ENVI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON ENVIRONMENT AND SUSTAINABLE DEVELOPMENT
COMITÉ PERMANENT DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 20 septembre 2000
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan (York-Nord, Lib.)): La séance est ouverte. Nous avons le quorum nécessaire pour entendre des témoins. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous étudions la question de la protection des espèces sauvages en péril au Canada relativement au projet de loi C-33, Loi concernant la protection des espèces sauvages en péril au Canada. Nous faisons cette étude conformément à la décision prise par le comité le 15 juin.
Nous recevons aujourd'hui les représentants du ministère des Pêches et des Océans: M. John Davis, sous-ministre adjoint des Sciences, et M. Howard Powles, directeur de la Recherche sur les pêches, Direction générale des sciences halieutiques et océaniques.
Monsieur Davis, vous allez nous présenter un exposé qui correspond au document que vous avez remis au comité. Nous passerons ensuite aux questions, pour un premier tour de table de cinq minutes commençant par les députés de l'opposition. Merci beaucoup. Allez-y, je vous prie.
M. John Davis (sous-ministre adjoint, Sciences, Pêches et Océans Canada): Merci, madame la présidente, membres du comité permanent. Je suis heureux d'être ici aujourd'hui pour présenter la perspective du MPO au sujet du projet de loi C-33, la Loi sur les espèces en péril, ou LEP.
[Note de la rédaction: Inaudible]
Une voix: ...après le rappel au Règlement d'hier.
M. John Davis: Madame la présidente, je parlerai plutôt du projet de loi. C'est de cette façon que nous avons structuré notre témoignage, vu l'intervention d'hier.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Très bien.
M. John Herron (Fundy—Royal, PC): Madame la présidente, j'invoque le Règlement. Je me sens un peu plus enclin à collaborer aujourd'hui à ce sujet, mais si le témoin parle du contenu du projet de loi, ce sera à l'encontre de la motion. Mais je ne m'y oppose pas aujourd'hui.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Monsieur Herron, si un problème se pose, je demanderai à notre greffier de nous expliquer ce qu'il en est. Merci infiniment de votre aide et de votre collaboration d'aujourd'hui.
M. John Herron: Mais je vous en prie, madame la présidente.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Monsieur Davis.
M. John Davis: Je vais faire de mon mieux, madame la présidente.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): J'en suis persuadée.
M. John Davis: Je crois savoir que nous ne devons pas parler des dispositions du projet de loi dont est actuellement saisie la Chambre, mais que nous pouvons discuter des aspects généraux du projet de loi et répondre aux questions sur ces aspects.
À titre de ministère responsable de la conservation de toutes les espèces aquatiques au Canada, le MPO appuie la protection et le rétablissement des espèces en péril. De diverses façons, la LEP est un prolongement logique de notre engagement déjà fort envers la conservation des espèces aquatiques, engagement formulé dans d'autres mesures législatives fédérales importantes comme la Loi sur les pêches et la Loi sur les océans.
Au cours des deux dernières années, nous avons collaboré avec Environnement Canada, Parcs Canada et d'autres ministères fédéraux, d'autres gouvernements et une vaste gamme d'intervenants pour élaborer et mettre au point la loi proposée. Nous avons consulté de nombreux intérêts, y compris les Premières nations, des groupes environnementaux, d'autres gouvernements, l'industrie et des ONG sur la meilleure façon de la mettre en application.
Nous avons entendu de nombreux intervenants principaux du MPO, et leurs opinions ont contribué à former le projet de loi. Nous reconnaissons que toutes les questions soulevées ne peuvent pas être incluses dans la loi, mais nous croyons que celle-ci, dans sa forme actuelle, nous donne l'approche équilibrée dont nous avons besoin.
Tout au long de la préparation du projet de loi, nous avons tenu compte de trois priorités que nous jugions essentielles et qui nous permettraient, comme ministère, de combler nos besoins et d'atteindre nos objectifs. À notre avis, le projet de loi C-33 devait, premièrement, reconnaître le rôle de leadership du ministre des Pêches et des Océans en ce qui concerne les espèces aquatiques de juridiction fédérale; deuxièmement, être rédigé de façon que ses dispositions puissent être concrètement appliquées; troisièmement, faire en sorte que des pêches et une aquaculture durables puissent progresser dans la mesure où elles ne mettent aucune espèce en péril. Madame la présidente, membres du comité permanent, le projet de loi C-33 respecte ces exigences.
• 1545
Parlons d'abord du rôle du ministre. En vertu de la LEP, le
ministre des Pêches et des Océans est désigné ministre fédéral
responsable des espèces aquatiques. La LEP rend cette désignation
très efficace en donnant au MPO de nouvelles responsabilités
importantes dans de nombreux domaines: contrôle et évaluation des
espèces, pouvoir d'application de la loi, préparation et mise en
place de plans de rétablissement, en plus d'une vaste gamme
d'autres activités, comme des enquêtes obligatoires et des
programmes d'information publique.
À l'heure actuelle, le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada ou COSEPAC a désigné six espèces en péril et cinq espèces menacées, parmi lesquelles figurent certaines populations de mammifères marins. Celles-ci comprennent la baleine franche de l'Atlantique, la baleine boréale de l'Arctique, certaines populations de bélugas et la population résidente d'épaulards du Pacifique sur la côte Ouest. Dans les eaux intérieures, le comité a désigné trois espèces de poissons ou populations de poissons en péril et 18 menacées. D'autres espèces en péril et menacées dont nous sommes responsables comprennent la tortue luth et l'ormeau du Nord.
En vertu de la loi proposée, le ministre des Pêches et des Océans participerait aux travaux du Conseil pour la conservation des espèces menacées, se joignant ainsi à d'autres ministres fédéraux et provinciaux responsables de la faune. Le ministère continuerait de consulter ses nombreux intervenants, y compris les gouvernements, l'industrie, les ONG et les Premières nations, pour évaluer leurs priorités et leurs préoccupations au sujet des espèces canadiennes en péril.
[Français]
Étant donné que cette mesure législative a des répercussions importantes sur trois ministères fédéraux et touche à toute une gamme d'autres ministères, une organisation et une coordination interministérielles fortes sont nécessaires.
C'est pourquoi nous nous sommes joints à nos collègues d'Environnement Canada et de Patrimoine Canada pour établir un cadre de cogestion de la loi. Cette approche conjointe sera d'une valeur inestimable lorsque nous prendrons des décisions critiques au sujet de la protection des espèces en péril.
[Traduction]
En effet, la consultation et la collaboration, à tous les niveaux, doivent être au coeur même des travaux. L'approche coopérative utilisée pour préparer la loi doit également, par extension, jouer un rôle dans son application.
Notre deuxième priorité, tout au long de l'élaboration du projet de loi, a été tout simplement son applicabilité. Dans sa forme actuelle, le projet de loi semble bien être applicable.
Comme je l'ai mentionné, le MPO doit assumer de nouvelles responsabilités importantes en vertu de cette loi, et nous avons adopté une approche prioritaire pour nous donner les moyens d'assumer les obligations en vertu de la loi. Cela veut dire qu'il faut déterminer les enjeux, les espèces et les populations les plus critiques et faire un travail aussi rigoureux que possible en ce qui les concerne. Le contexte fiscal exige que nous adoptions une approche équilibrée et que nous traitions chaque question ou espèce individuellement, selon les priorités. Nous devons définir les cas qui exigent le plus notre attention.
Les modalités concernant les pêches intérieures qui existent dans certaines provinces représentent un défi supplémentaire. En général, en vertu de la Constitution canadienne et de la Loi sur les pêches, le gouvernement fédéral est responsable de la conservation de toutes les espèces dans les pêches commerciales, récréatives ou de subsistance. Mais certaines provinces disposent de modalités qui leur permettent de gérer les pêches intérieures au nom du gouvernement fédéral. Nous devons collaborer avec les provinces pour faire en sorte que les rôles et les responsabilités de protection des poissons d'eau douce en péril soient clairs et conformes aux modalités de juridiction en place. Conformément à la vaste gamme de modalités de collaboration que prévoit le projet C-33, nous travaillons étroitement avec les provinces pour mettre au point les outils de collaboration dont nous avons besoin pour garantir que les espèces d'eau douce reçoivent toute la protection dont elles ont besoin.
En préparant la loi, notre troisième priorité était de veiller au développement des pêches et d'une aquaculture durables, aussi longtemps qu'elles ne mettent pas les espèces en péril. La conservation est la priorité absolue de notre stratégie de gestion des pêches. Nous voulons faire en sorte que les pêches que nous gérons ne soient pas compromises.
• 1550
Si certaines espèces sont en péril, comme nous l'avons vu
dernièrement avec le coho du Pacifique et certains stocks de
poisson de fond de l'Atlantique, la Loi sur les pêches nous
autorise à appliquer des mesures de gestion qui vont mettre un
terme au déclin de ces espèces. Par exemple, nous avons le pouvoir
de limiter, ou de fermer une pêche donnée si elle présente
d'importants effets nuisibles pour des espèces marines en péril.
Nous avons déjà exercé ce pouvoir. Depuis 1998, par exemple, le MPO
a fermé ou limité certaines pêches du saumon du Pacifique à cause
des risques que présentaient les prises accessoires pour les stocks
de coho menacés.
Par conséquent, nous considérons les dispositions de protection et de rétablissement des espèces de la LEP comme venant s'ajouter à nos pouvoirs actuels. Elles constituent un outil additionnel puissant qui peut nous aider à mieux assumer nos responsabilités de conservation.
Les dispositions de la LEP concernant les habitats critiques viennent s'ajouter aux pouvoirs de protection de l'habitat du poisson que nous confère la Loi sur les pêches. Avec la LEP, le pouvoir du ministre que prévoit la Loi sur les pêches d'autoriser la modification de l'habitat du poisson, dans le cas de la construction d'un pont par exemple, serait limité s'il était déterminé que cet habitat était critique à des espèces en péril. Cette disposition limite donc les pouvoirs du ministre en matière d'habitat.
Importance des sciences: Pour prendre de telles décisions, le gouvernement fédéral s'est toujours appuyé sur de bons conseils scientifiques. En vertu de la LEP, nous ferons la même chose.
Le MPO appuie un processus consultatif scientifique large et transparent pour déterminer si une espèce est en péril et faire des recommandations aux ministres. Nous travaillons en étroite collaboration avec Environnement Canada et le COSEPAC pour élaborer les processus scientifiques rigoureux, uniformes et transparents qui sont requis. Par exemple, notre processus ministériel d'examen scientifique pour l'évaluation des stocks, par lequel des recommandations sont présentées au ministre, comprend maintenant la participation d'experts du monde universitaire et de l'industrie. Le MPO s'est engagé à publier les résultats de ces évaluations rapidement et sous des formats facilement disponibles. Et nous croyons que le COSEPAC devrait suivre les mêmes principes de transparence, d'inclusion et de rigueur dans ses évaluations.
Pour conclure, madame la présidente, membres du comité, le MPO a travaillé de concert avec ses partenaires fédéraux, les provinces et des organisations non gouvernementales pour s'assurer que le projet de loi C-33 adopte une approche équilibrée au vaste éventail de préoccupations exprimées.
L'objectif de la Loi sur les espèces en péril proposée est de faire en sorte que ces espèces ne disparaissent pas. Dans ses travaux quotidiens, le MPO prend déjà des mesures visant à assurer la protection et le rétablissement d'espèces marines menacées. Mais la nouvelle loi apporte les pouvoirs additionnels et les lignes directrices fédérales claires dont nous avons besoin pour garantir la survie à long terme des espèces dont les niveaux d'abondance sont dangereusement bas au Canada.
Madame la présidente, membres du comité permanent, voilà mes derniers mots. Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.
M. Howard Powles, directeur de la Recherche sur les pêches du MPO, est à mes côtés. Nous serons heureux de répondre à vos questions.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci beaucoup.
M. Jaffer, Mme Girard-Bujold, M. Herron et M. Stoffer.
M. Rahim Jaffer (Edmonton—Strathcona, Alliance canadienne): Merci.
Merci de votre témoignage.
J'ai lu votre mémoire et écouté votre exposé; vous dites entre autres, au sujet des fonctions du ministre, que sous le régime de la LEP, le ministre des Pêches et des Océans est désigné ministre fédéral responsable des espèces aquatiques. J'aimerais connaître votre opinion sur une des recommandations présentées dans un mémoire du Conseil canadien des pêches, dans laquelle on disait qu'il fallait conférer au ministre de l'Environnement pas nécessairement des pouvoirs supplémentaires mais la capacité, surtout dans le domaine des espèces aquatiques, de prendre des mesures plus rigoureuses. Le Conseil proposait un changement et recommandait, dans son mémoire, d'ajouter «avec l'accord du ministre» après le mot «consultation».
Le MPO serait-il d'accord avec un tel amendement qui aurait pour effet de renforcer la position du ministre à l'égard des espèces aquatiques?
M. John Davis: Merci, monsieur.
Pour nous, les dispositions qui prévoient plusieurs ministres compétents sont très importantes pour ce qui est des responsabilités de chaque ministre. Dans ce cas-ci, le ministre des Pêches et des Océans est chargé des espèces aquatiques, comme je l'ai décrit dans mon exposé.
