ENVI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON ENVIRONMENT AND SUSTAINABLE DEVELOPMENT
COMITÉ PERMANENT DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 17 octobre 2000
Le président (M. Charles Caccia (Davenport, Lib.)): Bonjour.
[Français]
Bonjour, mesdames et messieurs. On reprend notre travail conformément au paragraphe 108(2) du Règlement.
[Traduction]
Notre temps est précieux et nous sommes très heureux d'examiner ce projet de loi. Par ailleurs, une rumeur circule au sujet d'autres programmes; le nôtre est cependant également important et nous aimerions faire progresser ce dossier le plus possible jusqu'à ce que d'autres devoirs nous appellent.
Nous recevons aujourd'hui un groupe assez important, comme vous pouvez le voir sur l'ordre du jour qu'a distribué le greffier. Sans plus tarder, j'aimerais inviter nos témoins à commencer.
Permettez-moi de signaler qu'il semblerait souhaitable d'annuler la séance de demain après-midi pour des raisons d'ordre pratique. En effet, puisque le ministre des Finances fera une déclaration à la Chambre, nous n'aurions sans doute pas le quorum à notre comité. Cependant, nous pourrons poursuivre nos travaux jeudi matin et la semaine prochaine également si nous sommes ici.
Le greffier nous a préparé un programme très complet pour les six à sept prochaines semaines. Nous pourrions faire beaucoup d'excellent travail, et si ce travail ne se fait pas à l'automne, ce sera certainement une priorité pour nous à notre retour, lorsque le Parlement reviendra. J'espère que le gouvernement décidera d'accorder à ce projet de loi la plus grande priorité possible, afin qu'il puisse être adopté au cours de la première moitié de la prochaine législature et il ne soit pas victime d'autres circonstances.
Donc, après vous avoir fait part de ces quelques prévisions météorologiques, je voudrais vous inviter à prendre la parole. J'imagine que c'est Elizabeth May qui nous présentera son équipe. Bienvenue à notre comité.
Mme Elizabeth May (directrice générale, Sierra Club du Canada; Groupe de travail sur les espèces en péril): Merci, monsieur le président, et merci aux membres du comité.
J'ai rarement l'occasion de faire un exposé en collaboration avec mes partenaires qui sont ici avec moi aujourd'hui. C'est moi qui vous présenterai les membres de notre groupe et la façon dont ce dernier a été mis sur pied; ensuite, mes collègues prendront la parole dans l'ordre des recommandations que vous trouverez dans notre mémoire.
Comme vous le savez, je m'appelle Elizabeth May, et je suis la directrice générale du Sierra Club du Canada. Permettez-moi tout d'abord de vous présenter les gens qui m'accompagnent. Je vous parlerai ensuite de la façon dont le Groupe de travail sur les espèces en péril a été mis sur pied. À l'extrême droite, je ne fais ici aucune allusion politique, se trouve Tony Rotherham, directeur, Bois et forêts, de l'Association canadienne des pâtes et papiers. À côté de lui se trouve Sandy Baumgartner, directrice des programmes et des communications, de la Fédération canadienne de la faune. Il y a aussi Robert Décarie, conseiller en biodiversité, de l'Association canadienne des pâtes et papiers. À ma gauche, et il n'y a ici certainement aucune connotation politique, se trouve Gordon Peeling, président-directeur général, de l'Association minière du Canada. À côté de lui, Pierre Gratton, qui est vice- président de l'Association minière du Canada. Il y a aussi Marc Johnson, de la Fédération canadienne de la nature.
• 0910
Nous sommes par ailleurs très heureux d'être accompagnés aujourd'hui
de certaines personnes qui ont une expérience sur le terrain. Elles
sont assises derrière nous et ils viendront peut- être se joindre à
nous pour faire quelques observations et répondre aux questions. Dave
Lindsay est un biologiste qui travaille sur la côte de la
Colombie-Britannique depuis plus de 25 ans dans le domaine de la
faune, des pêches et des forêts. Il est actuellement au service de
TimberWest Forest Limited et il est membre de l'équipe de
rétablissement de l'algue marbrée et de la marmotte de l'Île de
Vancouver. Gary Nielsen est un expert forestier qui vit dans l'est de
l'Ontario, où il est propriétaire de terres boisées. Il cultive des
arbres de Noël et produit du sirop d'érable. Il travaille actuellement
comme coordonnateur de l'intendance dans le comté de Leeds, où il
administre toute une série de projets afin de promouvoir l'intendance
et une gestion responsable des terres auprès de propriétaires
fonciers. Nous avons tenté, au cours de ce processus, de garder les
pieds fermement sur la terre ferme, et Dave ainsi que Gary sont ici
aujourd'hui pour nous aider justement à faire cela.
Nous avons nous-mêmes créé notre groupe sans mandat. Après la mort au Feuilleton du dernier projet de loi sur les espèces en péril, le projet de loi C-65, certains d'entre nous qui représentent des secteurs différents qui avaient des points de vue très différents au cours du débat ont pensé que ces divergences d'opinions étaient peut-être davantage perçues que réelles et que si nous nous rencontrions dans un climat de coopération et de partenariat nous pourrions peut-être trouver des solutions pour désamorcer la polarisation.
Nous avons donc mis sur pied le Groupe de travail sur les espèces en péril en avril 1998. Nous avons préparé un certain nombre de documents d'orientation, initialement avec l'aide du Comité national de l'environnement agricole. Nous avons préparé un mémoire qui a été soumis aux ministres provinciaux et fédéral de la Faune en novembre 1998. Nous avons poursuivi notre travail pour tenter de trouver des solutions inédites aux différents points de vue et problèmes qui se posent en créant une forte protection des espèces en péril au Canada. Nous avons toujours tenté d'adopter une approche équilibrée. Notre méthode n'était pas la négociation. Nous avons réellement collaboré, cherché à résoudre les problèmes ensemble dans un climat de fort consensus. Et le consensus a été suffisamment robuste pour même à la suite des changements qui se sont opérés au fil du temps, avec le personnel de différents organismes qui ont travaillé ensemble, nous avons réussi à maintenir un engagement très ferme à l'égard des principes que nous avons établis initialement en 1998 et que nous avions incorporés aujourd'hui dans nos recommandations relativement au projet de loi C-33.
Je voudrais également vous dire que nous avons procédé à de vastes consultations. Nous avons fait venir des gens de toutes sortes de secteurs qui ne participaient pas à notre petit groupe de travail. Nous avons rencontré jusqu'à 30 et 40 personnes qui représentaient les intérêts des pêches au pays et qui ne faisaient pas partie de notre groupe.
Tout au long du processus, nous avons eu pour philosophie de trouver une solution pratique, canadienne, qui ne soit pas modelée sur les lois qui existent dans d'autres pays. Nous nous demandions constamment si cette solution serait la bonne pour les espèces, pour les gens. Nous pensons avoir fait un travail très créatif et nous espérons qu'il sera utile.
Le président a bien raison lorsqu'il dit qu'il n'y a pas une seule personne au Canada qui ne sache que le projet de loi à l'étude mourra sans doute bientôt au Feuilleton. Nous espérons qu'en proposant des solutions positives, des solutions de collaboration et de compromis à ce moment-ci, cela sera utile. Nous sommes très encouragés par les observations du président. Nous espérons certainement que le prochain gouvernement introduira ce projet de loi tôt au cours de son mandat, peu importe le parti qui formera le prochain gouvernement.
Cela étant dit, je vais maintenant demander à Gordon Peeling de donner un bref aperçu de nos réactions au projet de loi C-33.
M. Gordon Peeling (président-directeur général, Association minière du Canada; Groupe de travail sur les espèces en péril): Merci, Elizabeth.
Après deux années d'efforts pour élaborer et promouvoir ce que nous croyons être les ingrédients clés pour assurer la protection la plus efficace des espèces en péril, nous étions tous déterminés à terminer le processus et à répondre collectivement à la Loi sur les espèces en péril. Il ne fait aucun doute que l'élaboration d'une réponse au projet de loi par consensus a été tout un défi. Notre mémoire est le résultat de plusieurs mois de dur travail et de vives discussions.
Nous vous offrons donc nos meilleurs conseils sur la façon d'améliorer la Loi sur la protection des espèces en péril de façon qu'elle puisse donner des résultats pour les espèces et pour les gens. Nos recommandations varient, depuis de simples améliorations au libellé législatif qui sont cependant clés jusqu'à des changements importants à la portée de la loi. Toutes nos recommandations sont importantes et pour qu'elles soient efficaces, elles doivent être considérées comme un tout.
Trois éléments clés ont guidé nos efforts dès le départ. Premièrement, toute mesure législative, toute politique et tout programme visant à protéger les espèces en péril doivent être élaborés d'une façon qui donne des résultats pour les espèces et pour les gens; deuxièmement, ces efforts doivent être conçus pour encourager la confiance et la collaboration entre les gouvernements et les intervenants; troisièmement, les solutions doivent être pragmatiques—elles doivent être logiques pour les gens qui travaillent sur le terrain.
Nous espérons que nos efforts en vue de dépolariser le débat sur les mesures législatives nécessaires pour protéger les espèces en péril ont été utiles jusqu'ici et que notre comparution aujourd'hui nous fera progresser encore davantage dans cette voie.
• 0915
Pour faciliter les choses, mes collègues vous présenteront
leurs recommandations dans l'ordre dans lequel elles figurent dans
notre mémoire. Avant de leur céder la parole, permettez-moi de
faire quelques observations générales sur la LEP.
Comme nous le soulignons dans notre mémoire, nous sommes heureux de constater que l'approche en trois volets que propose le ministre dans le projet de loi pour protéger les espèces en péril comporte bon nombre des éléments que nous lui avions recommandé d'inclure dans celui-ci. Nous sommes convaincus depuis longtemps que la protection des espèces en péril exige davantage que l'adoption de simples mesures législatives. Il convient en effet de prévoir les ressources voulues pour mettre en oeuvre des politiques et des programmes qui aideront les Canadiens à atteindre les buts que se fixe le projet de loi.
Nous félicitons donc le gouvernement d'avoir prévu dans le budget 2000 des ressources à l'appui des mesures d'intendance volontaire, ce qui permettra de trouver des façons typiquement canadiennes de protéger créativement les espèces en péril, d'assurer le rétablissement des espèces menacées et d'empêcher que d'autres espèces deviennent des espèces en péril. Le ministre a déjà annoncé l'octroi de fonds à plusieurs projets importants répartis dans l'ensemble du pays. Ces projets contribueront de façon concrète à améliorer les perspectives d'avenir de certaines des espèces les plus vulnérables au Canada.
En outre, nous nous réjouissons du fait que la LEP mette l'accent sur le principe de la collaboration. Le fait que le projet de loi présente l'intendance et les accords de conservation comme une façon constructive d'aborder le problème des espèces en péril est susceptible de donner de bons résultats. L'importance qu'attache le projet de loi à la collaboration ressort du rôle accordé aux intervenants locaux, à l'accent mis sur les stratégies de rétablissement ainsi qu'à la disposition portant sur l'indemnisation. Comme nous l'exposerons plus tard, nous estimons cependant que des améliorations peuvent être apportées dans ces deux domaines.
Enfin, nous nous réjouissons vivement du fait que la LEP ne prévoie pas la possibilité pour les citoyens de pouvoir intenter des poursuites. Même si ces poursuites peuvent constituer un mécanisme de reddition de comptes efficace, nous pensons tous que ce n'est pas un bon outil pour protéger les espèces en péril et que l'inclusion d'un pareil outil dans le projet de loi irait à l'encontre du climat de confiance et de collaboration qu'on souhaite créer sur le terrain.
Malgré que nous reconnaissions que le projet de loi comporte des éléments positifs, nous avons cependant d'importantes réserves à son sujet et estimons qu'il peut et doit être amélioré. La plus élémentaire protection juridique qu'on pourrait s'attendre à trouver dans un projet de loi protégeant les espèces en péril, à savoir des dispositions interdisant à quiconque de tuer des espèces en péril ou de détruire leurs habitats, n'y figure pas.
Dans les domaines relevant clairement de la compétence du gouvernement fédéral, le gouvernement ne prend pas toutes les mesures voulues pour protéger les espèces en péril. Les processus de protection des espèces en péril sont complexes et lourds. Le filet de sécurité proposé est conçu de façon à ne pas sembler être propice à la collaboration fédérale-provinciale-territoriale.
Il est essentiel d'adopter une bonne mesure législative pour vraiment protéger les espèces en péril et nous ne pensons pas que le projet de loi qu'on nous propose, s'il n'est pas amendé, permettra d'atteindre les résultats que visent les Canadiens. Nos recommandations ne visent pas à déstabiliser la LEP, mais plutôt à tirer partie de la collaboration sur laquelle elle repose. Ce qui importe encore davantage, c'est que nous pensons que les amendements que nous proposons permettront à la LEP de mieux protéger des espèces en péril tout en prenant en compte les droits et les intérêts des personnes qui travaillent sur les terres où vivent ces espèces.
Permettez-nous maintenant de vous faire part de certaines de nos réserves au sujet de la LEP. Je vais maintenant céder la parole à Robert Décarie qui vous parlera des amendements que nous proposons au préambule.
Le président: Je vous remercie, monsieur Peeling. Cette introduction a été très utile.
Je vous prie de bien vouloir commencer.
[Français]
M. Robert Décarie (conseiller en biodiversité, Association canadienne des pâtes et papiers, Groupe de travail sur les espèces en péril): Bonjour. Je vais d'abord traiter des amendements que nous proposons au préambule et qui sont au chapitre 2 de notre mémoire. Toutefois, ce que je vais vous dire n'est pas le texte intégral du chapitre.
Qu'est-ce qui a permis au GTEP d'en arriver à une position commune sur un sujet qui auparavant nous polarisait? On a passé énormément de temps à écouter et à travailler ensemble sur des solutions. Mais ce qui nous a permis essentiellement de développer l'approche que nous vous soumettons, d'une part, c'est l'acceptation par les membres industriels du GTEP de mesures de conservation, et d'autre part, l'acceptation par les ONG de définir et baliser ces mesures de conservation et de les compléter par des mesures socioéconomiques.
Nous sommes très flattés de l'intérêt qui a été porté à notre travail. Par contre, nous déplorons souvent le fait qu'on nous cite un peu n'importe comment.
• 0920
Certes, le GTEP propose des mesures de
conservation plus exigeantes que ce qui se trouve dans
le projet de loi C-33, mais il demande aussi qu'on
prenne en considération plus directement les facteurs
sociaux et économiques. En cela, nous nous
différencions d'autres organisations qui nous citent
souvent et abondamment. Les membres industriels du
GTEP sont souvent surpris et ressentent un certain
malaise lorsqu'ils lisent dans les journaux que
l'industrie demande une loi forte, par exemple. Oui,
encore une fois, nous voulons des mesures plus fermes,
plus strictes, mais
dans le cadre d'un processus qui intègre les
dimensions économique et sociale.
Lors du dépôt du projet de loi C-33, la critique la plus récurrente qu'on a pu entendre de la part du secteur de la conservation touchait souvent ce qu'on a appelé la discrétion gouvernementale dans l'application des mesures de conservation. Que cache cette discrétion? En réalité, il y a la volonté du gouvernement de tenir compte des autres valeurs sociales, du partenariat avec les provinces, mais aussi des enjeux sociaux et économiques et des coûts pour l'État.
La façon de réaliser cet objectif est de mieux intégrer dans les processus enclenchés par la loi les aspects socioéconomiques, ce qui permet de réduire le recours aux mesures discrétionnaires. La première insertion des dimensions socioéconomiques que nous proposons est un amendement au préambule qui va plus loin que les deux petites allusions très discrètes qu'on y fait aux réalités socioéconomiques.
Je vais revenir à mon texte. Il n'y a actuellement que deux allusions aux réalités socioéconomiques. Nous proposons que l'objectif même de la loi, c'est-à-dire la conservation, soit poursuivi autant que faire se peut en tenant compte des intérêts socioéconomiques. Vous verrez un peu plus loin, quand sera abordé le processus de rétablissement, comment cela peut s'appliquer.
Le second amendement au préambule vise la reconnaissance du principe que les coûts de la protection des espèces en péril doivent être partagés par l'ensemble des Canadiens, et pas seulement par un petit groupe de propriétaires terriens, d'usagers des ressources, de travailleurs ou de communautés. C'est un amendement qui soutient le principe de la compensation.
Je vais maintenant céder la parole à Sandy Baumgartner.
[Traduction]
Le président: J'ai du mal à comprendre le concept abstrait que vous nous proposez. Vous dites que nous devons d'abord tenir compte de toutes les considérations socio-économiques avant de protéger les espèces en péril. C'est justement ce qu'on a fait jusqu'ici. Nous devons cependant nous faire une idée. Allons-nous protéger les espèces en péril ou allons-nous plutôt nous préoccuper du sort des êtres humains? Nous devons choisir, ce qui est évidemment difficile.
• 0925
Nous ne nous retrouverions pas dans cette situation si nous
n'avions pas, au fil des siècles, accordé la préséance aux
considérations socioéconomiques. Lorsque vous dites qu'il faut
prendre en compte les considérations socio-économiques, j'ai
l'impression que vous nous proposez de modifier légèrement
seulement la façon dont nous avons procédé jusqu'ici.
Je ne fais qu'une observation tout à fait hors de propos, par conséquent...
Mme Elizabeth May: Comme vous êtes le président, je ne pense pas que c'est un reproche qu'on peut vous faire.
Le président: Merci.
Mme Elizabeth May: Je me permets de faire remarquer que d'aucuns seraient tentés de dire que c'est un point de vue de l'industrie que ne partageraient pas la plupart des écologistes. Or, le Sierra Club appuie l'inclusion de ces principes dans le préambule puisqu'il est nécessaire de favoriser la collaboration sur le terrain.
Je crois que de nombreux Canadiens veulent se reconnaître dans le projet de loi. L'objectif premier du GTEP est de veiller à ce que les espèces en péril soient protégées et que la situation à cet égard change considérablement. Nous ne proposons pas un statu quo légèrement modifié. Nous sommes cependant d'avis que pour que nos efforts aient des chances d'aboutir et que la protection et le rétablissement des espèces constituent les éléments essentiels du projet de loi, il convient de prendre en compte les considérations économiques à toutes les étapes du processus. Nous vous donnerons plus de précisions lorsque nous traiterons du rétablissement.
Je m'excuse d'être intervenue. Je cède maintenant la parole à Sandy.
Le président: Allez-y.
Mme Sandy Baumgartner (directrice des programmes et des communications, Fédération canadienne de la faune; Groupe de travail sur les espèces en péril): Je vous remercie.
Pour revenir aux espèces en péril, monsieur Caccia, j'aimerais dire quelques mots au sujet du COSEPAC et du processus d'inscription.
La première étape dans la conservation des espèces en péril est la désignation des espèces en péril et le classement de ces espèces selon la gravité de leur cas. Il ne s'agit pas simplement de la première étape du processus de conservation, mais probablement de l'une des plus importantes. L'inscription des espèces relève du Comité sur la situation des espèces en péril au Canada, soit le COSEPAC, qui existe depuis 20 ans. Ce comité désigne les espèces en péril et les classe dans l'une des catégories suivantes: espèces en voie de disparition, espèces menacées, espèces vulnérables et espèces préoccupantes, une catégorie nouvelle.
Il est intéressant de noter que la Fédération canadienne de la faune et la Fédération canadienne de la nature sont deux membres fondateurs du COSEPAC, situation qui n'a pu qu'être avantageuse pour le GTEP. Nous avons pu faire profiter le groupe de notre expérience du processus d'inscription et de nos connaissances s'y rapportant.
Je suppose que ce qui est décourageant, c'est peut-être l'aspect le moins abîmé des efforts actuellement déployés pour protéger les espèces en péril au Canada, et pourtant il est sans doute au nombre des questions les plus chaudement débattues. Comme le président et quelques membres du COSEPAC doivent comparaître devant vous jeudi, si je ne m'abuse, vous serez à même de vous rendre compte de leur niveau en matière scientifique.
Notre mémoire comporte un certain nombre de recommandations portant sur le processus d'inscription suivi par le COSEPAC. À notre avis, il est impératif d'adopter ces recommandations pour renforcer la LEP et assurer l'intégrité du COSEPAC.
Nous convenons d'abord et avant tout que le processus d'inscription doit se fonder uniquement sur des données scientifiques. Il s'agit d'une recommandation qui fait l'unanimité. Nous convenons tous à cet égard qu'il ne faut pas tenir compte des considérations socio-économiques. Pour prendre des décisions judicieuses quant à la protection des espèces, il faut d'abord connaître la situation de ces espèces et il faut pour cela se reporter à des données scientifiques.
En outre, nous sommes convaincus que le processus doit être transparent. Le public dans son ensemble doit savoir pourquoi les espèces ont été inscrites et les raisons qui ont motivé cette décision. S'il y a un reproche qu'on a pu faire au COSEPAC au cours des 20 dernières années, c'est que le groupe de scientifiques qui le compose a mené tranquillement ses travaux dans le plus grand anonymat sans que personne ne sache ce qu'il faisait. J'espère que les discussions et les débats qui ont cours depuis deux ans et demi sur le sujet ont permis de faire ressortir la grande compétence des membres du COSEPAC.
De plus, nous sommes convaincus que le COSEPAC doit fonctionner de manière indépendante. Certains représentants du gouvernement y siègent, et nous croyons important qu'ils y soient, même si, en même temps, ils doivent pouvoir faire leur travail et prendre des décisions en se fondant sur des faits scientifiques et sur rien d'autre.
Un des aspects les plus controversés de la LEP, c'est sans doute ce qu'on appelle la «liste officielle». Qui a le mot de la fin? Est-ce le COSEPAC? Certains prétendent que la liste du COSEPAC devrait être considérée comme la liste officielle. Mais en même temps,—et le ministre est très catégorique là-dessus—on nous dit que le gouvernement doit être l'organe ultime de prise de décision, à cause de l'incidence des décisions prises eu égard à la liste.
• 0930
Le GTEP, pour sa part, propose ce qu'on pourrait appeler un
compromis. Nous suggérons que la liste du COSEPAC devienne la liste
officielle et que le gouvernement retire de cette liste les espèces
qui ne lui semblent plus en danger, pour que les interdictions ne
s'appliquent plus à celles-ci, par exemple. C'est ce que nous
appelons l'option de la facturation par défaut. Nous pensons que,
de cette façon, on ne pourrait retirer de la liste certaines
espèces que si on a de bonnes raisons de le faire et que si les
raisons sont rendues publiques.
Nous recommandons également qu'au moment de l'adoption du projet de loi, la liste actuelle du COSEPAC devienne la liste officielle et supplante au fond la liste actuelle. Depuis quelques années, le COSEPAC met à jour sa liste, en examinant le statut des diverses espèces et en s'assurant que les données scientifiques sont les plus récentes. Nous sommes convaincus qu'en optant pour la liste du COSEPAC, celle-ci représenterait une évaluation adéquate des espèces en voie de disparition et menacées au Canada.
Enfin, nous suggérons de resserrer la façon dont on fait les inscriptions d'urgence. Le délai d'inscription d'urgence d'une espèce est beaucoup trop long pour permettre la préparation d'un rapport de situation. Si une espèce est identifiée et fait l'objet d'une inscription d'urgence, c'est sans doute parce qu'elle est dans une situation critique et un rapport de situation devrait donc être préparé rapidement. Par conséquent, les délais prévus devraient être resserrés et le COSEPAC devrait pouvoir évaluer la situation de ces espèces plus rapidement.
Je m'en tiendrai à cela, et vous pourrez trouver dans notre mémoire nos recommandations au sujet des inscriptions. Elles ne sont pas très nombreuses et ne font pas partie du processus à corriger.
Elizabeth May vous parlera maintenant des interdictions.
Mme Elizabeth May: Merci, Sandy.
Le président: Merci, madame Baumgartner.
À qui est-ce le tour?
Mme Elizabeth May: Je vais présenter la partie de notre mémoire qui porte sur les interdictions et les questions d'ordre constitutionnel.
Il y a une faiblesse dans le projet de loi C-33 que nous ne pouvons nous expliquer, et qui fait donc l'objet d'une de nos recommandations les plus musclées: nous ne savons pas si, une fois le projet de loi adopté, une espèce inscrite sur la liste officielle peut être protégée contre l'abattage. La plupart des Canadiens seraient abasourdis de constater que même si leur gouvernement est disposé à adopter une loi visant à protéger les espèces en péril, dès après l'adoption de ces mesures législatives, il pourrait être néanmoins légal d'abattre partout au Canada une des espèces en voie de disparition. Voilà pourquoi les dispositions de la loi portant sur les interdictions sont à ce point importantes.
Nous croyons que le gouvernement fédéral doit faire preuve de leadership dans le contexte de l'accord national sur la protection des espèces en péril au Canada. L'interdiction de tuer de façon délibérée les espèces en péril et de détruire délibérément leurs résidences partout au Canada est un des domaines dans lesquels le gouvernement fédéral est le plus justifié d'agir du point de vue constitutionnel et c'est aussi celui qui prépare la voie pour le reste du projet de loi.
Cette partie-là du projet de loi nous semble cruciale pour deux raisons. L'une de ces raisons demande un peu d'explication, et j'espère que le comité, ou celui qui lui succédera dans l'examen du projet de loi, demandera d'autres avis constitutionnels là-dessus. Voici ce qu'il en est: le gouvernement a affirmé qu'il avait recours à des pouvoirs que la Constitution lui accordait en matière de droit criminel pour pouvoir protéger les espèces en péril. Nous sommes tout à fait d'accord pour que le gouvernement fédéral use de ces pouvoirs pour protéger ces espèces en péril, et nous croyons que l'arrêt le plus récent de la Cour suprême du Canada pourrait nous orienter là-dessus. La cour s'est demandée quelles étaient la nature et l'ampleur des pouvoirs fédéraux dans des grands dossiers environnementaux en se fondant sur des pouvoirs en matière de droit criminel dans l'affaire d'Hydro-Québec, affaire dans laquelle, comme vous le savez, l'autorité et la compétence du gouvernement fédéral en vertu de la LCPE ont été confirmées.
Dans son opinion majoritaire de même que dissidente, la Cour suprême s'est prononcée clairement sur ce qu'elle entendait par un recours valable des pouvoirs au criminel et sur les cas où les pouvoirs au criminel sont utilisés de façon à laisser entendre qu'une loi adoptée par le Parlement ne porte pas véritablement interdiction. En fait, il s'agirait plutôt d'une autorité réglementante. Plus le gouvernement fédéral agit comme une autorité réglementante, moins l'exercice du pouvoir fédéral est constitutionnel. Voilà ce que cela veut dire en gros, même si mon explication ne rend certainement pas justice à l'arrêt de la Cour suprême.
En établissant, dans les articles 32 et 33 du projet de loi, qu'il est interdit de tuer un individu d'une espèce en voie de disparition où que ce soit au Canada, puis en expliquant, à l'article 34, que ces dispositions ne s'appliquent que sur les territoires domaniaux ou que s'il s'agit d'espèces aquatiques ou d'espèces d'oiseaux migrateurs, à moins qu'il y ait eu décision ponctuelle du Parlement—auquel cas il aura été décrété de façon explicite qu'il est possible de le faire—vous sapez l'autorité constitutionnelle du gouvernement fédéral d'agir; de plus, vous créez une situation qui est invivable politiquement parlant, à notre avis, et qui engendre de l'incertitude. Enfin, une telle situation ne favorise en rien la coopération entre les provinces et le gouvernement fédéral dans ces dossiers.
• 0935
Nos recommandations à cet égard sont très claires. Nous
souscrivons sans réserve à l'application directe des interdictions
de tuer, de nuire, de harceler, de capturer ou de prendre un
individu d'une espèce sauvage inscrite comme espèce disparue du
pays, en voie de disparition ou menacée, tout comme aux
interdictions d'endommager ou de détruire la résidence d'un ou de
plusieurs individus d'une espèce sauvage. Autrement dit, les
articles 32 et 33 devraient s'appliquer tels quels partout au
Canada, et ce sans aucune réserve.
Étant donné l'importance du libellé de ces interdictions, je demanderais à Tony Rotherham de vous recommander certaines façons d'améliorer les définitions.
M. Tony Rotherham (directeur, Bois et forêts, Association canadienne des pâtes et papiers; Groupe de travail sur les espèces en péril): Merci.
