:
Comme nous avons le quorum, je déclare la séance ouverte, en reconnaissant tout d'abord qu'à Ottawa, nous nous réunissons sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 29 avril 2021, le Comité poursuit son étude sur l'application de la loi dans les réserves des Premières Nations.
Voici la marche à suivre pour assurer le bon déroulement de la réunion.
Les participants sont priés d'écouter et de parler dans la langue officielle de leur choix. Au bas de votre écran, en cliquant sur l'icône du globe, vous pouvez choisir entre le parquet, l'anglais ou le français. Pendant votre témoignage, vous pouvez passer d'une langue officielle à l'autre sans avoir à modifier l'icône.
Lorsque vous intervenez, assurez-vous que votre vidéo est allumée. Veuillez vous exprimer lentement et clairement. Lorsque vous ne parlez pas, notre micro devrait toujours être en sourdine.
Conformément à la motion adoptée le 9 mars 2021, je dois informer le Comité que tous les essais techniques préliminaires ont été effectués.
Pendant la première heure, nous allons accueillir des représentants du ministère des Services aux Autochtones, soit Christopher Duschenes, Stephen Traynor et Jacques Boutin. Tout le monde n'est peut-être pas encore arrivé, mais ce sera le groupe d'experts pour ce ministère. Du ministère de la Justice, nous accueillons également Margaret McIntosh, Jacques Talbot, Stephen Harapiak et Andrew Ouchterlony. Du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile, nous accueillons Douglas May et Julie Mugford. Du Bureau du directeur des poursuites pénales, nous accueillons Jeff Richstone et Marke Kilkie.
Merci à tous d'avoir pris le temps d'être parmi nous aujourd'hui.
Vous avez trois minutes chacun pour présenter votre déclaration préliminaire. Nous allons commencer par le ministère de la Justice.
Je ne sais pas qui veut intervenir, mais allez-y, vous avez trois minutes.
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Bonjour, monsieur le président.
Je m'appelle Margaret McIntosh. Je représente le Centre de droit autochtone du ministère de la Justice. Je suis accompagnée aujourd'hui de plusieurs collègues des services juridiques ministériels qui ont une expertise concernant divers aspects des lois, des politiques et des programmes que le Comité examinera en ce qui concerne les défis liés à l'application des lois et des règlements des Premières Nations.
Je suis heureuse de partager mon mot d'ouverture avec des représentants de Services aux Autochtones Canada, de Sécurité publique et Protection civile Canada et du Bureau du directeur des poursuites pénales du Canada.
Des lacunes en ce qui a trait à l'application de la loi sont ressorties pendant la pandémie de COVID-19, lorsque les Premières Nations ont tenté de prendre des mesures pour protéger leurs collectivités. Bien que de nombreuses Premières Nations aient pris des mesures directes pour assurer la sécurité de leurs collectivités pendant la pandémie, l'incertitude entourant l'application de la loi a eu des répercussions négatives sur la sécurité et le bien-être des peuples autochtones.
Les lacunes associées à l'application de la loi ne se limitent toutefois pas au contexte de la COVID-19. Les questions d'application varient considérablement d'une Première Nation à l'autre et sont le résultat d'un agencement complexe de modèles de gouvernance différents, d'accès aux services sociaux et de santé, de traditions et de cultures, de relations avec les gouvernements fédéral et provinciaux et de ressources financières.
Par exemple, certaines collectivités ont de la difficulté à appliquer les règlements administratifs au titre de la Loi sur les Indiens concernant les drogues et l'alcool, ce qui entraîne de graves problèmes sociaux dans les réserves. D'autres collectivités éprouvent des difficultés à faire appliquer les dispositions relatives aux expulsions en vertu de la Loi sur la gestion des terres des premières nations, ce qui les oblige à intenter des poursuites privées coûteuses.
De plus, de nombreuses Premières Nations cherchent à élaborer des approches qui rétablissent leurs lois traditionnelles et leurs traditions juridiques. Cela pourrait nécessiter l'adoption de nouvelles façons de faire en matière d'application de la loi, qui sont différentes de celles qui existent actuellement dans le système de justice pénale.
Le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer dans ce domaine. Cependant, pour que des progrès importants puissent être réalisés, il faut une collaboration poussée entre les Premières Nations, les provinces et le gouvernement fédéral, compte tenu de la complexité des enjeux et du nombre d'intervenants concernés.
Les solutions à long terme doivent être fondées sur l'autonomie gouvernementale des Autochtones et comporter une marge de manœuvre pour tenir compte des réalités, des expériences et des situations diverses des collectivités.
De même, les provinces sont des partenaires nécessaires, compte tenu de la compétence partagée en matière d'administration de la justice et de la nécessité de faciliter la coordination des processus judiciaires au Canada.
Au niveau fédéral, le ministre de la Justice est responsable — conjointement avec le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile dans les domaines des services policiers et correctionnels — de la politique fédérale sur l'administration de la justice, y compris en ce qui concerne les peuples autochtones.
Reconnaissant que Justice Canada peut jouer un rôle de coordination utile dans ce domaine, nous avons cherché des occasions de travailler avec les nations autochtones, les ministères fédéraux et les provinces intéressées, y compris ceux de l'Ontario et de la Colombie-Britannique.
Le 15 janvier, le a reçu une lettre de mandat supplémentaire le chargeant d'élaborer une stratégie en matière de justice autochtone en consultation et en collaboration avec un certain nombre de ministres fédéraux, de provinces, de territoires et de partenaires autochtones.
Bien que nous en soyons encore aux premiers balbutiements de l'élaboration de cette stratégie, qui nécessitera une vaste consultation des peuples autochtones, nous croyons qu'elle pourrait également donner l'occasion de discuter de l'application des règlements et des lois des Premières Nations avec les dirigeants et les partenaires de ces dernières.
Au niveau communautaire, le ministère de la Justice du Canada explore également des façons de mieux soutenir les collectivités autochtones. La négociation d'ententes sur l'administration de la justice constitue une réponse prospective potentielle à cette demande.
Ces ententes personnalisées ou autonomes sur l'administration de la justice pourraient fournir des solutions pratiques sur le terrain et favoriser l'élaboration d'approches novatrices, lesquelles pourraient faire partie de solutions à long terme pour combler les lacunes en matière d'application de la loi et de poursuites.
En conclusion, Justice Canada s'est engagé à travailler avec les Premières Nations, les provinces et les ministères fédéraux, étant donné qu'une approche coordonnée et ciblée sera nécessaire pour combler les lacunes dans l'application des lois et des règlements des Premières Nations et des poursuites connexes.
Merci. Mes collègues et moi serons heureux de répondre aux questions des membres du Comité.
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Bonjour. Merci beaucoup de m'avoir invitée à intervenir aujourd'hui.
