Il y a quorum. Nous pouvons commencer. Les témoins sont prêts.
Je commence, évidemment, par souligner qu'à Ottawa, nous sommes réunis sur le territoire ancestral non cédé des Algonquins. Chacun de nous soulignera aussi sa présence sur d'autres territoires. Pour ma part, je me trouve sur les territoires ancestraux des Premières Nations Haudenosaunee, Anishinabe et Chonnonton.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 29 avril 2021, le comité poursuit son étude du maintien de l'ordre dans les réserves des Premières Nations.
Pour le bon déroulement de la réunion, je demanderai aux participants de parler et d'écouter dans la langue officielle de leur choix. Choisissez, en utilisant l'icône en forme de globe en bas au centre de votre écran, la langue que vous souhaitez employer. Vous avez le choix entre anglais et français. Une fois que vous avez choisi, si vous passez en parlant de l'anglais au français, aucun autre réglage ne sera nécessaire. Vous n'aurez qu'à continuer. Vérifiez que votre vidéo est activée et veuillez parler lentement et clairement. Quand vous ne parlez pas, votre microphone doit être éteint.
Conformément à la motion adoptée le 9 mars 2021, je dois informer le comité que Connie Lazore, Reginald Bellerose et Deborah Doss-Cody ne se sont pas soumis à l'essai technique préalable.
Cela dit, nous passons maintenant au groupe de témoins.
Nous avons Brooks Arcand-Paul, au nom de l'Association du Barreau autochtone au Canada.
:
Je vous remercie, monsieur le président.
Bonjour à toutes et à tous.
Shekon.
Je vous salue.
Je m'appelle Connie Lazore. J'ai l'honneur d'être cheffe d'un district Tsi Snaihine du Conseil des Mohawks d'Akwesasne.
Nia:wen de me donner l'occasion de m'exprimer devant vous aujourd'hui sur un sujet qui m'a toujours intéressée, le maintien de l'ordre dans les Premières Nations. J'ai consacré la majeure partie de ma carrière politique — qui approche les six années, mon deuxième mandat touchant à sa fin — à chercher à améliorer le maintien de l'ordre sur le territoire des Mohawks d'Akwesasne. Je termine actuellement mon deuxième mandat de trois ans et m'occupe des dossiers de la justice et de la sécurité publique.
Le territoire d'Akwesasne est traversé par une frontière internationale, avec au nord, la partie canadienne et au sud, la partie américaine. Nous vivons dans une région multijuridictionnelle. Je représente la partie nord, qui s'étend sur deux provinces: l'Ontario et le Québec. Notre collectivité compte trois districts séparés par la partie américaine, qui n'est pas contiguë au Canada continental. Nous devons fournir efficacement des services en triple aux 13 000 membres de notre collectivité.
Je suis certaine que vous comprenez qu'il est parfois difficile de suivre les lois d'une province, mais nous sommes censés suivre celles de deux provinces, ce qui peut se révéler très difficile par moments.
Akwesasne doit pouvoir faire respecter ses lois communautaires d'une manière qui soit acceptable pour la collectivité et qui respecte ses traditions du passé en appliquant de véritables principes de justice réparatrice, afin de trouver un équilibre dans notre Première Nation. Nous devons renforcer notre programme de conformité afin de répondre à cette nécessité.
Aujourd'hui, je parlerai de l'application des règlements administratifs et des lois communautaires dans ma collectivité.
Notre service de police compte 39 agents et sert environ 13 000 membres dans la partie nord de notre territoire d'Akwesasne. Le service de police relève les infractions en Ontario et au Québec, y compris les infractions au Code criminel, les infractions au code de la route, les infractions au code de la route au Québec, ainsi que les infractions aux lois communautaires et aux règlements administratifs. Notre service fait respecter les lois du Canada, mais nous avons du mal à faire respecter les lois communautaires parce que nous manquons de personnel et de fonds. Nous devons mettre en place un programme de conformité plus important en appui à nos services de police.
Akwesasne a son propre service de police des Mohawks d'Akwesasne, un programme de conformité et son propre tribunal d'Akwesasne. Le service de police a été créé en 1970. Le programme de conformité, qui en place depuis 2007, relevait des services de justice d'Akwesasne et visait à garantir le respect des lois communautaires. Le tribunal, dont la création remonte à 1965, existe toujours en vertu d'un droit communautaire qui est le premier du genre.
