HERI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON CANADIAN HERITAGE
COMITÉ PERMANENT DU PATRIMOINE CANADIEN
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 2 décembre 1999
Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)): Je déclare ouverte cette séance du Comité du patrimoine canadien. La ministre vient d'arriver. Avant de commencer, nous pourrions rendre officiel l'accord qui est intervenu entre les différents partis.
[Traduction]
Je remercie le secrétaire parlementaire d'avoir contacté les membres et d'avoir fait en sorte qu'il nous soit possible de nous réunir.
[Français]
Si je comprends bien,
[Traduction]
la nouvelle entente est que l'on commencera par l'opposition officielle, suivie du Bloc québécois qui disposeront de cinq minutes chacun pour les deux premières questions. Ensuite, ce sera au tour des Libéraux qui disposeront de cinq minutes.
M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, Réf.): Quand avez-vous ramené la période des questions à cinq minutes au lieu de dix?
Le président: Il n'a jamais été question d'accorder dix minutes à chacun.
M. Inky Mark: Pierre, il a dit qu'il n'a jamais été question d'accorder dix minutes à chacun, mais seulement cinq minutes.
M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Je n'avais pas compris.
Le président: Vous avez raison. C'était dix minutes.
Précisons. La procédure pour les questions aujourd'hui sera celle convenue entre les partis, à savoir que pour les deux premières questions, chaque parti disposera—je corrige—de dix minutes. Nous commencerons par l'opposition officielle qui sera suivie par le Bloc québécois. Ce sera ensuite au tour des Libéraux, puis à celui du NPD, suivi du Parti conservateur, et de nouveau des Libéraux. Chacun disposera ensuite, dans l'ordre, de cinq minutes pour poser des questions.
Pourrions-nous proposer une motion afin confirmer la procédure?
[Français]
M. Bélanger, appuyé par M. de Savoye, en fait la proposition.
[Traduction]
(La motion est adoptée)
Le président: Merci, monsieur Bélanger, de votre participation, et merci à tous.
Je remercie mes collègues pour s'être mis d'accord sur une procédure qui nous permettra peut-être de faire un meilleur travail.
Je voudrais aussi dire qu'à la fin de la séance, si vous voulez bien m'accorder cinq minutes, nous pourrons discuter de l'ordre du jour d'ici à la fin de la session. Des demandes nous ont été adressées. Je veux m'assurer que nous sommes tous sur la même longueur d'ondes. Cela demandera à peine cinq minutes, je vous demande donc de bien vouloir m'accorder cinq minutes après la fin du témoignage de la ministre.
[Traduction]
Vous avez déjà comparu devant le comité et nous sommes très heureux que vous ayez pu revenir pour nous mettre au courant des activités de votre ministère. Nous ne vous ferons pas attendre plus longtemps. Vous avez la parole. Bienvenue.
[Français]
Je suis très heureux de souhaiter la bienvenue à la ministre Hedy Fry, secrétaire d'État au Multiculturalisme et à la Situation de la femme.
[Traduction]
L'hon. Hedy Fry (secrétaire d'État (Multiculturalisme)(Situation de la femme), Lib.): Merci, monsieur le président. Je suis heureuse d'être ici aujourd'hui.
Vous avez tous un document devant vous. Je voudrais, à titre d'introduction, faire une citation.
[Français]
dans le discours du Trône d'octobre 1999.
La présentation que je vais faire aujourd'hui porte sur la dimension humaine de la diversité du Canada. Ce comité a parlé de la dimension culturelle, personnellement, je me pencherai sur la dimension humaine, les moyens qui nous ont permis d'apprendre à vivre ensemble, à négocier et à accommoder nos différences, et à découvrir la créativité et l'avantage que représente notre diversité.
Je voudrais aussi parler le la nécessité d'assurer la pleine participation des femmes et des hommes à la vie économique, sociale et politique du pays.
L'UNESCO a défini la diversité culturelle comme ne se limitant pas seulement à la musique, aux arts, à la littérature et à la danse, mais comme s'étendant aux systèmes de valeurs des peuples, à la façon dont ils ont développé les traditions auxquelles ils sont attachés et à la façon dont ils sont arrivés à leur identité actuelle. C'est dans cette perspective particulière que j'examinerai la dimension humaine de la diversité du Canada.
Si vous passez à la page 4 du document, vous verrez les nombreuses facettes qui composent la diversité du Canada. Elles incluent la race, l'ethnicité et la culture, le sexe, la langue, l'âge, la religion et les croyances, les origines autochtones, l'orientation sexuelle, ainsi que la capacité et l'incapacité physique et mentale.
Ce que nous avons en commun, c'est que nous sommes Canadiens, que nous partageons les mêmes valeurs, que nous croyons à la primauté du droit et à la capacité d'essayer d'arriver à une coexistence pacifique. Nous sommes en fait un pays unique en ce sens que nous en sommes arrivés là par la voie de l'intégration et non pas par celle de l'assimilation qu'ont suivie d'autres pays du monde.
La diversité qui est la nôtre du fait que nous avons choisi la voie de l'intégration, donne aux Canadiens la possibilité d'appartenir clairement au Canada, d'en avoir la citoyenneté et la nationalité. Nous sommes tous des Canadiens. Cependant, il est très important pour les gens d'avoir un sentiment d'appartenance. Vous me pardonnerez ce lieu commun, mais si nous allons dans un endroit où les gens s'attendent à ce que nous soyons exactement comme eux, à ce que nous renoncions à tout ce qui fait que nous sommes différents d'eux, à tout notre héritage, nous ne nous sentirons jamais à l'aise car nous savons que nous ne pourrons jamais être comme les autres.
Être acceptés au Canada tels que nous sommes, être intégrés à la vie canadienne, avoir la citoyenneté et la nationalité canadienne et jouer un rôle important non seulement en acceptant nos droits en tant que citoyens, mais en acceptant aussi nos responsabilités en tant que telles... C'est de cela que nous voulons parler aujourd'hui, du fait que nous ne devons pas seulement regarder nos droits, les choses que nous devons avoir ou auxquelles nous avons droit parce que nous sommes des citoyens, mais reconnaître que nous avons tous besoin les uns des autres, indépendamment de nos différences, pour faire une contribution au bien-être économique, social, culturel et politique de ce pays, bref, parler un peu de la participation civique.
Nous savons—c'est essentiellement ce dont nous allons parler aujourd'hui—que les différences, les choses qui font que nous sommes différents les uns des autres, constituent dans certains cas des obstacles. Ce sont en fait ces obstacles que nous devons aider les gens à surmonter en leur donnant les capacités et les outils nécessaires, en réformant les institutions afin qu'elles soient adaptées à l'évolution des besoins de la population au Canada.
Comme vous le savez, la diversité a toujours été une caractéristique fondamentale de la société canadienne. En fait, la diversité remonte pour nous aussi loin que le caractère unique qui est le nôtre parce que nous avons appris à vivre dans un modèle intégré de diversité, à composer avec nos différences. Nous avons appris à faire des compromis. Nous avons appris à nous adapter aux réalités de chacun. C'est ce qui vaut à notre nation ses qualités de négociation. C'est grâce à la négociation que nous avons pu franchir les différentes étapes de la vie et de l'histoire du Canada.
Nous avons en fait trouvé une solution pacifique au conflit. Aujourd'hui, nous sommes ce que nous sommes grâce aux capacités que nous avons développées au fil des ans, mais aussi parce que nous avons établi une série de lois qui reconnaissent notre diversité et qui encouragent l'égalité. Nous savons, par expérience, que la Charte canadienne des droits et libertés, la Loi canadienne sur les droits de la personne, la Loi sur l'équité en matière d'emploi, la Loi sur la citoyenneté canadienne, la Loi sur le multiculturalisme, la Loi sur les langues officielles sont en quelque sorte un énoncé de mission. Elles le sont en ce sens qu'elles nous disent le type de société que nous aimerions avoir.
• 1115
Toutefois, nous avons appris au Canada que les lois ne peuvent
à elles seules garantir l'égalité, que pour garantir l'égalité,
elles doivent être assorties de politiques publiques judicieuses et
de changements institutionnels.
Si vous allez à la page 6 du document, vous pouvez jeter un coup d'oeil sur notre diversité. Je ne m'attarderai pas là-dessus, mais je voudrais seulement souligner quelques points essentiels. Le recensement effectué au Canada en 1996 nous dit que 43 p. 100 des Canadiens déclarent une origine autre que britannique, française ou autochtone. Nous savons que le taux des personnes appartenant à une minorité raciale a doublé ces dix dernières années et qu'il représentera 15 p. 100 en l'an 2005. Nous savons que 51 p. 100 des membres de la population canadienne sont des femmes.
Compte tenu du fait que 43 p. 100 des Canadiens sont d'une origine autre que britannique, française ou autochtone et que 51 p. 100 des membres de la population canadiennes sont des femmes, le but de notre gouvernement et de nos institutions devrait être de s'assurer que nous formions une société où chacun a un rôle à jouer de façon à ce que nous puissions développer les ressources humaines de notre pays et devenir compétitifs. À ma connaissance, aucune entreprise ne peut être compétitive en n'assurant le développement que de 49 p. 100 de ses ressources.
Je tiens à le faire remarquer parce que cela va servir de cadre à ce que je vais dire. Ce coup d'il sur notre diversité nous permet de constater que
[Français]
-
Nous, les Canadiens, avons prouvé que nous
sommes un peuple d'une grande détermination. Nous
avons fait les choses d'une manière bien canadienne,
suivant un modèle bien canadien. Chez nous, les
différentes cultures peuvent s'épanouir ensemble. La
diversité est valorisée. Un partenariat s'est établi
entre les citoyens et l'État. Ici, nous avons réalisé
un équilibre entre, d'une part, la liberté individuelle
et la prospérité économique et, d'autre part, la
répartition des risques et des bénéfices.
Ici, il est convenu que le gouvernement peut
constituer un instrument d'action collective,
c'est-à-dire un moyen de servir l'intérêt général. Et le
monde entier l'a remarqué.
Ces paroles ont été prononcées par le premier ministre du Canada,
la rapidité des changements démographiques va en augmentant. On peut s'attendre à un accroissement des tensions liées aux différences, surtout dans les grand centres urbains. Les obstacles à la pleine participation des femmes au travail rémunéré mettent en péril le succès du Canada
[Traduction]
au XXIe siècle. Si nous voulons un Canada, nous devons veiller à une pleine participation.
Pour bâtir le Canada du XXIe siècle, nous devons avoir des données fiables. Nous devons avoir des informations qui nous permettent de reconnaître et de suivre l'évolution de la diversité au Canada.
Je crois qu'il y a un vote.
Une voix: Nous avons une demi-heure.
Mme Hedy Fry: Comment voulez-vous procéder, monsieur le président?
Le président: Je pense que nous allons poursuivre et que nous arrêterons dix minutes avant le vote de façon à avoir le temps de nous rendre à la Chambre. Il est 11 h 25. Nous allons continuer jusqu'à 11 h 45 ou à peu près.
