HERI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON CANADIAN HERITAGE
COMITÉ PERMANENT DU PATRIMOINE CANADIEN
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 7 décembre 1999
Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)): Les témoins sont priés de bien vouloir prendre place.
[Français]
Je déclare la séance ouverte. Le Comité permanent du patrimoine canadien se réunit aujourd'hui pour étudier certains problèmes de l'industrie canadienne de l'édition du livre.
[Traduction]
La séance du Comité permanent du patrimoine canadien est maintenant ouverte. Le comité se réunit aujourd'hui pour étudier certains problèmes de l'industrie canadienne de l'édition du livre.
Nous allons d'abord entendre des témoins du ministère lui-même. Ensuite, nous donnerons la parole à des témoins de la Canadian Booksellers Association.
• 1105
Je dois mentionner que notre réunion d'aujourd'hui durera jusqu'à 13
h 30, tel que convenu par les membres. Nous ferons une pause de 15 ou
20 minutes à 12 h 30 pour casser la croûte. Étant donné la présence du
public, je précise que le greffier a commandé 25 repas, qui sont pour
les membres, les témoins et le personnel. S'il en reste, les
participants du grand public pourront en profiter, mais ils sont
d'abord pour les membres, le personnel et les témoins.
Nous débutons nos audiences avec les représentants du ministère du Patrimoine canadien, soit M. Allan Clarke, directeur, Politique de l'édition et des programmes;
[Français]
M. Don Stephenson, directeur général des Industries culturelles; et Mme Carla Curran, chef de la Politique de l'édition.
[Traduction]
Monsieur Stephenson.
M. Don Stephenson (directeur général, Industries culturelles, ministère du Patrimoine canadien): Merci. Nous avons un exposé que j'intitulerais Initiation à l'industrie du livre. Nous donnons un aperçu de l'industrie et ce qui pourrait tenir lieu d'introduction aux sujets dont le comité veut discuter.
Avec votre permission, je ferai mon exposé, puis nous pourrons passer à une période de questions. Le texte de l'exposé est disponible dans les deux langues officielles et a été distribué aux participants à la table.
Je fais d'abord remarquer qu'il y a quelques erreurs que je corrigerai à mesure que je présenterai le texte. Ce document a été préparé dans un court délai, c'est-à-dire au cours de la fin de semaine et hier, et quelques erreurs s'y sont glissées. Nous tâcherons de les corriger au fur et à mesure que nous y arriverons. La plus grande partie de mon exposé sera en anglais.
[Français]
Je suis évidemment tout à fait à l'aise pour répondre à vos questions dans la langue officielle de votre choix.
[Traduction]
À la page 1, dans l'introduction, on signale d'abord que l'industrie de l'édition du livre joue un rôle important au point de vue culturel et que la raison ultime du soutien de l'industrie canadienne de l'édition du livre par le ministère du Patrimoine canadien est d'ordre culturel.
Nos stratégies dans le secteur de l'industrie de la culture sont de nature industrielle. Leur objectif est de soutenir l'industrie nationale de production de livres et revues, d'enregistrements sonores ou de films. Toutefois, les objectifs sous-jacents sont culturels. Au bout du compte, l'élément fondamental des politiques et programmes de notre secteur est le contenu—le fait que le contenu canadien doit être accessible aux Canadiens. Notre devise, à la Direction générale des industries culturelles, c'est que le contenu doit passer avant tout.
Nos politiques d'édition ont été remarquablement fructueuses au Canada. Nos auteurs sont bien représentés sur le marché intérieur, environ la moitié des livres vendus au Canada étant rédigés par des auteurs canadiens. C'est une proportion remarquable, si l'on considère que les plus grands auteurs du monde sont aussi disponibles sur le marché canadien.
Les auteurs canadiens ont beaucoup de succès et une réputation extraordinaire sur la scène internationale. Le nombre de Canadiens qui lisent des livres canadiens est en hausse, ce qui est une autre réussite remarquable. Au cours des 20 dernières années, le nombre des lecteurs réguliers de livres a doublé, et 40 p. 100 d'entre eux se considèrent comme des lecteurs réguliers de livres canadiens. Quatre-vingt pour cent des ouvrages d'auteurs canadiens sont publiés par des éditeurs canadiens sous contrôle canadien. C'est pourquoi l'objectif principal de notre politique est d'encourager l'industrie canadienne, qui appartient à des Canadiens et qui est sous contrôle canadien.
Malgré ces réalisations, l'industrie canadienne de l'édition du livre doit relever des défis en raison de la taille et de la condition de notre marché de même que des changements dans les marchés national et international. Cette industrie connaîtra de profonds changements en raison des nouvelles technologies. L'industrie nationale est représentée en majorité par de petites entreprises sous-capitalisées qui connaissent les difficultés qui seraient propres à la plupart des PME si elles devaient concurrencer de grandes sociétés dans leur créneau de marché.
• 1110
À la page 2, nous présentons la plus simple description possible de
l'industrie de l'édition du livre.
Les auteurs atteignent leurs marchés par l'intermédiaire d'éditeurs étrangers ou canadiens. Il faut signaler que les éditeurs étrangers qui s'intéressent au marché canadien investissent dans la publication et la mise en marché d'auteurs canadiens. Vingt pour cent des titres canadiens sont publiés grâce à des éditeurs étrangers qui oeuvrent sur le marché canadien.
Les livres sont alors distribués sur le marché grâce à des distributeurs ou à des grossistes. Les distributeurs, comme nous l'expliquerons plus tard, s'occupent généralement de la mise en marché de livres et d'auteurs, tandis que les grossistes fournissent simplement un service de distribution. L'acheteur achète ses livres soit par voie électronique, une part croissante du marché, soit par des clubs de lecteurs, des librairies indépendantes ou des chaînes de librairies.
Un profil de l'industrie au Canada révèle que, tout d'abord, pour ce qui des éditeurs de livres, ils choisissent et révisent les oeuvres, conviennent d'une entente avec les auteurs ou les détenteurs du droit d'auteur pour la production des ouvrages sous forme de livres imprimés ou autre et vendent les ouvrages. Ils prennent les risques découlant de leurs coûts de production.
Nous présentons quelques statistiques de base sur l'industrie pour 1996-1997, l'année la plus récente pour laquelle Statistique Canada avait des statistiques. L'industrie comptait 321 maisons d'édition, soit canadiennes soit étrangères, exploitées au Canada. Ces maisons d'édition ont publié 10 497 nouveaux ouvrages, dont 9 090 ont été produits par des sociétés sous contrôle canadien. Elles ont perçu environ 1,9 milliard de dollars de recettes et ont eu environ 1,8 milliard de dépenses. Leur marge bénéficiaire avant impôts a donc été de 77 millions de dollar, dont 40 millions pour le secteur canadien. Elles fournissent quelque 7 100 emplois à plein temps.
L'édition de livres se divise en différents genres de marché. Il y a d'abord la littérature générale, soit les titres destinés au grand public, y compris le marché de masse du livre de poche et la littérature en couverture souple et rigide; le marché pour enfants; le marché du manuel scolaire; enfin d'autres marchés, comme les ouvrages académiques, de référence, professionnels et techniques.
Pour ce qui est de la propriété, les éditeurs canadiens et étrangers sont présents sur le marché canadien. Le marché canadien est ouvert aux importations de livres des marchés étrangers. Le Canada est le plus grand marché d'exportation pour les livres américains et le troisième en importance pour les livres provenant de France. La plupart des multinationales de l'édition ont des filiales au Canada. Nous en nommons quelques-unes dans notre mémoire.
Les nouveaux investissements dans l'industrie canadienne de l'édition sont sujets aux principes directeurs en matière d'investissements étrangers. Ces principes visent essentiellement à protéger l'industrie nationale, de propriété canadienne et sous contrôle canadien, et assurent sa viabilité, étant donné qu'elle produit 80 p. 100 du contenu canadien.
La présence au Canada d'éditeurs étrangers et la disponibilité de livres importés ont une influence importante sur les prix et les termes de l'échange, tant pour l'édition que pour la vente de livres au Canada. Par exemple, comme nous le soulignerons plus loin, le prix au Canada d'un livre publié à l'étranger détermine le prix des livres publiés au Canada, de la même manière que le prix des revues étrangères dans l'industrie canadienne constitue ni plus ni moins un plafond pour les revues canadiennes.
Pour ce qui est des termes de l'échange, ceux des grands éditeurs étrangers déterminent les conditions d'exploitation des éditeurs et distributeurs canadiens. Quant à la vente de titres canadiens, environ 46 p. 100 des livres vendus au Canada étaient d'un auteur canadien, et les livres écrits par des canadiens représentaient 72 p. 100 des exportations.
• 1115
Les ventes des maisons d'édition et des agences exclusives totalisent
environ 1,5 milliard de dollars, réparties en plusieurs
catégories—canadien, étranger, anglais et français.
Le chiffre total des exportations s'élève à environ 403 millions de dollars. Encore une fois, ce chiffre se répartit entre sociétés canadiennes et étrangères, et entre livres anglais et livres français.
Sur le plan linguistique, il est évident qu'il existe un marché anglais et un marché français au Canada. Toutes les industries culturelles du Canada subissent les inconvénients d'un marché relativement petit et fragmenté—d'abord fragmenté en catégories anglaise et française. On compte 205 maisons d'édition de langue anglaise et 116 maisons d'édition de langue française. Pour vous donner une idée générale de leur taille relative, disons que le marché anglais est environ quatre fois plus grand que le marché français au Canada. Nous avons donc deux infrastructures parallèles pour l'édition, la distribution et la vente de livres au Canada, l'une de langue anglaise et l'autre de langue française.
En ce qui concerne la distribution, bien que certains éditeurs distribuent leurs propres livres, plusieurs dépendent des services d'un distributeur qu'ils autorisent, par le biais d'une licence exclusive, à fournir des services liés à l'exécution de commandes, notamment l'acceptation des commandes, l'envoi de celles-ci aux détaillants et la collecte des paiements au nom de l'éditeur. Les revenus provenant de la distribution de livres représentent 38 p. 100 des recettes totales des éditeurs de langue anglaise et 41 p. 100 des recettes totales des éditeurs de langue française.
Au Québec, les distributeurs s'occupent également de la commercialisation et envoient des représentants rencontrer directement les acheteurs dans les librairies et les institutions publiques.
La Loi sur le droit d'auteur fournit des recours, à la suite des dispositions qui ont été promulguées en octobre dernier, afin de protéger les distributeurs contre les détaillants qui cherchent à contourner leurs droits exclusifs de distribution au Canada.
En ce qui concerne la vente en gros, les grossistes achètent les livres des ayants droit et les vendent aux détaillants et aux institutions. La remise des éditeurs aux grossistes représente généralement 50 p. 100 du prix de détail suggéré. Les livres sont revendus aux détaillants pour 40 à 48 p. 100 du prix de détail suggéré.
Les grossistes sont attrayants pour les détaillants et les acheteurs institutionnels en raison du volume et de la spécialisation qu'ils ont ainsi que du service qu'ils offrent. Le secteur canadien de la vente en gros est relativement faible au Canada et ne représente qu'une modeste part du marché canadien. Les 12 membres de la Canadian Wholesalers Association génèrent environ 100 millions de dollars en ventes annuelles. Aux États-Unis, les grossistes représentent une part plus importante du marché.
En ce qui a trait à la vente de livres, les livres sont vendus dans les librairies indépendantes, les chaînes de librairies, les librairies sur les campus, par le biais des clubs de livres ainsi que dans les magasins vendant plusieurs autres produits en plus des livres, tels que Wal-Mart et Costco. De plus, un petit nombre d'éditeurs vendent leurs livres directement au public.
Durant l'année en cours, 1999, les principales chaînes de librairies au Canada sont Chapters avec 311 magasins, Renaud-Bray avec 25 magasins et Indigo avec 14 magasins. Cette année, il y a environ 4 298 librairies indépendantes au Canada dont 450 se retrouvent au Québec et 3 848 à l'extérieur du Québec.
En outre, de plus en plus de livres sont vendus aux consommateurs par le biais d'Internet. Après seulement une année d'opération, Chapters signale qu'environ 3 p. 100 de ses ventes totales, soit environ 17 millions de dollars, se font par l'Internet.
Parmi les défis fondamentaux que doit relever le secteur de l'édition du livre au Canada, il y a le fait que nos éditeurs doivent supporter les coûts canadiens pour ce qui est de la production de livres, mais qu'ils sont limités par les prix étrangers.
Le marché canadien fonctionne à l'intérieur du marché nord-américain et l'industrie de l'édition américaine est la plus importante au monde. Le nombre moyen de copies imprimées au Canada représente le dixième du nombre de copies imprimées aux États-Unis. Il n'y a donc pas au Canada les mêmes économies d'échelle qu'aux États-Unis.
Les éditeurs canadiens doivent fixer un prix de façon à faire concurrence aux prix de détail des livres importés et du fait que le coût de production d'un livre canadien équivaut à environ 35 p. 100 du prix de détail fixé par les firmes étrangères, après que l'on ait tenu compte des autres coûts, la plupart des livres canadiens sont produits à perte. Le graphique montre que pour un livre relié au prix moyen de 30 $, lorsqu'on tient compte de tous les coûts, il y a une perte de 3,90 $ que les intéressés doivent éponger à partir de leurs propres revenus.
Il est à noter que le prix des livres au Canada est parmi les plus bas au monde. À la page 12, vous trouverez une comparaison des prix des livres dans certains pays. Bien qu'il s'agisse évidemment d'un avantage pour le consommateur, ces bas prix représentent un défi pour les éditeurs de livres parce qu'il y a des contraintes au niveau des revenus qu'ils peuvent générer.
