JUST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent de la justice et des droits de la personne
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 13 février 2003
¿ | 0905 |
Le président (L'hon. Andy Scott (Fredericton, Lib.)) |
Mme Alison Huntley (recherchiste, L'église unie du Canada) |
Mme Choice Okoro ( agente de programme, Initiatives sur les droits de la personne et le réconciliation, Église unie du Canada) |
¿ | 0910 |
Mme Alison Huntley |
¿ | 0915 |
Le président |
Mgr André Gaumond (archevêque de Sherbrooke, membre de l'exécutif, Conférence des évêques catholiques du Canada, Conférence des évêques catholiques du Canada) |
Mme Marlene Smadu (membre du Bureau de Direction de l'organisme catholique pour la vie et la famille, Conférence des évêques catholiques du Canada) |
¿ | 0920 |
Mgr André Gaumond |
¿ | 0925 |
Mme Marlene Smadu |
Le président |
Mme Marlene Smadu |
Mgr André Gaumond |
Le président |
M. Bruce Clemenger (directeur, Centre pour la foi dans la vie publique, Alliance évangélique du Canada) |
M. Franklin Pyles (Alliance évangélique du Canada) |
¿ | 0930 |
M. Bruce Clemenger |
¿ | 0935 |
Le président |
Mme Jean Ferrari (« Canadian Christian Women Organization for Life ») |
¿ | 0940 |
¿ | 0945 |
Le président |
M. Vic Toews (Provencher, Alliance canadienne) |
¿ | 0950 |
Mme Marlene Smadu |
M. Vic Toews |
Le président |
Mme Alison Huntley |
Le président |
M. Bruce Clemenger |
Le président |
Mgr André Gaumond |
Le président |
M. Richard Marceau (Charlesbourg—Jacques-Cartier, BQ) |
¿ | 0955 |
Mgr André Gaumond |
M. Richard Marceau |
Le président |
M. Bruce Clemenger |
M. Richard Marceau |
Le président |
Mme Choice Okoro |
À | 1000 |
Le président |
M. Richard Marceau |
Le président |
M. Richard Marceau |
Le président |
Mme Jean Ferrari |
Le président |
M. Bruce Clemenger |
Le président |
Mgr André Gaumond |
Le président |
M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.) |
À | 1005 |
Mgr André Gaumond |
M. Bruce Clemenger |
M. Pat O'Brien |
Mme Alison Huntley |
À | 1010 |
M. Pat O'Brien |
Le président |
Mme Jean Ferrari |
M. Bruce Clemenger |
M. Pat O'Brien |
Le président |
M. Vic Toews |
Le président |
Mme Choice Okoro |
À | 1015 |
M. Vic Toews |
Mme Choice Okoro |
Le président |
M. Bruce Clemenger |
Le président |
Mme Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.) |
À | 1020 |
Mgr André Gaumond |
Le président |
M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ) |
À | 1025 |
Mgr André Gaumond |
M. Réal Ménard |
Mgr André Gaumond |
M. Réal Ménard |
Mgr André Gaumond |
M. Réal Ménard |
Mgr André Gaumond |
M. Réal Ménard |
Le président |
M. Bruce Clemenger |
Le président |
M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.) |
À | 1030 |
Mme Marlene Smadu |
Le président |
Mme Alison Huntley |
Le président |
M. Vic Toews |
À | 1035 |
Mme Marlene Smadu |
M. Bruce Clemenger |
Mme Choice Okoro |
M. Vic Toews |
Mme Choice Okoro |
M. Vic Toews |
Le président |
Mme Alison Huntley |
Le président |
Mme Hedy Fry |
À | 1040 |
M. Bruce Clemenger |
Mme Hedy Fry |
M. Bruce Clemenger |
Le président |
Mme Alison Huntley |
Le président |
Mme Jean Ferrari |
Le président |
M. Richard Marceau |
Le président |
Mgr André Gaumond |
À | 1045 |
Le président |
M. Bruce Clemenger |
Le président |
M. John McKay |
Mme Marlene Smadu |
Le président |
M. Bruce Clemenger |
Le président |
M. Svend Robinson (Burnaby—Douglas, NPD) |
À | 1050 |
Mgr André Gaumond |
M. Svend Robinson |
Mgr André Gaumond |
M. Svend Robinson |
Mme Marlene Smadu |
M. Svend Robinson |
Mme Marlene Smadu |
M. Svend Robinson |
Mgr André Gaumond |
Le président |
M. Bruce Clemenger |
Le président |
M. Pat O'Brien |
À | 1055 |
Le président |
Mgr André Gaumond |
Le président |
M. Richard Marceau |
Mgr André Gaumond |
Le président |
M. Bruce Clemenger |
Le président |
M. Réal Ménard |
Á | 1100 |
Le président |
M. Vic Toews |
Le président |
M. Vic Toews |
Le président |
M. Pat O'Brien |
Á | 1105 |
Le président |
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne) |
Le président |
Mme Hedy Fry |
Le président |
M. Kevin Sorenson |
Le président |
Á | 1110 |
M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Alliance canadienne) |
Le président |
M. Paul Harold Macklin (Northumberland, Lib.) |
Le président |
M. Richard Marceau |
Le président |
CANADA
Comité permanent de la justice et des droits de la personne |
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 13 février 2003
[Enregistrement électronique]
¿ (0905)
[Traduction]
Le président (L'hon. Andy Scott (Fredericton, Lib.)): Bonjour. Je déclare ouverte la 17e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous continuons notre étude du mariage et de la reconnaissance des unions de conjoints de même sexe.
Nous accueillons aujourd'hui des témoins de l'Église unie du Canada, de la Conférence des évêques catholiques du Canada, de l'Alliance évangélique du Canada et de la Canadian Christian Women's Organization for Life.
Je vais demander à nos témoins et aux membres du comité de faire preuve de modération dans le ton employé, si possible. C'est une question qui suscite beaucoup d'émotion et il faut être conscient de la sensibilité des autres, quand nous en parlons. Je ne dis pas ça pour étouffer le dialogue, mais simplement pour faire preuve de respect.
Sans plus tarder, je vais donner la parole à nos premiers témoins. Nous avons quatre groupes différents et deux heures de séance. Nous n'aurons donc pas beaucoup de temps et je serai plutôt sévère. Quand vous approcherez de la limite des 10 minutes, je vous le signalerai, probablement une minute avant la fin. Pour les groupes qui ont deux porte-parole, veuillez garder à l'esprit que 10 divisé par 2, ça donne 5, du moins, au Nouveau-Brunswick. Je ne voudrais pas avoir à interrompre quelqu'un à qui il ne reste que 30 secondes parce que le premier a pris trop de temps.
Je vais suivre l'ordre du jour, en commençant par l'Église unie du Canada, représentée par mesdames Choice Okoro et Alison Huntley. Vous avez la parole.
Mme Alison Huntley (recherchiste, L'église unie du Canada): Je suis ministre du culte de l'Église unie. Pour notre église, j'ai fait des recherches approfondies sur le mariage homosexuel en particulier, mais aussi sur les droits des gais, des lesbiennes et des bisexuels au sein de notre église. Et j'ai préparé de la documentation pour l'église.
Mme Choice Okoro ( agente de programme, Initiatives sur les droits de la personne et le réconciliation, Église unie du Canada): Je m'occupe des droits de la personne, y compris les droits des Autochtones, l'égalité sexuelle, la paix et la sécurité ainsi que les droits des gais, des lesbiennes et des bisexuels. Je vais commencer par vous présenter le contexte tel que nous le voyons, puis Alison parlera du mariage plus en détail. Je vais donc d'abord vous présenter le contexte en matière de justice et de droits de la personne relativement à l'orientation sexuelle.
L'Église unie du Canada défend l'égalité des droits des gais et lesbiennes dans la société canadienne, ce qui signifie que la théologie et la pratique de l'Église unie lui permettent de bénir les unions des couples homosexuels. Par conséquent, nous demandons au comité permanent de recommander que le gouvernement fédéral adopte un cadre législatif permettant la même reconnaissance civile des couples hétérosexuels et homosexuels. C'est très clair à nos yeux.
L'Église unie est la plus vaste confession protestante du Canada, avec plus de trois millions de membres et adhérents. Elle a été fondée en 1925 par l'union des églises méthodistes, des églises congrégationalistes et de 70 p. 100 des églises presbytériennes au Canada. On compte à l'heure actuelle plus de 3 500 Églises unies au Canada. Notre doctrine est présentée dans deux documents, soit La Base de l'Union, de 1925 et Article de foi, de 1940. De plus, notre Confession de foide 1968 est une affirmation de foi très répandue dans le cadre de nos offices religieux. En tant que membres d'un même corps du Christ, nous reconnaissons notre patrimoine de réforme et l'enseignement des croyances de l'ancienne Église. Notre appartenance au Conseil oecuménique des Églises nous permet d'entretenir des liens avec une confrérie mondiale d'églises « qui reconnaissent le Seigneur Jésus Christ comme étant Dieu et notre Sauveur conformément aux écritures ». La Confession de foi de 1940 nous rappelle que « la foi de l'église repose dans l'Évangile du saint amour rédempteur de Dieu envers Jésus Christ. » On y déclare également que chaque nouvelle génération est appelée à énoncer de nouveau cet évangile « selon la pensée de son temps et avec l'accent que lui dicte son âge ».
Le Conseil général est l'organe directeur de l'Église unie du Canada. Ses membres sont des laïcs et des ministres ordonnés qui sont élus par groupes d'Églises et qui représentent toutes les régions du Canada. Les décisions prises par les membres élus du Conseil général deviennent la politique de l'Église régissant les questions de vie interne et de politique officielle qui la concernent.
Depuis le milieu des années 70, les Conseils généraux de l'Église unie se sont prononcés sur le besoin d'assurer le droit à l'égalité des gais et lesbiennes au sein de l'Église et de la société canadienne et ils ont pris des mesures à cet égard. En 1984, nous avons affirmé notre acceptation de tous les êtres humains comme étant des individus créés à l'image de Dieu, et ce, peu importe leur orientation sexuelle. En 1988, l'Église affirmait que toutes les personnes professant leur foi en Jésus Christ, indépendamment de leur orientation sexuelle, pourraient être ordonnées ministres. En 1992, le Conseil général décidait de mettre les ressources liturgiques et pastorales à la disposition des congrégations lors des mariages homosexuels. En 1997, le 37e Conseil général adoptait une résolution exigeant que les conférences régionales de l'Église unie incitent tous les syndicats et associations de professeurs à offrir un enseignement sur les questions relatives aux gais, aux lesbiennes et aux personnes bisexuelles dans le but d'encourager la tolérance. À cette fin, l'Église unie a publié récemment un ouvrage sur les jeunes, intitulé Action Resources for United Church Congregations. En 1999, l'Église unie comparaissait devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne pour appuyer le projet de loi C-23, intitulé Modernisation des avantages et des obligations, dans le but d'exprimer de façon tangible son engagement envers l'égalité des relations hétérosexuelles et homosexuelles. En 2000, on a affirmé dans le cadre du 37e Conseil général de l'Église unie que l'orientation sexuelle, peu importe qu'elle soit hétérosexuelle ou homosexuelle, est un don de Dieu et fait partie de l'étonnante diversité de la création.
¿ (0910)
Mme Alison Huntley: L'Église unie célèbre chaque année plus de 15 000 mariages au Canada. On inclut dans ce nombre les échanges de voeux entre les couples homosexuels. Des points de vue théologique et liturgique, l'Église unie comprend que les couples hétérosexuels et homosexuels bénéficient des mêmes droits et responsabilités. En 2000, le Conseil général décidait de se consacrer à la reconnaissance civile des relations homosexuelles.
L'Église unie du Canada a fait plusieurs déclarations au sujet du mariage. Avant 1980, on désignait le mariage comme l'union d'un homme et d'une femme. Par la suite, on déclarait lors du 30e Conseil général de 1984 que la vie et l'oeuvre de Jésus prouvaient ce qu'il signifiait d'être un véritable être humain créé à l'image de Dieu. L'essentiel de la relation consiste à aimer son partenaire en s'oubliant totalement. En 1988, le Conseil général affirmait que les relations à vie—et remarquez qu'on évite d'employer le terme « mariage »— doivent être fidèles, responsables, justes, aimantes, saines, énergisantes et soutenantes pour la communauté et pour soi-même. Cela implique que ces normes concernent autant les couples hétérosexuels qu'homosexuels alors que l'Église unie en est venue à reconnaître que les gais et lesbiennes sont prêts à prendre les mêmes engagements perpétuels que ses membres hétérosexuels et à prononcer des voeux solennels envers le groupe confessionnel qui les soutient dans leur engagement.
Étant de confession protestante, l'Église unie appartient à la tradition chrétienne qui ne considère pas le mariage comme un sacrement et dont la procréation n'est pas un élément de définition. L'Église ne condamne pas non plus les gens qui décident de divorcer. Les personnes divorcées reçoivent la communion de l'Église et peuvent se remarier. Néanmoins, l'Église unie accorde une importance extrême au caractère sérieux des voeux prononcés devant Dieu et en présence de témoins. L'Église incite fortement les congrégations à aider les couples à se préparer à la vie commune, et elle leur offre des conseils et des cours d'enrichissement.
La décision politique la plus récente du Conseil général reconnaissant les relations des couples homosexuels fut prise en 2000. Comme on l'a déjà dit, lors de cette réunion du Conseil général, l'Église a adopté la politique devant consacrer la reconnaissance civile des partenaires de même sexe et permettre de déployer des efforts en ce sens. Par conséquent, les congrégations de l'Église unie commencent à inscrire des unions de couples homosexuels dans leurs registres de mariage et à adresser ces inscriptions aux gouvernements provinciaux en vue d'obtenir les licences de mariage.
Au sujet des options présentées dans le document de travail, l'Église unie s'oppose à la première option, selon laquelle le mariage devrait demeurer une institution hétérosexuelle. Alors qu'elle offre la possibilité d'élaborer une loi régissant l'union civile ou les partenariats domestiques à l'intention des couples homosexuels, une autre solution qui équivaut au mariage, mais qui porte un autre nom, implique une séparation qui n'assurerait pas un statut égal aux couples homosexuels. Comme on l'a mentionné précédemment, l'Église unie appuie la reconnaissance civile des unions homosexuelles pour s'assurer qu'on accorde aux couples homosexuels la même valeur qu'aux unions hétérosexuelles. Un registre civil distinct ne permettrait pas de calmer les inquiétudes que les couples homosexuels ou l'Église unie entretiennent à l'égard des droits et de l'égalité. L'histoire a démontré que la notion de « distinct mais égal » est fallacieuse. En réalité, l'existence de deux systèmes reposant sur cette notion pourrait entraîner une discrimination plus intense, plus ciblée et plus précise. Par conséquent, l'Église unie ne souscrit pas à cette option.
L'Église unie est en faveur de l'option permettant de modifier le mariage pour inclure les couples homosexuels. L'Église unie a constaté que bien des prétendus points de repère qui permettent de limiter le mariage aux couples hétérosexuels n'excluent pas les couples homosexuels. On ne peut plus invoquer la procréation pour définir la dynamique du mariage dans la société occidentale. Certains peuvent alléguer qu'en incluant les couples homosexuels, on compromet la notion sociale de la famille. L'Église unie s'efforce d'encourager la diversité des familles qui offrent un environnement sûr et qui sont propices à l'éducation, à la croissance et au développement tout en contribuant à l'épanouissement spirituel, social, psychologique, sexuel, physique et économique de ses membres.