Mme Hedy Fry: D'accord. Merci.
J'aimerais que vous tourniez le document à la page 8 qui vous permet d'avoir un coup d'«il sur la diversité et le Canada de demain. Selon les renseignements que nous avons ici, les deux tiers des Canadiens appartenant à une minorité raciale ont moins de 34 ans. Un Canadien sur cinq âgé de 18 à 34 ans appartient à une minorité raciale. Les taux de natalité parmi les Autochtones sont trois fois plus élevés que dans l'ensemble de la population canadienne. Un Canadien sur trois âgé de 5 à 15 ans a des origines autochtones ou d'une autre minorité raciale. Environ 14 p. 100 seulement des enfants canadiens vivent avec une mère seule ou un parent seul. Ces enfants représentent 45 p. 100 des enfants vivant dans la pauvreté. Ce coup d'«il nous apprend qu'à l'avenir, nous allons avoir une population très jeune, encore plus diversifiée qu'aujourd'hui.
À mesure que nous déterminons quelles vont être les ressources du Canada de demain, quelles vont être les ressources humaines, il est important que nous étudions les obstacles auxquels seront confrontés les jeunes Canadiens de demain qui vont former une telle diversité. Nous devons nous pencher sur les obstacles à la participation de ces jeunes à la vie économique du pays—c'est-à-dire, la formation et l'emploi. Comment l'élimination de ces obstacles peut-elle aider notre nation à devenir compétitive. Quels sont les avantages de l'élimination de ces obstacles pour le commerce, sachant que le Conference Board du Canada a dit clairement que l'un des principaux obstacles au commerce provient d'une méconnaissance de la langue, de la culture et des pratiques commerciales des gens avec lesquels nous négocions.
Au Canada, grâce à l'intégration et au multiculturalisme, il y a encore, après des générations, des Canadiens qui ont conservé leur langue, leur culture et leurs pratiques commerciales. Cela nous sert à comprendre le marché et nous donne un avantage distinct dans nos relations commerciales. Comme vous le savez, notre produit intérieur brut dépend en grande partie de notre capacité de faire du commerce. Il est donc extrêmement important de tirer parti de la diversité qui est la nôtre pour bâtir notre avenir et être compétitifs sur le marché mondial.
Le président: On m'informe qu'il y a quorum. Nous n'avons donc pas à nous inquiéter.
Mme Hedy Fry: Merci.
• 1120
Je voulais aussi faire remarquer que compte tenu du fait que
les jeunes de demain font former une telle diversité, il est très
important d'aider les jeunes d'aujourd'hui. Ce que nous faisons
pour les jeunes aujourd'hui est très important. Nous devons leur
donner les capacités et les outils nécessaires pour les aider à
surmonter les obstacles auxquels ils sont confrontés.
Nous savons que les stéréotypes que sont la langue et la race sont un obstacle. Nous savons que les minorités visibles au Canada se heurtent à certains obstacles en ce qui concerne l'accès à la formation et l'entrée sur le marché du travail. Nous savons dans quelle situation se trouvent les jeunes autochtones. Si nous voulons qu'ils fassent partie de la population active de demain, il est important que nous sachions à quels obstacles ils sont confrontés lorsqu'il s'agit d'acquérir les aptitudes et les capacités qui leur permettront d'être compétitifs dans le Canada de demain.
Nous savons aussi que les jeunes appartenant à des minorités raciales qui sont nés au Canada sont moins à même d'accepter la discrimination et les obstacles à la réussite que leurs parents qui sont pour la plupart des immigrants et qui s'attendaient à certaines difficultés au Canada. Nous avons tout un groupe de jeunes qui arrive et qui veut être inclus dans la société canadienne. Ces jeunes n'accepteront plus d'être marginalisés.
Nous savons également qu'étant donné que les jeunes sont exposés à la diversité, il est essentiel pour l'unité du Canada et pour la stabilité, la cohésion et l'harmonie de la société, de les aider à faire en sorte qu'ils puissent travailler ensemble, accepter leurs différences mutuelles et former une société harmonieuse.
Je voudrais parler un peu des attitudes et des présomptions des Canadiens.
Ces 50 dernières années, la plupart des présomptions sociales concernant la race, le sexe, la religion, l'orientation sexuelle et l'incapacité ont substantiellement changé. Le nombre de Canadiens qui estiment aujourd'hui que l'immigration fait une trop grande place aux minorités visibles n'a cessé de diminuer au cours des années 90, ce qui veut dire que les gens acceptent davantage les minorités visibles. Selon un sondage Environics réalisé récemment, 86 p. 100 des personnes interrogées estiment que l'on devrait faire davantage pour promouvoir l'égalité des femmes et 84 p. 100 sont en faveur de mesures en vue de changer et de renforcer la situation de la femme. Seulement 15 p. 100 des Canadiens estiment que les mariages interraciaux ne sont pas une bonne chose, par rapport à 45 p. 100 des Américains. En tant que société, le Canada a évolué d'une façon extrêmement différente par rapport à ses voisins du Sud.
Des sondages réalisés en 1998 et 1999 indiquent que les Canadiens sont plus nuancés sur les questions d'homosexualité. Soixante-trois pour cent estiment que les couples du même sexe devraient avoir les mêmes avantages et responsabilités que les conjoints de fait.
La question est: quel est le rôle du gouvernement? Le rôle du gouvernement est de s'assurer que des recherches soient effectuées pour suivre l'évolution démographique de notre société. Connaître la diversité de notre société devrait nous permettre d'élaborer des politiques judicieuses pour aider à surmonter les obstacles qui existent. Il est essentiel d'avoir une société d'inclusion où chacun puisse contribuer au bien-être social et économique du pays.
L'une des choses que nous devons faire, c'est adopter une approche horizontale, autrement dit mettre au point une méthode permettant au gouvernement d'examiner chaque ministère, organisme, institution, politique et mesure législative et, à l'aide d'une grille, de concevoir ses politiques et ses programmes car, étant donné la diversité du Canada et les obstacles, une politique universelle ne donnera aucun résultat en ce sens qu'elle ne permettra pas de s'assurer que chacun puisse commencer à la case départ.
Nous devons aider les institutions publiques à s'adapter à la diversité, à l'apprécier et à faire plus de place aux femmes et à la diversité dans la main d'oeuvre au Canada. Une plus grande sensibilisation du public et un dialogue éclairé sont essentiels pour l'élaboration d'une bonne politique sociale et une participation satisfaisante de la communauté.
Tel est à notre avis le rôle du gouvernement. Je voudrais m'étendre un peu sur ce rôle.
Dans mes deux champs de responsabilité—le multiculturalisme et la situation de la femme—j'ai été chargée d'élaborer la réponse du gouvernement à la diversité. Nous avons donc reconduit le Programme du multiculturalisme en 1997 pour aider les citoyens et la société civile à se doter des capacités et des outils nécessaires pour une pleine participation et pour assurer l'égalité d'accès aux institutions du Canada.
• 1125
Je vous donne un exemple. Au Canada, nous avons l'assurance-maladie. Nous
savons que l'assurance-maladie signifie l'accès aux
soins et aux services indépendamment de la capacité de payer.
Cependant, nous savons aussi que certaines barrières, comme les
barrières culturelles ou linguistiques, les coutumes et les
traditions, peuvent empêcher beaucoup de gens d'avoir accès à des
institutions qui ont été bâties sur un modèle de soins occidental
et qui ne tiennent donc pas compte, disons, de la façon asiatique
de concevoir les soins médicaux. Beaucoup de gens ne vont pas à
l'hôpital ou consulter un médecin quand ils sont malades. Ils ont
peur et sont rebutés par des établissements qui ne leur sont pas
familiers.
Nous pouvons donc aider les institutions—et nous le faisons dans mes deux champs de responsabilité, le Multiculturalisme et la Situation de la femme—à comprendre qu'elles doivent changer, être plus accueillantes et voir à ce que les gens puissent en tirer un meilleur parti.
Même si «in vitro», les recherches et les décisions sont nombreuses—autrement dit, si sur papier, la politique est bonne et nous suggérons de nombreuses mesures qui peuvent être prises, des mesures toutes bien intentionnées, «in vivo» ou, dans la réalité, si la politique et les institutions ne sont pas adaptées aux besoins réels des gens, nous devons être en mesure d'étudier les changements à apporter pour faire face à la réalité des besoins.
Le Programme du multiculturalisme a été reconduit pour satisfaire à cette réalité et, dans le cadre de cette réalité, Condition féminine Canada a identifié trois objectifs clés: améliorer l'autonomie économique des femmes, éliminer la violence envers les enfants et les femmes en milieu de travail, à la maison, et dans la société en général, enfin promouvoir les droits humains et la justice sociale pour les femmes.
Je voulais seulement que vous sachiez quelles étaient les priorités à la base des changements que nous avons apportés.
Avant tout, les priorités du Programme du multiculturalisme et de Condition féminine Canada sont horizontaux—c'est-à-dire consistent à travailler avec chaque ministère dans l'espoir que chaque ministère accepte un jour l'idée qu'une grille de la diversité et une grille de comparaison entre les sexes sont essentielles pour l'élaboration d'une bonne politique et la réforme institutionnelle. Un jour, le Programme du multiculturalisme et Condition féminine Canada n'auront plus besoin de ces grilles.
Au plan national, la priorité de Condition féminine Canada est la violence envers les femmes, mais nous nous intéressons aussi au activités illicites mettant en cause des femmes, à la violence envers les aides familiaux résidants et à l'élaboration d'indicateurs permettant de mesurer l'impact des efforts visant à mettre fin à la violence dans notre société.
La deuxième priorité consiste à améliorer la situation économique des femmes. L'un des plus gros problèmes auquel nous sommes confrontés, auquel le gouvernement et notre pays sont confrontés, c'est de savoir comment intégrer les femmes dans une société axée sur le savoir. Nous savons que c'est dans le savoir que résident les emplois durables et la compétitivité du Canada.
Il y a beaucoup de problèmes. Si de plus en plus de femmes font des études de droit et de médecine ou sont inscrites à l'université, seulement 16 p. 100 des femmes font des études scientifiques, de mathématiques ou d'ingénierie. Rappelons que les femmes représentent 51 p. 100 de la population. Si nous voulons qu'elles soient compétitives, nous devons nous assurer de les aider.
Une autre question prioritaire à nos yeux, c'est le travail rémunéré et celui qui ne l'est pas. L'un des problèmes auquel fait face la société, notamment les femmes, c'est de concilier le travail rémunéré et le travail non rémunéré.
Les personnes âgées vivent plus longtemps, les institutions sont débordées et la plupart des familles doivent maintenant s'occuper des personnes âgées. Elles doivent s'occuper des enfants, des personnes handicapées et des malades chroniques. Il faut concilier cela avec la nécessité d'avoir un travail rémunéré à l'extérieur. C'est un gros problème.