• 1555
Au Canada, comme dans le monde entier d'ailleurs, nous nous
orientons vers une approche qui tient compte de tous les divers
aspects de l'écosystème. Il est très important pour la compétence
d'un ministre chargé d'un certain nombre d'espèces de pouvoir tenir
compte de toute la gamme des espèces dans cette approche basée sur
les écosystèmes.
Vu l'ensemble des responsabilités du ministre des Pêches et des Océans, je crois qu'avoir un seul ministre responsable entraînerait des difficultés considérables. Il faut prendre en considération le concept de l'écosystème, les relations très étroites entre le ministre, ses clients et toutes les pêcheries ainsi que la nécessité de s'assurer que le plan de pêche tienne compte des interactions entre les diverses espèces. Il est donc opportun, selon nous, que le ministre soit désigné «ministre compétent», comme le propose le projet de loi.
M. Rahim Jaffer: À ce sujet, il y a également autre chose qui suscite mon intérêt. Il s'agit de la situation actuelle à Burnt Church ou plutôt des cas de conflits potentiels touchant certaines espèces aquatiques qui pourraient être déclarées en péril si la pêche continue.
Dans le cas particulier de la modification dont j'ai parlé, je me demande si, de l'avis du ministère des Pêches, il serait valable de raffermir la position du ministre de l'Environnement en lui permettant d'intervenir et même de prendre les devants lorsqu'il s'agit de protéger des espèces, même si d'autres dispositions sont prises par le ministère des Pêches. Je me demande ce que vous pensez de cela. Y trouveriez-vous une utilité quelconque?
M. John Davis: Dans le cas des différends, je crois qu'il serait utile que plusieurs ministres puissent intervenir; on examinerait certainement la compétence respective de chacun d'eux pour la situation en cause.
Comme vous le savez, de notre point de vue, les pêches représentent un dossier très complexe et diversifié. Il serait donc approprié que le ministre des Pêches et des Océans les contrôle. Il est également très important que l'on puisse travailler à la protection des espèces avec le collègue du ministre, le ministre de l'Environnement, tout autant qu'il est essentiel, selon moi, d'avoir de bonnes relations fédérales-provinciales lorsque surviennent des problématiques où nous devons travailler en étroite collaboration avec un ministre provincial.
M. Rahim Jaffer: En général, en matière de pêche commerciale, de pêche de base, les modalités ont été modifiées. Nous avons souvent vu des limitations encore plus marquées de la pêche commerciale de certaines espèces, et cela va même jusqu'à une quasi-interdiction de pêche, pour le saumon en particulier. Je me demande si le ministère des Pêches et des Océans a, quant à lui, un plan de rétablissement ou une proposition à faire au gouvernement fédéral, proposition qu'il estime pouvoir mettre en oeuvre avec succès tout en respectant la loi proposée sur les espèces en péril.
M. John Davis: En vertu de cette mesure législative, nous aurions certainement à intervenir dans l'élaboration des plans de rétablissement pour les espèces désignées. Cela se ferait en consultation des groupes concernés, des intervenants les plus importants, qui ont vraiment une contribution à faire. Nous serions très présents dans ce domaine.
Nous faisons déjà des progrès, pour la baleine franche, par exemple. Vous l'avez probablement déjà entendu dire, le nombre de baleines franches sur la côte Est est en net déclin. Nous avons déjà collaboré avec un certain nombre de groupes pour préparer un plan de rétablissement de la baleine franche. Cela transcende même les frontières internationales, dans la mesure où nous travaillons également en étroite collaboration avec nos collègues des États-Unis, chez qui on retrouve cette baleine.
Donc, pour chacune de ces situations, il appartiendra au ministère d'élaborer des plans de rétablissement et d'agir en conséquence.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci beaucoup.
[Français]
Madame Girard-Bujold.
Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ): Madame la présidente, vous connaissez la position du Bloc québécois. Nous disons que ce projet de loi crée un dédoublement avec ce qui existe actuellement dans certaines provinces. Déjà six provinces du Canada ont adopté des mesures qui touchent les espèces menacées. Il y a même eu une réunion des ministres fédéral, provinciaux et territoriaux chargés de l'aménagement de la faune en 1996, comme je le voyais dans les notes. Ils ont dit être prêts à adopter l'Accord pancanadien pour la protection des espèces en péril.
On ne peut pas parler de cette loi, qui n'est pas encore passée en deuxième lecture, mais qu'est-ce qu'elle apporterait de plus? Est-ce qu'ils ont décidé de mettre l'accord en application? Il y a déjà un projet sur la table et ils ont déjà exprimé leur volonté de faire en sorte que les espèces... Quel sera l'effet sur les espèces si le gouvernement fédéral se dote d'une loi pour chapeauter tout ce que les autres font?
• 1600
N'oublions pas que dans ce projet de loi,
le gouvernement fédéral ne prend pas en considération
ce qui se fait déjà dans les provinces.
Dans ce qui se
trouve sur la table, je n'ai pas vu
quoi que ce soit qui indique qu'on
consultera les provinces et qu'on leur dira qu'elles
ont fait de belles
choses et que, pour permettre à leur action de
progresser, on va leur accorder un soutien financier et leur
assurer une collaboration. Je ne décèle rien en ce
sens dans ce projet
de loi. Je vois plutôt que le gouvernement fédéral
cherche à avoir la mainmise sur tout ce qui touche aux espèces
menacées, par-delà la liste existante et par-delà tout ce
que vous venez de dire.
Actuellement, il faut que vous puissiez dire que trois ministères se sont assis ensemble pour produire une bonne loi. Je pense qu'il va falloir que vous retourniez faire vos devoirs. Je pense que les trois ministères concernés vont être obligés de retourner faire leurs devoirs. Je pense qu'ils vont devoir faire montre d'un véritable respect envers les gouvernements provinciaux et d'un esprit de collaboration.
Merci.
[Traduction]
M. John Davis: Je vous remercie de votre question, madame. Elle soulève un aspect très important, celui de la manière dont nous agissons relativement aux espèces en péril.
Comme vous l'avez dit, il existe un accord entre le gouvernement fédéral et les provinces, accord qui remonte à 1996. On y établit les modalités de collaboration entre les divers groupes et on y précise que les provinces adopteront leurs propres mesures législatives pour protéger les espèces en péril et prendront les mesures nécessaires pour intervenir dans ce domaine.
Toutefois, nous trouvons très important que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux travaillent en étroite collaboration pour mieux coordonner ce genre de coopération. Nous avons eu des consultations suivies avec le Comité des directeurs canadiens de la faune et avec le Conseil canadien pour la conservation des espèces en péril afin d'assurer l'harmonie des communications relatives à ces dossiers.
Nous trouvons également très important que tous les organismes travaillent en étroite collaboration pour la protection des espèces en péril. La loi aidera certainement à épauler les provinces et à compléter leurs activités. Elle aidera à assurer que les interventions soient musclées et coordonnées.
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Vous avez beau dire cela, cher monsieur Davis, mais ce n'est pas ce qu'on trouve dans le projet de loi.
Vous ne parlez jamais non plus des terres domaniales dont le gouvernement fédéral a la responsabilité. Qu'est-ce que vous avez fait pour rattraper juste un peu ce que font les province? Je pense que le gouvernement canadien n'a pas de leçon à donner aux provinces. Je pense que ce gouvernement tente de mettre la main sur des domaines que la Constitution ne lui confie pas alors qu'il ne s'occupe pas de ses propres affaires. Il veut donner des leçons aux autres tout en disant qu'on ne doit pas regarder ce qu'il fait chez lui.
J'aimerais donc que vous puissiez me dire ce que vous avez fait pour vos terres domaniales. Vous savez que toutes les associations environnementales vous ont donné un D-. Si j'avais obtenu un D- dans un de mes bulletins, j'aurais été obligée de refaire mes devoirs. Je pense que les groupes environnementaux ont eu raison de vous donner D-. Je pense qu'il va falloir que vous nous montriez ce que vous avez fait chez vous avant de pouvoir dire aux autres: «Faites ce que je dis et non ce que je fais.»
[Traduction]
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci beaucoup, madame Girard-Bujold.
Réponse brève, s'il vous plaît, monsieur Davis.
M. John Davis: Je peux vous affirmer, madame, que notre ministère intervient très activement et très diligemment pour tout ce qui concerne les espèces aquatiques.
Nous avons également engagé un dialogue sur cette question avec le Conseil canadien des ministres des Pêches et de l'Aquaculture, dont font partie les provinces. On a créé un groupe de travail sur les dossiers concernant l'eau douce et il a été établi que ce même processus de discussion et de collaboration fédéral-provincial pourrait servir pour les espèces en péril.
Tout cela est donc prévu. Notre ministère continuera également de travailler d'arrache-pied pour les espèces aquatiques et, plus particulièrement, pour les espèces en péril.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Monsieur Herron, à vous.
M. John Herron: Sauriez-vous, de mémoire, combien le ministère des Pêches consacre au rétablissement des stocks de saumon atlantique?
M. John Davis: Je crois que nous venons de prévoir 550 000 $ pour cette activité, ce qui inclut une part des fonds d'administration du budget 2000. Nous considérons cela comme un début. Nous aimerions beaucoup nous concentrer sur un plan de rétablissement du saumon atlantique, non seulement pour la Baie de Fundy, mais également pour tous les stocks de l'Atlantique. Nous souhaitons travailler en étroite collaboration avec les divers groupes d'intervenants et notamment avec la Fédération du saumon atlantique pour voir s'il est possible de faire progresser ce dossier. Nous avons bon espoir de faire avancer une grande initiative touchant le rétablissement du saumon atlantique. Nous y travaillons en ce moment même.
M. John Herron: Nous sommes d'accord, vous et moi, sur deux choses: la première, c'est que ces 550 000 $ sont un début; la deuxième, c'est que j'ai également bon espoir.
Lorsqu'on met ces choses en perspective, on constate un investissement de 400 millions de dollars pour le saumon sauvage de la Colombie-Britannique, y compris 100 millions de dollars pour la conservation du saumon de cette région. Je ne suis pas le porte-parole de mon parti en matière de finances, mais je trouve que cela représente un peu plus que 550 000 $. Je crois que cela complète vos efforts auprès de la Fédération du saumon atlantique et d'autres groupes concernés quant aux principaux cours d'eau. Ces groupes estiment que le MPO les a grandement négligés, préférant s'intéresser au saumon de Colombie-Britannique. Je ne dis pas que c'était une mauvaise chose à faire, mais je pense qu'il pourrait y avoir un peu plus d'équilibre avec les activités sur la côte Est.
Une dernière question. Pourquoi le gouvernement a-t-il modifié tant de dispositions du projet de loi C-65, qui ne semblaient pourtant pas contestées à l'extérieur du gouvernement? Plus particulièrement, pourquoi avez-vous remplacé en de nombreux endroits les exigences prévues par le projet de loi C-65 par des mesures discrétionnaires? Je songe plus particulièrement à la protection de l'habitat dans les zones de compétence fédérale, au roulement de la liste du COSEPAC et à un certain nombre d'autres dispositions.
M. John Davis: Je n'étais pas ici pour le projet de loi C-65.
Je vais demander à mon collègue, M. Powles, de voir s'il peut répondre à cette question.
M. Howard Powles (directeur, Direction de la recherche sur les pêches, Direction générale des sciences halieutiques et océaniques, Pêches et Océans Canada): Je ne peux pas non plus donner de réponse détaillée, mais le projet de loi C-65 avait eu une longue vie. Il avait suscité beaucoup de discussions et, au bout du compte, il n'a pas été adopté. Pour ce projet de loi-ci, il y a eu énormément de discussions et de consultations avec les intervenants, les gouvernements provinciaux et toute une série de personnes que le ministère de l'Environnement et d'autres ont consultées abondamment. Je crois pouvoir avancer, en réponse à votre question, que les modifications sont le résultat de ces consultations.
M. John Herron: Cependant, pour ce qui est de la compétence fédérale, vous vous êtes délibérément dit qu'il s'agissait d'un problème dans le projet de loi C-65 et que vous n'alliez donc pas rétablir la même disposition dans le projet de loi C-33. Était-ce à cet égard que vous éprouviez des problèmes?
M. Howard Powles: Quel est le problème précis...
M. John Herron: Le projet de loi C-65 accordait au gouvernement le pouvoir pour tout ce qui concerne les questions de compétence fédérale. Le projet de loi C-33 ne prévoit pas cela. Il s'agit d'un pouvoir discrétionnaire. Pourquoi?
M. Howard Powles: Pour la protection des espèces?
M. John Herron: Oui, c'est le...
M. Howard Powles: Le projet de loi C-33 prévoit des interdictions automatiques pour toutes les espèces relevant de la compétence fédérale, dès lors qu'il s'agit de leur nuire ou de les tuer une fois qu'elles sont inscrites sur la liste.
M. John Herron: Une fois qu'elles sont inscrites?
M. Howard Powles: Oui.
M. John Herron: Sur tous les territoires fédéraux?
M. Howard Powles: Tous les territoires fédéraux: les espèces aquatiques et les oiseaux migrateurs.
M. John Herron: Merci.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci.
Nous souhaitons aujourd'hui la bienvenue à M. Stoffer. Il sait qu'il dispose de cinq minutes pour le premier tour.
M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Merci beaucoup, madame la présidente.
Tout d'abord, si j'ai bien compris, la Loi du MPO précise bien que le MPO a le mandat législatif de protéger les poissons et les habitats piscicoles. Est-ce exact?