L'Église unie ne s'est jamais vraiment penchée sur la proposition de laisser le mariage aux religions, et on pourrait proposer au contraire de laisser la reconnaissance civile du mariage, en tant qu' institution, aux gouvernements tandis que les groupes religieux célébreraient les mariages et les relations homosexuelles à leur guise, sans exclure des différences dans les façons de faire, d'un groupe religieux à l'autre. Nous estimons que cette option offrirait de multiples possibilités.
¿ (0915)
L'Église unie demande donc au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de recommander au gouvernement fédéral d'adopter un cadre législatif accordant une reconnaissance civile identique aux couples hétérosexuels et homosexuels, afin que de la définition du mariage s'applique aux deux.
Merci.
Le président : Merci beaucoup.
Nous entendrons maintenant Monseigneur André Gaumond et Mme Marlene Smadu, de la Conférence des évêques catholiques du Canada.
[Français]
Mgr André Gaumond (archevêque de Sherbrooke, membre de l'exécutif, Conférence des évêques catholiques du Canada, Conférence des évêques catholiques du Canada): Bonjour.
La Conférence des évêques catholiques du Canada remercie le Comité permanent de la justice et des droits de la personne pour l'invitation lui permettant de comparaître ici aujourd'hui.
Les évêques catholiques du Canada ont la charge pastorale de quelque 12,5 millions de catholiques regroupés dans 71 diocèses à travers le pays. La très grande majorité des adultes catholiques sont des couples mariés. L'Église catholique possède une très vaste et précieuse expérience à l'égard du mariage, un des sept sacrements institués.
Les membres de notre clergé célèbrent environ 35 000 mariages chaque année et sont impliqués avec les laïques dans des sessions de préparation au mariage, des groupes de suivi à la vie en mariage et des services de consultation matrimoniale.
Nous sommes ici aujourd'hui pour renforcer le maintien de la reconnaissance du mariage comme l'union légitime d'un homme et d'une femme, à l'exclusion de toute autre forme d'union. Nous croyons que les fins et les caractéristiques fondamentales du mariage sont le bien du couple, la procréation et l'éducation des enfants. Ces fins font du mariage un bien irremplaçable pour la société. De plus, le mariage possède une dimension anthropologique, personnelle, sociale et religieuse dont les racines s'entrecroisent profondément dans notre histoire et notre culture.
J'ai oublié de mentionner que vous avez le texte du rapport devant vous. Nous essayons d'en faire une synthèse en présentation orale.
[Traduction]
Mme Marlene Smadu (membre du Bureau de Direction de l'organisme catholique pour la vie et la famille, Conférence des évêques catholiques du Canada): Le mariage est fondé sur des présupposés anthropologiques bien définis et ancrés dans l'être personnel de la femme et de l'homme. Parmi ces présupposés, se retrouvent : l'être humain en tant qu'être social et son désir d'entrer en relation; l'égalité entre la femme et l'homme; le caractère complémentaire et mutuel des deux sexes; et l'amour de l'autre, sexuellement différent et complémentaire. La sexualité est fondamentalement relationnelle. C'est une force créatrice d'ouverture à la communion. Cette force créatrice de la sexualité produit la vie en ce qu'elle crée des êtres nouveaux. L'amour d'une femme et d'un homme dans sa nature sexuelle est un don de vie qui porte fruit. L'enfant en est le fruit ultime.
Au sujet de la dimension personnelle du mariage, plus que l'établissement d'une relation d'intimité sexuelle exclusive, il appelle l'homme et la femme à s'aimer l'un l'autre toujours plus en vérité, toujours plus intensément et à construire comme couple et avec leurs enfants une réelle communauté d'amour comme celle qui existe en Dieu, et entre Dieu et l'humanité. C'est à cette profondeur d'amour que s'enracine le sacrement de mariage : un amour qui tend vers le maximum d'union, le maximum de respect pour l'autre, le maximum d'intimité—« être avec »—et le maximum de différence—« tu es unique ».
Parlons maintenant de la dimension sociale du mariage. Émergeant et s'enracinant dans le mariage, la famille, quant à elle, fournit un milieu stable et le lieu le plus propice à la prise en charge des enfants et à l'éducation des générations futures. Le mariage assure la stabilité psychologique et affective indispensable aux enfants. C'est au sein d'une famille que se fait l'apprentissage de la socialisation et de l'éducation à l'amour de celles et ceux qui constitueront la société de demain. En fait, le recensement de 2001 démontre que 68 p. 100 des enfants âgés de 0 à 14 ans habitent avec leurs parents mariés; 13 p. 100 vivent avec des parents en union libre et 19 p. 100 ne vivent pas avec leurs deux parents. Comme le disait le juge Gonthier dans la cause Walsh :
L'importance fondamentale du mariage réside, entre autres, dans son rôle primordial dans la procréation humaine et dans sa capacité d'offrir aux enfants et aux parents un cadre favorable pour développer des valeurs au sein de la famille. La vie familiale et l'éducation des enfants dans ce contexte sont fondamentales dans notre société. Le mariage et la vie familiale ne sont pas des inventions du législateur; le législateur ne fait que reconnaître leur importance sociale. |
Nous savons bien que ce ne sont pas tous les couples mariés qui ont des enfants, que les enfants ne naissent pas tous au sein d'un mariage et que tous les mariages ne fournissent pas un environnement stable et éducatif aux enfants. Nous reconnaissons également qu'avec l'aide des nouvelles technologies et l'intervention d'un tiers du sexe opposé, les unions entre partenaires de même sexe peuvent avoir des enfants. Toutefois, les exceptions n'invalident pas la preuve d'une règle. Les pratiques individuelles ne déterminent pas les raisons d'être d'une institution telle que le mariage—institution jouant un rôle sociétal aussi fondamental que ce dernier. Quels que soient les courants idéologiques, les tendances sociales de l'heure et les nouvelles possibilités des technologies, il demeure que la réalité biologique inhérente au mariage entre une femme et un homme, à savoir qu'un enfant puisse être conçu, reste inchangée.
¿ (0920)
[Français]
Mgr André Gaumond: Le mariage est à la fois l'expression d'un engagement personnel et profond entre une femme et un homme qui s'aiment, mais aussi l'expression d'un engagement social sérieux d'un couple envers la société et de la société envers le couple. Le mariage entre une femme et un homme constitue la cellule de base de la société, le noyau sociétal duquel naissent et sont élevés les enfants.
C'est en raison de ce rôle irremplaçable des couples mariés dans la mise au monde et la prise en charge d'enfants que la société, en retour, s'engage à les reconnaître et à les protéger. Cette réciprocité comporte des conséquences aux niveaux démographique, social, intergénérationnel et économique que nous ne pouvons écarter, comme société, sans nous mettre en péril.
M. le juge Pitfield, confirmant la décision de la Cour suprême de la Colombie-Britannique en octobre 2001 de garder l'exigence du sexe opposé dans le mariage, exprimait ainsi cette dimension sociale. Je cite:
L'État a de toute évidence raison d'accorder reconnaissance, préférence et préséance--eu égard à sa nature et à sa spécificité--à ce fondement social juridique, grâce auquel perdure la société. |
Le mariage est aussi, et nous le savons, un engagement public contracté entre une femme et un homme qui est chargé d'un sens profond dans toutes les croyances religieuses, et pour les catholiques que nous sommes, le mariage est aussi un sacrement qui signifie l'union du Christ et de l'Église.
L'amour entre un homme et une femme est le signe humain de leur affectivité et de leur volonté, de leur intelligence et de leur mémoire. Dans son sens fondamental, le mot « sacrement » veut dire « signe ». Il prend forme par le serment, l'affirmation solennelle, la promesse. En fait, l'Église a reconnu que l'amour conjugal entre une femme et un homme, qu'ils soient chrétiens ou non, est un signe sacré de l'amour de Dieu et de la possibilité de la pleine communion humaine. Depuis les tout débuts de l'Église, les disciples du Christ ont insisté pour que la réalité humaine du mariage soit l'expression de leur foi.
Voici quelques réponses à des approches possibles telles que proposées dans le document. La première est celle-ci: « Le mariage pourrait demeurer une institution visant deux personnes de sexe opposé ».
Les évêques du Canada, comme pasteurs responsables de l'Église catholique, veulent le maintien du mariage comme institution entre personnes de sexe opposé. Nous déclarons que le mariage est ce lien unique et exclusif entre une femme et un homme dont l'amour éclate en fécondité jusque dans la mise au monde d'enfants. Nous croyons que la transmission de génération en génération de l'amour matrimonial mille fois communiqué d'un couple à un autre couple, d'une famille à une autre famille, est l'indubitable évidence de la grandeur et de la grâce du mariage. Il mérite le soutien et la protection de la société et de l'Église.
Nous savons qu'il existe d'autres types de rapports personnels entre adultes qui impliquent un engagement, comportant des facteurs de prestation de soins et d'interdépendance économique et affective. Si vous devez répondre aux préoccupations concernant les autres rapports d'interdépendance entre adultes, nous vous demandons de le faire de manière à respecter leur dignité humaine sans pour autant redéfinir radicalement et ainsi invalider l'institution fondamentale et irremplaçable du mariage.
La deuxième est celle-ci: « Le mariage pourrait englober les unions de conjoints de même sexe ».
C'est pour nous une option irrecevable parce que la procréation, comme nous l'avons dit, est une des fins du mariage.
¿ (0925)
[Traduction]
Mme Marlene Smadu: Une question revient souvent dans les discussions : comment le fait d'octroyer aux partenaires de même sexe le droit légal de se marier porte-t-il atteinte au mariage entre personnes de sexe opposé? Le mariage est un engagement à la fois personnel et social. C'est un fait établi que celui-ci est non seulement un engagement personnel mais également un engagement social à contribuer à l'avenir de la société, dans le fait d'avoir et d'éduquer des enfants. Permettre aux partenaires de même sexe de se marier changerait la définition du mariage de telle sorte que ce ne serait plus un mariage puisque, par définition, le mariage est une union entre une femme et un homme. Comme le disait M. le juge Pitfield dans l'arrêt en Colombie-Britannique cité plus haut : « La seule question c'est : si le mariage doit être ou non modifié en une chose qu'il n'est pas, de telle sorte d'y inclure d'autres types de relations ».
Il importe d'étudier les lois non seulement en fonction de leur incidence sur les individus...
Le président : Madame Smadu, vous avez largement dépassé votre temps de parole. Vous en êtes-vous rendu compte? J'essayais d'attirer votre attention. Je vous prie de bien vouloir conclure.
Mme Marlene Smadu : Je cède la parole à l'archevêque.
[Français]
Mgr André Gaumond: La troisième option, en deux mots, est celle-ci: « Avec la collaboration des provinces et des territoires, le Parlement pourrait laisser le mariage aux institutions religieuses ».
C'est un concept qui est assez révolutionnaire et qui demanderait beaucoup de délibérations et de recherches. Il nous semble toutefois un peu surprenant, car il ferait du Canada un des seuls pays à ne pas avoir le mariage civil à l'intérieur de sa législation.
Je termine en vous remerciant beaucoup de votre invitation et de votre accueil.
[Traduction]
Le président : Merci beaucoup.
La parole est maintenant à l'Alliance évangélique du Canada, représentée par Bruce Clemenger, directeur, Centre pour la foi dans la vie publique, et par M. Franklin Pyles. Encore une fois, je vous prie de vous en tenir à 10 minutes.
M. Bruce Clemenger (directeur, Centre pour la foi dans la vie publique, Alliance évangélique du Canada): L'Alliance évangélique du Canada est heureuse de comparaître devant vous aujourd'hui. Je m'appelle Bruce Clemenger. Je suis accompagné de M. Franklin Pyles, président de la Christian and Missionary Alliance, l'une des 33 confessions affiliées à l'Alliance évangélique du Canada qui représente 5 300 églises.
Essentiellement, ce débat porte sur la conservation des moyens sociaux, culturels, religieux et juridiques pour faciliter le lien sexuel exclusif à long terme, entre un homme et une femme. Il porte aussi sur l'engagement de la société qui désire offrir aux enfants un environnement stable et dévoué dans lequel ils peuvent connaître et vivre leur patrimoine biologique et social. Le mariage est l'institution de choix pour créer des liens hétérosexuels, ainsi que l'environnement idéal pour procréer et élever des enfants.
M. Franklin Pyles (Alliance évangélique du Canada) : Je vous parle aujourd'hui en tant que pasteur et au nom des pasteurs de notre confession, qui fait partie de l'Alliance évangélique du Canada. J'aimerais exprimer brièvement notre point de vue sur l'institution du mariage.
Jésus a jeté les bases du point de vue chrétien sur le mariage lorsqu'il a parlé de sa nature permanente, qu'il a cité la Genèse et interprété ce qui en découle pour le mariage. J'aimerais en aborder trois aspects. Premièrement, de la parole de Jésus, nous apprenons que Dieu a créé une relation d'interdépendance entre hommes et femmes et qu'il a créé le mariage comme institution permettant aux deux d'être unis physiquement, émotionnellement et spirituellement et de profiter du résultat de leur interdépendance. Ainsi, le mariage offre notamment une compagnie et un attachement émotionnel et constitue le contexte social, culturel et religieux de la relation conjugale, exclusive aux hommes et aux femmes. Cette union entre un homme et une femme se distingue d'autres formes d'interaction sociale et décrites dans la Bible, comme ne formant qu'une seule chair.
Deuxièmement, la relation conjugale est essentiellement un acte procréatif. Le mariage encourage la procréation. C'est l'environnement où la procréation doit avoir lieu. Je reviendrai là-dessus dans un instant.
Troisièmement, le mariage est le contexte où se crée le lien entre les enfants et leurs parents biologiques. Ce lien comprend le soutien émotionnel réciproque, ainsi que le soutien matériel, dans de nombreuses cultures. En d'autres mots, les parents s'occupent de leurs enfants et les enfants s'occupent des parents lorsque ceux-ci deviennent vieux.
Toutes les principales religions du monde, toutes les cultures et toutes les sociétés reconnaissent, depuis des siècles, le mariage comme étant l'union d'un homme et d'une femme. Cette vision unificatrice de la structure du mariage n'est pas exclusivement religieuse. Mme Katherine Young, PHD, a effectué un sondage sur les cultures et les religions du monde à grande et à petite échelle, et elle a constaté que le fait que les partenaires d'un mariage soient de sexe opposé est une des conditions universelles fondamentales du mariage, parmi toutes les cultures et religions.
On parle souvent du mariage comme étant une institution, et j'aimerais faire une métaphore et affirmer que le mariage est une institution vivante. Ce n'est pas un concept stérile et vide mais vivant, parce que, en son sein, la vie est générée et encadrée. Ainsi, il ne s'agit pas de ce qu'un homme et une femme font ensemble, il ne s'agit pas d'un simple concept, mais plutôt d'un idéal, d'une institution, d'un moyen d'unir un homme et une femme dans une relation exclusive de nature sexuelle et intime, une union à long terme où les deux personnes homme et femme, ne font qu'un. Certains mariages prennent fin et parfois, les mariages sont frappés d'infidélité, mais le mariage vise à favoriser l'établissement d'un lien hétérosexuel exclusif et à long terme. L'union sexuelle d'un homme et d'une femme est la seule relation naturelle qui permet d'engendrer des enfants. Même si ce ne sont pas tous les couples mariés qui ont des enfants, tous les enfants sont nés d'une union entre un homme et une femme, et le mariage produit habituellement des enfants.