Je m'appelle Julie Mugford. Je suis directrice principale chargée de la prévention du crime, des affaires correctionnelles et de la justice pénale, ainsi que des politiques de la police autochtone à Sécurité publique. Ma responsabilité se situe dans le domaine des politiques relatives au Programme de la police des Premières Nations. Aujourd'hui, je suis heureuse d'être accompagnée de mes collègues, Douglas May, de la Direction des programmes, Programmes de la gestion des urgences de Sécurité publique, et Jacques Talbot, des Services juridiques.
Je reconnais l'importance de l'application des lois et des poursuites connexes dans les réserves des Premières Nations pour faire progresser l'autodétermination. Je crois également comprendre qu'il faut combler les lacunes en matière de poursuites pour établir une véritable relation de nation à nation. Cependant, l'ensemble disparate actuel d'intérêts et de responsabilités en ce qui concerne les lois et les règlements des Premières Nations qui se chevauchent entre les ministères fédéraux, les provinces, les territoires et les collectivités des Premières Nations elles-mêmes a donné lieu à des problèmes à ce chapitre.
Pour réaliser des progrès dans ce dossier, de nombreux partenaires, y compris des représentants des gouvernements fédéral, provinciaux, territoriaux et des Premières Nations, doivent déployer des efforts. Les services de police dans les collectivités des Premières Nations représentent un intérêt partagé par plusieurs, outre le gouvernement fédéral. Les provinces et les territoires sont des partenaires clés dans ce domaine et ont compétence en ce qui concerne l'administration de la justice.
Bien que le ministère de la Sécurité publique n'ait pas de mandat direct concernant l'application des lois ou les poursuites connexes, il a un rôle à jouer quant à la façon dont elles peuvent être prises en charge par les services de police, le cas échéant. C'est le résultat du Programme de la police des Premières Nations, qui investit dans les services de police autochtones, ainsi que dans des services de police contractuels, ce qui permet aux provinces et aux municipalités de retenir les services de la GRC en tant que corps policier provincial ou local.
Comme il a été mentionné, l'administration de la justice, y compris le maintien de l'ordre, est de compétence provinciale. Toutefois, Sécurité publique Canada collabore avec les provinces, les territoires et les municipalités, par l'entremise de services de police contractuels de la GRC, afin d'assurer l'administration et la gestion efficaces des ententes sur les services de police.
Sécurité publique est responsable du Programme de la police des Premières Nations. Les coûts de ce programme sont partagés avec les provinces et les territoires, dont la plupart ont également conclu des ententes avec le Canada pour la prestation de services de police provinciaux et territoriaux par la GRC, sauf l'Ontario et le Québec.
Le gouvernement du Canada reconnaît la nécessité de renforcer et d'élargir des services de police adaptés à la culture dans les collectivités autochtones. L'engagement pris dans le cadre du mandat du ministre Blair et le récent financement annoncé dans le budget de 2021, qui prévoit 861 millions de dollars sur cinq ans à compter de 2021-2022, en témoignent, tout comme les 145 millions de dollars prévus par la suite pour appuyer des services de police et de sécurité communautaires adaptés à la culture dans les collectivités autochtones. Le financement comprend également 43,7 millions de dollars sur cinq ans pour élaborer conjointement un cadre législatif pour les services de police des Premières Nations, qui reconnaît que les services de police des Premières Nations sont essentiels, de même que 540,3 millions de dollars sur cinq ans et 126,8 millions de dollars par la suite pour appuyer les collectivités autochtones actuellement desservies dans le cadre du Programme de la police des Premières Nations et pour étendre ce programme à de nouvelles collectivités autochtones. De plus, 108,6 millions de dollars sur cinq ans sont prévus pour réparer, rénover et remplacer les installations des services de police dans les collectivités inuites et des Premières Nations. L'engagement budgétaire comprend également 64,6 millions de dollars sur cinq ans et 18,1 millions de dollars par la suite pour améliorer les stratégies de prévention du crime et les services de sécurité communautaires dirigés par des Autochtones, et 103,8 millions de dollars sur cinq ans pour Services aux Autochtones Canada, afin d'appuyer une nouvelle initiative pour des communautés autochtones plus sûres, afin d'aider les collectivités autochtones à se doter de modèles plus holistiques de sécurité et de bien-être collectifs.
Pour faire progresser ces travaux importants, la collaboration et la mobilisation avec les collectivités et les organisations des Premières Nations, les provinces et les territoires, les services de police et d'autres intervenants sont essentielles. Nous savons que nous avons beaucoup de pain sur la planche. Il s'agit d'un engagement très important du mandat auquel nous avons hâte de donner suite.
Encore une fois, je vous remercie de m'avoir invitée à prendre la parole aujourd'hui. Je suis prête à répondre aux questions qui suivront.
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Merci, monsieur le président.
Mon nom est Jeff Richstone, je suis directeur général et avocat général principal du Groupe des avocats et avocates de l'administration centrale du Service des poursuites pénales du Canada, ou SPPC. Je suis accompagné, ce matin, de mon collègue M. Marke Kilkie, avocat général au sein de notre groupe.
Je vais commencer en parlant plus généralement de la loi instituant notre service et de notre mandat. M. Kilkie va parler du protocole que nous avons adopté afin d'aider les communautés autochtones à contrer la pandémie. En vertu de la Loi sur le directeur des poursuites pénales, le SPPC est une entité fédérale indépendante, qui engage et mène des poursuites fédérales au nom du procureur général du Canada.
Il existe depuis de nombreuses années une lacune concernant les poursuites reliées à des violations des lois des communautés autochtones. Ces lois sont adoptées par les communautés en vertu d'un certain nombre d'autorités législatives, mais le thème commun est la relation de nation à nation que les communautés autochtones partagent avec le Canada.
Les poursuites relatives à ces lois ne font pas partie du mandat du SPPC. Notre fonction consiste essentiellement à mener des poursuites relatives aux lois fédérales au nom du procureur général du Canada. Concilier les pouvoirs législatifs uniques des communautés autochtones avec le système traditionnel de justice criminelle est une question complexe, qui engage les mandats de plusieurs ministères fédéraux, des gouvernements provinciaux et territoriaux ainsi que des communautés autochtones elles-mêmes.
Malgré son mandat limité, le SPPC s'engage à travailler avec ses partenaires pour explorer les options et élaborer des solutions à long terme. À cette fin, avant la pandémie, le SPPC avait entamé des discussions avec d'autres intervenants afin de voir comment mettre cette question à l'avant-plan, de manière à trouver des solutions adaptées aux besoins des communautés autochtones.
Je cède maintenant la parole à mon collègue M. Kilkie, qui poursuivra nos déclarations préliminaires.
Merci, monsieur le président.