M. John Davis: C'est exact.
M. Peter Stoffer: Cela étant dit, je rappelle que le Canada et la Nouvelle-Écosse ont signé, il y a environ deux ans, l'Accord Canada-Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers. D'après ce que vous nous avez dit dans les documents que vous nous avez remis, le conseil issu de cet accord a la responsabilité, indépendamment du gouvernement, de contracter des centaines et des centaines de baux à des sociétés pétrolières et gazières du monde entier pour effectuer des tests sismiques non loin, par exemple, des côtes du Cap-Breton, tout juste au coeur des zones de pêche répertoriées du hareng, du saumon, du maquereau, du crabe et du homard. Ce que le gouvernement dit donc aux sociétés pétrolières c'est qu'elles peuvent faire leurs propres évaluations environnementales une fois que les baux ont été signés.
Si la protection du poisson et des habitats des poissons est votre préoccupation principale, et si le principe de prudence vous tient à coeur...Même le CCRH précise qu'aucun bail ne devrait être accordé tant que les évaluations environnementales n'ont pas été effectuées. Pourquoi le Canada et la Nouvelle-Écosse ou, d'ailleurs, n'importe quelle province, accorderaient-ils des baux à des sociétés pétrolières sans avoir effectué le travail environnemental au préalable?
M. John Davis: Monsieur Stoffer, il s'agit d'une question sur laquelle je ne suis pas très bien renseigné. Cela relève de la compétence de notre groupe de l'habitat et non de mon groupe, le groupe scientifique. Je m'engage toutefois à assurer le suivi de cette question.
M. Peter Stoffer: Merci.
Madame la présidente, j'ai toujours dit que ce projet de loi ne protège pas l'habitat et que, si l'on ne peut pas protéger l'habitat, on ne peut pas non plus protéger les espèces. Ce projet de loi n'assure pas la protection pour les eaux intérieures ou extracontinentales ou, par exemple, nos océans et nos cours d'eau. Or, si l'on ne protège pas les cours d'eau, on ne peut pas protéger les poissons qui nagent dans ces cours d'eau.
Vous avez parlé à mon collègue réformiste d'une approche axée sur les écosystèmes. Pourtant, le dragage et le rejet continuent d'exister au moment même où nous nous parlons. En ce moment même, des milliers de livres de poisson sont rejetées par des navires de pêche. Cela continue de se faire et le MPO, l'OPANO ainsi que les autres organismes internationaux continuent de faire semblant de rien. Nous permettons toujours le dragage au-dessus des très précieux récifs de corail au large de Shelburne au Cap-Breton. Cela se fait encore aujourd'hui. Ce n'est pas respectueux des écosystèmes. Pourquoi donc permet-on que cela se produise encore?
M. John Davis: Nous examinons certainement toute la question de l'incidence du dragage et d'autres activités semblables sur les fonds marins. La question des rejets de pêche est également de la première importance pour les responsables de l'administration de la pêche, cela va sans dire. J'en conviens avec vous, il s'agit de préoccupations de la plus haute importance.
On élabore actuellement des méthodes de pêche plus sélectives, méthodes qui suscitent un intérêt considérable. Par exemple, il est maintenant possible en établissant la cartographie tridimensionnelle du fond marin au moyen de faisceaux multiples d'identifier les habitats clés qui permettent de cibler le type de pêche qui se déroule dans une zone donnée. On retrouve un très bon exemple de cela dans les travaux de la Clearwater Fine Foods pour ce qui est de la pêche des pétoncles. Cette méthode permet de préciser où se trouvent les pétoncles sur le fond marin. On a pu ainsi aller pêcher ces stocks sans nuire aux autres parties de l'habitat. Cela a pu se faire de façon rentable, sans perdre autant d'engins de pêche, et sans endommager l'habitat benthique autant que cela se ferait normalement. Ce type de technologie, monsieur Stoffer, nous aidera donc à être plus précis et à assurer le genre de protection que vous recherchez.
M. Peter Stoffer: Ma dernière question, madame la présidente...
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Il vous reste une minute.
M. Peter Stoffer: Vous avez parlé d'espèces en péril sous votre responsabilité, notamment de la tortue luth et de l'ormeau du Nord. Est-ce bien cela?
M. John Davis: Ces deux-là, oui.
M. Peter Stoffer: Pourtant, récemment, et lors de la querelle avec les pêcheurs au harpon d'espadon, le secteur traditionnel de la pêche à l'espadon s'est vu octroyer près de 90 p. 100 de la prise autorisée, alors que les pêcheurs au harpon n'en ont obtenu que 10 p. 100. Harponner est un mode de pêche très précis, sélectif, et très écologique d'une certaine façon puisque c'est l'espadon seul qui est visé, et rien d'autre. La pêche normale à l'espadon utilise des lignes de 30 à 40 kilomètres de long, avec des hameçons très larges, et qui a vu le film La tempête peut s'en faire une idée. Le film ne montre que les espadons pêchés, mais en réalité on ramène également des tortues luth, du thon, et des ormeaux. Est-ce que ce projet de loi, d'après votre interprétation, protège ces espèces dans ce type de pêche?
M. John Davis: La nouvelle loi traitera évidemment des espèces inscrites, et il faut bien comprendre que la liste émanera du COSEPAC. Bien sûr...
M. Peter Stoffer: Est-ce qu'on interdira à ce moment-là des lignes aussi longues pour la pêche à l'espadon?
M. John Davis: La pêche à l'espadon, et toute question de l'ordre que vous évoquez, devront faire l'objet de mesures prises dans le cadre de la Loi sur les pêches et de nos pouvoirs réglementaires habituels, s'il ne s'agit pas d'une espèce inscrite au titre des espèces en péril.
M. Peter Stoffer: En l'occurrence, cette espèce n'est pas inscrite, n'est-ce pas?
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci, monsieur Stoffer. Il est toujours extrêmement rafraîchissant de vous compter parmi les membres de notre comité, je le dis de façon tout à fait positive.
Pour terminer le premier tour des questions, il me reste M. Reed sur ma liste, M. Lincoln et M. Knutson; et je poserai moi aussi quelques questions. Monsieur Reed.
M. Julian Reed (Halton, Lib.): Merci, madame la présidente.
La détérioration de la situation dans les Grands Lacs, et je pense surtout au lac Ontario, pose le problème des espèces en péril, et il s'agit très souvent d'espèces qui intéressent les pêcheurs sportifs, etc. Je crois que l'on a bien compris, même si ce n'est pas toujours véritablement officiellement reconnu, que la responsabilité des villes dans la dégradation de la qualité de l'eau des Grands Lacs est énorme. Je ne sais pas si ma question relève de votre responsabilité, mais pensez-vous que ce projet de loi pose la question de cette responsabilité des villes?
Pour être un peu plus précis, les canalisations prennent l'eau du lac qui est ensuite utilisée pour les toilettes, et tout cela est ensuite rejeté dans le lac, et au fil des ans on en est arrivé au point où le béluga du Saint-Laurent joue une petit peu le même rôle que le canari au fond des mines. Il s'agit bien d'une responsabilité urbaine. Il y a une espèce de mythe, dans les villes, selon lequel lorsque l'on parle d'espèces en péril il s'agit toujours du grizzli ou de la chouette des terriers quelque part dans la campagne, alors qu'en fait cela se passe à la porte des villes, là où la densité de la population est la plus importante dans ce pays.
M. John Davis: La mesure législative concernera évidemment toutes les espèces d'eau douce inscrites sur la liste, dans diverses catégories, en même temps que leur habitat essentiel, et donc, oui, dans une certaine mesure on répond à vos préoccupations concernant l'eau douce.
Mais si je ne me trompe, votre question a une portée plus large. Vous parlez de façon générale de la détérioration de la qualité de l'eau des Grands Lacs, du problème grave qui se pose dans ces lacs, et de tous les problèmes liés par exemple à l'invasion d'espèces étrangères telles que les moules zébrées, avec les conséquences que cela a sur l'habitat, le problème des eaux qui se déversent dans les lacs, etc. Vous avez tout à fait raison. Tout cela est une responsabilité qui nous incombe à tous, à mon avis, et il appartient aussi bien sûr à ceux qui vivent dans ces zones de prendre en main la situation, et de défendre la pureté de l'eau, l'habitat, etc.
M. Julian Reed: Est-ce que ce projet de loi fera quelque chose pour...
M. John Davis: Ce nouveau texte sera utile dans la mesure où nous pourrons protéger les habitats des espèces en péril de la zone visée. Mais cela ne traite pas la question plus large que vous avez évoquée. Nous avons également dans la Loi sur les pêches les dispositions sur l'habitat, qui pourront être invoquées en complément de l'application de la nouvelle loi. Mais nous avons également besoin de cette collaboration avec les autorités provinciales et municipales, ainsi que la population, comme je le disais. Tout ce qui concerne les zones de conservation est essentiel à une véritable politique de rétablissement de certains cours d'eau et de certains écosystèmes.
M. Julian Reed: J'ai une autre question à vous poser. Vous avez parlé de «bons conseils scientifiques». Selon ce que j'ai constaté, avec les biologistes, les conclusions sont souvent entre la science et l'alchimie, avec toujours un zeste de préjugé. C'est quelque chose qui remonte pour moi à il y a six ou sept ans. La situation s'est-elle améliorée? Quel recours aurait celui qui, à un moment où il veut lancer un projet de développement, se heurte à l'avis d'un biologiste plein de préjugés, qui se révèle par la suite complètement erroné? Y a-t-il des recours? Y a-t-il une façon...
M. John Davis: Oui.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci, monsieur Reed.
Monsieur Davis, allez-y.
M. John Davis: Pardon, madame la présidente?
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Il nous reste très peu de temps pour la réponse. Merci.
M. John Davis: Je vais être bref, oui.
Lorsque je parle de bons conseils scientifiques, il s'agit toujours d'un consensus entre divers scientifiques, où l'on s'assure que l'on a divers avis et qu'un consensus se dégage, et qu'il ne s'agit pas simplement de l'opinion d'une seule personne, mais bien de plusieurs. J'ai bien indiqué que c'est de cette façon-là que nous aimerions également voir le COSEPAC fonctionner. Cela permet de garantir qu'un mécanisme de vérification est en place, plutôt que de laisser un seul décider.
M. Julian Reed: Merci.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci. Monsieur Lincoln, vous avez la parole.
M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.): Lorsque j'ai entendu M. Powles nous dire que le projet de loi C-65 avait été passé par-dessus bord, j'ai eu le sentiment que le ministère des Pêches et des Océans y avait eu sa part de responsabilité. J'imagine même qu'ils ont fêté la mort du C-65.
Passons. De toute façon, le ministère des Pêches et des Océans est partie prenante au COSEPAC. Est-ce bien cela? Est-ce que vous êtes d'accord avec la liste du COSEPAC telle qu'elle existe maintenant, les 353 espèces inscrites, y compris les poissons?
M. John Davis: Je vais d'abord répondre, et je demanderai ensuite à M. Powles de compléter.
Nous appuyons le projet du COSEPAC tel que décrit dans le projet de loi, et nous y serons partie prenante, comme vous le disiez. Nous pensons effectivement qu'un certain nombre de ces espèces ont besoin d'être surveillées, avec une réévaluation qui tiendra compte des nouvelles connaissances. Nous savons que le COSEPAC a fait un certain nombre de réévaluations, et nous nous en félicitons, mais il reste du travail à faire.
M. Clifford Lincoln: Est-ce que vous avez pris connaissance de la liste des 123 espèces pour lesquelles le COSEPAC a donné son approbation?
M. Howard Powles: Bien sûr, nous sommes membres du COSEPAC. Nous avons participé à des réunions de réévaluation, et nous avons été partie prenante au consensus de cette liste de 123 espèces.
M. Clifford Lincoln: Très bien. Mais ces 123 espèces ne font pas partie de la liste qui sera inscrite dans la nouvelle loi. Reprenons un petit peu ce qui va alors se passer.
À ce moment-là, au moment de la promulgation...le ministre nous dit que dès le printemps nous aurons le résultat de toute la réévaluation. Imaginons que 300 espèces aient fait l'objet de cette réévaluation, et que l'on est parvenu à un accord. J'imagine qu'il y aura alors un mémoire qui sera présenté au Cabinet, pour lequel on aura besoin de l'approbation des trois ministres principaux: Environnement, Pêches et Patrimoine. Ensuite, il y aura une procédure de consultation, qui comprendra les ministères concernés: Ressources naturelles, en raison des forêts, etc. Je connais la musique. Lorsque vous aurez fini, il se sera écoulé plusieurs mois. On rédigera alors une nouvelle version du mémoire présenté au Cabinet, quelqu'un y opposera ses objections...
Selon votre expérience de sous-ministre, combien de temps faudra-t-il entre la promulgation de la loi et l'approbation de la liste par le Cabinet, dans sa forme définitive, avant que cela ne prenne la forme d'un règlement?
M. John Davis: Nous essayons précisément de prévoir ce cheminement, puisque nous avons besoin de prévoir des plans de rétablissement, et l'octroi des permis que cela suppose. Howard a déjà travaillé là-dessus; il pourrait peut-être répondre.