Un autre défi que doivent relever les éditeurs canadiens est l'accès au financement. Comme ils représentent de petites firmes, ils sont assujettis à l'écart en matière de financement qu'on impose aux petites entreprises de toutes sortes. Les banques sont plus ou moins familiarisées avec les caractéristiques et pratiques de l'industrie de l'édition. Par exemple, elles lui imposent les mêmes exigences qu'aux autres entreprises face à leurs comptes fournisseurs, soit un délai de 90 jours, tandis que dans l'industrie de l'édition, il est tout à fait normal que ces comptes restent dans les livres jusqu'à 120 jours.
Les établissements de prêts et les banques sous-estiment aussi les comptes débiteurs et la valeur des droits d'auteur. La valeur que les banques accordent aux droits d'auteur dans les industries culturelles est assez faible. Il y a un problème dans toutes les industries où les comptes débiteurs reposent surtout sur des droits d'auteur. Dans le cas d'une faillite, il est très difficile pour les banques de recouvrer leurs prêts s'ils sont fondés sur des droits d'auteur.
[Traduction]
Les droits d'auteur sont des biens très incertains et il est très difficile pour les banques de les liquider ou de savoir ce qu'elles doivent en faire lorsqu'une entreprise ne les rembourse pas. On a tendance à donner une valeur très faible aux droits d'auteur et vous comprenez sûrement que dans le secteur culturel, une bonne partie des biens sont des droits d'auteur—une propriété intellectuelle.
[Français]
Les éditeurs de livres ont aussi des difficultés au niveau de l'accès à l'investissement en équité. Les marges de profit dans cette industrie ne sont pas très attrayantes pour les investisseurs en équité, qui cherchent des bénéfices assez élevés. Les investisseurs ne sont pas intéressés non plus à faire de petits investissements en raison du coût d'administration des prêts. De plus, les investisseurs ne comprennent pas très bien la valeur de ces firmes parce qu'elles reposent sur des droits d'auteur.
[Traduction]
Ainsi, les maisons canadiennes d'édition éprouvent de la difficulté à obtenir du capital, qu'il s'agisse du financement de leurs dettes ou d'investissements. Il leur est très difficile de prendre de l'expansion et de concurrencer de très grosses entreprises sur les marchés.
[Français]
Je passe maintenant à la page 15 de notre mémoire, où nous traitons des subventions accordées par le gouvernement et du financement direct. Il y a d'abord le Programme d'aide au développement de l'industrie de l'édition que gère le ministère du Patrimoine canadien et qui offre un financement direct aux éditeurs canadiens de l'ordre de 31,3 millions de dollars cette année. Le Conseil des arts du Canada gère également un programme visant à appuyer les éditeurs de livres plus culturels et il procède par jury. Il a été doté cette année d'un budget de 7 millions de dollars.
• 1125
Nous avons formé un partenariat avec la Banque Royale du Canada en
vue de la mise sur pied d'un nouveau programme de financement à
l'intention des éditeurs de livres canadiens, dont nous sommes assez
fiers. L'entente que nous avons conclue permet à la banque
d'accroître la marge de crédit dont bénéficient les éditeurs de livres
et de pallier les problèmes relatifs au financement par les banques
que je viens de vous expliquer.
[Traduction]
Dans le cadre du partenariat, le ministère offre à la Banque Royale une certaine protection contre le risque associé à un prêt. La Banque Royale utilise alors ses propres capitaux pour accorder des marges de crédit aux éditeurs de livres. Il s'agit d'une méthode de financement assez innovatrice qui permet d'accumuler 2 millions de dollars de financement fédéral dans une réserve pour risques offerte à la Banque Royale. Ces 2 millions de dollars conduisent à de nouveaux prêts de 20 millions de dollars sous forme de marges de crédit aux éditeurs de livres.
Le ministère se penche également sur des questions de compétitivité. Nous effectuons à l'heure actuelle une étude sur la compétitivité dans le secteur canadien de l'édition du livre et nous essaierons d'utiliser cette étude pour établir des stratégies tendant à surmonter le problème du manque d'accès aux capitaux des entreprises canadiennes.
Je le répète, la politique sur l'investissement étranger aux termes de la Loi sur Investissement Canada limite les investissements étrangers dans le secteur de l'édition du livre. Les acquisitions indirectes sont sujettes à examen. Ainsi, lorsqu'une entreprise étrangère fait l'acquisition d'une autre entreprise étrangère déjà établie sur le marché canadien, on examine cette acquisition pour déterminer les avantages nets, aux termes de la Loi sur Investissement Canada, et les nouveaux investissements étrangers sur le marché du livre sont limités à des coentreprises sous contrôle canadien.
Là encore, aux termes de la Loi sur le droit d'auteur, il y a des protections relativement à l'importation parallèle de livres, c'est-à-dire l'achat sans passer par le détenteur de la licence canadienne pour le livre.
Les nouvelles technologies représentent à la fois une opportunité et un défi pour les éditeurs canadiens de livres, tout comme pour toutes les entreprises canadiennes. La vente au détail sur Internet devient une source importante de revenus et un excellent moyen de rejoindre le marché. Le marché est plutôt petit au Canada comme on le précise dans les observations sous la rubrique «Vente au détail sur Internet». Selon certaines estimations, le marché passera de 5,5 milliards de dollars cette année—dans toute l'économie—à une somme incroyable de 3 billions de dollars. Au Canada, les livres constituent le deuxième produit le plus vendu sur Internet après les logiciels informatiques. Les ventes de livres au détail sur Internet représentent une assez petite part de marché aux États-Unis, en Allemagne, en France et au Canada pour l'instant, mais elles augmentent rapidement.
Il est intéressant de noter que la valeur de Amazon.com est plus grande que la valeur de toute l'industrie américaine de l'édition. Au Canada, environ 3 p. 100 des ventes au détail de Chapters proviennent du commerce électronique et d'autres détaillants deviennent actifs sur ce marché. Il est également intéressant de noter que 63 p. 100 des dollars électroniques dépensés sur Internet sont utilisés sur des sites américains.
La nouvelle technologie va également modifier la façon dont les livres sont produits et dont ils sont achetés par les consommateurs. La numérisation a permis de nouveaux développements dans le domaine de l'édition. Il est possible que des livres vendus au coût moyen de 30 $ dont j'ai parlé plus tôt puissent coûter 5 $ ou moins s'ils étaient téléchargés. Le livre électronique s'en vient. On peut lire que les livres électroniques pourraient être offerts aux consommateurs dans un avenir très rapproché. Il s'agirait de livres qui peuvent être téléchargés quelle que soit l'épaisseur du livre. Jusqu'à maintenant, les Canadiens ne semblent pas être très intéressés à lire des livres sur un écran d'ordinateur, mais lorsque nous aurons des livres électroniques qu'ils pourront tenir dans la main, il se peut que ce marché grandisse en même temps que l'acceptation des consommateurs.
• 1130
Un autre des défis de l'industrie canadienne est la consolidation
dans le secteur de l'édition au Canada et dans le monde entier.
[Français]
À la page 18, vous verrez qu'à cause de fusions et d'acquisitions dans le secteur de l'édition, il ne reste qu'un petit nombre de très grandes maisons multinationales qui opèrent dans cette industrie. Vous verrez que Time Warner, Bertelsmann, Pearson et News Corporation, les plus grosses entreprises d'édition de livres au monde, ont chacune un chiffre d'affaires plus élevé que l'ensemble de l'industrie canadienne de l'édition du livre. C'est assez frappant.
[Traduction]
En ce qui concerne la consolidation dans le secteur de l'édition, les effets de la tendance à la consolidation se font sentir au Canada. Nous soulignons deux des très grandes acquisitions ou consolidations qui ont eu lieu au cours des derniers mois: Random House et Prentice-Hall. Ainsi, une nouvelle entreprise contrôle 20 p. 100 du marché canadien et une autre contrôle 33 p. 100 du marché canadien des manuels d'éducation.
Les maisons d'édition canadiennes n'ont pas entrepris de consolidation sur une vaste échelle. En fait, nos programmes de financement découragent parfois la consolidation des entreprises et c'est probablement une question sur laquelle nous devrons nous pencher. On assiste à une certaine consolidation fonctionnelle. Certains arrangements entre les éditeurs et les distributeurs au Canada permettent d'améliorer l'efficacité du système, mais il n'y a pas de consolidation des entreprises du côté canadien. L'impact sur les éditeurs canadiens, c'est qu'ils sont de moins en moins concurrentiels vis-à-vis les énormes éditeurs étrangers implantés sur leurs marchés. Les grandes entreprises réalisent de très grandes économies d'échelle et établissent les conditions de vente pour les entreprises canadiennes sur le marché canadien.
Un autre important effet pour les éditeurs canadiens, c'est que les très gros éditeurs établis au Canada et ailleurs dans le monde sont en mesure de s'assurer les services des auteurs canadiens à succès. Je le répète, les éditeurs étrangers mènent leurs activités sur le marché canadien, ils investissent dans les auteurs canadiens et ils investissent pour faire connaître les auteurs canadiens au monde. Le problème, c'est qu'il est difficile pour les éditeurs canadiens d'être concurrentiels afin de retenir les auteurs canadiens à succès et de toucher ainsi les profits réalisés grâce aux auteurs à succès. Ils sont donc placés dans une position défavorable sur le plan concurrentiel. Cependant, il faut noter que, comme dans le cas de l'industrie de l'enregistrement et contrairement à ce qui se fait dans l'industrie du film, les entreprises étrangères investissent dans le talent canadien.
Pour ce qui est de la consolidation dans le secteur de la vente au détail, l'avènement aux États-Unis des chaînes de librairies et des librairies grande surface, telles que Borders et Barnes & Noble, a également atteint le marché canadien. En 1995, SmithBooks et Coles ont fusionné pour former la chaîne Chapters qui contrôle maintenant jusqu'à 40 p. 100 du marché de la vente au détail de livres de langue anglaise. Cette année, Renaud-Bray a fait l'acquisition des librairies Garneau et Champigny. La nouvelle chaîne compte ainsi 25 librairies au Québec. En 1998, ses revenus ont été de 57 millions de dollars et elle contrôle entre 20 et 25 p. 100 du marché de la vente au détail de livres au Québec.
La croissance des grandes chaînes de magasins va continuer à influencer l'édition et la vente de livres au Canada. Les fermetures récentes, comme celle de Duthie's Books, à Vancouver, ont mis en lumière les difficultés des librairies indépendantes à concurrencer les grandes chaînes. Les volumes élevés d'achats affectent les conditions de vente de même que les décisions des éditeurs quant au choix des titres à publier. Si un acheteur représente 40 p. 100, 50 p. 100 ou 60 p. 100 de vos revenus et il n'est pas intéressé par un livre, vous risquez de choisir de ne pas le publier.
• 1135
En ce qui concerne la consolidation dans le secteur de la vente au
détail, les opinions sont partagées quant à l'impact qu'ont les
grandes chaînes de librairies sur l'industrie canadienne de l'édition.
Certains prétendent que les librairies grande surface ont contribué à
faire augmenter la vente de livres, alors que chaque semaine, 2,3
millions de personnes visitent une des librairies de la chaîne
Chapters.
La création de Pegasus, visant à centraliser les approvisionnements des magasins Chapters, a fait augmenter les préoccupations quant à la capacité de la chaîne d'influencer le marché. Chapters/Pegasus ont demandé à ce que les maisons d'édition leur accordent des remises plus importantes, ce qui pourrait conduire à l'augmentation du prix des livres au Canada. Et les choix d'achat des chaînes de librairies influencent le type ainsi que le nombre de livres qui sont publiés.
Je voudrais vous signaler que le gouvernement du Québec a créé un comité spécial qui étudiera les défis auxquels sont confrontées les librairies indépendantes. Le rapport de ce comité est attendu en juin.
[Français]
Comme vous le savez peut-être, au niveau fédéral, le Bureau de la concurrence vient de rendre publique son étude sur la question de Chapters et Pegasus, et il continuera d'évaluer l'évolution de ce dossier.
En terminant, il faut dire qu'en dépit des défis, l'industrie de l'édition de livres canadienne connaît beaucoup de succès, que les auteurs canadiens ont beaucoup de succès et que l'industrie est dynamique et viable, mais que cette dernière doit faire face à de très grands défis.
[Traduction]
Le ministère travaille depuis deux à trois ans sur un plan en trois points qui a été élaboré en consultation avec les éditeurs de livres.
Le premier point, c'est qu'on devrait stabiliser le financement offert aux éditeurs de livres par le gouvernement fédéral et on a répondu à cela avec une augmentation de 15 millions de dollars par année des crédits destinés au Programme d'aide au développement de l'industrie de l'édition, qui a été annoncée il y a deux ans.
Le deuxième point consistait à offrir des prêts bancaires ou un financement de la dette aux éditeurs de livres et on a réalisé cela lorsque le ministère a annoncé l'année dernière qu'il avait conclu avec la Banque Royale un partenariat pour offrir des marges de crédit aux éditeurs de livres.
Le troisième point que nous continuons d'étudier et que nous essayons de régler est l'accès aux investissements. Du fait que ces entreprises sont petites, qu'elles sont typiquement exploitées en propre et ont tendance à être sous-capitalisées, elles sont incapables de profiter de la consolidation et d'investir dans la croissance. Nous cherchons des moyens d'encourager de plus grands investissements dans le secteur de l'édition de livres.