:
Monsieur le président, compte tenu de l'urgence liée à la pandémie de COVID-19, et plus particulièrement à une situation qui a été portée à notre attention en Saskatchewan, le Service des poursuites pénales du Canada a accepté de mener les poursuites relativement aux infractions aux règlements administratifs adoptés au titre de la Loi sur les Indiens qui découlent directement de la lutte contre la pandémie de COVID-19.
Cette initiative se limite aux règlements administratifs au titre de la Loi sur les Indiens, afin de s'assurer que le SPPC a la compétence juridique requise pour mener ces poursuites. Une entente de la sorte peut être mise en place lorsqu'une collectivité autochtone demande au SPPC d'engager ces poursuites et conclut un protocole d'entente qui précise clairement que les procédures sont menées au nom du gouvernement du Canada. Ce protocole, et en particulier le libellé concernant les procédures menées au nom du gouvernement du Canada, est nécessaire pour donner au SPPC la compétence nécessaire pour engager des poursuites.
De plus, le SPPC mènera des poursuites uniquement au sujet de règlements administratifs qui ont été examinés pour s'assurer qu'ils sont conformes à la Loi sur les Indiens, ainsi qu'à la Charte des droits et libertés. Le SPPC fournira des conseils juridiques concernant les enquêtes et les poursuites relatives à ces règlements administratifs au titre de la Loi sur les Indiens à l'organisme compétent chargé de l'application de la loi, qu'il s'agisse du service de police d'une collectivité autochtone, de la police provinciale ou de la GRC, selon le cas.
À l'heure actuelle, le SPPC a conclu 11 protocoles d'entente avec des collectivités de la Colombie-Britannique, de l'Alberta, de la Saskatchewan et de l'Ontario. Nous commençons tout juste à voir des accusations en vertu de ces règlements. Nous sommes également en pourparlers avec plusieurs collectivités dans diverses autres régions du pays.
Il convient de préciser qu'il s'agit d'une mesure temporaire, qui ne vise aucunement à représenter la solution à la question plus vaste de savoir qui devrait engager des poursuites en vertu des lois des communautés autochtones et du processus à suivre pour le faire. Cette mesure n'est imposée à aucune collectivité et elle ne vise pas à remplacer les dispositions déjà en place pour engager des poursuites en vertu des règlements des collectivités ou des lois provinciales qui peuvent s'appliquer dans une collectivité donnée.
Je vais maintenant céder la parole à M. Richstone, qui conclura.
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Merci, monsieur le président. Je m'appelle Stephen Traynor. Je représente Services aux Autochtones Canada et je vais présenter notre déclaration préliminaire.
Merci à tous d'avoir invité Services aux Autochtones Canada à comparaître devant vous aujourd'hui.
Comme je l'ai dit, je m'appelle Stephen Traynor et je suis directeur général de la gestion des terres et de l'environnement. Je suis accompagné aujourd'hui de Christopher Duschenes, de Jacques Boutin et de collègues des Services juridiques qui, je l'espère, se joindront à nous bientôt.
Le ministère reconnaît que l'application des lois et des règlements des Premières Nations et les poursuites connexes préoccupent de plus en plus les collectivités. Nous reconnaissons que ces préoccupations ont été amplifiées partout au pays dans le contexte de la pandémie de COVID-19.
Nous sommes d'accord avec nos collègues lorsqu'ils disent que cette question est une responsabilité partagée et que chacun d'entre nous joue un rôle dans le continuum de l'application de la loi. SAC travaille en collaboration avec les Premières Nations pour renforcer leur capacité à élaborer leurs propres lois et règlements, par exemple, en vertu de la Loi sur les Indiens et de l'Accord-cadre relatif à la gestion des terres des premières nations.
En ce qui concerne les règlements administratifs au titre de la Loi sur les Indiens, bien que nous reconnaissions qu'il reste beaucoup à faire, nous comprenons que, dans le contexte de la pandémie de COVID-19, la GRC et le Service des poursuites pénales du Canada se sont engagés à travailler avec les collectivités pour conclure des ententes à l'appui de leur application et des poursuites connexes.
La surveillance ministérielle de SAC et les pouvoirs de désaveu prévus à l'article 82 de la Loi sur les Indiens ont été supprimés en décembre 2014, afin de permettre aux Premières Nations d'exercer une plus grande autonomie en matière de gouvernance. Toutefois, dans un esprit de collaboration, SAC continue d'examiner les projets de règlements administratifs des collectivités des Premières Nations, uniquement en vue de les commenter et seulement lorsqu'une Première Nation le demande expressément. Toutefois, la décision d'adopter le règlement et son contenu final demeurent la responsabilité de la bande.
En ce qui concerne le financement des services de police, de l'application de la loi et des poursuites, le ministère a appuyé d'autres ministères et organismes gouvernementaux dans leur travail visant à conclure des ententes sur les services de police et à continuer de soutenir l'administration de la justice.
Le rôle de SAC consiste généralement à appuyer l'élaboration des règlements des Premières Nations, grâce à la formation, à l'examen des projets et au soutien sur le terrain.
J'aimerais maintenant parler de la gestion des terres des Premières nations. SAC, en partenariat avec le Conseil consultatif des terres et le Centre de ressources, offre un soutien important aux Premières Nations participantes pour qu'elles élaborent leurs propres codes fonciers, afin de réaffirmer leur compétence sur les terres et l'environnement de leurs réserves.
L'accord-cadre et la Loi sur la gestion des terres des premières nations confèrent de solides pouvoirs en matière d'application de la loi et de poursuites aux collectivités. Cela dit, à mesure que les Premières Nations réaffirment leur compétence et élaborent leurs propres lois pour régir leurs terres et leur environnement, les collectivités participantes jouent également un rôle clé dans la détermination de la façon dont elles veulent appliquer ces lois et intenter des poursuites.
Au cours des dernières années, nous avons vu des collectivités des Premières Nations assumer un rôle de chef de file dans ces dossiers, et j'espère que le Comité les entendra au cours des prochaines semaines. Parmi les exemples de leadership que j'aimerais souligner aujourd'hui figure celui de la Première Nation K'ómoks, en Colombie-Britannique, qui a établi un précédent en 2018 en intentant avec succès des poursuites privées pour violation de propriété en vertu de son code foncier.
En Saskatchewan, les Premières Nations de Muskoday et de Whitecap Dakota ont conclu un protocole d'entente avec le gouvernement de la Saskatchewan, en vue d'explorer des approches pour l'application des lois et des règlements des Premières Nations et les poursuites connexes.