¿ (0930)
M. Bruce Clemenger : En plus d'être une institution sociale, culturelle et religieuse, le mariage a été reconnu par la loi et par les politiques gouvernementales. Les gouvernements et les tribunaux ne sont pas les créateurs du mariage. À l'extérieur du Canada, aucun tribunal au monde n'a jugé que le maintien de la définition du mariage comme une union hétérosexuelle violait des droits fondamentaux de la personne. Au pays, il y a eu cinq décisions prises par des tribunaux inférieurs, dont trois ont affirmé la définition hétérosexuelle du mariage. Les gouvernements partout dans le monde ont reconnu le rôle important et les besoins uniques du mariage. Ils ont établi une distinction en droit et offert un traitement différent au mariage, comparativement aux autres formes de cohabitation.
En termes de chiffres, c'est le mariage qui a la forme la plus populaire pour créer une famille. Dans la majorité des familles (70 p. 100), les parents sont mariés. Les mariages durent, en général, deux fois plus longtemps que les unions de fait. Le mariage est un environnement plus sûr pour les femmes et pour les enfants. Les risques de violence conjugale sont moins élevés chez les couples mariés. Les enfants qui vivent avec les deux parents biologiques mariés seront beaucoup moins négligés ou violentés, courant deux fois moins le risque d'être témoins de violence familiale, de négligence et de sévices.
Les caractéristiques uniques du mariage en font la forme de lien hétérosexuel la plus souhaitable aux fins de la procréation, l'éducation et l'encadrement des enfants. Lorsque la nature distincte du mariage a été diluée par des modifications apportées à la politique envers le mariage ou envers le traitement réservé aux autres relations, le taux de mariage au Canada a amorcé un long déclin. La nature différente et unique du mariage en tant qu'institution sociétale doit être maintenue par voie législative et dans les politiques publiques, à défaut de quoi nous craignons que le déclin du taux de mariage ne se poursuive, avec toutes les conséquences sociales négatives qui en découlent.
L'une des tendances dans la redéfinition du mariage consiste à critiquer ce que d'aucuns considèrent comme des inégalités. La protection qu'accorde la reconnaissance juridique d'autres groupes n'exige pas une nouvelle définition du mariage. Le pluralisme se fonde sur la capacité de reconnaître les différences entre les objets et les relations. Une définition sert à établir une distinction afin de préserver le caractère essentiel d'une chose. Sans les mots pour décrire ces différences, nous contribuerons à l'érosion de la diversité du pluralisme. La définition même du mariage le distingue des autres formes de relations. Dans la tentative de redéfinir le mariage, l'approche prédominante consiste à le définir du point de vue de ses fonctions et de considérer ensuite comme un mariage toute forme de relation qui remplit les mêmes fonctions, en tout ou en partie. Si le mariage est restructuré à l'aide d'une approche fonctionnelle, quelles seront les relations intégrées au mariage? Sur quels critères de politique officielle nous fondrons-nous pour inclure les relations entre gais ou lesbiennes dans le mariage et pour exclure d'autres types de relations domestiques de cette institution? La Commission du droit du Canada a recommandé une hausse importante du nombre et des formes de relations entre adultes reconnues par l'État. Ces relations se caractérisent par des soins réciproques, par un profond engagement et les différents aspects d'interdépendance--affective et économique. Jusqu'où élargira-t-on cette catégorie?
En outre, nous nous inquiétons vivement des conséquences d'une restructuration du mariage au nom de la liberté religieuse. Si l'on choisit cette option, les groupes religieux seraient contraints de militer pour une protection additionnelle de la liberté de religion pour se prémunir contre ceux qui ne reconnaissent pas le mariage homosexuel. Les membres du clergé célèbrent les mariages en tant qu'agents de leur gouvernement provincial. Certains ecclésiastiques, pour des raisons de conscience, refuseraient de célébrer certains mariages dans un système qui reconnaît des mariages autres que l'union exclusive d'un homme et d'une femme. La plupart des autres craignent que, à titre d'agent de leur gouvernement provincial, ils n'auraient plus le droit d'invoquer leur conscience et leur liberté religieuse et de refuser de marier des personnes du même sexe, car cette décision ferait l'objet d'une contestation en vertu des dispositions des droits de la personne et en vertu de la Charte. Quatre-vingt-quatorze pour cent environ des mariages ontariens et 76 p. 100 environ des mariages à l'échelle nationale sont célébrés par des membres du clergé.
Plutôt que de réinventer le mariage, les gouvernements devraient confirmer l'institution et offrir à celle-ci le soutien juridique et économique dont elle a besoin. Le mariage comme étant l'union d'une femme et d'un homme, doit demeurer une institution distincte au niveau social, culturel et juridique, car c'est l'environnement le plus fiable, le plus stable et le plus populaire pour créer des liens hétérosexuels et pour procréer et élever des enfants. En restructurant le mariage pour le limiter à l'expression d'une engagement entre adultes, nous ne renforcerons pas le mariage tel que nous le connaissons. Depuis que, dans les lois et les politiques gouvernementales, le caractère distinct du mariage se détériore, le taux de mariage au Canada a continuellement baissé. Le fait de redéfinir le mariage pour englober tout type d'engagement entre deux personnes minera davantage le caractère distinct du mariage. Ceux qui désirent réinventer le mariage devraient avoir l'obligation de montrer les conséquences sociales positives d'une telle définition.
Nous sommes en faveur de l'inclusion, dans la législation fédérale, d'une définition explicite du mariage comme une union entre un homme et une femme, à l'exclusion de tout autre type d'union. Si l'on remplace l'institution du mariage par un registre de l'État civil pour les relations conjugales, le mariage ne pourrait plus être encouragé ou protégé par voie législative ou dans les politiques gouvernementales. La reconnaissance juridique de l'institution sociale, culturelle et religieuse disparaîtrait. Nous craignons qu'il y aurait moins de mariage. Pour rendre efficaces les politiques gouvernementales, les législateurs doivent faire des distinctions. Ils devront tenir compte des implications d'un cadre stratégique comme celui prévu par l'option no 3, qui ne reconnaît que l'union civile de plusieurs adultes.
Je vous remercie.
¿ (0935)
Le président : Merci beaucoup.
Et maintenant, je cède la parole à Jean Ferrari, de la Canadian Christian Women's Organization for Life. Vous avez dix minutes.
Mme Jean Ferrari (« Canadian Christian Women Organization for Life ») : Monsieur le président, membres du comité, j'espère que, une fois que j'aurai terminé, vous n'aurez pas l'impression que je suis passée du sublime au grotesque. Je vous remercie de nous avoir donné l'occasion d'exprimer notre point de vue, mais d'abord, permettez-moi de me présenter.
Je suis médecin, diplômée en santé publique, et spécialisée en médecine interne. Pendant 26 ans, j'ai travaillé pour le gouvernement, aux services médicaux de l'immigration, à l'époque où ce service était bon. Depuis mon départ à la retraite, je me tiens à jour des nouveautés dans ma profession en suivant des cours de médecine et en participant à des conférences sanitaires internationales. Par ailleurs, je suis les travaux des Nations Unies.
Si l'on modifie la définition du mariage de façon à y inclure les unions entre personnes de même sexe, nous déstabiliserons la société en affaiblissant son fondement, la famille, qui était définie, dans le Programme d'habitat humain 1996, comme l'unité sociale de base. Dans les prochaines minutes, je vais tenter de vous expliquer comment cela se produira en me fondant sur des faits scientifiques. Certains de mes propos peuvent ne pas convenir aux oreilles sensibles, vous comprendrez donc ma réticence.
Essentiellement, il y a trois choses qui sont essentielles à la vie : L'air, la nourriture et l'eau. La sexualité telle que conçue par le Créateur aux fins de la survie de l'espèce occupe sa juste place. Malheureusement, au cours du dernier siècle, c'est devenu une obsession chez beaucoup de monde. Par conséquent, la sexualité est facilement accessible sur le Web, à la télévision, dans la société de consommation et dans la chambre à coucher, bien que cela ne soit pas et n'ait jamais été nécessaire à la vie. Le fait d'en exagérer l'importance menace notre civilisation, qui pourrait subir le même sort qui s'est abattu sur les empires romain et grec. Je m'explique.
Les relations sexuelles à outrance sont périlleuses. On y risque la rupture de la famille, et l'on court le danger de contracter des maladies comme le cancer des organes génitaux liés au virus du papillome et le VIH/sida, maladie endémique sans remède en vue. Les médicaments qui aujourd'hui prolongent la vie des patients n'y éradiquent pas le virus à l'origine du sida, et il n'existe aucun vaccin efficace. La possibilité de mettre au point un tel vaccin est discutable, et si vous voulez en parler, peut-être pourrons-nous y revenir pendant les questions.
D'aucuns disent que l'usage des condoms protège contre les maladies vénériennes. Dans un article intitulé « A Treatment for Teen Sex » publié dans l'édition du 7 octobre 2002 de la revue Time, il est question du Dr Patricia Sulak, obstétricienne gynécologue, qui encourageait l'utilisation des condoms dans le cadre de sa pratique jusqu'au jour où son fils a commencé un cours d'éducation sexuelle à l'école. On aurait demandé au Dr Sulak de jeter un coup d'oeil sur le programme du cours. Elle a été à ce point estomaqué par l'information scientifique qu'on n'y présentait qu'elle a entrepris de rédiger à neuf le programme du cours et, ce faisant, elle s'est mise à promouvoir l'abstinence comme le seul moyen sûr de prévenir la maladie vénérienne. Son programme est devenu si populaire qu'il a été adopté dans 44 États et le Dr Sulak recevra cette année un prix de la American Society of Obstetricians and Gynecologists. L'article de la revueTime faisait aussi état des commentaires de l'un des collègues contrariés du Dr Sulak, lequel a dit, avec mépris, que le Dr Sulak aurait pu au moins présenté les alternatives de l'homosexualité et de la masturbation, mais ce ne sont pas des alternatives viables.
Il y a deux ans, lors de la session spéciale sur le VIH/sida de l'Assemblée générale des Nations Unies à New York, dans le cadre d'une conférence parallèle commanditée par le ministère de la Santé publique de la ville New York, le commissaire a révélé que la grande majorité des cas de sida dans l'État de New York frappent les jeunes hommes homosexuels et toxicomanes consommateurs de drogues injectables, âgés de 15 à 24 ans. Souvent, ces deux modes de vie vont main dans la main. Il a fallu l'intervention d'une mère, le Dr Patricia Sulak, dont le fils était menacé par une désinformation scientifique, pour agir et faire la différence.
Le Programme canadien d'éducation sexuelle, qui se fonde sur le modèle américain vivement critiqué par le Dr Sulak, exige d'être revu en profondeur, ce que les parents canadiens disent depuis le début. On peut se demander si un père homosexuel ou une mère, aimant vraiment son enfant, ne serait pas en mesure de protéger ce dernier en l'enjoignant à ne pas suivre son exemple, à s'abstenir jusqu'au mariage, puis d'être fidèle à son conjoint ou à sa conjointe et de prévenir le sida et autres maladies sexuellement transmises.
¿ (0940)
Quelqu'un devrait se charger d'apprendre à ONU SIDA que les condoms ne sont pas fiables. Pendant une conférence sur le sida tenue dans le cadre du Sommet mondial sur le développement durable de Johannesburg, en Afrique du Sud, en septembre 2002, le Dr. Piot, directeur d'ONU SIDA et ses collègues faisaient encore la promotion des condoms, sur un continent dont la population est ravagée par le sida, sauf en Ouganda. D'après une étude de l'Université Harvard, l'Ouganda a réduit son incidence de sida de moitié de 1992 à 2000, en faisant la promotion de l'abstinence avant le mariage et de la fidélité conjugale.
Si vous croyez que l'Ouganda est une aberration, il suffit de regarder d'autres pays qui n'ont pas de problème de sida. Par exemple, au Qatar, jamais un cas de transmission de mère à enfant n'a été enregistré. Au Maroc, on fait état de 200 cas à peine pour tout le pays, et il en est ainsi dans d'autres pays musulmans. Pourquoi? L'homosexualité y est considérée comme un grand mal. Si quelqu'un est pris en flagrant délit, on procède à l'ablation de certaines parties du corps. Il ne faut pas s'en surprendre : après tout, ils amputent les mains des voleurs. Cela est confirmé et dissuade fortement les gens. Alors on s'abstient ou, si l'on tient absolument à s'en donner à coeur joie, on quitte le pays.
À Cuba, en 1985, lorsque des soldats sont revenus de la guerre, des médecins cubains croyaient que six soldats malades étaient atteints d'hépatite, aussi les ont-ils mis en quarantaine dans un sanatorium. Ils se sont vite rendus compte que les malades étaient atteints de sida, mais ils ont été maintenus en quarantaine pendant la durée de leur traitement. Il y a deux ans, l'incidence du sida à Cuba était considérée comme étant aussi faible que dans la région des intégristes biblistes, soit labible belt des États-Unis. Il semble que ceux qui sont prisonniers du mode de vie homosexuel quittent le pays.
En revanche, des millions d'êtres humains ont vécu dans le célibat, au fil des siècles. L'église catholique parle de chasteté, et cette pratique a été la source de la force morale et physique de ces gens et leur a permis d'accomplir de grandes choses pour l'humanité. Pensez à mère Teresa ou au moine Gregor Mendel, fondateur de la génétique moderne.
Au Canada, dans un grand élan de magnanimité, nous avons accordé des droits dans le but de satisfaire des minorités aisées et vociférantes, non pas au nom du bon sens, mais par esprit de tolérance. Du coup, nous avons ouvert les vannes à une maladie qui a atteint le niveau d'une endémie et qui ne semble pas vouloir ralentir. En fait, il y a quelques jours, à NBC, on rapportait que le taux d'incidence du sida était en hausse à nouveau. Si nous, Canadiens, et nos élus ne nous préoccupons pas de cette situation, nous sommes en sérieuse difficulté.
Le VIH, dans son état naturel, le rétro virus, est un virus relativement inoffensif qui existe depuis l'époque des dinosaures, d'après le Dr. Paul Sandstrom, directeur des laboratoires nationaux sur le VIH et la rétro-virologie de Santé Canada. Après avoir bien étudié la situation, je suis convaincue que le VIH/sida est un virus modifié qui a évolué par voie de repiquage. Le repiquage est une technique utilisée en laboratoire pour modifier les virus, pour différentes fins—pensez aux usages que pourrait en faire Saddam Hussein. Le repiquage peut être fait in vivo, c'est-à-dire en utilisant des animaux vivants ou des humains, ou in vitro, soit en laboratoire, où l'on utilise des cellules de reins prélevées de singes ou encore de la moelle épinière. Voici comment fonctionne la technique in vivo : on prend, par exemple, 100 singes malades; on prélève du sang de l'un d'eux et on injecte ce sang dans un animal en santé. Lorsque ce dernier devient malade, on lui prélève du sang, lequel est injecté dans un autre animal en santé. L'opération peut être répétée à deux ou trois reprises. Ensuite, on prélève du sang du dernier animal malade et on l'injecte dans une centaine de singes en santé. Les animaux du deuxième groupe deviennent malades et meurent plus rapidement que ceux du premier groupe. C'est cela que l'on appelle le repiquage, le fait de transformer un virus relativement inoffensif en un virus mortel.
Au Canada, nous avons légalisé ce mode de vie mais, Dieu merci, les mauvaises lois peuvent être abrogées. Il a été question de l'unité sociale la plus stable. Je crois que Statistique Canada a failli à son devoir en omettant de révéler pendant combien de temps les gens avaient vécu ensemble. Pour les unions de fait, la durée de la relation n'est pas aussi longue que dans le cas des unions biologiques normales. Chez les homosexuels, je crois qu'on parle d'une durée de six mois à un an.