S'agissant de compétence, Akwesasne a toujours exercé et continuera d'exercer son droit inhérent à l'autodétermination. Nous continuerons de nous gouverner.
Services aux Autochtones Canada a eu et continue d'avoir un moratoire sur la nomination de juges de paix en vertu de l'article 107 de la Loi sur les Indiens. Akwesasne nomme, en vertu d'un droit inaliénable, des juges au tribunal d'Akwesasne. Dix membres de notre collectivité suivent actuellement une formation de juge. Le ministère de la Justice du Canada a fourni des fonds pour que nos membres puissent suivre en ligne une formation de juge de paix offerte par l'Institut canadien d'administration de la justice.
Dans le droit d'Akwesasne, l'arbitrage et la sanction des infractions à la Loi sur les Indiens sont des responsabilités envers la collectivité d'Akwesasne qui relèvent de la compétence du Conseil des Mohawks d'Akwesasne. Nous prenons nos responsabilités au sérieux. Notre collectivité ne veut pas s'adresser à des tribunaux extérieurs, surtout pour des audiences concernant nos lois communautaires. Les lois d'Akwesasne reflètent les principes culturels de la collectivité, qui n'entrent peut-être pas dans le même cadre que la jurisprudence canadienne. Nos lois reposent sur les principes de justice réparatrice qui visent à rétablir un équilibre dans la collectivité pour la victime et pour le contrevenant, contrairement au système pénal d'incarcération et de punition.
L'article 107 de la Loi sur les Indiens donne compétence à Akwesasne pour quatre infractions au Code criminel, et il doit continuer d'en être ainsi. Il s'agit des voies de fait simples, de la cruauté envers les animaux, du vagabondage et de l’introduction par effraction. Bien que des juges de nos tribunaux nommés en vertu de l'article 107 aient statué sur ces infractions dans le passé, nous négocions le droit de le faire maintenant. Ces quatre infractions au Code criminel doivent continuer de faire partie de notre système.
Notre tribunal, le tribunal d'Akwesasne, a été créé en 1965 en vertu de l'article 107 de la Loi sur les Indiens. En 2015, nous avons élaboré le régime patrimonial des couples. Le palier fédéral a reconnu que toutes les affaires seront entendues par le tribunal d'Akwesasne. Ce régime a été créé en partie parce que le droit canadien nous en donne la possibilité.
En 2016, nous avons créé, élaboré et adopté la loi sur le tribunal d'Akwesasne, qui a été approuvée par les membres de notre collectivité en vertu de notre droit inhérent.
En 2018, un groupe de travail technique composé du ministère de la Justice du Canada, des ministères de la Justice et des Affaires indiennes du Québec, et du MIRR et du ministère du Procureur général de l'Ontario a recommandé une approche raisonnable et progressive afin de reconnaître la compétence des Mohawks d'Akwesasne et de faire appliquer par le tribunal d'Akwesasne les instruments juridiques d'Akwesasne, en s'appuyant sur une entente autonome négociée quadripartite sur l'administration de la justice, entente sur laquelle nous travaillons actuellement.
Le tribunal d'Akwesasne est entièrement fonctionnel et 90 % de son personnel est autochtone. Akwesasne a établi un système de justice qui comprend des programmes et des services tels que des services judiciaires, des services relatifs à l'arrêt Gladue, des programmes de justice réparatrice, une justice communautaire, le service de travailleurs autochtones auprès du tribunal, des services de probation et de libération conditionnelle, des processus de promulgation des lois, une division d'appel auprès de notre Conseil des aînés, et un programme de probation et de réinsertion pour les jeunes. Nous avons des agents de liaison avec les détenus autochtones au Centre de détention d'Ottawa-Carleton. Et la liste ne s'arrête pas là.
C'est le Conseil des Mohawks, qui apporte le financement communautaire, qui en fait les frais. Il est temps qu'un financement durable soit fourni dans le cadre d'une entente pluriannuelle.