Étant donné que l'on aura recours à des pouvoirs conférés en vertu du droit criminel, et étant donné que les amendes qu'impliquent ces interdictions peuvent être parfois très lourdes—entre 50 000 $ et 1 000 000 $ d'amende, et jusqu'à cinq ans de prison—nous jugeons essentiel de clarifier le plus possible le texte des interdictions, et que les termes utilisés qui déclenchent les interdictions soient très clairs. Autrement dit, il faut que toutes les parties comprennent clairement ce dont il s'agit et que les conséquences soient prévisibles. Il faut qu'un individu puisse comprendre que s'il agit de telle ou telle façon, l'infraction entraînera tel résultat.
Il faut que l'on sache exactement ce qui constitue une infraction avant qu'elle ne se produise ou qu'elle ne soit commise. Les agents de protection de la faune et les tribunaux doivent, eux aussi, savoir exactement ce qui constitue une infraction après qu'elle ait été commise, pour qu'il y ait certitude de leur part également. Il est donc évident que toutes les parties doivent avoir les mêmes perceptions de la situation.
Voilà pourquoi les interdictions doivent être énoncées clairement et sans ambiguïté dans la loi. Elles doivent être comprises par toutes les parties. Elles doivent être faciles à reconnaître sur le terrain, puisque c'est là que se produisent les infractions et non pas dans une salle de tribunal. Je répète que la situation doit donc être prévisible. Je dois savoir que si je pose tel geste, c'est ou non une infraction.
Plus précisément, pour ce qui est de la résidence, le projet de loi utilise ce terme au sens d'un abri, et il devrait le définir de façon à ce qu'il ne soit pas interprété comme étant l'habitat. Nous vous proposons une définition dans notre mémoire, que vous pourrez consulter. La résidence, c'est un lieu bien défini et limité.
Étant donné l'importance que revêt ce terme, nous recommandons au ministre qu'il décide, au moment de l'inscription d'une espèce sur la liste, si la notion de résidence s'applique à l'espèce en question et, dans l'affirmative, qu'il définisse et décrive le terme.
Pour ce qui est du terme «prendre», qui se trouve dans le projet de loi, ce terme laisse également largement la place à l'interprétation. Après avoir regardé le terme qui est proposé dans la version française et en avoir discuté avec les spécialistes du Service canadien de la faune, nous croyons qu'il faut interpréter le terme «prendre» du projet de loi comme un retrait, c'est-à-dire comme lorsque l'on retire une plante d'un lieu. Cela correspondrait au texte français, et voilà pourquoi nous suggérons de remplacer le terme «take» dans la version anglaise par le terme «remove».
«Nuire» est également un mot clé qui peut constituer une infraction. Le terme prête aussi à interprétation. Il faudrait le définir à l'article 2 du projet de loi de façon claire. On devrait limiter son application aux individus d'une espèce. On ne devrait pas y inclure l'habitat. La protection de l'habitat fait l'objet d'un plan de rétablissement.
Il est facile de comprendre ce qui constitue un geste nuisible sur le plan physique. Ce qui constitue une perturbation que l'on pourrait interpréter comme pouvant nuire aux individus est plus difficile à classer. Quelle doit être l'ampleur de la perturbation avant qu'on ne juge qu'il y a infraction?
Il faut que le Parlement fournisse une définition de façon que l'intention de ce projet de loi soit claire. Il ne faut pas s'en remettre aux tribunaux pour élaborer et préciser la définition. C'est d'ailleurs très coûteux et difficile de le faire.
En ce qui concerne les espèces, le projet de loi C-33 définit les espèces d'une façon. Le COSEPAC utilise une définition différente. Ces deux définitions différentes entraîneront des difficultés sur le plan administratif et juridique. Il faut s'entendre sur une définition et l'utiliser dans les deux documents.
Enfin, à l'article 77 du projet de loi, il est fait mention d'un sursis. Ce sursis d'un an vise les permis et les licences délivrés par le gouvernement fédéral. Nous pensons qu'il faut inclure tous les permis et licences délivrés par les gouvernements provinciaux et municipaux puisque ceux-ci permettent également aux gens de faire certaines choses. On ne doit pas, à notre avis, dans ce projet de loi fédéral, créer différentes catégories.
• 0940
Je vais maintenant céder la parole à mon ami Marc pour qu'il
vous parle de l'habitat essentiel.
Le président: Merci, monsieur Rotherham.
Monsieur Johnson.
M. Marc Johnson (directeur, Programme de la conservation, Fédération canadienne de la nature; Groupe de travail sur les espèces en péril): Je pense que les membres du comité savent fort bien que la plus grande cause de perte de diversité au Canada et ailleurs au monde découle de la perte et de la fragmentation de l'habitat.
Les membres de notre groupe de travail ont consacré énormément de temps à réfléchir à la meilleure façon d'utiliser la LEP pour protéger l'habitat. Nous avons conclu qu'il faut deux éléments essentiels. Tout d'abord, une procédure souple de planification du rétablissement à laquelle participeraient tous les intéressés dans le but de déterminer quelles sont les mesures appropriées de conservation de l'habitat. Ensuite, il faut que la LEP fournisse de la certitude.
En fin de compte, il faut être certain que l'habitat essentiel des espèces en voie de disparition sera protégé dans les secteurs qui relèvent clairement de la compétence fédérale.
Un peu plus tard, nous parlerons de la façon d'améliorer la procédure de planification du rétablissement afin d'assurer une plus grande souplesse et une plus grande intégration et nous parlerons également de la nécessité de tenir compte adéquatement de considérations socio-économiques. Pour l'instant, je vais m'en tenir à des recommandations précises en vue d'améliorer la LEP pour trouver un niveau acceptable de certitude.
Nous reconnaissons que la protection de l'environnement au Canada exige un effort coopératif, concerté, de tous les paliers de gouvernement. La compétence en ce qui concerne l'habitat des espèces en voie de disparition relève et des gouvernements fédéral et provinciaux; par conséquent, il faut que ces deux paliers collaborent.
Nous pensons que la contribution la plus importante du gouvernement fédéral consiste à mettre de l'ordre dans ses propres affaires en vue de préserver les espèces en voie de disparition. En d'autres mots, le gouvernement fédéral doit assurer la protection de l'habitat dans les domaines qui relèvent clairement de sa compétence.
Plus précisément, les mesures de protection de l'habitat dans la LEP doivent s'étendre à tout le territoire domanial. Actuellement, le projet de loi C-33 n'inclut pas les terres situées au nord du 60e parallèle dans le territoire qui relève de la compétence fédérale. Ces terres comptent pour 90 p. 100 du territoire possédé par le gouvernement fédéral. En n'en tenant pas compte, le gouvernement fédéral fait fi de sa responsabilité de protéger le caribou de Peary, le bison des bois, le marsouin commun et de nombreuses espèces de baleines, de poisson et d'oiseaux menacés de disparition.
L'ancien projet de loi C-65 reconnaissait le pouvoir du gouvernement fédéral sur ces terres. À notre avis, il faut faire de même dans la LEP.
Les mesures de protection de l'habitat de la LEP doivent également viser les espèces aquatiques qui représentent 25 p. 100 des espèces en péril. Nous n'arrivons pas à comprendre pourquoi il n'en est pas fait mention dans le projet de loi C-33.
Le ministère des Pêches et des Océans est l'un des trois ministères responsables de la LEP et la Loi sur les pêches accorde déjà une protection générale à l'habitat des espèces aquatiques. Pourtant, ce projet de loi fait fi de la responsabilité du gouvernement fédéral de protéger l'habitat essentiel des espèces aquatiques.
La LEP fait fi également de la responsabilité du gouvernement fédéral en matière de protection de l'habitat essentiel des oiseaux migrateurs. La Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs accorde clairement le pouvoir d'interdire des mesures qui nuisent directement aux oiseaux migrateurs. Toutefois, nous avons entendu le gouvernement fédéral suggérer que ce pouvoir ne s'étend pas à leur habitat essentiel. Nous avons également entendu des avis contraires et reconnaissons que le projet de loi C-65 prévoyait la protection de l'habitat des oiseaux migrateurs.
Nous demandons par conséquent que l'on précise cette question. S'il est constaté que le gouvernement fédéral détient clairement le pouvoir de protéger l'habitat essentiel des oiseaux migrateurs, alors il faudra élargir la portée de la LEP en conséquence.
J'aimerais maintenant aborder la nature discrétionnaire des mesures de protection de l'habitat dans ce projet de loi.
À notre avis, on ne parviendra pas à une approche équilibrée en matière de protection de l'habitat par des mesures discrétionnaires, mais bien en faisant participer les intéressés au processus de planification du rétablissement et en mettant à leur disposition une gamme d'outils et d'incitatifs pour les encourager à protéger les espèces sauvages.
L'expérience porte à croire qu'au Canada des mesures discrétionnaires de protection de l'habitat ne fonctionnent tout simplement pas. Sur les sept provinces qui ont des lois de protection des espèces en voie de disparition, quatre ont choisi d'imposer des dispositions obligatoires de protection de l'habitat. Dans les trois provinces où ces mesures sont discrétionnaires, on n'y a jamais eu recours.
Prenons un exemple: la Loi sur les espèces en voie de disparition du Québec comporte des mesures discrétionnaires de protection de l'habitat. Sur les huit espèces animales inscrites sur la liste aux termes de cette loi, pas une seule n'a vu son habitat protégé. Le suceur cuivré est une espèce de poisson endémique au Québec; en d'autres termes, on ne trouve cette espèce qu'au Québec. L'équipe de rétablissement, qui inclut des députés du gouvernement, a expressément souligné que la protection de l'habitat de cette espèce est essentielle à sa survie. Pourtant, cet habitat essentiel demeure sans protection aux termes de la loi du Québec.
La nature discrétionnaire de la loi québécoise ne protège pas non plus l'habitat du pluvier siffleur, de la tortue-molle à épines et de la pie-grièche migratrice.
• 0945
Nous recommandons donc fortement que les dispositions de
protection de l'habitat essentiel dans la LEP deviennent
d'application obligatoire dans tout le territoire qui relève
clairement de la compétence fédérale. Nous ne pensons pas qu'en
adoptant ces mesures, nous allons adopter une loi de contrôle de
style américain. Plutôt, grâce à une procédure inclusive de
planification du rétablissement, les intéressés pourront travailler
de façon constructive en vue d'atteindre un objectif commun.
Le dernier point que je souhaite aborder, c'est la nécessité de mettre en place des mesures provisoires de protection de l'habitat, pour la période comprise entre le moment où une espèce est inscrite et le moment où la protection est offerte dans le cadre d'un plan de rétablissement. On prévoit qu'il faudra au moins deux ans avant qu'une espèce ne reçoive la protection d'un plan de rétablissement. Pendant cette période, la loi ne prévoit aucune protection de l'habitat des espèces en voie de disparition au-delà de leur résidence très limitée.
Nous recommandons donc de modifier la LEP afin d'accorder une protection supplémentaire aux résidences et aux zones qui les entourent. Nous qualifions ces mesures de zones tampons provisoires. L'objectif de ces zones consiste à s'assurer que l'habitat des espèces en voie de disparition ne soit ni perdu ni dégradé à partir du moment où l'espèce et inscrite et le moment où le plan de rétablissement lui assure protection.
Ces zones tampons provisoires pourraient mettre fin à une situation très réelle survenue au Canada lorsque le nid d'un oiseau d'une espèce en voie de disparition est demeuré dans un arbre isolé après que l'on ait coupé tous les arbres environnants de sorte qu'il n'y avait essentiellement aucune possibilité de rétablissement.
La technique des zones tampons est bien connue et est utilisée dans différents secteurs de gestion des ressources: on y retrouve des mesures telles que des zones de non-perturbation de deux kilomètres autour des nids de faucons pèlerins, des tampons le long des ruisseaux et rivières, et les programmes de protection des zones humides.
À notre avis, c'est dans la LEP qu'il faut prévoir le processus de désignation de ces zones tampons. Par ailleurs, la protection accordée par ces zones tampons ne doit pas être réglementée mais doit plutôt découler de mesures de protection telles que des contrats avec les propriétaires terriens, des ententes de conservation, des servitudes et d'autres outils appropriés.
Nous avons discuté de la création de zones tampons provisoires il y a quelque temps avec les directeurs de la faune, que cela intéresse vivement.
Pour résumer, en élargissant la portée des mesures de protection de l'habitat et en les rendant obligatoires, et également en permettant la mise en oeuvre de mesures de protection provisoires non réglementaires, nous estimons que la Loi sur les espèces en péril réussira vraiment à protéger l'habitat des espèces en voie de disparition.
Le président: Merci, monsieur Johnson.
M. Marc Johnson: Je vais maintenant céder la parole à Tony, qui vous parlera de la diligence raisonnable.
Le président: La parole est à vous.
M. Tony Rotherham: La diligence raisonnable est le mécanisme de défense proposé dans la Loi sur les espèces en péril; il n'est pas couramment utilisé en droit criminel, mais on y recourt de plus en plus souvent en droit de l'environnement. Cela dit, la plupart des lois environnementales portent sur les sources ponctuelles et les sites, qui font d'habitude l'objet d'un contrôle serré et sont bien connus des organismes qui y sont établis, qu'ils soient du secteur privé ou public.
Par ailleurs, le projet de loi C-33 porte sur de vastes territoires. Le mécanisme de diligence raisonnable sera donc difficile et compliqué à mettre en oeuvre, d'autant plus qu'il sera difficile de prouver ce qu'on avance au sujet d'étendues aussi vastes. Pour vous donner une idée de la superficie des terres dont il est question, chaque année, des activités agricoles ont lieu sur des territoires couvrant entre 50 et 60 millions d'hectares au Canada, dans la plupart des cas des exploitations familiales. Il peut aussi y avoir des activités de gestion dans une proportion importante des 25 millions d'hectares de boisés appartenant eux aussi à des familles. Il existe quelque 450 000 de ces boisés privés au Canada.
Au Canada, entre 120 et 150 millions d'hectares de forêts sont en exploitation. En moyenne, les activités d'abattage et de sylviculture correspondent à quelque 2,2 millions d'hectares par année. Mentionnons aussi la prospection des minéraux qui s'effectue annuellement sur des millions d'hectares partout au pays. En général, on peut estimer que près d'un million de Canadiens participent à de telles activités.
Or il sera presque impossible pour ces derniers de se conformer aux exigences de diligence raisonnable, en raison de connaissances insuffisantes et d'un manque de renseignements. Puisque même les gouvernements chargés de la mise en oeuvre de la Loi sur les espèces en péril ne sont pas suffisamment renseignés, comment pouvons-nous nous attendre que des citoyens ordinaires le soient et sachent quoi faire? Les risques d'erreur de bonne foi sont donc énormes.
Par conséquent, nous recommandons le recours au mécanisme de l'intention coupable. Nous recommandons également que le gouvernement crée un programme complet d'information de la population afin que les Canadiens puissent identifier les espèces, leurs résidences et leurs habitats. Cela évitera des erreurs et permettra aussi de prendre des milliers d'initiatives positives afin de venir en aide à toutes les espèces, et surtout aux espèces en péril.
• 0950
Un tel programme sera essentiel si l'on maintient le mécanisme
de diligence raisonnable. Autrement, faute des renseignements
nécessaires, les Canadiens seront privés de la possibilité de
recourir à ce moyen.
J'aimerais maintenant donner la parole à M. Gary Nielsen, qui a travaillé pendant bon nombre d'années avec des propriétaires de boisés privés, et qui peut donc nous parler des difficultés que représente le mécanisme de défense envisagé pour les propriétaires de terrains privés.
Le président: La parole est à vous.
M. Gary Nielsen (coordonnateur de l'intendance, comté de Leeds, Ontario): Merci. Pour les propriétaires de terrains privés, les dispositions du projet de loi qui le rendent novateur, différent, intéressant et, en fin de compte, efficace, sont celles qui portent sur l'intendance et les indemnisations.
Monsieur le président, j'ai bien compris vos remarques voulant qu'il s'agisse d'espèces gravement menacées de disparaître, mais le monde est évolué. En tant que citoyen, je suis franchement très impressionné par le groupe que vous avez réuni ici. Je n'ai pas travaillé avec les membres qui en font partie, mais le fait que des représentants de l'industrie des pâtes et papiers et de l'exploitation minière siègent à la même table que des ONG et des groupes qui se consacrent à la protection de l'environnement et que tous s'entendent sur les moyens à prendre me paraît tout à fait remarquable.
Nous savons que les approches purement réglementaires et punitives ne fonctionnent pas. On a eu beau pendre les voleurs de chevaux pendant cent ans, ça n'a jamais mis fin aux vols de chevaux. Pour un propriétaire de terrain, le problème avec la diligence raisonnable tient au fait que personne ne dispose des renseignements voulus pour qu'elle donne des résultats. Dans 20 ans, après que nous aurons créé des équipes de rétablissement et qu'elles auront conçu des plans de rétablissement, il faudra y faire figurer des avis aux propriétaires de terrains et des dispositions de sensibilisation du public. On pourra alors s'attendre au respect du principe de la diligence raisonnable, mais nous ne sommes pas encore rendus là.
Il y a des exceptions. Il existe dans le sud-ouest de l'Ontario une portion de territoire carolinien canadien qui a été étudiée à satiété. Dans cette région, on connaît les problèmes et on sait où se trouvent les espèces. On peut donc raisonnablement s'y attendre au respect de la diligence raisonnable. Dans le reste du pays cependant, les gens ne savent pas quelles sont les espèces en question. Je suis donc certainement d'accord avec la recommandation du groupe voulant que nous ne soyons pas encore arrivés à ce point.
Merci.
Le président: Merci.
M. Tony Rotherham: J'aimerais maintenant demander à Robert Décarie de parler du processus de rétablissement.
[Français]
M. Robert Décarie: Cette partie de notre exposé porte sur le chapitre 8 du mémoire. On peut aborder la question du processus de rétablissement en l'appuyant sur quatre grands principes.
Le premier grand principe est celui de l'inclusion, c'est-à-dire intégrer aux équipes de rétablissement les différents intervenants. L'inclusion indique aux gens un signal qu'on tient compte de leurs besoins, que ces derniers ne sont pas ignorés mais reconnus, acceptés comme légitimes et partie de l'équation. Cela maximisera les chances d'adhérer aux objectifs.
Le deuxième aspect important de l'inclusion est qu'elle assure l'apport de connaissances et d'expertise locales relatives tant aux espèces qu'aux moyens de minimiser les impacts des mesures de rétablissement. Il est certainement plus facile de développer des scénarios optimaux et de favoriser des adaptations aux opérations quand les gens sont à la table. Cela maximisera les chances d'adhérer aux moyens qui seront choisis par le plan de rétablissement.
L'inclusion offre aussi de meilleures chances que les communautés adoptent les plans de rétablissement et les types d'espèces, et apportent des ressources qui contribueront à minimiser les coûts pour l'État.
Dans la Loi sur les espèces en péril, les paragraphes 39(1) et 48(1) indiquent que la stratégie de rétablissement et le plan d'action seront préparés en collaboration avec un éventail de partenaires, y compris des gens et des organisations choisis par le ministre. On comprend très bien qu'il ne peut y avoir 200 personnes autour d'une table pour établir une stratégie ou un plan. Par contre, on a bon espoir que les principaux intervenants, ceux qui gèrent de grandes superficies de terrain, ou les propriétaires ou les gens qui sont dans une région à forte concentration d'espèces menacées seront invités à s'asseoir à la table.
• 0955
Par contre, il est difficile de voir comment le
processus va s'organiser avec la Loi sur les
espèces en péril. Présentement, on parle d'une
équipe qui établira une stratégie et d'une autre qui
établira un plan d'action. On préconise plutôt l'idée
d'une seule équipe, dont les membres seront
impliqués dès
le début, pour s'assurer que tous participent.
Il est certainement possible qu'avec ce qui est prévu présentement dans la Loi sur les espèces en péril, on dérape vers deux équipes: celle des penseurs, les thinkers, et celle des exécutants, les doers. Il y a peu de chances que cela porte des fruits.
Le deuxième grand principe est celui de la détermination scientifique des besoins de l'espèce. On tient à souligner l'importance d'identifier les besoins de l'espèce sur une base scientifique, particulièrement les besoins en habitat essentiel. Il s'agit du meilleur moyen de faire une juste appréciation qui satisfasse à la fois les défenseurs de l'environnement, qui verront que les besoins de l'espèce sont pris en compte, et les usagers, qui craignent souvent des mesures improvisées ou intuitives, ou encore l'abus du principe de précaution. Si les données sont insuffisantes, ce qui risque d'arriver pour plusieurs espèces, il faudra prévoir un plan d'étude afin d'acquérir les connaissances nécessaires et d'articuler le plan.
L'identification de l'habitat critique doit faire l'objet d'une partie spécifique de la stratégie de rétablissement. Elle ne doit pas être «contaminée» par différentes autres préoccupations, mais elle doit quand même être faite par l'équipe de rétablissement, peut-être par un comité. C'est après cela que l'on doit prendre en compte les besoins sociaux et économiques.
Parallèlement à la détermination des besoins de l'espèce, il faut examiner les aspects sociaux et économiques en jeu, c'est-à-dire qui sera affecté et comment: c'est le troisième grand principe. En établissant la stratégie de rétablissement, on doit pouvoir établir différents scénarios, les comparer, choisir ceux qui ont le moins d'impact tout en étant efficaces sur le plan de la conservation, prévoir une mitigation des impacts et, évidemment, compenser ou dédommager les impacts impossibles à contrer.
Un des grands volets du plan d'action inclura des décisions touchant l'aménagement et la protection d'habitats essentiels identifiés. On doit inviter tous les intervenants à y participer pour s'assurer de leur coopération et de leur acceptation dans le cadre de la détermination de cette stratégie d'habitat. Les mesures d'ajustement des pratiques, l'intendance ou stewardship, et les mesures volontaires de conservation devraient être privilégiées.
Le quatrième grand principe est celui de l'efficience. Le projet de loi C-33 ne précise aucun échéancier quant à la présentation d'un plan d'action. Nous recommandons qu'un échéancier d'un an soit fixé pour mettre au point un plan d'action visant une espèce en voie de disparition ou menacée. Ce plan ne sera peut-être pas exhaustif et il y manquera peut-être certains paramètres, par exemple sur l'habitat, mais il devrait comprendre suffisamment d'éléments pour amorcer une action.
Concernant l'application, le projet de loi C-33 n'exige pas que le gouvernement fédéral mette à exécution les mesures qui relèvent de lui et qui seront précisées dans le plan d'action.
• 1000
Nous recommandons que les mesures mentionnées au
paragraphe 53(1) deviennent obligatoires dans
les 120 jours suivant le dépôt du plan
d'action.
Finalement, pour atteindre l'efficience, il est important de fixer des priorités. Les ressources pour planifier le rétablissement d'une espèce en voie de disparition sont limitées, et le nombre d'espèces va certainement augmenter.
Le processus d'identification de priorités doit être explicité dans la loi afin qu'on puisse identifier les espèces exigeant une attention immédiate. Vous allez voir que nous parlons de différents critères dans notre mémoire. Ce sont essentiellement des critères scientifiques ainsi que des critères de coûts économiques qui doivent aider à établir une liste de priorités.
J'aimerais inviter mon collègue David Lindsay à présenter certains commentaires sur le rétablissement.
Le président: Venez à la table.
[Traduction]
Cependant, j'ai l'impression que les membres du comité aimeraient commencer à poser des questions, et puisque les exposés ont déjà pris une heure, je vais vous demander d'abréger.
Monsieur Lindsay, à vous la parole.
M. David Lindsay (biologiste des poissons et de la faune, Timberwest Forest Ltd.): Je serai bref.
J'aimerais réitérer ce que Robert vient de dire au sujet de certains aspects de la planification du rétablissement et du processus entourant l'équipe de rétablissement. Les réunions des équipes de rétablissement sont à mon avis le pivot du rétablissement des espèces. Compte tenu de cela, il faudrait que tous les intervenants appropriés fassent partie des équipes et ce dès le début de la planification, et que la responsabilité de tout le processus incombe à ce même groupe.
J'ai fait partie de l'équipe de rétablissement du guillemot marbré dès sa création, il y a sept, huit ou peut-être même neuf ans, et une fois la première étape terminée, il y a eu un roulement du personnel puis nous sommes passés à la mise en oeuvre. La substitution n'a toutefois pas été totale; seulement la moitié des membres nous ont quittés. Il a fallu que nous formions les nouveaux venus et que ces derniers apprennent à se connaître, ce qui a quelque peu ralenti les choses pendant un an.
Quoi qu'il en soit, les membres originels veilleront à la mise en oeuvre continue du plan. Ils se sentent partie prenante du projet qu'ils ont rédigé eux-mêmes, y compris de la désignation scientifique de l'habitat essentiel, jusqu'à la mise en oeuvre. C'est très important. À mon avis, la participation continue de tous les intervenants permettra qu'on fasse preuve d'un esprit de collaboration dès le départ lorsqu'il s'agira de se pencher sur les enjeux socio-économiques et écologiques.
Le président: Au suivant.
M. Pierre Gratton (vice-président, Affaires publiques et communications, Association minière du Canada; Groupe de travail sur les espèces en péril): Je sens que je dois être bref.
Si l'on veut que les lois relatives aux espèces en péril favorisent la confiance et un esprit de collaboration sur le terrain, il faut qu'elles soient mises en oeuvre de façon équitable et que l'on reconnaisse que tous les Canadiens ont en partage la responsabilité de protéger les espèces en péril. D'ailleurs, la Convention sur la biodiversité, dont le Canada est signataire, reconnaît que la protection des espèces est une valeur commune. Notre mémoire prie donc instamment le comité d'illustrer l'engagement du gouvernement envers ce principe en insérant dans le préambule de la loi la protection des espèces comme valeur commune en vertu de l'article 20 de la Convention.
L'idée sous-tendant le principe est simple. Les citoyens qui vivent et travaillent au centre-ville de Toronto ne peuvent se soustraire à leur responsabilité face aux espèces en péril tout simplement parce que la croissance urbaine a depuis longtemps détruit l'habitat du serpent à sonnettes Massasauga ou du râle élégant, ce qui rend une action directe de leur part impossible. De même, les éleveurs de bétail du sud de l'Alberta, les propriétaires de boisés ou les prospecteurs de minéraux ne devraient pas devoir assumer seuls tout le fardeau de la protection des espèces en péril, du simple fait que le hasard a fait s'installer certaines d'entre elles sur leurs propriétés ou sur les terrains où ils travaillent.
L'indemnisation est l'un des mécanismes respectant cet important principe. Nous nous réjouissons donc de l'article 64 du projet de loi C-33 permettant le versement d'indemnités à ceux qui devront assumer une part trop lourde de la protection des espèces en péril. Toutefois, nous estimons que le projet de loi demeure vague par rapport à l'admissibilité et à la valeur des sommes versées, et nous sommes préoccupés par des déclarations faites par le ministre voulant que les indemnités ne devraient pas être accordées aux sociétés ni à ceux qui exploitent une terre mais ne la possèdent pas.
• 1005
Nous reconnaissons que l'indemnisation devrait être le dernier
recours, et nous sommes convaincus qu'elle le sera. Ce qui est si
important dans cette discussion c'est la capacité d'indemniser et
en quoi elle contribue à aider les gens à avoir confiance dans la
Loi sur les espèces en péril même si cette capacité ne sera
utilisée que rarement. Depuis ses débuts, le Groupe de travail sur
les espèces en péril milite en faveur d'un système d'indemnisation.
Nous sommes donc très heureux de voir que le gouvernement commence
à comprendre l'importance d'un tel système.
Dans bien des cas, ce seront les entreprises de l'industrie des ressources qui devront assumer les coûts du changement de leurs pratiques pour répondre aux besoins des espèces en péril. Nous sommes d'accord avec cette notion. Nous ne sommes cependant pas d'accord pour dire qu'il n'y aura pas de circonstances où l'indemnisation des utilisateurs du territoire, y compris des entreprises, sera opportune et justifiable.
Comme les membres du comité le savent déjà, le ministre a invité M. Peter Pearse, un économiste des ressources naturelles, à étudier la question et à faire des recommandations. Notre groupe a rencontré M. Pearse; l'ACPP et l'AMC ont organisé des réunions séparées avec lui. Nous avons soumis des mémoires. J'ai un exemplaire du mémoire de l'AMC ici avec moi, et je serai heureux de vous en donner une copie si cela vous intéresse.