¿ (0945)
Pour récapituler, je crois avoir démontré que la légalisation d'un mode de vie malsain n'est dans l'intérêt de personne, surtout pas des groupes qui la réclament. Où faut-il s'arrêter dans la reconnaissance des droits? Un homme a bien le droit de brandir le poing, mais non de s'en servir pour frapper quelqu'un. Il n'est tout simplement pas admissible d'accorder un droit qui déstabilisera la société. Les lois fondées sur de mauvaises causes sont de mauvaises lois. Heureusement, on peut toujours les abroger. Aucun juge digne de ce nom ne fondera son jugement sur les émotions, la lèvre qui tremble, les yeux pleins de larmes, ou encore sur l'invective qui réduit l'adversaire à un stéréotype haïssable. Ça n'a rien à voir avec la logique.
En tant que membres du comité, vous avez l'obligation d'agir dans l'intérêt de vos électeurs et de l'ensemble de la société canadienne. C'est d'ailleurs sur cela que nous serons jugés lorsque nous comparaîtrons devant Dieu, non sur nos succès mais sur l'intensité et la constance de nos efforts.
Je vous remercie, monsieur le président.
Le président : Je vous remercie beaucoup.
Monsieur Toews, la parole est à vous pour sept minutes.
M. Vic Toews (Provencher, Alliance canadienne) : Merci beaucoup, monsieur le président.
Hier, nous avons entendu un exposé de Daniel Cere de l'Université McGill, et ses propos méritent à mon avis d'être repris et j'aimerais donc citer ce qui suit :
L'incapacité des théories actuelles à reconnaître les différences fondamentales entre l'union affective chez les homosexuels et chez les hétérosexuels, différences qui donnent lieu à des écologies sociales très distinctes, devrait soulever de sérieuses questions quant aux limites conceptuelles de ces théories. Nos tribunaux et nos autorités législatives devraient faire preuve de plus de circonspection devant les demandes de transformation du droit en fonction de théories nouvelles et en vogue mais dont la pertinence n'a été prouvée ni par le temps, ni par une rigoureuse analyse. Ceci est particulièrement vrai pour les nouvelles théories et perspectives allant à l'encontre des principes fondamentaux du mariage qui remontent à la nuit des temps et qui transcendent les cultures. |
Au sujet du mariage, il poursuit en disant :
Dans les sociétés humaines, le mariage a toujours été un véhicule particulier permettant d'affirmer et de valoriser, dans la culture, le rôle particulier d'un certain genre de rapports hétérosexuels. Les anthropologues sonnent le tocsin : les institutions collectives telles que le mariage ne sont pas simplement des mécanismes fonctionnels destinés à satisfaire les besoins et les attentes individuels. |
Je citerais en dernier lieu ce qui suit :
Le changement des caractéristiques fondamentales du mariage aura indubitablement des répercussions sur l'actualisation de soi de ceux et celles qui vivent engagés à cette institution. |
Pour résumer, en d'autres termes, le mariage est une institution précise qui a été conçue pour encadrer des relations hétérosexuelles, c'est-à-dire entre un homme et une femme. En ce sens, il n'a pas d'effet discriminatoire sur les homosexuels, il n'a tout simplement rien à voir avec leurs relations intimes.
Les observations de Mme Smadu sur les enjeux anthropologiques de cette question ont particulièrement retenu mon attention, et méritent d'être étudiées. Pouvez-vous les développer un peu et nous dire si vous êtes d'accord?
¿ (0950)
Mme Marlene Smadu : Selon l'Église catholique, le mariage est une réalité multidimensionnelle, y compris son aspect anthropologique. Et, si vous me permettez de citer un autre écrivain, John Witte, le mariage est en fait le père de la société et non son enfant, et il a existé à travers les âges dans des cultures très différentes, souvent même des cultures isolées, mais sa permanence en a fait le fondement de notre société. Par conséquent, la dimension anthropologique constitue une bonne part de la connaissance que nous avons du mariage. Dans l'Église catholique, c'est la convergence de toutes ces dimensions qui donne au mariage son caractère unique et son dynamisme.
M. Vic Toews : Justement, par rapport à ces preuves anthropologiques, pouvez-vous nous donner certaines indications? Je vous prends peut-être à brûle-pourpoint ici, mais je vous serais très reconnaissant de nous envoyer quelque chose ultérieurement. J'adresse d'ailleurs la même demande à tous les témoins qui pourraient nous fournir des arguments étayés dans un sens et dans l'autre. J'aimerais simplement savoir si certains témoins peuvent nous communiquer leurs observations de nature anthropologique sur le mariage en tant qu'institution unique favorisant les liens affectifs entre les deux sexes, par opposition aux rapports entre deux personnes du même sexe.
Le président : Madame Huntley.
Mme Alison Huntley : Jusqu'au XXIIe siècle, le mariage était strictement juridique; ce n'est qu'à partir du XXIIe siècle qu'on a commencé à le célébrer dans les églises. En droit romain, le concubinage était très répandu, et d'ailleurs, l'un des grands saints de la tradition chrétienne, Augustin, avait eu une concubine et un enfant. Pendant des siècles encore, on a continué à célébrer le mariage à domicile et dans des tavernes, la participation de l'église à ce rite demeurant minime. Vous trouverez ces renseignements, qui sont le fruit des recherches historiques de l'Église unie, en annexe à nos documents. On peut y lire que le mariage, comme institution civile, a existé bien avant le mariage religieux, et que la société civile a donc le devoir de maintenir certains droits et structures. Par conséquent, le gouvernement doit lui aussi protéger la justice et veiller à la reconnaissance des droits.
Par rapport à cette réalité, la liberté religieuse est une question tout à fait distincte. Les libertés religieuses ont toujours existé. Prenona comme exemple, l'église catholique qui a toujours eu le droit de refuser le mariage aux divorcés. C'est à l'église d'imposer son autorité en fonction de ses structures, tandis que dans la société en général, c'est à la société civile de protéger la justice et les droits de tous.
Le président : Monsieur Clemenger.
M. Bruce Clemenger : M. Pyles a mentionné Mme Katherine Young de l'Université McGill. Elle a présenté un 'affidavit, au nom du procureur de la Couronne du Canada, dans la cause Halpern en Ontario. Mme Young a effectué une étude longitudinale du mariage sur la façon dont le conçoivent toutes les cultures et sociétés. Nous nous reportons à ces conclusions dans notre mémoire, mais nous avons aussi un exemplaire de son affidavit. Vous aimeriez peut-être entendre son témoignage.
Le président : Monseigneur.
[Français]
Mgr André Gaumond: Le mariage comporte une dimension juridique. C'est une reconnaissance du juridique, d'une structure qui est plus fondamentale, qui est celle de la famille, qui est la base de toute société. Il est certain que le mariage comporte une fin, un objectif individuel de bien individuel, mais il comporte aussi, et c'est fondamental, un objectif de bien commun. Ce bien commun est celui de la société. Si on ne reconnaît pas cette dimension sociale et cette dimension commune dans le sens de bien commun du mariage, on n'a pas de fondement pour le restreindre à des couples, à l'homme et à la femme, inscrits dans la différence sexuelle.
[Traduction]
Le président : Merci beaucoup.
Monsieur Marceau, la parole est à vous pour sept minutes.
[Français]
M. Richard Marceau (Charlesbourg—Jacques-Cartier, BQ): Merci beaucoup, monsieur le président.
D'abord, je ne suis pas théologien et les questions que je vais poser se veulent pleines de respect. Si quelquefois je vous interroge sur ce que vous avez dit, ne le prenez pas comme une attaque sur des positions religieuses ou personnelles que vous avez. Je pense que c'est très important dans l'optique d'un débat comme celui-ci.
Il est frappant de voir que trois groupes qui acceptent que Jésus-Christ est le Sauveur aient des opinions complètement différentes sur la valeur du mariage, sur ce qu'est le mariage. D'un côté, il y a l'Église unie et de l'autre, votre Église, monsieur Clemenger. Enfin, il y a Mgr Gaumond, qui est opposé à la possibilité pour des conjoints de même sexe de se marier.
Est-ce que ce ne serait pas là le plus bel exemple du fait que dans une société pluraliste comme le Québec et le Canada, il faudrait permettre aux gens qui ont des opinions différentes de poursuivre une relation sans que cela touche au dogme de l'Église catholique, par exemple?
¿ (0955)
Mgr André Gaumond: Ce n'est pas surprenant sociologiquement; c'est surprenant en soi. Il est surprenant que des gens qui professent la même option religieuse ne s'entendent pas sur des questions aussi fondamentales et aussi prégnantes de sens et d'émotion que l'est cette question-ci, et à ce moment-ci de l'histoire, mais ce n'est pas surprenant sociologiquement. On n'est pas devant une évidence absolue. On cherche toujours à comprendre et à mieux connaître le désir du Créateur à l'égard de sa créature et de l'organisation de notre vie, de notre morale en lien avec ce qu'il nous a présenté.
Je ne suis pas surpris sociologiquement qu'on ne soit pas tous exactement du même point de vue en même temps, sur le même sujet. Cela ne me scandalise pas, pour ainsi dire. Il est normal que nous essayions de cheminer vers une conception plus homogène de réalités aussi importantes. Est-ce que dans une société pluraliste, on devrait en arriver au plus commun dénominateur? Je n'ose pas dire « petit commun dénominateur » pour ne pas exprimer un jugement de valeur. Mais est-ce que la solution est de toujours en arriver au plus commun dénominateur pour rendre tout le monde pareil? On est dans la nature, dans l'ordre de la nature, dans l'ordre de la différence. Il y a la différence entre l'homme et la femme. Je pense que ça s'impose. C'est l'évidence même. Il y a la différence entre la paternité et la maternité. Les différences font partie de la structure même de la réalité humaine. Je pense qu'on a là quelque chose qui nous plonge en plein dans la différence, et le mariage reconnaît cette différence comme étant issue de la nature.
M. Richard Marceau: Monseigneur...
[Traduction]
Le président : Monsieur Marceau, M. Clemenger aimerait répondre lui aussi.
M. Bruce Clemenger : L'un de nos arguments est que le mariage, tout en étant bel et bien une institution religieuse, fait partie de notre réalité sociale et culturelle depuis des temps immémoriaux. Autrement dit, ça n'est pas nous qui témoignons aujourd'hui devant vous qui l'avons inventé. Nous reconnaissons sa réalité et affirmons qu'il transcende les traditions religieuses, les sociétés et les cultures. Le mariage est un idéal et une réalité qui, selon nous mérite d'être chérie, appuyée et protégée. Nos propos ne cherchaient nullement à refuser qu'on reconnaisse d'autres formes de relations interpersonnelles. Nous vivons dans une société diverse, et nous reconnaissons la dignité de tous ceux qui y vivent. Toutefois, cette diversité même exige qu'on fasse certaines distinctions, qu'on précise qu'il existe divers genres de rapports humains. À notre avis, comme véhicule favorisant la formation de liens affectifs durables et exclusifs entre l'homme et la femme, le mariage a fait ses preuves; il existe depuis des millénaires et il mérite d'être protégé.
[Français]
M. Richard Marceau: Merci.
[Traduction]
Le président : Madame Okoro.
Mme Choice Okoro : Madame, je tiens à vous remercier, car de notre côté, nous tenons à ce qu'on reconnaisse les partenaires du même sexe qui veulent que la société valorise leur union. À mon avis, les raisons que vous invoquez nous ramènent à toute cette question de la diversité. Et ça n'est pas la première fois qu'on en discute. Cela dit, ce qui se fait ici fera l'objet d'un réexamen dans 20 ans, car il y va des droits d'êtres humains. La société légitime célèbre les couples hétérosexuels, et les partenaires du même sexe réclament la même chose. S'ils encore traités différemment, cela tient aux politiques actuelles. Nous connaissons qu'il y a un écart ici. Notre position n'est peut-être pas populaire, mais grâce à Dieu, ce genre d'enjeu n'a rien à voir avec la popularité : c'est une question de droits. Il s'agit de faire en sorte que la société légitime, reconnaisse et célèbre des relations interpersonnelles saines, voulues par Dieu et enrichissantes. Dans l'Église unie, nous avons accès à cette dimension communautaire, et c'est elle qui a orienté notre position.
À (1000)
Le président : M. Marceau, soyez bref.
[Français]
M. Richard Marceau: Trois cours supérieures, celle de la Colombie-Britannique, celle de l'Ontario et celle du Québec, ont dit que la définition du mariage, soit « l'union légitime d'un homme et d'une femme à l'exclusion de toute autre personne », était discriminatoire. Une des trois cours a dit que cette discrimination était justifiée par l'article 1 de la Charte. Si, comme plusieurs témoins experts juridiques l'affirment, la Cour suprême--et c'est fort possible que cela se rende en Cour suprême--décidait un jour que la définition du mariage, soit « l'union légitime d'un homme et d'une femme à l'exclusion de toute autre personne », est discriminatoire et inconstitutionnelle, seriez-vous en faveur d'utiliser la clause nonobstant pour garder cette définition?
[Traduction]
Le président : À qui s'adresse la question?
[Français]
M. Richard Marceau: J'aimerais avoir une réponse de tout le monde en deux mots.
[Traduction]
Le président : Mme Ferrari souhaite prendre la parole en premier.
Mme Jean Ferrari : Quelqu'un là-bas a dit que les rapports entre deux hommes sont identiques à ceux entre deux femmes. Ce n'est pas vrai. Ce que les hommes appellent un rapport sexuel est tout à fait anormal. C'est d'ailleurs pour cela qu'il se produit des déchirures. Les muqueuses rectales sont très fragiles.
Le président : Madame Ferrari, M. Marceau a posé une question très précise. De toute façon, je suis sûr que vous aurez l'occasion d'y répondre. Je cherche quelqu'un qui voudrait y répondre maintenant.
Monsieur Clemenger.
M. Bruce Clemenger : Pour répondre brièvement, oui. Toutefois, si l'on envisage trois possibilités, à savoir conserver le mariage actuel, en y ajoutant peut-être un autre régime d'union domestique, ou encore redéfinir le mariage et tenir une espèce de registre civil, je dirais qu'étant donné l'analyse de la Commission du droit du Canada, d'après laquelle si l'on pousse la logique de l'élargissement du mariage jusqu'à sa conclusion, on ne peut plus faire de distinction et il n'y a donc plus lieu de s'en tenir à seulement deux personnes adultes. En outre, si l'on redéfinit le mariage tout en le limitant à deux personnes, si l'on s'abstient à peine d'éliminer tout à fait le mariage et que l'on adopte un régime encadrant la cohabitation de plus de deux personnes et les inscrivant au registre d'État civil, je pense que tout cela finira un jour par être contesté en vertu des dispositions relatives à l'égalité. Ici, je trouve assez intéressant d'observer que seuls les tribunaux du Canada fondent cette question sur l'égalité. En Europe, les tribunaux estiment qu'il s'agit plutôt d'une question de politique et non d'égalité ou de droits de la personne.
Le président : Merci beaucoup.
Monseigneur.
[Français]
Mgr André Gaumond: Si la situation se présentait et si la Cour suprême prenait une décision dans le sens que vous indiquez, il est certain que nous continuerions à affirmer la position qui est la nôtre; elle nous semble bien enracinée dans la nature et confirmée dans l'histoire. Quant à l'utilisation éventuelle de la clause nonobstant, ça dépendrait du jugement, de la pertinence politique et de la pertinence pratique prudentielle à ce moment-là. J'ai été amené à travailler beaucoup sur l'histoire de la clause nonobstant au Québec sur la question de la confessionnalité et j'ai pu voir jusqu'à quel point le jugement prudentiel momentané là-dessus était très complexe.
[Traduction]
Le président : Merci beaucoup.