Étant donné que le plan en trois points a environ deux ans, on devrait ajouter au moins un quatrième point touchant les nouvelles technologies. Lorsque les entreprises canadiennes sont sous-capitalisées, elles ont tendance à ne pas avoir la capacité financière pour s'adapter aux nouvelles technologies de manière à être aussi présentes qu'elles le devraient sur le marché du commerce électronique. C'est peut-être un quatrième point qu'il faut ajouter à notre plan en trois points et c'est fondamentalement la stratégie suivie par le ministère pour relever les défis auxquels le secteur de l'édition du livre fait face depuis environ deux ans.
[Français]
Je me permets de m'arrêter là. Nous serons heureux de répondre à vos questions, moi et mes collègues qui en savent beaucoup plus que moi.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Stephenson.
[Français]
Conformément à notre entente, nous allons commencer par M. de Savoye. Ensuite nous irons du côté libéral; j'ai une demande de M. Wilfert. Ensuite je donnerai la parole à Mme Lill et à M. Muise, puis nous reviendrons de ce côté.
Monsieur de Savoye.
M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Je vous remercie de votre excellente présentation. Aux gens qui ont préparé cela durant la fin de semaine, chapeau. Vous devriez travailler régulièrement durant la fin de semaine, car vous travaillez très bien. C'est une présentation extrêmement complète et extrêmement instructive, mais j'ai quand même un certain nombre de questions, justement parce que cela excite un peu notre curiosité.
J'ai plusieurs questions, je vais les poser l'une à la suite de l'autre et vous pourrez ensuite y répondre.
• 1140
Tout d'abord, sur le plan de l'édition, il y a deux juridictions. Il
y a les juridictions d'ordre provincial et la juridiction d'ordre
fédéral. Sur le plan provincial, on est responsable de la
commercialisation, tandis que du côté fédéral, on parle plutôt du
contrôle des investissements étrangers et la concurrence. Peut-être
pourriez-vous expliciter ces distinctions pour la gouverne du comité.
Vous pourriez aussi mettre en relief les façons de faire que le Québec
a mises en place avec la Loi 51, qui font en sorte qu'au Québec, sur
le plan de la commercialisation, l'industrie a un certain nombre de
balises.
J'ai apprécié vos tableaux dans lesquels on compare le marché francophone et le marché anglophone. Cependant, aux pages 3 et 4, vous n'avez pas fait cette fragmentation. J'aimerais avoir cette fragmentation si elle est disponible. Vous pourriez peut-être la confier à la greffière, qui pourrait la distribuer à tous les membres du comité.
J'arrive à des choses un peu plus délicates. Vous mentionnez à la page 5 que l'industrie de l'édition canadienne est assujettie à des balises en matière d'investissements étrangers. J'aimerais savoir quels mécanismes vous avez en place et exercez pour vous assurer que les conditions sont effectivement respectées.
Voici une autre question. À la page 17, vous mentionnez que les éditeurs canadiens n'ont pas les ressources financières nécessaires pour s'adapter aux nouvelles technologies d'édition. C'est une situation qui peut être extrêmement grave. Quelles sont les options qui sont devant nous? On peut imaginer les conséquences qu'il y aurait si on ne bougeait pas: on se ferait balayer en dehors de la carte. Mais en même temps, quelles sont les possibilités pour de nouveaux éditeurs d'émerger à travers cette technologie, en utilisant des moyens plus rudimentaires, pour permettre à de nouveaux auteurs qui n'ont jamais été publiés d'être publiés à très bas coût? Bref, il y a peut-être une nouvelle approche qui est en train d'émerger, et il ne faut pas regarder seulement ce qui se passait traditionnellement et dire qu'ils ont de la difficulté à s'adapter. Il faut aussi regarder ce qui ne se passait jamais auparavant, qui est maintenant devenu possible et qui pourrait prendre beaucoup d'ampleur au cours des cinq ou dix prochaines années, ou peut-être même plus tôt. Essayez, si c'est possible, de nous brosser un tableau de ces questions.
Le président: Peut-être faudrait-il leur laisser une chance de répondre.
M. Pierre de Savoye: Une dernière question et je termine. En ce qui a trait aux tendances de l'industrie, vous nous expliquez que les choses ne vont pas très bien, mais quel est le fond de votre message? Quelle est votre recommandation?
M. Don Stephenson: Je vais essayer de répondre à vos questions une par une. Certains de mes collègues vont devoir m'aider.
Par rapport à l'organisation des programmes au niveau fédéral et au niveau provincial, d'abord, la culture est de compétence partagée et les programmes ont évolué de façon un peu parallèle et de façon complémentaire dans la plupart des cas. Le gouvernement fédéral n'intervient pas uniquement dans la réglementation de l'investissement étranger. Il a aussi des programmes d'aide à la création, à la littérature, à la production et à la distribution de livres, comme le gouvernement du Québec. Il n'y a pas de divisions des tâches entre le fédéral et les provinces dans l'industrie.
Pour ce qui est de la Loi 51, un de mes collègues pourrait brosser un tableau sommaire de la loi et de l'initiative québécoises. Nous ne sommes pas en mesure d'expliquer en détail la politique provinciale. Il faudrait demander à nos collègues provinciaux de le faire. Peut-être pourrions-nous revenir là-dessus.
• 1145
Pour ce qui est des tableaux des pages 3 et 4, je pense que nous
serions capables de vous sortir les chiffres pour le marché
francophone ou le marché du Québec. Nous pourrions les faire parvenir
au comité après cette réunion si vous étiez d'accord.
Pour ce qui est de la question de l'application de la Loi sur Investissement Canada et du monitoring que nous faisons des activités des firmes étrangères au Canada, le ministère a assumé, au mois de juin dernier, la responsabilité de l'administration de la Loi sur Investissement Canada. Elle était auparavant administrée par le ministère de l'Industrie. Il y a un processus annuel de révision des activités de chaque firme qui a effectué des investissements au Canada et qui a pris certains engagements par rapport à cet investissement. Nous allons faire un examen au moins annuel des activités de toutes ces firmes.
M. Pierre de Savoye: Monsieur Stephenson, je m'excuse.
M. Don Stephenson: Oui.
M. Pierre de Savoye: «Nous allons»: vous le dites au futur.
M. Don Stephenson: Oui.
M. Pierre de Savoye: Vous ne l'avez pas fait par le passé?
M. Don Stephenson: Nous avons assumé cette responsabilité il y a moins d'un an.
M. Pierre de Savoye: C'est l'Industrie qui avait cette responsabilité.
M. Don Stephenson: Industrie Canada le faisait chaque année par le passé. C'était sa pratique, d'après ce que je comprends.
M. Pierre de Savoye: D'après ce que vous comprenez.
M. Don Stephenson: Oui.
M. Pierre de Savoye: Merci.
M. Don Stephenson: Pour ce qui est des défis de l'industrie et de la façon dont on doit y répondre, d'abord, du côté de l'investissement en équité, il y aurait peut-être des façons de favoriser l'investissement privé dans ce secteur. Par le passé, dans certains secteurs de l'économie, il y a eu des crédits d'impôt pour encourager l'investissement privé. L'industrie de l'édition canadienne nous propose la création d'un crédit d'impôt de ce type. Nous n'avons pas encore vraiment élaboré toutes les options. Nous avons reçu très récemment une première ébauche de l'étude sur la compétitivité de l'industrie, et c'est à partir de cette étude que nous avions l'intention d'élaborer quelques options à soumettre à la ministre.
Pour ce qui est de l'établissement de nouvelles maisons d'édition, je suis tout à fait d'accord avec vous qu'il faudrait, dans le cadre de nos programmes, permettre et même encourager, dans la mesure du possible, l'établissement de nouveaux joueurs. Étant donné les occasions qu'offre le commerce électronique, la structure de l'industrie va beaucoup changer. Il faudrait que nos programmes, qui sont pour la plupart structurés en fonction de l'ancienne industrie, ne soient pas un obstacle à ces nouvelles firmes.
Si vous me le permettez, je vais demander à mes collègues d'ajouter quelques éléments.
Le président: Très brièvement, s'il vous plaît, parce qu'il faut donner à d'autres la possibilité de poser des questions.
M. Allan Clarke (directeur, Politique de l'édition et des programmes, ministère du Patrimoine canadien): Si j'ai bien compris la question, vous voulez avoir quelques renseignements sur la Loi 51.
M. Pierre de Savoye: Si M. le président le permet. Peut-être pourriez-vous revenir sur ce sujet ultérieurement.
M. Allan Clarke: Je peux vous laisser quelques renseignements sur la loi au lieu de vous expliquer comment les choses fonctionnent.
Le président: D'accord. Voulez-vous donner cela à la greffière? Merci.
[Traduction]
Monsieur Wilfert.
M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de votre aperçu de l'industrie.
Il y a trois domaines que je voudrais aborder brièvement. Le premier est évidemment la question de l'identité culturelle, de la prise de décisions et du contrôle de l'industrie, qu'il s'agisse de commercialisation, de distribution ou d'édition. Vous avez précisé deux ou trois choses qui m'inquiètent certes.
• 1150
Les livres éducatifs sont contrôlés à 33 p. 100 par Pearson au
Royaume-Uni. En ce qui concerne le marché éducatif, lorsqu'on veut
s'assurer que le message, surtout celui s'adressant aux jeunes, est
transmis par les Canadiens et pour les Canadiens... Récemment, le
ministère de l'Éducation de l'Ontario a laissé entendre qu'il allait
faire produire des livres éducatifs comme des livres d'histoire par
des entreprises étrangères, c'est-à-dire américaines, aux fins de
distribution dans les écoles de la province. Cela m'inquiéterait. Je
serais curieux de savoir s'il y a d'autres types de consolidation dans
le marché éducatif à part les 33 p. 100 du marché détenus par Pearson
et dont vous avez parlé.
Pour ce qui est de la concurrence, il est évident que la question de Chapters et de la part du marché que cette entreprise détient est préoccupante. J'ai très peu confiance dans le Bureau de la concurrence. Après avoir siégé neuf mois à un comité qui se penchait sur l'industrie gazière, je n'ai pas beaucoup d'estime pour le Bureau de la concurrence. Je remarque cependant une tendance dans l'industrie du livre semblable à ce que j'ai vu dans le secteur de l'épicerie et le secteur pétrolier pour ce qui est de l'indépendance. Il s'agit d'une tendance que nous devons, en tant que gouvernement, ne pas nous contenter de surveiller, comme le Bureau de la concurrence le fait depuis environ six mois. C'est une préoccupation importante. Lorsqu'on voit le marché des entreprises indépendantes passer de 50 p. 100 à 30 p. 100, je pense que cela devrait nous inquiéter tous, surtout en ce qui concerne le contrôle du marché sur le plan de la distribution, les rapports avec les éditeurs, etc.
C'est un fait que des entreprises comme Britnell, de Toronto, une entreprise indépendante de longue date, dont j'ai utilisé les services pendant des années—et je connaissais très bien les propriétaires—a fait faillite en partie ou dans une large mesure à cause de ce type de pressions. Vous avez parlé de Duthie's Books, à Vancouver. Je pense que c'est un sujet de préoccupation. Je serais intéressé par une réaction de la part du Bureau de la concurrence relevant d'Industrie Canada et je voudrais savoir le rôle que le ministère du Patrimoine canadien joue.
Le domaine qui semble rester relativement dans l'ombre et que vous avez abordé et qui, selon moi, est un grand sujet de préoccupation à long terme chose certaine pour les Canadiens, réside dans les nouvelles technologies et le fait que l'industrie canadienne de l'édition n'a pas les ressources ou les ressources financières. J'ignore quel rôle nous pouvons jouer en tant que gouvernement, mais je pense que nous devons nous préoccuper vivement de l'accès et de l'information en ce qui concerne cette industrie, qu'il s'agisse du commerce électronique au détail ou de la technologie numérique, et de la façon dont les Canadiens à l'avenir vont obtenir les ressources sur le plan du savoir. Quel rôle pouvons-nous jouer?
Vous avez mentionné le secteur financier ou le secteur bancaire. Je me suis beaucoup intéressé à ce domaine. Pourriez-vous préciser davantage s'il existe des propositions tentant à examiner certaines options pour aider l'industrie. Cela pourrait conduire, de façon détournée, à une consolidation étrangère, un contrôle étranger. On voit Microsoft conclure des alliances. Je me considère comme un nationaliste culturel et il est évident que ce type de choses m'inquiète beaucoup. Je pense que ce sont des questions que je voudrais que le ministère examine.
Le président: Monsieur Stephenson.
M. Don Stephenson: En ce qui concerne l'édition de livres éducatifs, tout d'abord, je voudrais préciser que Pearson, qui contrôle 33 p. 100 de ce marché, a pris des engagements publics en ce qui concerne ses investissements au Canada. En particulier, l'entreprise s'est engagée à avoir un montant minimum de contenu canadien dans chacune des catégories de livres qu'elle publie.
Ensuite, il est peut-être au moins réconfortant de savoir que le contenu des livres éducatifs a tendance à être établi non pas par les éditeurs mais par les autorités enseignantes. Elles établissent les normes pour les programmes d'études et c'est en fonction de ces normes que les éditeurs essaient ensuite de produire les documents les meilleurs et les plus rentables pour les enseignants. Ainsi, dans une large mesure, le contenu est dicté par les autorités enseignantes.
En ce qui concerne l'aspect concurrence des questions, le ministère du Patrimoine canadien n'a, bien entendu, aucun rôle à jouer dans l'examen effectué par le Bureau de la concurrence.