M. Howard Powles: Oui.
M. Clifford Lincoln: Nous allons prendre note du temps que vous indiquez.
M. Howard Powles: Nous ne pouvons évidemment pas prévoir de façon précise le temps que cela demandera. Ce n'est pas tant une question de mémoire présenté au Cabinet, qu'une question de procédure réglementaire par laquelle—c'est du moins ce que l'on envisage—le ministre de l'Environnement soumettrait la liste du COSEPAC, les évaluations du COSEPAC, au gouverneur en conseil pour l'adoption d'une liste de protection faisant l'objet d'un règlement. La procédure réglementaire est un petit peu longue, afin justement de permettre les consultations avec les parties prenantes qui donneront leur avis sur la réglementation.
On nous a dit que six mois—ça pourrait être un peu plus ou un peu moins—est le délai sur lequel il faudrait à peu près compter. Mais ce n'est pas du tout cette espèce de cuisine interministérielle que vous évoquiez; il s'agit d'une procédure réglementaire bien établie.
M. Clifford Lincoln: Mais il faut quand même faire intervenir le gouverneur en conseil. C'est-à-dire qu'il faut faire connaître ses intentions au Cabinet, par le truchement d'un document.
Vous parlez de six mois, avant la promulgation, ajoutons ensuite le temps qu'il faudrait pour des élections, six mois au minimum. Nous n'aurons donc rien avant un an, au minimum. Ce sera donc très long. Si vous parlez de six mois, il faut certainement compter avec plus.
M. Howard Powles: Ces six mois sont une approximation. Je ne connais pas bien personnellement le de processus réglementaire—c'est environ ce chiffre qu'on nous a cité—mais à mon avis une fois que la loi a été promulguée, il s'agit ensuite d'une procédure administrative, jusqu'à la dernière étape à franchir, comme vous le disiez, où on saisit le gouverneur en conseil et le Cabinet. La procédure réglementaire sera donc déclenchée suite à la publication de la liste du COSEPAC, et le ministre de l'Environnement préparera le règlement et organisera les consultations permettant de parvenir à la liste définitive.
M. Clifford Lincoln: Mais puisque nous sommes satisfaits de la nouvelle liste, pourquoi cette liste révisée n'est-elle pas dans le projet de loi?
Vous semblez d'accord avec moi, monsieur Davis.
M. John Davis: Je prends note surtout de ce que vous dites, monsieur.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Est-ce que vous auriez quelque chose de rapide à ajouter, au lieu de simplement prendre note de ce qui vient d'être dit? Pourrions-nous nous entendre sur quelque chose? Est-ce que vous avez une réponse à faire pour le compte rendu de séance?
M. John Davis: Je pense que nous aimerions un petit peu réfléchir à tout cela.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Très bien. Merci beaucoup.
Monsieur Knutson.
M. Gar Knutson (Elgin—Middlesex—London, Lib.): À supposer que le projet de loi soit adopté, dites-moi un peu ce que vous pourrez faire à ce moment-là que vous ne puissiez pas déjà faire.
M. John Davis: Avec ces nouvelles dispositions, nous pouvons mettre en place des dispositifs et des mécanismes de sécurité essentiels à la conservation de ces espèces en péril. Tout d'abord, nous disposerons d'une base à partir de laquelle travailler avec d'autres parties prenantes. Nous disposerons également de crédits pour cela, comme par exemple pour le programme d'intendance dont nous parlions. Toute cette mesure législative met l'accent sur un certain nombre de questions clés qu'il faut débattre. Cela nous donne également des pouvoirs supplémentaires pour prendre certaines mesures, les faire appliquer, et protéger les espèces de la liste. Tout cela vient donc compléter ce que nous faisions déjà.
M. Gar Knutson: Je me demande quels sont les pouvoirs supplémentaires dont vous disposerez, car d'après ce que vous disiez tout à l'heure, vous pouvez maintenant travailler avec certaines associations et certains groupes. Mais la question d'argent reste une question de budget. Rien n'est prévu dans la loi. Moi je vais voter le budget de février, mais j'aimerais que vous me disiez de façon plus précise ce que vous pouvez maintenant faire qui vous était interdit jusqu'ici.
M. Howard Powles: En règle générale, il est vrai que notre ministre peut prendre la plupart des mesures prévues par ce projet de loi en vertu de la Loi sur les pêches et de la Loi sur les océans.
M. Gar Knutson: Y compris les plans de rétablissement?
M. Howard Powles: Nous pouvons établir des plans de rétablissement. Nous avons à l'heure actuelle des plans de gestion intégrée des pêches, qui ressemblent beaucoup aux plans de rétablissement.
L'un des changements d'orientation, c'est que nous serons désormais tenus d'examiner, dans les océans, d'autres espèces que les espèces exploitées de même que les espèces qui se prêtent à la pêche. C'est une chose que nous devrons faire.
M. Gar Knutson: Je suis désolé, pouvez-vous expliquer ce que cela signifie?
M. Howard Powles: La Loi sur les pêches met principalement l'accent sur les pêches, bien que la Loi sur les océans prévoie la protection des espèces en péril grâce à des zones protégées et à des mesures de ce genre. Le projet de loi se trouverait à compléter les pouvoirs existants prévus par d'autres lois.
M. Gar Knutson: Je ne suis pas sûr de bien comprendre ce que signifie «compléter».
M. Howard Powles: Ce projet de loi prévoit une mesure de renfort en limitant le pouvoir discrétionnaire du ministre dans certains domaines. Il exige que l'on prenne certaines mesures une fois qu'une espèce est inscrite sur la liste. En d'autres mots, à l'heure actuelle, le ministre possède un certain pouvoir discrétionnaire lui permettant de définir des plans de conservation, d'exploitation et ainsi de suite. Lorsqu'une préoccupation en matière de conservation est définie par ce projet de loi, ce pouvoir discrétionnaire se trouve limité une fois qu'une espèce est inscrite sur la liste.
M. Gar Knutson: Vous voulez donc dire que ce projet de loi rendrait obligatoires des mesures qui ne le sont pas à l'heure actuelle en vertu de la Loi sur les pêches?
M. Howard Powles: C'est exact. Il prévoit certaines interdictions, l'interdiction automatique de tuer une espèce inscrite sur la liste ou de lui causer du tort, et prévoit la préparation d'un plan de rétablissement une fois qu'une espèce est inscrite sur la liste. Donc, dans ces cas, ce projet de loi élimine le pouvoir discrétionnaire.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci beaucoup, monsieur Knutson.
Nous constatons la présence de l'honorable Charles Caccia, le président de notre comité. Voulez-vous occuper le fauteuil? Monsieur Caccia, préférez-vous avoir un moment de réflexion avant de poser une question lors du premier tour et je...
M. Charles Caccia (Davenport, Lib.): Allez-y.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Très bien. Merci beaucoup.
J'aimerais demander un éclaircissement. Je crois comprendre que la Loi sur les pêches prévoit l'obligation de protéger l'habitat. Et je crois comprendre aussi que cela oblige le gouvernement à protéger les milieux riverains, comme les bords de cours d'eau, entre autres. Par exemple, le gouvernement fédéral protège l'habitat du saumon en interdisant l'exploitation forestière à moins de dix mètres de ruisseaux à saumon. Pouvez-vous confirmer pour le comité que la Loi sur les pêches régit les activités qui touchent l'habitat du poisson, peu importe que cet habitat se trouve sur des terres fédérales, provinciales ou privées.
M. Howard Powles: Désolé, pourriez-vous répéter la question?
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Je voulais savoir si vous pouviez confirmer pour le comité qu'effectivement, la Loi sur les pêches régit les activités qui touchent l'habitat du poisson, peu importe que cet habitat se trouve sur des terres fédérales, provinciales ou privées.
M. Howard Powles: Oui, le ministre est habilité en vertu de la Loi fédérale sur les pêches à ne pas autoriser la détérioration ou la destruction de l'habitat du poisson sur toutes ces terres. C'est exact.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Et il n'y a pas d'exception pour les terres provinciales, ni rien de ce genre.
M. Howard Powles: Je dois dire que ni l'un ni l'autre nous ne sommes des spécialistes de l'habitat du poisson, mais si nous nous aventurons en eau profonde, nous consulterons des spécialistes.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Nous vous obtiendrons les services de spécialistes en mer profonde.
Donc, simplement pour nous assurer de bien comprendre, il n'existe pas de réels problèmes constitutionnels en ce qui concerne la Loi sur les pêches pour ce qui est de permettre au gouvernement fédéral de protéger l'habitat du poisson où qu'il se trouve, que ce soit sur des terres fédérales, provinciales ou privées...
M. Howard Powles: Oui, c'est exact. En ce sens, les dispositions du projet de loi concernant l'habitat ne sont peut-être pas aussi litigieuses pour les espèces aquatiques que pour les autres espèces, étant donné que le ministre des Pêches et des Océans possède des pouvoirs en matière de protection de l'habitat qui lui sont conférés par la Loi sur les pêches.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Mais de toute évidence, cela n'enfreint pas la Constitution.
M. Howard Powles: Non, absolument pas.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Très bien. Je vous remercie.
• 1630
Monsieur Caccia, vous aimeriez participer au deuxième tour, et
je crois que nous avons le consentement unanime du comité pour
accorder cinq minutes à notre président.
Au cours du deuxième tour, j'ai M. Stoffer, M. Herron, Mme Girard-Bujold, M. Lincoln, M. Reed et M. Caccia.
Monsieur Stoffer.
M. Peter Stoffer: Merci beaucoup, madame la présidente.
Il y a un débat à l'heure actuelle à Terre-Neuve à propos de l'exploitation forestière de ce qui est considéré comme un peuplement vieux près d'un ruisseau à saumons très précieux et fragile. Voulez-vous donc dire qu'en vertu de la loi, le ministère des Pêches ou le ministre peut intervenir et mettre fin à l'exploitation forestière si le ministère estime que cela pourrait nuire à la rivière à saumons?
M. John Davis: Oui.
M. Peter Stoffer: Alors ma question est la suivante: Compte tenu de tous les conseils donnés au ministère par des groupes comme la Fédération du saumon atlantique, etc., pourquoi est-ce que le gouvernement n'interdit pas alors à la province de Terre-Neuve de le faire? Pourquoi cela fait-il toujours l'objet de discussions?
M. John Davis: Je ne suis pas au courant de cette situation en particulier, monsieur Stoffer, mais je crois que nous sommes intervenus, dans bien des cas, dans de telles situations. Je connais surtout la situation qui existe en Colombie-Britannique, où il y a de nombreux types d'interaction entre les milieux aquatiques et forestiers. Dans bien des cas, le ministère est intervenu et a pris des mesures énergiques pour éviter la détérioration des rivières à saumons, entre autres.
M. Peter Stoffer: Ce printemps, ce qui ne remonte pas à tellement longtemps, le vérificateur général a indiqué que le mode de gestion du ministère des Pêches concernant l'industrie des crustacés était semblable à son mode de gestion de l'industrie du poisson de fond, à savoir une très mauvaise gestion. Une chanson d'Arlo Guthrie me vient à l'esprit, qui pose essentiellement la question suivante, le ministère a-t-il assaini sa gestion?
L'industrie des crustacés connaîtra-t-elle le même sort que celui de l'industrie du poisson de fond? Nous savons déjà qu'à Terre-Neuve les quotas de crabe ont été réduits cette année, et il est possible que l'on réduise très rapidement les quotas d'autres espèces de crustacés.
Vous parlez de la nécessité de déterminer les enjeux les plus critiques, de la protection de l'habitat, de la nécessité de comprendre pourquoi certaines espèces sont en péril ou pourraient le devenir. Ce sont de belles paroles, monsieur, mais avec tout le respect que je vous dois, nous n'avons pas de preuve. Depuis 1988, nous, les contribuables, avons dépensé près de 4 milliards de dollars pour redresser la situation de l'industrie du poisson de fond au Canada Atlantique. Il est d'ailleurs fort probable que nous dépenserons des milliards de dollars supplémentaires si l'industrie des mollusques et crustacés connaît le même sort.
Je ne crois pas, par exemple, que ce projet de loi en particulier protégera les eaux de l'habitat de ces espèces. Si ce projet de loi n'y arrive pas, le ministère des Pêches et des Océans conservera-t-il les pouvoirs législatifs de dérogation lui permettant de protéger les habitats et les espèces en question?
M. John Davis: Oui, nous possédons les pouvoirs nous permettant d'assurer ce genre de protections. Nous sommes bien sûr au courant du rapport du vérificateur général et nous travaillons assidûment pour renforcer les aspects concernant l'industrie des mollusques et crustacés.
Les hauts et les bas de l'industrie des mollusques et crustacés sont attribuables en majeure partie à la biologie et à l'écologie de ce secteur. Des espèces comme la crevette et le crabe font l'objet de fluctuations et de variations considérables. Nous avons constaté récemment des niveaux records et des prises records de crabe des neiges. Chaque fois que nous avons procédé aux diverses évaluations, nous n'avons jamais caché à l'industrie que les hauts sont parfois suivis de bas. C'est un cycle naturel.