Au Canada, le travail non rémunéré, le travail non traditionnel, le travail pour lequel il n'existe aucun compensation ou aucune reconnaissance, représente environ de 45 à 53 p. 100 du produit intérieur brut. Nous savons ce qu'il représente et le Canada est à l'avant-garde pour ce qui est de mesurer le travail non rémunéré.
Nous devons aussi recourir à la grille de comparaison entre les sexes pour reconnaître les soins aux personnes à charge dans les programmes clés comme les prestations de maternité ou prestations parentales—comme vous le savez, c'est un pilier très important du discours du Trône—et pour examiner les changements à apporter au milieu de travail de façon à mieux tenir compte des besoins des familles, non seulement pour les hommes, mais pour les femmes. De plus en plus d'hommes s'occupent aujourd'hui de leurs enfants et le milieu de travail doit tenir compte des pressions que cela signifie.
La priorité du Programme du multiculturalisme sera de développer un outil d'analyse de la diversité, similaire à celle que nous avons à présent pour l'analyse comparative entre les sexes.
• 1130
Je tiens à faire observer encore une fois—et j'insiste là-dessus parce
que c'est important—que nous ne pouvons développer un
outil satisfaisant et fiable pour mesurer la participation de tous
les Canadiens à moins d'effectuer des recherches et d'avoir des
données qui nous renseignent sur la démographie et l'évolution
démographique de notre société. Nous voulons développer un outil
d'analyse de la diversité aux fins d'utilisation par les
gouvernements, comme dans le cas de la grille de comparaison entre
les sexes. Nous voulons étendre la portée de notre campagne
antiraciste.
Plusieurs de vous avez devant les yeux un document sur cette campagne. Étant donné les chiffres démographiques que nous avons vus tout à l'heure et qui indiquent que les jeunes vont former une telle diversité, notre campagne vise en particulier les jeunes. Nous utilisons deux outils très importants que les jeunes comprennent, connaissent et ont en commun indépendamment de leur diversité: la technologie et la musique. Nous nous servons de ces deux outils pour lancer une campagne que nous organisons maintenant depuis cinq ans.
Action 2000, que vous avez devant vous, va être une campagne internationale. Cette campagne comporte plusieurs volets dont le plus important consiste à rallier les dirigeants mondiaux afin qu'ils parlent du racisme aux jeunes de leur pays. Jusqu'ici, nous avons réussi à obtenir la participation du Président de la France qui a adressé un message à l'intention des jeunes sur Internet. Nous avons obtenu celle de M. Clinton, qui a aussi adressé un message aux jeunes. Nous avons encore celle de Tony Blair, du Prince de Galles et du premier ministre de la Nouvelle-Zélande. L'UNESCO envisage de le faire. Notre campagne atteint ainsi les jeunes du monde entier et en fait tous les messages adressés aux jeunes reconnaissent au Canada le mérite du lancement de cette initiative visant à apprendre au monde entier à vivre en harmonie.
L'étendue des efforts que fait le Canada à l'échelon international pour promouvoir la paix et la sécurité humaine est incommensurable. Nous avons dans ce domaine un rôle très important à jouer: celui de créer un monde harmonieux où les gens de toutes les races pourront vivre ensemble, comme nous l'avons fait au Canada, d'une manière pacifique, en traitant de chaque problème et, en cas d'échec, en nous tournant vers la primauté du droit pour nous aider à vivre ensemble de façon à ce que—espérons-le—nous n'ayons pas à recourir à la guerre pour régler nos problèmes et nos différences.
Les liens entre nos priorités et les principaux thèmes du discours du Trône sont très clairs. Vous en trouverez la liste à la page 19 du document. L'un d'eux consiste à bâtir une économie dynamique. Je crois avoir en avoir parlé longuement. Je me ferai un plaisir de répondre à ces questions très importantes car nous devons examiner chaque aspect de notre économie. Le discours du Trône parle de bâtir une économie dynamique.
Le développement des ressources humaines est essentiel. Comment développer toutes nos ressources humaines? Comment s'assurer que tous les gens, indépendamment de leur sexe, de leur race, de leur ethnicité ou de leur orientation sexuelle, soient dotés des outils et des capacités nécessaires pour fonctionner dans la nouvelle économie?
Les immigrants qui arrivent au Canada apportent avec eux une formation qui ne nous a rien coûté mais qui est profitable au Canada au plan de la productivité nationale et de la compétitivité internationale. Comment nous assurer que ces immigrants qui en moyenne ont un niveau d'éducation plus élevé que les travailleurs nés au Canada ne se heurtent pas aux obstacles auxquels ils se heurtent actuellement au Canada lorsqu'ils cherchent du travail. Nous savons que la délivrance de titres et de certificats est importante.
Par exemple, nous avons ici des femmes qui viennent des pays de l'Est, qui sont ingénieures, ingénieures des mines par exemple, qui possèdent des connaissances en mathématiques et en sciences que nous n'avons pas au Canada, mais qui ne peuvent pas travailler à cause de la barrière linguistique ou parce que leurs diplômes ne sont pas reconnus ici, ou encore parce qu'on leur dit qu'elles n'ont pas d'expérience au Canada. Et bien sûr c'est un cercle vicieux car si elles ne trouvent pas de travail, elles ne peuvent acquérir d'expérience et le Canada est privé de cette richesse qu'est l'éducation qu'elles possèdent et qui ne nous a rien coûté.
Il faut que nous trouvions comment tirer parti des compétences linguistiques et culturelles de tous ces gens qui s'établissent au Canada et comment les mettre à profit pour développer de nouveaux marchés à l'étranger.
Nous savons que les femmes commencent à être majoritaires dans le secteur canadien des PME. Nous savons même que, depuis deux ans, les femmes créent des entreprises à un rythme quatre fois plus rapide que les hommes. Nous savons également que, au cours de ces deux dernières années, les femmes ont créé plus d'emplois que les 100 compagnies les plus importantes du Canada, or l'accès au capital demeure encore pour elles un obstacle majeur. Comment pouvons-nous résoudre ces problèmes? Comment pouvons-nous faire en sorte, non seulement que les femmes puissent créer des petites entreprises et aient accès aux capitaux nécessaires pour ce faire, mais également qu'elles puissent se lancer sur les marchés internationaux?
• 1135
Nous sommes déjà engagés dans cette voie. En effet, le Canada
a exercé des pressions pour que les femmes participent davantage à
l'APEC. Cette année, j'ai assisté à ma deuxième rencontre des
femmes ministres de l'APEC. Nous nous penchons sur la question de
savoir comment faire place aux femmes dans l'économie, elles qui
représentent 52 p. 100 de la population de l'APEC. Nous voulons
aussi faire place aux femmes dans les PME et dans l'économie du
savoir, nous les encourageons à perfectionner leurs ressources
humaines de façon à contribuer à la stabilité des marchés
internationaux et de l'économie des pays en voie de développement
ainsi que du Canada, des États-Unis et de tous les autres pays.
Nous savons que les peuples indigènes des pays de l'APEC possèdent de vastes connaissances traditionnelles qui ne sont pas exploitées. Parce qu'elles ne sont pas consignées par écrit, elles n'ont pas rang de sciences. Comment les mettre en valeur et comment aider ces peuples à participer à notre économie?
Nous avons parlé un peu des obstacles à la pleine participation, et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions à ce sujet.
Deuxièmement, si nous voulons édifier une économie dynamique, nous devons y préparer nos enfants.
[Français]
Nous devons investir des ressources pour préparer nos enfants au monde du travail de demain. Le développement des jeunes enfants et leur préparation à l'apprentissage leur fournissent un bon point de départ pour leur permettre de réaliser les objectifs éducatifs qui assureront leur réussite sur un marché du travail hautement compétitif.
De nombreux enfants immigrants, tout comme leurs parents, font face à des obstacles culturels et linguistiques qui entravent leur pleine participation à l'école et dans d'autres institutions.
[Traduction]
En parlant de préparer nos enfants, de les aider à apprendre, de maturité pour l'apprentissage, du développement du jeune enfant, nous ne devons pas perdre de vue et demeurer très conscients du fait que les immigrantes et leurs enfants font face à des obstacles culturels et linguistiques qui entravent leur pleine participation à l'école et dans d'autres institutions. Ils ne comprennent pas comment elles fonctionnent. Quand nous élaborons des politiques concernant la petite enfance, il faut que nous tenions compte les obstacles que ces enfants devront surmonter en raison de leur diversité avant d'être prêts pour l'école quand le moment sera venu et avant d'être prêts à jouer leur rôle à part entière en apprenant et en se préparant à participer à l'économie et à la vie sociale du Canada.
Je voulais souligner ce fait avec insistance; la grille nous dit que nous devons nous pencher de près sur la façon dont nous abordons le développement de la petite enfance. Nous savons que, au Canada, beaucoup d'enfants vivent avec une mère pauvre ou avec une mère célibataire dont l'accès aux établissements spécialisés dans le développement de la petite enfance et la capacité d'aider au développement précoce de leurs enfants sont très limités. Comment pouvons-nous faire en sorte qu'elles aient un rôle à jouer et que leurs enfants ne soient pas laissés pour compte?
Nous avons parlé de bâtir une économie dynamique dans une économie du savoir. Nous avons parlé des connaissances traditionnelles, de la reconnaissance des titres de compétences et de l'expérience que nous apportent les autres pays du monde.
Je voulais dire en résumé que la main d'oeuvre diversifiée du Canada est très instruite et possède les compétences voulues pour réussir, mais qu'un grand nombre de travailleurs doit surmonter de multiple obstacles. Par ailleurs, pour d'autres, les obstacles sont tels qu'ils les empêchent d'acquérir la formation et l'éducation nécessaires pour participer.
L'autre volet de la réponse aux engagements du discours du Trône que nous trouvons important pour nous au Multiculturalisme et à la Situation de la femme est la promotion de la sécurité humaine et l'édification de collectivités plus sûres. Nous savons que les activités motivées par le racisme, la haine et les préjugés sont en augmentation au Canada. Nous savons que, dans tout le pays, les organismes chargés de la négociation de traités suscitent beaucoup de tensions, particulièrement dans les endroits comme la Colombie-Britannique où le racisme se manifeste de plus en plus souvent.
Comment pouvons-nous enrayer ce phénomène avant qu'il ne prenne de l'ampleur? En encourageant une meilleure compréhension entre collectivités autochtones et collectivités non autochtones, en aidant à éliminer les stéréotypes, en se donnant des outils pour que, ensemble, nous trouvions des solutions véritablement canadiennes à ces problèmes.
Comment enrayer les activités motivées par la haine et les préjugés? Nous savons qu'Internet véhicule un nombre croissant de messages haineux. Comment lutter contre ce phénomène? C'est un problème très difficile.