• 1155
En ce qui a trait aux mesures qui doivent être prises par le
ministère du Patrimoine canadien ou par le gouvernement de façon plus
générale, je pense que nous devons tout d'abord établir plus
clairement les répercussions d'une concentration de la propriété dans
les domaines de la vente au détail, de la distribution, de la vente en
gros ou de l'édition. En fin de compte, notre objectif est d'assurer
un contenu canadien, de veiller à ce que les livres d'auteurs
canadiens parviennent aux Canadiens. Selon moi, avant d'intervenir,
nous devrons être certains des répercussions de ces changements au
niveau de la propriété sur le contenu des livres mis à la disposition
des Canadiens. Le...
M. Bryon Wilfert: Puis-je demander ce qui faciliterait cela?
M. Don Stephenson: Je pense qu'il faut étudier la question davantage. Je crois que nous devons effectuer des études sur la production de toutes les branches d'activité de l'industrie avant et après la consolidation pour voir si oui ou non cela a des répercussions réelles sur la production quant au contenu canadien et à l'accès à ce contenu par les Canadiens.
M. Bryon Wilfert: Ces études sont-elles en cours ou vont-elles être envisagées?
M. Don Stephenson: Oui, elles sont envisagées.
Le président: [Note de la rédaction: Inaudible]
M. Don Stephenson: Non, mais ce sont des questions dont nous parlons dans nos discussions sur la politique et ce sont des études qui...
M. Bryon Wilfert: Ce sont les mesures concrètes qui m'intéressent.
M. Don Stephenson: Bien sûr. Je n'ai rien à signaler au comité aujourd'hui à cet égard, mais ce sont des questions qui nous préoccupent et que nous allons examiner.
M. Bryon Wilfert: Pouvez-vous nous apporter des précisions à ce sujet en temps opportun? Nous allons reprendre nos travaux en février. J'espère qu'à ce moment-là, vous aurez au moins examiné la question, vous en aurez parlé et vous l'aurez étudiée au point de pouvoir nous présenter quelque chose de plus définitif.
M. Don Stephenson: Je pourrais vous faire part de notre plan de travail une fois que nous aurons un plan de travail définitif sur la question.
Le président: Madame Lill.
Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Merci de témoigner. C'est une énorme quantité de documents à essayer d'absorber en peu de temps et je ne l'ai certes pas fait. Cependant, si je ne m'abuse, la raison immédiate pour laquelle nous vous parlons ainsi qu'à d'autres aujourd'hui réside dans toutes les craintes entourant Chapters et Pegasus et les répercussions que cela a sur les éditeurs et libraires indépendants. Ainsi, je voudrais poser deux ou trois questions là-dessus.
Fondamentalement, vous êtes en mode recherche. Vous étudiez les répercussions de la consolidation sur la vente au détail et la distribution. Comme vous le dites, ce qui nous préoccupe, ce sont les livres d'auteurs canadiens, le contenu canadien.
Je dois dire, après avoir étudié le projet de loi C-55 en mai, que je craignais vivement que la notion de contenu canadien ne soit remise en question. On est passé d'un contenu canadien à un contenu original et destiné au marché canadien et je veux faire remarquer que le livre n'a plus à être écrit par un Canadien, mais qu'il doit simplement être original et destiné spécifiquement au marché.
Je me demande si dans votre sagesse, vous examinez des changements aussi importants qui auront d'énormes répercussions sur la paternité des magazines qui, nous le savons, a un impact marqué sur l'édition de livres.
J'aimerais avoir une idée de cela. La Canadian Booksellers Association nous dit craindre vivement un grand nombre de fermetures de libraires indépendants. On a déjà vu leur proportion passer de 50 p. 100 à 30 p. 100 et cela entraîne des pertes d'emplois. Il y a également le fait que Pegasus et Chapters obtiennent un traitement préférentiel relativement à la distribution de livres et pour ce qui est des remises.
Comment les intéressés peuvent-ils survivre? Nous allons leur poser ces questions, mais comme vous le savez, au Patrimoine, vous avez un rôle très important à jouer en tant que partenaires pour ce qui est de maintenir une industrie canadienne solide pour les libraires et éditeurs. Ce doit certainement être un énorme sujet de préoccupation pour vous. Qu'allez-vous faire à ce sujet? Qu'allons-nous faire à cet égard ici, dans cette salle?
M. Don Stephenson: Je vais reprendre la même réponse que j'ai donnée il y a un instant, si je ne m'abuse. Nous allons tout d'abord essayer de comprendre le problème.
Nous devons comprendre les répercussions d'une réduction du nombre d'indépendants et d'un accroissement du nombre de gros magasins, phénomène qui se fait sentir dans toute l'économie. Cela ne s'applique pas simplement à l'édition de livres ni au secteur culturel. Nous devons comprendre l'effet que ce changement dans la structure du marché aura sur la production de contenu canadien et la possibilité pour le lecteur canadien d'y avoir accès.
On pourrait aussi se demander, je le suppose, ce que seront les répercussions sur la diversité des livres canadiens—c'est-à-dire le nombre d'auteurs canadiens qui sont en mesure de rejoindre le marché canadien. Tant que nous ne comprendrons pas cela mieux, je pense qu'il sera difficile et peut-être inapproprié d'intervenir.
Mme Wendy Lill: Vous savez, juste avant que vous n'utilisiez le mot «diversité», je l'ai écrit. Je lisais un livre sur l'OMC, un manuel du citoyen. Dans ce document, David Suzuki disait que fondamentalement, il s'agit d'une question de diversité, de protection de la diversité par tous les moyens. Nous devons protéger cette diversité afin d'éviter d'être rayés de la carte. Lorsqu'on aboutit dans une direction, on n'a plus d'options.
Je ne peux vraiment pas comprendre comment la diversité va être protégée alors que la distribution et la vente de livres vont se faire par des conglomérats, probablement de façon mondialisée. Je ne peux tout simplement pas comprendre comment on peut concilier ces deux choses.
C'est peut-être simplement une affirmation à ce stade-ci, mais si n'importe lequel d'entre vous a des observations à formuler ou veut faire part de ses propres perceptions sur la question, je l'apprécierais.
M. Don Stephenson: Nous partageons certes cette crainte et nous voulons comprendre la question. Je ne pense pas que nous soyons en mesure de conclure quoi que ce soit en ce qui concerne les répercussions de ces changements et certainement pas en ce qui a trait au type d'interventions qui s'imposent de la part du gouvernement.
Le président: J'ai une requête de la part de M. Shepherd et ensuite M. Bonwick. Tout d'abord, cependant, je veux dire au nom de M. Wilfert et de Mme Lill que, si je comprends bien, rien n'indique que ces études vont être effectuées rapidement. On n'a pas d'échéancier précis.
Pouvez-vous dire alors au ministère que si les études, selon vous, sont l'élément clé conduisant à la prise de mesures à l'avenir, nous jugeons qu'elles devraient être effectuées rapidement?
M. Don Stephenson: Je serai heureux de transmettre ce message au ministère.
Le président: Merci.
Monsieur Shepherd.
M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Merci beaucoup.
Je suis un novice dans ce domaine et vous m'en apprenez donc beaucoup. Cependant, j'ai une petite observation à formuler. Tout d'abord, pour ce qui est de l'étude de la question, il me semble que nous étudions une industrie qui est en pleine transition. Certaines des choses qui nous inquiètent, comme les pertes d'emplois, vont se produire. C'est naturel. C'est ce qui se produit avec la technologie de nos jours.
Je me demande quelle incidence la Loi sur Investissement Canada a vraiment sur le fait que 53 p. 100 de l'industrie de l'édition du livre est sous contrôle étranger, comme vous l'avez dit dans votre déclaration, si je ne m'abuse. J'ignore au juste son véritable objectif. Il est vraisemblable que son objectif initial était de veiller à ce que les entreprises appartiennent en majorité à des intérêts canadiens, mais ce n'est pas le cas. Vous pourriez peut-être nous parler de cela.
Ce qui me préoccupe le plus, ce sont ces importantes forces du marché qui font sentir leurs effets, et je veux parler non seulement de l'offre et de la demande, mais également de la révolution technologique à laquelle on assiste. Si nous sommes d'accord sur l'importance de maintenir un processus bien canadien grâce auquel les écrivains peuvent rejoindre les lecteurs canadiens, il me semble que nous devons trouver une façon d'utiliser cette nouvelle technologie pour servir nos propres fins.
• 1205
Je ne sais pas en quoi cela consiste ni dans quelle voie on s'engage,
mais il est peut-être question d'un type de système qui permet aux
écrivains canadiens de faire, disons, numériser leurs livres et de les
commercialiser sur le marché canadien.
Il me semble qu'un nouvel outil manque. N'essayons pas simplement de corriger certains des moyens que nous avons à l'heure actuelle et qui ne marchent pas, c'est évident.
M. Don Stephenson: Mon collègue pourrait peut-être répondre à la deuxième question, mais en ce qui concerne la première, je prétends qu'avec la Loi sur Investissement Canada et la politique actuelle en vigueur dans le secteur de l'édition du livre aux termes de la loi, qui a été mise en place au milieu des années 80, on ne voulait pas assurer une participation canadienne majoritaire dans toute l'industrie, mais mettre un terme à une tendance qu'on constatait à l'époque, à savoir une augmentation de la participation étrangère dans le secteur.
À ce moment-là, on voulait empêcher qu'une plus grande partie du secteur canadien ne tombe entre les mains d'intérêts étrangers. On a donc aux termes de la Loi sur Investissement Canada, prévu que tous les investissements futurs dans le secteur de l'édition devraient se faire dans le cadre de coentreprises sous contrôle canadien pour que des Canadiens contrôlent au moins 51 p. 100 de l'entreprise et pour qu'on n'assiste pas à d'autres pertes à ce chapitre.
En ce qui concerne la façon dont nous adoptons les nouvelles technologies, je pense que nous devons adapter nos programmes à cette fin.
Mes collègues voudront peut-être parler de cela.
M. Allan Clarke: Je ne pense pas qu'on puisse nécessairement parler d'échec pour qualifier la situation actuelle dans l'industrie ou même l'intervention gouvernementale. Je crois que nous avons, au Canada, une industrie de l'édition du livre très solide et dynamique. La plupart des Canadiens connaissent de nombreux auteurs canadiens et on peut obtenir des livres canadiens partout. Ils sont beaucoup lus et facilement disponibles.
Cela ne veut pas dire que nous ne faisons pas face à des défis. L'exposé faisait part de certains de ces défis, y compris les coûts d'opération sur le marché canadien ou l'accès au financement et aux investissements. Ce sont des défis que nous essayons de relever dans la façon dont nous administrons nos programmes et dont nous lançons de nouvelles initiatives stratégiques. Il est évident également que nous sommes confrontés à de nouveaux défis relativement à la nouvelle technologie et aux changements sur le marché également. Le marché évolue comme il le fait dans certaines autres industries.
Nous suivons ce qui se passe, mais tout le monde ne s'entend pas nécessairement sur les répercussions de ces changements. Ainsi, même si la consolidation est une question que nous suivons de près et qui nous inquiète, il n'y a pas nécessairement entente, même au sein de l'industrie, sur la façon dont ces changements influent sur les modes de fonctionnement.
D'une part, certains pourraient prétendre qu'une entreprise comme Chapters ou Indigo offre plus de livres aux gens ou plus de points de vente—beaucoup de gens se rendent dans les magasins Chapters où on vend beaucoup de livres—mais d'autre part, il est clair que ces entreprises ont des répercussions sur la santé des libraires indépendants. Nous devons encore examiner la question pour déterminer exactement ce que nous pouvons faire pour essayer d'apaiser certaines de ces craintes et amortir certaines de ces répercussions.
En ce qui concerne les nouvelles technologies, nous devons également nous pencher sur les meilleures stratégies possibles pour aider les éditeurs à s'adapter à ces nouvelles technologies. Du fait des difficultés financières qu'ils éprouvent par rapport à leurs concurrents étrangers, on peut probablement affirmer que les éditeurs canadiens n'ont peut-être pas toutes les ressources nécessaires pour profiter de ces nouvelles technologies.
Ce sont donc des choses sur lesquelles nous voulons nous pencher.
Le président: Pour économiser du temps, je vais demander à MM. Bonwick et de Savoie ainsi qu'aux témoins, bien entendu, d'être brefs. Ensuite, nous pourrons mettre un terme à cette séance, nous arrêter pour le déjeuner et donner une bonne chance d'intervenir aux prochains témoins.
Monsieur Bonwick.
M. Paul Bonwick (Simcoe—Grey, Lib.): Merci, monsieur le président.
• 1210
Je voudrais dire aux représentants du ministère que je vais tout
d'abord leur demander de me préciser au juste ce dont nous discutons
aujourd'hui. Est-il question de moyens, comme le Comité permanent du
patrimoine canadien, de protéger un secteur de notre culture
canadienne? Ou est-il question d'une façon d'aider ou de protéger les
entreprises du secteur privé dont le rôle est de publier ou de
distribuer des livres canadiens et étrangers pour parvenir à une
rentabilité maximale dans une société fondée sur le libre marché? Que
faisons-nous au juste? Faisons-nous un peu des deux?
C'est pertinent pour les éditeurs de livres ainsi que les libraires et je voudrais donc connaître votre position là-dessus.
M. Don Stephenson: Notre préoccupation pour la viabilité, la santé financière des entreprises canadiennes dans le secteur de l'édition du livre n'est qu'un moyen d'arriver à nos fins. Nous nous préoccupons du contenu canadien dans les livres. Si la stratégie pour parvenir à un fort contenu canadien dans les livres consiste à s'assurer que nous avons des entreprises viables, qu'il s'agisse d'éditeurs, de distributeurs ou de détaillants, eh bien soit.