En ce qui concerne la table plurilatérale sur l'administration de la justice, comme je le mentionnais plus tôt, en 2016, un groupe de travail technique sur l'administration de la justice a reçu pour mandat de formuler une recommandation relativement à la reconnaissance du tribunal d'Akwesasne. J'ai déjà dit qui y était représenté. Ce groupe a recommandé de reconnaître le tribunal dans le cadre d'une entente autonome sur l'administration de la justice conclue entre les Mohawks d'Akwesasne, le Canada, l'Ontario et le Québec reconnaissant des compétences matérielles et géographiques précises des Mohawks d'Akwesasne confiées au tribunal d'Akwesasne, sur la base des régimes juridiques existants de chaque partie, ou convenant de ces compétences.
:
Je vous remercie. Nous comparaissons devant vous aujourd'hui pour parler du sujet crucial qu'est le maintien de l'ordre dans les Premières Nations, et je vous transmets les salutations et les remerciements de notre
hegus, notre chef, John Hackett, et de l'assemblée des Tla'amins. «
Hegus » s'écrit h-e-g-u-s.
Je m'appelle Derek Yang et je suis le directeur des Services communautaires de la nation des Tla'amins.
La nation des Tla'amins est une nation autonome signataire d'un traité dont la culture, le patrimoine et le savoir ont plus de 4 000 ans ici, dans la partie supérieure de la Sunshine Coast de la Colombie-Britannique. C'est un honneur pour moi de la représenter aujourd'hui au côté de mon collègue.
Ce que nous voulons dire, en bref, c'est que l'autodétermination ne veut pas dire grand-chose sans le pouvoir et la capacité d'adopter et d'appliquer des lois. Beaucoup de lois fédérales et provinciales, de mandats de négociation, de décisions de financement et d'approches d'application de la loi fragilisent ou affaiblissent l'application des lois des Premières Nations, au lieu de l'encourager et de la renforcer.
Avec mon collègue, nous répondrons aux questions dans nos domaines de connaissance. Je parlerai des questions opérationnelles relatives aux activités d'application de la loi sur le territoire des Tla'amins, tandis que M. Browne parlera des questions juridiques et des questions relatives aux traités et aux codes fonciers.
Cela dit, je vais laisser la parole à mon collègue pour la suite de nos observations préliminaires.
:
Je vous remercie, monsieur Yang.
[Français]
Je vous salue de la côte Ouest du Canada.
[Traduction]
Bonjour à l'Est du Canada. Emote des Tla'amins. Je vous remercie de nous offrir la possibilité de nous exprimer.
Je m'appelle Murray Browne. Je suis conseiller juridique des Tla'amins.
Je vous remercie de nous offrir la possibilité de nous exprimer. Je m'appelle Murray Browne. Je suis conseiller juridique des Tla'amins.
Il y a 25 ans, j'ai commencé mon processus de réconciliation en travaillant pour Affaires indiennes et du Nord Canada aux Terrasses de la Chaudière. Ensuite, je suis allé travailler pour la Commission des traités de la Colombie-Britannique et, depuis 20 ans, je travaille exclusivement avec des Premières Nations. Voilà 20 ans que je suis aux côtés des Tla'amins pour négocier leur traité et le mettre en oeuvre. Je travaille aussi avec quatre autres nations dans des négociations de traité avancées et avec 30 autres nations à la définition et à l'application de leurs codes fonciers. Par ailleurs, je faisais partie de l'équipe de juristes réunie pour l'affaire du titre des Tsilhqot'in sur certaines terres.
Nous voulons ce matin passer directement à nos recommandations. Je tiens également à remercier notre députée, Mme Rachel Blaney, qui soutient beaucoup les efforts de réconciliation et y prend une part très active.
J'aimerais savoir si les membres du comité ont reçu notre mémoire, car nous espérions y faire référence. Je poursuivrai de toute façon, mais je préciserai que vous y trouverez un résumé des recommandations. Il y en a 14 et, si nous avons le temps ensuite, nous soulignerons quelques éléments.
Je vais les passer rapidement en revue.
Premièrement, nous manquons de financement stable. C'est probablement ce que tout le monde vous dit.
Deuxièmement, selon nous, les traités devraient exiger une ordonnance du juge en chef de tous les tribunaux pour confirmer l'exécution par les tribunaux des lois des Premières Nations. On ne devrait pas avoir à dépenser 100 000 $ comme les K'ómoks ont dû le faire juste pour obtenir la simple confirmation que nos lois sont exécutoires.