Le Programme de multiculturalisme, en collaboration avec le ministère de la Justice, le Solliciteur général, Industrie Canada, dont relève l'Internet, et d'autres partenaires non gouvernementaux, coordonne une stratégie nationale de lutte contre la haine afin de prévenir les crime haineux du genre de ceux dont nous avons été témoins récemment dans notre pays. Nous savons que l'anti-sémitisme est à la hausse; il suffit de lire les journaux pour voir ce qui se passe dans certaines de nos écoles et, en fait, dans tout le pays.
• 1140
Comment lutter contre ce phénomène? Le 21 mars verra l'une de
nos réponses en ce qui concerne les jeunes. La Fondation canadienne
des relations raciales, que nous avons mise sur pied et baptisée en
1997, a commencé à élaborer un programme d'éducation sur le racisme
à l'intention du grand public.
S'attaquer au problème de la violence envers les femmes est essentiel à la promotion de la sécurité humaine et à l'édification de collectivités plus sûres. Nous savons que 50 p. 100 des Canadiennes ont été au moins une fois victimes d'un acte de violence (tel que défini par le Code criminel) depuis l'âge de 16 ans. En 1997, les femmes ont été les victimes dans 85 p. 100 de tous les cas de violence conjugale signalés. Nous savons que la violence envers les femmes a pour effet d'amoindrir sensiblement la qualité de vie des victimes, et souvent aussi de celle de leurs enfants, qui eux-mêmes deviennent prisonniers du cercle vicieux de la violence, de compromettre la sécurité de nos collectivités et de se perpétuer d'une génération à l'autre.
Le Programme du multiculturalisme et Condition féminine travaillent en collaboration avec Santé Canada afin d'étudier la question de la diversité chez les femmes et la manière dont la violence envers les femmes est interprétée dans les diverses communautés ethniques du Canada. Comment faire passer un message qui soit à la fois respectueux des différences culturelles de la population canadienne et qui atteigne l'objectif visé? Il faut dans ce cas-ci également que nous élaborions des indicateurs pour mesurer les effets de la violence et pour en réduire la fréquence.
Comment bâtir des collectivités fortes et saines? Pour ce faire, l'action bénévole et la participation des citoyens et de la société civile sont essentielles. C'était d'ailleurs l'un des principaux thèmes du discours du Trône. Le Programme du multiculturalisme et Condition féminine passent tout leur temps à traiter avec la société civile, avec des bénévoles, des ONG, et avec des citoyens qui oeuvrent dans le secteur bénévole, afin de rapprocher les collectivités et de mettre en place des systèmes de soutien. C'est l'une de nos priorités les plus importantes et nous sommes déterminés à parvenir à nos fins.
Nous allons aider le secteur bénévole à développer la capacité d'établir des partenariats avec les collectivités qu'il dessert. Sensibiliser davantage et éduquer le public sont des activités essentielles dont s'acquitte fort bien le secteur bénévole. Nous allons appuyer les organisations féminines et les organisations des minorités ethniques et raciales dans leurs efforts visant à servir et à représenter efficacement leurs communautés, et à participer à la vie publique et sociale du Canada. Enfin, nous allons déclencher et promouvoir des changements institutionnels, changements auxquels ces organisations peuvent contribuer car elles véhiculent la réalité des personnes qu'elles représentent.
Comme vous le savez, la paix et la sécurité humaine à l'échelle mondiale constituent le dernier volet du discours du Trône. Le Canada est signataire de plusieurs conventions internationales sur les droits de la personnes, les droits des femmes et les droits des autochtones, ainsi que de la convention contre la discrimination raciale. Nous avons de nombreuses obligations internationales liées à la diversité, non seulement chez les femmes, mais également dans l'ensemble du Canada.
De plus en plus souvent, les pays en voie de développement et les démocraties naissantes demandent au Canada de leur servir de source d'avis et d'aide concernent l'égalité des sexes, la résolution de conflits, les droits de la personne, l'édification d'institutions démocratiques et le maintien d'une coexistence pacifique dans une société diversifiée. À la recherche de solutions, ils se tournent vers le Canada car ils pensent que nous avons découvert comment vivre ensemble.
Nous avons des modèles pour édifier la paix dans les sociétés en proie à des conflits raciaux, religieux et ethniques de longue date. L'Europe a demandé au Canada de l'aider à étudier comment nous sommes parvenus à édifier une société qui respecte les différences, en fait qui les encourage, mais qui partage des points communs et qui est capable de trouver un terrain d'entente par la négociation, de coexister de manière pacifique et de vivre dans le respect de la loi.
Je crois que c'est la guerre du Kosovo qui a poussé de nombreux pays européens à participer à la conférence de Vienne, en juin dernier, qui portait sur ce thème. J'y ai été invitée pour expliquer en quoi le multiculturalisme a contribué à créer le Canada dans lequel nous vivons aujourd'hui et qui, aux yeux des autres pays du monde, est un modèle de coexistence pacifique.
Le Programme du multiculturalisme appuie les préparatifs du Canada en vue de la conférence mondiale des Nations Unies contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et autres formes d'intolérance, qui doit avoir lieu en 2001.
Comme vous le savez, les femmes se sont réunies à Beijing en 1995. Le Canada a participé à la conférence de Beijin, promettant de faire beaucoup de choses. En mars prochain une réunion spéciale des Nations Unies appelée Beijing+5 aura lieu à New York. Nous devrons y faire rapport des progrès réalisés par rapport aux engagements que nous avions pris.
En outre, une réunion internationale des femmes de la Francophonie doit avoir lieu sous peu; on y étudiera la façon dont nous élaborons nos stratégies d'inclusion et dont nous incorporons l'égalité des femmes dans nos systèmes.
• 1145
Les femmes ministres du Commonwealth doivent se rencontrer en
février 2000 pour étudier la même chose en ce qui concerne les pays
du Commonwealth, à savoir comment faire pleinement participer les
femmes à la vie politique, sociale et économique du pays.
Avec sa vaste expérience de la gestion de la diversité, le Canada est en bonne position pour jouer le rôle de leader à l'échelle internationale et pour faire avancer la cause, non seulement de la sécurité humaine, mais également de la paix dans le monde au cours du XXIe siècle.
Je vous remercie infiniment et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Le président: Je vous remercie pour cette description très détaillée de vos activités et des critères de votre mandat, qui sont très importants pour notre gouvernement.
J'aimerais ouvrir la période des questions avec M. Mark.
M. Inky Mark: Je vous remercie, monsieur le président.
Permettez-moi pour commencer de vous souhaiter la bienvenue au comité.
Il ne fait aucun doute que le Canada est un modèle pour le monde entier pour ce qui est d'apprendre aux autres à s'entendre. C'est dans les années 50 que, tout jeune, je suis arrivé au Canada comme immigrant. À l'époque, je ne disais pas un mot d'anglais. Nous avons certainement fait beaucoup de progrès depuis.
[Note de la rédaction: difficultés techniques]... il existe encore des questions qui doivent être étudiées, et il nous reste encore beaucoup de chemin à faire, surtout du fait de la composition constamment changeante de notre société. Je suis d'accord, le racisme et la violence ne peuvent être tolérés pas plus dans notre société que dans n'importe quelle autre société.
D'après ce que je comprends, vous êtes ici pour nous dire qu'il faut promouvoir le principe de l'égalité dans tout le pays. Votre ministère défend la cause des femmes dans notre pays, et il ne fait aucun doute que nous avons accompli de nombreux progrès au cours des dernières décennies.
La question que j'ai à vous poser est la suivante. Les hommes vivent les mêmes problèmes que les femmes. Ils constituent l'autre moitié de l'équation. Avec le nouveau millénaire qui s'en vient, il est peut-être temps de reconsidérer votre portefeuille du point de vue de la personne plutôt que de la femme. Je vous encouragerais donc à songer à développer cet aspect de votre portefeuille afin d'inclure les hommes et les femmes, car, comme vous le savez, les hommes ont besoin d'autant d'aide que les femmes.
C'est ma question. Pourriez-vous y songer?
Mme Hedy Fry: Je vous remercie beaucoup, monsieur Mark.
Avant de commencer, j'aimerais présenter Florence Ievers, qui est responsable de Condition féminine du Canada, et Nancy-Jean Waugh, qui est directrice générale de la politique. J'aimerais également présenter Norman Moyer, qui est sous-ministre adjoint à Patrimoine canadien et responsable du multiculturalisme, ainsi que Nancy Ginsberg, qui est directrice générale des programmes de multiculturalisme. Ils sont ici pour me prêter main forte au cas où je n'aurais pas la réponse à vos questions.
Je veux avant tout répondre à votre question, ou déclaration, sur le concept de l'égalité. Nous disons que notre société est égale et nous parlons de la diversité du Canada et du fait que c'est ce qui fait notre force. Mais il faut joindre le geste à la parole. C'est d'ailleurs ce dont nous parlions au sujet du Programme du multiculturalisme et de Condition féminine, quand j'ai dit qu'il fallait utiliser une grille, recueillir des données et faire de la recherche pour nous aider à comprendre la diversité, les obstacles auxquels se heurtent les gens, et à reconnaître que l'égalité ne veut pas dire que nous devons tous être pareils. L'égalité c'est reconnaître les défis et les difficultés qui viennent de la diversité et apprendre à bâtir des structures qui contribuent à égaliser les chances, à éliminer les obstacles et à donner aux diverses communautés les outils et les compétences dont elles ont besoin pour participer elles aussi pleinement. Je sais que vous êtes d'accord avec moi là-dessus.
Donc, lorsque vous dites que les femmes se heurtent aux mêmes problèmes que les hommes—je veux être très claire dans ma réponse—il faut que vous compreniez que, à Condition féminine Canada, quand nous faisons de la recherche, elle porte tant sur les hommes que sur les femmes. Nous ne pouvons pas ne pas le faire puisque les femmes représentent 51 p. 100 de la population et les hommes 49 p. 100. Mais en fait, les hommes et les femmes se heurtent à des obstacles très différents pour ce qui est de l'égalité. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles Condition féminine Canada existe à l'heure actuelle.
• 1150
Je ne plaisante pas quand je dis que la majorité des
politiques élaborées au fil des ans, et ce, dans de nombreux pays
du monde, suivent un modèle selon lequel ce sont les homme qui,
depuis des millénaires, prennent les décisions, ce sont les hommes
qui forment le gouvernement, ce sont les hommes qui dirigent les
compagnies, et naturellement, les décisions qu'ils prennent
tiennent compte de la réalité vécue par les hommes.
Ce dont nous parlons, c'est du fait que la réalité des femmes est nettement différente. Nous sommes différentes anatomiquement, physiologiquement et psychologiquement, ce qui constitue une différence très importante car, du fait de nos différences anatomiques et physiologiques, nous vivons un défi spécial—nous avons des enfants. De ce fait même, nous devons concevoir des systèmes qui font place aux congés de maternité et qui acceptent que les femmes, celles qui font partie de la main d'oeuvre rémunérée, quittent le marché du travail et y reviennent, et que pendant ce temps elles ne peuvent pas gagner leur vie. Par conséquent, le total de leurs gains sur l'ensemble de leur vie s'en trouve diminuer et la possibilité pour elles d'avoir une revenu de retraite est compromise. Par ailleurs, la possibilité pour elles de gravir les échelons, d'être promues, est également compromise par le fait qu'elles sont sur le marché du travail de façon intermittente pendant la période où elles ont des enfants, et ce, parce que le marché du travail n'est pas structuré de manière à faire place à la maternité, aux femmes et à leurs enfants.