Monsieur O'Brien, la parole est à vous pour sept minutes.
M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président. Je tiens aussi à remercier tous nos témoins de leur présence ici aujourd'hui.
J'aimerais citer un passage de la page 8 du mémoire de la Conférence des évêques catholiques du Canada, celui où l'on rapporte les propos de M. le juge Pitfield : « La seule question c'est : si le mariage doit être ou non modifié en quelque chose qu'il n'est pas, de façon à y inclure d'autres types de relations ». Ça me rappelle ici les paroles d'un des personnages d'Alice au pays des merveilles : un mot signifiera ce que je voudrais qu'il signifie, quelle que soit les circonstances, rien de plus, rien de moins. Pour ma part, je serai clair et je n'ai d'ailleurs jamais hésité à dire très clairement ce que je pense de cette question. À mes yeux, le mariage d'homosexuels est une contradiction dans les termes. Il me paraît inconcevable personnellement et à titre de député que le gouvernement ou tout autre gouvernement canadien veuille donner une nouvelle définition du mariage.
Maintenant que j'ai donné mon avis de la façon la plus succincte, j'aimerais demander à Mgr. Gaumond, et à tous les témoins, s'ils appuient une reconnaissance civile quelconque des relations domestiques entre personnes du même sexe? Est-ce que cela a une valeur quelconque à vos yeux? Êtes-vous disposé à accepter que l'État reconnaisse ce genre de choses? Estimez-vous au contraire qu'il est tout à fait inapproprié d'accorder une reconnaissance officielle à ce genre d'union?
À (1005)
[Français]
Mgr André Gaumond: La responsabilité de l'État et du gouvernement n'est évidemment pas la même que celle d'une Église. L'État a à organiser les relations entre les personnes à l'intérieur de son territoire en fonction du bien commun, en fonction de la paix et en fonction du respect des droits fondamentaux de chacune des personnes. C'est à l'État de trouver les manières d'organiser ces relations et de reconnaître ces types d'union.
Nous continuons à affirmer, de notre part, que le mariage--et on insiste beaucoup là-dessus--, pour tout ce qu'il a comporté dans l'histoire et pour tout ce qu'il comporte encore en relation avec la société, en relation aussi--et on n'en a pas encore parlé; ça pourrait être un autre chapitre--avec la protection de l'enfant, soit toute la dimension, pour employer un terme pédant, de la parentalité, reste une institution que l'on doit absolument préserver.
[Traduction]
M. Bruce Clemenger : Nos membres discutent assez vivement de la question de savoir s'il convient d'étendre la reconnaissance civile à d'autres unions domestiques, et par conséquent, en tant qu'association, nous ne nous sommes donc pas encore prononcés dans un sens ou dans l'autre. Je dirai cependant qu'en général, les gens estiment qu'on doit s'abstenir d'utiliser le mariage pour reconnaître d'autres formes d'union. Si ces autres formes sont reconnues, en raison de l'engagement et de la dépendance économique et émotive qui en font nécessairement partie, alors nous ne voyons pas pourquoi l'intimité sexuelle devrait être une condition indispensable de ce partenariat domestique.
M. Pat O'Brien : Je vous remercie.
Ma deuxième question découle d'une autre que j'ai posée il y a quelques jours. M. Clemenger a très bien exprimé son incertitude face à l'éventualité de l' élargissement du mariage. J'ai déjà posé la même question à d'autres témoins, et certains se sont abstenus d'y répondre. Aujourd'hui, j'aimerais la poser à Mme Huntley. Est-ce que l'Église unie du Canada s'est penchée là-dessus? Si oui, a-t-elle pris position? Est-ce que vous appuieriez une nouvelle définition du mariage qui engloberait des relations multiples?
Mme Alison Huntley : Pour répondre brièvement non, pour répondre plus longuement, une petite histoire. D'abord, ce genre de choses serait impossible en vertu de la politique actuelle. Elle a déjà fait l'objet de longs débats lorsqu'il a été question de l'ordination chez nous, car il semble exister un postulat d'après lequel les relations homosexuelles sont nécessairement multiples. Nous avons établi une nette distinction à ce sujet lorsque nous avons défini l'homosexualité.
Pour ce qui est de la petite histoire, Rachel, une enfant de quatre ans est au septième ciel, car elle est bouquetière au mariage de sa tante. Pour la circonstance, elle est habillée d'une robe très féminine, à volant et dentelle, porte de nouvelles chaussures blanches et arbore des fleurs dans ses cheveux. Cependant, en dépit de tout ce que sa mère a fait pour la préparer, elle est incertaine de l'identité sexuelle des deux mariées. Les deux sont des femmes. Lorsqu'il en a été question avec sa mère, Rachel a répondu avec la plus grande assurance : « mais maman, s'il y a un prince, il faut qu'il y ait une princesse ». Elle passe donc presque toute la journée des noces à essayer de savoir si le conjoint de sa tante est vraiment une femme, et en fin de compte, elle réussit à s'en convaincre. La cérémonie, présidée par deux ministres de l'Église unie suit son cours, elle ressemble à une noce comme les autres, qui a lieu par un beau samedi ensoleillé, sauf pour la question du sexe des conjoints. À la fin de la journée, la petite bouquetière est contente, et une fois qu'elle est en pyjama, elle prend un moment pour ranger les belles chaussettes à volant qu'elle portait dans ses souliers neufs. Pendant ce temps, elle semble parler à ses chaussettes, comme si elles étaient des personnages imaginaires. À l'une d'entre elles, elle dit qu'elle peut jour le rôle de la fille et à l'autre, le rôle de l'homme. Elle se reprend cependant et dit, non, non, les deux peuvent être des filles.
Le fait que cette enfant soit capable d'élargir son horizon psychologique par rapport aux relations humaines, malgré nos notions très contraignantes, lui ouvre des possibilités très enrichissantes pour l'avenir car elle comprend dès lors l'importance de l'ouverture, et c'est justement cela qu'à mon avis l'Église unie a été capable de réaliser. Elle est sortie de la conception restrictive en fonction de laquelle nous définissions l'homosexualité et elle nous mène à une nouvelle façon d'envisager les rapports humains.
À (1010)
M. Pat O'Brien : Merci, je vous remercie de votre réponse. Franchement, j'ignorais si l'Église unie s'était penchée sur cette question des partenaires multiples, et c'est pourquoi je vous ai posé la question. Je voulais savoir s'il peut y avoir ce qu'on appelle un mariage, et vous avez répondu que vous n'appuyez pas ce genre de choses.
J'aimerais savoir si les autres témoins aimeraient intervenir sur le même sujet. Aucun d'entre vous n'est avocat je crois, mais n'empêche, si nous commencions à démanteler la définition du mariage, qui nous a si bien servis dans notre pays et dans notre civilisation pendant si longtemps, est-ce que vous vous sentiriez à l'aise, y compris Mme Huntley? J'entends par là qu'on donnerait une nouvelle définition au mariage de manière à ce qu'il veuille dire tout ce qu'on voudra.Dans quelle mesure est-ce que nous pourrons accepter que les tribunaux soient d'accord avec cela, contrairement à ce que pense l'Église unie? Si le mariage tel que nous le connaissons maintenant disparaît, alors il disparaît totalement. J'aimerais savoir ce qu'en pensent certains des témoins.
Le président : Je vais donner la parole d'abord à Mme Ferrari, puis à M. Clemenger.
Mme Jean Ferrari : À mon avis, si vous reconnaissez toute forme d'union entre personnes du même sexe, et tous les avantages financiers qui en découlent, alors vous devriez aussi reconnaître les liens mère-fille et père-fils.
M. Bruce Clemenger : Ici encore, dans ce genre d'idéal, le mariage est enraciné dans la nature dimorphique de l'humanité, avec deux sexes et le mariage étant l'union d'un homme et d'une femme. Une fois que l'on s'écarte de cela, et si désormais le mariage devient la concrétisation de la recherche d'une reconnaissance de relations différentes ou d'une affirmation ou d'une reconnaissance d'amour et d'affection entre deux personnes, il faut se demander si la nécessité d'avoir deux personnes demeure une condition. En parallèle à cela, on pouvait la semaine passée dans le London Fee Press un article sur la demande introduite pour un troisième parent; il y avait la mère biologique et le père biologique, mais comme la mère est lesbienne, sa partenaire voulait adopter l'enfant. Alors pourquoi pas trois parents? Les polygames vont également faire valoir leur propre orientation sexuelle. Je ne sais pas à quoi ressemble un mariage bisexuel, mais ce mariage exige-t-il plus de deux personnes? S'il s'agit en l'occurence de reconnaître nos modes diversifiés d'union, à ce moment-là la logique de l'égalité, la façon dont cette logique est interprétée en vertu de la Charte, tout cela va continuer à surgir et j'ignore comment on pourra arrêter ce mouvement.
M. Pat O'Brien : Il se fait que London est ma ville et c'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai posé la question.
Le président : Je vous remercie beaucoup.
Monsieur Toews, vous avez trois minutes.
M. Vic Toews : Je vous remercie.
La théorie des droits invoquée pour élargir la définition du mariage me perturbe beaucoup. Étant moi-même juriste et constitutionnaliste, je pense que cela restreint beaucoup la portée légale de la chose et, étant donné les considérations anthropologiques et sociales que nous avons entendues aujourd'hui, cela risque peut-être d'induire en erreur. Comme avocat, je songe aux relations multiples comme chez les Mormons et d'ailleurs, certains Mormons adhèrent toujours à ce credo alors que l'église l'a abandonné. Mais si des musulmans s'établissent au Canada, en vertu de quelle théorie pourriez-vous leur refuser la reconnaissance légale de leurs mariages à partenaires multiples? À l'heure actuelle c'est interdit, mais d'après la théorie des droits, ce n'est pas la même donne. Et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle je crains tellement que nous finissions par adopter un entendement juridique de ce qu'est le mariage plutôt que l'entendement des fondements anthropologiques et sociologiques plus profonds du mariage.
Voilà pourquoi j'en reviens au texte du professeur Cere dans lequel il parle de l'impossibilité d'apporter une réponse à cette question dans le cadre des théories savantes actuelles. Ces théories n'en parlent pas. N'est-il pas un peu prématuré de discuter ainsi de l'éventualité d'un bouleversement radical de l'institution qu'est le mariage, du moins au niveau des parlementaires, voire devant les tribunaux? Je pose cette question à la cantonade.
Le président : Madame Okoro.
Mme Choice Okoro : Je voulais simplement faire le lien avec l'exemple de l'Islam que vous venez de donner. Je suis originaire d'une partie du monde où les mutilations vaginales sont monnaie courante. Certaines femmes sont venues au Canada, un pays dont les lois interdisent ce genre de pratiques. J'espère donc que ce genre de discours pourra effectivement se produire, parce que toutes les thèses ne sont pas bonnes. Je voudrais simplement dire que dans ce genre de discours nous reconnaissions qui nous sommes en tant que Canadiens. Nous en parlons, nous débattons de certaines questions, et nous le faisons également sur la place publique.
À (1015)
M. Vic Toews : Je ne nie pas que cette discussion soit nécessaire, au contraire, je l'encourage. Je pense que c'est une discussion saine. Je crains simplement que le législateur adopte des lois qui bouleversent radicalement notre société et l'institution du mariage, et cela en raison du caractère très superficiel des recherches savantes.
Mme Choice Okoro : S'agissant des droits et de la justice, ce n'est pas la première fois que nous avons cette conversation au sujet du mariage. Elle a eu lieu aux États-Unis, dans le sud, dans le cadre des mariages interraciaux. La grosse crainte, c'est que nous ouvrions une boîte de Pandore en laissant se produire ce genre de choses. Mais ce n'est pas la première fois. On part du principe que si on ouvre la porte, toute sorte d'autres choses peuvent se passer. Toute cette théorie d'une conversation saine dont vous venez de parler revient à la nécessité, parfois, de la simplifier pour en faire uniquement une question de droits. Aujourd'hui, il existe déjà une relation très saine parmi les membres de l'Église unie qui demandent que leur union puisse être célébrée et légalisée, et c'est de cela qu'il s'agit pour nous.
Le président : Je vous remercie beaucoup.
Je vais laisser M. Clemenger répondre à son tour, puis je donnerai la parole à Mme Fry.
M. Bruce Clemenger : Je me demande si vous faisons vraiment de ceci une discussion concernant les droits ou plutôt la politique sociale. Vous êtes des législateurs et il vous appartient de faire ce genre de distinction. Nous vous disons quant à nous que le mariage est une institution à nulle autre pareille et qu'il vous appartient à vous de faire en sorte que cela demeure en droit et dans la politique officielle. Je trouve curieux l'argument selon lequel il faudrait changer la définition pour en faire une question de droits humains. Si des groupes semblables sont traités de façon différente, il est certain qu'on ne redéfinit pas un des groupes pour pouvoir inclure nécessairement l'autre, on s'emploie plutôt à éliminer l'inégalité. Si donc il existe une inégalité entre l'homme et la femme, on ne donne pas une définition de l'homme qui permette d'inclure la femme, on traite simplement la femme comme l'égale de l'homme. S'il y a une inégalité entre noirs et blancs, on ne donne pas une nouvelle définition du blanc qui inclut les noirs, on traite les noirs comme les égaux des blancs.
Ce dont nous parlons ici, c'est de la politique sociale. Quant aux preuves et aux effets à long terme de cette poursuite de la désintégration du mariage ou encore de la réduction de celui-ci à une simple démarche fonctionnelle, pour ensuite accorder les droits et les obligations découlant du mariage à d'autres types de relations, nous ignorons quelles en seraient les conséquences sociales. Il n'y a dans le monde que deux pays qui ont ainsi redéfini le mariage, et l'un de ces pays ne l'a fait qu'il y a deux semaines. Nous ignorons donc quelles en seront les conséquences. Je dirais qu'il appartient à ceux qui font des recherches sur la question du mariage de prouver que cette restructuration de l'institution ne produira pas une diminution du nombre de mariages, comme c'est le cas depuis les années 70, lorsque les lois sur le divorce ont changé et que les relations de fait ont également été reconnues.
Le président : Merci beaucoup.
Madame Fry, vous avez trois minutes.
Mme Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je voudrais asseoir ce que veux dire sur la réalité historique qui fait que c'est, pour un gouvernement et pour un corps législatif, quelque chose de tout à fait valable et qu'en fait, le mariage a toujours été un genre de droit civil parce qu'il n'a été récupéré par la religion qu'après le XIIe siècle. Je voudrais jeter un coup d'oeil sur la quatrième dimension du mariage qui a été si bien décrite par les évêques catholiques.
Pour votre part, vous nous avez parlé de la dimension anthropologique du mariage en disant ceci :
Parmi ces présupposés se retrouvent : l'être humain en tant qu'être social et son désir d'entrer en relation...la volonté personnelle des époux de partager la totalité de leur projet de vie, ce qu'ils ont et ce qu'ils sont...une telle communion est le fruit et le signe d'une exigence profondément humaine. |
Cette exigence profondément humaine, cette relation, l'être humain en tant qu'être social, tout cela s'applique à tous les êtres humains et pas simplement aux hommes et aux femmes, lorsqu'il s'agit de trouver cette dimension anthropologique.
En second lieu, la dimension personnelle est une proclamation faite à la communauté « qu'ils partageront non seulement leurs vies mais qu'ils honoreront, fidèlement et en vérité, une parole solennellement donnée »; et c'est une prolongation de la « communauté d'amour comme celle qui existe en Dieu et entre Dieu et l'humanité ». Encore une fois, cette dimension personnelle du mariage me semble n'avoir rien à voir avec l'homme et la femme, mais être plutôt profondément reliée à l'amour de Dieu pour les êtres humains.