Les traités devraient confirmer, sur demande, que des dispositions seront prises avec le Service des poursuites pénales du Canada ou de la Colombie-Britannique pour que des poursuites soient engagées. Malheureusement, le Service des poursuites pénales du Canada a déclaré n'être en mesure de faire appliquer que les règlements administratifs relatifs à la COVID en vertu de la Loi sur les Indiens. C'est une mesure positive, mais par ailleurs problématique.
La loi fédérale sur les infractions et l'Offence Act de la Colombie-Britannique doivent être modifiées afin d'y faire expressément référence à l'autorité des Premières Nations signataires d'un traité.
Nous devons confirmer que les agents chargés de l'application de la loi dans les nations signataires de traités sont des policiers, sans avoir à recourir aux tribunaux pour en avoir confirmation, à condition qu'ils en aient la formation.
Nous devons conserver tous les pouvoirs conférés par la Loi sur les Indiens ainsi que par le code foncier. Ce qu'il y a notamment de regrettable dans les traités en Colombie-Britannique, c'est qu'ils visent à retirer des prérogatives aux Premières Nations.Ce devrait être le contraire. Dès l'instant où les Tla'amins ont conclu le traité, ils ont perdu leur pouvoir en ce qui concerne l'impôt sur le transfert de biens, la compétence en vertu de la Loi sur la gestion des terres des Premières Nations de nommer leurs propres juges de paix, le pouvoir en matière de taxes foncières d'ajouter des éléments auxdites taxes, etc. Il ne devrait pas en être ainsi.
J'étais très heureux d'entendre la cheffe d'Akwesasne expliquer que les Mohawks nomment leurs propres juges de paix. Les Tla'amins en avaient aussi le pouvoir en vertu du code foncier. Ils ne l'ont pas aux termes du traité, et nous devons récupérer ce droit pour qu'ils puissent nommer des juges de paix adaptés à la réalité culturelle.
Nous devons confirmer le pouvoir d'expulser les trafiquants de drogue. C'est un énorme problème dans les collectivités des Premières Nations. En vertu du code foncier, de la Loi sur la gestion des terres des Premières Nations, nous adoptons une loi pour la protection la collectivité et nous expulsons les trafiquants de drogue. J'ai participé à la mise en oeuvre de plusieurs de ces lois. La nation adopte une loi. Nous demandons à la GRC de l'appliquer. Si la GRC ne la fait pas respecter, nous engageons des gardes privés et le conseil adopte une résolution. Nous statuons qu'une personne est dangereuse et nous l'expulsons. Nous avons aussi d'autres mesures, pour les ordonnances restrictives et ainsi de suite. Elles sont difficiles à exécuter parce que le système fédéral part du principe qu'il faut une condamnation pénale et des ordonnances de tribunaux. Or, nous ne pouvons pas en obtenir. Il faut respecter les mesures prises par les Premières Nations pour assurer la sécurité et la protection de leur collectivité.
Nous devons également penser que l'application de la loi n'est pas seulement une affaire de poursuite. En fait, une grande partie de l'application de la loi repose sur l'éducation, mais aussi sur l'imposition d'amendes. À l'heure actuelle, les Premières Nations de la Colombie-Britannique ne peuvent pas imposer de contraventions municipales comme les municipalités. Je ne sais pas ce qu'il en est des autres provinces, mais nous devons pouvoir imposer des amendes parce que cela marche. Ce qui marche vraiment, entre autres, en Colombie-Britannique et dans d'autres provinces, c'est que si, en tant que citoyen non autochtone, je ne paie pas mes amendes pour infraction au code de la route, mon permis de conduire n'est pas renouvelé. Cette méthode est très efficace. Pourquoi les Premières Nations n'y ont-elles pas accès? Si je ne paie pas mes amendes pour décharge illégale de déchets, la municipalité les ajoute à mes taxes foncières et vend ma maison. C'est un bon mécanisme d'application de la loi. Les Premières Nations n'y ont pas accès.
Nous devons aussi démêler les problèmes avec Pêches et Océans Canada qui résiste aux efforts que déploient les Tla'amins pour faire respecter leurs lois et pour protéger leurs ressources marines. Les Tla'amins ont toujours eu des lois ancestrales pour protéger et gérer leur territoire. Ils avaient une abondance de ressources jusqu'à ce que Pêches et Océans Canada arrive et se mette à mal les gérer. À l'heure actuelle, Pêches et Océans Canada résiste aux efforts que déploient les Tla'amins.