Je crois que ce que vous avez constaté récemment à Terre-Neuve, par suite des changements en cours, c'est un rajustement à la baisse de la ressource du crabe des neiges, par rapport au niveau record de prises. Il faut aussi tenir compte de l'important changement océanographique qui s'est produit dans ce secteur. Ces dernières années, nous avons constaté un refroidissement des eaux qui a entraîné une diminution de la quantité de morue et une augmentation de la quantité de mollusques et de crustacés. Ce net refroidissement des eaux a donc entraîné une hausse des ressources en crevette et en crabe. Au cours des deux dernières années, les eaux se sont réchauffées. Il est probable que les ressources en mollusques et crustacés s'en ressentiront et que nous constaterons certaines réductions.
Voilà le genre de cycles que nous devons gérer au ministère. Nous devons nous occuper des aspects scientifiques qui s'y rattachent.
M. Peter Stoffer: Mais n'est-il pas vrai que la morue est un prédateur du crabe?
M. John Davis: La morue est un prédateur d'un certain nombre d'espèces. Tous ces aspects sont interdépendants.
M. Peter Stoffer: D'accord. Mais il s'agit d'un prédateur du crabe, et étant donné que la morue a été pratiquement éliminée, ne diriez-vous pas que c'est la raison pour laquelle la quantité de crabes a augmenté?
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Je vous remercie, monsieur Stoffer.
Pouvez-vous nous donner une brève réponse, je vous prie?
M. John Davis: Non, je ne crois pas que ce soit aussi simple. Nous pourrions en discuter en privé.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Je vous remercie.
Nous allons en fait accorder cinq minutes pour les interventions du deuxième tour. Je me sens très généreuse aujourd'hui. Monsieur Herron, puis madame Girard-Bujold.
M. John Herron: J'aimerais revenir à la liste. Pourquoi n'adoptons-nous pas la liste établie par le COSEPAC? Quel est l'intérêt de cette liste comme point de départ? Nous pourrions alors mettre au point et réévaluer les autres qui n'ont pas été réévaluées. Quel en est l'intérêt?
M. John Davis: Pouvez-vous préciser si vous êtes en train de parler de l'adoption immédiate ou de simplement prendre la liste existante et de suivre le processus qui est proposé?
M. John Herron: Oui, prendre la liste que nous avons à l'heure actuelle, la liste existante du COSEPAC, et nous servir de cette liste si le projet de loi est adopté.
M. John Davis: Howard, voulez-vous répondre à cette question?
M. Howard Powles: Je crois comprendre que vous demandez pourquoi nous ne prenons pas simplement la liste actuelle du COSEPAC pour en faire la liste de protection légale.
M. John Herron: Vous y êtes.
M. Howard Powles: Très bien.
En tant qu'annexe au projet de loi et conformément à la proposition actuelle prévue par le projet de loi, la liste actuelle du COSEPAC, cette annexe, serait considérée évaluée lors de l'adoption du projet de loi ou dans les 30 jours qui suivent et serait alors mise à la disposition du ministre de l'Environnement qui la soumettrait au processus de réglementation. Vous voudriez passer directement à la liste légale sans suivre le processus de réglementation, si je vous comprends bien.
M. John Herron: Oui.
M. Howard Powles: C'est une proposition qu'il faudrait probablement étudier de façon plus détaillée. C'est une proposition intéressante, mais je suppose que l'avantage que présente la disposition prévue par le projet de loi, c'est que les principaux intéressés qui seront touchés par ces listes—les activités qui seront touchées une fois que les espèces sont inscrites sur la liste—auront l'occasion de présenter leurs commentaires par le biais du processus de réglementation et à leurs représentants élus quant à l'opportunité d'inscrire ou non ces espèces sur la liste. Comme M. Anderson l'a dit dans sa présentation hier, la responsabilité politique de décisions qui ont des conséquences économiques, sociales et juridiques pour les Canadiens est un principe important.
M. John Herron: Les deux premières fois où j'ai posé cette question—et Clifford l'a lui aussi abordée—j'ai eu l'impression que le MPO n'aurait pas de réticence à accepter la liste telle quelle. Si cela se faisait, cela ne déstabiliserait pas le projet de loi, selon vous.
M. Howard Powles: Il y a deux questions qui se posent ici. L'une consiste à déterminer si la liste actuelle du COSEPAC reflète fidèlement la situation des espèces au Canada. Indique-t-elle avec exactitude si des espèces sont en péril ou non? C'est une question scientifique.
Ce que nous avons dit, c'est que nous croyons que les espèces qui ont été réévaluées l'année dernière l'ont été de façon correcte. Il existe d'autres espèces inscrites sur cette liste pour lesquelles nous n'avons pas de données à jour. Le COSEPAC n'a pas eu accès à des données récentes sur certaines de ces espèces. Les derniers rapports de situation ont été préparés au milieu des années 80. Il faudrait donc que le COSEPAC ait des rapports de situation révisés. Certaines des espèces figurant à l'annexe 2 doivent effectivement faire l'objet d'une réévaluation plus approfondie.
L'autre question est la suivante: une fois la réévaluation faite sur une base scientifique, ne propose-t-on pas ici qu'elles soient simplement inscrites automatiquement sur la liste légale?
M. John Herron: Je voudrais poser une brève question pour résumer.
M. Howard Powles: Volontiers.
M. John Herron: Répondez par oui ou par non: le ministère des Pêches et des Océans ne verrait pas d'inconvénient à l'adoption de la liste du COSEPAC comme annexe, n'est-ce pas?
M. Howard Powles: Le ministère des Pêches et des Océans reconnaît que les espèces qui ont été réévaluées par le COSEPAC depuis environ un an l'ont été correctement.
M. John Herron: Je cherche encore réponse à ma question. À votre avis, l'adoption de la liste pour qu'elle figure en annexe ne déstabiliserait pas le projet de loi, n'est-ce pas?
M. Howard Powles: Tout dépend: on pourrait choisir d'adopter la liste du COSEPAC en tant que telle ou une liste ayant force de loi qui déclencherait automatiquement des interdictions et des mesures de rétablissement.
M. John Herron: Très bien. Pour terminer, ma brève question, dans les limites de mon temps...
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Il vous reste environ 30 secondes, monsieur Herron. Posez votre question.
M. John Herron: La Fédération du saumon atlantique a déclaré:
-
Le MPO reconnaît que le saumon sauvage vivant dans les rivières qui
se déversent à l'intérieur de la baie de Fundy sont en péril et
pourtant, on n'a pas jugé bon d'allouer les ressources nécessaires
pour évaluer le sérieux de la situation. Par conséquent, faute de
renseignements, on ne s'est pas soucié de protéger cette espèce en
vertu des dispositions législatives portant sur les espèces en
péril.
Où en est l'évaluation de l'état des rivières où fraie le saumon sauvage de l'Atlantique?
M. John Davis: Comme je l'ai dit à M. Stoffer, cette question nous inquiète au plus haut point. Récemment, nous avons réuni un groupe de travail qui a examiné les données scientifiques que nous possédons là-dessus. Le problème est complexe. Le saumon de la baie de Fundy, c'est une chose, mais il y a aussi tout le stock de saumon au large des côtes de la Nouvelle-Écosse, et dans des zones où il existe des problèmes de pluie acide également. On peut supposer qu'un grand nombre de facteurs contribuent à l'appauvrissement des stocks du saumon atlantique. Il se peut que ces facteurs prennent leur origine dans la baie de Fundy, mais ce pourrait être aussi des problèmes de productivité et d'alimentation en haute mer, comme les pluies acides pourraient également être une cause.
M. John Herron: Procède-t-on à un étude actuellement?
M. John Davis: Oui. En effet, nous avons amorcé cette étude grâce aux 550 000 $ dont j'ai parlé, mais nous voudrions un programme plus imposant et beaucoup plus musclé et travailler avec des groupes comme par exemple la Fédération du saumon atlantique.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci.
Monsieur Davis et monsieur Powles, au cours de nos délibérations cet après-midi, à deux ou trois reprises, vous avez signalé que certaines questions mériteraient qu'on les étudie plus attentivement, comme vous l'avez dit, et la question sur laquelle portait l'intervention de M. Herron en est une assurément. Pouvez-vous me dire quelle démarche est prévue pour que l'on se penche plus attentivement sur ces questions. Le comité entreprend son étude en vertu du paragraphe 108(2) du Règlement, mais il se penchera plus attentivement sur ces questions quand il sera saisi du projet de loi, mais pouvez-vous nous expliquer ce que vous voulez dire quand vous dites que certaines questions méritent d'être étudiées plus attentivement?
M. John Davis: Oui, volontiers.
Nous comprenons que vous êtes sur le point de vous atteler sérieusement à certains travaux et que vous entendrez un grand nombre de témoins, qui ne manqueront pas de vous faire certaines suggestions. Nous sommes impatients de connaître ces suggestions, ce que l'on proposera. Nous pourrons y réfléchir. Nous souhaitons vivement travailler avec nos collègues de Parcs Canada et d'Environnement Canada, afin d'examiner les questions soulevées en comité. Nous supposons qu'on nous invitera à participer encore à ce genre de discussions, alors que nous pourrons compter sur des propositions concrètes, que nous pouvons évaluer et développer. Voilà le genre de démarche que nous voudrions suivre, sous le signe de la collaboration.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Si j'ai bien compris, vous faites comprendre au comité que vous êtes prêts à envisager des amendements au projet de loi. Ai-je bien compris?
M. John Davis: Ce que j'ai compris, en tout cas, c'est qu'hier, le ministre, M. Anderson, s'est dit prêt à discuter de ces questions à la condition que cela ne déstabilise pas le projet de loi et nous faisons partie du groupe de ministères qui évaluent la situation. Nous allons travailler en collaboration très étroite avec nos collègues d'Environnement Canada et de Parcs Canada et examiner ces questions ensemble. Nous sommes prêts à participer à ce processus.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Pêches et Océans Canada ne s'oppose donc pas à tout amendement au projet de loi.
M. John Davis: Nous sommes tout à fait prêts à examiner la question, comme je l'ai laissé entendre dans ma déclaration au sujet de la nature du projet de loi, de son objectif, de ses aspects politiques et des mécanismes qui y sont associés. Nous sommes bien prêts à le faire.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci beaucoup, monsieur Davis.
Madame Girard-Bujold, s'il vous plaît.
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Vous dites être très intéressé au déroulement de ce qui va se produire bientôt, lorsqu'on aura en main le projet de loi C-33. Toutefois, je voudrais revenir à la déclaration de M. Powles, qui a dit tout à l'heure qu'actuellement, la Loi sur les pêches donne pleine compétence au ministre des Pêches en regard d'un secteur donné. Il a les pleins pouvoirs dans ce qui relève de sa juridiction.
Mais vous avez dit également, si j'ai bien compris, que le projet de loi va lui permettre d'intervenir dans les champs de compétence des provinces. Ai-je bien compris? C'est vous, monsieur Powles...
M. Howard Powles: Est-ce moi qui ai dit cela?
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Oui, je l'ai entendu.
M. Howard Powles: Ce n'est pas ce que je voulais dire, alors.
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Pourriez-vous reprendre exactement ce que vous avez dit, parce que c'est ce que j'ai compris?
M. Howard Powles: M. Knutson a demandé si le projet de loi donnait de nouveaux pouvoirs à notre ministre, des pouvoirs qui ne sont pas déjà dans la Loi sur les pêches ou la Loi sur les océans. La réponse a été qu'en général, la plupart des pouvoirs envisagés dans le projet de loi sont déjà entre les mains du ministre, soit en vertu de la Loi sur les pêches ou de la Loi sur les océans, soit en vertu d'autres lois. Mais les pouvoirs que lui octroie le projet de loi sur les espèces en péril sont plus limités. C'est-à-dire que quand une espèce est mise sur la liste de protection légale, il n'a pas de pouvoir discrétionnaire. Il faut qu'il y ait une interdiction de tuer ou de faire mal à l'espèce et il faut faire un plan de rétablissement.
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Je n'ai pas compris le mot que vous avez dit.
M. Howard Powles: Les pouvoirs?
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Non. Avez-vous dit que lorsqu'ils ne peuvent pas faire le rétablissement, il y a des contraintes?
M. Howard Powles: Oui, c'est ça. Avec la Loi sur les pêches, une fois qu'il est informé d'un problème de conservation, le ministre a un certain pouvoir discrétionnaire quant aux actions à prendre, mais avec le projet de loi sur les espèces en péril, il faudra, une fois l'espèce inscrite sur la liste, qu'il impose une interdiction de tuer l'animal.
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Oui, mais vous avez eu des rencontres avec les autres ministres des provinces et des territoires et vous vous êtes entendus pour dire que vous agiriez en collaboration et que vous soumettriez au Conseil canadien pour la conservation des espèces en péril tous les accords dont vous avez convenu pour la protection des espèces en péril. Vous l'avez dit et c'est ce qui est arrivé en 1996. Alors, vous avez déjà tout ce qu'il vous faut. La table est mise. Tous les ministres sont d'accord, les territoires aussi. Pourquoi voulez-vous une loi additionnelle? C'est ce que je ne comprends pas.
M. Howard Powles: C'est que dans l'Accord pancanadien pour la protection des espèces en péril—je l'ai ici quelque part—les provinces et le fédéral se sont mis d'accord, entre autres, pour se donner des lois nécessaires pour mettre leur collaboration en vigueur:
-
Nous acceptons de:
-
iii. établir une législation et des
programmes complémentaires qui assureront la protection
efficace des espèces en péril partout au Canada...
Cela veut dire que le gouvernement fédéral a pris l'engagement de se doter d'une loi sur les espèces qui sont sous sa juridiction.