M. Paul Bonwick: Ma prochaine question serait alors: Croyez-vous que les éditeurs et les libraires canadiens aideraient plus à publier ou distribuer un livre d'un auteur canadien qu'une entreprise étrangère? La rentabilité n'est-elle pas toujours le facteur qui entre en ligne de compte? Les Canadiens sont pareils aux étrangers en ce sens qu'ils sont là pour obtenir une rentabilité maximale et ils vont donc vendre ou publier des livres qu'ils vont pouvoir écouler facilement.
M. Don Stephenson: Comme je l'ai dit plus tôt, 80 p. 100 des livres d'auteurs canadiens sont publiés par des entreprises appartenant à des intérêts canadiens et sous contrôle canadien.
M. Paul Bonwick: Comment cette situation se compare-t-elle à ce qu'on retrouve dans d'autres pays comme les États-Unis, le Royaume-Uni ou la France? Comment nous comparons-nous?
M. Allan Clarke: Je ne sais pas si nous avons cela, mais il est vrai qu'il y a une forte participation étrangère ou une importante activité étrangère sur le marché canadien, probablement plus que sur les autres marchés du monde, peut-être à cause de notre proximité avec le marché américain, qui se trouve être le plus important exportateur de produits culturels du monde. Nous partageons avec les Américains une frontière commune et parfois même une économie commune. Ainsi, il est vrai qu'il y a une plus grande présence étrangère au Canada, et c'est certes l'un des défis que nous devons relever.
M. Paul Bonwick: Voilà où je veux en venir. Si je comprends qu'en essayant de trouver des façons créatives de soutenir l'industrie canadienne du livre grâce à des éditeurs et des libraires canadiens, on va aider les auteurs canadiens à rejoindre les Canadiens, plus que les étrangers, c'est alors un bon point de discussion. Si les entreprises étrangères viennent sur le marché canadien et offrent le même service, c'est alors que cela pose un problème pour moi. C'est ce que j'essaie d'expliquer. Essayons-nous de trouver des façons de subventionner par l'entremise d'entreprises privées à l'intérieur de l'économie canadienne? C'est là où j'ai besoin de votre aide.
M. Allan Clarke: C'est une question difficile, mais il y a toujours dans toutes les industries culturelles un lien entre la propriété et le contenu.
Mme Lill a parlé du projet de loi C-55 et de certaines des choses que nous avons dû faire pour essayer d'égaliser les règles du jeu pour tous. Nous ne demandions pas aux éditeurs étrangers d'offrir un contenu canadien. Nous tentions dans ce cas-là d'avoir une équation économique. L'avantage pour les intéressés était de ne pas avoir à prévoir un contenu spécifique pour le marché canadien. Ils pouvaient simplement écouler leur publicité sur le marché canadien. Nous tentions alors de faire en sorte que les règles du jeu soient égales pour tous.
Dans ce cas-ci, nous voulons nous assurer que des gens puissent produire du contenu canadien. Ce sont les éditeurs canadiens qui en très grande majorité produisent ce contenu et ils l'ont toujours fait. Avant qu'il y ait un secteur canadien de l'édition viable, il n'y avait pas beaucoup de livres canadiens publiés, mais il y avait quand même des éditeurs étrangers implantés au Canada. C'est la croissance du secteur canadien de l'édition qui a entraîné la croissance de l'édition canadienne et la publication des titres d'auteurs canadiens. On a remporté beaucoup de succès dans ce domaine.
Le président: M. de Savoye a retiré sa question. Nous allons donc nous arrêter ici. Je remercie les témoins, M. Stephenson, M. Clarke et Mme Curran.
Une question brève, monsieur Bélanger.
M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): Monsieur le président, je vous poser une question aux gens du ministère, mais peut-être ne pourront-ils pas y répondre tout de suite. Est-ce que les amendements apportés à la Loi sur le droit d'auteur par le projet de loi C-32, dont on se souvient tous, ont pu, dans leur application, créer des difficultés inattendues dans l'industrie du livre? C'est une des affirmations que fait la Canadian Booksellers Association.
M. Allan Clarke: Les dispositions sur les importations parallèles ne sont pas vraiment de nature à réglementer le marché. C'est plutôt un outil par lequel les ayants droit peuvent obtenir des remèdes.
[Traduction]
Les modifications apportées dans le projet de loi C-32 relativement à l'importation parallèle donnaient simplement aux distributeurs ou aux gens qui détenaient un droit d'auteur ou des contrats permettant d'accorder une licence de distribution de livres au Canada des recours qu'ils n'avaient pas auparavant contre les gens qui achetaient sans passer par eux. Ces modifications n'étaient pas destinées à réglementer ou modifier le marché, mais un éditeur, un distributeur ou un détenteur de contrat de distribution pour un livre au Canada pouvait poursuivre les gens qui ne respectaient pas son contrat.
M. Mauril Bélanger: Je comprends cela. La question était: Y a-t-il eu des imprévus à la suite de l'adoption de cette mesure législative?
M. Allan Clarke: Je dois répondre par la négative, car tout ce qui pourrait se produire maintenant aurait pu arriver avant la présentation du projet de loi C-32, ou du moins la présentation des règlements. En ce qui concerne la présence d'un intervenant dominant sur le marché ou des changements aux contrats, cela aurait pu se produire avant ou après l'adoption du projet de loi C-32.
M. Mauril Bélanger: Merci.
[Français]
Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup aux témoins. Nous allons ajourner la séance pendant 15 ou 20 minutes pour déjeuner. Je précise que le repas est prévu au départ pour les membres du comité, les employés et les témoins. S'il reste à manger, les citoyens qui assistent aux délibérations pourront eux aussi se servir.
Le président: Reprenons notre réunion pour donner la chance à nos invitées d'avoir suffisamment de temps pour faire leur exposé.
Nous sommes très heureux d'accueillir parmi nous Mme Sheryl McKean, directrice exécutive de la Canadian Booksellers Association et Mme Jean Barton qui représente une entreprise appelée Books on Beechwood. De plus, nous avons parmi nous Mme Mary Jane Maffinni de la Prime Crime Books. Ce nom est très attrayant.
Madame McKean, vous avez la parole.
Mme Sheryl McKean (directrice exécutive, Canadian Booksellers Association): Merci, je pourrais ajouter que Mary Jane Maffinni est également une auteure.
Au nom des libraires indépendants du Canada, je vous remercie, monsieur le président, d'avoir accepté de vous pencher à nouveau sur l'avenir de l'industrie canadienne du commerce du livre.
Mesdames et messieurs, veuillez m'excuser de ne pas vous transmettre notre exposé dans les deux langues officielles. J'ai moi aussi travaillé toute la nuit pour préparer ce document et le temps nous a manqué. Je serais heureuse de vous fournir la version française à une date ultérieure si vous le souhaitez.
La Canadian Booksellers Association représente plus de 1 300 libraires au Canada. Parmi nos adhérents figurent des librairies spécialisées et universitaires, des petites librairies indépendantes, des chaînes et des hypermarchés indépendants, ainsi que des détaillants urbains et ruraux. En outre, plus de 350 éditeurs, distributeurs et grossistes adhèrent à notre association. Nos membres viennent aussi bien de Dawson Creek en Colombie-Britannique que de Yellowknife au Yukon ou de Goose Bay au Labrador (Terre-Neuve).
• 1240
La CBA jouit d'une position unique. Les libraires qui adhèrent
à l'association transmettent la culture littéraire canadienne
directement, quotidiennement et en personne, comme aucun autre
membre du secteur industriel, ni aucun autre détaillant ne peut le
faire.
Comme de nombreux autres secteurs de l'économie, le commerce du livre au Canada a subi de formidables changements au cours des dix dernières années. L'innovation technologique a touché chaque volet des activités qui relient l'écrivain au lecteur—la publication, la commercialisation, la distribution et la vente au détail. Ces changements sont suffisamment importants pour justifier que les députés examinent attentivement la législation et la réglementation en place afin d'assurer que les textes continuent d'être en phase avec les objectifs de la politique générale. Il est important que les parlementaires comprennent que, depuis que le gouvernement a autorisé la création de Chapters, en 1994, par la fusion de SmithBooks et de Cole's, les libraires indépendants se sont retrouvés dans une position extrêmement difficile et, selon nous, face à une concurrence déloyale.
La situation des libraires indépendants devient aujourd'hui encore plus précaire. En fait, leur survie est menacée par le fait que Chapters est maintenant en position de dominer le marché de la distribution des livres suite à la création de la société Pegasus Inc., sa filiale de distribution en gros. Pegasus est contrôlée à 82 p. 100 par Chapters.
Cette évolution menace d'altérer non seulement la vente au détail des livres au Canada mais également la diversité culturelle qu'a fini par représenter ce secteur d'activité. Nous nous félicitons par conséquent que vous ayez entrepris cet examen pour assurer que la loi et les règlements en place continuent de satisfaire les objectifs de politique générale.
Dans cette optique, je voudrais me concentrer sur six grands thèmes, dont trois revêtent une dimension culturelle particulière.
Nous nous préoccupons tout d'abord de la régulation des marchés. Les libraires indépendants qui vendent au détail sont extrêmement préoccupés par le fait qu'une chaîne dominante conduit un grand nombre de petites et moyennes entreprises à la faillite. Nous pensons que la domination et le contrôle du marché exercés par Chapters interfèrent avec les rabais, les termes de l'échange et la distribution. Cela nuit aux créateurs, aux producteurs, aux détaillants et surtout, aux Canadiens et à notre culture.
Pour analyser le contrôle exercé sur le marché, il faut en examiner la structure non seulement horizontalement sur la base du nombre et de la taille des points de vente au détail, mais également verticalement, en remontant le réseau d'approvisionnement, au niveau de la vente en gros et de la distribution. Les conséquences d'une maîtrise du marché dans n'importe quel secteur prennent la forme d'une concurrence atténuée, de pertes d'emplois, d'un rétrécissement de l'accès du public, d'un déclin du service à la clientèle et d'une baisse des recettes fiscales.
Aux États-Unis, ce type d'emprise sur le marché a été expressément contrôlé. De fait, l'été dernier, la Commission fédérale du commerce (FTC) a pris l'initiative d'interdire une fusion qui aurait menacé la libre concurrence sur le marché américain du commerce du livre au détail. Il y a plus d'un seul intervenant dominant sur le marché américain et par conséquent, une moindre concentration du pouvoir que sur le marché canadien.
Les libraires indépendants du Canada doivent, au moins, bénéficier de la même protection contre la concurrence que leurs homologues américains. Ils doivent bénéficier du même type d'appui, un appui qui favorise leur capacité à se montrer concurrentiels et à continuer de desservir les Canadiens de la même manière qu'ils l'ont fait pendant de très nombreuses années. Un contrôle du marché acquis par le biais d'une concentration de pouvoir n'est porteur d'aucun avantage pour la communauté des libraires canadiens ni pour la population canadienne.
Les pratiques anticoncurrentielles constituent le deuxième point. Les artisans de la politique ont de bonnes raisons de s'intéresser non seulement à la structure de l'industrie, mais également aux pratiques commerciales qui ont cours dans un marché donné. La participation majoritaire de Chapters au capital de Pegasus Wholesale Inc. lui donnera un contrôle direct sur les circuits de distribution des livres aux librairies indépendantes, ce qui place Chapters directement en conflit d'intérêts.
Pegasus a la possibilité de faire bénéficier Chapters d'un traitement préférentiel en ce qui concerne la passation des commandes, les prix, les activités promotionnelles et les livraisons. En outre, il se peut que les informations exclusives qui ont trait aux intérêts commerciaux des libraires indépendants ne soient pas protégées.
• 1245
Imaginez que vous êtes le plus gros libraire d'un très vaste pays. Au
siège social de votre entreprise, vous avez des employés qui
commandent des livres. Tout d'un coup, vous avez accès aux
informations que détiennent vos concurrents. C'est comme si vous aviez
l'avantage d'avoir des milliers de personnes bien informées et
expérimentées qui passent commande pour vous. Désormais, vous savez
quoi commander pour certaines régions dont vous connaissiez mal le
marché jusqu'ici. C'est l'occasion de faire grimper les ventes et
d'améliorer les méthodes que vous utilisez pour commander. C'est une
façon d'évaluer les marchés et de cibler les activités
promotionnelles. C'est un moyen de battre vos concurrents.
Au fur et à mesure que la concurrence est restreinte, il y aura de moins en moins de petits libraires pour desservir les petites collectivités et les communautés rurales. C'est le type de pratiques anticoncurrentielles dont seul Chapters, par le biais de Pegasus, est capable.
La concurrence non réglementée est le troisième point. Au cours des dix dernières années, on a vu s'immiscer dans le secteur du commerce du livre des services de vente en ligne, ainsi que d'autres entreprises de vente au détail comme Wal-Mart et Price Costco. Certains de ces nouveaux acteurs peuvent être en mesure d'éviter d'être assujettis pleinement à la réglementation canadienne, ce qui leur donne un avantage concurrentiel sur les libraires canadiens traditionnels.
Le quatrième point est l'accès aux auteurs canadiens. Le gouvernement canadien s'est engagé sans réserve à encourager et à promouvoir les auteurs canadiens. Cela signifie s'assurer que ces auteurs sont non seulement publiés, mais que leurs livres sont distribués à autant de lecteurs canadiens que possible par l'intermédiaire d'autant de points de vente différents que possible, d'un océan à l'autre. Ce sont leurs écrits qui donnent vie à l'histoire et à la culture du Canada.