Il faut donc que nous regardions en quoi cela constitue un obstacle, et je ne dis pas ça en l'air. Les ministres responsables de l'égalité des femmes au niveau fédéral, provincial et territorial—je m'empresse de dire qu'ils représentent l'ensemble du spectre politique et qu'ils appartiennent à différents partis politiques—ont joint leurs efforts pour mettre au point des indicateurs afin d'étudier les obstacles auxquels se heurtent les femmes du fait de leurs différences physiologiques et anatomiques, et en quoi cela crée certains problèmes en ce qui concerne non seulement la reproduction, mais également le fait que, à l'heure actuelle, ce sont encore les femmes qui prodiguent la majorité des soins dans notre société. C'est un phénomène est corroboré par toutes les données. Nous devons envisager des structures à cet égard.
Il fut un temps, il y a une vingtaine d'années, où 20 p. 100 des femmes travaillaient. Aujourd'hui, 80 p. 100 des femmes font partie de la main d'oeuvre rémunérée. Comment concilier le fait que, alors qu'elles font partie de la main d'oeuvre rémunérée et qu'elles font le même travail que les hommes, quand elles rentrent chez elles, ce sont elles qui s'occupent de tout, ce qui crée un stress extraordinaire? Il faut que nous débattions de questions comme les congés parentaux et le travail non rémunéré, parce que le travail non rémunéré du parent qui reste à la maison pour s'occuper des enfants, et qui ne rejoint pas les rangs de la main d'oeuvre rémunérée, n'est pas apprécié à sa juste valeur.
C'est pour ça que, à notre époque, nous avons besoin de Condition féminine Canada.
Le président: Monsieur Mark, vous pouvez poser une brève question, et nous demanderons à la ministre d'être concise.
M. Inky Mark: Je vous remercie, monsieur le président.
Je ne suis pas en désaccord avec vous. Je suis d'accord sur tout ce que vous avez dit. Mais les temps changent, la société change et la nature de la famille change en conséquence. Les hommes vivent les mêmes problèmes que les femmes vivaient et vivent encore. Les hommes peuvent maintenant obtenir un congé parental, les hommes sont victimes de violence au travail et au foyer; ils doivent faire face aux problèmes de la séparation. Je vous demande donc, au nom des hommes qui me font part de leurs problèmes, de tenir compte des difficultés qu'éprouvent les hommes dans la société d'aujourd'hui et d'envisager d'inclure les hommes dans votre mandat. Je ne veux pas dire que vous devriez exclure les femmes.
Mme Hedy Fry: Comme je l'ai dit plus tôt, le mandat de Condition féminine Canada est d'étudier les problèmes particuliers aux femmes. Nous étudions aussi la question des congés parentaux dont les hommes bénéficient également, comme vous le savez. Pour ce qui est des questions relatives à la garde et au droit de visite, nous considérons que l'enfant doit être la préoccupation centrale et nous savons que le divorce est également une épreuve pour les hommes. Comme vous pouvez le voir, nous n'excluons pas les hommes.
Je voulais dire que votre projet de loi qui vise à augmenter le nombre de femmes députés n'est pas unique. Comme vous le savez, la conférence de Beijing a produit de nombreuses recommandations en vue d'accroître la représentation des femmes aux assemblées législatives et aux parlements dans le monde entier. C'est l'une des grandes institutions qui doit changer. Si cette institution veut être représentative de la société, il va falloir qu'elle apprenne à mieux comprendre la réalité de tous les membres de la société.
Des recommandations en ce sens ont été faites non seulement à la conférence de Beijing, mais également à la rencontre des femmes ministres du Commonwealth. On y a suggéré que des initiatives soient prises aussi au niveau des partis car, comme chacun sait, la nomination des candidats est un obstacle majeur pour les femmes, qui n'ont par l'argent nécessaire et qui ne disposent pas encore du réseau—je souligne encore, car j'espère qu'un jour nous aurons un réseau qui nous assurera le pouvoir qui nous fait actuellement défaut. En attendant, nous devons trouver les moyens de supprimer les obstacles, qu'ils soient financiers ou tout simplement une question de nombre, qui empêchent les femmes de parvenir à leurs fins. Les partis ont la responsabilité de s'attaquer à ce problème au niveau de la structure du parti.
Le problème toutefois est que, selon toutes les recherches qui ont été faites dans le monde entier—fait qui a été signalé tant à la conférence de Beijing qu'à celle du Commonwealth—de nombreux partis s'arrangent pour que des femmes se présentent aux élections, mais pas forcément dans des circonscriptions où elles ont des chances d'être élues. Il est donc extrêmement important que les femmes se présentent dans des circonscriptions où elles risquent d'être élues. Je pense que votre projet de loi porte sur les femmes élues. Mais comment inciter les partis à élire des femmes?
Je dois dire que je supporte le principe de votre projet de loi. Comme vous le savez, c'est un sujet dont beaucoup d'entre nous parlons. Je ne veux pas m'attarder plus longuement là-dessus puisque c'est la Chambre des communes qui devra en décider. Le principe est important.
• 1155
Vous avez parlé d'horizontalité. Le principal instrument dont
nous disposons pour assurer l'horizontalité au sein du gouvernement
relativement aux questions concernant les femmes a été mis au point
par le Canada; il est utilisé par de nombreux autres pays du monde.
Il s'agit de l'analyse fondée sur l'égalité homme-femme. C'est un
instrument de mesure applicable à tous les ministères et organismes
gouvernementaux.
Je ne sais pas si je peux me prononcer sur la question de la création d'un sous-comité consacré à la condition féminine; je sais toutefois qu'il est très important que les femmes unissent leurs efforts pour faire avancer leur cause et promouvoir l'égalité des sexes, sans égard à la structure de leur parti.
Le président: Je vous remercie.
Monsieur Limoges.
M. Rick Limoges (Windsor—St. Clair, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.
Je vous remercie, madame la ministre, d'être parmi nous. Vos réflexions sont les bienvenues.
Si vous le voulez bien, j'aimerais que vous en disiez plus long sur la question du travail rémunéré par rapport au travail non rémunéré. Il me semble que c'est une question qui sous-tend de nombreuses choses que nous faisons ou que nous pourrions faire au Parlement ou en tant que gouvernement. En particulier, j'aimerais que vous parliez de la manière dont le travail non rémunéré est traité dans le cadre du régime de pensions, par exemple, et comment cela se traduit plus tard dans le vie, notamment par la pauvreté qui frappe fréquemment les femmes âgées.
Parlant d'égalité, j'ai souvent entendu l'opposition officielle proclamer à la Chambre des communes qu'elle est en faveur de l'égalité, ce qui semble vouloir dire que tout le monde devrait être traité comme le sont les mâles blancs. Je me demande si vous pourriez vous étendre un peu plus sur la question de l'égalité et sur la nécessité de reconnaître que l'égalité ne veut pas nécessairement dire qu'il faut traiter tout le monde comme nous avons traditionnellement traité un certain segment de la société.
Mme Hedy Fry: Je vous remercie beaucoup de cette question.
En ce qui concerne la question du travail rémunéré par rapport au travail non rémunéré, ce que nous appelons travail rémunéré est tout le travail fait par les personnes qui ne reçoivent aucune rétribution monétaire ou autre à l'égard de ce travail. Jusqu'à maintenant, la seule occasion où nous avons placé une valeur sur ce travail ou cherché comment permettre aux gens de bénéficier d'une certaine reconnaissance, pécuniaire ou autre, à l'égard du travail non rémunéré, a été, comme vous le savez, le budget déposé par M. Martin en 1998. Il a créé un crédit d'impôt pour les contribuables qui s'occupent chez eux de personnes handicapées ou de malades chroniques. C'était la première fois que nous reconnaissions le travail non rémunéré.
Cela nous mène, si vous me le permettez, à votre question sur l'égalité. Quand on rembourse le travail non rémunéré à la personne qui est rémunérée, on ne reconnaît pas la personne qui fait le travail non rémunéré. On déduit ce travail des impôts de la personne qui est rémunérée. Nous voulons donc que la valeur du travail non rémunéré soit attribuée à la personne qui a fait le travail. Nous devons nous assurer que c'est cette personne—en majorité des femmes, comme le ministre l'a dit dans le discours du Budget—qui se voit attribuer la valeur du travail et non l'autre personne.
Nous savons que, par exemple, il y a beaucoup de personnes pauvres et à très faible revenu dans notre société. Je vais vous expliquer ce qui se passe. Par l'intermédiaire de programmes qui s'appellent la Sécurité de la vieillesse et le SRG, le gouvernement aide les personnes âgées qui, à la fin de leur vie, n'ont pas de quoi vivre. Ce sont des femmes pour la plupart. Et ce, premièrement, parce que les femmes vivent plus longtemps et, deuxièmement, parce que la majorité des femmes qui touchent maintenant des prestations de Sécurité de la vieillesse sont les femmes qui ont fait tout le travail non rémunéré nécessaire pour élever les enfants qui forment la société canadienne d'aujourd'hui—notre génération—, qui se sont occupées des personnes handicapées et des malades, sans qui le régime d'assurance-maladie s'effondrerait, et qui, à la fin de leur vie n'ont pourtant pas un sou, pas un penny, pas un cent, et doivent vivre dans la pauvreté et dépendre de l'aide du gouvernement.
• 1200
Si nous trouvions comment rémunérer ce travail, que ce soit
par l'intermédiaire du Régime de pensions du Canada, d'un genre de
crédit—je ne pense pas qu'il n'y ait qu'une seule manière de le
faire, mais bien plusieurs dont, par exemple, le partage des
crédits du RPC—à la fin de leur vie, ces femmes auraient un revenu
en reconnaissance de leur travail. Ça ne serait pas un acte de
charité, mais bien la reconnaissance du fait qu'elles ont travaillé
et qu'elles doivent disposer d'un revenu raisonnable pour vivre. En
fait, ça reviendrait moins cher au gouvernement de procéder de la
sorte que de leur verser des prestations de Sécurité de la
vieillesse à la fin de leur vie. C'est l'une des manières de
reconnaître le travail non rémunéré.
Dans le cadre du Régime de pensions du Canada, par exemple, nous... Il faut que nous nous penchions sur ces questions et que nous cherchions à améliorer la situation économique des femmes, des personnes qui ne sont pas rémunérées pour leur travail. Le RPC est le seul régime d'assurance qui tienne compte des arrêts de travail. Grâce à ce qu'on appelle la clause d'exclusion pour élever des enfants, les femmes peuvent maintenant quitter les rangs de la main d'oeuvre rémunérée pendant un total de sept ans durant la période où elles ont des enfants sans perdre leurs gains ouvrant droit à pension, de telle sorte qu'à la fin de leur vie elles ne sont pas pénalisées pour s'être arrêtées de travailler pour avoir des enfants.