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Ah, c'est pour vous. Alors, pourquoi, à l'intérieur de ce projet de loi C-33, ne prenez-vous pas en considération ce qui est déjà fait dans les provinces? Il n'y a aucune volonté de le faire à l'intérieur du projet de loi C-33. Pourquoi ne pas vous limiter à l'accord que vous avez négocié en toute bonne foi? Vous vous êtes donné des balises. Pourquoi faut-il une autre loi? Je ne sais pas ce que vous allez faire là. Vous avez déjà l'accord.
M. Howard Powles: Comme M. Anderson l'a expliqué hier, le projet de loi respecte bien la juridiction des provinces. Il y en a qui disent que ça va même trop enfreindre les droits des provinces. Alors, si vous...
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Vous n'avez pas répondu à ma question. Je voudrais revenir à la liste du COSEPAC. Je pense que la question de M. Herron était très pertinente et je pense également que je ne comprends pas. Vous parlez de scientifiques. Les scientifiques qui ont fait la liste qui est présentement acquise étaient crédibles. Pourquoi, en ce cas, allez-vous dépenser encore énormément d'argent pour rééavaluer cette liste?
Le gouvernement fédéral intervient présentement dans toutes sortes de champs. Il y a déjà des choses sur la table et il se donne bonne conscience en réévaluant ces choses. Il y a déjà une liste sur la table et c'est faire fi des scientifiques que d'agir ainsi. De plus, ce sera le Conseil des ministres qui aura le dernier mot. Ces ministres ne sont pas des scientifiques, que je sache. Et encore, il n'y a pas que les scientifiques qui s'intéressent aux espèces en péril. Pourquoi ne reconnaissez-vous pas ce qui a déjà été fait?
Même s'il y a des espèces qui sont peut-être plus menacées ou en péril, que l'on reconnaisse au moins ce qui est sur la table présentement. Cela démontrerait une volonté d'agir dans un sens positif à l'intérieur d'un projet de loi qui est supposé avancer. Je pense que vous allez vous donner le pouvoir de régresser. Quand on refait des choses qui sont déjà faites, on régresse au lieu d'avancer.
C'est un deuxième point négatif de votre projet de loi. Il est très important que l'argent des contribuables soit bien utilisé. Votre projet de loi ne contribuera pas à cela. Ce qu'on a déjà, pourquoi ne pas l'accélérer? Présentement, on recule comme on l'a fait dans le cas de la Loi canadienne sur la protection l'environnement, quand on en est venu aux matières dangereuses. On peut refaire et étudier de nouveau la liste et on ne pourra même pas accepter d'autres espèces menacées. Est-ce qu'on va perdre notre temps à évaluer ce qui a déjà été fait? Ce projet de loi n'est pas progressif. Il est régressif.
[Traduction]
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci, madame Girard-Bujold.
• 1650
Monsieur Davis, pourriez-vous répondre très brièvement, après
quoi ce sera au tour de M. Lincoln.
M. John Davis: Je serai bref, madame. Je crois essentiel que nous fondions nos décisions sur des données scientifiques solides, comme je l'ai déjà dit. Certaines de ces espèces n'ont pas été réévaluées depuis plusieurs années et les données sont déjà anciennes. Les décisions qui ont des conséquences pour les Canadiens doivent certainement se baser sur des résultats scientifiques valides et il faut veiller à faire une bonne réévaluation, à faire le meilleur usage des renseignements disponibles afin de pouvoir prendre de bonnes décisions.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci.
Monsieur Lincoln, s'il vous plaît.
M. Clifford Lincoln: Afin qu'il n'y ait aucun malentendu au sujet de ce que vous avez dit suite à la question de M. Herron, qui suivait celle que j'avais moi-même soulevée, je tiens à exprimer bien clairement ma pensée. Je vous dirai ceci. Je sais qu'une révision est en cours. Pour le moment, la liste compte 123 espèces qui ont été réévaluées et le ministre nous a dit que le travail serait probablement terminé ou près de l'être d'ici le printemps. Nous avons suggéré que la liste ait force de loi, mais comme le prévoit le projet de loi C-65, c'est au ministre qu'il revient de la changer par voie de règlement. Comme il faudra des mois et des mois pour réviser la liste, nous aurons un projet de loi sans liste pendant des mois.
Je tenais à le préciser.
Ce que je voulais demander à M. Powles...en répondant à une question de M. Knutson et vous l'avez mentionné également, je crois, à Mme Girard-Bujold, vous avez dit que, en plus de la Loi sur les océans et de la Loi sur les pêches, la nouvelle loi diminuerait le pouvoir discrétionnaire du ministre en ce qui concerne la protection des espèces et des habitats en péril. Ce n'est pas du tout ce que je constate dans ce projet de loi. Premièrement, monsieur Powles, vous avez laissé entendre qu'une fois l'espèce inscrite sur la liste, le ministre devait agir. Cela suppose que le ministre de l'Environnement, qui prend l'importante décision d'inclure l'espèce en question sur la liste étant donné que c'est à lui qu'il revient de décider de s'adresser ou non au Cabinet, d'inscrire ou non une espèce sur la liste, certaines espèces mais pas d'autres...
Ensuite, avant de protéger les habitats—là encore, la décision lui revient—il doit consulter votre ministre pour voir s'il est d'accord quant à la nécessité de protéger un habitat donné. Par conséquent, si votre ministre s'y oppose, il n'y aura aucune protection. Si le ministre de l'Environnement décide de protéger tel habitat mais pas tel autre et de laisser tous les habitats du poisson sans protection pour diverses raisons, ces habitats ne seront pas protégés.
Je constate donc que ce projet de loi laisse d'énormes lacunes. Le ministre de l'Environnement doit faire face à de très grosses lacunes que nous devrions combler.
Ne voyez-vous pas que cette loi contient d'énormes lacunes en ce qui concerne la protection des habitats qui est laissée au bon vouloir du ministre lequel doit, également s'il le juge nécessaire, faire une recommandation au gouverneur en conseil? Reconnaissez-vous que la loi confère un pouvoir discrétionnaire?
M. John Davis: Comme nous l'avons déjà souligné, elle confère un pouvoir discrétionnaire et permet aux diverses parties prenantes et aux divers intéressés de faire valoir leur opinion au cours du processus de réglementation. Nous sommes convaincus que, grâce à ce genre de loi, au vif intérêt manifesté par le public et à la responsabilité confiée aux ministres, les autorités seront fortement poussées à faire en sorte que les espèces menacées et leurs habitats soient protégés et à réagir en temps voulu et d'ailleurs en tant que parlementaires, vous ne manquerez certainement pas de réclamer une action.
Notre propre loi, la Loi sur les pêches, exige également que nous protégions les habitats et que nous intervenions dans ces domaines.
Par conséquent, nous sommes convaincus que les ministères seront fortement incités à agir au moment voulu dans toute la mesure du possible. Je comprends très bien ce que vous voulez dire.
M. Clifford Lincoln: Je voulais faire valoir que la Loi sur les pêches ne vous accorde pas beaucoup de pouvoir discrétionnaire. Vous devez protéger les espèces vivantes et si quelqu'un les menace, le fardeau inversé de la preuve intervient automatiquement pour protéger le poisson et déclarer l'autre partie coupable. Par contre, en ce qui concerne les espèces en péril, alors que le processus devrait, logiquement, être plus strict étant donné que ces espèces sont menacées, nous accordons un pouvoir discrétionnaire considérable. Je trouve tout à fait illogique que la Loi sur les pêches soit aussi stricte alors que celle-ci est si laxiste. Peut-être faudrait-il les aligner l'une sur l'autre.
M. John Davis: Nous sommes convaincus qu'elles se compléteront mutuellement et que cela permettra d'atteindre l'objectif global de la Loi sur les pêches. Nous pouvons agir et nous avons cette loi-ci qui mobilise l'opinion publique et permet de protéger les espèces.
La vice-présidente (Mme Kraft Sloan): J'ai sur ma liste M. Reed et M. Caccia.
M. Julian Reed: Voulez-vous commencer, Charles?
M. Charles Caccia: Non.
M. Julian Reed: Je vais peut-être présenter un argument en faveur des pouvoirs discrétionnaires et je vais préciser pourquoi.
L'une des questions sur lesquelles notre comité va se pencher très prochainement est celle de l'engagement de Kyoto et des mesures à prendre pour réduire les émissions de gaz à effet de serre au Canada et respecter cet engagement que la Chambre n'a peut-être pas encore ratifié, mais qu'elle ratifiera sans doute. Il s'agit là d'un important défi.
Par exemple, l'une des options que le comité examinera sera la modification des cours d'eau. C'est une réalité. Je me demande si votre direction peut, en réunissant des preuves scientifiques, dire à quelles conséquences il faut s'attendre si la modification du cours d'eau n'a pas lieu. Autrement dit, si l'on a plutôt une centrale qui déverse de l'eau chaude dans une source froide, en principe un Grand Lac, quelles répercussions cela aura-t-il sur les espèces du lac par rapport aux répercussions de la modification du cours d'eau?
Lors des contacts que j'ai eus jusqu'ici avec des biologistes, je n'ai pas eu l'impression qu'ils voyaient les choses dans une optique globale. Autrement dit, ils s'arrêtent à une situation particulière et ils ont tendance à voir les choses par le petit bout de la lorgnette. J'ai l'impression qu'à l'avenir il faudra élargir notre façon de voir. Qu'adviendra-t-il si nous libérons davantage de substances toxiques dans l'atmosphère? Quelles conséquences cela aura-t-il sur les espèces en péril par rapport à la modification des cours d'eau, par exemple?
M. John Davis: Vous avez raison de dire qu'il faut examiner ces questions globalement et pas seulement en fonction de leurs effets locaux, mais de leurs effets à grande échelle. Voilà pourquoi il faut tenir compte de l'ensemble de l'écosystème et examiner à fond ce genre de questions si l'on envisage de permettre des déversements d'eau chaude susceptible de nuire à l'environnement. Quels sont les risques qui y sont associés? Quels sont les effets sur l'habitat, sur les espèces vulnérables?
Je crois qu'il faut s'orienter vers une nouvelle façon d'envisager la gestion et l'aménagement des masses d'eau et des systèmes critiques. Pouvons-nous nous orienter vers un système dans lequel nous intégrerons la planification, l'examen scientifique et les prises de décision afin de déterminer quelles seront les conséquences pour tel habitat ou écosystème, les aménagements qui présentent des risques, les risques scientifiques et les effets à long terme? Selon moi, il va falloir procéder à une planification intégrée des ressources côtières réunissant tous ces aspects afin de protéger l'environnement et c'est dans cet esprit que nous devons envisager l'avenir.
M. Julian Reed: Merci.
La vice-présidente (Mme Kraft Sloan): Merci, monsieur Reed.
Monsieur Caccia.
M. Charles Caccia: Merci, madame la présidente.
J'ai une question courte et une question longue. La courte s'adresse à M. Powles ou à M. Davis. Supposons que le comité propose une modification qui donnerait le dernier mot au COSEPAC plutôt qu'au Cabinet. Selon vous, cela déstabiliserait-il le projet de loi?
M. John Davis: Je crois que la déstabilisation...Je ne sais pas quelle en est vraiment la définition, mais si le COSEPAC a le dernier mot, cela aurait pour effet de confier la décision définitive aux chercheurs.
M. Charles Caccia: Je le sais.
M. John Davis: Vous le savez et vous comprenez parfaitement comment notre système fonctionne.
M. Charles Caccia: Je fais davantage confiance aux chercheurs qu'à la classe politique.
M. John Davis: En fait, toutes les pressions se dirigeraient vers les chercheurs. La question à laquelle le comité pourrait peut-être réfléchir est la suivante: Voudriez-vous un processus scientifique qui cherche à fournir les meilleurs conseils possible au sujet des espèces en péril ou préférez-vous...
M. Charles Caccia: Cela ne modifierait absolument pas le processus; les chercheurs auraient simplement le dernier mot. Mais le processus scientifique ne serait pas touché.
M. John Davis: Oui, mais les chercheurs deviendraient certainement la cible d'une bonne partie des pressions concernant ces diverses espèces.
M. Charles Caccia: Ce serait toujours le cas.
M. John Davis: Ce serait le cas au lieu qu'ils s'occupent uniquement de l'aspect scientifique. C'est donc un aspect à considérer.
L'autre processus permet au ministre de mettre en place des freins et des contrepoids et de diriger les interventions vers d'autres personnes.
M. Charles Caccia: Cela m'amène à ma deuxième question, madame la présidente. Vous avez parlé d'équilibre, mais sans répondre entièrement à la question. Si le COSEPAC avait le dernier mot, cela déstabiliserait-il le projet de loi, oui ou non?
M. John Davis: Je ne sais pas vraiment ce que vous entendez par «déstabiliser».
M. Charles Caccia: Très bien.
Dans le quatrième paragraphe de votre déclaration, vous dites: «[...] nous croyons que la loi, dans sa forme actuelle, nous donne l'approche équilibrée dont nous avons besoin». Qu'entendez-vous par «équilibrée» dans ce contexte? S'agit-il d'accommoder les besoins humains aux exigences scientifiques? S'agit-il d'accommoder des considérations socio-économiques aux considérations préconisées par le COSEPAC en disant que certaines espèces doivent être protégées même si le ministre des Pêches n'est pas d'accord? Pourquoi faudrait-il une approche équilibrée?