De plus, un débat national en ligne sur l'application des lois autochtones a été mené par le Centre de ressources sur la gestion des terres des Premières Nations, avec l'appui de SAC, en collaboration avec le ministère de la Justice, la GRC et Sécurité publique. Il s'agit d'une série de webinaires sur l'application de la loi qui favorise le dialogue entre les gouvernements autochtones, les provinces et le gouvernement du Canada sur la façon de relever les défis liés à la création de systèmes efficaces et abordables d'application des lois autochtones.
L'application des lois et des règlements des Premières Nations et les poursuites connexes sont une question complexe et multidimensionnelle, et nous devrons déployer des efforts collectifs pour faire avancer les choses. SAC continuera de travailler avec ses partenaires fédéraux, provinciaux et des Premières Nations pour mieux comprendre les défis et les possibilités liés au soutien d'une application efficace de la loi. Nous attendons avec impatience la contribution de votre comité à l'avancement de ce travail.
[Français]
Merci.
[Traduction]
Meegwetch.
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Merci, monsieur le président.
Bonjour à tous. Il y a beaucoup d'expertise parmi les témoins d'aujourd'hui, alors je suis ravi de commencer.
Je veux parler d'une question qui est liée aux services de police autochtones, étant donné que notre étude explore toute une série d'options. Ce qui m'intéresse personnellement, c'est la justice réparatrice.
Ma première question s'adresse à Mme Mugford, mais je vais aussi la poser à la ronde parce qu'il y a peut-être d'autres secteurs et ministères qui voudraient intervenir.
J'ai toute une série de questions, alors nous allons peut-être essayer d'être brefs dans les réponses.
Madame Mugford, est-ce que vous ou un autre témoin pourriez expliquer brièvement en quoi consiste la justice réparatrice pour les peuples autochtones et quel rôle ces derniers jouent dans ce processus?
:
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de cette étude. Je pense qu'il est très important d'examiner l'application de la loi et les services de police dans les collectivités. Pendant l'épidémie de COVID, j'ai reçu de nombreux appels de chefs de partout au Canada qui m'ont parlé de leur capacité, en vertu des articles de la Loi sur les Indiens, de s'occuper de leurs collectivités — des règlements administratifs liés à l'application de loi pour les maladies infectieuses. Ils ont pris des règlements administratifs pour assurer la sécurité de leurs collectivités, mais dans bien des cas, on leur a dit que les policiers de leur région ne les aideraient pas à les faire appliquer.
J'essaie de comprendre pourquoi un mandat était nécessaire, alors qu'il y a quelque chose dans la Loi sur les Indiens au sujet des responsabilités du chef et du conseil. J'essaie aussi de comprendre pourquoi, lorsqu'ils adoptent une loi d'application, ils ne reçoivent aucune aide. Moi aussi, j'ai fait des appels à la GRC et je me suis demandé quel était le problème.
Je comprends, madame Mugford, que vous avez dit que le gouvernement fédéral n'a pas de mandat direct, mais la Loi sur les Indiens ne prévoit-elle pas ce mandat pour l'application de certaines lois dans les réserves?
:
Merci à tous d'être venus témoigner aujourd'hui. J'ai trouvé vos témoignages très instructifs et je les apprécie beaucoup.
Je vais commencer mes questions en faisant une déclaration à laquelle, je vous rassure, aucun d'entre vous n'aura à répondre.
À mon avis, il s'agit d'une forme grave de racisme systémique, parce que les systèmes sont extrêmement confus, très compliqués et éparpillés, et les gens qui en paient le prix sont les communautés autochtones de tout le Canada. Ce n'est pas une attaque personnelle, mais nous devrions tous réfléchir à cela. La présence même de ces systèmes et la façon dont ils sont en place ont un effet dévastateur pour les collectivités.
Je me souviens d'avoir été un parent d'accueil dans une réserve et d'avoir essayé de convaincre la police de s'assurer que l'enfant dont j'avais la garde était protégé. C'était absolument impossible parce que l'ordonnance de non-communication relevait des provinces, et nous étions au niveau fédéral. C'est tellement complexe. Je peux confirmer que c'est vraiment complexe.
Monsieur Kilkie, vous avez parlé des protocoles d'entente, qui sont des ententes avec les collectivités autochtones en matière de poursuites. Je me demande si certains d'entre eux sont publics et si c'est quelque chose que le Comité pourrait examiner.
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Merci, monsieur le président, et je tiens à remercier tous les témoins d'être présents aujourd'hui. Je leur suis reconnaissant du temps qu'ils nous accordent.
L'application de la loi fait vraiment partie de la justice. L'application de la loi est importante, quelle que soit la situation, si l'application se fait dans le même... L'autre aspect, c'est le temps qui s'écoule entre l'application de la loi et les poursuites. Ce sont des éléments importants du système de justice. Ce que je remarque dans la vaste circonscription que je représente, c'est qu'il peut s'écouler des années entre le moment d'une infraction ou d'une mesure d'application de la loi et la résolution du cas. Parfois, les poursuites ont lieu à des centaines de kilomètres de l'endroit où l'infraction a été commise.
Ces choses ne facilitent pas nécessairement le fonctionnement d'une collectivité, surtout en raison des échéances. Il ne semble pas y avoir de justice parce que, par exemple, s'il se produit un incident, nous essayons d'appliquer la loi. Il y a une infraction avec des amendes et des accusations portées, puis deux ans plus tard, on arrive à un règlement, mais tout le monde a déjà oublié ce qui s'est passé.
Je crois que je vais commencer par vous, monsieur Traynor. Je ne connais pas très bien la Loi sur la gestion des terres des premières nations et son fonctionnement. S'il y a une infraction et que l'on applique la loi, combien de temps faut-il habituellement pour le cas soit résolu?
Si je peux revenir à vous, monsieur Traynor, vous avez parlé de la situation des K'ómoks. Les K'ómoks se trouvent dans la circonscription que je représente et je connais très bien Hegus Rempel. Vous avez parlé de réussite dans leur cas, et je suis curieuse à ce sujet, parce que cette nation a dépensé 178 000 $ de ses propres ressources pour se battre devant les tribunaux. Elle a gagné, mais c'est l'un des défis qui se posent lorsqu'autant d'aspects sont en présence et que les nations doivent trouver elles-mêmes un moyen d'obtenir des ressources, ce qui les empêche financièrement de réaliser leur propre indépendance économique.
Vous vous occupez précisément de la gestion des terres. Je me demande quelles sont les lacunes qui font en sorte que les collectivités autochtones, les collectivités des Premières Nations, peuvent faire tout le travail et créer des règlements administratifs, qu'elles ne peuvent pourtant pas faire appliquer. J'ai entendu beaucoup d'histoires selon lesquelles, si une collectivité a de bonnes relations avec la GRC locale — et pour la circonscription que je représente, c'est le cas —, la GRC sera présente. Elle ne pourra pas vraiment intervenir, mais elle sera là par solidarité, dans l'espoir que les services de police que le chef et le conseil prennent cela en charge, en plus de tout le reste...