Or, voici ce qu'a déclaré un des principaux éditeurs canadiens: «Si Chapters ne commande pas une oeuvre, nous n'allons pas la publier.»
Nous sommes convaincus que les libraires indépendants du Canada, les libraires qui sont intégrés dans une communauté et qui tissent des liens avec leurs clients, les libraires qui s'investissent pour promouvoir la vente des livres d'un nouvel auteur qui cherche à se faire connaître, sont responsables de la réussite que connaissent maintenant de nombreux auteurs canadiens ignorés jusque là.
Tous les Canadiens devraient s'insurger de ne pouvoir découvrir un auteur tout simplement parce qu'un détaillant a décidé d'ignorer ses oeuvres. C'est, on ne peut le nier, une forme de censure.
Les points de diffusion de la culture sont le cinquième sujet de préoccupation. De nombreux libraires occupent une place spéciale dans une collectivité ou un quartier. Une librairie, tout comme la succursale locale de la bibliothèque publique, est un point de rencontre où les gens échangent tout naturellement des informations non seulement sur les livres et leurs auteurs, mais également sur des manifestations culturelles connexes comme des causeries, des conférences, des cours et même d'autres activités communautaires. Il est manifeste que l'on doit multiplier dans toute la mesure du possible les points de diffusion de la culture, plus particulièrement dans les petites collectivités et dans les communautés rurales ou dans les quartiers ethniques.
La librairie est souvent le centre culturel et social. C'est l'endroit où des Canadiens de tous âges et de toute extraction, quel que soit leur niveau de revenu, peuvent venir pour partager des informations et des idées, apprendre et acquérir une connaissance de leur patrimoine qui est essentielle. Les librairies sont donc comme des phares disséminés dans le paysage culturel de notre pays, dont les gardiens seraient aussi les propriétaires. Leur disparition serait une tragédie.
Notre dernier point concerne les circuits de distribution limités. Les modifications à la Loi sur le droit d'auteur et au Règlement sur l'importation de livres ne font qu'aggraver tous les problèmes dont nous avons fait état. Les révisions de la Loi sur le droit d'auteur énoncées dans le projet de loi C-32, ainsi que le Règlement connexe sur l'importation de livres, sont censés permettre à des distributeurs exclusifs de tirer pleinement avantage de leurs contrats de distribution en limitant la pratique des achats parallèles. On trouve dans le règlement certaines lignes directrices concernant les obligations en matière de livraison, ainsi que les mesures de contrôle sur les prix auxquelles serait assujetti un distributeur exclusif.
Dans le contexte du lancement de Pegasus, entreprise contrôlée par Chapters, sous l'étiquette de «distributeur national», nous estimons que ces modifications rendent encore plus probable l'exercice d'une influence indue de la part de Chapters. En vertu de la Loi sur le droit d'auteur, si Pegasus détient des droits de distribution exclusive, les libraires indépendants seront obligés d'acheter leurs livres importés auprès de leur plus gros concurrent. Cela est fondamentalement inacceptable.
Monsieur le président, telles sont les questions que, nous l'espérons, le comité prendra en considération. Nous ne demandons pas à être protégés contre la concurrence. Au contraire, nous demandons simplement à être protégés contre une concurrence déloyale et nous souhaitons que les règles régissant notre industrie tiennent compte de la nécessité et de l'importance de maintenir des libraires indépendants.
• 1250
Merci, monsieur le président. Nous serons heureux de répondre à vos
questions.
Le président: Merci beaucoup, madame McKean. Votre témoignage va nous aider à obtenir un point de vue très important sur cette question.
[Français]
Je voudrais donner des explications aux membres du comité parce que je pense que cela demande d'être souligné. Comme vous le savez, notre comité a adopté une résolution selon laquelle les mémoires que nous recevons doivent être traduits. Nous avons reçu hier ou avant-hier le document 6 Key Reasons Why the Government Should Be Concerned by the Chapters Acquisition of Pegasus Wholesaler Inc. qui a été traduit tout de suite. Aujourd'hui, Mme McKean a choisi d'élaborer sur ce document. C'est la raison pour laquelle son dernier document n'a pas été traduit. Cependant, tous les points principaux sont inclus dans le document qui a été traduit. Je voulais vous expliquer cela.
Nous passons maintenant aux questions. Monsieur de Savoye.
M. Pierre de Savoye: Madame McKean, madame Barton, madame Maffinni, merci de prendre la peine de nous éveiller à la problématique de l'édition du livre. C'est un sujet qui n'est pas nouveau pour la députation de la Chambre des communes depuis l'aventure de Ginn Publishing. On sait qu'il y a un problème, mais, avec les personnes du ministère qui vous ont précédées, vous nous avez éveillés au problème dans toutes ses dimensions et même à l'urgence du problème. Ma première question traite justement de cette urgence.
Plus tôt, les gens du ministère nous disaient qu'il fallait faire une étude pour savoir ce qu'il faut et qu'on pourrait ensuite agir de la bonne façon. En vous écoutant, j'ai une crainte, à savoir que si on attend trop, ce ne sera pas une étude qu'on va faire, mais une autopsie. De combien de temps disposons-nous pour agir?
[Traduction]
Mme Sheryl McKean: Pas assez de temps.
Pardonnez-moi. Mon français n'est pas assez bon pour que vous puissiez le comprendre, j'en ai peur.
C'est une question très urgente. Même si nous comprenons la façon de procéder des fonctionnaires qui étaient ici, étant donné qu'il s'agit d'une question tellement urgente, nous sommes ici pour demander comment nous pouvons aider. Que pouvons-nous faire? Il faut s'attaquer à cette question et ce, dès maintenant. Nous voulons donc participer au processus et nous assurer que tout le monde comprenne l'importance de la question, son urgence. Le temps presse vraiment beaucoup.
[Français]
M. Pierre de Savoye: Malheureusement, hier, c'était impossible. Compte tenu des circonstances, dans combien de temps faudrait-il mettre en oeuvre un plan d'action? Est-ce que dans six mois, ce serait déjà trop tard ou si ce serait acceptable? Est-ce qu'un délai de neuf mois vous conviendrait? De façon réaliste, de combien de temps disposons-nous pour mettre en oeuvre un plan d'action? Avant de mettre le plan d'action en oeuvre, il faut faire l'étude et, avant de faire l'étude, il va falloir que quelqu'un prenne la décision de faire une étude. Supposons qu'on dise demain qu'on fait une étude. Est-ce qu'on donne un mandat de quatre mois pour faire une étude ou un mandat de six mois? Il va falloir mettre tout cela en oeuvre par la suite. Donnez-nous une indication réaliste, de votre point de vue, d'échéanciers réalistes qu'on pourrait mettre en oeuvre.
[Traduction]
Mme Sheryl McKean: C'est une question extrêmement difficile, mais étant donné les fermetures qui ont été mentionnées ici plus tôt—la librairie Britnell est très connue tout comme la librairie Duthie's, à Vancouver—je dirais que nous devons agir dans les six mois. En d'autres termes, je sais qu'on accordera probablement plus d'attention à cette question en février.
Ainsi, si nous pensions à février, mars ou avril et nous nous organisions pour que des mesures puissent être prises dans ce délai de six mois, cela aiderait certes notre secteur. Cela ne fait aucun doute. Je détesterais voir d'autres excellents magasins fermer leurs portes comme ils le font presque quotidiennement. Et lorsque nous passons d'une proportion de 50 p. 100 à 30 p. 100, cela pourrait tomber à 20 p. 100 cette année et à plus rien l'année suivante. C'est logique.
M. Pierre de Savoye: Madame McKean, quand vous nous avez présenté votre mémoire, vous nous avez lu ce que vous nous avez distribué, mais vous avez sauté un paragraphe qui me paraît important. J'aimerais revenir à ce paragraphe.
Vous dites
[Traduction]
que la création de Pegasus peut être un moyen pour Chapters de contourner les restrictions imposées par le Règlement sur l'importation de livres.
[Français]
Êtes-vous en train de nous dire que Pegasus est, pour Chapters, une façon de faire indirectement ce que la loi lui interdit de faire directement? Est-ce bien ce que vous nous dites?
[Traduction]
Mme Sheryl McKean: C'est ce que je croyais à l'époque et c'est pourquoi il en est question ici. Je n'avais pas les bons documents avec moi pour être en mesure de vous dire que j'avais les preuves de cela et c'est pourquoi je n'ai pas voulu faire cette affirmation.
Cependant, oui c'est ce que je crois. Il y a des règles différentes pour les grossistes et les détaillants.
[Français]
M. Pierre de Savoye: Nous recommandez-vous de nous pencher de façon plus approfondie sur cette question de façon à ce qu'on sache si c'est effectivement le cas et à ce qu'on fasse en sorte que, si c'est le cas, cela ne se produise plus? On est en train d'avoir des effets pervers qu'on voulait justement éviter. Nous suggérez-vous de nous pencher sur cette question?
[Traduction]
Mme Sheryl McKean: Je crois que c'est bel et bien une bonne idée. Plus nous en savons sur tout ce qui se passe dans ce secteur, mieux c'est. Je veux dire également que nous n'avons pas l'intention de pénaliser tous les grossistes du fait de cette situation, mais qu'aucun autre grossiste n'appartient à son plus grand concurrent dans l'industrie. C'est donc une situation bien particulière.
[Français]
M. Pierre de Savoye: Merci, madame McKean. Merci, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup. Vous avez soulevé des questions bien importantes.
Je donne la parole à Mme Bulte, puis ensuite à Mme Lill.
[Traduction]
Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.): Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup de vos exposés.
Je suppose que je m'inquiète du rôle du comité et du ministère du Patrimoine canadien relativement à cette question.
Pour moi, le gouvernement doit s'assurer qu'il y a un contenu canadien, qu'il y a des livres d'auteurs canadiens et que nous rejoignons les Canadiens, chose qui fait partie de la politique culturelle du gouvernement et des gouvernements successifs, afin de veiller à favoriser le processus créatif et de s'assurer que l'infrastructure est en place pour faire connaître les créations, qu'il s'agisse d'un livre, d'une pièce de théâtre ou le reste.
Je me demande quelle preuve nous avons qu'il y a un manque d'auteurs canadiens, ou moins d'auteurs canadiens chez Chapters. On peut trouver dans un magasin Chapters des livres de Merilyn Simonds. On peut y retrouver des oeuvres de Jane Urquhart, et pas simplement son dernier roman, mais tous ses romans. Non seulement il y a une section canadienne, mais lorsqu'on entre dans le magasin, tout l'étage est consacré aux livres canadiens. C'est là où je veux en venir.
Vous dites que tous les Canadiens devraient savoir qu'ils n'auront pas accès à un auteur à cause d'un détaillant. Quelles preuves avez-vous pour appuyer cette affirmation?
Ensuite, lorsque vous affirmez que les libraires indépendants seront obligés d'acheter leurs livres importés auprès de leur plus gros concurrent, je ne sais pas ce vous voulez dire par là. De quels livres importés et de quels concurrents parlez-vous? Pourriez-vous m'apporter des précisions sur ces deux points?
Je pense que c'est une question que le Comité de l'industrie devrait examiner. Nous voulons des livres canadiens, un plus grand nombre d'auteurs canadiens et de meilleurs canaux de distribution pour les livres canadiens et nous ferons tout en notre pouvoir pour favoriser cela.
Quelles sont les preuves qu'il n'y a pas cet accès aux livres canadiens?
Mme Sheryl McKean: Permettez-moi de répondre à votre première question tout d'abord. J'espère pouvoir y répondre rapidement et je demanderai ensuite à mes collègues de formuler des observations.
En ce qui concerne les auteurs, lorsque vous êtes le libraire dominant au Canada en contrôlant plus de 50 p. 100 du marché et que vous avez deux ou trois personnes à votre siège social de Toronto passant les commandes, ces deux ou trois personnes ne sont pas bien placées pour choisir un livre.
Des éditeurs ont déclaré publiquement qu'ils ne publieront pas un livre si Chapters ne l'achète pas, si Chapters ne le commande pas. Ainsi, si ces quelques personnes dans une ville, dans ce bureau, ne commandent pas ce livre, il ne sera pas publié. Par contre, des gens qui vivent peut-être dans les collectivités où sont établis les auteurs, ont peut-être en commun une préoccupation différente au sujet de ce qui se produit sur l'île du Cap-Breton ou ailleurs et ils choisiront d'acheter ce livre. Cela crée un intérêt au niveau de l'édition et le livre sera probablement publié.
• 1300
Lorsque les libraires indépendants seront éliminés, ils ne seront
plus là pour passer ces commandes, parce que leur position sur le
marché est moins forte. Les éditeurs ne vont pas nécessairement
produire les livres, du fait que Chapters ne les achètera pas.
Je sais que vous avez une autre question, mais je voudrais que mes collègues parlent des auteurs et nous pourrons ensuite passer à votre autre question. Merci.
Le président: Madame Barton.
Mme Jean Barton (copropriétaire, Books on Beechwood): Il y a un vieux proverbe voulant qu'on ne place pas tous ses oeufs dans le même panier et c'est ce qui se produit très rapidement. Moins il y a d'indépendants moins il y a de points de vente ou de décideurs pour diffuser le matériel canadien. S'il y a un acheteur pour tout, nous allons alors avoir un marché très homogène.
Le président: Mme Maffinni est une auteure. Je voudrais bien connaître son point de vue.