À la lumière de cette étude séparée, et étant donné que nos documents donnent beaucoup de détails, permettez-moi de souligner certains principes qui nous ont toujours guidés à l'égard de ces questions.
Premièrement, comme je l'ai déjà dit, le coût de protection des espèces doit être partagé par tous les Canadiens. Tout ceux qui subissent des pertes à cause de l'adoption de cette loi doivent être admissibles à une indemnisation. Il ne faut pas faire de discrimination.
L'indemnisation devrait être le dernier recours et des mécanismes devraient empêcher les abus. Les critères d'admissibilité à cette indemnisation devraient fortement encourager les parties à conclure des accords d'intendance et des plans de rétablissement pour réduire les impacts. Le fait qu'une indemnisation soit offerte ne devrait pas en soi créer des incitatifs pervers. L'indemnisation pourrait ne pas être nécessairement financière, mais offerte aussi sous d'autres formes.
Le gouvernement doit prendre en considération les obligations internationales et réciproques du Canada en matière d'indemnisation des entreprises pour des pertes engendrées par une activité gouvernementale. Les entreprises canadiennes oeuvrant au Canada ne devraient pas être désavantagées par rapport aux entreprises étrangères oeuvrant au Canada, ou par rapport aux entreprises canadiennes oeuvrant dans d'autres pays.
Enfin, il existe une grande différence entre des incitatifs et une indemnisation. Si nous voulons que la Loi sur les espèces en péril soit efficace et juste, ces deux éléments doivent être conçus de façon à se compléter.
Nous sommes convaincus qu'un système d'indemnisation qui ne traiterait pas les intervenants de façon équitable découragerait l'exploitation des ressources naturelles au Canada et mènerait probablement à des litiges, sans nécessité. D'après nous, le gouvernement devrait être obligé d'établir les critères d'admissibilité dans la loi, et pas seulement dans les règlements.
Nous invitons instamment ce comité à agir pour protéger les intérêts légitimes de tous les Canadiens et s'assurer que les principes que nous avons décrits sont inclus dans le projet de loi C-33.
Merci beaucoup.
Le président: Merci, monsieur Gratton.
C'est à qui, maintenant?
Mme Elizabeth May: Mes commentaires seront très brefs.
Dans notre mémoire, nous parlons aussi des articles qui traitent des exemptions—les articles 74, 75 et 83. Bref, il est plus facile d'exempter une espèce de la protection que d'en protéger une. Nous recommandons que le libellé de ces articles soit resserré pour limiter la discrétion ministérielle, augmenter la consultation et assurer la transparence.
Cela dit, je vais demander à Tony de dire quelques mots au sujet des accords d'intendance.
Le président: Monsieur Tony Rotherham.
M. Tony Rotherham: J'ai commencé à lire ce projet de loi au début d'avril. Même si j'étais un peu inquiet, je suis rapidement tombé sur les articles portant sur les accords d'intendance et de conservation. Ma première réaction a été très positive, parce que ces articles permettaient que des activités prises de concert avec les intervenants soient clairement stipulées dans la loi. Ainsi, les entreprises que je représente et qui gèrent de vastes territoires auraient l'occasion de participer au processus de façon proactive, en collaboration avec les autres acteurs.
Cependant, comme j'ai eu quelque expérience avec la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, je me suis dit: Seigneur, il y a là un problème; étant donné que le fédéral est impliqué et qu'on devra peut-être avoir recours à des permis, peut- être que les organisations qui signent ces accords seront en fait assujetties à une évaluation environnementale en vertu de la loi. À mon avis, ce ne serait pas bien. Nous en avons discuté en long et en large avec le GTEP, et avons convenu que ce ne serait pas une bonne chose.
• 1010
Ces accords seront élaborés par des biologistes de la faune et
d'autres personnes responsables de la gestion des ressources
naturelles, en vue expressément d'avoir un résultat positif sur les
espèces et leur habitat. Pourquoi alors ajouter un processus qui
fera double emploi pour vérifier ce travail et pour vérifier que
cela n'aura pas d'effet négatif?
Nous recommandons qu'il y ait dans le projet de loi une exemption explicite de la LCEE touchant les plans de rétablissement, l'intendance et les accords de conservation, de même que les permis mentionnés aux articles 74, 75 et 78. J'aimerais que les sociétés qui oeuvrent dans le domaine de la gestion des ressources naturelles partout au Canada, et qui ont l'occasion de modifier un effet positif, soient en mesure d'aller de l'avant sans se préoccuper de l'imposition possible d'évaluations environnementales sur le reste de leurs opérations.
Pour ce qui est des propriétaires privés...
M. Gary Nielsen: Rapidement donc, ce sont les éléments d'intendance qui vont permettre d'obtenir des résultats sur les terres privées, ce qui couvre une bonne partie du sud de l'Ontario. Cela ne fait aucun doute. Beaucoup de personnes veulent agir dans le bon sens, mais lorsqu'il s'agit d'imposer des restrictions sur ce qu'ils peuvent faire sur leurs propres terres, ce sont souvent les petites choses qui sont importantes. Souvent, le moment et la façon qu'ils reçoivent les renseignements peuvent influencer leur décision.
Les propriétaires méritent d'être avisés lorsqu'il y a des espèces particulières sur leur propriété. Une fois qu'ils en sont avisés, on devrait leur dire qu'ils ont des options en matière de gestion. Si on leur dit en même temps qu'une indemnisation est possible s'il y a désavantage économique, tant mieux. C'est cela qui va permettre que le tout fonctionne convenablement. Si la première fois qu'ils entendent parler d'une espèce en péril sur leur propriété c'est lorsque leur demande est refusée suite à une évaluation qui démontre qu'une espèce vit sur leur propriété, et qu'ils se font dire qu'il ne peut pas y avoir de changement, ils seront choqués et ils ne seront pas contents, c'est sûr. Ils vont ensuite interjeter appel, et nous allons dépenser de l'argent en poursuites juridiques.
Essentiellement, si nous essayons vraiment de protéger des espèces, à ce moment-là il faut investir de l'argent dans l'intendance dès le départ, plutôt que de se retrouver dans des conflits juridiques par la suite. Tout simplement, si nous voulons vraiment sauver des espèces en péril, nous devons travailler avec les personnes qui sont propriétaires des terres où vivent ces espèces. Il n'y a pas d'autre façon de procéder.
Merci.
Le président: Merci.
Qui est le suivant?
M. Pierre Gratton: Je voulais faire simplement un certain nombre de commentaires au sujet des modifications corrélatives à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale qui se retrouvent dans la LEP. Nos recommandations sont assez simples et claires, mais revêtent quand même énormément d'importance.
Nous convenons tous que l'objet de la LEP est de protéger les espèces en péril, et nous convenons tous que cet objectif doit faire partie de tout futur projet et que les nouveaux développements doivent tenir compte des objectifs de la LEP et du besoin de protéger les espèces en péril. C'est important. Dans un environnement post-LEP, je crois que nous voulons que le Canada exige que les projets futurs tiennent compte des questions suivantes: y a-t-il, dans cette région, des espèces inscrites sur la liste, à quoi ressemblent leurs résidences; quelles zones spécifiques sont désignées comme habitat essentiel; de quelle façon ce projet peut-il avoir une incidence sur l'habitat essentiel d'une espèce figurant sur la liste; et quelles sont les chances de survie et de rétablissement si le projet est approuvé. Dans ce sens, nous appuyons de toute évidence l'intention des modifications proposées par le gouvernement à la Loi. Par contre, nous sommes un peu inquiets du fait que ces amendements ne sont pas suffisamment clairs et sont probablement involontairement complexes et onéreux. Leur objet devrait être de favoriser, et non de décourager, l'exploitation des ressources.
Dans notre mémoire, nous recommandons des changements précis aux paragraphes 79(1) et (2) et à l'article 136. Aux paragraphes 79(1) et (2), nous recommandons que l'on modifie le libellé du projet de loi sur les espèces en péril pour qu'il concorde avec l'accent qui place la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale sur les effets nocifs par opposition aux simples effets. Le mot «nocif» n'est pas inclus dans le projet de loi, mais c'est peut-être un oubli. Dans le cas de l'article 136, nous proposons un nouveau libellé qui met moins l'accent sur la résidence des individus pour garantir que les nouveaux projets tiennent compte de façon plus générale de la survie et du rétablissement des espèces en péril. Nous incitons le comité à réfléchir sérieusement à ces propositions vu que, selon nous, elles ne s'opposent nullement aux intentions du projet de loi, mais visent plutôt à les préciser et peut-être même à les renforcer.
Cette année, le Comité consultatif réglementaire du ministre de l'Environnement, qui comprend des représentants de l'industrie et du Réseau canadien de l'environnement, est parvenu à un vaste consensus quant aux améliorations à apporter à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale dans le cadre de son examen quinquennal, comme nous l'avons fait de notre côté.
• 1015
Le ministre a signalé qu'il acceptait le consensus. La
situation va peut-être changer maintenant que s'annoncent des
élections, mais nous avions espéré que ces changements feraient
l'objet d'un projet de loi avant les élections parce qu'ils
pourraient faire beaucoup pour apaiser les craintes de tous les
intervenants relativement au processus d'évaluation
environnementale du gouvernement fédéral. Je le signale simplement
parce que ce serait vraiment malheureux qu'une autre mesure
législative, en l'occurrence le projet de loi sur les espèces en
péril, fasse obstacle à ce remaniement de la LCEE qui est le fruit
de bien des mois de travail pour en arriver à un consensus.
Le président: Merci, monsieur Gratton.
Je donne maintenant la parole à M. Peeling.
M. Gordon Peeling: Monsieur le président, je vais faire une brève conclusion pour que nous puissions passer rapidement aux questions.
Le président: D'accord.
M. Gordon Peeling: Mes collègues vous ont parlé de bon nombre de questions importantes relatives aux améliorations que nous voudrions voir apporter au projet de loi vu que l'adoption de la mesure sur les espèces en péril constitue un jalon important pour notre pays. Son adoption fera bien plus que répondre aux nobles idéaux de tous les protecteurs de l'environnement puisqu'elle répondra directement et tout autant aux intérêts commerciaux de l'industrie des ressources du Canada.
Les industries minières et forestières du Canada, qui vendent la plus grande partie de leurs produits aux marchés étrangers, doivent prouver qu'elles peuvent bien gérer leurs ressources si nous voulons conserver notre accès à ces marchés. Le projet de loi sur les espèces en péril est un élément clé pour montrer que nous pouvons être de bons gestionnaires des terres du Canada au nom de tous les Canadiens, comme nous prétendons l'être.
Il ne faut pas sous-estimer l'importance de cette entreprise. Dans les cinq années qui suivront l'adoption de ce projet de loi, on pense que le nombre de plans de rétablissement passera de 20 à l'heure actuelle à un chiffre se situant entre 50 et 100. Cela représente une croissance importante. Nous devons donc nous assurer que nous prendrons les ressources et le temps nécessaires pour bâtir la capacité qu'il faudra pour répondre aux besoins de la nouvelle loi. Nous devons éviter de créer un encombrement en essayant d'en faire trop trop rapidement et en oubliant les moyens les plus efficaces de protéger le plus grand nombre possible d'espèces en péril et de faciliter leur rétablissement.
Ce matin, nous avons parlé de la plus grande partie de nos recommandations, mais pas de toutes. Je voudrais vous signaler que l'annexe de notre mémoire comprend toutes nos recommandations et je vous prie de les examiner attentivement. S'il donne suite à nos recommandations, le gouvernement pourra adopter une loi efficace pour la protection des espèces en péril. Ces recommandations ne pourront certes pas résoudre tous les problèmes. Dans notre régime fédéral, le gouvernement fédéral ne peut pas tout faire seul, mais en adoptant la mesure que nous proposons, il peut faire preuve de leadership d'une façon qui encouragera tous les secteurs de compétence au Canada à faire leur part.
Nous savons que les changements que nous proposons représentent des révisions importantes au projet de loi sur les espèces en péril. Nous savons aussi que nous n'avons plus beaucoup de temps, mais notre groupe a longuement travaillé pour élaborer et proposer des mesures de protection des espèces qui conviendront à toutes les espèces et à tous les intéressés et nous manquerions à notre devoir si nous n'exprimions pas les opinions que nous avons exprimées aujourd'hui.
Nous félicitons le gouvernement fédéral de tout ce qui a été accompli jusqu'ici, mais il reste encore beaucoup à faire. Nous incitons votre comité et le gouvernement à terminer le travail.
Merci.
Le président: Je vous remercie, monsieur Peeling et tous les membres de votre délégation, de vos conseils et de vos commentaires.
Ceux qui veulent poser des questions sont M. Abbott, M. Herron, M. Reed et Mme Redman. Il y en aura peut-être d'autres, y compris le président. Monsieur Abbott, vous avez cinq minutes pour commencer.
M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Alliance canadienne): Parfait, merci.
Je tiens à féliciter sincèrement le Groupe de travail sur les espèces en péril. Il me semble que c'est quelque chose d'assez particulier, ou plutôt de tout à fait particulier. La façon dont les divers groupes qui semblent souvent être à couteaux tirés en public ont pu collaborer à l'étude de ce projet de loi montre bien la bonne volonté de tous ceux qui ont fait partie du comité et des groupes qu'il représente. Je vous en félicite sincèrement.
C'est vraiment malheureux—et, parce que je tiens à rester neutre, je vais essayer de m'exprimer de façon tout à fait impartiale—qu'une mesure comme le projet de loi sur les espèces en péril, vu l'importance qu'il a pour ces espèces et pour les Canadiens, fasse naufrage sur les écueils des prochaines élections, surtout si l'on songe à tout le travail accompli par le Groupe de travail sur les espèces en péril et de bien d'autres à ce sujet.
• 1020
Je tiens donc à préciser, et vous voudrez peut-être insister de votre
côté sur certaines de mes observations, que, vu la diversité
exceptionnelle de votre groupe et les sérieuses recommandations que
vous avez formulées, il faudrait à mon avis donner la toute première
priorité à une mesure comme le projet de loi sur les espèces en péril
lors de la prochaine législature. Je suis tout à fait d'accord avec le
président du comité à ce sujet. Au lieu qu'on reprenne simplement le
projet de loi actuel... Je partage bon nombre de vos préoccupations et
je serais tout à fait d'accord pour qu'on tienne compte de vos
recommandations.
Il me semble qu'on ne peut pas toujours dire que les environnementalistes se rangent d'un côté et l'industrie et les propriétaires des terres de l'autre. Les trois groupes ont réussi à s'entendre. Si nous examinons ces trois secteurs, celui de l'industrie et des propriétaires, celui de la protection de l'environnement et celui de la bureaucratie, il me semble que deux de ces secteurs ont déjà réussi à s'entendre.
Pendant la prochaine législature, je voudrais bien que le ministère de l'Environnement tienne compte de toutes vos recommandations dans tout projet de loi qui nous sera proposé à l'avenir.
À mon avis, le projet de loi sur les espèces en péril représente une amélioration certaine sur les mesures précédentes. Il me semble que, si l'on donne suite à vos recommandations, nous serons encore beaucoup plus près des mesures qu'il nous faut vraiment. Je voulais simplement faire ces quelques observations au lieu de vous poser des questions précises au sujet de vos recommandations. Je m'excuse d'avoir raté une partie de votre exposé, mais après avoir écouté certains de vos propos et avoir jeté un coup d'oeil à votre mémoire, il me semble que ce que vous nous dites nous donne matière à réflexion et que le gouvernement devrait en tenir compte.
Le président: La question serait sans doute: «N'est-ce pas?» Quelqu'un veut-il répondre? Y a-t-il des commentaires?
Mme Elizabeth May: Pour gagner du temps, nous devrions peut- être passer à d'autres questions, mais nous sommes très heureux de ce que vous avez dit, monsieur Abbott.
Le président: Merci, monsieur Abbott.
Monsieur Herron.
M. John Herron (Fundy—Royal, PC): Je ne serai probablement pas aussi poétique que M. Abbott, mais je suis cependant d'accord avec ce qu'il a dit. La coalition que vous avez formée est sans précédent, et je m'adresse surtout aux représentants de l'industrie.
On a souvent l'impression que l'industrie des pâtes et papiers et l'industrie minière sont les ennemis de l'environnement. Ce qu'il faudrait faire comprendre à tous les Canadiens, c'est que l'Association canadienne des pâtes et papiers et l'Association minière du Canada veulent contribuer à titre de partenaires au maintien de notre biodiversité et de notre environnement.
Alors, chapeau bas! Bravo! Je pense d'ailleurs que je me fais l'écho ici de l'opinion générale des parlementaires.
Cela dit, et je dois revenir ici au document de travail du Parti conservateur relatif à la protection des espèces en péril, le terme que nous utilisions à l'université était celui de plagiat. En termes réels, c'est ce que l'on appelle avoir de la ressource. C'est-à-dire que nous avons essayé de suivre, au mieux de notre capacité, la démarche et la position de Stalwart. C'est-à-dire que nous avons essayé d'articuler notre proposition sur la position de cette association, en essayant d'y ajouter les positions d'autres groupes d'intérêt qui nous ont contactés et ont pris langue avec nous.
J'ai quand même quelques réserves relatives au témoignage d'hier. Ma première question sera donc celle-ci: Le projet de loi C-65 prévoyait-il une protection obligatoire de l'habitat essentiel dans la mesure où celui-ci relevait de la compétence fédérale, oui ou non?
M. Marc Johnson: Oui. Le projet de loi C-65, comme vous le savez, est passé par plusieurs phases de développement et certaines répétitions. En fonction des domaines de compétence fédérale, et à différentes phases de discussion du projet de loi, on passait de facultatif à obligatoire. Il est certain que finalement, le projet de loi aussi bien que les amendements du comité acceptés ensuite au Parlement, fixaient de façon plus nette les mesures de protection de l'habitat pour tout ce qui relève de la compétence fédérale.
M. John Herron: Nous aimerions avoir une protection obligatoire pour tout ce qui relève de la compétence fédérale, et notamment les terres domaniales. Est-ce également la position du Groupe de travail sur les espèces en péril?
M. Marc Johnson: Oui, mais nous irions encore plus loin que les simples terres des domaines, c'est-à-dire que tout ce qui relèverait de la compétence fédérale serait visé.
M. John Herron: Je voudrais maintenant aborder la question de la liste. Est-ce que le Groupe de travail, dans un premier temps, serait d'accord pour reprendre la liste du COSEPAC, pour ensuite la modifier au fur et à mesure qu'on procède à l'évaluation?
Mme Sandy Baumgartner: Oui. C'était d'ailleurs une de nos recommandations clés, à savoir reconduire la liste existante du COSEPAC.
M. John Herron: Pourriez-vous m'expliquer pourquoi on ne ferait pas cela tout de suite?
Mme Sandy Baumgartner: Pourquoi pas? Le seul argument effectivement auquel je puisse penser, serait que certaines des espèces visées n'ont pas fait l'objet d'une évaluation depuis plusieurs années. Il y a un certain nombre d'espèces qui sont sur la liste qui n'ont pas été réévaluées depuis 1978. Cependant, le COSEPAC est en train, en ce moment, de procéder à cette révision de la liste, et au moment où le projet de loi sera adopté au Parlement, la liste sera à jour. C'est-à-dire qu'on a passé en revue toutes les espèces en voie de disparition, et on est en train de passer à celles qui sont menacées.
M. John Herron: Pour information, je tiens à faire savoir que j'ai eu vent d'un certain nombre de choses, puisqu'il est bien connu que ma position est très directement liée à celle du Groupe de travail. Le Groupe de travail sur les espèces en péril est une équipe, dont je voudrais pouvoir dire, à chaque fois que l'on m'adresse des critiques, qu'elle est extrêmement soudée. Est-ce que effectivement je peux le dire très largement?
Mme Elizabeth May: Absolument, nous sommes une équipe très soudée, la plus soudée que j'aie jamais connue dans ma carrière au sein des coalitions, et notamment les coalitions de groupes environnementaux. C'est-à-dire que toute l'équipe appuie toutes les recommandations, et aucune campagne de dénigrement ne peut entamer cette cohésion.
M. John Herron: Je peux donc balayer du revers de la main toute accusation dans ce sens.
Mme Elizabeth May: Absolument.
M. John Herron: Est-ce que j'ai encore un peu de temps?
Le président: Oui.
M. John Herron: J'aimerais parler du régime d'indemnisation, qui ne nous satisfait pas complètement, et j'aimerais bien que l'on parvienne à s'entendre. Nous essayons de définir une position, pour notre plate-forme même, qui ressemblerait à quelque chose de l'ordre de «indemnisation si nécessaire, mais pas automatique». Vous pensiez également à un certain nombre de mesures qui ne seraient pas nécessairement financières. Du point de vue des sociétés, pourriez-vous nous donner quelques exemples?
M. Pierre Gratton: Tout dépend du secteur considéré. Dans notre secteur, les mines, ce n'est pas aussi simple, étant donné que le minerai se trouve là où on le trouve. La possibilité d'échange de terres, par exemple, qui pourrait très bien fonctionner pour les forêts ou pour l'agriculture, n'est pas quelque chose de facile dans le domaine minier. Voilà donc quelques exemples auxquels je pense immédiatement.
Tony, vous voulez ajouter quelque chose?
M. Tony Rotherham: Pour les forêts, l'échange de terres est la solution évidente. Pourtant ce n'est pas toujours facile, notamment lorsque la coupe annuelle autorisée, comme nous disons, a déjà été allouée dans la zone. Mais c'est effectivement la façon évidente de procéder. C'est peut-être un petit peu plus facile dans le domaine de l'agriculture, où les parcelles sont plus exiguës, et où il y a même un marché pour ce genre d'échange.
Ce que j'aimerais aussi ajouter, c'est que de notre point de vue, le gouvernement devrait faire tout ce qui est en son pouvoir pour éviter ces procédures d'indemnisation. Voilà pourquoi nous avons fait à cet effet un certain nombre de propositions. L'indemnisation ne devrait pas être seulement un dernier recours parmi d'autres, mais, si vous préférez, le dernier recours de façon absolue. C'est-à-dire que l'effort de planification en matière de rétablissement doit être un effort de collaboration, qui permettra d'éviter les indemnisations dans une large mesure.
• 1030
À notre avis, on ne peut pas avoir de loi ou de règle absolue,
établissant que si vous ne participez pas à ces activités de bonne
intendance de l'environnement, vous n'aurez pas droit à
l'indemnisation. Je pense que ceux qui sont responsables des
formulations dans la loi et le règlement devraient dire, comme on
le fait dans les publicités de recrutement, qu'il vous serait
avantageux de participer à ces activités d'intendance,
planification de rétablissement, etc., puisqu'il s'agit de limiter
les pertes pour tout le monde; et si vous faites tout ce qu'il
faut—si vous faites preuve de diligence raisonnable, si vous
voulez—pour limiter vos pertes et que vous n'y arrivez pas, vous
aurez à ce moment-là droit à une indemnisation. Voilà comment on
devrait rédiger la loi, mais ce serait simplement exprimé de façon
plus nuancée.
Lorsqu'on s'engage dans ces discussions, très souvent, et notamment lorsqu'il s'agit de ressources naturelles qui relèvent de la compétence provinciale et non pas fédérale, le conflit de compétences crée des problèmes, et très souvent nous en revenons à l'entente de base. Et donc, à l'adresse de tous ces hommes adultes qui sont dans des postes clés et qui ont signé l'entente, nous disons: qu'ils s'en tiennent à l'esprit et à l'objet de l'accord. Nous ne voulons pas que les industriels du secteur des ressources naturelles soient pris dans un conflit de compétence, sans possibilité de s'en sortir.
M. John Herron: Merci.
Le président: Merci, monsieur Herron.
Monsieur Reed, et ensuite madame Redman et madame Whelan.
M. Julian Reed (Halton, Lib.): Merci, monsieur le président.
J'aimerais vous féliciter tous pour ce que vous nous avez exposé et proposé. C'est la première fois depuis le début de ces audiences que nous avons entendu parler de «responsabilité urbaine». C'est la première fois aussi que l'on nous dit que les «coûts devraient être répartis entre tous». Cela me tient à coeur, parce que je vis justement à la périphérie de grandes concentrations urbaines, et je comprends que ceux qui vivent dans ces villes doivent eux aussi reconnaître qu'à chaque fois qu'ils se servent de la chasse d'eau, cela a des conséquences pour nos espèces. On a trop souvent eu l'habitude de croire, dans les villes du Canada, ou du moins pour ceux qui vivent au sud de la 401 à Toronto, que les espèces en voie de disparition se limitent à la chouette des terriers, au grizzly, au mépris par exemple des espèces aquatiques.
On a par exemple parlé du Massasauga. Moi je vis tout près de l'escarpement du Niagara, et je me souviens de mon grand-père m'expliquant pourquoi ce serpent à sonnette avait disparu de la région. C'était plus une question d'élevage de porc, que d'urbanisation. C'est-à-dire que les agriculteurs amenaient leurs cochons, qui se dispersaient ensuite dans le bois. Ils mangeaient les glands, et ce que la forêt pouvait leur offrir. C'est-à-dire que le fermier ne leur donnait pas souvent de céréales. Les serpents à sonnette leur donnaient les protéines nécessaires, dans la mesure où il y en avait. Je ne sais pas si l'histoire est absolument fiable, mais je sais que mon grand-père n'avait pas l'habitude de mentir.
La liste du COSEPAC en inquiète certains, et je ne sais pas ce que l'on peut faire à ce sujet. On y trouve des espèces que l'activité humaine décime, aussi bien que des espèces qui sont sans rapport avec les effets de notre activité; on ne semble pas faire la différence. Traditionnellement, des espèces disparaissaient sans que cela soit la conséquence de ce que les hommes pouvaient bien faire. Des milliers d'espèces sont apparues, et d'autres ont disparu au fil des millénaires. Or le projet de loi traite essentiellement des conséquences de l'activité humaine. Est-ce que vous pouvez faire la différence?
Mme Sandy Baumgartner: En ce qui concerne les processus du COSEPAC—et si vous avez l'occasion de rencontrer les membres du COSEPAC plus tard cette semaine, ils pourront vous l'expliquer de façon plus détaillée—je crois que l'objectif de la liste est simplement de donner un aperçu de la situation de ces espèces. Bien sûr, si une espèce connaît une décroissance en raison de processus naturels, lors de la prochaine étape de l'établissement des priorités en matière de rétablissement, aucune mesure ne sera peut-être nécessaire ni requise. Cela suit le processus d'inscription; je ne crois donc pas qu'il soit nécessaire de s'en occuper. Il ne fait aucun doute que l'on indique dans les rapports de situation quelles sont les répercussions et les raisons pour lesquelles l'espèce connaît une décroissance.
M. Marc Johnson: Simplement pour compléter cette observation, il existe des espèces, comme vous le mentionnez, qui sont naturellement rares. Elles se trouvent dans des zones isolées. Le COSEPAC ne vise pas à désigner les espèces qui sont naturellement rares. Il veut repérer les espèces qui sont en voie de disparition; autrement dit, les espèces qui sont en décroissance. Les espèces inscrites sur la liste sont toutes menacées de disparition d'une façon ou d'une autre. Comme Sandy l'a indiqué, grâce au programme de rétablissement, le COSEPAC déterminera en quoi consistent ces menaces et y donnera suite en conséquence. S'il n'existe pas de menaces résultant de l'intervention de l'homme, alors il n'y a rien que l'on puisse faire.
M. Julian Reed: J'ai simplement une autre question. Nous avons discuté récemment de cette question de compétence au nord du 60e parallèle. D'après mon interprétation de l'information—et il est possible que je me trompe—les territoires sont traités de la même façon que les provinces. Autrement dit, les relations sont les mêmes. Si cette compétence existe dans les provinces, elle devrait exister aussi au nord du 60e parallèle. Quelqu'un aimerait-il commenter la chose?
M. Marc Johnson: Oui, j'aimerais commenter la chose.
Ils sont en fait traités avec plus d'égard que les provinces, ce qui est assez étonnant. Tout d'abord, comme vous le savez, les terres au nord du 60e parallèle sont des terres qui appartiennent au gouvernement fédéral. Dans le cadre de cette loi qui prévoit des mesures de protection de l'habitat, ils ne sont pas traités comme relevant de la compétence fédérale principale. À cet égard, ils sont traités de la même façon que les provinces, en ce sens que la seule possibilité de protection des espèces qui se trouvent dans ces régions réside dans les mesures dites de filet de protection. Nous en avons parlé, et nous considérons qu'elles sont quelque peu compliquées et impraticables.