Quelles sont les lacunes? Pourquoi ne peuvent-ils pas appliquer leurs propres règlements?
:
Je vous remercie tous de m'avoir invitée à parler d'une question d'une grande importance pour ma collectivité, la Première Nation K'ómoks, et en fait pour toutes les collectivités autochtones, qu'elles soient assujetties à la Loi sur les Indiens, au code foncier, ou qu'elles soient autonomes en vertu d'un traité moderne.
J'aimerais commencer par la déclaration suivante.
L'autonomie gouvernementale et la primauté du droit ne veulent rien dire si les lois des Premières Nations ne peuvent pas être appliquées. La Couronne dispose des outils nécessaires pour appliquer ses lois. Les gouvernements fédéral et provinciaux sont bien financés et dotés de forces policières, de procureurs et de tribunaux pour veiller à l'application de leurs lois. L'application des lois des Premières Nations est complexe parce qu'il n'y a pas de bons outils d'application de la loi et que les Premières Nations n'ont pas encore développé de capacité à ce chapitre.
En Colombie-Britannique, la GRC n'applique généralement pas les lois des Premières Nations, parce que le service des poursuites de la province n'intente pas de poursuites en vertu des lois des Premières Nations, qu'il s'agisse de règlements administratifs au titre de la Loi sur les Indiens, de codes fonciers ou de lois adoptées par les nations signataires de traités. Cela est ainsi parce qu'il ne s'agit pas de lois provinciales.
La Première Nation K'ómoks a aidé à combler ce vide au chapitre des compétences en s'attaquant de front à la question de l'inapplicabilité devant les tribunaux en 2018, dans la décision K'ómoks First Nation c. Thordarson et Sorbie. La Première Nation K'ómoks avait un locataire, Ryan Thordarson, et sa femme, Amelia Sorbie, qui refusaient de payer un loyer à leur propriétaire, qui détenait un certificat de propriété. Leur bail a été résilié et ils ont été expulsés. Cependant, ils ont refusé de partir. En refusant de partir, ils commettaient une infraction au code foncier parce qu'ils n'avaient pas le droit légal d'être sur nos terres. Ils ont donc reçu un avis d'intrusion de ma part en vertu de notre code foncier, ce qui constitue une infraction quasi criminelle.
Je dois dire que la différence entre les règlements administratifs au titre de la Loi sur les Indiens et le code foncier, c'est que le pouvoir d'élaborer des lois et de les faire appliquer est transmis du Canada aux Premières Nations. C'est là qu'il semble y avoir confusion.
La GRC a dit qu'elle ne pouvait pas expulser Thordarson ou l'accuser d'infraction au code foncier. Elle a été présente, essentiellement pour maintenir la paix, sous prétexte que nos lois ne sont pas de « vraies lois ». La Couronne n'a pas intenté de poursuites parce qu'elle ne reconnaissait pas nos lois, ni le pouvoir que nous avions de créer ces lois. Ce ne sont pas des règlements; ce sont des lois.
La décision que les K'ómoks ont dû prendre a été difficile. Nous avions quelqu'un qui occupait illégalement nos terres, alors nous avons décidé que la seule façon de procéder était de porter des accusations et d'intenter des poursuites au moyen des dispositions du Code criminel, qui permettent une poursuite privée pour une infraction criminelle. C'était inédit.
Le tribunal était déconcerté et peu familier avec le code foncier et le pouvoir d'élaborer et d'appliquer des lois en vertu de l'accord-cadre de la Loi sur la gestion des terres des premières nations. Après 10 mois de procédures judiciaires, le tribunal a fini par comprendre et a ordonné à la police d'expulser les intrus. Cela a entraîné des coûts importants pour les K'ómoks en frais juridiques pour une poursuite privée, de l'ordre de 178 000 $. Les intrus ont profité de 10 mois de loyer gratuit et ont reçu une amende de 1 000 $ chacun. Cette décision était loin d'être équitable. Le processus a été extrêmement coûteux. Nous n'aurions pas dû être obligés d'aller devant les tribunaux pour obtenir cette décision.
Pas plus tard que cette semaine — aujourd'hui, en fait —, un autre intrus dans la réserve a reçu un avis d'intrusion de ma part et d'un agent de la GRC il y a deux jours. Nous ne croyons pas qu'il partira. En fait, il nous a mis au défi de le traîner devant les tribunaux. Nous pourrions nous retrouver devant un autre procès coûteux.
Compte tenu de la décision rendue par le tribunal dans l'affaire Thordarson en faveur des K'ómoks, la question de l'application de la loi ne devrait pas se poser et la GRC devrait être là pour faire respecter la loi. Cependant, l'avocat de la GRC nous a dit qu'il n'avait pas reçu cette directive de la part des dirigeants de la GRC. Bien que notre relation avec la GRC se soit grandement améliorée en raison d'un changement d'inspecteurs, elle a actuellement les mains liées en ce qui concerne l'application des lois, à cause du manque de directives venant d'en haut.
Un élément important de l'accord-cadre sur le code foncier est l'autonomie gouvernementale sur nos terres de réserve, avec la capacité de créer nos propres lois et de les faire appliquer et reconnaître par les tribunaux, ce qui ne se faisait pas en vertu de la Loi sur les Indiens. Le financement demeure également un problème pour l'élaboration des lois et leur application.
Un autre problème se pose du fait que les K'ómoks en sont également à la neuvième année de la cinquième étape de la négociation d'un traité. Nous avons récemment tenu un forum sur l'application de la loi par les Premières Nations en partenariat avec la BC Treaty Commission. Ce forum a réuni des nations ayant un code foncier, des nations négociant des traités et des nations autonomes, ainsi que des policiers et des représentants des bureaux des procureurs généraux, tant fédéraux que provinciaux.
Ce que nous avons appris, c'est que des nations comme les Maa-nulth et les Tla'amins sont aux prises avec des problèmes d'application de la loi en tant que nations signataires de traités et n'ont pas réussi à intenter des poursuites pour une seule infraction à leurs lois.
À ce jour, la seule nation signataire de traité moderne qui a réussi à régler un problème d'application de la loi est la Première Nation Tsawwassen, qui a conclu une entente d'application de la loi très coûteuse avec la police municipale de Delta.
Pour être autonomes, les Premières Nations doivent disposer d'outils d'application de la loi adéquats, y compris un organisme d'arbitrage, des services d'application de la loi et une capacité de maintien de l'ordre, ainsi que des mécanismes qui s'harmonisent avec les systèmes administratifs des tribunaux provinciaux.