Mme Mary Jane Maffinni (copropriétaire, Prime Crime Books): Je voudrais répondre à la question à partir de deux points de vue. Je vais d'abord répondre en tant que propriétaire d'une librairie spécialisée dans laquelle nous vendons des romans policiers, c'est-à-dire une littérature populaire, un type d'oeuvres que plus de gens lisent, selon moi, que les oeuvres littéraires. Vous devriez savoir que l'année dernière, tous les premiers romans d'auteurs policiers au Canada ont été publiés par une petite maison d'édition. Au départ, Chapters n'en a acheté aucun. Beaucoup vont disparaître sans laisser de trace. C'est le choix de Chapters.
Si nous sommes là pour fournir une solution de rechange, pour appuyer, comme nous le faisons, ceux dont les livres sont publiés par de petites maisons d'édition et pour donner à ces personnes la possibilité de rencontrer le public dans diverses collectivités, je pense que nous assurons un équilibre au sein de l'industrie littéraire au Canada. Ce que nous demandons c'est d'avoir une chance honnête d'être là et de remplir ce rôle.
Je suis une auteure et si vous avez vu mon livre chez Chapters, c'est parce que je me suis personnellement rendue dans chaque succursale locale de Chapters pour leur dire que mon livre devrait être sur leurs tablettes, parce que c'était un livre d'origine locale. Ces gens n'en savaient absolument rien avant que je fasse cette démarche.
Le président: Madame McKean, pourriez-vous répondre à la deuxième question?
Mme Sheryl McKean: Nous serions contraints de nous approvisionner auprès de notre plus important concurrent.
Mme Sarmite Bulte: Pourquoi cette situation prévaudrait-elle dans le cas des livres importés?
Mme Sheryl McKean: C'est en raison de la définition de «distributeur exclusif». Cette expression désigne une entité canadienne qui distribue des livres en provenance des États-Unis et du Royaume-Uni.
Étant donné que Chapters a créé Pegasus, cette entité pourrait facilement devenir un distributeur exclusif. Cela serait très simple. Il leur suffirait de pressentir, par exemple, une compagnie américaine—ce qui est facile—et de lui dire qu'ils contrôlent plus de 50 p. 100 du marché par l'entremise de leurs détaillants et que, par conséquent, la compagnie doit leur accorder des droits de distribution exclusive, sinon ils ne vont pas vendre les livres de cette compagnie. Une fois que Pegasus obtiendrait les droits de distribution exclusive, notre propre loi, notamment les modifications apportées à la Loi sur le droit d'auteur par l'entremise de la réglementation sur l'importation, contraint les libraires indépendants à acheter de Pegasus, qui appartient à Chapters.
Le président: Mme Lill pourrait-elle nous donner son point de vue?
Mme Wendy Lill: Si l'on perçoit Chapters comme un fournisseur à grand volume, tel que McDonald's par exemple, cela signifie qu'un bon nombre de collectivités sont tout simplement trop petites pour accueillir un tel magasin. Par conséquent, les milliers de collectivités au pays qui ont présentement une petite librairie risquent de voir celle-ci disparaître avec le temps puisque, selon votre scénario, il y aura moins de librairies. Il est possible que ces communautés n'aient plus de librairies, étant donné que Chapters ne s'installerait pas à ces endroits. Cet aspect me préoccupe.
J'aimerais que vous parliez un peu plus du phénomène des grandes librairies dans l'industrie du livre et que vous nous fournissiez des exemples qui illustrent pourquoi ce phénomène n'est pas, selon vous, une bonne chose. Comme vous le savez, un très grand nombre de personnes semblent aimer ces grandes librairies. Par conséquent, donnez-nous un aperçu des inconvénients, par opposition aux avantages pour les consommateurs.
Mme Sheryl McKean: Permettez-moi d'abord de répondre à votre deuxième question. Nous ne proposons pas qu'il n'y ait pas de grandes librairies. Nous sommes d'avis que c'est une excellente chose que de favoriser la diversité de choix pour les Canadiens. Il y a des personnes qui apprécient beaucoup les grandes librairies et d'autres qui ne les aiment pas. Il n'y a rien de mal à cela.
Notre objection est liée à la concentration de pouvoirs entre les mains d'un seul et unique détaillant. Contrairement à la situation qui prévaut dans le cas de McDonald's, il n'y a pas d'autres concurrents véritables. D'un côté vous avez une compagnie qui compte quelque 350 succursales, alors que la deuxième en importance n'en a qu'une vingtaine et que la troisième n'en possède que 14. La situation est différente dans le cas de McDonald's, qui subit la concurrence d'un plus grand nombre de restaurants Wendy's, Harvey's et Burger King.
En ce qui a trait aux petites communautés, nous sommes très préoccupés par la question de la concurrence, et ce à deux niveaux. Premièrement, il va de soi qu'un libraire sera préoccupé si Chapters ouvre une succursale à côté de sa librairie. C'est le jeu de la concurrence. Toutefois, n'importe quelle librairie qui ouvre ses portes à côté de la vôtre est un concurrent. Notre véritable préoccupation est liée à la question plus globale de savoir ce qu'un intervenant dominant ayant beaucoup de pouvoirs entre les mains peut faire à toute l'industrie. Un tel intervenant peut faire disparaître les librairies partout où il s'en trouvent.
L'an dernier, je me suis entretenue avec Judith Drinnan, qui est propriétaire de librairies à Yellowknife. J'étais assez naïve à l'époque et je lui avais dit qu'elle n'était probablement pas aussi inquiète que d'autres membres de la présence de Chapters. Elle m'avait répondu: «Vous voulez rire. Savez-vous ce qui arrive à mes rabais et à mes échéances? Chapters pourrait me contraindre à fermer mes portes même si cette compagnie n'a pas de succursale à des milles à la ronde. Elle est fatale pour notre l'industrie.»
Mme Jean Barton: Plus Chapters a d'exigences—rabais plus importants, expédition sans frais—plus la pression est forte sur les éditeurs afin qu'ils augmentent le prix des livres. Or, ce sont nous, les libraires indépendants, qui faisons les frais de cette situation.
Mme Wendy Lill: Je me demande quelle sera la situation pour les consommateurs dans deux ou trois ans, lorsque tous ces libraires auront fermé leurs portes et qu'il y aura peut-être des succursales Chapters d'un bout à l'autre du pays. Quelles seraient, selon vous, les répercussions de cette situation pour le consommateur, du point de vue de la diversité, du prix des livres et de la présence d'auteurs canadiens?
Mme Sheryl McKean: Pour ce qui est de la diversité, il n'y en aura guère, sinon pas du tout. La même remarque vaut pour les auteurs canadiens. Cela dit, il est peu probable que l'on trouve des succursales Chapters d'un bout à l'autre du pays parce que, comme vous l'avez mentionné, il y a un grand nombre de communautés où Chapters n'est pas intéressé à s'installer. Par conséquent, celles-ci se retrouveront sans livres.
Pourriez-vous élaborer? J'ai perdu le sens de votre question.
Mme Wendy Lill: Je pense que vous avez répondu à ma question. Je voulais des précisions sur les répercussions.
Le Conseil des arts du Canada est ici et je sais que cet organismes travaille très fort afin d'aider les écrivains canadiens. Toutefois, si des maisons comme McClelland & Stewart—je ne me souviens plus qui l'a dit—ne publient pas d'auteurs canadiens parce que Chapters ne veut pas acheter leurs ouvrages, je suis certaine que cela inquiète tous ceux qui sont présents dans la salle.
Mme Sheryl McKean: Si vous regardiez les apparitions en public des auteurs, vous seriez à même de constater qu'il est très important que les librairies indépendantes restent ouvertes, particulièrement pour les nouveaux auteurs. Ceux-ci doivent parfois compter sur le libraire local parce que personne d'autre n'est intéressé à les inviter dans leur librairie.
Nos membres, les libraires indépendants, ont souvent permis à d'obscurs écrivains canadiens de devenir de grands noms. Ce rôle est essentiel. Je pourrais vous entretenir longtemps du grand nombre d'auteurs qui ont vécu des expériences différentes selon qu'ils s'adressaient à une grande organisation commerciale, par opposition à un petit libraire indépendant qui vendait individuellement leurs livres, qui les lisait et qui suscitait un intérêt au sein de la communauté. Il semble que l'expérience ait été tout à fait différente dans les deux cas.
Le président: Monsieur Bonwick.
M. Paul Bonwick: Merci, monsieur le président.
• 1310
Deux ou trois membres ont discuté de notre rôle et j'allais en
discuter avec le dernier membre. Je conçois notre rôle de législateurs
et de parlementaires comme étant très simple, mais absolument vital
pour ce que l'on appelle notre identité canadienne. En termes simples,
nous avons la responsabilité fondamentale de faire en sorte que les
Canadiens aient la possibilité de lire des livres canadiens. Si nous
n'acceptons pas cette responsabilité, il ne nous reste plus qu'à
rentrer chez nous. Cela me préoccupe de constater qu'il n'y a pas de
députés réformistes qui posent des questions.
J'aimerais mentionner quelques...
Mme Sarmite Bulte: Ils dorment.
M. Paul Bonwick: Ils dorment—ou ils se préparent à poser des questions ce soir.
J'aimerais formuler une observation puis poser quelques questions. Selon ce que je constate, nous devrions faire part au ministre de l'Industrie de certaines préoccupations ayant trait au Bureau de la concurrence.
J'ai regardé avec intérêt comment la FTC exerçait son autorité et, ce qui est plus important, non seulement son autorité mais aussi—et le mot est important—sa responsabilité, afin d'assurer l'existence d'un environnement concurrentiel dans le marché américain. La FTC a exercé cette autorité, cette responsabilité et empêché une fusion.
Au cours des dernières années, j'ai constaté que le vis-à-vis de la FTC au Canada, soit le Bureau de la concurrence, a joué un rôle plus superficiel, se contentant d'observer plutôt que d'agir ou d'exercer son autorité et d'assumer la responsabilité qui lui incombe.
Je pense qu'il conviendrait d'envisager, à tout le moins, de faire part de nos préoccupations au ministre de l'Industrie et de lui demander d'examiner le mandat du Bureau de la concurrence, notamment son autorité et son contrôle relativement aux questions culturelles. Il arrive souvent que le bureau soit aux prises avec des questions plus globales—ou des questions qu'il juge plus globales dans des industries à plus grande échelle, comme par exemple l'industrie du pétrole ou des produits de l'automobile. Parfois, les questions culturelles, qui sont aussi importantes sinon plus importantes, sont mises de côté. Du moins c'est mon impression.
Pour revenir au fait que les Canadiens doivent avoir accès à des ouvrages canadiens, savez-vous quel pourcentage des ventes totales des librairies indépendantes correspond à des livres canadiens par opposition à des livres d'origine étrangère? Inversement—mais je ne sais pas si nos invités ont accès à cette information—savez-vous quel pourcentage des ventes totales des grandes librairies telles que Chapters correspond à des livres canadiens, par opposition à des livres étrangers?
Le président: Sheryl McKean.
Mme Sheryl McKean: Malheureusement, je n'ai pas ces chiffres. Toutefois, je peux vous garantir que j'aimerais connaître ces pourcentages, parce que je suis pas mal certaine de ce qu'ils nous apprendraient. Je vais essayer de les obtenir et je vous promets de vous les communiquer dès que je les aurai.
M. Paul Bonwick: Pourriez-vous les transmettre au greffier ou au président du comité, qui s'assurera que ces chiffres seront communiqués de façon appropriée?
Mme Sheryl McKean: Je serai heureuse de le faire.
Le président: Allez-vous chercher cette information vous-même?
Mme Sheryl McKean: Oui, nous allons le faire. Nous et d'autres personnes au Canada cherchons beaucoup d'information au sujet de notre industrie. Nous sommes un organisme à but non lucratif qui représente des libraires qui, dans certains cas, ont des magasins de moins de 500 pieds carrés. Par conséquent, nos ressources financière et autres aux fins d'études et de recherches sont extrêmement limitées. C'est un projet que nous aimerions voir mené conjointement par l'industrie et le gouvernement, et nous espérons proposer un bon plan à cette fin.
Mais dans l'immédiat—nous avons parlé du choix du moment, du «timing» il y a un instant—nous faisons tout ce que nous pouvons pour obtenir les meilleurs chiffres possibles et nous serons heureux de vous les communiquer.
Le président: Merci.
J'ai deux demandes, l'une de M. Shepherd et l'autre de M. Bélanger.
Monsieur Shepherd.
M. Alex Shepherd: Nous avons beaucoup discuté de Chapters. Je soupçonne que Chapters n'achète pas de livres à moins de pouvoir les vendre, et je soupçonne aussi que vos membres n'achètent pas de livres à moins de pouvoir les vendre.
Dans quelle mesure êtes-vous préoccupée par la façon dont l'industrie change? Vous n'avez jamais fait allusion à «Amazon.com». Il me semble que c'est le principal concurrent de Chapters. «Amazon.com» n'est pas au même niveau qu'un petit libraire.
• 1315
Je vis dans une région rurale. En fait, je vis dans une ferme qui
n'est pas proche d'une ville. En me servant de mon ordinateur, je peux
acheter un livre de Amazon.com ou de Chapters. J'imagine que si des
représentants de Chapters étaient ici, ils diraient que cette option
leur permet d'offrir une plus grande variété de livres, d'offrir un
plus grand nombre de livres canadiens à un plus grand nombre de
personnes qui en ont besoin.
Dans quelle mesure votre préoccupation est-elle liée à la façon dont l'industrie change, plutôt qu'à la façon dont Chapters fonctionne?