La situation au nord du 60e parallèle est différente de celle qui existe dans les provinces en ce sens que le processus de rétablissement pour les espèces où qu'elles se trouvent, que ce soit sur des terres provinciales ou fédérales, est enclenché pour ces espèces. Ce processus n'est pas enclenché pour les espèces qui se trouvent au nord du 60e parallèle, et cela nous étonne. C'est une situation qui nous inquiète et nous l'indiquons dans notre mémoire. Nous ne voyons pas pourquoi des plans de rétablissement ne devraient pas être établis pour toutes les espèces partout au pays, où qu'elles se trouvent. À cet égard, les territoires sont traités différemment des provinces.
M. Julian Reed: J'aimerais simplement faire une dernière observation, monsieur le président. Je suis ravi que l'on reconnaisse la nécessité de protéger les propriétaires fonciers. À mon avis, cela est absolument essentiel si l'on veut que ce projet de loi soit efficace.
Merci.
Le président: Merci, monsieur Reed.
Madame Redman.
Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.
Monsieur Johnson, vous avez déclaré sans hésiter à plusieurs reprises que vous appuyez la protection obligatoire de l'habitat essentiel sur les terres fédérales. Seriez-vous favorable à ce que la LEP prévoie la même protection de l'habitat essentiel sur les terres provinciales et privées également?
M. Marc Johnson: Tout d'abord, il y a la question des terres et la question des compétences. Dans mon mémoire, j'ai indiqué que pour les espèces aquatiques et les oiseaux migrateurs, sous réserve d'éclaircissement, nous aimerions que la LEP s'étende à ces espèces également. En ce qui concerne les espèces autres que les oiseaux migrateurs et les espèces aquatiques, il y a les dispositions dites du filet de sécurité prévues dans la LEP qui en traitent. Elizabeth en a un peu parlé.
L'Accord pancanadien pour la protection des espèces en péril est un document historique qui a été signé par l'ensemble des gouvernements provinciaux, territoriaux et fédéral, et nous pensons que c'est le point de départ de la protection des espèces en péril au Canada. Toutes les administrations ont la responsabilité de protéger les espèces en péril, et elles doivent toutes s'acquitter de ces responsabilités. Parallèlement, il faut que l'on ait la certitude qu'ensemble elles protégeront les espèces en péril dans ce pays. Le filet de sécurité visait à fournir cette certitude. Mais ici encore, comme nous en avons discuté, nous estimons que ce filet de sécurité laisse à désirer.
Mme Karen Redman: Donc, vous répondez par un non mitigé. Vous ne croyez pas que cela devrait être obligatoire en ce qui concerne les terres privées et provinciales.
M. Marc Johnson: Je crois que toutes les sphères de compétence devraient avoir la possibilité de faire leur travail.
Mme Karen Redman: De faire ce qu'elles doivent faire?
M. Marc Johnson: Oui, mais au bout du compte il faut avoir la certitude que les espèces en péril seront protégées.
Mme Karen Redman: Très bien, je vous remercie.
J'ai une question pour M. Rotherham: votre présidente et chef de la direction, Lise Lachapelle, de l'Association canadienne des pâtes et papiers, a approuvé par écrit les questions du Groupe de travail sur les espèces en péril à ce comité. Dans quelle mesure les entreprises membres de l'Association canadienne des pâtes et papiers et plus précisément celles installées en Colombie- Britannique et en Alberta appuient-elles les recommandations du Groupe de travail concernant les interdictions fédérales automatiques sur les terres d'un bout à l'autre du Canada?
M. Tony Rotherham: Tout d'abord, nous considérons la protection de l'habitat faunique et des espèces sauvages—surtout les espèces en péril—comme un élément central de la gestion durable des forêts. La gestion durable des forêts est une responsabilité provinciale, territoriale et fédérale. Par conséquent, il s'agit d'une politique nationale qui est en vigueur depuis 1992.
Les lois provinciales sur la foresterie sont en train de s'orienter en ce sens. Les politiques des entreprises visées par les lois provinciales et cette orientation stratégique nationale vont également dans ce sens. Comme Gordon Peeling l'a dit, cela est non seulement important pour un pays bien organisé au XXIe siècle—ou au XXIIe siècle ou quel que soit le siècle où nous nous trouvons à l'heure actuelle—mais cela est aussi important pour établir notre réputation comme bons gestionnaires des ressources naturelles et, par conséquent, fournisseurs de produits à base de ressources naturelles capables de répondre aux besoins du monde. Il s'agit d'un aspect très important du bien-être économique du Canada, et il faudrait que tous les Canadiens considèrent important que cela soit bien fait et soit fait de façon responsable et durable.
Cependant, les industries d'exploitation des ressources naturelles, et cela vaut certainement pour l'industrie forestière et peut-être à un degré moindre pour l'exploitation minière et l'industrie pétrolière, relèvent dans l'ensemble de la compétence provinciale. Par conséquent, il faudrait revenir à l'accord. Comme je l'ai déjà mentionné, ce sont en majeure partie des hommes adultes en complet-veston qui ont signé l'accord. Nous aimerions que l'objet et l'esprit de l'accord soient mis en oeuvre de façon que nous ne soyons pas aux prises avec des problèmes de compétence.
À titre d'exemple, l'industrie pour laquelle je travaille a probablement quatre niveaux de contrats juridiques avec les gouvernements provinciaux. Il y a un document général de dix ans. Il y a un plan à long terme de gestion forestière approuvé par les gouvernements provinciaux. Il y a habituellement un plan de développement sur 10 ans approuvé par les gouvernements provinciaux et un plan d'exploitation d'un an approuvé par les gouvernements provinciaux. Ils représentent tous des contrats légaux signés entre deux parties compétentes.
S'il y a conflit de compétences, l'industrie risque fort de se retrouver entre l'arbre et l'écorce. Ne sachant pas vers qui se tourner pour continuer à mettre en oeuvre ces contrats légaux, elle se trouverait probablement dans l'impossibilité de les exécuter en vertu d'une loi fédérale.
Nous sommes extrêmement préoccupés par le conflit de compétences que risque de soulever toute cette affaire. C'est pourquoi nous nous sommes donné comme grand objectif philosophique et moral de vouloir véritablement faire ce qu'il faut faire, de montrer que nous faisons ce qu'il faut faire et de jouer un rôle actif à cet égard. Quoi qu'il en soit, nous craignons que le conflit de compétences entre les deux paliers de gouvernement risque de nuire d'une certaine façon au déroulement de nos activités.
Nous y sommes donc tout à fait favorables. C'est pourquoi Robert et moi-même y travaillons depuis deux ans et faisons partie de l'équipe solide que vous voyez devant vous. Ce genre de choses à la fin pose problème au sein d'une confédération, mais nous espérons du fond du coeur que les gouvernements concernés choisiront la bonne voie pour que nous puissions réaliser notre objectif sans causer beaucoup de dégâts sur le terrain.
Mme Karen Redman: Avec votre permission, je voudrais poser une dernière question à Mme Baumgartner.
Je crois que tous ceux qui ont pris part à toutes ces discussions s'accordent pour dire que l'objectif à viser, c'est d'établir une bonne base scientifique pour l'inscription des espèces menacées. De toute évidence, le COSEPAC fait un excellent travail depuis un certain temps déjà.
À mon avis, la divergence d'opinions quant au processus d'inscription ou au processus inverse est attribuable davantage aux interdictions et aux obligations systématiques prévues par la LEP qui déterminent ce qui est une inscription légale ou une inscription opérationnelle. J'aimerais que vous éclairiez ma lanterne à ce sujet. Lorsque vous parlez de la radiation d'une espèce ou de l'option négative, vous pouvez facilement imaginer que cela a une connotation négative dans l'esprit de bien des parlementaires.
Mme Sandy Baumgartner: Oui.
Mme Karen Redman: Pour revenir au processus de radiation, est- ce que vous considérez que cela se fait isolément des autres types d'interdictions, ou est-ce que celles-ci seraient maintenues systématiquement? Si je vous pose la question, c'est que j'ai à l'esprit la recommandation qui veut que l'on tienne également compte des aspects socio-économiques de certaines de ces décisions.
Mme Sandy Baumgartner: S'il fallait opter pour un processus en vertu duquel le COSEPAC établirait la liste des espèces en péril, et que cette liste deviendrait la liste officielle en vertu d'un décret, nous craignons que certaines espèces ne soient radiées de la liste officielle pour quelque raison que ce soit. En fait, nous cherchons une solution qui rendrait plus difficile et plus rigoureuse la radiation d'une espèce inscrite par le COSEPAC. Je crois que c'est l'application de l'interdiction qui pose problème. Si pour une raison quelconque l'interdiction ne devait plus s'appliquer à une espèce en particulier—et je m'excuse s'il n'y a pas d'exemples qui me viennent à l'esprit, car je ne pense pas qu'il y ait des gens qui veuillent délibérément causer du tort à une espèce en péril—, on pourrait alors décréter la radiation de cette espèce de la liste officielle. J'imagine que cela obligerait le gouvernement à montrer de façon plus rigoureuse et plus justifiée les motifs de la radiation.
Pour ce qui est de l'aspect socio-économique, nous pensons à l'unanimité que les considérations socio-économiques devraient être reléguées au second plan. Si l'on veut réellement avoir une idée claire des espèces en péril au Canada, il faut accorder la priorité à la science et à la science uniquement. À partir du moment où l'on commencera à faire intervenir des aspects socio-économiques dans le processus d'inscription, les choses s'embrouilleront. On ne réussira probablement pas à inscrire des espèces, car on passera tout son temps à déterminer si une espèce devrait être inscrite ou non en tenant compte d'autres considérations. C'est une question que nous avons tranchée, et nous sommes catégoriques: il faut se fonder sur la science et la science uniquement.
Mme Karen Redman: Je vous remercie.
Le président: Merci, madame Redman.
Grâce à la rigueur du président, nous avons le temps de faire un deuxième tour de questions. Que les membres du comité qui veulent poser des questions veuillent bien me le signaler.
Nous commencerons par Mme Whelan, ensuite M. Knutson, après quoi je prendrai la parole, à moins que quelqu'un d'autre ne veuille intervenir.
Mme Susan Whelan (Essex, Lib.): Ma question rejoint celle de Mme Redman et se rapporte aux dispositions obligatoires. Je crois comprendre d'après votre mémoire que vous êtes d'avis que les provinces devraient imposer des dispositions obligatoires. Je voudrais maintenant revenir aux propos de M. Johnson, et je ne sais pas s'il a pris des distances par rapport à ce qu'il a dit ou non. Je voudrais tout simplement m'assurer d'avoir bien compris votre position.
Mme Elizabeth May: Permettez-moi de préciser notre position, notamment à la lumière de ce que Mme Redman a dit. Notre groupe estime qu'il est essentiel que les mesures d'interdiction de tuer volontairement des espèces en péril ou de détruire leur résidence s'appliquent uniformément à l'échelle du pays, qu'importe le territoire, le milieu marin ou le mode de propriété. La portion fédérale de l'accord national doit être mise en oeuvre en bonne et due forme pour que le gouvernement fédéral assainisse ses pratiques, en adoptant des dispositions obligatoires relatives à l'habitat dans les régions sous responsabilité fédérale.
Donc, dans le cas des interdictions, nous préconisons leur application uniforme. Pour ce qui est de la protection de l'habitat, nous voulons que le gouvernement fédéral s'occupe de toutes les régions sous sa responsabilité, le but étant essentiellement d'éviter que ce projet de loi n'essaye de placer de nouvelles régions sous tutelle constitutionnelle fédérale et créer ainsi de graves dangers.
Nous avons essayé de formuler des recommandations. Pour ce faire, nous avons sollicité l'aide d'un expert-conseil juridique en matière constitutionnelle, et ensemble, nous avons tenté de définir le rôle approprié d'un projet de loi fédéral. Nous avons conclu qu'il fallait d'abord viser les régions qui relèvent strictement de la compétence fédérale. Le gouvernement fédéral devrait donc agir dans les limites légitimes de sa compétence.
Mme Susan Whelan: Madame May, j'aurais un petit éclaircissement à vous demander. Quand on parle de conservation, est-ce que vous dites que les programmes de gestion... À titre d'exemple, la province de l'Ontario est aux prises avec un grave problème qui concerne les cormorans; il y a tout un groupe qui s'affaire à trouver une solution à ce problème. Vous ne croyez tout de même pas que l'Ontario ne devrait pas avoir le droit de régler cette question. Les cormorans sont inscrits sur la liste provinciale, mais ils ne le sont pas sur la liste fédérale.
Mme Elizabeth May: À notre avis, le gouvernement fédéral devrait, en vertu de la loi, exercer son pouvoir pour imposer des mesures d'interdiction. Nous voulons promouvoir une attitude...
Mme Susan Whelan: Autrement dit, vous pensez qu'on ne devrait pas avoir de gestion, ni de conservation.
Mme Elizabeth May: Non, ce n'est pas du tout ce que j'ai dit.
Mme Susan Whelan: Justement, c'est la question que je vous pose.
Mme Elizabeth May: Je ne comprends pas en quoi notre position n'est pas claire. C'est peut-être moi qui ne m'exprime pas clairement. Marc, vous pourriez peut-être apporter des éclaircissements.
• 1050
Nous voulons que les gouvernements fédéral, provinciaux et
territoriaux travaillent en partenariat. Nous n'avons jamais eu
l'intention de dire qu'une province ne devrait pas avoir le droit
d'assurer l'intendance et la conservation d'une espèce inscrite au
niveau provincial. Ce n'est pas ce que nous disons dans notre
mémoire.
Mme Susan Whelan: Ce qui me dérange, ce sont les dispositions obligatoires.
M. Marc Johnson: Si j'ai bien compris votre propos, vous craignez que ce que nous proposons ne décourage les provinces et les territoires d'élaborer des programmes de conservation facultatifs. Je crois que les améliorations collectives que nous avons vues de la part des gouvernements fédéral et provinciaux au cours des dernières années témoignent de la volonté de travailler ensemble dans le cadre d'un processus de planification du rétablissement des espèces en péril et de collaborer avec de nombreux intervenants tout au long.
Nous avons discuté longuement de certains aspects négatifs de la LEP. Cela étant dit, l'un des aspects positifs de cette loi est qu'elle établit un processus de planification du rétablissement de toutes les espèces, processus qui permet aux organisations fédérales, provinciales et non gouvernementales de conjuguer leurs efforts et de cerner les périls existants. D'autre part, les gouvernements respectifs peuvent se servir de leurs propres mesures législatives et autres programmes pour éliminer ces menaces. La loi établit donc des mesures de coopération, tout en permettant aux différents gouvernements d'exercer leurs pouvoirs respectifs sur leur territoire.
Mme Susan Whelan: Une dernière petite précision, si vous le permettez, monsieur le président.
Lorsque vous parlez des mesures d'interdiction obligatoires, interdiction de tuer des espèces en péril ou de détruire leur habitat, il ne s'agit pas de cas de conservation ou de gestion de ces mêmes espèces. Ce n'est pas...
Mme Elizabeth May: Je comprends votre confusion maintenant. Voici notre position: les mesures d'interdiction de tuer des espèces en péril ou de détruire leur résidence devraient être obligatoires, sans exemption aucune, un point c'est tout. Cela n'empiéterait pas du tout sur les plans de gestion provinciaux qui se rapportent à l'habitat.
Mme Susan Whelan: Votre réponse ne m'éclaire pas beaucoup plus, mais je vous remercie.
Merci, monsieur le président.
Mme Elizabeth May: Il y a une distinction entre «résidence» et «habitat». Dans notre mémoire, nous nous efforçons de faire comprendre que l'expression «résidence» devrait être définie de façon très précise et limitative, tandis que le mot «habitat» a un sens plus large et différent.
Mme Susan Whelan: Très bien, merci.
Le président: Peut-être qu'au deuxième tour vous pourrez essayer de nouveau.
Monsieur Knutson, s'il vous plaît.
M. Gar Knutson (Elgin—Middlesex—London, Lib.): Pour revenir à ce dernier point, madame May, lorsque vous parlez d'une interdiction totale, de l'absence d'exemption, l'argument invoqué par le gouvernement contre la protection obligatoire de l'habitat essentiel est qu'elle pourrait déclencher certains types de conséquences.
Si j'ai bien compris, même si nous interdisons de tuer un animal ou de détruire sa résidence, par exemple autour du Barrage Diefenbaker... Le ministre a déclaré que si certaines espèces en péril établissaient leur gîte autour du Barrage Diefenbaker, et si certaines d'entre elles risquaient de disparaître, il faudrait ni plus ni moins détruire le barrage. Ai-je raison de penser qu'avec un système de permis, si vous avez, par exemple, une île envahie d'une certaine espèce d'oiseaux qui causent énormément de dégâts ou si, dans des circonstances exceptionnelles, vous voulez déranger, déplacer ou même détruire une résidence, vous pouvez toujours le faire?
Mme Elizabeth May: Oui, et je vous remercie de cette précision, monsieur Knutson.
Les articles 74, 75 et 83—et nous suggérons de les resserrer afin de préciser les activités pour lesquelles l'exemption serait demandée—prévoient qu'il y aura des consultations et ainsi de suite. Mais dans certaines circonstances exceptionnelles, un permis pourra être accordé.
Lorsque je parle d'aucune exemption, je veux parler d'aucune exemption générale comme celle que représente l'article 34 qui soustrait à la loi des régions entières du territoire canadien, et cela à perpétuité, en disant que les interdictions ne s'appliquent pas sur les terres des provinces ou des territoires.
Pour que les interdictions dont nous parlons soient bien claires—et c'était dans l'exposé de Tony—nous disons que, tout comme le Code criminel interdit de torturer un animal domestique, la Loi sur les espèces en péril devrait interdire de tuer, blesser, enlever, etc., intentionnellement une espèce en péril, menacée ou disparue du pays ou de détruire délibérément sa résidence. Cela n'aurait rien de radical. Je suis sidérée que ce ne soit pas déjà dans la loi.
M. Gar Knutson: C'est à moins d'avoir un permis pour tuer l'espèce en question?
Mme Elizabeth May: Si le ministre des Transports le juge nécessaire—on se sert toujours d'exemples hypothétiques qui, selon moi, ne se produiront jamais, comme le cas d'une espèce rare et en péril qui élirait résidence sur une piste d'atterrissage de l'aéroport Pearson et empêcherait ainsi les avions de décoller—il y aura des exemptions permanentes pour assurer la santé et le bien-être du public de même que la santé animale. Nous en avons fait mention dans notre mémoire initial qui a été remis au greffier. Nos recommandations plus génériques figuraient dans notre mémoire aux ministres de la Faune en date du 3 novembre 1998.
• 1055
Pour répondre à votre question, nous voulons resserrer les
exemptions, mais elles existeraient quand même.
Voulez-vous ajouter quelque chose, Sandy?
Mme Sandy Baumgartner: Je voudrais seulement ajouter une chose à propos de l'exemple que vous avez cité, pour souligner l'importance d'identifier les habitats essentiels pour le rétablissement de l'espèce, afin que toutes les parties prenantes discutent du problème, des besoins de l'espèce et conviennent d'un plan d'action commun.
Dans le cas du Barrage Diefenbaker dont vous avez parlé, vous pourriez dire que, si vous pouvez trouver un autre habitat en dehors de la zone critique, vous n'êtes pas obligés d'intervenir du moment que la survie de l'espèce n'est pas... Nous n'allons pas nous mettre à détruire des barrages. Il va falloir discuter de ces questions et trouver ensemble des solutions pour résoudre ce genre de problèmes. Voilà pourquoi il est important d'identifier l'habitat essentiel à l'étape du rétablissement également et de faire participer toutes les parties prenantes au processus, du début à la fin.
M. Gar Knutson: Très bien.
Hier, nous avons parlé de la protection obligatoire des habitats essentiels dans les territoires situés dans le champ de compétence fédéral. Le gouvernement a dit que la difficulté venait notamment du fait que nous avons du mal à définir ce qu'est un habitat essentiel; par conséquent, c'est une question qu'il faut plutôt réglementer, après une certaine période de consultation. Cela exige un certain temps et cela semble être la raison pour laquelle cette question ne doit pas figurer dans la loi. Pourriez- vous nous dire ce que vous en pensez?
M. Marc Johnson: L'expérience a démontré qu'au Canada, au niveau provincial, les provinces qui ont, dans leurs lois, des dispositions obligatoires pour protéger les habitats essentiels sont plus nombreuses que celles qui n'ont que des dispositions discrétionnaires. L'Ontario, par exemple, a des dispositions obligatoires dans sa législation depuis une vingtaine d'années.
M. Gar Knutson: Si vous me permettez de vous interrompre, le gouvernement a fait valoir, hier, que les provinces qui assurent la protection obligatoire de l'habitat n'ont pas de liste.
M. Marc Johnson: Il y a certainement des retards dans l'inscription, et cela pour toutes les provinces, vous avez raison.
M. Gar Knutson: Les provinces disent toutefois que leurs dispositions sont plus précises. Plus la protection de l'habitat est obligatoire, moins les espèces ont de chances de se retrouver sur la liste.
M. Marc Johnson: C'est vrai, et dans certains cas c'est en raison du caractère obligatoire des dispositions. Cela peut être aussi à cause d'un manque de ressources. Mais dans la plupart des cas, ces mesures législatives ont été conçues il y a 10 à 15 ans, bien que certaines soient plus récentes.
La façon dont on envisage la protection des espèces en péril a beaucoup évolué, au Canada, ces deux à trois dernières années. On avait adopté jusqu'ici une approche prescriptible en prononçant des interdictions au lieu de prévoir une approche globale pour planifier le rétablissement des espèces. Cette nouvelle façon de voir les choses permet d'avoir quand même des dispositions obligatoires pour protéger l'habitat, car tous les intervenants chercheront ensemble les mécanismes qui permettront de protéger cet habitat.
Mme Elizabeth May: Si vous me permettez d'intervenir, je voudrais insister de nouveau sur notre proposition concernant la zone tampon.
Comme vous l'avez dit, on ne sait pas toujours où en est l'habitat essentiel au moment d'inscrire une espèce. Nous sommes convaincus que la zone tampon que nous proposons, un mécanisme qui devrait permettre d'établir rapidement ce qu'il faut faire autour de la résidence de l'espèce, permet d'agir rapidement et de mettre des moyens en place, une fois que vous avez entamé le processus de rétablissement, pour identifier l'habitat essentiel. Notre recommandation semble avoir été assez bien accueillie par les provinces. Et en examinant ce projet de loi, nous pensons qu'il est nécessaire de faire quelque chose entre l'inscription et le rétablissement pour élargir la protection de l'habitat.
M. Gar Knutson: Me reste-t-il du temps?
Le président: Une question de plus.
M. Gar Knutson: Pour changer de sujet et revenir à la question de la diligence raisonnable par opposition à l'intention criminelle, quelle est la différence entre la diligence raisonnable et la prudence raisonnable?
M. Tony Rotherham: Je ne suis pas avocat, mais je dirais que...
M. Gar Knutson: Peut-être pourrions-nous laisser les avocats répondre à cela.
M. Tony Rotherham: ... en dehors du contexte du droit, il n'y a peut-être pas beaucoup de différence entre les deux. Mais dans le contexte du droit et pour ce qui est de se défendre d'accusations criminelles, il y a une grande différence entre l'intention coupable et la prudence ou la diligence raisonnable.
M. Gar Knutson: Je comprends la différence pour ce qui est de l'intention coupable. Je me demande simplement pourquoi nous ne pourrions pas demander aux agriculteurs de faire preuve de prudence raisonnable.
M. Tony Rotherham: Vous le pourriez sans doute. Comme Gary l'a laissé entendre, ce sera sans doute possible à l'avenir, après le rétablissement, lorsque les gens comprendront beaucoup mieux ce qui constitue un habitat ou un habitat essentiel ou à quoi ressemble une résidence.
Le problème est que les gens sont extrêmement ignorants. Contrairement à la stupidité, l'ignorance est un défaut auquel on peut heureusement remédier et cela, en informant le public. Voilà pourquoi nous croyons qu'un bon programme d'information est indispensable. Nous devons renseigner les gens afin que la majorité des Canadiens qui veulent bien agir puissent le faire et puissent éviter de mal faire.
Je n'ai peut-être pas très bien répondu, ni de façon très précise, à votre question, mais c'est le mieux que je puisse faire.
Mme Elizabeth May: J'insiste peut-être trop, parce que je crois que je suis la seule avocate parmi les membres de notre groupe, mais je vais vous donner une réponse essentiellement non juridique.
À mon avis, si nous appuyons l'idée que, pour qu'il y ait infraction, il faut qu'il y ait eu intention coupable, c'est à cause des consultations que nous avons eues avec des gens dans toutes les régions du Canada, notamment celles que nous avons eues avec le Partenariat sur l'aménagement du territoire que nous avons rencontré en Alberta. Même si les agriculteurs peuvent prouver devant un tribunal qu'ils ont fait preuve de prudence ou de diligence raisonnable, ils estiment être très victimisés du fait qu'ils auraient à retenir les services d'un avocat pour aller se défendre.
Ce qu'on leur a répondu au Service canadien de la faune—et ce que je leur ai moi-même répondu quand nous en avons parlé initialement—, c'est que cela serait laissé à la discrétion de la poursuite. On ne va pas les poursuivre s'ils ont agi en toute bonne foi. Pourquoi voudrait-on les poursuivre? On ne va pas les traîner devant les tribunaux.
À certains égards, la diligence raisonnable est une très importante source de préoccupation, mais la préoccupation tient sans doute davantage à la perception qu'à la réalité. La préoccupation est toutefois bien réelle sur le terrain, car les gens se disent que, s'ils risquent d'être accusés pour avoir agi en toute bonne foi et de devoir aller devant les tribunaux pour prouver qu'ils ont fait preuve de diligence ou de prudence raisonnable, cela n'a rien d'abstrait. C'est l'idée d'avoir à retenir les services d'un avocat et de devoir aller devant les tribunaux. Cela les effraie et les dissuade de participer et de collaborer à la mise en oeuvre du projet de loi ou aux activités d'intendance. Cela les conduit à cette attitude qui m'a flanqué une peur bleue la première fois qu'on m'en a parlé: cette attitude à l'égard des espèces en péril qui veut qu'on tire, qu'on enfouisse et qu'on la boucle. C'est malheureusement ce que le projet de loi C-65 encourageait, alors c'est pourquoi je considère cette mesure comme ayant à bien des égards une importance symbolique.
Quand il y a intention coupable, les poursuites prévues par la loi s'appliquent dans tous les cas. Ainsi, les propriétaires fonciers qui disent qu'ils n'auraient jamais agi délibérément ou consciemment se sentiront soulagés et plus enclins à participer aux activités d'intendance.
M. Gar Knutson: Très bien.
Le président: Pour le deuxième tour, nous avons donc M. Herron, Mme Redman et peut-être Mme Whelan et M. Knutson, mais je vous demanderais de bien vouloir permettre à la présidence de poser aussi deux questions et de faire une petite intervention.
Pour le principe en tout cas, il semble y avoir convergence d'intérêts, sur le plan intellectuel, de toutes les parties intéressées. Il y a peut-être lieu toutefois d'examiner de façon plus détaillée cette question des considérations socio-économiques et aussi, dans une certaine mesure, selon moi, celle du droit sacré à une indemnisation.
Prenons, par exemple, le cas de la morue. Leslie Harris, de l'université Memorial, avait indiqué qu'il faudrait mettre un terme à la pêche à la morue, et pourtant, pour des raisons socio- économiques, nous avons fait fi de ces avertissements et continué à pêcher jusqu'à ce qu'il faille imposer le moratoire. Il a donc fallu, bien entendu, verser des indemnités. Ce ne sont pas ceux qui avaient pratiqué la surpêche qui les ont payées, mais bien les contribuables canadiens, à raison de 2,1 milliards de dollars qui ont été versés dans le cadre du programme de réduction de l'effort de pêche. En tout cas, nous avons certainement beaucoup tenu compte des facteurs socio-économiques jusqu'à ce que, au niveau politique, nous nous rendions à l'évidence qu'il fallait imposer un moratoire.
• 1105
Qu'on pense au pin blanc de la vallée de l'Outaouais. C'est
maintenant une espèce rare, mais il y a 100 ans, on l'a
certainement exploité à des fins socio-économiques, au point
qu'elle est presque disparue. Est-il question d'indemnisation pour
cette perte? S'il était question d'indemniser les propriétaires de
boisés pour la disparition ou l'absence de pin blanc, quel devrait
être le montant?