C'est très beau. Mais ce n'est que pour avoir des enfants. Pourquoi ne pas donner le choix aux gens qui veulent s'occuper eux-mêmes de leurs enfants? C'est là que les congés parentaux entrent en jeu. Dans le cadre de la prestation au survivant, on partage les crédits du CPP avec la personne qui a fait le travail non rémunéré au foyer. Nous avons donc pris plusieurs initiatives, mais elles ne suffisent pas car elles ne s'appliquent qu'aux conjoints dans une relation d'employeur-employé. Nous n'accordons pas ces prestations aux femmes qui, en nombres grandissants, travaillent à leur compte, à contrat. Elles n'ont pas les moyens de souscrire à un régime de pensions ou de prendre des congés de maternité ou des congés parentaux. Actuellement, elles n'ont pas la possibilité de le faire et, si le tendance se poursuit, ces femmes entrepreneurs vont être les grosses perdantes de notre société.
Vous avez donc parfaitement raison d'attirer l'attention sur ces points. Mais je pense que le plus important, en ce qui concerne la grille de comparaison entre les sexes, est que—pour répondre à la question de Mme St-Hilaire—nous ne devrions pas nous contenter de créer un sous-comité chargé d'étudier seulement les questions concernant les femmes. Tous les comités permanents, tous les ministères, toutes les personnes qui examinent les politiques et les recommandations doivent étudier les répercussions de leurs décisions sur les hommes et sur les femmes ainsi que sur les personnes qui sont différentes du fait de leur race, d'un handicap ou de leur origine ethnique. Ces grilles ne sont pas réservées à mon ministère. Tous les ministères devraient y avoir recours. Nous voulons empêcher la marginalisation de ces problèmes, faire en sorte que toutes les institutions en tiennent compte et que tout le monde utilise la grille de comparaison entre les sexes. J'espère donc que, dans ses études, votre comité permanent utilisera cette grille et la grille d'analyse de la diversité afin que les recommandations que vous formulerez aient une influence positive sur la vie des gens.
Pour terminer, tout ce que je peux dire c'est que l'égalité ne signifie pas que nous devons tous être pareils; l'égalité, c'est reconnaître les différences. C'est pourquoi, pour la sixième fois consécutive, le Canada a été déclaré le pays où il fait le meilleur vivre. C'est relatif. Nous ne prétendons pas être le meilleur pays dans l'absolu. Nous sommes numéro un par rapport à tous les autres pays. Et ce, parce que nous reconnaissons et acceptons les différences et que nous avons essayé d'édifier des structures et d'adopter des politiques qui tiennent compte de ces différences.
Avant de conclure, je vais vous donner rapidement un exemple qui explique pourquoi l'égalité ne signifie pas que nous devons tous être pareils. Si une personne est handicapée et qu'elle est dans un fauteuil roulant, et que vous lui offrez 50 000 $ si elle se présente dans cette salle—quiconque se présentera dans cette salle avant 9 heures du matin recevra un chèque de 50 000 $. Une personne handicapée confinée à un fauteuil roulant n'a aucune chance car cette salle n'est pas accessible aux fauteuils roulants. Voilà. La personne qui a construit cet immeuble aurait dû se rendre compte que l'égalité d'accès ne se limitait pas à installer une porte et à laisser tout le monde entrer; elle aurait dû reconnaître que certaines personnes ont du mal à se déplacer. C'est pour moi la meilleure façon de décrire ce que nous entendons par différence. Et vous avez entièrement raison, l'égalité ne veut pas dire être traité de la même façon. Nous ne pouvons assurer l'égalité en ayant les mêmes politiques pour tout le monde.
Le président: Monsieur Muise.
M. Mark Muise (Ouest Nova, PC): Je vous remercie, monsieur le président.
Je vous remercie, madame Fry, pour ce témoignage très détaillé et de grande envergure. Je vous ai écouté très attentivement et j'aurais beaucoup de questions à vous poser, mais vous venez de parler des personnes âgées et je dois dire que je reçois beaucoup d'appels de personnes âgées, certaines sont en bonne santé, d'autres sont handicapées, mais ça me trouble beaucoup à chaque fois.
Je vais vous faire part d'un exemple. Une dame qui n'est pas très loin de l'âge de la retraite m'a téléphoné; elle touche des prestations d'invalidité du RPC et son revenu annuel est de 7 000 $. Il fallait qu'elle envoie 90 $ à Revenu Canada à titre d'impôt sur le revenu. Elle m'a dit «Mark, je ne me plains pas de mon sort, ni du fait que je ne gagne que 7 000 $ par an, mais là-dessus il faut que je paye 90 $, 90 $ que j'ai pas. Et en plus, on me dit que je peux déduire mes médicaments si le total en est supérieur à 3 p. 100 de mon revenu, mais je n'ai pas de quoi les acheter.»
Je vais mentionner un autre exemple, mais ce que je me demande, c'est si ça ne serait pas le régime fiscal qui par hasard serait en partie la cause de cette inégalité qui existe. L'autre exemple concerne un programme de DRHC qui s'appelle le Fonds d'intégration des personnes handicapées. Il donne de l'argent à des organisations très peu bureaucratiques, qui emploient un gestionnaire et une secrétaire à temps partiel. Il y en a une ou deux dans ma circonscription et je n'en ai entendu dire que du bien, justement parce que la bureaucratie est réduite au minimum. Les personnes handicapées viennent expliquer leur projet au gestionnaire et si le comité responsable estime qu'il vaut la peine, il accorde immédiatement l'argent, me dit-on.
On essaye de promouvoir le fonds et de le maintenir en place, mais il semblerait que le gouvernement ne se soit pas engagé à le financer après le 31 mars. Mon bureau est l'objet de lobbying pour que je fasse pression sur le gouvernement en faveur du fonds, que j'appuie sans réserve.
Il y a un ou deux mois, j'ai assisté à une réunion avec des personnes qui ont bénéficié de ce programme. Il ne s'agit pas de sommes énormes, elles peuvent monter jusqu'à 500 $. Il y avait une dame qui avait du mal à voir, mais qui n'avait pas les moyens de s'acheter des lunettes. Le fonds l'ai aidée. Maintenant, elle travaille, elle est productive et elle dit qu'elle est fière d'elle. Et tout ça parce grâce à un système peu bureaucratique dont le rôle est réellement d'offrir un service.
Ainsi, je parle tout d'abord en faveur de cela, car c'est bon pour les handicapés, hommes et femmes. Je me demande ensuite si notre régime fiscal ne conduit pas à certaines inégalités qui existent.
Mme Hedy Fry: Je pense que votre question est excellente, et je ne vais pas y répondre avec un lieu commun, mais je crois que nous devons en revenir aux bases dont nous avons essayé de parler aujourd'hui, c'est-à-dire que si nous voulons vraiment faire une différence dans la vie des gens, en ce qui concerne l'endroit où ils vivent au Canada ou leur conditions quotidiennes de vie, il n'incombe pas alors simplement à Condition féminine Canada, mais à tous les ministères, d'effectuer cette recherche et de prôner ces changements.
Ainsi, si Revenu Canada effectuait une analyse comparative entre les sexes pour voir les distinctions que le régime fiscal fait entre les hommes et les femmes, sachant qu'il existe des réalités bien distinctes dans leur vie pour ce qui est du travail rémunéré et non rémunéré et des répercussions sur leur revenu de retraite, etc., nous serions alors en mesure d'établir des structures tenant compte des différentes réalités. Ainsi, en tant que gouvernement nous examinons les résultats.
Nous commençons à insérer cela dans le système. Ce sont des structures qui sont mises en place à l'heure actuelle. Nous accumulons des données de recherche et nous procédons à des analyses des résultats. Nous commençons à voir comment les mesures que nous prenons influent sur la vie des gens.
• 1210
Je suppose que vous pourriez dire qu'on devrait avoir fait
cela il y a longtemps, mais je pense que les outils, les
instruments et les mesures n'existaient pas auparavant. Nous
commençons à les obtenir et les gens commencent à voir en quoi cela
fait une différence.
C'est pourquoi j'en reviens à dire que tous les comités permanents devraient se demander en quoi notre sexe et notre diversité influent sur la façon dont les ministères qui traitent des questions dont nous nous occupons examinent cette question.
Ainsi, même si nous avons de bons exemples de la façon dont Revenu Canada est en mesure d'aider les gens dans leur vie quotidienne, beaucoup de travail reste à faire pour ce qui est de changements institutionnels, comme on l'a dit dans le discours du Trône.
Comment n'examinons-nous pas simplement le changement institutionnel? Comment pouvons-nous aider le secteur du bénévolat? C'est le groupe dont vous avez parlé qui aide les gens. Comment lui donnons-nous la capacité de remplir sa mission? Comment pouvons-nous l'aider en lui fournissant tous les outils dont il a besoin pour collaborer avec les collectivités? Le secteur du bénévolat est le dernier tampon entre la communauté et le gouvernement et il comprend beaucoup mieux que les gouvernements la réalité que vivent les gens.
M. Mark Muise: Si vous le permettez, monsieur le président, pour aller un peu plus loin, je tiens à dire qu'à mon avis, souvent, la pauvreté peut conduire à la violence familiale. Les gens sont exaspérés par le manque de travail ou à la suite de la perte d'un emploi et des conflits surviennent. Je pense que cela explique en partie le problème.
Là encore, je relie une partie de cela non seulement au régime fiscal, mais à l'économie en général, en essayant de... Comme vous le savez, certains éléments de notre société s'en sortent fort bien dans notre économie. D'autres n'ont malheureusement pas cette chance. Ce sont ceux-là que nous devons aider par tous les moyens.
Une autre chose... Je suis désolé que Mme St-Hilaire nous ait quittés, car j'ai été intéressé par la discussion que vous avez eue avec elle. Je me rappelle qu'en 1993 le premier ministre a nommé certains candidats—et je vous en prie, ne voyez aucune insinuation dans ma question. Je crois dans l'égalité pour les femmes et dans l'égalité pour tous. Je crois qu'un pays ou une société est comme une famille. Nous sommes tous différents. C'est ce qui fait ce que nous sommes. En vivant en famille, nous le constatons.
Cependant, le simple fait de nommer des femmes, par exemple, comme candidates, est-il un pas dans la bonne direction pour la cause des femmes? Dit-on plutôt aux femmes qu'elles ne peuvent s'en sortir seules et qu'on va donc les aider? Je me demande ce que les femmes pensent vraiment lorsque cela se produit.
Mme Hedy Fry: C'est une question extrêmement importante, car cela revient au fait que l'égalité n'est pas l'uniformité.
