs individuels. Un des objectifs principaux de la campagne est de supprimer l'utilisation des pesticides à des fins esthétiques par les municipalités, les particuliers, le secteur privé et les administrations municipales. La participation des travailleurs à la campagne est très élevée et le volet éducatif est un des plus importants.
Mme Paddy Torsney: Pouvez-vous nous faire parvenir un exemplaire de cette documentation? Je ne pense pas que nous l'ayons ici.
M. Hassan Yussuff: Certainement.
Mme Paddy Torsney: Très bien.
Le président: Je crois que Paddy Torsney a tenté de manière diplomatique de savoir si vous incitiez activement vos membres à réduire l'usage qu'ils font eux-mêmes des pesticides à des fins esthétiques.
M. Hassan Yussuff: La réponse est oui.
Le président: Dans ce cas, pourriez-vous nous fournir de la documentation à cet effet?
M. Hassan Yussuff: Certainement.
Le président: Merci.
Je pense que M. Reed, quant à lui, voulait soulever une question à laquelle nous serons confrontés très prochainement—je crois en effet que les exploitants qui pratiquent l'agriculture organique viendront témoigner la semaine prochaine. La question est la suivante: on dit généralement que l'utilisation de pesticides permet de réduire le coût des produits alimentaires et qu'une réduction de l'usage des pesticides entraîne une augmentation du coût des produits alimentaires. Le coût unitaire d'une tomate traitée aux pesticides est apparemment trois fois moins élevé que le coût d'une tomate produite sans pesticides. Tôt ou tard, notre comité devra franchir le Rubicon et prendre une décision de portée économique. Avez-vous des commentaires à formuler au sujet de cette croyance générale?
M. Hassan Yussuff: Oui. Le débat porte en fait sur les conséquences de l'usage des pesticides sur la santé humaine et sur les coûts que nous sommes prêts à supporter pour réduire les risques.
Il existe des pesticides dont nous connaissons les effets nocifs sur la santé humaine à court terme. Par contre, nous ignorons ce qui se produira si nous continuons à les absorber et à les maintenir dans la chaîne alimentaire à long terme. Sur le plan de la santé publique, il est souhaitable de pouvoir contrôler, limiter ou réduire l'usage des pesticides et leurs effets sur la santé humaine, malgré les coûts que cela implique. Nous avons été confrontés à des choix identiques dans l'industrie manufacturière.
Nous avons eu un bon exemple dans mon propre syndicat. Autrefois, on utilisait pour la fabrication de la mousse qui entre dans la confection d'un fauteuil comme le vôtre, un produit chimique qui avait des effets désastreux sur la santé humaine. Les travailleurs pouvaient être sensibilisés à ce produit dans un délai très bref et par la suite, il n'y avait plus rien à faire. Pendant un certain temps, nous avons pris des mesures pour éliminer totalement ce produit chimique des lieux de travail afin de le remplacer par un autre produit moins dangereux pour les travailleurs qui y sont exposés. Des milliers de travailleurs ont été victimes de ce produit, mais aujourd'hui, l'industrie qui fabrique et utilise la mousse offre un cadre de travail beaucoup plus sain.
Bien entendu, le changement a été coûteux, mais il était aussi nécessaire, puisqu'une personne exposée à ce produit était allergisée instantanément et que l'effet était permanent. Désormais, le coût supplémentaire est assumé par l'industrie elle-même. Bien entendu, les consommateurs comme vous et moi ignorent ce changement, mais pourtant, il y a bien eu substitution d'un produit chimique par un autre.
Je pense que nous avons gagné au change. De manière générale, le Congrès du travail du Canada est en faveur de la réduction, malgré les coûts, de l'usage d'un pesticide qui a des effets nocifs sur la santé humaine, parce que nous estimons qu'il est plus important de réduire le fardeau que la maladie représente pour le système public des soins de santé...
Le président: Même si les produits alimentaires coûtent plus cher?
M. Hassan Yussuff: Oui, même si les produits alimentaires coûtent plus chers. Nous faisons tous des choix et si l'on demandait aux gens de choisir entre des produits alimentaires traités aux produits chimiques et des produits non traités, je pense que beaucoup d'entre eux aimeraient avoir le choix.
Le président: Monsieur Yussuff, au premier paragraphe de la page 3 de votre mémoire, vous indiquez que rien n'est fait pour restreindre l'entrée des antiparasitaires chimiques sur le marché ni pour en refuser l'agrément lorsque des solutions moins dangereuses apparaissent. Pouvez-vous donner au comité un exemple ou deux de noms de produits qui ont été agréés de nouveau, même après l'apparition d'autres produits?
M. Hassan Yussuff: Je vais laisser à mon collègue le soin de répondre à cette question.
M. Dave Bennett: Il est difficile de prouver une expression négative, puisque nous disons que rien n'est fait pour refuser l'agrément de ces produits. Manifestement, le processus d'agrément n'a pas tenu compte de l'existence d'autres solutions moins dangereuses.