Nous essayons d'atteindre ces objectifs grâce à notre code foncier, en créant des lois sur la protection des collectivités, des lois sur l'arbitrage et un tribunal de justice, et aussi grâce à nos négociations de traités, car nous sommes sur le point de voter sur un traité. Si nous abordons cette question dans le cadre du code foncier, dans un contexte d'autonomie gouvernementale en vertu de la Loi sur les Indiens, comment cela va-t-il fonctionner dans le cadre d'un traité? Jusqu'à maintenant, les traités modernes ne fournissent que le premier de ces outils, soit l'adoption de lois. C'est la même chose pour le code foncier.
Avant de terminer, j'aimerais revenir au forum sur l'application de la loi organisé par la BC Treaty Commission, qui a donné lieu à un certain nombre de recommandations. Je les fournirai avec plaisir à quiconque souhaite les consulter, afin qu'elles puissent être partagées. Il y a un certain nombre de recommandations, y compris la nécessité d'inclure un libellé dans le traité pour s'assurer que les lois des Premières Nations en vertu du traité peuvent être jugées par un tribunal de justice des Premières Nations.
En ce qui concerne les mécanismes d'application, nous devons modifier le libellé des traités et les lois provinciales pour préciser que les lois des Premières Nations sont des « textes législatifs » aux fins des dispositions législatives de la Cour provinciale. Cela permettra de déposer une ordonnance d'un tribunal des Premières Nations et d'obtenir une ordonnance d'un tribunal pour déclencher des mécanismes d'exécution.
En ce qui concerne les services de police et les organismes d'application de la loi, nous avons essayé pendant des années de négocier une entente tripartite avec la province de la Colombie-Britannique et la GRC, et on nous a dit à maintes reprises que ces ententes tripartites n'existaient plus. Je comprends que cela pourrait changer, et j'espère vraiment que cela changera. Les problèmes auxquels nous faisons face ici, dans la nation K'ómoks, en ce qui concerne les trafiquants de drogue, les gens qui entrent illégalement sur le territoire...
[Le témoin s’exprime en Tsuut'ina ainsi qu’il suit:]
Glánįt’e duhú dziné k’e. Keith Blake húshe Dene Nałts’i k’odheré Santana Dene Dedliné ha.
[Les propos en Tsuut'ina sont traduits ainsi:]
Bonjour à tous. Je m’appelle Keith Blake. Je suis le chef de police de la nation Tsuut'ina.
[Traduction]
Je suis également membre de l'exécutif de l'Association des chefs de police des Premières Nations et je suis fier de représenter 36 services de police des Premières Nations autogérés partout au pays.
Tout d'abord, je tiens à vous remercier de m'avoir offert cette occasion de témoigner. Cette discussion est d'une importance cruciale, et nos communautés dénoncent ce problème à cor et à cri depuis longtemps.
Comme cette discussion porte sur l'application de la loi par les Premières Nations, ce qui relève en réalité de la compétence de la police, j'ai pensé qu'il serait important au départ de parler du programme des services de police des Premières Nations, le PSPPN. En écoutant d'autres témoins, j'ai constaté que cet enjeu fait l'objet de grands débats. Il me semble cependant qu'il serait bon de l'examiner du point de vue des services de police des Premières Nations.
Le PSPPN a plus de 35 ans. Il est donc urgent de lui apporter des changements. Il n'est en fait qu'est une entente de contribution signée — dans notre cas, une entente tripartite entre notre nation, la province et le gouvernement fédéral. Malheureusement, cela crée, pour les services de police des Premières Nations, des inégalités et des restrictions injustes que les services de police traditionnels ne subissent aucunement.
Le PSPPN n'a pas encore été désigné service essentiel et il relève, comme on l'a mentionné plus tôt, du Programme de subventions et de contributions. Son financement n'est ni à long terme ni durable, et ses ententes de financement, surtout dans notre cas, sont prolongées d'année en année.
Ce modèle de financement ne nous permet vraiment pas de nous préparer adéquatement et d'établir une stratégie pour les besoins de la communauté et de la sécurité publique. Ce programme est financé uniquement pour ce qu'on pourrait appeler la fonction policière de base, c'est-à-dire des modèles d'intervention. Nous ne recevons pas de financement pour les programmes communautaires, pour la prévention et pour les unités spécialisées qu'ont d'autres services de police.
Il est important, et je pense même essentiel de souligner que l'ancien ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, a affirmé que ce programme ne va pas très loin et qu'il a grandement besoin d'être modifié. Le ministre actuel, L’hon. Bill Blair, a dit que le PSPPN avait besoin d'une mise à jour.
Le Canada a la responsabilité d'améliorer les services de police des Premières Nations en les désignant services essentiels et en fournissant un financement adéquat aux Premières Nations pour établir et maintenir une infrastructure adéquate qui comprenne de bons modèles de gouvernance.
Ce modèle de financement instable a créé un tel climat d'instabilité au sein de nos services que nos agents et nos employés n'ont pas l'impression que le programme durera et que, par conséquent, leur profession et leur emploi sont en danger.
Cette disparité s'applique à aussi nos salaires, à nos pensions et à nos avantages sociaux. Nous perdons régulièrement des agents de très grande qualité au profit de services de police traditionnels qui ont un modèle de financement durable à un taux plus élevé.
En résumé, les services de police des Premières Nations sont sous-financés et manquent de personnel. Ils font face à des obstacles et à des entraves injustes. Malgré cela, nos services de police communautaires demeurent efficaces, efficients et culturellement adaptés.
Je tiens également à souligner que nous avons été très heureux que le dernier budget fédéral injecte des fonds dans ce programme. Nous espérons que cet argent apportera le soutien et les changements dont ce programme a besoin.
Quant à l'application de la loi, le rôle de la police ne constitue qu'un parmi plusieurs éléments importants de la structure du système de justice dans nos communautés. Il y a le volet législatif, le volet d'exécution, le volet de poursuite et le volet d'arbitrage. Nous reconnaissons que peu de communautés sont en mesure de modifier la corrélation entre le financement et les systèmes de justice, mais il est important de tenir compte des traumatismes qu'ont subis les peuples autochtones partout au pays pendant des générations ainsi que des torts continuels que cause le financement inadéquat des ressources juridiques que les organismes gouvernementaux fournissent à cette population des plus vulnérables du pays.
Les infractions régies par la loi constituent un aspect important de l'autodétermination. Elles sont créées d'un point de vue communautaire pour tenir compte de l'auto-identification de chaque nation, des besoins particuliers de la communauté et des défis auxquels elle fait face.
Un élément clé du cadre de justice est la poursuite des infractions régies par les lois des Premières Nations. La plupart des administrations du pays ne reconnaissent pas ou ne poursuivent pas les infractions régies par ces lois. La plupart des communautés autochtones du pays se heurtent au refus ou à la réticence des procureurs de la Couronne provinciaux ou fédéraux, qui ne veulent pas intenter de poursuites pour des infractions régies par des lois autochtones.