Mme Sheryl McKean: Pour répondre...
M. Alex Shepherd: En d'autres mots, les gens se servent de l'Internet pour acheter. Nous savons que cette industrie est en pleine expansion. Les gens disent que vous devez être présents à ce niveau, mais il me semble que vous n'êtes pas là. Par conséquent, comment conciliez-vous cela? Dans quelle mesure la préoccupation que vous formulez ici aujourd'hui, et qui est partagée par vos membres, est-elle plus liée à la technologie et à la façon dont la révolution technologique transforme les habitudes des gens qu'à l'intégration verticale de Chapters et de Pegasus?
Mme Sheryl McKean: L'aspect technologique de la situation nous préoccupe, mais ce n'est qu'un élément parmi d'autres, de la même façon que toute autre expansion d'entreprise constitue une préoccupation, une question, un défi. Notre industrie a dû s'adapter lorsque les gens sont passés du tiroir-caisse à la caisse enregistreuse, puis aux ordinateurs. Nos libraires indépendants ont dû s'adapter comme tous les autres commerçants. Cela fait partie de l'exploitation d'une entreprise et nous nous occupons de cette question. Un grand nombre de libraires indépendants ont des sites Web pour le commerce électronique.
La prochaine fois que vous serez à la maison, dans votre ferme, vous consulterez peut-être le site cbabook.com pour acheter un livre, parce que c'est le site de notre association. Ce site donne accès aux vendeurs indépendants sur le Web.
Mais le développement technologique n'est qu'un aspect mineur et nous nous en occupons. Je ne pense pas que notre approche soit dépassée. Nous sommes bien de notre époque et nous voulons être prêt pour l'avenir, et c'est la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui.
M. Alex Shepherd: Quel pourcentage du marché de gros Pegasus détient-il maintenant au Canada?
Mme Sheryl McKean: Je ne sais vraiment pas, parce que je m'intéresse plutôt à notre industrie. Cela dit, je sais que la plupart des détaillants indépendants ne font pas appel à Pegasus. Pour autant que je sache, Pegasus approvisionne principalement, sinon exclusivement, les succursales de Chapters.
M. Alex Shepherd: Mais vous avez dit que vos membres allaient être contraints de s'approvisionner auprès de Pegasus.
Mme Sheryl McKean: C'est exact.
M. Alex Shepherd: Seulement dans le cas des livres importés? Est-ce cela que vous êtes en train de dire?
Mme Sheryl McKean: Si Pegasus détient des droits de distribution exclusive pour les livres importés, oui.
M. Alex Shepherd: En d'autres mots, vous avez présentement le choix au sein du marché canadien pour ce qui est du grossiste.
Mme Sheryl McKean: À l'heure actuelle, oui. Toutefois, Pegasus contrôle, si je peux m'exprimer ainsi, plus de 50 p. 100 du marché de distribution, même en ce qui a trait aux titres d'auteurs canadiens.
M. Alex Shepherd: Mais il en est ainsi en raison du lien de Pegasus avec Chapters. Cela n'a rien à voir avec vous.
Mme Sheryl McKean: Absolument.
M. Alex Shepherd: Cela n'a absolument rien à voir avec votre industrie...
Mme Sheryl McKean: Non.
M. Alex Shepherd: ... parce que vous vous approvisionnez chez un autre grossiste.
Mme Sheryl McKean: Mais si, à un moment donné, Pegasus devient le seul distributeur de livres, parce qu'il contrôle plus de 50 p. 100 du marché, nous n'aurons d'autre choix que de nous approvisionner chez Pegasus ou de ne pas vendre le livre.
M. Alex Shepherd: Pouvez-vous vous approvisionner chez Pegasus? L'accès est-il restreint?
Mme Sheryl McKean: Non, nos membres pourraient acheter chez Pegasus.
Le président: Monsieur Bélanger.
[Français]
M. Mauril Bélanger: Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Je voudrais simplement cerner un peu plus la question, si vous me le permettez. J'ai assisté à une partie de votre assemblée générale annuelle à Toronto l'an dernier, et j'ai eu l'occasion de parler à différentes personnes. Certains détaillants indépendants reconnaissent avec réticence que l'arrivée de Chapters sur la scène a bouleversé l'industrie, mais que ce changement a du bon. Lorsque nous avons tenu notre caucus national à Halifax, je me suis rendu chez l'un des plus anciens détaillants indépendants au Canada, et celui-ci a aussi reconnu qu'il y avait du bon dans tout cela et que des libraires indépendants avaient apporté certaines améliorations à leur magasin en raison de la concurrence.
Je n'ai pas l'impression que votre préoccupation est liée à cet aspect. J'ai plutôt le sentiment qu'elle est liée à votre intervention du mois de mai, qui avait directement trait au fait que Chapters créait Pegasus à titre de grossiste détenu en propriété exclusive—plus précisément à 82 p. 100. J'aimerais m'arrêter sur cet aspect.
• 1320
J'ai lu la lettre que vous avez reçue du Bureau de la concurrence. Le
bureau a rejeté la comparaison faite avec les États-Unis au motif, si
je me souviens bien, qu'aux États-Unis il s'agissait d'une fusion,
tandis qu'ici Chapters créait essentiellement une nouvelle entité.
Il serait utile d'avoir une idée... en fait nous avons eu une idée de ce qu'est le secteur des grossistes au Canada. Toutefois, selon la présentation qu'on nous a faite, il y a douze membres de la Canadian Booksellers Association qui, ensemble, génèrent des ventes annuelles d'environ 100 millions de dollars, ce qui est peu comparé à l'ensemble de l'industrie. Y a-t-il un grossiste dominant, avant Pegasus, dans le réseau canadien de la vente en gros?
Mme Sheryl McKean: Non, il n'y en a pas. Toutefois, il ne faut pas non plus oublier qu'au Canada, contrairement à ce qui se passe aux États-Unis, les éditeurs vendent un grand nombre de leurs propres livres. Par conséquent, il y a plus souvent un intermédiaire aux États-Unis que ce n'est le cas au Canada.
M. Mauril Bélanger: Oui, mais il n'y a pas de grossiste dominant?
Mme Sheryl McKean: Non.
M. Mauril Bélanger: Donc, je suppose que certains pourraient faire valoir que Chapters est en train de créer un tel grossiste parce qu'il n'a pu en acheter un. Êtes-vous d'accord avec ce raisonnement ou ce point de vue?
Mme Sheryl McKean: Absolument. La question que je me poserais est: Pourquoi?
M. Mauril Bélanger: Effectivement. Monsieur le président, c'est là que les choses se corsent. Il conviendrait peut-être d'examiner cet aspect plus en détail avec ceux qui peuvent nous aider à le faire.
Avez-vous actuellement une idée de la part du marché de détail détenue par Chapters? J'entends dire que c'est au-delà de 50 p. 100. Avez-vous une idée du pourcentage?
Mme Sheryl McKean: Oui.
M. Mauril Bélanger: Seriez-vous prête à nous fournir cette information?
Mme Sheryl McKean: Oui. Je crois savoir que c'est 55 p. 100. C'est le chiffre qui est mentionné par les éditeurs avec qui je parle. Ils disent que c'est le pourcentage de livres qu'ils envoient à Chapters.
M. Mauril Bélanger: Merci.
J'ai entendu dire et j'ai lu que les éditeurs sont en train d'être coincés.
Mme Sheryl McKean: C'est vrai.
M. Mauril Bélanger: J'aimerais avoir plus de précisions. Je sais qu'il me reste très peu de temps, par conséquent je vais simplement vous dire ce que j'aimerais savoir. Comment les éditeurs sont-ils coincés et quel est le résultat de cette situation? Pegasus, c'est-à-dire Chapters, essaie-t-il de s'emparer du marché de l'édition en exerçant tellement de pression qu'il pourrait presque devenir aussi le distributeur exclusif des éditeurs canadiens?
Mme Sheryl McKean: Oui.
M. Mauril Bélanger: Une telle situation pourrait devenir délicate et je comprends pourquoi vous vous approvisionnez auprès de vos propres concurrents.
Si le comité reconnaît qu'il existe des préoccupations et un problème qui va en s'aggravant, il pourra vouloir se pencher sur la question de savoir quels correctifs peuvent être apportés. Devrions-nous recommander, et à qui, qu'aucun détaillant dominant ne puisse aussi être un grossiste dominant? Peut-être est-ce la solution, ou peut-être faut-il interdire les ententes exclusives avec les éditeurs canadiens. Quoi qu'il en soit, je pense qu'il faut trouver un mécanisme, une mesure concrète qui empêcherait l'effondrement de notre industrie du livre ou sa domination par un seul intervenant.
Comme mon temps est écoulé, je vous laisse, à vous et à nos invités, le soin de vous pencher sur ces observations.
Mme Sheryl McKean: C'est la raison pour laquelle nous sommes ici. Nous sommes ici pour faire en sorte qu'il y ait un cadre assurant une concurrence équitable au Canada et pour demander au gouvernement de revoir la réglementation sur les importations parallèles.
En ce qui a trait au fait que les éditeurs sont coincés, on nous mentionne souvent que Chapters dit aux éditeurs: «Nous représentons tel ou tel pourcentage de votre chiffre d'affaires. Par conséquent, vous devez nous consentir tel ou tel avantage.» Et Chapters obtient ce qu'il veut.
Je sais pertinemment que les éditeurs reçoivent des lettres de menace. Ils sont contraints de traiter avec Pegasus. La situation est très difficile pour nous, étant donné que nous disposons de cette information mais que, officiellement, nous ne représentons pas les éditeurs. Ceux-ci ont leurs propres associations, mais ces associations sont elles aussi coincées parce que leurs membres le sont. Comment peuvent-elles venir se plaindre de leur plus important client, quand elles savent qu'elles vont ensuite en subir les conséquences? C'est une situation très difficile pour tout le monde.
• 1325
Nous cherchons de l'aide. Nous sommes venus ici aujourd'hui et nous
avons parlé d'autres secteurs de notre industrie—les éditeurs, les
grossistes, les auteurs—parce qu'il s'agit d'une question qui touche
l'ensemble de l'industrie. Nous représentons véritablement les
libraires et ceux-ci sont préoccupés pour l'industrie et pour les
Canadiens.
Le président: Merci.
Avant d'ajourner, j'invite les députés à se pencher sur un point. Lorsque nous avons interrogé les représentants du ministère relativement à des études, nous n'avons pas obtenu de réponse à savoir quand ces études allaient être effectuées. Vont-elles être menées la semaine prochaine, dans un mois, dans trois mois, dans cinq mois? Nous ne le savons tout simplement pas. Ce processus sera très long, compte tenu de la façon dont les ministères doivent fonctionner. Je ne blâme personne, mais c'est ainsi que les choses se passent.
J'ai vérifié auprès du greffier. Je pense que nous avons suffisamment de fonds pour aller jusqu'au 31 mars. Voulez-vous qu'un ou deux consultants examinent les deux côtés de cette question, de façon qu'en février, lorsque nous reprendrons nos travaux, nous aurons des renseignements indépendants fournis par l'attaché de recherche, M. Jackson, peut-être avec l'aide de spécialistes? Ce document d'information nous servirait de point de départ en février?
M. Mauril Bélanger: Oui.
M. Paul Bonwick: Cela serait extrêmement utile. L'information fournie jusqu'à maintenant était dans une certaine mesure partiale, et ce des deux côtés. Par conséquent, l'obtention d'un point de vue indépendant et la recherche de données seraient utiles. Jusqu'à maintenant, il y a eu beaucoup de verbiage et très peu de présentation de documents et de statistiques. Par conséquent, nous nous trouvons dans une situation désavantageuse en l'absence de ce genre d'information. Compte tenu de la responsabilité qui nous incombe, il est essentiel de procéder de cette façon.
[Français]
Le président: Monsieur de Savoye.
M. Pierre de Savoye: Il serait malheureux qu'à la suite de deux présentations qui ont été extrêmement saisissantes sous plusieurs rapports, on se quitte sans qu'il y ait de lendemain. Je crois que votre recommandation est tout à fait dans la ligne de pensée qu'il faut poursuivre.
Le président: Si un des membres du comité pouvait faire une proposition de résolution très brève afin de donner à notre greffier et à M. Jackson l'autorisation de poursuivre cette question, on pourrait aller de l'avant.
M. Mauril Bélanger: J'en fais la proposition, monsieur le président.
Le président: Tout le monde est d'accord
[Traduction]
pour que nous ayons des consultants afin d'aider M. Jackson, sous réserve des fonds disponibles, à effectuer une recherche des faits pour donner suite aux questions soulevées aujourd'hui?
Des voix: D'accord.
Mme Wendy Lill: Je veux simplement mentionner un point. Mauril est arrivé à la toute fin avec...
M. Mauril Bélanger: J'ai été le dernier à prendre la parole.
Mme Wendy Lill: Il a été le dernier à prendre la parole, mais en un sens nous étions ici pour nous pencher sur l'arrivée en scène de Pegasus qui crée encore une pression plus grande au sein de l'industrie de l'édition et de la vente de livres. Je veux simplement m'assurer que cette question continuera d'être prioritaire si nous faisons effectuer des recherches. Nous sommes à même de constater l'impact injuste que Pegasus peut avoir au niveau de la concurrence, et il importe de ne pas perdre de vue cet aspect.
Le président: Nous ne le perdrons pas de vue.
Je vous remercie beaucoup. Nous vous sommes vraiment reconnaissants d'être venus ici.
La séance est ajournée.