Le président: Est-ce que vous voulez dire que le processus d'examen des demandes de renouvellement de l'agrément ne tient pas compte de ces facteurs?
M. Dave Bennett: Exactement. Rien dans la loi n'exige ou même n'indique que l'organisme chargé de l'agrément tienne compte de tels éléments. On peut en déduire, sans risque de se tromper, qu'il ne le fait pas.
Je vais vous donner un seul exemple. Pour le traitement des pommes de terre au Canada, on dispose de toute une gamme de produits allant des produits chimiques synthétiques aux agents biologiques, en passant par les produits chimiques dont la toxicité serait manifestement moindre que celle de pesticides agréés qui sont plus toxiques.
Nous affirmons que l'on n'a jamais cherché à savoir si l'on a tenté de limiter l'usage de ces produits plus toxiques ou de les limiter par l'intermédiaire du processus d'agrément. Nous pouvons affirmer en toute confiance que cela n'a jamais été le cas. La question n'a jamais été examinée.
J'aimerais faire un autre commentaire au sujet du coût des produits alimentaires. Pour le moment, les conditions sont inégales et ne sont certainement pas en faveur de l'agriculture organique. Nous ne préconisons pas une augmentation du prix des aliments traités. Nous préconisons tout simplement d'autres méthodes antiparasitaires et la promotion de ces méthodes grâce à la modification du système d'agrément.
Le fait que le marché soit inégal ne nous paraît pas aller à l'encontre des propositions que nous faisons. Après tout, nous ne demandons pas aux cultivateurs de cesser d'utiliser les produits chimiques, ce qui aurait pour effet de faire monter le prix de leurs produits au niveau des produits organiques. Absolument pas. Les répercussions économiques ne se produiront pas de cette manière et pas dans un tel laps de temps.
Malgré tout le respect que je vous dois, cette question ne me paraît pas équitable.
Le président: Et pourtant, nous devons bien aborder cette question et nous y serons confrontés puisque nous entendrons la semaine prochaine, comme je vous l'ai déjà dit, les exploitants qui pratiquent l'agriculture organique.
Rétrospectivement, monsieur Bennett, et dans la perspective d'une nouvelle loi, pensez-vous que l'ARLA devrait conserver la même organisation qu'à l'heure actuelle, sans mandat législatif?
M. Dave Bennett: Nous avons deux préoccupations. La première concerne le processus d'agrément lui-même et la deuxième l'ajout de dispositions concernant le droit à l'information parmi les amendements apportés à la loi.
Comme nous l'avons dit, la loi parvient ou semble parvenir à contrôler l'introduction d'antiparasitaires chimiques dans l'environnement canadien, mais elle échoue totalement pour ce qui est de proposer une façon de se pencher sur le problème de la pollution par les produits antiparasitaires chimiques.
J'émets le voeu que les parlementaires, en consultation avec des scientifiques et des analystes à l'esprit progressiste adopteront une formule susceptible d'être intégrée dans la Loi sur les produits antiparasitaires afin d'en faire une loi restrictive plutôt qu'une loi laxiste.
Le président: Merci, monsieur Bennett.
Passons maintenant au deuxième tour. Monsieur Mancini.
M. Peter Mancini: Je n'ai pas de question.
Le président: Deuxième tour, monsieur Reed.
M. Julian Reed: Je n'ai pas de question.
Le président: Avant de conclure, je peux peut-être vous demander, monsieur Bennett, de nous donner quelques explications sur une déclaration qui apparaît au premier paragraphe de la page 3 de votre mémoire, qui se lit comme suit: «L'ARLA utilise très mal le seul dispositif en son pouvoir pour éviter la création de pollutions chimiques». Pouvez-vous nous en parler un peu plus longuement et nous donner quelques exemples?
M. Dave Bennett: L'examen des régimes d'homologation des pesticides dans des pays tels que la Suède ou l'Autriche révèle une approche tout à fait différente de ces produits sur le plan de la politique publique. Au Canada, mais également aux États-Unis, on semble partir du principe que la pollution chimique est une conséquence inévitable de l'activité industrielle et une caractéristique des sociétés industrielles. On considère que c'est une question à suivre et peut-être à surveiller, mais nous ne sommes pas prêts à intervenir dans ce domaine, sauf dans des cas extrêmes et à la suite d'une procédure judiciaire, lorsque la loi exige l'interdiction, la restriction ou l'élimination progressive d'un produit.
Certains autres pays adoptent une attitude totalement différente. Ils reconnaissent que l'utilisation des pesticides chimiques est inévitable, mais que ce sont des produits extrêmement dangereux pour l'environnement, pour la faune et pour l'humain et qu'il faut par conséquent limiter le plus possible leur usage en tenant compte de la rentabilité agricole, de la production alimentaire et de la protection des équipements sociaux.
Quel est le résultat? La première réaction est qu'il faut réduire le nombre de produits offerts sur le marché. Dans ces pays, qui sont très différents du Canada sur le plan de la géographie, du climat et du relief, les produits chimiques disponibles sur le marché se limitent à quelques unités. Ces pays sont prêts à n'autoriser qu'un certain nombre de produits sur le marché.