Le troisième élément est la dimension sociale du mariage, qui parle du fait que « la famille...fournit un milieu stable et le lieu le plus propice à la prise en charge des enfants et à l'éducation des générations futures », ce qui assure « la stabilité psychologique et affective indispensable aux enfants ». Or, nous savons que les couples de même sexe ont des enfants, qu'ils soient issus d'un mariage précédent ou des technologies de procréation. Il est donc possible d'avoir des enfants et par conséquent, cet enracinement profond, cette stabilité émotionnelle et psychologique des familles, jouent également dans ces cas-là.
Le seul élément pour lequel vous avez peut-être un bon argument selon moi, c'est le quatrième, qui dit que pour l'Église catholique, le mariage est un sacrement. Nous ne sommes, dirais-je, pas disposés—du moins pas moi—à discuter ici de la possibilité de battre en brèche cette croyance religieuse qui fait du mariage un sacrement, parce que toutes les religions n'ont pas cette conviction—par exemple l'Église unie. Le législateur peut, pour sa part, s'occuper des trois premiers éléments du mariage mais laisser le quatrième aux églises qui pourront décider qui peut et qui ne peut pas recevoir ce sacrement.
Moi qui suis catholique, je crois que lorsque nous partageons le corps et le sang du Christ, nous n'empêchons pas les homosexuels de faire la même chose et nous savons qu'il y a dans l'Église catholique des prêtres homosexuels. Je suppose que nous prenons ici une décision, et il ne m'appartient pas de demander qui nous choisissons pour donner les sacrements au sein de l'Église catholique. Nous ne faisons pas de discrimination dans d'autres domaines au sein de l'Église catholique.
J'aimerais savoir pourquoi, puisque ces trois éléments, l'élément anthropologique, l'élément social et l'élément individuel, s'appliquent effectivement, nous devrions logiquement et rationnellement refuser le mariage aux couples formés de personnes du même sexe.
À (1020)
[Français]
Mgr André Gaumond: Le mariage est inscrit dans la nature même des choses: tel est, à mon avis, le noeud de l'argumentation. C'est un point que nous devons absolument reconnaître.
Le mariage est la reconnaissance d'une structure inscrite dans la nature. Nous n'avons pas d'autorité sur la nature. Elle nous est donnée et nous avons à la reconnaître. Nous croyons que cette nature comporte l'empreinte de la volonté de Dieu. Reconnaître le mariage, c'est reconnaître la volonté de Dieu dans l'organisation de la société.
Le mariage est vécu par des humains. Il prend alors de multiples ramifications et toutes sortes de densités de sens. C'est normal et c'est bien évident. Mais la ligne de base est la reconnaissance d'une structure inscrite dans la nature. On est bien en deçà de la notion juridique du contrat.
[Traduction]
Le président : Merci beaucoup.
Monsieur Ménard.
[Français]
M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Évidemment, quand on est un parlementaire, on est d'avis qu'une prémisse doit faire partie du débat: il n'existe pas de religion d'État au Canada. Moi aussi, j'ai suivi des cours de droit constitutionnel. Il n'est pas possible dans les arguments que vous nous présentez ce matin, qui sont intéressants d'un point de vue anthropologique et qui sont nuancés... J'aimerais bien avoir votre annexe. On constate d'abord jusqu'à quel point le mariage a fait l'objet d'appréciations différentes à travers le temps. Je ne crois pas qu'on puisse avoir des arguments qui sont de l'ordre de l'essence. Le législateur ne peut pas partir de cette prémisse. Il n'y a pas de religion d'État au Canada. Il y a des valeurs qui sont incarnées par différents groupes, mais le mariage n'est pas une institution qui existe de par l'essence des choses. Le regard qu'on y porte, comme législateurs, doit être animé par deux considérations, notamment l'égalité des individus, parce que la Charte existe. La Charte crée du droit et nous impose des obligations comme législateurs.
Vous n'avez pas répondu à l'autre question, qui m'apparaît assez importante. On ne peut pas discuter du regard que vous avez d'un point de vue religieux. Ça, c'est personnel, et chacun en a sa compréhension. Pour ma part, je pense que le sentiment religieux existe, mais je pense que le sentiment amoureux existe aussi. J'aimerais savoir si Mgr Gaumond et les autres témoins sont capables de reconnaître que, si le sentiment religieux existe, le sentiment amoureux existe aussi. Pensez-vous qu'il est qualitativement différent si on est en présence de deux hommes ou de deux femmes? Je ne sais pas si vous avez déjà été amoureux dans votre vie. Je ne veux pas être indiscret, mais quand je suis amoureux, j'ai l'impression, en tant qu'homosexuel, que je ne suis pas différent de vous, que je ne suis pas différent des gens hétérosexuels qui peuplent ce panel. À partir du moment où on reconnaît que le sentiment amoureux existe, il y a des gens qui veulent s'engager dans le mariage et qui veulent en avoir une reconnaissance par les législateurs. Et ça va venir. Ce ne sont pas des balises juridiques qui seront posées, mais des balises qui sont de l'ordre de la Charte des droits et libertés. Ce n'est pas une question de politique publique. C'est une question de droit à l'égalité.
Donnons-nous le plaisir de discuter d'une question de sentiment, puisque nous ne nous fréquenterons pas beaucoup ou que nous ne nous reverrons pas. J'aimerais savoir si vous croyez que le sentiment amoureux existe. Si oui, existe-t-il entre deux hommes ou deux femmes?
À (1025)
Mgr André Gaumond: Je ne vous parlerai pas de mes expériences de vie.
M. Réal Ménard: On ne veut pas être indiscrets.
Mgr André Gaumond: Je dirai plutôt qu'il est de l'ordre de l'évidence même que le sentiment amoureux existe.
M. Réal Ménard: Entre deux hommes?
Mgr André Gaumond: On n'a pas à s'en scandaliser. Dans l'histoire, les philosophes ont beaucoup orienté la pensée catholique, en particulier à partir du Moyen Âge. La distinction est très raffinée entre l'amitié et l'amour au sens érotique du terme, etc. Je ne pense pas qu'il serait sage d'entrer là-dedans ici ce matin.
M. Réal Ménard: Mais répondez à ma question.
Mgr André Gaumond: Votre question, me semble-t-il, porte sur la reconnaissance d'une union entre...
M. Réal Ménard: Non. Je reformule ma question. Croyez-vous que le sentiment amoureux existe entre des conjoints de même sexe?
[Traduction]
Le président : Monsieur Ménard, c'est terminé.
Monsieur Clemenger aimerait répondre. Nous reviendrons à vous.
M. Bruce Clemenger : Oui, je crois que l'amour entre personnes du même sexe existe, et cet amour revêt différentes formes, l'amour érotique, l'amour amitié, de la même façon qu'il y a différents types d'amour entre personnes du sexe opposé. Toutefois, la question porte sur le rôle que doit jouer le gouvernement dans la reconnaissance des relations conjugales et dans la reconnaissance du mariage. L'État tente-t-il de célébrer ou d'affirmer l'amour entre deux personnes ou cherche-t-il à étudier la nature de ces relations, à déterminer leur contribution à la société et à décider si elles devraient être reconnues par la loi?
C'est dans le cadre d'une politique sociale que le mariage a été reconnu pour la première fois dans le droit canadien. En effet, il s'agissait de pallier les conséquences sociales de l'échec des mariages entre hommes et femmes. Les femmes n'étaient pas égales aux hommes sur le plan économique. Il fallait donc créer des mesures de protection juridique pour les femmes en cas de divorce. Cette vulnérabilité s'appliquait aussi aux enfants. Ce n'était pas une question de reconnaître l'amour entre deux personnes, il s'agissait de reconnaître que cette institution sociétale, qui comporte un volet religieux mais s'étend au-delà de la religion, qui revêt une signification juridique mais s'étend au-delà du droit, contribue de façon précise à la société depuis les temps immémoriaux, c'est pourquoi nous voulons maintenir cette institution.
Le président : Monsieur McKay.
M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je voulais reprendre ce que disait Mme Smadu, à savoir que le mariage est le géniteur de la société, et non sa créature. Je crois que cela reprend les propos du juge Gonthier, qui affirme : « Le mariage et la vie familiale ne sont pas des inventions du législateur; le législateur ne fait que reconnaître leur importance sociale. » Nous semblons être prisonniers de cette question des droits, c'est un peu comme si l'on mettait la charrue avant les boeufs. Les tribunaux se sont arrogés le droit d'en décider lors des quatre ou cinq dernières décisions, et pourtant, je soutiens que les tribunaux sont probablement la dernière tribune où nous devrions régler cette question. Le docteur Cere a noté des éléments importants. Comment un dialogue sur les droits tiendra-t-il compte de la différence entre les sexes, de l'importance de la complémentarité sexuelle, de l'importance de l'attachement homme-femme dans une vie humaine, de la nature procréative du lien hétérosexuel, de l'écologie unique que représente l'éducation hétérosexuelle, qui crée un lien entre les enfants et leurs parents biologiques, et de la riche généalogie des liens de familles hétérosexuelles?
Ma question s'adresse d'abord à Mme Smadu, mais aussi à tous les autres témoins. J'aimerais avoir votre point de vue sur la façon dont les tribunaux vont composer avec cette grande complexité des niveaux de sens que comprend le mariage lorsque l'on se limite à discuter des droits, c'est-à-dire les articles 1 et 15 de la Charte.
À (1030)
Mme Marlene Smadu : Merci, monsieur McKay, de me permettre de répondre à votre question. Vous avez parlé dès le début de votre intervention de l'importance d'avoir ce dialogue, et nous appuyons ce que vous dites. Il n'est pas dans le meilleur intérêt des citoyens canadiens de laisser ce sujet se définir au fil des arrêts des tribunaux. Il serait préférable de tenir un dialogue comme celui-ci, dans le cadre duquel vous, en tant que parlementaires, pouvez entendre les points de vue d'une variété de citoyens, ce qui est l'une des caractéristiques de notre société pluraliste canadienne, à savoir, des points de vue différents sur cette notion complexe du mariage. Comme nous l'avons dit dans notre mémoire, en tant que catholiques, l'une des façons pour nous de comprendre le mariage est de le considérer dans ses quatre dimensions, non pas que l'une seule de ces quatre dimensions suffise à définir le mariage. En effet, c'est lorsque tous ces éléments sont conjugués que l'union est considérée comme un mariage.
Je crois que c'est une discussion très importante, que devraient étudier les législateurs. Vous faites l'objet de nombreuses demandes, et beaucoup de gens envisagent la question du point de vue des droits. Notre mémoire vous demande plutôt d'envisager le mariage en considérant que l'institution existe depuis des milliers d'années et a pris de nombreuses formes à travers le monde. En fait, c'est à travers le mariage et le développement des sociétés dans de nombreuses régions du monde que nous avons rendu possible notre présence ici et notre société canadienne.
Le président : Merci beaucoup.
Madame Huntley.
Mme Alison Huntley : Je suis tout à fait d'accord pour dire que ce ne sont pas les tribunaux qui devraient trancher cette question, parce qu'elle est complexe, et il incombe aux décideurs d'établir la politique. Toutefois, on laisse entendre que l'homosexualité est une nouveauté du XXe siècle, et bien sûr, c'est faux. Il a toujours existé une variété de relations sexuelles, et un certain segment de la population humaine a toujours été homosexuel, qu'on l'admette ou non.
J'estime que la question des droits se pose lorsqu'on cherche à définir la famille dans son sens global. L'interprétation que l'Église unie donne au terme famille ressemble beaucoup à ce qu'on voit dans la tradition catholique romaine : les soins aux enfants, certainement, les moyens d'assurer leur sécurité, qu'elle soit économique, sociale, spirituelle ou psychologique, tout cela fait partie intégrante de notre interprétation d'une unité familiale. La seule grande différence réside dans le fait que nous ne nous limitons pas aux parents hétérosexuels et leurs enfants. Nous incluons aussi la possibilité de parents qui soient des lesbiennes ou autres, soit toute une gamme de partenariats humains qui répondent aux besoins spirituels, sociaux, psychologiques et sexuels du partenaire. Dans l'ensemble, je crois que c'est notre définition du terme famille qui nous différencierait, toute cette question du sexe et de savoir si elle se limite aux partenaires du même sexe.
Je voulais aussi signaler qu'en tant qu'organe législatif, le gouvernement du Canada s'est engagé dans ce débat par le passé, lorsque l'homosexualité a été légalisée, et à l'époque on a évoqué toutes sortes de craintes qu'une fois la légalisation adoptée, ce serait comme ouvrir une boîte de Pandore, et que si on légalisait l'homosexualité, on ouvrait la porte à la violence faite aux enfants, etc., mais ces craintes ne se sont pas réalisées. Nous avons encore une loi qui protège les enfants; d'ailleurs, elle a été renforcée au fil des ans, plutôt que relâchée.Donc, si nous sommes prêts à accepter la possibilité de changements législatifs, nous évoluons, en réalité, dans un sens tout à fait conforme à l'histoire du gouvernement du Canada.
Le président : Je crois que je devrais expliquer à tous que lorsque j'invite M. Toews à prendre la parole pendant trois minutes, ce temps-là inclut la question et la réponse. Si cela prend deux minutes et 50 secondes, et on dit que tous les témoins peuvent répondre, je n'aurais pas assez de temps pour ceux qui n'ont pas encore pris la parole. Alors assurez-vous que vos questions soient des plus concises possible, et si vous prenez trois minutes, et que vous posez une question à tous les témoins, vous n'aurez pas la chance d'en poser une deuxième.
M. Vic Toews : Merci.
À mon avis, la décriminalisation de l'homosexualité n'a rien à voir avec ce dont nous parlons aujourd'hui, c'est-à-dire, la définition du mariage. Il faut se pencher sur la raison pour laquelle le mariage existe.
Mes remarques s'adressent aux représentants de l'Église catholique ainsi qu'à l'Alliance évangélique du Canada, en raison des positions que ces deux groupes ont adoptées pendant la période de questions. Si le mariage est une institution hétérosexuelle, croyez-vous qu'il est nécessaire pour le Parlement de trouver un autre cadre juridique pour les autres types de relations dans notre société? Est-ce que l'Église catholique ou l'Alliance évangélique du Canada ont une position sur les relations en dehors du mariage?
À (1035)
Mme Marlene Smadu : Je crois que l'archevêque Gaumond a déjà répondu à cette question. Nous croyons que chaque être humain a une dignité qui lui est propre, et que la responsabilité de veiller aux besoins de ceux qui se trouvent dans des relations diverses revient à l'État. Nous sommes ici pour discuter de la question du mariage et de sa signification pour nous en tant que catholiques, mais si l'État voit le besoin de créer d'autres types d'unions ou de relations, de venir en aide aux enfants issus de ces relations, de tenir compte de la vulnérabilité possible, nous croyons, que l'assemblée législative en a le droit.
M. Bruce Clemenger : Comme j'ai indiqué plus tôt, en tant qu'association, nous ne sommes ni pour ni contre la création d'une union civile ou de toute autre forme de rapports. Les membres de nos confessions ont des opinions très partagées là-dessus. Certains croient qu'il s'agit d'une question de justice pour la population alors que d'autres estiment qu'il faut reconnaître uniquement le mariage. Cependant, tous semblent être d'accord pour dire que si d'autres types de relations sont reconnus en droit et par les politiques gouvernementales, les régimes de partenariat civil, les unions civiles, un registre civil, peu importe le terme, il n'est pas certain que l'intimité sexuelle soit une exigence primordiale.