Je vais prendre votre analogie d'une famille. J'ai trois fils. Vous avez une famille et vous avez des enfants. Vous savez que vos enfants ne sont pas nécessairement identiques. Ils sont différents. Ils viennent de la même famille, mais ils ont quant même réussi à être différents.
Vous avez par exemple, un enfant qui s'en sort très bien à l'école—un élève brillant, un excellent athlète, etc.—, vous lui donnez une tape dans le dos et c'est tout. Par contre, votre autre enfant a des problèmes avec les mathématiques. Vous vous assurez les services d'un professeur particulier que vous faites venir à la maison et vous donnez à cet enfant tous les outils dont il a besoin pour son enseignement individuel en mathématiques pour qu'il puisse mieux s'en sortir dans ce domaine. Vous n'allez pas faire la même chose pour l'autre enfant qui n'a aucune difficulté en mathématiques. Ainsi, vous traitez un enfant très différemment dans votre famille. Vous donnez à cet enfant un petit coup de pouce, mais simplement parce qu'il en a besoin.
Je prétends que si nous nous contentons de parler d'égalité et ne prenons aucune mesure concrète à cet égard ou si nous attendons une certaine évolution... En deux millénaires d'évolution, les femmes n'ont pas réussi à occuper des postes de décision au sein du gouvernement. En 1929, les femmes n'étaient même pas considérées comme des personnes. Comment pouvons-nous aider? Il ne s'agit pas d'attendre deux autres millénaires et l'évolution naturelle des choses pour que les femmes parviennent à se hisser à ce niveau. On a besoin de ces 51 p. 100 et de leurs différences, de leur compréhension et de leur façon différente de voir les choses pour obtenir l'ensemble qu'il nous faut.
• 1215
Ce n'était pas antidémocratique. Environ 95 p. 100 des membres
du parti ont proposé au premier ministre de faire cela, car on
s'assurait ainsi que les femmes n'aient pas à surmonter l'obstacle
particulier que constitue le fait qu'on doive avoir assez d'argent
et des biens d'une valeur nette insuffisante. Le parti a décidé que
dans les régions où il y avait des circonscriptions prenables et le
premier ministre voulait accroître le nombre de femmes... il
devrait faire cela. C'était tout à fait démocratique au sein du
parti.
Je pense que parfois, nous donnons aux femmes le coup de pouce dont elles ont besoin un peu comme l'enseignement individuel dispensé le soir à l'enfant qui a des problèmes pour l'aider à mieux s'en sortir en mathématiques à l'école. Il s'agit en fait d'aider une personne qui fait face à un obstacle et qui est quelque peu désavantagée à ce moment-là. Il est question d'aider les personnes intéressées à parvenir à un point à partir duquel elles peuvent s'en sortir seules.
Les conférences du Commonwealth et de Beijing ont découvert qu'il y a une masse critique. Une fois qu'on obtient un certain nombre de femmes dans ce domaine, elles sont en mesure de s'en sortir d'elles-mêmes. Il est question d'environ 33 p. 100. Nous ne sommes parvenus qu'à une proportion de 24 p. 100 dans notre parti à l'heure actuelle. Je pense qu'il nous reste beaucoup de chemin à faire. La façon d'y parvenir au sein de notre parti est une chose, mais la façon de réaliser cet objectif de façon globale au niveau électoral en est une autre.
Cependant, je pense que c'est une chose nécessaire si nous voulons reconnaître la nécessité d'examiner les obstacles qui existent et la façon de permettre aux gens de franchir ces obstacles afin qu'ils puissent commencer à s'en sortir d'eux-mêmes.
M. Mark Muise: Puis-je revenir là-dessus, monsieur le président?
Le président: Oui, vous pouvez.
M. Mark Muise: Merci.
[Français]
Le président: Madame St-Hilaire.
Mme Caroline St-Hilaire (Longueuil, BQ): Tout d'abord, je voudrais remercier Mme la ministre d'être venue nous rencontrer ce matin. Je voudrais aussi souligner le fait que je devrai quitter avant la fin de la séance. Ne prenez pas cela personnellement. Je dois absolument quitter, mais je voulais être ici ce matin.
Je vais essayer de rester calme. J'admire le calme dont vous avez fait preuve en répondant à mon collègue réformiste. Je trouve aussi déplorable qu'on ait besoin, en l'an 2000, d'avoir une ministre responsable de la Situation de la femme. Cependant, vous avez énoncé beaucoup de problèmes que vivent les femmes. Tant et aussi longtemps que nous, les femmes, vivrons ces problèmes, il devra y avoir une porte-parole des femmes au sein du gouvernement.
• 1220
L'année dernière, vous étiez venue nous rencontrer au comité, et
j'avais été un peu dure avec vous. Aujourd'hui, j'ai bien apprécié
votre présentation. Je pense que les femmes peuvent être fières du
travail que vous faites. Vous ne le faites sans doute pas toujours
dans des conditions agréables, et c'est la même chose pour toutes les
femmes parlementaires.
Vous voyez actuellement mon bon côté. Ce sera peut-être moins drôle tout à l'heure.
Je vous félicite aussi pour l'initiative du 6 décembre pour les femmes de Polytechnique. Ce fut très apprécié.
Vous avez beaucoup parlé des minorités. Je suis un peu fatiguée qu'on parle des femmes en tant que minorité alors que ce n'est pas le cas. Comme vous l'avez dit, les femmes sont 52 p. 100 de la population. Il faut aussi comprendre que le sexe transcende les générations. Pour moi, c'est très important: on est un homme ou on est une femme. On n'est pas blanc ou noir, ou jeune ou vieux; on est un homme ou une femme. Pour moi, c'est très important. J'ai deux courtes questions à vous poser à ce sujet.
J'ai déposé un projet de loi portant sur un incitatif financier pour les partis politiques qui feraient élire davantage de femmes. Je sais que M. Boudria y est très favorable, mais il a besoin de beaucoup d'appui. J'aimerais tout d'abord savoir si vous êtes d'accord sur ce projet de loi qui modifierait la Loi électorale. Je pense que ce serait une bonne réalisation pour vous, pour Beijing +5 que le Canada fasse tout en son pouvoir pour qu'il y ait plus de femmes au sein de la Chambre des communes. Je vous rappelle que nous sommes à peine 20 p. 100, ce qui ne reflète pas la composition de la société. C'est ma première question.
Voici ma deuxième. Comme vous l'avez mentionné à plusieurs reprises, la condition féminine est un dossier horizontal. Cela touche à tout et, en même temps, cela touche souvent à rien. Ne serait-il pas bon qu'il y ait un sous-comité ou un comité pour étudier les politiques gouvernementales sur les femmes? C'est bien que vous veniez nous rencontrer une fois par année au Comité du patrimoine canadien, mais il serait important que des parlementaires étudient les politiques gouvernementales sur la question des femmes, notamment le programme de promotion des femmes et ainsi de suite. Cela pourrait établir un rapport de force au sein de votre propre parti. J'aimerais vous entendre là-dessus. C'est Mme Dockrill du NPD qui avait parlé d'une telle initiative, et je pense que ce serait bien. J'aimerais vous entendre là-dessus. Merci beaucoup.
Mme Hedy Fry: Merci, Caroline.
[Français]
Le président: Monsieur Bélanger, avez-vous des questions?
M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): Je vais céder mon temps à M. Muise, monsieur le président.
M. Mark Muise: Merci, monsieur Bélanger.
[Traduction]
Madame Fry, ma question n'est certes pas une critique à l'endroit du premier ministre. Je l'ai posée afin de comprendre le sentiment des femmes à cet égard. J'ai parlé un petit peu à Mme St-Hilaire de son projet de loi. Je suppose que cela m'aide à décider la position que je veux défendre, car je me demandais si cela aidait vraiment ou si cela revenait à dire avec les femmes qu'elles ne sont pas capables de s'en sortir seules et qu'elles ont besoin d'un coup de pouce. Je suppose que c'est sur cela que portait ma question.
Mme Hedy Fry: Eh bien, je pense que cela équivaut également au cas des immigrants dont la langue maternelle n'est ni le français ni l'anglais auxquels nous donnons des cours en langue seconde. Ces cours ne sont pas offerts à tous les gens nés au Canada, mais à ceux qui en ont besoin. C'est un peu comme dire aux gens qui font face à un obstacle qu'on va les aider à surmonter cet obstacle afin qu'ils puissent se réaliser pleinement.
C'est ce qui a été fait et c'est ce dont parle le projet de loi de Mme St-Hilaire. Quel est le coup de pouce que nous devons donner pour permettre à la personne en question de franchir cet obstacle et d'être ainsi sur un pied d'égalité avec les autres citoyens?
Je pense qu'il est intéressant de noter que les électeurs ont voté en faveur de la majorité des gens nommés par le premier ministre à l'époque. La majorité de ces personnes siègent à la Chambre des communes à l'heure actuelle. Il est évident que l'électorat a reconnu ce fait et appuyé l'initiative du premier ministre. Pour les électeurs, ce n'était pas un grave problème.
M. Mark Muise: Merci.
[Français]
Le président: Monsieur de Savoye.
M. .Pierre de Savoye: Bonjour, Hedy.
Mme Hedy Fry: Bonjour, Pierre.
M. Pierre de Savoye: Cela fait longtemps que j'ai eu le plaisir de vous voir siéger à un comité. Vous étiez généralement de l'autre côté. J'appréciais toujours à la fois votre gros bon sens et votre capacité de voir les problèmes humains. Je m'aperçois aujourd'hui que vous avez toujours ces excellentes qualités.
J'ai aujourd'hui une question difficile pour vous. Je ne suis pas particulièrement versé dans le domaine des arts ou de la culture, mais je ne suis pas un inculte non plus. Lorsque je vais dans un milieu hispanique, par exemple, je conçois que c'est une culture étrangère. Bien que j'apprécie énormément les diverses facettes de cette culture, je suis très conscient que ce n'est pas ma culture, que c'est une culture étrangère.
Lorsque je vais dans un milieu anglophone au Canada, que ce soit à Toronto, à Vancouver ou ailleurs, je me sens aussi dans une culture différente de la mienne. Vous me voyez venir.
• 1225
Dans divers projets de loi et à la Chambre des communes, on parle
souvent de la culture canadienne, au singulier. J'essaie de me
retrouver là-dedans.
Certains prétendent que la culture québécoise ou la culture francophone, qu'elle soit acadienne, franco-ontarienne ou autre, fait partie de cet ensemble du multiculturalisme. À ce moment-là, je me demande si je suis considéré ici comme nos amis qui viennent de l'étranger, les Espagnols, les Chinois ou les gens d'autres cultures, ou si je suis d'une culture authentique. Si je suis d'une culture authentique et que M. Bélanger l'est également, c'est qu'on a peut-être deux cultures authentiques au Canada. Vous, qui vous y connaissez en multiculturalisme, pouvez-vous résoudre mon énigme?
[Traduction]
Mme Hedy Fry: Je me rappelle fort bien, Pierre, que vous posez toujours des questions fort complexes. Voyons comment je peux répondre à celle-ci.