Ce qu'il faut voir ici c'est si nous allons approuver ou finaliser un projet de loi qui vise à accommoder les humains et même à les dédommager pour les dégâts qu'ils ont causés au cours des siècles. Et une fois que nous l'aurons fait, que nous aurons satisfait tous les bipèdes, nous nous pencherons sur la flore et la faune en disant que, maintenant que tout le monde est content, nous pouvons nous intéresser à la chouette ou à une autre créature. Nous nous demanderons alors si nous ne devons pas avoir, pour nous guider, un projet de loi visant d'abord et avant tout à protéger la nature même si cela cause certains inconvénients aux humains, car nous n'aurions pas eu à légiférer si nous n'avions pas causé certains dommages. Je ne dirais pas que c'est une question «idéologique», mais tel est le dilemme auquel nous sommes constamment confrontés.
Par conséquent, lorsque vous parlez d'un projet équilibré, on peut se demander ce que vous voulez dire. Cela signifie-t-il qu'il faut d'abord tenir compte de tous les besoins humains et peut-être ensuite ceux des espèces en péril? Qu'en pensez-vous?
M. John Davis: S'il est question ici d'une «approche équilibrée», monsieur Caccia, c'est parce que le projet de loi nous permet de légiférer et de travailler en collaboration avec les provinces, les territoires, les conseils de gestion de la faune de même que les citoyens, par l'entremise des groupes d'intervenants, de travailler ensemble à l'élaboration de plans de rétablissement et autres dispositions. C'est donc une approche équilibrée en ce sens qu'elle fait appel à la participation de tous ceux qui doivent intervenir pour protéger le mieux possible les espèces en péril. Voilà ce qu'il en est.
La façon dont vous voyez les choses me paraît très importante. Nous devons nous demander ce que nous voulons en ce qui concerne la protection de l'environnement et si chacun de nous n'a pas la responsabilité morale de participer à la protection de l'habitat et de l'environnement dans toute la mesure du possible. La situation dans laquelle nous nous trouvons en ce qui concerne certaines de ces espèces est le résultat de nos erreurs passées.
M. Charles Caccia: Excellente réponse.
Madame la présidente, si nous recherchons l'équilibre, nous créons une dichotomie. Nous disons que, d'une part, il y a un éventail d'intérêts humains et, de l'autre, la nature et ses besoins. Nous ne relions pas les deux et nous prétendons presque que nous ne faisons pas partie du même écosystème. C'est une voie dangereuse à suivre à long terme, mais pas à court terme. Autrement, nous ne serions pas là. C'est ce que nous faisons depuis longtemps. Il y a longtemps que nous n'avons pas fait le rapport entre les deux et voilà pourquoi nous nous retrouvons devant ces mesures législatives complexes.
Merci.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci, monsieur Caccia.
Vous justifiez le fait que le gouverneur en conseil prendra la décision finale pour la désignation des espèces en disant qu'autrement les chercheurs subiraient des pressions. J'ai deux questions à vous poser à ce sujet. Cela veut-il dire que le gouverneur en conseil ou le Cabinet ne subiront aucune pression?
M. John Davis: Absolument pas.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Il faut donc se demander comment les pressions sont exercées sur le Cabinet. Le sont-elles ouvertement ou ces questions sont-elles résolues lors de discussions ministérielles qui se déroulent à huis clos? Je suis membre du gouvernement et j'ai même été secrétaire parlementaire, mais je n'ai jamais eu le privilège de participer aux discussions du Cabinet. J'ai eu le privilège de participer aux discussions du caucus et d'entendre beaucoup de choses qui n'arrivent pas aux oreilles du public, mais je ne sais certainement pas ce qui se passe au Cabinet à moins de le lire dans le Globe and Mail. Il y aura des pressions, mais où voulez-vous qu'elles s'exercent?
La deuxième question que je vous poserais toujours à ce sujet est la suivante. Ce qu'on entend le plus souvent dire c'est que c'est le COSEPAC qui dressera la liste puis le Cabinet ou le gouverneur en conseil qui lui donnera force de loi et qui en assumera donc la responsabilité puisque cette liste aura été préparée par des scientifiques. C'est ce que j'entends le plus souvent dire. Est-ce exact? Le gouverneur en conseil sera-t-il l'ultime responsable? Qu'est-ce qui empêchera les scientifiques pendant la préparation de leur liste et avant qu'elle n'acquière force de loi d'être soumis à des pressions extérieures?
M. John Davis: Nous avons décidé pour éviter aux scientifiques d'être la seule cible d'interventions pendant leur travail d'évaluation d'ajouter une étape parlementaire, justement pour que la procédure d'intervention habituelle joue avant la décision finale du Conseil des ministres. Je ne participe jamais moi non plus aux réunions du Conseil des ministres mais je sais parfaitement à quel genre de sollicitations le ministre est soumis quotidiennement, sollicitations qu'il transmet au Conseil tout comme le font tous ses autres collègues.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Mais est-il possible de garantir que si la liste définitive est arrêtée en conseil des ministres, que la décision finale est prise par le Conseil des ministres, les scientifiques du COSEPAC seront à l'abri de toute intervention?
M. John Davis: Non, c'est impossible, mais n'étant plus le seul recours pour de telles interventions, à mon avis, ils seront beaucoup plus libres de se concentrer sur les seuls aspects scientifiques puisque le public, les parties concernées sauront qu'ils ont un autre moyen d'intervention par l'intermédiaire de leurs représentants élus.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Si nous suivons le raisonnement de M. Lincoln, d'un côté nous avons une loi qui protège les poissons et qu'il faut appliquer et d'un autre côté une loi beaucoup plus discrétionnaire—dans un cas vous avez la liste légale établie par le COSEPAC et dans l'autre les permis et les exemptions accordés par la Loi sur les pêches. Pourquoi ne pas mieux harmoniser les deux lois? Il y a la liste légale établie par le COSEPAC à laquelle s'ajoute la possibilité de certaines interdictions et de plans de repeuplement—il y a toutes sortes de possibilités d'exemptions.
On nous a cité un exemple hier. Il y a d'autres méthodes pour solutionner ces cas isolés.
M. Howard Powles: Vous voulez savoir si on pourrait mieux harmoniser la Loi sur les pêches et cette loi?
Laissez-moi réfléchir. La Loi sur les pêches ne contient pas de mesures strictes à prendre. La Loi sur les pêches confère au ministre un large pouvoir discrétionnaire. C'est l'évolution des politiques et des règlements qui avec les ans a permis l'application de la Loi sur les pêches.
Par contre, dans ce projet de loi, quand une espèce est inscrite il n'y a pas 36 solutions. Il est absolument interdit d'y toucher. Notre ministère qui a la responsabilité des espèces aquatiques doit prendre des mesures, doit faire ce que lui impose de faire la loi.
Comme M. Davis l'a dit, la décision finale d'inscription sur la liste est prise par les politiciens. Tout le monde saura s'ils ont ou non entériné la liste préparée par le COSEPAC. La liste du COSEPAC sera publiée indépendamment de toute intervention du conseil ou de quiconque. Elle sera publiée directement et accessible à tous. Les ministères devront alors expliquer la raison pour laquelle ils ont retiré telle ou telle espèce de la liste.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Monsieur Caccia et ensuite monsieur Stoffer.
M. Charles Caccia: Merci.
Pourriez-vous nous décrire une situation hypothétique: le COSEPAC recommande et un des trois ministres refuse qu'une espèce supplémentaire soit ajoutée à la liste. Dans quelles circonstances cela pourrait-il arriver?
M. John Davis: Un ministre à propos d'une espèce inscrite sur la liste pourrait vouloir un peu plus de consultation et de discussion. Disons que l'inscription d'une espèce de saumon ait des conséquences pour toute la pêche sur la côte Ouest. Il pourrait s'avérer nécessaire que le ministre étudie soigneusement la mise en place d'un plan et d'un programme permettant d'aboutir rapidement aux genres de mesures de conservation nécessaires. Il est probable que cette espèce finira par se retrouver sur la liste mais après avoir bénéficié d'un certain délai parce que le coût social ou économique pour les communautés côtières est énorme. Je ne dis pas que c'est automatique, c'est possible.
M. Charles Caccia: Vous me donnez des exemples de délais.
M. John Davis: Oui.
M. Charles Caccia: Moi je parle de refus, de rejets.
M. John Davis: Mais lorsque la science établit clairement la nécessité d'inscrire une espèce, j'imagine que cela devient un problème de gestion de la situation, monsieur.
M. Charles Caccia: Vous vous souvenez en 1990 du rapport sur le moratoire publié par l'université Memorial? M. Leslie...
M. John Davis: Harris.
M. Charles Caccia: Harris, merci. Il a fallu deux ans au ministre des Pêches pour déclarer ce moratoire.
M. John Davis: Oui.
M. Charles Caccia: On a attendu jusqu'à ce qu'il soit trop tard.
M. John Davis: Je crois qu'il y a d'autres exemples plus récents d'actions très rapides qui ont eu des conséquences de conservation démontrables. Par exemple, nous avons dû pratiquement fermer toute la pêche commerciale et presque toute la pêche sportive pour le coho sur la côte Ouest, nous avons dû agir très rapidement et mettre en place des restrictions très sévères qui ont posé d'énormes problèmes économiques à tous les intéressés. Le ministre a agi de manière décisive et rapidement malgré de très vives objections. Je crois que ce sont des exemples de volonté d'intervention...Il s'agissait de protéger deux peuplements de coho en état d'épuisement, celui de la Skeena et celui de la Thompson. Dans cet exemple, il y a eu un délai, mais pas un délai indéfini et des conséquences graves pour les intéressés. Néanmoins, la mesure de conservation nécessaire a été prise.
M. Charles Caccia: Merci.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci beaucoup.
J'ai sur ma liste les noms de Peter Stoffer, Karen Redman, Julian Reed et Mme Girard-Bujold.
M. Peter Stoffer: Merci, madame la présidente.
À la quatrième page de ce document que je vais vous donner, il y a une question au paragraphe 5. C'est une question assez complexe et si vous pouviez y réfléchir avec vos collaborateurs et nous envoyer une réponse, cela nous aiderait beaucoup.
M. John Davis: Certainement.
M. Peter Stoffer: Vous avez parlé de science tout à l'heure. Ce sont les scientifiques qui jugent les scientifiques, n'est-ce pas? Avez-vous bien dit en réponse aux questions de M. Caccia, M. Lincoln et de Mme la présidente que soumis à des pressions extérieurs les scientifiques sont susceptibles d'oublier leurs principes?
M. John Davis: Non, je ne crois pas. Les scientifiques savent très bien qu'ils ne peuvent se permettre de ne pas respecter les principes scientifiques. Je voulais simplement dire que les interventions dans ce domaine sont innombrables. Nous considérons comme capital que les scientifiques travaillent dans un environnement absent de toute pression, pour qu'ils disent ce que nous savons sur ces espèces, sur leur habitat, sur ce qui les menace, sur les risques, sur le genre de mesures à prendre et sur la catégorie dans laquelle ranger le risque—la catégorie des menacées, des espèces en péril, des espèces vulnérables, ce genre de choses—plutôt que d'être le point focal d'interventions innombrables de gens qui se sentent concernés par une inscription éventuelle.
M. Peter Stoffer: Lorsque j'ai assisté à mon tout premier comité de l'environnement, j'ai interrogé tout un groupe de représentants du ministère de l'Environnement. Je leur ai causé tout un émoi, mais ils ont fini par répondre. Je leur avais demandé s'ils avaient suffisamment de ressources pour faire efficacement leur travail. Je voulais savoir si les directions générales scientifiques et autres du MPO avaient les ressources nécessaires pour faire du bon travail.
M. John Davis: Monsieur Stoffer, on aurait toujours besoin d'un peu plus d'argent, cela est sûr. Mais le dernier budget nous a accordé plus de ressources. Nous avons reçu 39,3 millions de dollars de plus pour faire nos évaluations scientifiques, ce qui était fort nécessaire. En vertu de ce projet de loi-ci et du budget 2000, le ministère des Pêches et des Océans recevra en effet 42,4 millions de dollars, et nos partenaires pourront avoir accès à une part des sommes réservées à la gérance. Nous avons donc 42,4 millions de dollars à notre disposition.
J'ai expliqué dans mon exposé comment nous allions établir nos priorités et aider d'abord les animaux qui sont sur la liste de priorités. C'est en tout cas notre façon de voir les choses. Nous espérons, évidemment, avoir à l'avenir un budget plus prometteur, mais ce que nous avons reçu est un très bon point de départ.
M. Peter Stoffer: Très bien. D'après ce projet de loi-ci, étant donné que le MPO et le COSEPAC ont la préséance sur le Conseil des ministres, si l'on devait décider que la morue est une espèce en péril, le MPO pourrait-il de son propre chef, ou encore en invoquant le projet de loi, faire cesser toute pêche au filet maillant et tout dragage par grands fonds dans nos eaux?
M. John Davis: S'il était décidé que la morue est une espèce en péril, nous devrions alors élaborer un plan de rétablissement complet. Nous devrions nous demander quelles sont toutes les activités qui ont une incidence sur la morue et quel rôle joue la pêche au filet maillant et le dragage, par exemple. C'est ce que nous ferions dans le cadre du plan de rétablissement.