Dans certains secteurs relevant de la politique sociale, par exemple dans l'industrie textile pour ce qui est des teintures et dans l'agriculture pour les pesticides chimiques, on se rend compte qu'une partie du problème tient à la prolifération des produits sur le marché. On réalise que la société ne pourra pas maîtriser la pollution chimique tant qu'on ne limitera pas le nombre de produits disponibles.
Il est également possible de pratiquer des restrictions qualitatives en passant en revue les différents produits chimiques et leurs diverses applications. Il suffit alors de décider quels sont les produits chimiques que l'on peut éliminer. C'est encore une attitude restrictive, étant donné que l'on vise à limiter le nombre de produits disponibles et à en utiliser la plus faible quantité possible.
Mais surtout, il est possible de faire entrer en jeu la politique publique et d'adopter une loi. On ne peut pas s'en remettre uniquement à un organisme du gouvernement ou de différents gouvernements. On ne peut pas s'en remettre uniquement à la sensibilisation de la population et à la pression du public. Pour réduire l'utilisation des pesticides chimiques à la base, vous devez vous servir d'un dispositif existant, à savoir la Loi sur les produits antiparasitaires.
Nous ne prétendons pas détenir toutes les réponses et connaître les solutions, mais nous demandons au comité de se pencher attentivement sur le processus d'agrément, les critères d'agrément, afin de susciter un véritable débat public sur les moyens à prendre pour limiter l'entrée des produits chimiques sur le marché, lorsqu'il sera question d'étudier les amendements que le gouvernement se décidera peut-être un jour à apporter à la loi—bien qu'il semble que ce ne soit pas demain la veille. Tout cela exige un changement radical des principes qui inspirent la loi elle-même.
Le président: Est-ce que le CTC a été consulté au sujet d'un extrait de l'avant-projet de loi qui a circulé apparemment ces derniers mois? Si c'est le cas, avez-vous des observations à formuler?
M. Dave Bennett: Nous avons participé à quelques consultations avec Santé Canada et avec le gouvernement, mais notre attitude a été ambivalente, de même que celle du gouvernement.
Au départ, nous avons refusé de participer aux travaux du Conseil consultatif sur la lutte antiparasitaire—le mot boycotter serait trop fort—lorsqu'il a été établi au début des années 90. À notre avis, les changements apportés à la loi n'étaient pas assez importants pour justifier une consultation publique.
Lorsque nous avons demandé à participer au nouvel organe consultatif afin de surveiller la présentation du projet de loi, nous avons essuyé un refus et notre demande a été rejetée, en partie pour de bonnes raisons et en partie pour de mauvaises raisons.
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Le fait est que le CTC a été exclu de certains secteurs de la
politique publique. Si des ébauches du projet de loi ont circulé,
nous ne les avons pas vues, mais Santé Canada nous a laissé
entendre que le nouveau projet de loi tiendrait compte de certains
aspects du droit à l'information.
Le président: Est-ce que le CTC est disposé à participer aux consultations et si c'est le cas, est-ce que le gouvernement en a été avisé?
M. Dave Bennett: Oui, nous sommes disposés à participer et nous avons avisé le ministre que nous sommes prêts à participer à des consultations.
Le président: Mais vous n'avez pas participé aux récentes consultations sur un avant-projet de loi?
M. Dave Bennett: Non, puisqu'on nous a refusé le droit de participer au conseil.
Le président: Avez-vous eu connaissance d'un document intitulé «Proposition d'amendement à la Loi sur les produits antiparasitaires» daté du mois de janvier 1999?
M. Dave Bennett: Non.
Le président: Et vous n'avez pas été consultés?
M. Dave Bennett: Non.
Le président: Il se fait tard. Nous vous prions encore de nous excuser de vous avoir gardés une heure de plus. Nous vous remercions pour votre patience et pour la qualité de votre participation. Il est vraiment très dommage que vous n'ayez pas été consultés. Nous allons discrètement en parler au ministre.
Merci beaucoup.
M. Dave Bennett: Je remercie les membres du comité.
M. Hassan Yussuff: Je vous remercie au nom du congrès. Contrairement à ce que peuvent penser certains d'entre vous qui s'ennuient à siéger au comité, nous estimons que c'est un travail utile, surtout pour informer nos membres sur ce qui les concerne directement. Nous réclamons cette information depuis un certain temps.
Il nous faut une législation. Pour le moment il n'y en a pas. Au cours de vos délibérations, nous espérons que vous en ferez la recommandation, étant donné que ce sont des informations utiles pour nous. Nous disposons déjà de telles informations dans certains secteurs, mais pas dans les lieux de travail. Nous en avons besoin, parce que cela permet à nos membres de connaître les produits avec lesquels ils travaillent, auxquels ils peuvent être exposés et comment ils peuvent se protéger.
Encore une fois, au nom du congrès, je remercie le comité de nous avoir donné la possibilité de venir témoigner aujourd'hui.
Le président: Merci, monsieur Yussuff.
La séance est levée.