Prenons, par exemple, le chêne en Europe de l'Ouest, avec lequel on a bâti les villes d'Amsterdam et de Venise. Il ne reste plus de peuplements de chêne dans le sud de l'Angleterre, ni dans le sud de la Norvège, et il n'y en a pas non plus en Hollande ni dans le nord-est de l'Italie. Quelle leçon pourrions-nous tirer de ce fait en ce qui a trait aux considérations socio-économiques? Nous avons exploité cette espèce jusqu'à ce qu'elle soit presque disparue.
Cette tendance qui se dessine à long terme devrait certainement nous donner à réfléchir avant de nous avancer trop avant sur cette question des considérations socio-économiques.
Excusez-moi, mais je vais parler jusqu'à ce que j'aie fini, si vous le permettez.
Il en va de même pour l'indemnisation. Combien peut-on demander en fait d'indemnisation? La note devra être partagée. Ce sont les contribuables urbains qui auront à payer la majeure partie des sommes versées en indemnisation. Il n'y a pas de mal à cela. Vous savez, c'est une responsabilité qui nous appartient comme société, alors il faut que nous l'assumions tous et que nous nous en acquittions. Mais jusqu'où peut-on aller? Ce qui est juste comme indemnisation pour une espèce peut ne pas l'être pour une autre espèce. Ne nous laissons pas aller à trop compter sur l'indemnisation.
La question que je voudrais poser dans ce contexte concerne le rendement des gouvernements provinciaux pour ce qui est de livrer la marchandise en fait de protection des espèces en voie de disparition qu'ils ont sur leur liste. Ceux d'entre vous qui ont vu ces listes n'ignorent sûrement pas que les gouvernements provinciaux, exception faite d'un d'entre eux, ont livré la marchandise à moins de 25 p. 100 par rapport aux listes qu'ils ont incluses dans leurs lois respectives. Voici donc une question que beaucoup d'entre nous, en tout cas, ont très présente à l'esprit: Comment pouvons-nous compter pleinement sur cette convergence des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, quand le rendement jusqu'à maintenant a été tellement faible? Ce sera utile de savoir ce que vous en pensez.
Mme Elizabeth May: Je sais que vous n'avez pas parlé de cela dans votre question, mais je ne peux pas m'empêcher de parler brièvement de l'effondrement des stocks de morue pour dire que les préoccupations d'ordre socio-économique n'étaient pas primordiales. Si elles l'avaient été, on aurait consulté les milieux de la pêche côtière qui étaient devant les tribunaux et qui essayaient désespérément d'obtenir une évaluation environnementale des quotas, signalant, comme Leslie Harris, que les quotas étaient trop élevés.
Je le répète donc, pour ce qui est d'inclure toutes les parties à la prise de décision, si la morue avait été inscrite—ce qui avait bien sûr été chaudement débattu au COSEPAC et stoppé par le MPO—si la morue du Nord avait été considérée comme une espèce en péril et que la loi qui est maintenant proposée avait été en place—et il nous arrive souvent de travailler à partir de scénarios hypothétiques dans nos discussions de groupe—que se serait-il passé? Nous aurions tellement voulu qu'une loi comme celle qui est proposée soit en place, car nous estimons qu'en inscrivant l'espèce sur une liste «d'espèces en péril», on aurait fait intervenir ceux qui avaient le plus à perdre, c'est-à-dire les petites collectivités côtières plutôt que les groupes qui avaient l'oreille du ministre et qui étaient surtout les multinationales qui ont en fait causé la disparition des stocks de morue.
Le président: N'allons pas blâmer les multinationales ni qui que ce soit d'autre. Le fait est qu'il y a des considérations socio-économiques qui se sont transformées en considérations d'ordre politique et qui ont au bout du compte conduit au moratoire.
Mme Elizabeth May: D'accord, nous n'insisterons pas.
Le président: Excusez-moi, mais vos souvenirs et les miens ne semblent pas coïncider.
Pourriez-vous répondre à ma question, s'il vous plaît?
Mme Elizabeth May: Oui.
Le président: Pourriez-vous nous dire ce que vous pensez de cette menace que pourrait poser le manque de volonté politique de la part des gouvernements provinciaux pour ce qui est de mettre en oeuvre leurs lois respectives de protection des espèces en péril?
M. Robert Décarie: Si vous me permettez de répondre à cette question, je ne pense pas que le gouvernement fédéral ait de leçon à donner aux gouvernements provinciaux. Ce que nous proposons en fait...
Le président: Il ne s'agit pas de donner des leçons, mais bien de savoir ce que vous pensez qu'on pourrait faire pour accroître la détermination politique et les mesures concrètes de la part des gouvernements provinciaux.
M. Robert Décarie: Ce que nous proposons, c'est que le gouvernement fédéral assainisse d'abord ses pratiques pour qu'il puisse ensuite peut-être faire preuve de leadership, au lieu de demander aux autres de faire les choses...
Mme Elizabeth May: Je dirais également que la Loi sur les espèces en péril, avec ses interdictions qui s'appliquent à l'échelle du pays, confirmerait à tout le moins l'intérêt du gouvernement fédéral pour la survie des espèces où qu'elles se trouvent—les interdictions ne sont pas discrétionnaires, mais générales—ce qui, nous l'espérons, favoriserait la création des partenariats essentiels à l'élaboration de programmes de rétablissement pour assurer la protection des espèces en question.
M. Pierre Gratton: Le GTEP n'a pas non plus fait porter ses efforts exclusivement sur le gouvernement fédéral. Évidemment, compte tenu du dépôt de la LEP et de tout ce qui a précédé, nous y avons consacré beaucoup de temps. Cependant, au cours des deux dernières années et demie, nous avons rencontré des représentants des gouvernements provinciaux et les directeurs des services de la faune provinciaux et nous les avons incités à agir eux aussi dans leurs domaines de compétence respectifs.
Le gouvernement fédéral devrait-il, comme vient de le souligner Robert, prendre des mesures concrètes dans les domaines relevant de sa compétence? J'estime que l'initiative revient très nettement aux provinces et il se peut bien que le GTEP ait pour tâche à l'avenir d'approcher les provinces et les territoires pour assurer la réalisation du mandat qu'il estime être le sien.
Le président: Merci.
Oui, monsieur Johnson.
M. Marc Johnson: J'ajouterai tout simplement que je suis d'accord pour dire que les provinces ont encore beaucoup de chemin à faire pour respecter leurs engagements aux termes de l'accord, bien qu'un certain nombre d'entre elles aient pris des initiatives importantes au cours des dernières années. Selon ce qu'a pu apprendre la Fédération canadienne de la nature dans ses échanges avec elles, bon nombre de provinces attendent de connaître la législation fédérale avant de prendre elles-mêmes des initiatives à cet égard ou avant de passer à l'étape de la mise en oeuvre. Nous estimons pour notre part que, dans la mesure où le gouvernement fédéral peut faire preuve de leadership en établissant clairement ses pouvoirs et les dispositions obligatoires correspondantes dans les domaines qui relèvent clairement de sa compétence, les normes exigeantes qui auront été ainsi définies nous permettront à nous, de la Fédération canadienne de la nature, d'inciter les provinces à aller aussi loin.
Le président: Merci, voilà qui est fort utile.
M. Pierre Gratton: Permettez-moi quelques commentaires concernant l'indemnisation, à titre de précision. Ils portent sur ce que vous avez déclaré plus tôt en réponse aux observations de Robert.
Pour ce qui est, par exemple, de l'idée d'intégrer au préambule les considérations d'ordre socio-économique, je ne crois pas que le GTEP ait l'intention de les utiliser comme atout. Après tout, le projet de loi porte sur la conservation des espèces. Nous proposons tout simplement que le processus visant à assurer le rétablissement et la survie des espèces se déroule de telle sorte qu'il tienne compte des dimensions sociales et économiques. On fera donc en sorte d'atténuer le mieux possible les répercussions éventuelles, mais il s'agirait tout de même d'une loi visant à conserver les espèces.
Également, en matière d'indemnisation, le cas de la morue pourrait notamment servir d'exemple. Dans le cas de bon nombre d'espèces, je ne crois pas qu'on ferait preuve d'une sensibilité excessive. Je pense par exemple au cas d'une personne qui gagnerait sa vie à abattre et à empailler des chouettes des terriers. Ce dont il est plutôt question, c'est de situations où le gagne-pain des gens est menacé. Je pense au cas de personnes qui exercent une activité quelconque sur des terres où résident certaines espèces et qui n'ont rien eu à voir avec le processus d'établissement des espèces.
Également en matière d'indemnisation, je tiens à préciser, comme je l'ai signalé au départ en formulant certains principes, que nous sommes d'accord pour dire qu'une certaine souplesse s'impose. Il n'y a pas nécessairement lieu d'indemniser pleinement tous ceux qui sont touchés dans toutes les circonstances; par ailleurs, il ne doit pas nécessairement s'agir d'une indemnisation financière. Dans certains cas, surtout si l'on s'inspire du processus que nous proposons, il sera plutôt nécessaire d'éviter d'indemniser. Il y aura des cas, selon moi, où des sociétés d'exploitation de ressources seront tout à fait disposées à adapter leurs activités sans exiger automatiquement une indemnisation financière du gouvernement fédéral.
• 1115
Il nous semble important que la possibilité existe tout au
moins en principe. Il se peut en effet que certaines initiatives
spectaculaires aient des effets dévastateurs sur des personnes, des
sociétés ou des collectivités. Donc, sans préconiser
l'indemnisation comme solution générale, nous convenons du fait
qu'une certaine souplesse doit exister à cet égard.
Le président: Voilà qui est fort utile et il est certain que les précisions nous permettent de mieux comprendre ce que pensent les gens. Cependant, j'en resterai là.
Comme société, nous semblons certainement très soucieux du sort de ces pauvres créatures en voie d'extinction mais, après nous être généralement apitoyés sur leur sort, nous nous montrons disposés à faire quelque chose dans la mesure où l'on tient compte de certaines dimensions sociales et économiques, des indemnisations nécessaires, et d'une foule d'autres facteurs qui viennent battre en brèche l'idée de départ. Nous devons donc décider à quel point nous allons, comme société, nous engager à résoudre un problème que, tous ensemble, nous avons créé.
M. Rotherham, dans son exposé, a insisté sur le fait que toutes les parties devaient savoir à quoi s'en tenir au sujet des amendes, et je suis bien d'accord avec lui. Mais cela soulève une autre question à laquelle vous, monsieur Rotherham, n'importe qui d'autre, pourriez peut-être répondre compte tenu de l'importance du pouvoir discrétionnaire prévu dans le projet de loi C-33. Bon nombre de dispositions en effet comportent un pouvoir discrétionnaire, ce qui débouche vraisemblablement sur un degré important d'incertitude, notamment pour l'industrie.
Les représentants de l'industrie ne préféreraient-ils pas davantage de certitude, c'est-à-dire des exigences plutôt que des propositions, des dispositions qui accordent moins de pouvoir discrétionnaire au Cabinet et un plus grand degré de certitude?
M. Tony Rotherham: Dans son exposé, Robert Décarie a abordé la question du pouvoir discrétionnaire prévu si l'on pouvait mieux garantir le recours à un processus participatif d'élaboration de plans et de stratégies de rétablissement, où toutes les parties prenantes seraient appelées à présenter leurs idées en matière de conservation et, dans bien des cas, à participer à des processus de gestion adaptative, à des mesures allant dans le sens de la conservation tout en permettant aux organisations et aux particuliers d'assurer leur subsistance à peu près comme ils le faisaient auparavant. De la sorte, nous serions en mesure de rendre moins nécessaire le pouvoir discrétionnaire.
C'est donc une question d'équilibre. Plus les processus et modalités de la loi permettront l'intégration, moins le pouvoir discrétionnaire sera nécessaire. Il y aurait alors plus de certitude, d'une part, à cause d'un recours moindre au pouvoir discrétionnaire mais aussi, d'autre part, parce que les intéressés auraient davantage la certitude d'être intégrés aux premières étapes de planification et d'élaboration des plans de rétablissement et sauraient donc que leurs avis et leurs connaissances seraient respectés.
Le président: D'accord, merci.
Passons maintenant au deuxième tour. Monsieur Herron.
M. John Herron: J'aimerais aborder un sujet dont le président a parlé, à savoir le rapport entre les lois provinciales existantes et la loi fédérale.
À mon avis, il est clair que les provinces imposent davantage d'exigences de protection obligatoire pour les habitats essentiels lorsque ces derniers se trouvent sur des terres provinciales. M. Knutson a justement attiré l'attention sur la problématique possible en matière d'inscription. N'est-il donc pas d'autant plus important de bien veiller à faire de la question de l'inscription une question d'ordre scientifique plutôt que politique et de lancer la discussion sur l'inscription dans le contexte des dimensions socio-économiques? N'êtes-vous pas d'accord qu'il convient de lier les deux aspects pour faire en sorte que le processus de protection obligatoire des habitats essentiels donne des résultats?
Mme Sandy Baumgartner: Vous avez tout à fait raison. Je ne suis pas certaine d'avoir tout à fait compris votre question mais, en effet, vous avez tout à fait raison de dire que l'inscription doit être fondée sur des données scientifiques avant qu'on puisse prendre des décisions après coup.
M. John Herron: Pour ce qui est du gouvernement fédéral, il me semble que ce dernier aura de plus en plus de difficulté à jouer un rôle de chef de file s'il ne fait pas tout d'abord le ménage dans les domaines qui relèvent de sa compétence. Je crois que c'est de cela que M. Décarie a voulu parler et je pense qu'il a tout à fait raison à cet égard. C'est loin de donner un bon exemple aux provinces que de dire que sans une protection obligatoire de l'habitat essentiel dans un parc national, une base militaire ou un bureau de poste... Voilà donc des aspects à considérer lorsqu'il s'agit de territoires domaniaux. En matière de pêche, on trouve déjà bon nombre de ces dispositions aux articles 35 et 36 de la Loi sur les pêches.
Le comité devrait-il indiquer que lorsqu'il s'agit de parcs, de bureaux de poste, de bases militaires...? Si nous avions privatisé l'aéroport Pearson, nous n'aurions pas ce problème de piste. Pensez-vous que c'est une carte importante pour le fédéral? Vous en avez parlé à d'autres gouvernements provinciaux. Craignez- vous que l'inaction du gouvernement fédéral dans sa propre sphère de compétence ne donne un mauvais exemple aux provinces?
Mme Sandy Baumgartner: Vous mettez le doigt sur des points certes importants. Je crois qu'une des choses que cet exercice nous a apprises est qu'il y a un rôle pour tout le monde à jouer dans le domaine de la conservation des espèces en péril et non pas simplement pour le gouvernement fédéral et les provinces mais aussi pour les gouvernements municipaux. Nous avons beaucoup appris sur les rôles que doivent jouer les gouvernements municipaux et malheureusement dans ce projet de loi, il n'en est pas question. Je dis donc simplement que tout le monde a un rôle à jouer.
Nous espérions et nous attendons toujours que le gouvernement fédéral montre l'exemple. Je crois que la perspective de cette nouvelle mesure législative qui risque de toucher à la compétence provinciale incitera les gouvernements provinciaux à prendre certaines mesures. Nous avons constaté que des ressources supplémentaires avaient été confiées aux gouvernements provinciaux. Je suppose donc que dans ce sens l'effet recherché a été obtenu.
Cependant, en même temps, vous avez tout à fait raison de dire, et je crois que mes collègues n'ont pas manqué de le dire aussi, que le gouvernement fédéral doit commencer par faire le ménage chez lui. Où que nous habitions, nous devons faire notre travail. Que nous soyons campagnards ou citadins, nous avons tous une responsabilité à remplir. Simultanément, le gouvernement fédéral a la responsabilité de s'assurer que ces espèces sont protégées dans ses bureaux de poste, ses parcs nationaux, ses que sais-je encore.
M. John Herron: Je crois qu'il est extrêmement important dans ce dossier que le gouvernement fédéral montre l'exemple.
Je tiens aussi à féliciter les exploitants de terres à bois pour leur participation. Presque tous ceux qui gèrent des terres à bois à des fins d'exploitation sylvicole ont toujours protégé l'environnement bien avant que cette question devienne à la mode à Ottawa. Ils ont toujours dû faire ce qu'il faut, autrement, il n'y aurait pas autant d'espèces sur leurs terres. Il y a près de 400 000 exploitants de terres à bois dans ce pays et je crois que leur participation mérite largement d'être applaudie.
Mais si je ne rends pas la protection de cette espèce en péril obligatoire dans un parc, sur une base de la défense ou dans mon bureau de poste, j'aurai du mal à convaincre les exploitants de terres à bois de collaborer.
• 1125
J'aurais aimé qu'on parle un peu plus d'une considération
importante. C'est lorsque le gouvernement fédéral ou tout palier de
gouvernement quelconque change les règles en cours de jeu que la
résistance s'organise. Donc, cette notion de notification—avoir la
courtoisie de vous informer que vous abritez des espèces en péril,
qu'il est possible que cela n'ait aucune incidence sur vos
activités pour le moment, mais nous préférons vous
prévenir—pourriez-vous nous expliquer ce mécanisme qui
alimenterait cette bonne volonté puisqu'il permettrait au
gouvernement fédéral d'informer les intéressés sur les espèces en
péril et non pas simplement de les sanctionner?
M. Gary Nielsen: La structure, ce sera le plan de rétablissement. Tous les intéressés seront là. Il y aura les propriétaires, les professionnels et les défenseurs de l'environnement. Ils seront tous là et c'est collectivement qu'ils détermineront les espèces, les lieux et les personnes concernées à contacter. C'est à ce moment-là que le mécanisme sera déclenché.
Un autre moyen pour le fédéral de montrer l'exemple serait de prévoir des fonds. Si vous voulez les provinces avec vous, c'est un autre moyen sûr.
Vous avez deux minutes? J'ai un exemple de restrictions provinciales à vous donner. À une heure d'ici, au sud, il y a un terrain sur lequel on trouve des pies-grièches migratrices. C'est un terrain de 100 acres. Le propriétaire a fait une demande de subdivision d'une petite partie du terrain pour que sa fille puisse construire une maison. C'est ce qui arrive partout dans la province. Il y a deux millions d'acres de terres agricoles inexploitées dans l'est de l'Ontario où ce genre de chose arrive tous les jours. Il se trouve que ce terrain sert d'habitat à des pies-grièches migratrices. La réponse est non; c'est une espèce en voie de disparition, le terrain ne peut donc être subdivisé pour que votre fille y construise une maison. Bien sûr, il n'est pas content, et il fait appel devant la Commission des affaires municipales de l'Ontario. Le propriétaire assume tous les frais, avocats, audiences, etc. La réponse tombe, c'est toujours non car la loi dit que c'est une espèce en voie de disparition et il n'y a rien à faire.
Dans cinq ans où en sera la situation? L'Ontario ne peut rien faire. Nous ne pouvons que dire non. Dans cinq ans, ce propriétaire aura dans sa grange 20 chats à moitié affamés pour être sûr qu'ils chassent des oiseaux pour se nourrir et il n'y aura plus de problème.
Si la nouvelle Loi sur les espèces en péril avait été adoptée à l'époque, nous aurions pu offrir d'autres solutions à ce propriétaire. Nous aurions pu, sous réserve des ressources nécessaires, lui dire: «Pas de problème, construisez ici mais en contrepartie réservez une partie de votre terrain pour la conservation. Construisons une petite barrière, faisons tout ce qui est nécessaire pour préserver l'habitat de ces pies-grièches migratrices sur votre terrain. Vous aurez ce que vous voulez et ces animaux seront protégés». Cette souplesse est nécessaire pour que les choses se fassent.
M. John Herron: Et sans écrire de chèques.
M. Gary Nielsen: Je suppose que vous proposez un fonds mis à la disposition des comités de rétablissement pour financer ces opérations et indemniser les intéressés. C'est le meilleur moyen de montrer l'exemple.
Mme Elizabeth May: Ce à quoi nous pensons est analogue à ce que propose l'Association des éleveurs de bovins. Ils aimeraient que la première fois qu'ils entendent parler de la présence d'une espèce en péril sur leur terrain, ce soit autour d'une tasse de café sur la table de la cuisine avec quelqu'un qui s'y connaît. Leur attitude changerait tout autant. La situation sera beaucoup plus positive si quelqu'un vient leur demander ce qu'ils savent sur cette espèce. Quand est-ce qu'ils les voient? Que pouvons-nous faire pour permettre cette coopération avec la nature afin que les espèces soient protégées et que les gens continuent à exploiter leurs terres autant que faire se peut sans gêner ces espèces?
M. John Herron: Permettez-moi de conclure par un commentaire de six secondes. Il va certainement y avoir des élections de déclenchées d'ici la fin de la semaine et ce projet de loi disparaîtra. Je sais que certains d'entre vous pensent que tout ce travail a été fait pour rien. Je sais catégoriquement qu'il n'en est rien. Quel que soit le prochain gouvernement, il est évident qu'il reprendra les recommandations de ce projet de loi ainsi que celles du Groupe de travail sur les espèces en péril. Quel que soit le gouvernement, quel que soit le parti politique, quelle que soit la coalition politique qui formera le prochain gouvernement, il aura à sa disposition cette somme impressionnante d'outils.
Le président: Je vous remercie de nous donner cette assurance.
Des voix: Ah, ah!
Le président: Madame Redman, s'il vous plaît.
Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président.
Si chacun se permet de faire des commentaires personnels, j'aimerais dire que le comité doit être félicité de tout le travail qu'il a réussi à faire au cours de la dernière session sur ce projet de loi, dont nous examinons la deuxième mouture, et la LCPE. Je me permets d'ajouter que nous aurions pu avoir toutes ces discussions au printemps dernier, si les choses s'étaient déroulées autrement, et que cela aurait été une bonne chose.
• 1130
Je sais bien qu'il est difficile d'en arriver à un consensus.
Nous le constatons régulièrement des deux côté de la table. Le
Groupe de travail sur les espèces en péril s'est donné énormément
de mal pour en arriver à ce consensus et veut laisser au comité et
au gouvernement le soin de tenir compte de tous les avis
divergents.
Quelques commentaires ont été formulés. M. Peeling a dit, et je sais que cela se trouve aussi dans le mémoire, que les recommandations doivent être considérées comme un tout. Je sais bien que toutes ces recommandations visent à améliorer le projet de loi pour qu'il soit le meilleur possible, madame May, mais vous avez déjà expliqué pourquoi vous proposez que l'on remplace les infractions de responsabilité stricte par des infractions exigeant la mens rea.
Il convient de rappeler que dans toutes les autres lois de protection de la faune, tant fédérales que provinciales, toute activité qui risque de blesser ou de tuer un sujet de quelque espèce que ce soit, constitue déjà une infraction de responsabilité stricte, de sorte qu'il est difficile de démontrer qu'il serait plus difficile d'intenter des poursuites contre quiconque aurait causé du tort à une espèce en péril que d'intenter des poursuites contre quelqu'un qui aurait causé du tort à n'importe quelle espèce. C'est l'un des éléments que nous devons prendre en compte lorsque nous replaçons les débats dans un contexte plus large. J'aimerais entendre votre réaction, compte tenu du fait que le groupe de travail sur les espèces en péril juge que les propositions forment un tout.
Mme Elizabeth May: Nous avons dit que les propositions forment un tout parce que, dans le passé, nous avons formulé des recommandations qui nous avaient demandé énormément d'efforts, notamment en ce qui a trait à l'indemnisation, auxquelles le gouvernement fédéral a donné suite tandis que, bien honnêtement, celles concernant la nécessité de protéger par des mesures efficaces les espèces de tout le pays, sont restées lettre morte. Cette fois-ci, nous espérons réellement que nos recommandations seront perçues comme un tout.
Comme je l'ai dit plus tôt, en réponse à une autre question, cette recommandation concernant l'intention coupable par opposition à la diligence raisonnable est un problème qui tient davantage à la perception qu'à la réalité. Cela préoccupe réellement les propriétaires fonciers de tout le pays.
Nous avons constaté, après le débat sur le projet de loi C-65, que beaucoup de dispositions suscitaient énormément de controverse et alimentaient la diffusion d'informations inexactes et, partant, l'opposition au projet de loi. Nous avons ici l'exemple d'une de ces dispositions controversées. Dans ce cas-ci, j'estime très peu probable que la GRC aille jusqu'à porter des accusations pour une erreur ponctuelle, accidentelle, honnête, quand la défense de la diligence raisonnable pourrait être invoquée. La GRC choisirait vraisemblablement d'intervenir, notamment par voie d'injonction, lorsqu'elle constate que des espèces sont tuées dans le cadre d'un projet de développement quelconque: le promoteur sait que l'espèce se trouve dans cet habitat, mais la loi ne s'applique pas sur les terres provinciales.
Voilà pourquoi nous voulons que les interdictions s'appliquent dans tout le pays, car nous croyons que l'interdiction et les infractions exigeant une intention coupable sont suffisantes pour améliorer considérablement la portée et l'efficacité de la protection des espèces même avec une infraction exigeant l'intention coupable. Nous croyons que la loi sera beaucoup plus efficace si, aux fins de la poursuite, on démontre l'intention coupable.
M. Pierre Gratton: J'aimerais confirmer ce qu'a dit Elizabeth, à savoir qu'il serait préférable que nos recommandations soient perçues comme un tout. Si le comité ou le gouvernement décide encore une fois de ne pas les retenir toutes, ce serait malheureux. Ce serait préférable qu'elles soient reçues comme un tout.
Il se peut que si vous en choisissiez certaines seulement, nous réagissions en disant collectivement que c'est néanmoins un pas dans la bonne direction. Peut-être. Il faudra que vous nous reposiez la question après coup.
Je ne voudrais pas vous donner l'impression que c'est tout ou rien. Il serait préférable que les recommandations soient prises comme un tout, mais il y a certainement des mesures que vous pourriez prendre, certains éléments que vous pourriez retenir, qui renforceraient le projet de loi et pour lesquels nous pourrions exprimer un appui mitigé.
M. Gordon Peeling: Je me permets d'ajouter que si nous avons présenté les recommandations comme un tout, c'est qu'il est absolument essentiel que les gens se sentent partie prenante du rétablissement des espèces. Toutes nos recommandations sont formulées de façon à encourager la participation, la bonne intendance et la coopération de tous les intervenants sur le terrain. Par conséquent, voilà pourquoi nous souhaitons que ces recommandations soient reçues comme un tout puisque ce tout permettrait d'améliorer le projet de loi.
Certaines des mesures agissent sur la perception des intervenants aussi bien que sur la réalité. Nous pouvons certainement débattre des questions d'ordre juridique, mais la dernière fois, c'est un élément extrêmement important qui a empêché les gens sur le terrain d'accepter les mesures proposées pour assurer le rétablissement des espèces. C'est un important obstacle à surmonter et un important signal à donner.
Mme Karen Redman: Merci.
M. Robert Décarie: Quant au pouvoir en droit criminel d'intenter des poursuites pour certaines infractions, Elizabeth a dit qu'il serait peu probable que la GRC intente des poursuites contre une personne qui aurait commis une erreur de bonne foi. Nous avons vu au Nouveau-Brunswick qu'on peut se retrouver devant les tribunaux pour avoir joué au hockey dans la rue. Il faut donc être prudent.
M. Gar Knutson: Pour avoir joué au hockey sciemment.
M. Robert Décarie: De propos délibéré.
Je ne suis pas avocat, mais la différence tient au fait que pour d'autres espèces et d'autres lois, on n'utilise pas les pouvoirs conférés en droit criminel mais les pouvoirs traditionnels. Utiliser le pouvoir conféré en vertu du droit criminel fera qu'il sera plus difficile d'invoquer la défense de la diligence raisonnable.
Mme Sandy Baumgartner: J'aimerais ajouter, non pas sur la défense de la diligence raisonnable mais sur ce qu'a dit Gordon au sujet des recommandations qui forment un tout et de la participation des gens sur le terrain, que nous ne sacrifierons pas la protection des espèces pour tenter d'obtenir la coopération des secteurs forestiers, industriels ou agricoles. Monsieur le président, vos commentaires m'amènent à apporter cette précision.
Nous avons toujours considéré que nos recommandations forment un tout et que la protection des espèces passe avant tout. Nous sommes peut-être idéalistes, mais il nous apparaît plus important d'amener les Canadiens à travailler tous ensemble pour assurer la conservation et la protection des espèces en péril que de contraindre les gens à faire quelque chose contre leur gré.