Bien que malheureusement la plupart des communautés se trouvent dans cette situation, il y a des lueurs d'espoir. Je vais vous présenter un aperçu du modèle de justice de la nation Tsuut'ina.
Nous avons signé une entente avec la province de l'Alberta pour ce qu'on appelle le tribunal de conciliation, qui est très spécial. Aucune autre communauté de la province n'a conclu un tel accord. Ce tribunal est structuré sous forme de cercle de guérison et doit être présidé par un procureur de la Couronne autochtone, un juge autochtone et des travailleurs judiciaires autochtones.
Un conciliateur supervise ce processus. On ne peut utiliser ce processus de conciliation qu'en fonction de certains critères. Certaines infractions ne sont pas admissibles, comme l'homicide involontaire coupable et l'agression sexuelle. Le contrevenant peut y être recommandé tout au long du processus soit par la Couronne, soit par le juge, soit par la défense, et la recommandation peut être faite à tout moment au cours du processus, avant comme après la mise en accusation.
Ce processus nécessite l'approbation de la victime, et le contrevenant doit s'engager à respecter une entente selon laquelle il doit comparaître devant un tribunal de conciliation composé de membres de la communauté et d'aînés qui ont reçu une formation de médiation formelle. Ce processus est conçu de manière à être réparateur et moins punitif et à examiner en profondeur les causes de l'infraction commise.
Ce processus de conciliation permet au système de justice de s'attaquer à ce dont j'ai mentionné plus tôt, à la cause profonde du crime ainsi qu'aux infractions au Code criminel et à la loi de la Nation. Il s'agit d'un système de valeurs traditionnel qui permet à la communauté de participer à la détermination de la solution.
Même s'il y a encore de nombreux défis à relever et beaucoup de travail à faire dans les communautés autochtones de tout le pays, je tiens à remercier le Comité de m'avoir offert cette occasion de témoigner. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
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Merci. Je vous remercie de me donner l'occasion d'en parler.
Je le répète, j'aurais vraiment besoin de comprendre la définition que Sécurité publique Canada et le gouvernement fédéral donnent aux services essentiels, parce que nous n'en avons pas reçu une définition claire au cours des réunions auxquelles j'ai participé.
À mon avis, il est crucial que l'on nous assure que nous ne sommes pas assujettis à un programme de subventions et de contributions dont le financement ne peut pas être soutenu ou garanti. Je tiens à souligner que nous ne demandons rien de plus en matière de financement, mais que nous ne voulons certainement rien de moins. Nos communautés le méritent, et nous voulons nous assurer que nos agents et notre personnel reçoivent la rémunération et les avantages que les autres services de police tiennent souvent pour acquis.
Je comprends qu'il faille discuter du terme « service essentiel » pour en fixer la définition, mais j'espère qu'il inclut un financement durable à long terme garanti à nos communautés. J'espère aussi qu'il reconnaît que les services de police ne sont pas seulement des modèles d'intervention, mais qu'ils doivent s'attaquer aux causes profondes de la criminalité en menant des programmes de prévention du crime. Ils doivent aussi comprendre des unités spécialisées qui abordent les problèmes de nos communautés et pour lesquels nous ne recevons du soutien que d'organismes de l'extérieur, c'est-à-dire la GRC dans les régions de compétence provinciale, la Police provinciale de l'Ontario et la Sûreté du Québec.
Ce ne sont là que quelques-uns de mes commentaires, et je vous remercie d'avoir posé cette question.
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Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à nos deux témoins de nous avoir fait part de leurs points de vue très précieux.
Cheffe Rempel et vice-président Blake, nous vous sommes très reconnaissants d'être venus aujourd'hui. Merci.
Ma question porte sur la voie à suivre et sur les trois à cinq prochaines années. Le budget de 2021 propose d'injecter près d'un milliard de dollars au cours de ces cinq prochaines années. Il prévoit en particulier plus d'un demi-milliard de dollars pour appuyer les communautés autochtones que sert actuellement le Programme des services de police des Premières Nations, le PSPPN, et pour étendre ce programme dans de nouvelles communautés.
Le budget prévoit également plus de 100 millions de dollars pour réparer, rénover et remplacer un grand nombre d'installations policières qui ont sans aucun doute passé l'épreuve du temps dans les communautés des Premières Nations et des Inuits du Canada. De plus, au cours de ces cinq prochaines années, on injectera plus de 100 millions de dollars dans la nouvelle initiative pour des communautés autochtones plus sûres ainsi que pour l'élaboration d'un modèle de sécurité et de mieux-être plus holistique axé sur les communautés.
Comme vous demandez — et vous les méritez effectivement — des consultations approfondies sur ces dépenses et sur ces investissements dans les communautés autochtones, j'aimerais savoir quelles incidences positives vous pensez que ces investissements pourraient avoir sur vos communautés en produisant de meilleurs résultats pour vos circonscriptions. J'aimerais aussi entendre vos recommandations.
Monsieur le vice-président Blake, je vois que votre système n'est pas en sourdine, alors je vous demanderais de commencer en laissant à la cheffe Rempel assez de temps pour nous présenter aussi sa réponse. Merci.
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Je vous remercie, monsieur, d'avoir posé cette question.
Je peux y répondre d'expérience. Évidemment, le programme lui-même dépend de ses partenaires financiers fédéraux et provinciaux, soit à 52 % de ses partenaires fédéraux et à 48 % de ses partenaires provinciaux.
Le problème avec ce type de financement, c'est que si nous n'avons pas ce 52 % ou ce 48 %, nous n'obtenons rien du tout. Je le répète, du côté provincial, nous avons quelques difficultés en Alberta. Je ne sais pas si la province nous accorderait son 48 %.
L'autre problème que j'ai déjà observé est le fait que ce financement dresse les services de police des Premières Nations les uns contre les autres. Nous nous nous faisons concurrence pour obtenir tous les fonds disponibles, car je pense que nous avons tous désespérément besoin de cet argent. De nouveau, tout dépend de l'analyse de rentabilisation. Je préférerais qu'il n'en soit pas ainsi. Je voudrais que les évaluations soient plus objectives et qu'elles nous donnent à tous accès aux fonds nécessaires.
Cependant, ce financement est bienvenu, et nous avons bon espoir qu'il produira des changements. Cependant, pour vous donner une idée, notre service a reçu une ressource supplémentaire il y a deux ans et avant cela, nous n'avons reçu aucun financement pour une ressource supplémentaire pendant 12 ans. C'est beaucoup trop long, et je suis sûr que vous comprendrez que, pendant cette période, nous avions besoin d'étendre nos services. Nos communautés affichent la croissance la plus rapide au Canada, et nous avons la plus grande population de jeunes. Il nous faut donc des programmes de prévention et de mobilisation. Il est difficile de le faire quand il faut continuellement répondre à des appels.