Mme Choice Okoro : L'Église unie s'opposerait à tout autre cadre juridique. Nous recherchons l'égalité.
M. Vic Toews : Donc, si le comité recommande que le mariage demeure une institution hétérosexuelle, l'Église unie s'opposerait aux règlements pris hors du contexte du mariage?
Mme Choice Okoro : Oui.
M. Vic Toews : Et que faire des enfants dans ces autres relations, si le mariage se définit en fonction d'une relation hétérosexuelle et s'il y a des enfants dans cette relation? Il y a d'autres types de relations, les couples de lesbiennes et de gais, par exemple, qui peuvent avoir des enfants. Ne devrait-il pas y avoir des règlements pour tenir compte des relations entre ces enfants et leurs parents vis-à-vis de la société en général?
Le président : Madame Huntley.
Mme Alison Huntley : Effectivement, et la raison pour laquelle nous voulons une institution égale pour les familles de gais ou de lesbiennes et les familles hétérosexuelles, c'est pour protéger les enfants contre ce qui se passe, par exemple, dans la cour d'école. Que se passerait-il si on a des institutions distinctes pour un groupe par rapport à l'autre? Le mouvement pour la défense des droits civils aux États-Unis représente un exemple classique de ce qui peut se produire si on a des fontaines séparées pour des groupes différents. On ne crée pas l'égalité, on ne fait qu'accroître la haine et la discrimination, et c'est ce à quoi nous nous opposons. Voilà ce qui est à l'origine de notre position,soit de protéger les enfants et les adultes contre les abus qui résultent de l'homophobie.
Le président : Merci.
Madame Fry.
Mme Hedy Fry : Merci encore une fois, monsieur le président.
Pour en revenir à la notion des dimensions légales du mariage pour répondre à des notions anthropologiques, sociales et personnelles, nous avons parlé d'élargir le concept du mariage, ce qui signifie l'inclusion de toutes sortes de relations. Pour moi, le mariage est une relation fondamentalement conjugale. Je ne crois pas que le mariage doit aussi comprendre les frères, les soeurs, les oncles et les tantes de même que les parents et leurs enfants. Si vous croyez qu'il s'agit d'une relation conjugale et si vous reconnaissez, comme a dit M. Ménard, la notion de l'amour érotique au sein d'une relation conjugale, ainsi que les autres dimensions de l'amour du couple, vous permettez aussi aux enfants dans ces familles, comme Mme Huntley l'a si bien dit, d'avoir une impression de stabilité au sein de la société, un sentiment d'appartenance à cette société, l'assurance qu'ils ne sont pas des enfants de deuxième ordre, qu'ils sont les enfants de vrais parents qu'on doit respecter de la même façon que les enfants de parents hétérosexuels sont respectés. J'aimerais donc savoir ce que vous en pensez, monsieur Clemenger, parce que je sens que vous avez des opinions là-dessus.
À (1040)
M. Bruce Clemenger : En tant que décideur, je vous demanderais quels critères l'État pourrait-il établir pour mesurer l'amour érotique? Comment fait-on pour savoir si l'amour érotique existe dans une relation afin de décider s'il s'agit ou non d'un mariage?
Mme Hedy Fry : Il y a sept dimensions qui sont inhérentes à la conjugalité. Cela répondrait aux critères d'une relation conjugale.
M. Bruce Clemenger : Mais je vous demande, en tant que législateurs, comment vous pouvez définir le mariage en fonction de l'existence de l'amour érotique?
Le président : Monsieur Clemenger, il est déjà assez difficile de fonctionner lorsqu'un seul groupe pose des questions. Je conviens qu'il s'agissait d'une question de pure forme, mais je ne suis pas convaincu que Mme Fry est du même avis que moi.
Est-ce que quelqu'un souhaite répondre à la question de Mme Fry?
Madame Huntley.
Mme Alison Huntley : Dans un certain sens, la réponse est évidente. À en juger d'après la façon dont les hétérosexuels se présentent pour le mariage, rien n'oblige à prouver que vous avez des relations sexuelles pour pouvoir vous marier, ou que vous avez l'intention d'en avoir, peu importe. Il y a un cadre de référence qui nous dit déjà comment traiter de cela et comment réagir. Je ne vois pas quel serait le problème d'une définition des relations conjugales qui serait élargie de manière à ce que des relations entre personnes du même sexe soient considérées de la même façon que des relations hétérosexuelles.
Le président : Madame Ferrari.
Mme Jean Ferrari : Puisqu'on sait que les enfants qui évoluent dans des relations instables ont des problèmes scolaires, décrochent vite, ont du mal à trouver ou à garder un emploi, ont des problèmes à établir des rapports, je me demande s'il ne faudrait pas permettre uniquement aux couples stables, et j'entends par là des couples mariés, d'adopter des enfants. Je sais que certains enfants se retrouvent avec une mère qui décide tout d'un coup d'opter pour une relation lesbienne, et je sais qu'il y a des exemples du même genre avec les hommes, mais ces enfants se trouvent dans une situation très regrettable et on peut se demander à quel point le parent, s'il faut l'appeler ainsi, aime vraiment son enfant pour lui faire subir ce genre de relation.
Le président : Monsieur Marceau.
[Français]
M. Richard Marceau: Monsieur le président, lors du premier tour, mes premiers mots ont été pour dire que je n'étais pas théologien. Je suis toujours surpris lorsque j'entends M. McKay, par exemple, dire qu'il n'appartient pas aux cours de décider. En théorie, s'il n'appartient pas aux cours de décider de la loi, il ne nous appartient pas de faire des lois. Comme je ne suis pas théologien, je ne peux que faire les choses au moyen de lois, car je suis législateur. Le mariage n'existe pas dans un vide. C'est un concept juridique, et c'est ce sur quoi on peut jouer.
Monseigneur Gaumond, aujourd'hui, dans l'Église catholique, un divorcé ne peut se remarier. Certaines personnes pourraient dire que c'est discriminatoire. Or, personne ne s'est servi de quelque instrument juridique que ce soit pour forcer l'Église catholique à marier une personne divorcée. L'Église catholique ne reconnaît pas l'ordination des femmes, et il n'y a aucun moyen juridique d'imposer à l'Église catholique de changer son dogme pour permettre l'ordination des femmes.
Est-ce qu'une analogie ne peut pas être faite avec le mariage homosexuel? L'État, faisant la distinction entre l'institution religieuse et l'institution civile, pourrait bien dire qu'il permet aux homosexuels de se marier, mais que l'Église catholique n'est pas obligée de le faire, comme elle n'est pas obligée de marier les personnes divorcées et comme elle n'est pas obligée d'ordonner les femmes. On en vient à cette séparation fondamentale entre l'Église et l'État dans notre société. Une religion ne peut imposer son point de vue à l'ensemble de la société.
Partant du principe qu'il existe une séparation de l'Église et de l'État et qu'on est dans une société pluraliste, est-ce qu'on ne pourrait pas reconnaître le mariage homosexuel sans toucher aux dogmes religieux de chacune des religions représentées ici, que je respecte le plus profondément possible? Et si on craint les abus, ne pourrait-on pas ajouter, si le comité en décide ainsi, l'équivalent de l'article 367 du Code civil du Québec, qui dit que jamais un ministre du culte ne peut être obligé de performer un acte qui est contre les dogmes de la foi qu'il représente?
Le président: Monseigneur.
Mgr André Gaumond: La séparation entre l'Église et l'État est une chose bien acquise, et il faut absolument continuer à l'assurer de la manière la plus évidente et la plus claire possible. C'est un acquis de la pensée occidentale depuis un certain nombre d'années. On ne revient pas sur cette question.
Pourquoi l'Église continue-t-elle, non seulement à imposer sa perception de la réalité du mariage à ses fidèles, mais aussi à demander et à souhaiter fortement qu'elle soit reconnue par la société? Je reprends ici la distinction que vous avez faite plus tôt concernant l'extérieur de l'Église.
Il semble que nous faisions face à une structure inscrite dans la nature et nous croyons que le législateur civil a lui aussi le devoir de respecter l'essence de cette structure. C'est ce qui explique que nous ayons un point de vue à ce sujet.
À (1045)
[Traduction]
Le président : Merci, Monseigneur.
Monsieur Clemenger.
M. Bruce Clemenger : Pour répondre au dernier volet de la question, si vous redéfinissez le mariage, nous voudrions une protection légale afin que le clergé ne soit pas obligé, contre sa conscience, de marier certaines gens. Dans l'état actuel des choses, nous nous attendons à ce qu'il y ait un jour une contestation à la Commission des droits de la personne. Les gens d'église qui célèbrent les mariages sont en fait autorisés par la province à le faire, c'est un service public qu'ils rendent, de sorte que nous nous attendons à une contestation juridique concernant le droit d'être protégé contre ce genre de choses.
Le président : Merci beaucoup.
Monsieur McKay.
M. John McKay : Merci, monsieur le président.
Plusieurs témoins nous ont déjà dit que ce ne serait pas la fin du monde si on permettait aux gens du même sexe de se marier, que ce n'était pas vraiment notre problème, qu'on exagérait les choses, que cela n'affaiblirait pas l'institution du mariage et autres choses de ce genre. Or, madame Smadu, vous nous dites que « La réciprocité a des conséquences démographique, économique, sociale et intergénérationnelle que la société que nous formons ignore à son péril ». Puis, vous citez M. le juge Pitfield, en l'occurrence : « L'État a de toute évidence raison d'accorder reconnaissance, préférence et préséance—eu égard à sa nature et à sa spécificité—à ce fondement social et juridique grâce auquel perdure la société ». Alors, la question toute simple est celle-ci : Quel est le péril?
Mme Marlene Smadu : Le péril tient à la description des quatre dimensions du mariage, surtout la dimension sociale et la procréation, dans le sens où, comme j'ai déjà dit, le mariage existait avant bien nos sociétés. Il constituait le fondement de la société telle que nous la connaissons. Nous savons que l'Église catholique déploie de grands efforts pour venir en aide aux couples mariés et pour assurer la pérennité de l'institution du mariage; il nous reste beaucoup de travail à faire, dont une partie est déjà en cours. C'est cette pierre angulaire de la société, comme l'a dit Monseigneur Gaumond, c'est-à-dire la capacité naturelle de procréer au sein d'une relation hétérosexuelle qui permet aux couples non seulement de concevoir des enfants, mais aussi de leur créer un environnement et qui permet aussi à la société de continuer à exister et à se renouveler. J'estime qu'une redéfinition fondamentale du concept du mariage signifie que le mariage tel que nous le connaissons n'existe pas, et je crois que l'on remettrait en question bien des aspects de la société. M. Clemenger a mentionné certaines tendances quant aux relations de couple. Dans un contexte de mariage, on s'occupe des enfants et on les protège, ce qui reflète un engagement important et unique pris par des couples mariés envers l'État et la société en général.
Le président : Monsieur Clemenger.
M. Bruce Clemenger : Dans les années 70 au Canada, on a modifié la Loi sur le divorce, et on a accordé des avantages et imposé des obligations aux conjoints de fait hétérosexuels. À cette époque, le taux de mariage a baissé. Nous affirmons que le mariage est une institution importante surtout lorsqu'on pense à la formation de liens sexuels en vue de concevoir des enfants. En tant que législateurs qui s'intéressent à la politique sociale, je crois que ce déclin du taux de mariage devrait vous préoccuper. Nous devons comprendre si l'affaiblissement du caractère distinct du mariage aboutira à une baisse du nombre de couples qui contracteront mariage, s'il est moins prisé dans les lois et les politiques du pays et dans la société en général, et il y aura des conséquences concomitantes. Nous croyons que le mariage doit rester une institution distincte et que l'on devrait se servir d'autres catégories pour tenir compte de l'égalité des autres couples.
Le président : Merci, monsieur Clemenger.
Monsieur Robinson.
M. Svend Robinson (Burnaby—Douglas, NPD) : Merci beaucoup, monsieur le président.
Je voudrais m'excuser auprès de mes collègues et des témoins parce que j'ai dû partir, mais j'ai dû me rendre à la Chambre pour déposer un projet de loi d'initiative parlementaire qui, en effet, accorderait aux couples du même sexe le droit de se marier. En déposant ce projet de loi, j'ai précisé qu'à mon avis, au lieu d'affaiblir l'institution du mariage, l'affirmation du droit des gais et lesbiennes de se marier le renforcera, en le rendant plus inclusif et en reconnaissant la diversité des familles canadiennes. C'est là ma position qui date depuis longtemps. J'ai déposé le projet de loi, les témoins sont bien au courant de ma position, et j'ai eu le privilège de discuter de ces questions avec plusieurs des témoins par le passé.
Quant à la procréation—et les témoins continuent à revenir là-dessus—et la sexualité, il n'y a aucune preuve qu'aux Pays-Bas, qui a accordé le droit au mariage à des couples de gais et de lesbiennes, que les couples hétérosexuels ont commencé à avoir moins d'enfants pour cette raison, que le taux de natalité a baissé, qu'il y a moins de procréation parce que les partenaires du même sexe peuvent se marier. Il n'y a aucune preuve que le taux de mariage chez les couples hétérosexuels a baissé parce qu'on permet aux gais et aux lesbiennes de se marier. Je dois donc remettre en question l'argument fondamental présenté par plusieurs témoins—bien sûr, je n'inclus pas l'Église unie qui est, et j'en suis ravi, en faveur du mariage des couples du même sexe. Expliquez-moi comment le fait d'accorder le droit de se marier aux couples du même sexe entraînera une baisse de procréation ou des mariages des couples hétérosexuels.
L'autre question que je voudrais poser à l'évêque ou à Mme Smadu porte sur la sexualité. Je veux simplement bien comprendre la position de l'Église catholique—je crois que je la comprends—qu'en tant qu' homosexuel, je ne devrais jamais avoir de rapports sexuels. Vous dites que des rapports sexuels ne sont possibles qu'une fois marié. Vous dites que je ne devrais jamais être autorisé à me marier. Alors j'imagine que vous êtes en train de dire que tous les gais et lesbiennes au Canada, selon les doctrines de l'Église, ne devraient jamais avoir de rapports sexuels. Est-ce exact?
À (1050)
Mgr André Gaumond : Oui.
M. Svend Robinson : C'est votre position.
Mgr André Gaumond : Selon la doctrine de l'église, oui.
M. Svend Robinson : Pourriez-vous dire un mot sur la procréation et le mariage, madame Smadu?
Mme Marlene Smadu : Je me répète beaucoup, en redisant la même chose, mais notre position sur le mariage c'est qu'il est multidimensionnel, et c'est au moment où toutes les dimensions sont présentes ensemble que l'on peut créer l'institution du mariage au sein de l'Église catholique. La procréation est une partie importante du mariage, aux yeux de l'église. Mais ce n'est pas toujours possible; parfois il n'y a pas de procréation, mais il s'agit d'ouverture et de vitalité.
Donc quelle différence cela ferait-il pour moi si des couples du même sexe se mariaient?
M. Svend Robinson : Est-ce qu'il y aurait moins de procréation?
Mme Marlene Smadu : On parle à ce moment-là de la dimension sociale, et peut-être de la dimension anthropologique du mariage, dans le sens où il joue le rôle, au sein de la société, selon sa définition actuelle, d'un fondement, d'un élément constitutif et toute modification radicale à la définition du mariage aura un impact sur les personnes qui fait maintenant partie de cette institution. Je ne sais pas depuis quand celle loi existe aux Pays-Bas, et je ne sais pas si on peut dégager des preuves ou des tendances à cet égard.