Les gens que nous avons consultés aux quatre coins du pays ont semblé tout à fait prêts à participer, mais ils veulent d'abord savoir quelles espèces sont en péril et quel rôle ils peuvent jouer. Ils veulent sentir qu'ils sont des participants à part entière. Je crois que l'ensemble de nos recommandations tient compte de ces facteurs-là sans sacrifier la protection des espèces en péril.
Le président: Merci.
J'aurais une dernière question. J'ai cru comprendre que vous avez une suggestion à faire au sujet d'un mécanisme de règlement extrajudiciaire des conflits. Pourriez-vous nous l'expliquer très brièvement, s'il vous plaît?
M. Tony Rotherham: J'ai été membre d'un petit comité qui a élaboré une proposition relative au règlement extrajudiciaire des conflits. Cela me ramène à un commentaire fait par Andrew Clark, propriétaire d'un boisé privé du Nouveau-Brunswick qui a dit: «En entrant dans la salle d'audience, j'ai déjà perdu.» Nous avons beaucoup parlé du coût des poursuites et de l'impression négative qu'ont les gens quand ils risquent de se retrouver en cour.
Il y a diverses autres façons de tenter d'assurer l'application de la loi. Nous avons élaboré un processus assez compliqué en plusieurs étapes qui a fait l'objet d'un rapport envoyé au Service canadien de la faune qui, j'imagine, rédigeait le projet de loi sur les instructions du bureau du ministre.
On en voit un peu les échos dans le projet de loi, là où un individu peut amorcer une enquête en en faisant la demande. Les autres aspects ne s'y trouvent pourtant pas.
Pendant les travaux de ce petit comité, nous avons eu des entretiens avec les responsables de l'appareil gouvernemental au cabinet du premier ministre ou au Conseil privé. Nous en avons discuté avec le cabinet du premier ministre. Ce fut une expérience très intéressante et enrichissante pour plusieurs d'entre nous.
Ce que nous avons proposé était peut-être un peu trop complexe et bureaucratique, et comportait peut-être trop d'étapes, mais il avait au moins l'avantage de fournir aux citoyens la possibilité de s'assurer que le gouvernement allait appliquer sa propre loi, et c'était le but de tout ce travail. On visait aussi à remplacer les dispositions sur le droit du citoyen d'entamer des poursuites, qui faisaient malheureusement partie du projet de loi C-65.
• 1140
Le petit comité—qui était composé de Gerry DeMarco du Sierra
Legal Defence Fund, de Sarah Dover, qui est assise en arrière
là-bas, et de plusieurs autres personnes—a su respecter à la fois
les attentes du côté de la conservation et du secteur privé. Il a
permis aux citoyens de s'assurer que la loi serait appliquée, tout
en évitant de s'adresser aux tribunaux, pour qu'Andrew Clark n'ait
pas à perdre sa cause dès son entrée au tribunal.
Peut-être que le gouvernement devrait réexaminer ces recommandations pour voir s'il y en a qui pourraient améliorer le projet de loi et son efficacité.
J'imagine que les meilleurs juges de cela seraient ceux qui ont l'habitude de rédiger les lois, monsieur.
Le président: D'accord.
[Français]
On peut dire que nous avons eu une très bonne rencontre aujourd'hui, et j'aimerais vous remercier au nom des membres du comité.
Madame May, je crois que vous voulez prendre la parole. Soyez très brève, s'il vous plaît.
Mme Elizabeth May: Je m'excuse, monsieur le président.
Je veux remercier tous les députés qui sont ici aujourd'hui.
[Traduction]
Je sais que la journée est très, très chargée, et j'ai oublié de demander s'il serait possible de faire consigner notre mémoire au compte rendu comme s'il avait été lu. Je ne sais pas si c'est possible. Certains membres du comité de différents partis n'ont pu assister à la séance aujourd'hui. En tout cas, je vous laisserai juger si c'est possible; peut-être que cela ne peut pas se faire. Mais nous vous savons gré d'être venus à la réunion en cette journée très chargée, et d'avoir posé des questions très stimulantes.
[Français]
Le président: Nous allons en discuter avec le greffier et nous vous donnerons une réponse plus tard.
Au nom des membres du comité, je voudrais vous remercier, madame May, monsieur Décarie, madame Baumgartner, monsieur Rotherham, monsieur Peeling, monsieur Gratton, monsieur Johnson et aussi...
[Traduction]
J'ai omis deux personnes: MM. Lindsay et Nielsen.
Merci beaucoup. Nous avons certainement beaucoup appris ce matin. Nous allons tirer le maximum de vos suggestions, et j'espère que nous allons nous revoir—si nous sommes réélus.
La séance est levée.
LA CONSERVATION EN COOPÉRATION DES ESPÈCES EN PÉRIL:
COMMENTAIRES SUR LA LOI SUR LES ESPÈCES EN PÉRIL
MÉMOIRE PRÉSENTÉ AU COMITÉ PERMANENT SUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE ET L'ENVIRONNEMENT
par le GROUPE DE TRAVAIL SUR LES ESPÈCES EN PÉRIL
Septembre 2000
Sandy Baumgartner, Directrice des programmes et des communications, Fédération canadienne de la faune, 350, Michael Cowpland Drive, Kanata, Ontario K2M 2W1 Tél.: 613-599-9594 Fax: 613-599- 4428 sandyb@cwf-fcf.org
Robert Décarie, Conseiller en biodiversité, Association canadienne Des pâtes et papiers, 1155, rue Metcalfe, Montréal, Québec H3B 4T6 Tél.: 514-683-9996 Fax: 514-683-7362 rdecarie@dsuper.net
Pierre Gratton, Vice-président, Affaires publiques et communications, Association minière du Canada, 350, rue Sparks, bureau 1105, Otaawa, Ontario K1R 7S8 Tél.: 613-233-9391 Fax: 613-233-8897 pgratton@mining.ca
Marc Johnson, Directeur, Campagne de conservation, Fédération canadienne de la nature, 1, rue Nicholas, bureau 606, Ottawa, Ontario K1N 7B7 Tél.: 613-562-3447 Fax: 613-562-3371 mjohnson@cnf.ca
Elizabeth May, Directrice exécutive, Club Sierra du Canada, 1, rue Nicholas, bureau 412, Ottawa, Ontario K1N 7B7 Tél.: 613-241-4611 Fax: 613-241-2292 sierra@web.net
Rita Morbia, Coordonnatrice, Espèces menacées, Club Sierra du Canada, 1, rue Nicholas, bureau 412, Ottawa, Ontario K1N 7B7 Tél.: 613-241-4611 Fax: 613-241-2292 sierra@web.net
Tony Rotherham, Directeur, Foresterie, Association canadienne des pâtes et papiers, 1155, rue Metcalfe, Montréal, Québec, H3B 4T6 Tél.: 514-866-6621 Fax: 514-866-3035 trotherham@cppa.ca
Laura Telford, Coordonnatrice, Campagne de conservation, Fédération canadienne de la nature, 1, rue Nicholas, bureau 606, Ottawa, Ontario K1N 7B7 Tél.: 613-562-3447 Fax: 613-562-3371 ltelford@cnf.c
SOMMAIRE
Depuis avril 1998, le Groupe de travail sur les espèces en péril (GTEP) travaille à l'élaboration de solutions innovatrices de protection et de rétablissement d'espèces en péril qui tiendraient compte à la fois des besoins de conservation des espèces sauvages et de ceux des gens dont le gagne-pain dépend de l'utilisation des ressources naturelles.
Le GTEP est satisfait de voir que le gouvernement fédéral propose des mesures d'intendance et d'indemnisation des propriétaires terriens et des usagers des ressources touchés dans le cadre de cette stratégie. Nous l'applaudissons également d'avoir omis la disposition controversée des poursuites par le citoyen. De plus, nous voyons dans l'investissement portant sur les espèces en péril annoncé dans le budget de mars 2000 un beau premier pas. Ces mesures favoriseront la pleine participation des Canadiens dans la conservation des espèces en péril.
Cependant, les membres du GTEP considèrent fort préoccupants certains éléments clefs de la LEP. Dans ce mémoire, nous présentons quelques solutions pratiques visant à augmenter l'efficacité de la LEP en matière de protection des espèces en péril tout en respectant les besoins des propriétaires terriens et des usagers des ressources naturelles. Nos principales recommandations portent sur la manifestation par le gouvernement fédéral d'un leaderhsip fort en l'enjoignant d'assumer la responsabilité des espèces en péril dans les champs relevant clairement de sa juridiction et en jouant un rôle actif de coordination. Nous proposons également que la prise en considération des facteurs socio-économiques soit intégrée à la loi, ce qui permettrait à davantage de mesures de conservation obligatoires après l'élaboration de solutions équilibrées.
Comme signataire de l'Accord national sur la protection des espèces en péril (Accord), le gouvernement fédéral doit faire sa part pour s'assurer que les objectifs de l'Accord soient atteints. L'interdiction partout au Canada de tuer délibérément tout individu d'espèces en péril et de détruire leurs lieux de résidence, voilà la première contribution que le gouvernement fédéral peut faire pour aider à tisser un véritable filet de sécurité national.
Le gouvernement fédéral devrait faire davantage pour s'assurer que les habitats essentiels des espèces en péril sur toutes les terres fédérales et dans tous les champs de juridiction clairement fédérale soient protégés. Comme les aires d'habitat essentiel qui seraient ainsi légalement protégées seraient identifiées pendant un processus de rétablissement inclusif impliquant tous les niveaux de gouvernement et tous les intervenants, les pouvoirs discrétionnaires sont moins nécessaires.
De plus, les recommandations du GTEP portent sur plusieurs autres domaines préoccupants, dont le COSEPAC, l'inscription, la défense s'appuyant sur la prise de précautions voulues, la réelle implication d'intervenants dans le processus de rétablissement, la protection intérimaire grâce à des zones tampons, l'indemnisation, les évaluations environnementales et les exemptions. Toutes ces recommandations visent à favoriser l'équilibre nécessaire pour en arriver à une meilleure protection des espèces d'une façon qui respecte les droits et les intérêts des propriétaires terriens et usagers des ressources et qui encourage leur appui.
Nous croyons que le gouvernement fédéral a l'occasion de faire preuve de véritable leadership en protection environnementale grâce à l'application d'une loi efficace de protection des espèces en péril. En adoptant les mesures que nous proposons, ce gouvernement peut s'acquitter grandement de ses obligations aux termes de l'Accord, dresser une voie qui encouragera les autres juridictions canadiennes à faire leur bout de chemin et mettre à contribution la coopération des propriétaires terriens et des usagers des ressources.
Ce mémoire a reçu l'appui des organisations membres du GTEP et la position du GTEP a reçu l'aval des cadres supérieurs suivants:
Fédération canadienne de la nature: Mme Julie Gelfand, Directrice exécutive
Association canadienne des pâtes et papiers: Mme Lise Lachapelle, Présidente et chef de la direction
Fédération canadienne de la faune: M. Collin Maxwell, Vice-président exécutif
Club Sierra du Canada: Mme Elizabeth May, Directrice exécutive
L'Association minière du Canada: M. Gordon Peeling, Président et chef de la direction
TABLE DES MATIÈRES
SOMMAIRE
TABLE DES MATIÈRES
1.0 INTRODUCTION
2.0 PRÉAMBULE DE LA LOI
3.0 CERTAINES DÉFINITIONS
3.1 RÉSIDENCE
3.2 PRENDRE
3.3 NUIRE
3.4 ESPÈCES
4.0 COSEPAC ET LE PROCESSUS D'INSCRIPTION
4.1 COSEPAC
4.2 PROCESSUS D'INSCRIPTION
4.3 INSCRIPTION D'URGENCE
5.0 CONTRIBUTION DU FÉDÉRAL À L'ACCORD NATIONAL SUR LA PROTECTION DES ESPÈCES EN PÉRIL
5.1 INTERDICTION DE TUER DES INDIVIDUS D'ESPÈCESINSCRITES ET DE DÉTRUIRE LEURS RÉSIDENCES SURTOUTES LES TERRES ET DANS TOUTES LES EAUX CANADIENNES
5.2 PROTECTION DES HABITATS ESSENTIELS DANS LES CHAMPS DE JURIDICTION NETTEMENT FÉDÉRALE
5.3 FILET DE SÉCURITÉ FÉDÉRAL
5.4 PÉRIODE DE GRÂCE POUR LES INTERDICTIONS
6.0 ZONES TAMPONS INTÉRIMAIRES
7.0 DÉFENSE DE LA PRISE DE PRÉCAUTIONS VOULUES EN VERTU DE LA LEP
8.0 PLANIFICATION DU RÉTABLISSEMENT ET IDENTIFICATION D'HABITATS ESSENTIELS
8.1 STRATÉGIES DE RÉTABLISSEMENT
8.2 PLANS D'ACTION DE RÉTABLISSEMENT
8.3 CONSULTATION
9.0 INDEMNISATION
10.0 RESSERREMENT DES DISPOSITIONS D'EXEMPTION (art. 74, 75 et 83)
11.0 ENTENTES D'INTENDANCE, ÉMISSION DE PERMIS ET ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE
12.0 AMENDEMENTS À LA LCÉE
13.0 PÉRIODE DE TRANSITION
14.0 INITIATIVES D'INCLUSION FONDAMENTALES À L'APPLICATION DE LA LEP AFIN DE FAVORISER L'INTENDANCE VOLONTAIRE
15.0 MINISTRE COMPÉTENT
16.0 SAVOIR-FAIRE FÉDÉRAL QUANT À L'APPLICATION DE LA LEP
17.0 CONCLUSION
LISTE DES RECOMMANDATIONS
ANNEXE 1 MEMBRES DU GTEP
1.0 INTRODUCTION
Créé en avril 1998, le Groupe de travail sur les espèces en péril avait pour mandat l'élaboration et la promotion d'une approche à la conservation des espèces en péril fondée sur la coopération. Animés principalement par l'insatisfaction que nous avait inspirée l'ancien Bill C-65, nous nous sommes rassemblés pour forger une nouvelle approche. Elle se fonde sur des dispositions législatives habilitantes et complémentaires pour assurer la protection des espèces en péril tout en respectant les droits et activités des propriétaires terriens, usagers des ressources, travailleurs et communautés et en faisant appel à leur coopération. En septembre 1998, nous présentions notre projet de consensus au Conseil canadien des ministres des forêts dont les commentaires ont été intégrés au mémoire final déposé le 3 novembre 1998 (ci-joint). Nous espérons que notre tentative de diminuer l'effet de polarisation pouvant découler d'un projet de loi visant à protéger les espèces en péril s'avérera utile.
C'est avec plaisir que nous avons noté que l'approche sur trois fronts annoncée par l'honorable David Anderson le 17 décembre 1999 incorpore de nombreux éléments que nous avions avancés. Nous applaudissons le fait qu'il faille s'assurer que les Canadiens appuient les mesures d'intendance qu'ils prendront pour conserver les espèces en péril; il s'agit d'une contribution majeure du gouvernement fédéral au développement d'une approche canadienne créatrice en matière de protection et de rétablissement d'espèces en péril. Nous applaudissons tout autant le ministre pour avoir laissé de côté les dispositions controversées des "poursuites par le citoyen" que comprenait l'ancien Bill C-65.
Nous appuyons fortement l'incorporation d'un article habilitant pour permettre l'indemnisation financière dans le cadre de cette Loi, quoique, comme nous en faisons état plus loin, les dispositions actuelles ne répondent pas entièrement à nos objectifs. Nous croyons que le processus de rétablissement proposé dans la LEP recherche l'inclusion. D'autre part, le financement annoncé par le ministre des Finances dans le budget de mars 2000 pour épauler d'importantes activités de recherche, inscription, rétablissement et intendance nous plaît également. Une planification et une prévoyance soignées s'avéreront nécessaires pour veiller à ce que ces deniers soient utilisés à bon escient. Nous croyons cependant qu'il faudra y consacrer beaucoup plus de ressources.
Tant de chemin ayant été parcouru entre C-65 et C-33, on serait en droit de s'attendre à notre appui intégral. Malheureusement, certains éléments clefs de la LEP préoccupent grandement les membres du GTEP.
Si certains progrès ont été réalisés pour atténuer les inquiétudes des propriétaires terriens et des usagers des ressources, le travail de rétablissement d'espèces en péril ne portera fruit que si tout est mis en oeuvre pour veiller à ce que le processus soit inclusif et que tous les intervenants soient impliqués à fond. Le GTEP croit que l'approche du Bill C-33 offre moins d'assurances légales que l'ancien Bill C-65 quant à la protection des espèces en péril et de leurs habitats. Tout comme avec le Bill C-65, le projet actuel serait perçu à l'international comme un loi fédérale qui ne réussit pas à interdire la mort délibérée d'individus d'espèces en péril. À moins qu'une espèce en péril vive sur des terres domaniales fédérales, soit une espèce aquatique couverte par la Loi sur les Pêches ou un oiseau migrateur au sens de la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs, le projet de LEP ne s'applique pas. Il n'offre aucune assurance de protection d'habitats essentiels même sur les terres fédérales. Le gouvernement affirme que la Loi aidera à protéger les espèces en péril sur d'autres terres par le biais de la provision du «filet de sécurité», mais cette approche nous laisse perplexes.
Nous vous présentons donc les recommandations suivantes dans l'espoir qu'elles soient perçues tant par le Comité que par le Gouvernement comme des améliorations utiles au projet de loi.
2.0 PRÉAMBULE DE LA LOI
Le GTEP a toujours fait valoir une approche qui sert tant les espèces que les gens. Cette prémisse fondamentale doit faire partie intégrante du préambule de la Loi. C'est ainsi qu'on pourra s'assurer qu'il donne le ton à l'interprétation du texte de la Loi.
Conséquemment, nous proposons les ajouts suivants au préambule:
Le partage équitable des avantages et des coûts est l'un des principes de la Convention sur la conservation de la diversité biologique. Il doit sous-tendre les efforts de conservation des espèces en péril. Le coût de celle-ci doit être porté par tous les Canadiens, pas seulement par un petit groupe de propriétaires terriens, usagers des ressources, travailleurs et communautés;
«Les buts de cette Loi seront respectés autant que faire se peut tout en prenant en considération les intérêts sociaux et économiques des Canadiens.»
3.0 CERTAINES DÉFINITIONS
Dans la LEP, le gouvernement s'appuie fortement sur des interdictions au criminel pour protéger des espèces en péril. Pour s'assurer de la validité de telles interdictions, celles-ci doivent être limpides, compréhensibles et facilement identifiables. Elles ne peuvent être sujettes à une gamme d'interprétations qui pourraient induire en erreur tant les gens que la cour.
Nous voulons que le gouvernement examine de près trois mots-clefs touchant aux interdictions dans la LEP: résidence, «prendre» et nuire, ainsi que la définition d'espèce.
3.1 RÉSIDENCE
«Résidence» est un mot sans connotation biologique qui implique, cependant, des effets juridiques majeurs. Il importe que le mot «résidence» soit défini de façon telle qu'il ne puisse être confondu avec l'habitat ni pouvoir signifier habitat. Nous proposons une légère modification à la définition de l'article 2 du projet de loi C-33.
«résidence» «signifie un gîte spécifique - terrier, nid ou autre site, lieu ou structure semblable - occupé ou habituellement occupé par un ou plusieurs individus pendant toute ou une partie de leur vie, notamment pour la reproduction, l'élevage ou l'hibernation».
La définition/description de la résidence permettant de sous-tendre l'interdiction s'avérera aussi importante. Le projet de loi C-33 ne souffle mot à ce sujet. Nous recommandons qu'au moment de l'inscription le ministre précise si le concept de résidence s'applique à l'espèce visée et, auquel cas, qu'il fournisse une définition nette et la description de la résidence.
3.2 PRENDRE
Sans objet, notre texte anglais portant sur l'interprétation du mot «take» en 32(1) et faisant référence au mot «remove» ou un équivalent pour rejoindre le sens de «prendre» en français.
3.3 NUIRE
Le mot «nuire» utilisé au para. 32(1) prête à interprétation. Il devrait être spécifiquement et clairement défini à l'art. 2 de la LEP, tout particulièrement si l'intention est de l'appliquer à des actes qui dérangent des individus. Le fait de comprendre que le mot suggère «causer des blessures physiques directes» ne pose pas problème. De plus, il faut voir à ce que «nuire» n'empiète pas sur des questions d'habitat, lesquelles sont couvertes plus adéquatement avec le concours des intervenants lors du processus de planification du rétablissement. Il ne faudrait pas que l'on puisse plaider que la perturbation de l'habitat nuit à un individu et conclure en conséquence que la perturbation de l'habitat devrait être automatiquement prohibée. Une définition boiteuse de prohibition dans le cas de «nuire» pourrait mener à des abus et des poursuites.
3.4 ESPÈCES
La définition d'espèce dans le Bill C-33 diffère de celle du COSEPAC qui la définit (cf. le Manuel d'organisation et de procédures du COSEPAC, juillet 1999) comme une espèce, sous-espèce, variété ou population géographiquement circonscrite de flore ou faune sauvage. Le Bill C-33 définit espèce comme une espèce, sous-espèce ou population biologiquement distincte d'animaux, de végétaux ou d'autres organismes d'origine sauvage, sauf une bactérie ou un virus. Pour éviter des recours aux tribunaux, les deux définitions doivent correspondre.
4.0 COSEPAC ET LE PROCESSUS D'INSCRIPTION
4.1 COSEPAC
Le COSEPAC a été créé pour développer un processus scientifique indépendant d'évaluation de la situation d'espèces en péril et d'inscription. Il importe que le COSEPAC agisse comme organisme scientifique indépendant du gouvernement, par ex. le Service canadien de la faune. Les règlements promulgués par le ministre pour guider l'exécution des fonctions du COSEPAC doivent être conçus de façon à appuyer son rôle indépendant et son intégrité scientifique. Le secrétariat du COSEPAC doit appuyer, coordonner et documenter le travail du COSEPAC. Toutefois, il ne doit pas être dans une position où il guiderait, dirigerait or gérerait le travail du COSEPAC.
L'évaluation que fait le COSEPAC de la situation d'une espèce sauvage doit se fonder strictement sur des considérations scientifiques. Le para. 15(3) exige que le COSEPAC, dans le cours de son mandat, tienne compte des traités en vigueur et des ententes sur les revendications territoriales. Nous appuyons la prise en considération des connaissances traditionnelles des peuples autochtones pendant le processus d'évaluation, mais le para. 15(3) renvoie à des considérations politiques plutôt qu'à des renseignements fondés sur des connaissances. Nous croyons que la prise en compte de ces considérations politiques devrait relever du gouvernement plutôt que du COSEPAC, comme cela a été fait au para. 27(1)(c). Conséquemment, nous recommandons que le para.15(3) soit retiré.
Le rôle du COSEPAC ne porte pas sur l'évaluation de menaces, mais plutôt sur l'évaluation de la situation d'espèces qui pourraient être menacées de façon imminente. Le para. 28(1) devrait être modifié comme suit:
Toute personne estimant que la survie d'une espèce sauvage est menacée de façon imminente peut demander au COSEPAC d'évaluer la situation d'une espèce sujette à une menace immédiate en vue de la faire inscrire d'urgence comme espèce en voie de disparition en application du para. 29(1).
4.2 PROCESSUS D'INSCRIPTION
Le GTEP maintient que le processus d'inscription doit demeurer entièrement transparent et scientifique. L'inscription est la première étape menant à la survie et au rétablissement à long terme d'une espèce en péril. Si une espèce n'est pas légalement inscrite, elle et son habitat seront privés de protection par voie de règlement, de plan de rétablissement, d'occasion d'entente d'intendance de conservation et de financement y relié.
Tout en continuant à prôner une loi qui donne à la liste du COSEPAC pleine force et effet, et comprenant l'hésitation du gouvernement de réexaminer cette option, nous proposons le moyen constructif suivant pour atténuer le facteur discrétion au sein du processus d'inscription et augmenter la transparence. Le Bill C-33 devrait prévoir que chaque espèce inscrite par le COSEPAC (y compris celles qui sont déjà inscrites) reçoive automatiquement une reconnaissance légale à moins que le Cabinet (ou le ministre) en juge autrement à l'intérieur d'un court délai, mettons 30 jours, après la publication de la liste par le COSEPAC.
4.3 INSCRIPTION D'URGENCE
Le para. 29(1) ne stipule aucune limitation quant à la durée d'une inscription d'urgence. De plus, l'art. 30 indique que les rapports de situation sur les espèces faisant l'objet d'une inscription d'urgence n'ont à être produits que deux ans après celle-ci. Cet intervalle est trop long. Si l'on veut qu'une espèce ait la possibilité de se rétablir, il ne faut pas tarder à prendre des mesures. D'autre part, si l'on détermine qu'une espèce n'est pas en péril, les interdictions et les contraintes d'opérations doivent être levées rapidement. Le COSEPAC devrait avoir un an pour produire un rapport de situation après une inscription d'urgence.
Le para. 29(2) devrait être amendé de sorte que le COSEPAC soit toujours consulté avant que tout geste ministériel soit pris en vertu des dispositions du para. 29(1), étant donné que de telles décisions doivent se fonder sur les meilleurs conseils scientifiques accessibles.
5.0 CONTRIBUTION DU FÉDÉRAL À L'ACCORD NATIONAL SUR LA PROTECTION DES ESPÈCES EN PÉRIL
Le gouvernement fédéral est signataire de l'Accord national sur la protection des espèces en péril (l'Accord) et doit jouer un rôle de leader pour s'assurer que les objectifs de cet Accord soient atteints. Cette section précise certaines améliorations à la LEP qui permettraient au gouvernement fédéral de contribuer de façon importante à la protection et au rétablissement d'espèces en péril.
5.1 INTERDICTION DE TUER DES INDIVIDUS D'ESPÈCES INSCRITES ET DE DÉTRUIRE LEURS RÉSIDENCES SUR TOUTES LES TERRES ET DANS TOUTES LES EAUX CANADIENNES
L'interdiction partout au Canada de tuer délibérément des espèces en péril ou de détruire leurs résidences est la première contribution que le gouvernement fédéral peut faire pour développer un véritable filet de sécurité national.
Comme le gouvernement fédéral l'a reconnu et comme la Cour suprême du Canada l'a confirmé dans le cas d'Hydro-Québec, le gouvernement fédéral peut invoquer ses pouvoirs constitutionnels en matière de droit criminel pour interdire les effets environnementaux nuisibles. Ses pouvoirs en vertu du droit criminel sont spécifiquement mentionnés comme fondement de l'autorité fédérale dans des documents de relations publiques touchant à la LEP. Pourtant, le projet de loi actuel demeure muet sur l'utilisation la plus efficace des pouvoirs conférés par le droit criminel quand il s'agit d'espèces en péril. En ne permettant pas, à l'article 34, aux articles 32 et 33 devraient s'appliquer partout au pays tels que rédigés, la législation semble privilégier une approche par voie de règlements plutôt que par voie d'interdictions, ce qui sape son pouvoir en vertu du droit criminel. En d'autres mots, elle laisse entendre que la juridiction est provinciale sur les terres autres que fédérales ou à moins qu'il s'agisse d'espèces aquatiques et d'oiseaux migrateurs. Ayant ainsi sapé son autorité, elles propose ensuite un pouvoir réglementaire discrétionnaire pour faire valoir la juridiction fédérale de temps à autre.
Nous appuyons fortement l'application sans ambages d'interdictions de tuer, nuire, harceler, capturer ou prendre un individu d'une espèce sauvage inscrite somme disparue du pays, en voie de disparition ou menacée, ainsi que d'interdictions de détruire ou endommager la résidence d'individus de telles espèces. En d'autres mots, les articles 32 et 33 doivent s'appliquer sans réserve aucune partout au pays.
L'application universelle de telles interdictions est conforme à l'application du droit criminel et diffère des règlements fédéraux discrétionnaires s'appliquant dans un champ de juridiction provinciale. Ces pouvoirs interdisent déjà la cruauté envers des individus de toutes les espèces animales, quel que soit l'endroit où se trouve l'animal. Il est inexplicable que dans un projet de loi qui se veut inspiré des pouvoirs constitutionnels du gouvernement fédéral en matière de droit criminel qu'il y ait absence d'interdiction de tuer directement et intentionnellement les espèces les plus en danger au Canada.