M. Peter Stoffer: Je veux bien comprendre: vous n'interviendriez que s'il était établi que la morue est une espèce en péril, n'est-ce pas?
M. John Davis: Non, nous sommes déjà en train d'examiner les répercussions que peut avoir la pêche au filet maillant.
M. Peter Stoffer: C'est justement ce que je voulais savoir.
M. John Davis: Vous savez que le dossier de la pêche au filet maillant soulève beaucoup de controverse à Terre-Neuve.
M. Peter Stoffer: En effet.
Dernière question: Chaque année, à l'Île-du-Prince-Édouard, on assiste à deux ou trois hécatombes de poissons. Or, tout le monde s'inquiète du fait que les pesticides agricoles répandus sur les champs de pommes de terre sont lessivés et se retrouvent dans les lacs à poissons, dans les rivières, et aussi sur la côte, ce qui a pour effet de détruire le poisson. Mais personne ne fait quoi que ce soit. Personne ne fait quoi que ce soit au palier fédéral, ni au palier provincial, pour empêcher ces hécatombes. On parle bien d'une zone tampon, et d'autres façons d'utiliser les champs, mais il reste que chaque année, on assiste à l'Île-du-Prince-Édouard à deux ou trois grandes hécatombes de poissons.
À votre avis, ce projet de loi-ci permettrait-il au MPO d'empêcher ces hécatombes et de protéger le poisson dans son habitat, une fois pour touts?
M. John Davis: S'il devait y avoir sur notre liste des espèces désignées qui se trouvent à proximité de ces zones problématiques, le projet de loi, dans son libellé actuel, nous donnerait la marge de manoeuvre supplémentaire pour combattre ce fléau.
M. Peter Stoffer: Je vous ai demandé en premier lieu si vous considériez comme votre responsabilité celle de protéger le poisson et son habitat, qu'il soit une espèce en péril ou pas.
M. John Davis: En effet.
M. Peter Stoffer: Alors, le projet de loi vous aide-t-il? Vous dites que cela vient compléter votre action. Pourra-t-il vous aider à empêcher que les produits agricoles ne se déversent dans les habitat du poisson?
M. John Davis: Il pourrait nous aider, si des espèces en péril se trouvaient dans les régions dont vous parlez.
M. Peter Stoffer: Mais seulement si elles sont en péril?
M. John Davis: Oui.
M. Peter Stoffer: Donc, on ne parle pas du poisson en général, n'est-ce pas?
M. John Davis: Non; il faudrait avoir recours aux autres dispositions.
Je sais très bien que ce problème a déjà été soulevé, et je suis aussi convaincu que les gens chez nous qui s'occupent de l'habitat cherchent une solution.
M. Peter Stoffer: Enfin, madame la présidente, je recommanderais au comité de demander aux gens du MPO qui s'occupent de l'habitat de comparaître pour qu'ils puissent répondre à nos questions.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci beaucoup, monsieur Stoffer.
Madame Redman.
Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, madame la présidente.
Le projet de loi est très important, et ce pour plusieurs raisons. Le projet de loi parle d'un rapport annuel déposé au Parlement ainsi que d'un examen quinquennal. À votre avis, et d'après votre expérience, ces deux mécanismes permettront-ils au Parlement de suivre l'application des dispositions, une fois que le projet de loi aura force de loi. Je me demande aussi si le projet de loi nous aidera et viendra soutenir les efforts que nous déployons auprès des provinces pour faire protéger les espèces? Je pense surtout à l'aspect scientifique qui pourrait intervenir ici.
M. John Davis: Voilà deux excellentes questions.
L'obligation de déposer un rapport et d'examiner de façon exhaustive tous les enjeux, de même que de comparaître en comité et de répondre à vos questions oblige de mettre en place une sorte de chien de garde qui ferait le suivi de l'application de la loi. Nous considérons ces dispositions comme excellentes, et nous y souscrivons pour ce qui est de l'obligation de rendre compte dans ce genre de cas.
Quant à la collaboration avec les provinces, l'accord avec elles augure bien et permet de créer une ambiance de collaboration et d'échanger les façons de faire. Nous espérons qu'au fur et à mesure que les provinces assumeront sérieusement leurs responsabilités en adoptant leurs propres lois, puis en les étayant par des dispositions musclées, cela se transformera en ressources scientifiques et autres ressources supplémentaires consacrées à ce dossier. Cela permet d'espérer l'intégration et des actions complémentaires.
Mme Karen Redman: Merci.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Monsieur Reed, allez-y.
M. Julian Reed: Madame la présidente, si nous avions des pommes de terre transgéniques à l'Île-du-Prince-Édouard, nous ne nous sentirions pas obligés d'utiliser des pesticides le long des cours d'eau.
M. Peter Stoffer: Nous ne les mangerions pas, vos pommes de terre.
M. Julian Reed: Moi, si.
La liste du COSEPAC est visiblement évolutive; elle n'est pas fixée une fois pour toutes. À entendre les gens ici, on a plutôt l'impression que la liste est rigide, ce qui n'est évidemment pas le cas. Les espèces qui sont aujourd'hui considérées en péril peuvent éventuellement être retirées de la liste, si la stratégie de rétablissement a donné de bons résultats, comme cela s'est déjà vu. La liste du COSEPAC se limite-t-elle aux espèces mises en péril par l'activité de l'homme? Se limite-t-elle à cela? Hier, le ministre a parlé des activités humaines.
M. John Davis: Je ne le crois pas. Je crois que la liste permet de tenir compte de tous les aspects des situations qui mettent en péril des espèces; on se demande si c'est dû à une cause naturelle, ou si c'est dû à une activité de l'homme.
Le scientifique qui fait son évaluation devra se demander ce qui arrive à telle ou telle espèce, et se demander si la situation s'applique uniquement à un habitat donné. Il devra également déterminer s'il y a des conséquences pour l'homme et quelles sont les conséquences pour l'habitat. Ce sont parfois des questions très difficiles, car certaines espèces qui se retrouvent uniquement dans un territoire très restreint peuvent bel et bien être en voie d'extinction, même si l'on ne peut discerner aucun changement notoire dû à l'intervention de l'homme. C'est un phénomène qui se produit à l'échelle mondiale.
M. Julian Reed: En effet, et on a vu dans l'histoire de l'homme, au fil des siècles, des extinctions de même que des remplacements naturels.
Madame la présidente, ce qui m'inquiète, c'est que la liste du COSEPAC va au-delà de l'extinction due à des activités humaines ou perçues comme étant due à des activités humaines, et que le ministre a l'intention, dans ce projet de loi, de porter son attention sur les éléments que l'on croit, à tort ou à raison, causés par l'activité de l'homme. Lorsque nous étudierons le projet de loi, il faudra se pencher sur cet aspect.
Laissez-moi vous raconter quelque chose au sujet des espèces. Il y a une vingtaine d'années, la grenouille léopard avait disparu ou presque de la région où j'habite, et le sort de ces amphibiens causait beaucoup d'émoi. Or, il y a une semaine, à mon retour vers ma ferme à partir de l'escarpement, comme il avait plu, j'ai bien dû écraser avec ma voiture une quinzaine ou une vingtaine de ces bestioles. Cela faisait bien 20 ans que je n'en avais pas vues, et tout d'un coup, il y en avait des nuées. Cela prouve que la situation qui prévaut aujourd'hui peut avoir complètement changé d'ici cinq ans.
M. John Davis: Vous avez tout à fait raison: c'est un phénomène évolutif. Voilà pourquoi nous ne cessons de faire des évaluations et des réévaluations. On ne peut dissocier les espèces de leur environnement ni des tendances et des phénomènes naturels. Il faut regarder l'ensemble du tableau avant de décider de façon raisonnée que l'espèce est plus ou moins en péril et comment il convient de la catégoriser.
M. Julian Reed: Merci, madame la présidente.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci beaucoup, monsieur Reed.
[Français]
Madame Girard-Bujold.
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Je voudrais avoir un renseignement. Depuis le début, vous parlez du COSEPAC. Je voudrais savoir qui siège au COSEPAC, s'il vous plaît. C'est ma première question.
[Traduction]
M. John Davis: Je demanderai à mon collègue, qui est tout aussi partie prenante que moi, de vous répondre.
[Français]
M. Howard Powles: Je suis membre du COSEPAC. Il y a quatre ministères fédéraux: Environnement Canada, nous, Patrimoine Canada pour les parcs et les musées nationaux du Canada, 13 provinces et territoires. Il y a aussi maintenant huit sous-comités sur les différents groupes d'espèces, et les présidents de ces sous-comités sont aussi membres du COSEPAC. Il y a aussi trois membres qui ne sont pas issus d'organismes gouvernementaux.
Mme Jocelyne Girard-Bujold: J'ai une sous-question. Vous m'avez expliqué qui siège là. Je pense que ce sont tous des gens crédibles qui siègent à ce comité et aux sous-comités du COSEPAC. Vous me dites que vous réunissez tous les ministères qui sont interpellés par le nouveau projet de loi et que ce sont ces gens crédibles qui ont établi une liste. Or, on dit à l'intérieur du projet de loi que vous ne prendrez pas cette liste, mais que vous allez la réévaluer. Vous ne faites pas confiance aux gens qui constituent déjà le COSEPAC.
Deuxièmement, ce sont des scientifiques. J'espère qu'à l'intérieur de vos ministères respectifs, il y a des scientifiques qui ont étudié les espèces en péril et qui ont des rôles très importants et qu'ils ont établi une liste scientifique. Vous leur dites, dans ce nouveau projet de loi, qu'ils n'ont pas de crédibilité, qu'il faut réévaluer avec d'autres scientifiques les espèces qui sont sur la liste. De plus, il va falloir que ce soit le Conseil des ministres qui décide.
J'aimerais vous entendre là-dessus, s'il vous plaît.
M. Howard Powles: Nous ne demandons pas au COSEPAC ou à qui que ce soit de réévaluer la liste si elle est bien évaluée. Comme M. Lincoln ou M. Anderson l'a indiqué hier, le COSEPAC a, depuis quelques mois, réévalué lui-même certaines de ses anciennes évaluations: environ 123. D'après nous, ces évaluations sont précises. Il n'y a pas lieu de réévaluer.
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Alors, pourquoi ne le mettez-vous pas? Pourquoi n'acceptez-vous pas la liste à l'intérieur de ce projet de loi? Déjà, vous partez avec ça.
M. Howard Powles: Ça, c'est l'autre question. Une fois que l'évaluation scientifique précise sera faite, vous demandez, je crois, que ce soit automatiquement mis sur la liste de protection. Ce qui est prévu dans le projet de loi, c'est que la liste comme telle soit présentée par le ministre de l'Environnement au gouverneur en conseil.
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Ce n'est pas ce que je vous demande. Dans chacun des ministères qui sont représentés au COSEPAC, ce sont des scientifiques qui ont établi, après des pourparlers, des sous-comités et des études, que cette liste était la bonne. Pourquoi ne l'acceptez-vous pas d'emblée et n'arrêtez-vous pas de tergiverser?
Pourquoi ne partez-vous pas de cela et pourquoi le ministre ne l'endosse-t-il pas dans le projet de loi? Après cela, vous pourrez aller plus loin et, s'il faut en accepter d'autres, vous pourrez prendre l'argent pour évoluer et aider vraiment les espèces en péril. Pourquoi ce projet de loi ne fait-il pas cela?
M. Davis disait tout à l'heure que vous aviez été partie prenante à l'élaboration du projet de loi qui est présentement sur la table. Puisque vous êtes des gens sérieux, pourquoi, lors de l'élaboration, n'avez-vous pas dit que l'exercice avait été fait et qu'il fallait le poursuivre? Vous n'êtes pas allés jusque-là. Pourquoi, monsieur Davis?
[Traduction]
M. John Davis: Nous avons pris part à la rédaction. Ce processus permet que l'inscription soit faite par le gouverneur en conseil et permet aussi à la députation de poser des questions au Parlement. À vrai dire, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas faire très, très vite pour faire inscrire des espèces sur la liste ou pour les faire approuver rapidement. Il ne s'agit pas ici de remettre en question les données scientifiques. Il s'agit uniquement de permettre à la procédure de suivre son cours.
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Je m'excuse, madame la présidente, mais vous avez dit qu'hier, le ministre de l'Environnement... C'est vous qui le dites et moi j'étais bien crédule. Je n'ai pas été capable de le comprendre et je n'ai pas été capable de lui donner mon appui dans sa façon de penser. Il disait qu'il était prêt à s'ouvrir et à accepter des amendements qui ne déstabiliseraient pas le projet de loi. Vous parlez, comme M. Caccia l'a fait, de l'approche équilibrée du projet de loi. N'est-ce pas une approche qui pourrait faire en sorte que ce projet de loi se tiendrait? Présentement, il ne se tient pas.
[Traduction]
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci, madame Girard-Bujold.
Voilà une question intéressante que l'on vous pose. Voulez-vous répondre? Ah, c'est un commentaire plutôt qu'une question. Très bien.
Je crois que nous avons terminé. Monsieur Caccia, voulez-vous poser une question?
M. Charles Caccia: Non.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Demain, nous nous réunissons à 9 heures dans la salle 237-C. Merci à tous ainsi qu'à nos témoins d'aujourd'hui.
La séance est levée.