Pour ce qui est de la culture canadienne sur le plan générique, la seule explication que je peux donner serait en tant que médecin. Nous parlons de médicaments antihypertenseurs. Il n'y en a pas qu'un seul. Ils sont nombreux dans l'arsenal des médicaments contre l'hypertension.
Quand nous parlons de culture canadienne, nous voulons dire que cette culture n'est pas statique, qu'elle est riche en ce sens qu'elle est diversifiée et elle nous vient de toutes sortes d'endroits. Elle se compose de la culture autochtone, de la culture des premiers habitants du pays, de la culture des Français, qui ont joué un rôle distinct en tant que puissance coloniale pour ce qui est d'aider à bâtir le Canada à partir de rien, ainsi que de la culture des Anglais qui ont fait de même. Ces cultures se reflètent dans nos systèmes de gouvernement, dans le Code civil que vous utilisez et dans la common law en vigueur dans les provinces anglophones.
Nous avons réussi à ce que toutes ces choses se produisent en même temps à l'intérieur de cette structure. C'est ce qui m'émerveille dans le Canada, le fait que nous puissions former un tout dont les parties sont différentes et que ces choses puissent se produire en même temps sans se nuire les unes aux autres.
Sans vouloir être trop condescendant à votre égard, je tiens à dire qu'à mon avis, le Canada que nous avons aujourd'hui est le résultat de ce que les Français et les Anglais ont établi dans la façon dont ils ont essayé de vivre ensemble sur un territoire extrêmement étendu, en étant respectueux les uns des autres. Cette vie collective dans le respect a forgé le Canada d'aujourd'hui. Nous avons avoir appris à vivre ensemble tout en respectant les différences et en laissant les différences s'épanouir dans le Canada moderne, ou nous avions d'excellents principes de base sur lesquels nous appuyer au départ. C'est une chose unique et remarquable. C'est un paradoxe. Cependant, c'est ce qui fait du Canada un pays aussi intéressant, fascinant et unique.
[Français]
M. Pierre de Savoye: Puis-je reprendre vos propos? C'est vrai qu'il y a des Canadiens d'expression française qui vivent un peu partout au Canada, mais ont-ils toujours accès aux mêmes possibilités? Vous affirmez que nous avons créé une mosaïque où chacun peut s'épanouir, mais est-ce aussi vrai que vous le dites? Par exemple, possédons-nous des statistiques pour le démontrer?
Au début de la semaine, j'avais l'occasion de rencontrer des représentants des communautés francophones et acadienne, et ils me soulignaient l'absence totale de statistiques pour démontrer les problèmes... M. Moyer, qui est le représentant de la gent masculine, a certainement quelque chose d'important pour vous dire de quoi il s'agit. Effectivement, ces communautés n'ont pas l'information nécessaire pour saisir les difficultés d'apprentissage des jeunes, les problèmes de violence familiale et les autres difficultés.
• 1230
Bien sûr, des statistiques d'agrégat existent pour l'ensemble de la
population d'une province, mais est-ce qu'on peut isoler une
problématique qui reflète la réalité du milieu francophone? Ces
statistiques n'existent pas et, apparemment, Statistiques Canada, qui
est un de vos partenaires—je le lis à la page 37—, croit qu'il en
coûterait trop cher pour les obtenir. Mais c'est le prix à payer si on
veut réaliser ce que vous me dites. Qu'en pensez-vous?
[Traduction]
Mme Hedy Fry: Étant donné que M. Moyer est responsable du dossier de la francophonie à l'extérieur du Québec, je vais lui laisser répondre en partie à la question.
Je vis en Colombie-Britannique où il y a 60 000 francophones qui participent à la vie de la province, mais en apportant la richesse de la culture francophone. Durant l'été, j'ai assisté aux Jeux de la francophonie en Colombie-Britannique. J'assiste aux merveilleuses manifestations culturelles, qu'il s'agisse de musique ou de danse, et toutes les autres choses, qui vont de pair avec cette riche culture qu'on retrouve en Colombie-Britannique. Nous savons qu'en Colombie-Britannique, le nombre d'enfants qui vont à l'école pour apprendre le français est deux fois plus important que dans beaucoup d'autres provinces du Canada.
Mais nous savons également qu'il y a une riche culture linguistique en Colombie-Britannique—et je vais vous parler de ma propre expérience—qui, en fait, s'exprime en ayant son propre système scolaire et ses propres conseils scolaires pour veiller à l'éducation de ses enfants et s'assurer de maintenir et de développer cette richesse culturelle et de pouvoir compter sur une dualité linguistique et divers milieux culturels.
Nous effectuons pas mal de recherches. En fait, nous avons une capacité de recherche importante pour les communautés francophones afin de se pencher sur les femmes francophones et de voir dans quelle mesure elles ont accès à la formation, etc., à l'extérieur du Canada. Une bonne partie de cette recherche est effectuée. Statistique Canada est la principale source de recherche qui est assez importante pour refléter toute la dynamique de notre pays, mais nous effectuons encore des blocs de recherche sur des domaines particuliers et des questions précises pour déterminer comment ces choses profitent ou nuisent aux divers éléments à l'extérieur du Canada. C'est une chose que nous faisons à Condition féminine Canada et à Patrimoine canadien, il y a...
M. Pierre de Savoye: Je suis sûr que vous ne me dites pas que les données qui ont été mentionnées ou demandées en tant qu'éléments nécessaires à l'amélioration du sort de ces collectivités ne sont qu'une illusion. Je suis sûr que vous ne me dites pas que ces gens demandent une chose dont ils n'ont pas besoin.
Mme Hedy Fry: Je ne prétends pas qu'ils n'en ont pas besoin, mais je peux vous dire...
M. Pierre de Savoye: Qu'allons-nous faire pour leur donner cela?
Mme Hedy Fry: Je peux vous dire, en vérité, Pierre, que si vous rencontrez les membres de n'importe quelle collectivité, peu importe l'endroit d'où ils viennent qu'il s'agisse d'une collectivité ethnique ou autre, les intéressés vous diront qu'ils n'ont pas les ressources suffisantes pour faire tout ce qu'ils voudraient faire.
Je vais laisser M. Moyer vous parler des ressources disponibles.
[Français]
M. Norman Moyer (sous-ministre adjoint, Citoyenneté et programmes d'identité, ministère du Patrimoine canadien): Merci de me donner la possibilité de répondre en partie à cette question.
À la base de la culture canadienne, il y a la réalité d'une vision de dualité linguistique qui respecte l'intégrité de deux cultures riches et distinctes. La question des minorités et de leur épanouissement au Canada est au centre de la Loi sur les langues officielles ainsi qu'au centre de mes préoccupations.
Nous sommes très conscients du fait que les indicateurs de l'évolution de ces communautés ne sont pas toujours aussi disponibles que nous le souhaiterions. Il existe une base de données qui est utile et qui est utilisée. Nous avons créé, en collaboration avec Statistiques Canada, un comité qui étudie justement les questions ayant trait à l'évolution de ces communautés, les taux d'assimilation et les taux de bilinguisme, qui sont parfois favorables à certaines communauté et qui sont parfois une difficulté pour elles.
Statistiques Canada est très ouvert à ce qu'on peut faire dans ce domaine. On s'attend à utiliser une partie des ressources qu'on a reçues du gouvernement cette année pour mieux comprendre l'évolution de ces communautés.
Le président: Je vais donner la parole à M. Bélanger et ensuite, si les membres du comité sont d'accord, nous allons nous arrêter là.
M. Mauril Bélanger: Ça va, monsieur le président.
Le président: Ça va? Est-ce qu'il y a d'autres questions?
• 1235
Je voudrais vous remercier, madame la ministre, d'être venue ici
parmi nous.
[Traduction]
Nous apprécions vraiment que vous soyez venue ici aujourd'hui nous donner un très large aperçu de la mission de votre ministère. Je pense que les questions ont été extrêmement utiles pour nous aider à comprendre davantage ce que vous proposez et ce que vous faites. Une fois de plus, je tiens à vous remercier d'être venue ici aujourd'hui. Nous l'apprécions beaucoup.
Mme Hedy Fry: Merci.
[Français]
Le président: Pouvez-vous me donner trois minutes?
[Traduction]
Tout d'abord, le 7 décembre, nous avons un exposé des fonctionnaires du ministère au sujet de l'affaire dont M. Bélanger nous a fait part.
[Français]
Le 14 décembre, nous recevrons le sous-ministre, M. Himelfarb, et bien entendu, nous cessons nos travaux le 17 décembre. Ce sera la dernière réunion, à moins que les membres ne veuillent se rencontrer le 16 décembre. Cependant, je pense qu'une séance une journée seulement avant que la Chambre ne s'ajourne...
La greffière du comité: Si vous êtes encore là.
Le président: Oui.
[Français]
Il s'agit de toute la question de Chapters, des booksellers and publishers. La Canadian Booksellers Association a demandé à comparaître devant le comité. La greffière nous suggère de faire une réunion un peu plus longue le 7, une réunion de 2 heures 30 minutes. On pourrait fournir des sandwichs aux membres du comité et diviser la séance en deux. Nous entendrions d'abord les officiels d'abord et ensuite les booksellers pour que nous puissions avoir une bonne idée du problème. Si vous êtes d'accord, nous nous organiserons en conséquence. Donc, nous siégerions de 11 heures à 13 h 30 et nous pourrions faire venir des sandwichs.
Le jeudi 9 décembre, nous rencontrerons le secrétaire d'État au Sport amateur, M. Denis Coderre.
[Traduction]
L'autre jour, à la Chambre, M. Assadourian a proposé une motion. Il a demandé que du consentement unanime, le projet de loi C-224, Loi établissant d'ici le début du XXIe siècle une exposition au Musée canadien des civilisations pour reconnaître les crimes contre l'humanité, tel que l'expression est définie par les Nations Unies, qui ont été perpétrés au cours du XXe siècle, soit retiré, l'ordre révoqué et l'objet renvoyé au Comité permanent du patrimoine canadien et que le comité fasse rapport à la Chambre au plus tard le 15 juin 2000.
[Français]
La Chambre a accepté à l'unanimité. On avait d'abord demandé que cela se fasse avant avril, mais j'ai expliqué que nous avions du travail et que nous ne pouvions pas nous engager à faire cette étude avant cette date.
M. Mauril Bélanger: Nous serons ici jusqu'au 23. Pierre en sait quelque chose.
Le président: Si nous sommes ici plus tard, nous pourrons continuer notre étude sur le projet de Chapters et des librairies.
Nous devons parler d'une autre petite question.
[Traduction]
On a reporté le délai jusqu'au 15 juin. Je signale simplement que nous ne pourrons consacrer, selon moi, qu'une seule séance à cela. Nous avons suffisamment de travail. Ainsi, à un moment donné, la greffière nous proposera une date pour examiner cette question.
Je vous remercie beaucoup de votre participation. La séance est levée jusqu'à nouvelle convocation du président.