La mise en oeuvre de ces interdictions obligatoires renforcerait la LEP. De plus, celles-ci poseraient moins de difficultés que celles, fort délicates, qui entourent la protection d'habitats essentiels sur des terres provinciales. Elles enverraient un message clair à l'international quant à l'engagement du Canada à protéger les espèces en péril. Même dans le contexte actuel de tensions fédérales-provinciales, l'application de telles interdictions ne devrait pas être politiquement difficile.
5.2 PROTECTION DES HABITATS ESSENTIELS DANS LES CHAMPS DE JURIDICTION NETTEMENT FÉDÉRALE
La conservation des habitats est essentielle à la survie à long terme de la majorité des espèces en péril du Canada. La conservation des espèces sauvages est une responsabilité que se partagent les gouvernements fédéral et provinciaux. Cependant, nous nous attendons à ce que le fédéral exerce du leadership sur la question de la protection des habitats essentiels par l'adoption de mesures sur les terres fédérales et dans les champs nettement de juridiction fédérale. Ainsi, le Bill C-33 soulève à nos yeux trois préoccupations majeures touchant à la protection des habitats: l'étroitesse de son application, sa nature discrétionnaire et sa définition à la fois vague et incertaine.
Les mesures de protection des habitats essentiels du Bill C-33 ne s'appliquent sur certaines terres fédérales. Cependant, le gouvernement fédéral a clairement la responsabilité juridique de la conservation des espèces sur toutes les terres fédérales, ainsi que des espèces aquatiques couvertes par la Loi sur les Pêches et des oiseaux migrateurs couverts par la Loi sur le Convention concernant les oiseaux migrateurs. Conséquemment, nous recommandons que l'envergure des mesures de protection des habitats essentiels soit élargie pour englober les:
., oiseaux protégés par la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs1; ., espèces aquatiques; et ., espèces se trouvant sur toutes les terres fédérales, y compris les territoires; disparus du pays, en voie de disparition ou menacés.
Il faut noter que le Bill C-33 reconnaît l'autorité fédérale sur les espèces aquatiques et les oiseaux migrateurs à l'article du Bill portant sur la réalisation des plans de rétablissement (art. 53), mais ne le fait pas dans les articles portant sur la protection des habitats essentiels.
Nous recommandons de plus que les dispositions sur la protection des habitats essentiels mentionnées dans le processus de rétablissement au sein de ces trois champs de juridiction fédérale passent de discrétionnaires à obligatoires. Dans les territoires, nous convenons que des dispositions appropriées s'imposent pour s'assurer d'une participation effective des autorités territoriales, des communautés autochtones touchées et des conseils d'administration de gestion faunique. Les para. 58 (4)(5)(6) et 59 (4)(5)(6) en traitent déjà.
Étant donné qu'il est question d'espèces sauvages confrontées à leur extinction, l'emphase devrait porter sur leur protection, non sur une analyse du bien-fondé de cette dernière. Il faut être certain que les habitats essentiels d'espèces en voie de disparition ou menacées soient protégés. Les dispositions discrétionnaires n'offrent pas cette certitude. Comme nous proposons également que les aires d'habitat essentiel à être protégées par la loi soient identifiées pendant le processus de rétablissement, la participation effective de tous les paliers de gouvernement et des intervenants devrait éliminer la nécessité du volet discrétion.
La LEP prévoit des ententes administratives permettant de déléguer la responsabilité de certaines dispositions de la Loi (article 10). Ces ententes fédérales-provinciales devraient être invoquées lorsqu'elles augmentent l'efficacité de la gestion d'habitats essentiels.
En prenant les dispositions que nous avons recommandé jusqu'à maintenant, soit:
., Mettre en place des interdictions obligatoires de tuer intentionnellement des espèces disparues du pays, en voie de disparition ou menacées ou de détruite leurs résidences; et,
., Faire preuve de véritable leadership fédéral en se servant de l'autorité du gouvernement fédéral et de sa juridiction sur ses terres et en regard d'espèces aquatiques et d'oiseaux migrateurs, nous croyons que le gouvernement nous doterait d'assises solides de protection des espèces, ce qui entraînerait une émulation provinciale. En agissant ainsi, il encouragerait les provinces à adopter des mesures complémentaires de conservation.
Malheureusement, ces éléments ne font pas partie de la LEP. Nous enjoignons le gouvernement fédéral à repenser son approche et à adopter des mesures qui, nous le croyons, constitueront un point de départ plus raisonnable et susceptible de réussite.
5.3 FILET DE SÉCURITÉ FÉDÉRAL
Il n'est pas surprenant que les membres du GTEP aient des points de vue différents quant aux limites ou à la portée de la juridiction fédérale en matière de protection de l'environnement; des positions qui se fondent sur des opinions juridiques divergeantes. Cependant, nous convenons tous que pour qu'une loi sur les espèces en péril soit efficace, une coopération fédérale-provinciale s'impose. Nous croyons qu'une loi qui protège les espèces en péril doit favoriser la coopération sur le terrain.
Le volet probablement le plus controversé du C-33 concerne son filet de sécurité fédéral. L'utilisation des pouvoir conférés par le droit criminel pour permettre au gouvernement fédéral d'empiéter sur une autre juridiction pose un problème délicat, car pour que le filet de sécurité désiré soit efficace il faut qu'il tienne compte de l'essentielle coopération des gouvernements provinciaux. Si le Bill C-33 tente d'arriver à cet équilibre, nous croyons que l'approche est malheureusement imparfaite. Nous reconnaissons que le Bill C- 33 pourrait pousser certaines provinces à assumer leurs responsabilités, spécifiquement celles que reconnaît l'Accord national des gouvernements fédéral/provinciaux/territoriaux de tout le Canada, de protéger les espèces en péril et leurs habitats essentiels. Nous reconnaissons également que le Bill devrait encourager les industries à tenir compte des préoccupations que soulèvent les espèces en péril, si elles ne le font déjà.
Cependant, les dispositions du filet de sécurité sont beaucoup trop alambiquées et incertaines pour nous laisser croire à leur mise en oeuvre effective. Aucune mesure de protection d'habitat essentiel, ou même d'application d'interdictions, ne saurait être prise sans consultations exhaustives et épuisantes avec les ministres provinciaux et les conseils fauniques, puis sans l'approbation par le cabinet fédéral dans son ensemble. Il s'agirait d'un processus prenant pour acquis un degré remarquable et irréaliste d'efficacité gouvernementale, de concordance d'objectifs et de coopération fédérale-provinciale. Le fait de se buter à un gouvernement provincial et de l'embarrasser ne faciliterait guère le développement du contexte de coopération et d'harmonie que recherche le gouvernement fédéral par le biais du Bill C-33.
Qui plus est, nous sommes persuadés que le filet de sécurité tel qu'il a été conçu repose sur des assises constitutionnelles chambranlantes. Aucun d'entre nous ne souhaite un bill qui risquerait de se faire déplumer en quelques années. Aucun d'entre nous, il va de soi, ne souhaite un bill qui serait utilisé pour tester des limites de juridiction constitutionnelle. Nous convenons tous que le gouvernement fédéral doit, en première instance, se servir de son autorité juridictionnelle incontestée pour protéger les espèces et, à cet égard, de nombreuses recommandations que présente ce mémoire visent à s'assurer qu'il le fasse de façon plus convainquante.
5.4 PÉRIODE DE GRÂCE POUR LES INTERDICTIONS
La Loi prévoit une période de grâce d'un an avant que les interdictions entrent en vigueur. Cette période s'applique aux licences et permis émis par le fédéral. Elle devrait englober également les licences et permis émis par les provinces et les municipalités.
6.0 ZONES TAMPONS INTÉRIMAIRES
Tel que nous en traitions auparavant, nous croyons qu'il importe que les habitats essentiels aux espèces disparues du pays, en voie de disparition ou menacées soient identifiés et protégés par le biais du processus de planification du rétablissement plutôt qu'au moment de l'inscription. Cependant, conscients du temps requis pour entreprendre et mettre à exécution les plans de rétablissement, nous croyons qu'il est essentiel de prévoir une protection intérimaire des facteurs clefs de la survie d'individus de ces espèces. Spécifiquement, nous croyons que des zones tampons devraient être utilisées pour offrir un facteur de protection supplémentaire aux individus des espèces disparues du pays, en voie de disparition et menacées. Ces zones tampons ne seraient pas partie intégrante de la loi.
Les paramètres de ces zones tampons seraient établis au moment de l'inscription, si elles sont requises et adéquates. Ces zones renforceraient la protection des résidences, ainsi que d'autres facteurs clefs de la survie d'individus. Ils seraient temporaires à moins que les équipes de rétablissement recommandent de les maintenir.
Le concept de tampon du GTEP devrait compléter l'intendance et les mesures de rétablissement d'une espèce en péril. Pour qu'elles soient efficaces, les zones tampons doivent se conformer au principe du «vite activé, vite désactivé». Les mesures non réglementaires, par ex. contrats avec des propriétaires terriens, recherches de mesures de conservation, servitudes de conservation, ententes spécifiques avec des propriétaires et des gestionnaires des ressources et autres mesures pertinentes d'intendance sont des exemples des types d'outils qui peuvent servir à créer des zones tampons. Ces mesures seraient distinctes de celles émanant des décrets d'urgence prescrits à l'article 80 de la LEP. Les juridictions compétentes devraient prendre des dispositions avec les propriétaires terriens et les gestionnaires des ressources pour que ces zones tampons soient aussi effectives que possible.
Nous notons que les directeurs de la faune au Canada ont trouvé intéressant le concept des zones tampons lors de discussions que nous avons eues avec eux depuis deux ans. L'industrie, pour sa part, se sert de cet outil dans nombre de ses opérations à travers le Canada.
7.0 DÉFENSE DE LA PRISE DE PRÉCAUTIONS VOULUES EN VERTU DE LA LEP
L'utilisation du concept de la prise de précautions voulues (article 100) comme défense préoccupe le GTEP à plusieurs titres. Quoiqu'il s'agisse d'une défense fréquemment invoquée en droit environnemental, elle n'est pas courante en droit criminel. La défense de la prise de précautions voulues est habituellement associée à des infractions entraînant une responsabilité directe, soit lorsque la négligence est l'élément intentionnel nécessaire pour trouver l'accusé coupable d'une infraction. L'article 100 exige que l'accusé en vertu du Bill C-33 prouve, probabilités à l'appui, que toutes les précautions raisonnables avaient été prises pour éviter de commettre une infraction.
Nous croyons que l'établissement de la preuve de précautions voulues par de nombreux usagers des ressources et propriétaires terriens pourrait être très lourde et difficile. Quoique l'emploi de précautions voulues puisse être démontré dans une installation sur un site fixe, il en va tout autrement dans le cas d'opérations s'étalant sur des centaines de milliers, voire des millions d'hectares et sur lesquelles le contrôle de facteurs externes est limité sinon impossible. Nous ne croyons pas qu'il soit raisonnable d'exiger de centaines de milliers de propriétaires terriens s'occupant activement d'agriculture ou d'aménagement de boisés sur 70 millions d'hectares de fermes et 25 millions d'hectares de terres forestières réparties à travers le Canada qu'ils prouvent qu'ils ont pris les précautions voulues. Dans le cas de l'industrie de l'exploration minière, dont les opérations se font sur de vastes territoires comprenant une grande gamme de types d'habitats, une telle obligation deviendrait un obstacle immense aux yeux de nombreuses compagnies songeant à investir dans des projets d'exploration.
Conséquemment, nous recommandons que les interdictions, particulièrement quant à leur application dans le cadre d'habitats essentiels deviennent des infractions d'intention délictueuses (mens rea), transférant ainsi le fardeau de la preuve à la Couronne qui aura à démontrer que les violations étaient nettement intentionnelles. Au minimum, le gouvernement fédéral doit travailler avec les provinces pour offrir la formation voulue aux gestionnaires des ressources naturelles et aux propriétaires terriens de qui on s'attend à la prise de précautions voulues pendant la planification et l'exécution de leurs activités d'aménagement de la ressource et des terres agricoles. Le gouvernement devra également fournir et rendre facilement accessibles les renseignements qui permettront aux gestionnaires des ressources naturelles et aux propriétaires terriens d'identifier les individus des espèces inscrites, leurs résidences et les habitats essentiels que les stratégies de rétablissement auront identifiés.
À défaut de rendre de tels programmes facilement accessibles, les Canadiens seront privés des moyens de se défendre d'avoir enfreint la loi.
8.0 PLANIFICATION DU RÉTABLISSEMENT ET IDENTIFICATION D'HABITATS ESSENTIELS
Le processus de rétablissement donnera des résultats s'il est inclusif et implique les intervenants locaux dans le conception et la mise en oeuvre en temps opportun de solutions aux difficultés auxquelles les espèces en péril font face. Nous sommes encouragés par certains efforts qui ont été faits en ce sens.
Les para. 39(1) et 48(1) énoncent que la stratégie de rétablissement et le plan d'action doivent être préparés en collaboration avec un éventail de partenaires, y compris des gens et organismes que le ministre compétent juge pertinents. Nous comprenons et convenons qu'on ne peut s'attendre à voir 200 personnes préparer une stratégie de rétablissement. Nous avons également confiance que les principaux intervenants, ceux qui gèrent de grandes étendues ou qui se trouvent dans une aire de grande importance pour une espèce en péril, seront invités à la table. Les connaissances scientifiques, locales et traditionnelles contribueront à l'élaboration de programmes de rétablissement solides, pratiques et à bon rapport coût-rendement.
Les intervenants locaux seront davantage partie prenante des mesures d'un plan d'action s'ils sentent que d'emblée ils ont un rôle à jouer et que leurs appréhensions sont prises en considération. L'inclusion des intervenants locaux dans les équipes de plan d'action aideront à tirer parti des connaissances locales, aller chercher des appuis communautaires, permettre la modification de systèmes d'opérations et aider à réduire les perturbations socio-économiques et l'envergure des indemnités. L'un dans l'autre, le processus de planification du rétablissement présenté dans la LEP s'oriente déjà en ce sens.
Nous proposons quelques recommandations clefs qui complètent ce que la LEP propose déjà.
8.1 STRATÉGIES DE RÉTABLISSEMENT
L'article 41 présente déjà une liste de données qui doivent être intégrées à toute stratégie de rétablissement. Nous aimerions souligner combien il importe d'identifier les habitats essentiels en se basant sur des facteurs scientifiques. L'identification d'habitats essentiels devrait faire l'objet d'un segment spécifique de la stratégie de rétablissement.
Un nouveau paragraphe à insérer entre 41(c) et 41(d) pourrait se lire comme suit:
lorsque les données scientifiques sont inadéquates pour identifier un habitat essentiel, un ensemble d'études pour combler les lacunes:
Nous recommandons également d'inclure un nouveau paragraphe 41(h). Il exigerait la compilation de renseignements sur les questions socio-économiques qui pourraient s'avérer utiles pendant la mise en oeuvre de la stratégie. Ceci permettrait d'identifier d'autres intervenants qui devraient d'emblée être partie prenante de l'étape de la planification des mesures de rétablissement afin d'augmenter l'efficience et l'adhésion.
8.2 PLANS D'ACTION DE RÉTABLISSEMENT
Le plan d'action de rétablissement chapeaute toutes les mesures du rétablissement d'une espèce. Un de ses grands volets comprendra les décisions touchant à l'aménagement et la protection d'habitats essentiels identifiés dans la stratégie de rétablissement. Ces décisions engloberont plusieurs approches possibles, dont:
., les initiatives d'intendance; ., les mesures prises par les gouvernements provinciaux; et ., les dispositions de protection légale.
Ces plans d'action se fonderont sur la somme des apports des gouvernements, scientifiques et intervenants. Les facteurs socio-économiques doivent être examinés pendant le processus de planification et les effets nuisibles être atténués et objet d'indemnisation, s'il le faut.
Le Bill C-33 ne spécifie aucun échéancier quant à la présentation d'un plan d'action. Plutôt, l'article 41(g) stipule que la stratégie de rétablissement doit comprendre un échéancier d'élaboration du plan d'action. Nous recommandons qu'un échéancier d'un an soit fixé pour mettre au point un plan d'action visant une espèce en voie de disparition ou menacée.
De plus, le Bill C-33 n'exige pas que le gouvernement fédéral mette à exécution les mesures relevant de lui et précisés dans le plan d'action. Au lieu, il est question de mesures discrétionnaires qui permettent de développer des règlements en conséquence, mais sans obligation. Nous recommandons que les mesures mentionnées en 53 (1) deviennent obligatoires (mais sujettes au processus d'établissement des priorités exposé ci-dessous) dans les 120 jours suivant le dépôt du plan d'action.
Comme les ressources pour planifier le rétablissement d'une espèce en voie de disparition sont limitées, il importe de se fixer des priorités. Le processus d'identification des priorités doit être explicité par la loi afin d'identifier les espèces exigeant une attention immédiate. La mise en branle de mesures de rétablissement pour les espèces à grande priorité serait sujette à la limite de 120 jours mentionnée ci-dessus. Pendant cette même période de temps, le ministre identifierait les recommandations de plans de moindre priorité, s'il y en a, qui devront être mises en branle promptement ou reportées. Les facteurs dont il faut tenir compte pendant l'établissement des priorités comprennent:
., Imminence de la menace ., Importance de l'espèce dans l'écosystème ., Taux de déclin de la population ., Caractère génétique et taxinomique exceptionnel ., Situation continentale de l'espèce et importance du concours canadien pour sa survie ., Causes du déclin de la population ., Ampleur des connaissances et contrôle des facteurs clefs affectant l'espèce
Une fois ces facteurs évalués, il faudra examiner les coûts directs et indirects du programme établi par chaque plan de rétablissement afin d'optimiser l'utilisation des deniers publics affectés au prompt rétablissement du plus grand nombre possible d'espèces en péril.
Nous recommandons également le retrait de l'article 84. Il n'est guère utile d'inscrire des espèces sans prendre de mesures pertinentes pour les rétablir. L'article 39 prévoit déjà que les stratégies de rétablissement doivent être conçues en collaboration avec les ministres provinciaux et territoriaux compétents, les Conseils de gestion faunique, chaque organisation autochtone touchée par la stratégie de rétablissement, ou toute autre personne ou organisation que le ministre compétent juge utile. Il prévoit également que les stratégies de rétablissement doivent tenir compte des dispositions des ententes sur les revendications territoriales. Comme tous les intervenants et toutes les ententes sur les revendications territoriales sont ainsi pris en considération, l'ajout d'un obstacle de plus au processus de rétablissement d'espèces sur les terres fédérales ne saurait se justifier. De plus, les provinces sont tenues de développer des stratégies de rétablissement, plans d'action et plans de gestion (après consultations suffisantes avec le ministre) sans qu'il faille de directive spéciale du gouverneur en conseil. Il est inconséquent que le rétablissement d'une espèce dans les territoires exige une telle directive.
8.3 CONSULTATION
En ce qui a trait aux processus de consultation des para. 39(3) et 48(3), le GTEP recommande d'amender le projet de loi pour inclure une définition précise de consultation, de sorte que les intervenants locaux sachent à quoi s'attendre du processus de planification du rétablissement. À cet effet, le GTEP recommande que le Bill C-33 incorpore la définition de consultation présentée dans la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie (Article 3), soit:
Chaque fois que cette Loi porte de quelque façon que ce soit sur le pouvoir ou le devoir de consulter, ce pouvoir ou ce devoir s'exercera a) en veillant à ce que la partie consultée i) soit informée de la situation de façon suffisamment détaillée pour lui permettre de préparer sa position, ii) dispose d'une période de temps raisonnable pour lui permettre de préparer cette position, et iii) ait l'occasion de présenter cette position à l'entité investie du pouvoir ou du devoir de consulter; et b) en tenant compte entièrement et impartialement de toute position ainsi présentée.
9.0 INDEMNISATION
Le gouvernement fédéral a signé et ratifié la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique et les provinces et territoires en appuient les objectifs On s'attend donc à ce que toute loi visant la conservation des espèces et leurs écosystèmes intègrent les principes de la Convention. Les principes fondamentaux comprennent le partage équitable des avantages (Article 1) et des coûts de mise en oeuvre (Article 20). Si la LEP favorise l'intendance et une approche coopérative à la protection des espèces, elle est loin d'embrasser complètement ces principes et leur mise en oeuvre. Le GTEP enjoint fortement le Parlement à adopter des amendements clefs qui reconnaîtraient sans détours que la protection d'espèces en péril est une valeur publique et que les mesures de leur protection doivent être partagées équitablement, plutôt qu'être un fardeau porté injustement par un individu, un groupement de propriétaires, des travailleurs, des communautés ou des organisations.
L'indemnisation des propriétaires terriens et des usagers des terres s'avère un élément fondamental du partage équitable des coûts de mise en oeuvre. Les dispositions sur l'indemnisation aident à équilibrer l'impact des efforts consacrés à la protection des espèces en péril et épaulent la confiance mutuelle dont tous les intervenants ont besoin. Cependant, l'article 64 de la LEP est vague et incertain quant à son application. Nous savons que le ministre a mandaté le Dr Peter Pearse, un économiste en ressources naturelles réputé, pour examiner cette question, mais nous regrettons que la clarification quant à l'indemnisation n'ait pas été réglée avant le dépôt de la LEP.
Le Parlement doit ajouter un article énonçant clairement son intention en matière d'indemnisation. Cet article devra comprendre des directives explicites à l'intention des fonctionnaires qui rédigeront les règlements portant sur l'éligibilité et les montants et types d'indemnisation offerts aux Canadiens.
L'indemnisation pourrait être autre que financière. Il pourrait s'agir, par exemple, de formation, programmes de développement économique visant à accroître les possibilités d'emploi, terres ou bois pour remplacer les pertes entraînées par des mesures de conservation d'habitat.
Le GTEP a toujours prôné que les efforts visant la protection des espèces en péril devraient avantager tant les espèces que le gens. À ces deux titres, la LEP a besoin d'être améliorée. En ce qui a trait aux gens, le GTEP propose les amendements suivants:
1. Intégrer au préambule la reconnaissance du fait que la protection des espèces en péril est un bien public commun en faisant référence à l'article 20 de la Convention (voir la recommandation précédente quant aux termes à employer).
2. L'article 64 doit également clarifier ce que l'on signifie par «pertes subies en raisons de conséquences extraordinaires» provenant de mesures de protection d'une espèce en péril. De plus, le gouvernement doit énoncer explicitement dans la loi que toute personne dont le gagne-pain dépend de la gestion de la terre et de ses ressources, y compris les entreprises, soit éligible en principe à une indemnisation. La loi doit prévoir spécifiquement une indemnisation pour pertes incontournables découlant de l'inhabilité de poursuivre des activités autorisées par contrat légal ou licence. Le gouvernement ne doit pas avoir la liberté de faire de l'éligibilité une matière floue sujette à interprétation afin de la contourner plus tard dans les règlements. Le GTEP appuie sans réserve l'élaboration d'une réglementation sous-tendant l'indemnisation quand l'intention est de prévenir les abus et la naissance d'incitatifs pervers. Cependant, il ne faut pas adopter de règlements quand leur seule raison d'être est de limiter l'éligibilité des entreprises ou de diminuer la responsabilité éventuelle du gouvernement.
L'appel à l'indemnisation sera grandement réduit en:
., Se servant d'ententes d'intendance pour renverser des déclins de population d'espèces en péril lorsque possible; ., S'assurant que les stratégies de rétablissement et les plans d'action soient élaborés avec la participation d'emblée d'intervenants bien informés et affectés par les événements. L'inclusion dès le départ des connaissances, préoccupations socio-économiques et aptitudes locales à modifier les modes d'opération courants aideront grandement à diminuer l'appel à l'indemnisation.
10.0 RESSERREMENT DES DISPOSITIONS D’EXEMPTION (art. 74, 75 et 83)
Ces articles de la Loi donnent aux ministres du gouvernement fédéral des coudées franches pour soustraire une grande gamme d'activités aux dispositions de la Loi. L'envergure de cette latitude contraste fortement avec les exigences de consultations multiples avant de protéger une espèce ou avec les sanctions au criminel prévues par la Loi à l'endroit des citoyens et des entreprises. Le gouvernement doit être plus étroitement lié par sa propre législation.
Les articles 74 et 75 portent sur les exemptions à la Loi autorisées par un ministre compétent. (soit les ministres de l'Environnement, du Patrimoine et des Pêches). L'article 83 permet une exemption dans certains cas par tout ministre fédéral. En opposition à toutes les dispositions touchant à la protection d'une espèce, ces articles envisagent des exemptions sans aucune consultation avec les autres niveaux de gouvernement, le Conseil des ministres de la faune, ou entre et parmi les ministres compétents eux- mêmes. En d'autres mots, si le ministre des Pêches veut exempter une activité de pêche des dispositions de la Loi, il ou elle pourra le faire sans consultations.
Les critères à respecter en vertu des articles 74 et 75 ne sont pas cumulatifs, un seul suffisant. Ainsi, une fois que le ministre est persuadé qu'un impact est accessoire à l'activité dans son ensemble et que toutes les dispositions stipulés au para. 74(3) ont été respectées (soit que toutes les solutions de rechange raisonnables ont été examinées, toutes mesures réalisables prises, et que l'activité ne menacera pas la survie de l'espèce dans son ensemble ou localement), l'activité pourra être entreprise. Les ministres des Pêches ou du Patrimoine peuvent signer une telle entente sans se prévaloir de l'avis du ministre de l'Environnement.
L'article 83 est davantage préoccupant. Les exemptions qu'il prévoit n'ont pas à passer par les étapes de l'article 74. Tout ministre fédéral dont le mandat englobe des activités touchant à la sécurité publique, à la santé ou à la sécurité nationale n'a pas à se conformer à autre chose autre que de respecter cette Loi au meilleur de ses aptitudes. Les types d'activités pouvant déroger à l'intention de la loi sur la protection des espèces en péril pourraient à la limite comprendre des décisions touchant à l'utilisation routière, aérienne ou ferroviaire du territoire prises par le ministre des Transports ou à l'utilisation de pesticides par le ministre de la Santé, toute décision relevant du ministre de la Défense nationale, etc. Quoique le GTEP a toujours prévu des exemptions, il précise également en vertu de quelles lois il serait possible d'en accorder et insiste sur l'absence d'exemptions de type carte blanche. Les articles 74, 75 et 83 doivent être resserrés afin, au minimum, de nommer les lois en vertu desquelles des exemptions pourraient être accordées, insister sur la consultation avec le Conseil des ministres de la faune et tout autre ministre compétent avant d'accorder l'exemption, et d'exiger que l'exemption et sa justification soient inscrites dans un registre public.
11.0 ENTENTES D'INTENDANCE, ÉMISSION DE PERMIS ET ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE
Le GTEP apprécie le fait que la LEP reconnaît l'importance des ententes d'intendance comme outil efficace permettant la survie et le rétablissement d'espèces en péril.
Il est improbable que le gouvernement ait eu l'intention de faire déclencher une évaluation environnementale lorsqu'un propriétaire terrien ou un usager des ressources signe une entente d'intendance impliquant du financement fédéral. Néanmoins, nous recommandons que les ententes d'intendance signées avec le gouvernement fédéral dans le cadre d'objectifs de conservation soient spécifiquement exemptées d'une évaluation environnementale en vertu de la Loi canadienne sur les évaluations environnementales. Autrement, le flou qui planerait constituerait un obstacle majeur quant à l'utilisation d'outils aussi positifs et utiles que les ententes d'intendance.
Nous recommandons également que ces exceptions s'appliquent si un propriétaire terrien ou un usager des ressources demande un permis en vertu des articles 74, 75 et 78. La demande de tels permis comprend déjà la démonstration que l'activité faisant l'objet d'un permis avantage l'espèce ou n'a qu'un impact accessoire sur elle. S'il faut quand même faire une évaluation environnementale, elle devrait se limiter à l'envergure de l'activité et à l'aire pour laquelle le permis est émis.
12.0 AMENDEMENTS À LA LCÉE
La raison d'être de la LCÉE est la protection des espèces en péril. Afin d'atteindre cet objectif, il faut s'assurer la coopération des gens qui se servent déjà du territoire, par exemple les fermiers, mineurs et bûcherons. Il est également logique de penser que la raison d'être de la LEP soit intégrée aux projets de demain; que de nouveaux développements tiennent compte des objectifs de la LEP et des besoins des espèces en péril. Conséquemment, le GTEP appuie l'intention du gouvernement quant aux modifications de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale (LCEE) qu'il envisage.