À nouveau, je vais parler du point de vue des Tsuut'ina, parce que c'est différent d'une province à l'autre dans le pays. Nous sommes soumis aux mêmes exigences législatives que tout autre service de police en Alberta. Nous devons atteindre certains niveaux de formation. Avant, nous envoyions nos agents à la Division Dépôt, à l'école de formation de la GRC, mais nous avons maintenant une entente avec la police de Calgary, selon laquelle nos agents font tout le stage de formation de six mois au centre de formation de Crowfoot. Ils peuvent continuer à vivre ici, dans le territoire de la nation, et faire l'aller-retour à Calgary. Il y a aussi un programme de formation continue que nous offrons chez nous.
Nous avons les mêmes attestations de compétences et les mêmes obligations de renouvellement. Nous faisons la même chose que tout autre service. Nous avons la même accréditation et les mêmes pouvoirs, et nous en sommes fiers. Nous ne voulons pas être inférieurs; nous voulons être égaux.
En ce qui concerne la formation continue, je suis très fier de dire que notre service se tourne aussi vers les leaders en formation culturellement adaptée. Nous n'aimons pas parler de formation à la culture; c'est un expression vide de sens. Nous parlons plutôt de recadrer les rapports avec les peuples autochtones. Nous offrons cette formation à tous les corps de police des provinces et, en fait, du pays. Nous en avons donné une il y a deux semaines, pendant trois jours. Nous partons du modèle autochtone mondial tel qu'il s'est appliqué au Canada, puis nous le ramenons à la dimension de chaque région du pays. Nous parlons aussi du vécu des gens qui ont souffert à cause du système de justice, et de tout ce que nous savons. Nous parlons aux aînés. C'est un programme de trois jours, holistique et exhaustif.
Nous donnons cette formation tous les deux ou trois mois, et nous faisons venir des gens de partout au pays, des responsables de l'application de la loi, pour nous aider. C'est un besoin essentiel, et c'est quelque chose qui manque, je pense, dans de nombreuses administrations.
À l'heure actuelle, sous le régime de notre code foncier, nous établissons une loi sur la protection de la communauté, une loi sur le pouvoir de décision judiciaire et un tribunal de justice. L'accord-cadre ne dit pas expressément que nous pouvons le faire, mais il ne dit pas non plus que nous ne pouvons pas. Voilà les options que nous examinons.
Il y a tellement de communautés autochtones autour de la nation des K'ómoks, comme Homalco, Campbell River, Cape Mudge et d'autres, qui se sont aussi dotées d'un code foncier. Lorsque j'en discutais avec les autres gestionnaires des terres, avant d'être cheffe, nous envisagions une sorte de service commun du maintien de l'ordre, dont nous pourrions partager les coûts entre nations. C'est une solution possible. Il faudrait évidemment la formation et le financement nécessaires.
On en revient toujours à cela. D'où vient ce financement? Je ne pense pas que la gestion des terres des Premières Nations soit aussi financée qu'elle pourrait l'être par le gouvernement fédéral, étant donné l'ampleur des pouvoirs qui ont été transférés aux Premières Nations. Je trouve qu'il y a un grave manque de financement.
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Chaque communauté est unique en soi. Chacune a sa propre structure de gouvernance. Il est difficile de brosser un tableau d'ensemble, si ce n'est pour dire que toutes veulent avoir des lois qui correspondent à leur réalité et à leur désir de maintenir l'ordre, des lois qui assurent la bonne marche de la communauté et la sécurité de ses membres.
Des pratiques exemplaires, il y en a beaucoup à travers le pays. Évidemment, je connais mieux ce que se fait chez nous, et je pense qu'il faudra vraiment un effort herculéen pour que notre province en vienne à l'accepter dans le système judiciaire provincial. Chose certaine, si cela concerne le fédéral, avec les lois sur la COVID qui ont été adoptées et les lois sur la santé, nous pouvons compter sur le Service des poursuites pénales du Canada, et c'est bon à savoir.
Ce que j'aime toujours dire, c'est qu'il est vraiment important d'entendre chaque communauté parler de son caractère unique et des structures qui la soutiennent. Je dirais que chez nous, il y a un solide lien avec la communauté. Tous les deux ans, nous visitons toutes les maisons de la nation. Nous posons une série de questions sur les services de police, ce qui est bon, ce qui est mauvais, ce que nous faisons bien et ce que nous devons améliorer. C'est ainsi que nous arrivons à nous entendre non seulement avec le gouvernement local, qui est très engagé, mais aussi avec la communauté, qui est la voix même que nous devons écouter.
On nous dit ce que nous devons améliorer, mais on nous donne aussi des conseils sur certains aspects qui entrent dans le champ de la justice réparatrice, par exemple.
Sincèrement, je dirais que la nation pour laquelle je travaille, en toute humilité, est elle-même un exemple à suivre, mais il y en a énormément à travers le pays qui font aussi un excellent travail.
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C'est une excellente question. Je pense que chaque organisation doit l'aborder et voir les choses telles qu'elles sont.
Oui, cela existe dans la police. J'ai travaillé pour la GRC pendant 24 ans avant d'entrer au service de police de la nation Tsuut'ina, alors je peux témoigner de l'importance de reconnaître le problème pour commencer. Ensuite, il s'agit de le régler, et cela passe par... L'aspect que je trouve le plus important dans notre service, c'est qu'environ 68 % de nos agents se disent eux-mêmes Autochtones. Ceux qui ne le sont pas comprennent très bien notre communauté. Notre approche s'inspire de cette compréhension que nous avons non seulement de la culture autochtone, mais particulièrement de la culture tsuut'ina, qui a ses propres traditions, son histoire, sa langue, etc. Lorsque vous faites partie de la communauté ou que vous vous y engagez, vous reconnaissez et comprenez l'importance du respect, vous reconnaissez et comprenez qu'il peut y avoir des divergences d'opinion, des façons de penser différentes. Vous avez grandi dans des milieux différents, mais en fin de compte, l'objectif commun, c'est le respect mutuel.
Comme je disais, cela passe par la formation et l'engagement, et je peux dire que la plupart des services de police autochtones sont très représentatifs des communautés qu'ils desservent. Ce ne sont peut-être pas des membres de la communauté. Dans notre cas, nous avons quatre agents qui viennent de la communauté, mais cela comporte aussi sa part de problèmes, faire la police dans la communauté où vous avez grandi. Il y en a qui trouvent cela très difficile, mais nous voulons aussi attirer des membres dans la profession de policier, parce que c'est là que le changement va vraiment se faire, c'est-à-dire lorsque nous aurons une plus grande représentation dans les corps de police.