M. Svend Robinson : Brièvement, quelle est la position de l'Église catholique sur les prêtres homosexuels? Je comprends qu'un prêtre peut être homosexuel pourvu qu'il n'ait pas de rapports sexuels, comme n'importe quel prêtre.
[Français]
Mgr André Gaumond: Vous avez bien compris. C'est exactement la position.
[Traduction]
Le président : Merci beaucoup.
Monsieur Clemenger veut répondre à la question.
M. Bruce Clemenger : Ma préoccupation n'est pas qu'il y aura moins de procréation, mais qu'il y en aura moins parmi les couples hétérosexuels mariés.
Le président : Monsieur O'Brien. On a donné avis d'une question de privilège, donc soyez très bref s'il vous plaît. Nous devons terminer la réunion dans cinq minutes.
M. Pat O'Brien : Je ne sais pas si M. Robinson a entendu le mémoire présenté par M. Cere, mais j'encouragerais tout le monde à le lire s'ils ne l'ont pas déjà fait. Il a cité plusieurs homosexuels bien connus qui sont eux-mêmes en train de faire de la recherche sur cette question importante. Il a dit clairement que modifier la définition du mariage modifiera fondamentalement le mariage proprement dit. Croyez-vous donc que le mariage tel que nous le connaissons nécessite et mérite une protection spéciale en droit de la part de l'État?
À (1055)
Le président : Monseigneur Gaumond.
[Français]
Mgr André Gaumond: Ma réponse est oui en ce sens qu'il nous apparaîtrait très périlleux de déstructurer cette institution séculaire qu'est le mariage, compte tenu de sa relation à la société et de son importance pour la société, et en particulier de toute la responsabilité à l'égard des enfants.
[Traduction]
Le président : Merci beaucoup.
Monsieur Marceau.
[Français]
M. Richard Marceau: Merci. Je voudrais poser une question à Mgr Gaumond. Je ne veux pas « picosser », mais je pense que vous avez touché ce qu'on pourrait appeler la substantifique moelle du débat lorsque vous avez affirmé que ce qui est important au-delà de tout, c'est le fait que c'est inscrit dans la nature.
Est-ce que ce n'est pas là un jugement de valeur, un jugement de valeur religieuse qui va à la source même du débat? Si, en tant que catholique pratiquant, vous croyez que le mariage doit être entre un homme et une femme et que c'est inscrit dans la nature, on ne peut pas vraiment argumenter sur ça. Mais quelqu'un d'autre pourrait croire que deux hommes ou deux femmes peuvent s'aimer et avoir une relation conjugale. Donc, l'argument selon lequel c'est inscrit dans la nature ne va-t-il pas au coeur d'une croyance religieuse? C'est là qu'il faut faire la distinction entre la société et la religion. Les dogmes de l'Église et les croyances de la société peuvent ne pas correspondre.
Mgr André Gaumond: Selon moi, il ne s'agit pas d'un jugement de valeur religieuse ou d'un jugement religieux de valeur. Il ne s'agit pas non plus d'une option visant la croyance. Il s'agit toutefois d'une option anthropologique, d'une option anthropologique de base. C'est une lecture de la réalité anthropologique telle qu'elle nous apparaît.
[Traduction]
Le président : Merci beaucoup.
M. Clemenger voudrait répondre brièvement, et ensuite nous passerons à la question de privilège soulevée par M. Ménard.
M. Bruce Clemenger : Le mariage trouve ses origines dans une réalité biologique, c'est-à-dire que nous existons en tant que mâle et femelle; le mariage représente le lien sexuel exclusif qui existe entre homme et femme à long terme; cela comprend la procréation et n'enlève pas intentionnellement le droit des enfants de connaître leurs parents biologiques intimement. Tout cela va ensemble. Je crois qu'il a une importance religieuse, mais il aussi ses racines en biologie de base.
Le président : Merci beaucoup.
J'aimerais remercier le comité ainsi que les membres du groupe. Je crois que cette séance a été très instructive.
J'aimerais maintenant inviter les témoins à quitter la table et nous passerons à la question de privilège de M. Ménard.
[Français]
M. Réal Ménard: Monsieur le président, j'ai beaucoup de respect pour vous, car vous avez à coeur de nous animer. Quand on parle de vous ici, sur la colline, on dit que vous êtes un président extrêmement dévoué, mais depuis deux ou trois séances, je trouve que la présidence est de plus en plus directive dans la façon dont elle conduit les débats avec les témoins. Je pense que la nature de ce dossier nous amène parfois, comme parlementaires, à reformuler les questions et à décider à qui on va poser nos questions. Je souhaiterais que dans le cadre du respect du temps et des propos parlementaires, la présidence soit un peu moins directive. J'aurais apprécié pouvoir reformuler ma question.
Si j'estime qu'un témoin ne répond pas à ma question, je peux la reformuler et insister. C'est mon privilège. Si jamais je manquais de respect à la présidence ou aux témoins, je comprendrais votre intervention, mais en dehors de ces deux paramètres, il me semble que vous ne devez pas vous ingérer dans ce processus d'échange. Mais vous avez mon amitié. Vous êtes un très bon président, et je sais que vous avez à coeur de bien nous animer.
Á (1100)
[Traduction]
Le président : Je veux répondre à M. Ménard. À mon avis, il ne s'agit pas nécessairement d'une question de privilège, mais je comprends son intention. C'est la cinquième ou la sixième journée que nous consacrons aux audiences. Chaque fois, nous avons utilisé tout le temps prévu. Afin de permettre à tous les députés de prendre la parole, je dois m'assurer que les règles sont respectées, sinon, à la fin de la séance, les gens qui voudraient prendre la parole n'auront pas l'occasion de le faire. Pour parler précisément de cet après-midi, j'ai tendance à permettre aux témoins de dépasser la limite des trois ou sept minutes, mais je leur demande d'être brefs, parce que nous les avons convoqués pour obtenir de l'information, et nous avons maintes occasions de le faire. Cependant, je ne permets pas aux députés de poser d'autres questions une fois que leur temps est écoulé, parce que la question peut donner lieu à une réponse de cinq minutes, et je n'aime pas interrompre des témoins. Si cela se produit, les trois derniers intervenants de la matinée ne pourront pas poser de questions.
Ces précisions s'appliquent à tous les membres du comité et pas simplement à M. Ménard. Permettez-moi de vous avertir maintenant que si vous prévoyez poser une question vraiment détaillée, vous devez poser la question et vous laisser assez de temps pour approfondir les réponses, au lieu de poser une question de trois minutes et de laisser le groupe se débrouiller avec la réponse. Les membres du groupe commencent à répondre, et ensuite il y a des questions complémentaires. Les questions complémentaires dépassent trois minutes. Comme je l'ai déjà dit, j'essaie de donner plus de marge de manoeuvre aux témoins qu'aux membres du comité, parce que les membres du comité ont toutes sortes d'occasions de poser des questions. Si quelqu'un s'oppose à cette façon de faire, nous pouvons revoir la question. C'est le comité qui a établi les règles portant sur les questions de sept et de trois minutes.
Monsieur Toews.
M. Vic Toews : Je partage la préoccupation de M. Ménard dans une certaine mesure. Je veux reconnaître, monsieur le président, que de façon générale vous faites un excellent travail, mais parfois, compte tenu des limites de temps, une question adressée à un témoin précis ne sera peut-être pas posée à tous les membres du groupe, parce qu'on a des raisons précises d'agir ainsi. Je veux poser une question et une question complémentaire à un témoin, et je ne veux pas entendre le point de vue des autres membres du groupe, parce que j'ai posé les questions pour des raisons précises. Donc en tant que membres du comité, nous devrions peut-être préciser cela pour vous tirer d'une situation précaire. Je vous demanderais tout simplement d'en tenir compte, ou nous pourrions peut-être prolonger la durée à sept et à cinq minutes, par exemple, parce que trois minutes c'est vraiment court, et nous ne respectons pas la règle de trois minutes.
Le président : Si un député pose une question précise à un témoin en particulier, normalement je limite la réponse à ce témoin, mais parfois, monsieur Toews, c'est impossible. Vous regardez la personne qui répond, et si quelqu'un là-bas indique qu'il veut poser une question, en tant que président, je vous indiquerai que quelqu'un d'autre voudrait répondre. Ensuite c'est à vous de décider.
M. Vic Toews : Très bien, c'est équitable.
Le président : Parce que je suis le seul à savoir que le témoin a levé la main.
Monsieur O'Brien.
M. Pat O'Brien : Monsieur le président, je n'envie pas votre rôle de président de ces audiences et je sais que vous vous tirerez bien. J'ai moi-même présidé le comité de la défense pendant deux ans, nous avons tous siégé à beaucoup de comités et en avons présidé plusieurs. D'après mon expérience, si les membres d'un comité comprennent l'interprétation des règles, et si celles-ci s'appliquent également à tout le monde, les membres estiment que les délibérations se déroulent équitablement. D'après moi, si nous procédons à un tour de sept minutes—et cela a été le cas pour chacun de mes comités, que ce soit à titre de président ou non—le temps alloué inclut les questions et les réponses. Il faut s'en tenir à des segments de sept minutes pour tout le monde. Lorsque le président dit que le temps est écoulé, il faut respecter la règle. Certains députés qui sont membres de ce comité ne s'en tiennent pas à cette règle—j'ai déjà présidé des réunions auxquelles ils participaient—et ces gens utilisent tout leur temps pour poser leurs questions. Donc, si le président permet du temps de réponse, il leur a automatiquement alloué plus de sept minutes.
Donc, si les députés ne s'entendent pas sur les règles, je vous encourage à les revoir. Mais si nous avons convenu d'un tour de sept minutes, il faut nous en tenir à sept minutes pour les questions et les réponses. J'appuie ce que M. Toews a dit. Hier, au comité, il s'est produit une situation regrettable. Un témoin s'est senti lésé en dépit du fait que la question ne s'adressait pas même à lui. Il a tenu des propos désobligeants, ce que vous lui avez rappelé. Vous vous êtes senti visé, mais vous aviez simplement fait votre travail.
Á (1105)
Le président : Je suis ouvert à d'autres opinions, mais d'après la pratique suivie par notre comité depuis que j'en suis le président, si un témoin veut répondre et a été invité à le faire, mais que le député parle déjà depuis six minutes, et que sa question est complexe, et qu'il a des choses à dire, et qu'ensuite le député annonce que sa question s'adresse à la cantonade, alors qu'il lui reste seulement une minute, mais sept témoins et que je n'ai pas eu l'occasion de lui rappeler la règle, parce qu'il n'est pas encore rendu à la septième minute, je donnerai la parole à trois témoins, disons,tout en tenant compte de leurs positions respectives—ça fait partie de mon travail. Donc, si deux témoins donnent la même réponse et qu'un troisième témoin veut répondre et que sa position est différente des deux premiers intervenants, je vais lui donner la parole, parce qu'à mon avis, cela enrichit le débat.
Jusqu'à présent, je crois que cela a fonctionné assez bien. J'entends poursuivre ainsi. Je vous demanderais de me donner un peu de latitude pour diriger nos travaux. Je sais combien de noms figurent sur la liste, je sais qui veut parler et qui m'a fait parvenir un message; je suis au courant de ce qui se passe et personne d'autre. Vous devez me donner une marge de manoeuvre.
Monsieur Sorenson.
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne) : J'aimerais également noter que vous n'avez pas la tâche facile. Aujourd'hui, M. Toews voulait continuer à interroger quelques témoins, il a donc continué à poser des questions, et c'est une chose dont chaque parti doit décider en divisant entre ses membres le temps de parole dont il dispose. Plusieurs d'entre nous ne sommes pas encore intervenus aujourd'hui, et nous ne nous en plaignons pas, car nous avons choisi de donner notre temps à un collègue. Donc, Richard et Réal vont devoir s'entendre sur cette question. À mon avis, monsieur le président, vous avez été juste pour ce qui est de l'allocation du temps de parole.
Le président : Madame Fry.
Mme Hedy Fry : Je crois que Kevin a raison, mais il y a une chose qui cloche. Très souvent, de votre côté et avec le Bloc québécois et les néo-démocrates, vous adoptez une prise de position en particulier que vous partagez tous, alors vous pouvez vous en remettre à une seule personne. Du côté des Libéraux, on constate une divergence d'opinions, et cela peut parfois causer un problème lorsqu'une personne qui a sept minutes aborde un aspect du problème et que la personne qui n'a pas encore pris la parole ne le fait pas. Je ne conteste pas ce que vous dites, car je crois que vous faites un excellent travail, Andy, mais je veux juste dire qu'il s'agit d'une question si complexe que parfois, si on veut poser une question, il faut aborder la complexité de l'argument présenté par les témoins. Je ne sais pas comment m'y prendre. Les témoins ont ensuite très peu de temps pour répondre, et je sais qu'ils sont ici pour nous aider. Je pense encore que la suggestion de M. Toew's d'accorder cinq minutes pour le deuxième tour de questions est bonne, mais c'est à vous que revient la décision.
Le président : Cela ne me dérange pas du tout, mais je peux vous dire que certains membres de côté-ci n'auront pas la chance de poser de questions. Voilà pourquoi on accorde trois minutes.
M. Kevin Sorenson : Je crois que c'est la formule la plus juste. Je comprends que le président peut facilement voir que d'autres députés voudraient approfondir la question. Donnez-lui une certaine marge de manoeuvre—c'est le pouvoir que possède le président. Si M. Ménard se sent lésé, c'est une chose qu'il faudra considérer.
Le président : Tous ceux qui veulent devenir conservateurs peuvent le faire. Vous aurez beaucoup de temps.
Á (1110)
M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Alliance canadienne) : Je m'oppose gentiment à ce qu'a dit Hedy. Nous sommes peut-être quatre à partager la même opinion, mais cela ne veut pas pour autant dire que je n'aurais pas à poser une question qui diffère de celle de Vic, mais je lui donne mon temps de parole parce que je juge son argument plus important et pertinent. Ce n'est pas parce que je m'entends avec lui sur le plan des principes, que je n'ai pas de question à poser.
Le président : Monsieur Macklin.
M. Paul Harold Macklin (Northumberland, Lib.) : Juste pour clore le débat, l'une des possibilités qui s'offre à vous, monsieur le président, serait de demander au député s'il est disposé à céder son temps à quelqu'un autre.
Le président : Je crois que tout le monde a compris qu'on ne peut pas tout faire dans le temps accordé. Nous ne sommes pas en train de partager le temps. Nous ne l'avons pas fait depuis le début. Si on vous donne sept minutes, vous n'allez pas dire : « J'en prends la moitié et je donne le reste à quelqu'un d'autre ». Cela ne se produit pas. Lorsque ce sera le tour de M. Ménard de poser ses questions, il faudra qu'il s'entende avec M. Marceau pour qu'il puisse finir lors du prochain tour. C'est à eux d'en décider.
Monsieur Marceau.
[Français]
M. Richard Marceau: Dans ce cas particulier, il posait une question à Mgr Gaumond et vous avez donné la parole à M. Clemenger. Il voulait avoir la position de l'Église catholique. Pour Réal, l'opinion de M. Clemenger était moins importante que celle de Mgr Gaumond. Voilà ce qui s'est passé.
[Traduction]
Le président : Le problème c'est que M. Ménard a pris presque cinq minutes lors d'un tour de trois minutes. M. Ménard croyait poser la question directement au monseigneur parce qu'il le regardait, mais les autres témoins l'écoutaient et me faisaient signe, et je voulais juste attirer l'attention de M. Ménard sur le fait que quelqu'un d'autre voulait répondre. S'il refuse et décide de poursuivre avec le monseigneur, très bien, mais il ne devrait pas prendre cinq minutes pendant un tour de trois minutes.
La séance est levée.