Cependant, le GTEP voit dans ces amendements à la LCÉE qu'entraînerait la LEP un manque de clarté et une complexité inutile et possiblement onéreuse. Les amendements à la LCÉE devraient éclairer non décourager le développement économique.
Le GTEP propose donc les amendements suivants à la LCÉE:
Le para. 79(1) crée une obligation de notifier quand un projet est «susceptible de toucher une espèce sauvage inscrite». Ceci diffère de l'emphase que la LCÉE place sur les effets adverses, pas simplement les effets. En ce moment, le langage que tient la LEP laisse entendre que des projets ayant des effets bénéfiques pourraient être interdits par la LEP. Le GTEP recommande que la LEP soit amendée pour respecter l'emphase que la LCÉE place sur les effets négatifs et que le mot «adverses» soit placé après «environnementaux» dans l'article 79(1) et que le mot «adverses» soit placé après «effets» dans l'article 79(2).
79 (1) Toute personne tenue, sous le régime d'une loi fédérale, de veiller à ce qu'il soit procédé à l'évaluation des effets environnementaux adverses d'un projet notifie sans tarder à tout ministre compétent tout projet susceptible de toucher une espèce sauvage inscrite ou son habitat essentiel.
(2) La personne détermine les effets adverses du projet sur l'espèce et son habitat essentiel et, si le projet est réalisé, veille à ce que des mesures compatibles avec tout programme de rétablissement et tout plan d'action applicable soient prises en vue de les éviter ou de les amoindrir et contrôler.
L'amendement de la LCÉE envisagé pour ajouter une référence à la «résidence de tout individu de cette espèce» pose également problème. Il suggère que tous les évaluateurs auront l'obligation de tenir compte de chaque individu d'une espèce en voie de disparition ou menacée touchée par un projet. Une telle évaluation serait fautive advenant qu'elle omette un individu d'une espèce inscrite, même si elle tient compte d'autres individus de la même espèce. Ceci poserait problème tout particulièrement quand il est question d'une espèce difficile à repérer ou à identifier, par ex. les lichens.
Si le GTEP appuie complètement l'intention d'exiger que les promoteurs d'un projet tiennent compte d'espèces en péril situées dans le voisinage du projet, les amendements à la LCÉE proposés par la LEP ne semblent pas réalisables et pourraient être la cause de litiges. Il faudrait éviter que cela puisse se produire.
L'article 136 de la LEP serait plus efficace en replaçant «soit sur une espèce sauvage inscrite, son habitat essentiel ou la résidence de ses individus, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur les espèces en péril» par: «soit sur la survie et le rétablissement d'une espèce disparue du pays, en voie de disparition ou menacée, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur les espèces en péril.»
Ce changement verrait à ce que les mesures pertinentes soient prises pendant le processus d'évaluation environnementale pour respecter les besoins touchant à la survie et au rétablissement des espèces en péril, ce qui est clairement l'intention de l'amendement proposé, et ce sans imposer au promoteur du projet d'obligations indues et potentiellement irréalisables ou impossibles.
13.0 PÉRIODE DE TRANSITION
L'adoption de la LEP créera un nouveau contexte de gestion des espèces en péril au Canada. S'ensuivront nécessairement des ajustements quant aux procédures, règlements, coopération fédérale-provinciale, baux en vigueur, contrats et activités en cours. Parallèlement, les connaissances sur les espèces en péril devront être partagées et étoffées afin de pouvoir les intégrer à la planification et aux pratiques de l'utilisation des ressources. Une fois la LEP en vigueur, il faudra possiblement, et en dedans d'une période de trois ans, élaborer des plans de rétablissement et de gestion touchant à plus de 340 espèces. Nous pourrions assister à un gigantesque bouchon dans le système et l'irruption de questions de gestion problématiques chez les usagers des ressources et les propriétaires terriens dans certains secteurs du pays à forte concentration d'espèces en péril. Le gouvernement devrait voir à la mise en application de la LEP de façon graduelle, en privilégiant d'abord les espèces en voie de disparition ou menacées.
14.0 INITIATIVES D'INCLUSION FONDAMENTALES À L'APPLICATION DE LA LEP AFIN DE FAVORISER L'INTENDANCE VOLONTAIRE
La mise en application de la LEP exigera qu'on fournisse de grandes quantités d'information aux propriétaires terriens, usagers des ressources, industries, etc. afin de faciliter leurs prises de décisions. La première ligne de défense avantageant une espèce en péril sera la connaissance qu'auront les humains de son existence et de ses exigences en matière d'habitat afin qu'ils puissent éviter de faire du tort à ou de tuer certains individus par inadvertance. Ceci revêtira une importance capitale surtout si la LEP, une fois proclamée, prévoit toujours défense de la prise de mesures voulues lors d'accusations en vertu des dispositions de la LEP. Afin que les individus ou entreprises puissent faire un usage efficace de cette défense, il sera capital qu'ils aient accès aux données sur les espèces.
Qui plus est, la disponibilité de cette information, combinée aux programmes de formation et à des ressources (humaines et financières) sera essentielle à la réussite des programmes d'intendance volontaires. Les secteurs des ressources, les groupes de conservation et environnementalistes, les associations industrielles, les gouvernements et les communautés devront travailler coopérativement en matière d'élaboration et de mise en oeuvre des programmes essentiels d'éveil et d'information qu'il faudra mettre en place dans le sillage de la LEP.
Le type d'information nécessaire devrait couvrir la description de l'espèce, les exigences de son cycle de vie, sa résidence, son habitat, des habitudes de comportement et toute autre information significative qui peut contribuer à la conservation de l’espèce.
15.0 MINISTRE COMPÉTENT
Quoique la LEP nomme le ministre de l'Environnement ministre responsable de l'administration de la Loi, elle limite son autorité dans les domaines qui tombent sous la responsabilité des ministres des Pêches et Océans et du Patrimoine canadien, et fait place à ce qui est défini comme ministre compétent. Évidemment, ce partage de responsabilité mènera à davantage de bureaucratie, un manque de cohésion et une application inconsistante de la Loi. Le GTEP recommande donc qu'il n'y ait qu'un ministre responsable.
16.0 SAVOIR-FAIRE FÉDÉRAL QUANT À L'APPLICATION DE LA LEP
L'application de la LEP exigera un savoir-faire et des ressources considérables. Il y a de nombreuses espèces pour lesquelles il faudra mettre en branle la planification du rétablissement, entreprendre des recherches et mettre en application des mesures de conservation. Les trois principaux ministres concernés devront travailler en étroite collaboration avec d'autres ministères fédéraux, des organismes provinciaux, des scientifiques, des propriétaires terriens et des usagers, des organisations de conservation et d'autres parties intéressées. Il faudra prendre des décisions difficiles et concurrentes avec un financement et des ressources limités.
Il est donc essentiel que ces trois ministres s'adjoignent le savoir-faire en conservation requis pour sous- tendre des opérations de rétablissement efficace. Ces trois ministères sont présentement à court de personnel et sous-financés. Il faudra sans délai employer le personnel voulu et consacrer les ressources suffisantes.
17.0 CONCLUSION
En adoptant ces recommandations, nous croyons que le gouvernement sera en mesure de présenter une loi efficace de protection des espèces en péril. Elles ne régleront pas tout dans notre système fédéral, car il y a des limites à ce qu'il peut faire. Mais, nous croyons que leur adoption permettra au gouvernement de faire preuve de véritable leadership et d'ouvrir une voie qui encouragera les autres paliers décisionnels du Canada à faire leur bout de chemin.
Nous reconnaissons que dans leur ensemble nos recommandations constituent une révision importante de la LEP et sommes bien conscients que le temps presse. Cependant, en notre qualité de rassemblement unique de gens qui ont longuement travaillé à forger un schème de protection des espèces qui saurait avantager tous les intervenants, nous aurions failli à notre engagement en ne présentant pas les conseils que ce document contient.
Le chemin déjà parcouru est louable et nous applaudissons ce que le gouvernement a fait. Mais il reste beaucoup à faire. Nous enjoignons ce comité et le gouvernement de compléter le travail déjà entrepris.
Merci.
LISTE DES RECOMMANDATIONS
Préambule
Le GTEP enjoint le Parlement d'adopter des amendements clés reconnaissant sans ambages que la protection des espèce en péril est une valeur publique et que le coût des mesures destinées à les protéger devrait être partagé équitablement, non absorbé injustement par un individu, un groupe de propriétaires terriens, des travailleurs, des communautés ou organisations.
Nous proposons donc les ajouts suivants au préambule:
Le partage équitable des avantages et des coûts est l'un des principes de la Convention sur la conservation de la diversité biologique. Il doit sous-tendre les efforts de conservation des espèces en péril. Le coût de celle-ci doit être porté par tous les Canadiens, pas seulement par un petit groupe de propriétaires terriens, usagers des ressources, travailleurs et communautés;
Les buts de cette Loi seront respectés autant que faire se peut tout en prenant en considération les intérêts sociaux et économiques des Canadiens.
Article 2
Le mot «nuire» utilisé au para. 32(1) devrait être spécifiquement et clairement défini à l'art. 2 de la LEP, tout particulièrement si l'intention est de l'appliquer à des actes qui dérangent des individus. Le fait de comprendre que le mot suggère «causer des blessures physiques directes» ne pose pas problème. De plus, il faut voir à ce que «nuire» n'empiète pas sur des questions d'habitat, lesquelles sont couvertes plus adéquatement avec le concours des intervenants lors du processus de planification du rétablissement. Il ne faudrait pas que l'on puisse plaider que la perturbation de l'habitat nuit à un individu et conclure en conséquence que la perturbation de l'habitat devrait être automatiquement prohibée.
Nous proposons l'amendement suivant à la définition de résidence:
«résidence» «signifie un gîte spécifique - terrier, nid ou autre site, lieu ou structure semblable - occupé ou habituellement occupé par un ou plusieurs individus pendant toute ou une partie de leur vie, notamment pour la reproduction, l'élevage ou l'hibernation.»
La définition d'espèce dans le Bill C-33 diffère de celle du COSEPAC. Elles devraient être uniformes.
Article 8
Le GTEP recommande que le ministre de l'Environnement soit le seul ministre responsable.
Nouvel article après l'art. 13
Nous recommandons que les ententes d'intendance signées avec le gouvernement fédéral pour fins de conservation soient spécifiquement exemptées d'une évaluation environnementale en vertu de la LCÉE.
Article 15
Le para. 15(3) exige que le COSEPAC, dans le cours de son mandat, tienne compte des traités en vigueur et des ententes sur les revendications territoriales. Nous croyons que la prise en compte de ces considérations politiques devrait relever du gouvernement plutôt que du COSEPAC, comme cela a été fait au para. 27(1)(c). Conséquemment, nous recommandons que le para.15(3) soit retiré.
Articles 17 et 20
Il importe que le COSEPAC puisse fonctionner comme une entité scientifique indépendante du gouvernement (c.à.d. le Service canadien de la faune). Les règlements promulgués par le ministre pour guider l'exécution des fonctions du COSEPAC doivent être conçus de façon à appuyer son rôle indépendant et son intégrité scientifique. Le secrétariat du COSEPAC doit appuyer, coordonner et documenter le travail du COSEPAC. Il ne doit pas être dans une position où il guiderait, dirigerait or gérerait le travail du COSEPAC.
Articles 27 et 130
Le Bill C-33 devrait prévoir que chaque espèce inscrite par le COSEPAC (y compris celles qui sont déjà inscrites) reçoive automatiquement une reconnaissance légale à moins que le Cabinet (ou le ministre) en juge autrement à l'intérieur d'un court délai, mettons 30 jours, après la publication de la liste par le COSEPAC.
Nouvel article après l'art. 27
Nous recommandons qu'au moment de l'inscription le ministre indique si le concept de la résidence s'applique à l'espèce en question, dans lequel cas il devrait fournir une définition et une description claires de la résidence.
Article 28
Le para. 28(1) devrait être modifié comme suit:
Toute personne estimant que la survie d'une espèce sauvage est menacée de façon imminente peut demander au COSEPAC d'évaluer la situation d'une espèce sujette à une menace immédiate en vue de la faire inscrire d'urgence comme espèce en voie de disparition en application du para. 29(1).
Article 29
Le para. 29(1) ne stipule aucune limitation quant à la durée d'une inscription d'urgence. Les recommandations du COSEPAC (article 30) devraient donner lieu à des mesures immédiates. Si l'on veut qu'une espèce ait la possibilité de se rétablir, il ne faut pas tarder à prendre des mesures. D'autre part, si l'on détermine qu'une espèce n'est pas en péril, les interdictions et les contraintes d'opérations doivent être levées rapidement.
Le para. 29(2) devrait être amendé de sorte que le COSEPAC soit toujours consulté avant que tout geste ministériel soit pris en vertu des dispositions du para. 29(1), étant donné que de telles décisions doivent se fonder sur les meilleurs conseils scientifiques disponibles.
Article 30
Le COSEPAC devrait avoir un an pour déposer un rapport de situation dans le cas d'une inscription d'urgence.
Para. 32 (1)
Le mot «take» en anglais pourrait être sujet à interprétation et devrait être remplacé par «remove» ou un équivalent pour rejoindre le sens de «prendre» en français.
Articles 32, 33 et 34
Les articles 32 et 33 devraient s'appliquer aux espèces en voie de disparition ou menacées partout au pays tels que rédigés. L'article 34 devrait donc être retiré.
Article 35
L'article 35 devrait être retiré.
Para. 39(3) et 48(3)
En ce qui a trait aux processus de consultation des para. 39(3) et 48(3), le GTEP recommande d'amender le projet de loi pour inclure une définition précise de «consultation». À cet effet, le GTEP recommande que le Bill C-33 incorpore la définition de consultation présentée dans la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie (Article 3).
Article 41
L'identification d'habitats essentiels devrait se faire sur une base scientifique et constituer un chapitre spécifique de la stratégie de rétablissement.
Un nouveau paragraphe devrait être inséré entre 41(c) et 41(d), comme suit:
lorsque les données scientifiques sont inadéquates pour identifier un habitat essentiel, un ensemble d'études pour combler les lacunes:
Nous recommandons également d'inclure un nouveau paragraphe 41(h). Il exigerait la compilation de renseignements sur les questions socio-économiques qui pourraient s'avérer utiles pendant la mise en oeuvre de la stratégie.
Article 49
Les facteurs socio-économiques doivent être examinés pendant le processus de planification et les effets nuisibles être atténués et objet d'indemnisation.
Nouvel article après l'art. 49
Nous recommandons qu'un échéancier d'un an soit fixé pour mettre au point un plan d'action visant une espèce en voie de disparition ou menacée.
Nouvel article après l'art. 52
La rareté des ressources requiert l'établissement de priorités. La loi devrait clairement les préciser de sorte qu'on puisse décider des espèces qui ont le plus besoin de mesures immédiates. La mise en oeuvre des plans de rétablissement des espèces à forte cote de priorité serait sujette au délai maximum de 120 jours mentionné ci-dessous. Parallèlement, le ministre identifierait les recommandations de plans de moindre priorité, s'il y en a, qui devront être mises en branle promptement ou reportées.
Article 53
Sous réserve de la clarification dont nous traitons ci-dessous (articles 57 à 59), nous recommandons que les mesures du para. 53(1) soient obligatoires (à la lumière du processus de détermination des priorités mentionné ci-dessus), dans le cadre du délai de 120 jours à partir du dépôt du plan d'action.
Articles 57 à 59
Nous recommandons que la portée des mesures de protection des habitats essentiels soit élargie pour englober les:
., oiseaux protégés par la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs; ., espèces aquatiques; et ., espèces se trouvant sur toutes les terres fédérales, y compris les territoires; disparus du pays, en voie de disparition ou menacés.
Le gouvernement maintient que la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs ne confère pas au gouvernement fédéral l'autorité de protéger les habitats essentiels de ces oiseaux migrateurs. Certaines opinions vont dans le sens contraire. Il s'agit ici nettement d'une question qu'il faudra clarifier et nous enjoignons le gouvernement de s'en occuper.
Les mesures de protection de l'habitat touchant aux espèces et terres tombant sous la responsabilité du fédéral devraient être obligatoires plutôt que discrétionnaires.
Les ententes fédérales-provinciales (article 10) devraient servir lorsqu'elles favorisent l'efficacité en matière de protection d'habitats essentiels.
Article 64
Le Parlement doit ajouter un article énonçant clairement son intention en matière d'indemnisation. Cet article devra comprendre des directives explicites à l'intention des fonctionnaires qui rédigeront les règlements portant sur l'éligibilité à l'indemnisation et les montants et types d'indemnisation offerts aux Canadiens.
L'article 64 devrait également clarifier ce que l'on signifie par «pertes subies en raisons de conséquences extraordinaires» provenant de mesures de protection d'une espèce en péril.
De plus, le gouvernement doit énoncer explicitement dans la loi que toute personne dont le gagne-pain dépend de la gestion de la terre et de ses ressources, y compris les entreprises, soit éligible en principe à une indemnisation.
La loi doit prévoir spécifiquement une indemnisation pour pertes incontournables découlant de l'inhabilité de poursuivre des activités autorisées par contrat légal ou licence.
Le GTEP appuie sans réserve l'élaboration d'une réglementation sous-tendant l'indemnisation quand l'intention est de prévenir les abus et la naissance d'incitatifs pervers.
Articles 74, 75 et 83
Les articles 74, 75 et 83 doivent être resserrés afin, au minimum, de nommer les lois en vertu desquelles des exemptions pourraient être accordées, insister sur la consultation avec le Conseil des ministres de la faune et tout autre ministre compétent avant d'accorder l'exemption, et d'exiger que l'exemption et sa justification soient inscrites dans un registre public.
Articles 74, 75 et 78
Nous recommandons que le propriétaire terrien ou l'usager des ressources demandant un permis en vertu des articles 74, 75 et 78 n'ait pas à subir une évaluation environnementale en vertu de la LCÉE.
Article 77
La Loi prévoit une période de grâce d'un an dans le cas de licences ou permis émis par le gouvernement fédéral avant que les interdictions s'appliquent. Cette période devrait s'appliquer aux licences et permis émis par les provinces et les municipalités.
Article 79
Le GTEP recommande que la LEP soit amendée pour respecter l'emphase que la LCÉE place sur les effets négatifs et que le mot «adverses» soit placé après «environnementaux» dans l'article 79(1) et que le mot «adverses» soit placé après «effets» dans l'article 79(2).
79 (1) Toute personne tenue, sous le régime d'une loi fédérale, de veiller à ce qu'il soit procédé à l'évaluation des effets environnementaux adverses d'un projet notifie sans tarder à tout ministre compétent tout projet susceptible de toucher une espèce sauvage inscrite ou son habitat essentiel.
(2) La personne détermine les effets adverses du projet sur l'espèce et son habitat essentiel et, si le projet est réalisé, veille à ce que des mesures compatibles avec tout programme de rétablissement et tout plan d'action applicable soient prises en vue de les éviter ou de les amoindrir et contrôler.
Article 84
L'article 84 devrait être retiré.
Article 100
Nous recommandons que les interdictions, particulièrement quant à leur application dans le cadre d'habitats essentiels deviennent des infractions d'intention délictueuses (mens rea).
Si le gouvernement maintient la défense de prise de précautions voulues, il devra travailler avec les provinces pour offrir la formation voulue aux gestionnaires des ressources naturelles et aux propriétaires terriens de qui on s'attend à la prise de précautions voulues pendant la planification et l'exécution de leurs activités d'aménagement de la ressource et des terres agricoles. Le gouvernement devra également fournir et rendre facilement disponibles les renseignements qui permettront aux gestionnaires des ressources naturelles et aux propriétaires terriens d'identifier les individus des espèces inscrites, leurs résidences et les habitats essentiels que les stratégies de rétablissement auront identifiés.
Nouvel article après l'art. 131
Le gouvernement devrait voir à la mise en application de la LEP de façon graduelle, en privilégiant d'abord les espèces en voie de disparition ou menacées.
Article 136
L'article 136 de la LEP serait plus efficace en replaçant «soit sur une espèce sauvage inscrite, son habitat essentiel ou la résidence de ses individus, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur les espèces en péril» par: «sur la survie et le rétablissement d'une espèce disparue du pays, en voie de disparition ou menacée, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur les espèces en péril.»
Éléments non réglementaires
Conscients du temps requis pour entreprendre et mettre à exécution les plans de rétablissement, nous croyons qu'il est essentiel de prévoir une protection intérimaire des facteurs clefs de la survie d'individus de ces espèces par le biais de zones tampons non réglementaires. Elles seraient de durée temporaire, à moins que les équipes de rétablissement recommandent leur prolongement. La juridiction compétente devrait prendre des dispositions avec les propriétaires terriens et les usagers des ressources pour établir de telles zones aussi efficacement que possible.
La disponibilité d'informations, combinée aux programmes de formation et à des ressources (humaines et financières) sera essentielle à la réussite des programmes d'intendance volontaires. Les secteurs des ressources, les groupes de conservation et environnementalistes, les associations industrielles, les gouvernements et les communautés devront travailler coopérativement en matière d'élaboration et de mise en oeuvre des programmes essentiels d'éveil et d'information qu'il faudra mettre en place dans le sillage de la LEP.
Le type d'information nécessaire devrait couvrir la description de l'espèce, les exigences de son cycle de vie, sa résidence, son habitat, des habitudes de comportement et toute autre information significative qui peut contribuer à la conservation de l'espèce.
Il est essentiel que les trois ministres les plus proches des espèces en péril (Environnement, Pêches et Océans, Patrimoine) s'adjoignent le savoir-faire en conservation requis pour sous- tendre des opérations de rétablissement efficace. Ces trois ministères sont présentement à court de personnel et sous-financés. Il faudra sans délai employer le personnel voulu et consacrer les ressources suffisantes.
ANNEXE 1 MEMBRES DU GTEP
Fédération canadienne de la nature
Le Fédération canadienne de la nature (FCN), anciennement la Société Audubon du Canada, est une organisation nationale à but non lucratif représentant plus de 40 000 individus et au moins 100 clubs naturalistes locaux. Ses programmes couvrent quatre grands domaines (Conservation des terres sauvages et océans, Zones importantes pour la conservation des oiseaux, Éducation et Espèces menacées) de promotion de la conservation de la faune en faisant valoir ses valeurs intrinsèques, ainsi que ce qu'elle apporte aux humains. Depuis ses origines il y a 53 ans, la FCN prône la conservation des espèces menacées. Elle est membre fondateur du Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) et du Comité de rétablissement des espèces canadiennes en péril (RESCAPÉ), qui dressent la liste officielle des espèces en péril au Canada et élaborent des plans de rétablissement pour certaines d'entre elles. Le Programme des espèces menacées de la FCN insiste depuis de nombreuses années sur l'adoption de lois et programmes fédéraux et provinciaux sur les espèces menacées. Nous travaillons de près avec nos organisations provinciales naturalistes affiliées et d'autres groupements nationaux pour atteindre ces objectifs. Ce faisant nous prisons la ténacité, l'esprit constructif et la coopération, et demeurons fidèles à nos principes de conservation.
L'Association canadienne des pâtes et papiers
L'Association canadienne des pâtes et papiers représente 38 compagnies qui produisent la majeure partie de la pâte, du papier et du carton fabriqués au Canada, ainsi que près de la moitié des produits du bois. L'industrie de la forêt affiche des ventes de plus de 50 milliards de dollars par année et est la source de plus d'un million d'emplois directs et indirects. La structure sociale et l'intégrité de plus de 300 communautés dépendent fortement de l'industrie forestière. Vingt des 38 compagnies membres de l'ACPP ont des opérations forestières et sont responsables de l'aménagement forestier de 85 millions d'hectares, soit 65% des terres forestières en production active au Canada. L'industrie forestière vend la majeure partie de ses produits sur des marchés étrangers qui se préoccupent de plus en plus de la performance environnementale. Prendre soin des espèces en péril fait partie intégrante de l'aménagement forestier durable et, à cet effet, de nombreuses compagnies forestières s'occupent déjà activement de plans de rétablissement (Marmotte de l'île de Vancouver, Alque marbrée, Martre de Terre-Neuve). Une loi canadienne sur les espèces en péril est à la fois un outil essentiel d'un état moderne pour la gestion des espèces en péril et un message sans équivoque aux autres pays que le Canada préconise la durabilité.
Fédération canadienne de la faune
La Fédération canadienne de la faune (FCF) est une organisation de conservation nationale sans but lucratif comptant 300 000 membres et supporters au Canada. Elle cherche à amener le public à comprendre et apprécier notre milieu naturel. En mettant en évidence les impacts de l'homme sur l'environnement, parrainant des recherches, vantant l'utilisation durable des ressources naturelles, recommandant des modifications aux lois et coopérant avec des partenaires aux visées semblables, la FCF met l'accent sur un avenir qui verrait les Canadiens et la nature former un tout harmonieux. Comme chef de file en éducation et en prise de conscience en matière de conservation, la FCF a affiché de nombreuses réussites dont nous sommes extrêmement fiers. Par exemple, nos efforts en matière de protection d'espèces en péril au Canada ont conduit à la mise sur pied du Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) en 1977; nous avons contribué au financement de l'élaboration de rapports de situation sur les espèces en péril dans le cadre de notre engagement envers le COSEPAC; nous avons participé à la construction du site Web sur les espèces en péril (www.speciesatrisk.gc.ca) en collaboration avec le Service canadien de la faune, le Musée canadien de la nature et Ressources naturelles Canada; et nous continuons à financer des projets de recherche et des mesures de rétablissement d'espèces en péril, dont la grue blanche d'Amérique, le renard véloce et la tortue luth. La FCF appuie et encourage l'adoption et l'application de lois sur les espèces en péril par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux tel que souligné dans l'Accord national sur la protection des espèces en péril. La Fédération s'est engagée à s'assurer que de tels efforts comprennent des initiatives de protection de l'habitat quand la perte d'habitat contribue au déclin d'une espèce, ainsi que la participation active de propriétaires terriens et usagers des ressources. L'information disséminée au public et les programmes d'éveil sont également essentiels à l'atteinte des buts fixés par cette loi.
Association minière du Canada
L'Association minière du Canada (AMC) est l'organisation nationale de l'industrie minière canadienne. Elle est formée de compagnies actives dans l'exploration, l'extraction, l'affinage, le raffinage et la semi- finition des métaux et minerais. Les sociétés membres représentent la majorité de la production canadienne de métaux et minéraux industriels. La mission de l'AMC est de promouvoir, grâce à l'intervention collective de ses membres, la croissance et le développement de l'industrie minière et de la transformation des métaux, au profit de tous les Canadiens. Le rôle général de l'Association est de promouvoir les intérêts de l'industrie aux niveaux national et international, d'élaborer des politiques concernant les minéraux avec les gouvernements, d'informer le public et de promouvoir la coopération entre les sociétés membres pour résoudre des problèmes communs. L'AMC travaille en étroite collaboration avec les associations minières provinciales et territoriales, ainsi que d'autres organisations de l'industrie à travers le Canada et à l'étranger.
Le Sierra Club du Canada
Le Sierra Club du Canada (SCC) est une organisation environnementale nationale, sans but lucratif. Affilié au Sierra Club fondé aux États-Unis en 1892, le SCC était à son origine en 1969 une branche en Colombie-Britannique. Le SCC a des membres et des branches à travers le Canada, ainsi qu'un volet jeunesse, la Coalition Jeunesse Sierra. Le SCC joue depuis longtemps un rôle marquant en veillant à ce que les espèces en péril puisse bénéficier d'outils juridiques adéquats. Il a d'abord milité en faveur d'une telle loi pendant qu'il travaillait à la naissance de la Convention sur la Biodiversité en sa qualité de membre de plusieurs délégations à la CNUDB. Le SCC a témoigné devant le comité permanent de la Chambre des communes sur l'Environnement et le Développement pour expliquer la nécessité de disposer d'une loi sur les espèces en péril comme condition à la ratification à l'automne 1992 de la Convention sur la biodiversité. Depuis lors, l'adoption d'une loi efficace de protection des espèces en péril demeure une des priorités de l'organisation.
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1 Le gouvernement maintient que la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs ne confère pas au gouvernement fédéral l'autorité de protéger les habitats essentiels de ces oiseaux migrateurs. Certaines opinions vont dans le sens contraire. Il s'agit ici nettement d'une question qu'il faudra clarifier et nous enjoignons le gouvernement de s'en occuper.