Je m'arrêterai là. Je sais que notre temps de parole est presque écoulé, mais le territoire des Tla'amins est un endroit magnifique où les huîtres abondent. C'est un des rares endroits au monde où l'on peut traverser le parc en voiture à Okeover et ramasser un seau de palourdes sur la plage même. Les gardiens Tla'amins essaient de protéger cette région. Malheureusement, le ministère des Pêches et des Océans leur résiste. Il arrive des autocars de touristes, quatre autocars de 50 passagers chacun, des touristes de Vancouver qui viennent passer la journée, et tous ramassent trop de coquillages, ils prennent toutes les huîtres et il n'en reste pas pour les Tla'amins. Le ministère des Pêches et des Océans ne veut pas appuyer les Tla'amins et, en fait, il dit aux gens que les gardiens Tla'amins n'ont aucun pouvoir de police.
Je m'arrêterai là. Nous avons plusieurs autres points que nous pourrions souligner, mais je vous ai exposé nos dix principaux.
Je vous remercie.
:
Oui, et nous allons aider M. McNab à se connecter ici.
Salutations du territoire visé par le Traité no 4.
J'ai demandé à un aîné d'allumer le calumet ce matin pour tout notre travail et je remercie généralement pour la prière. Dans votre système, vous ne le faites pas, mais nous l'avons fait pour nous-mêmes dans notre région.
Je remercie tous les intervenants et je salue la cheffe, les dirigeants, les députés présents et le comité.
Le maintien de l'ordre dans les collectivités est un gros défi à l'heure actuelle dans notre région. Les relations sont souvent mauvaises avec la GRC. La collectivité est confrontée à un afflux de méthamphétamine en cristaux. Le trafic de drogues — la vente et l'achat de drogues — n'a, en fait, jamais connu cette ampleur. Il y a tellement de nouvelles choses face auxquelles les collectivités, les aînés et les gens ne savent pas comment réagir. De jeunes enfants déambulent en agitant les bras, comme des zombis. Ils ont le visage couvert de croûtes. Nous essayons d'aller rendre des visites à pied, mais dans notre situation, il y a des fusillades en pleine journée. La situation n'est pas bonne.
Pour ce qui est du maintien de l'ordre, il y a un fossé actuellement entre la collectivité et l'application de la loi. Un de nos principaux problèmes en ce qui concerne l'application de la loi, c'est le roulement élevé. La collectivité a à peine le temps de s'habituer à certains agents qu'ils sont déjà partis. On est constamment en train de rétablir des relations avec la GRC.
Dans certains cas, la GRC est lente à intervenir et les relations avec la collectivité sont mauvaises.
La partie sur les poursuites dans la Loi sur les Indiens est très problématique. On se moque des résolutions du chef et du conseil de bande des quatre collectivités parce qu'on sait que rien ne peut être fait.
Nous nous efforçons de trouver nos propres solutions. Nous ne sommes pas là pour faire des reproches et pour vous dire que vous devez faire ceci ou cela. Nous demandons que l'on respecte et comprenne nos solutions parce qu'il n'existe pas de solution unique pour les 600 et quelques Premières Nations du pays.
Il faut de la souplesse. Il faut faire preuve d'adaptabilité, de souplesse et de compréhension et il faut nous reconnaître en tant que Premières Nations et premiers peuples de ce pays. Nous devons concevoir, contrôler et exécuter la fonction de maintien de l'ordre.
Nous sommes en 2021. Nous n'avons pas besoin que des gens viennent à Muskowekwan, Kawacatoose, Day Star et Gordon nous dire comment gérer nos affaires. Les solutions nous appartiennent. De notre côté, nous cherchons à aller mieux, à être en bonne santé, à retrouver notre culture et notre langue, ainsi que nos traditions.
Voilà quelques observations de ma part.
Je vous remercie.
Monsieur McNab, je vous cède la parole.
Bonjour aux personnes qui se trouvent dans l'Ouest. Aux personnes qui se trouvent dans l'Est, je souhaite un bon après-midi.
Je tiens à réitérer, dans le cadre de cette conversation, que nous avons un partenariat que nous entretenons depuis de nombreuses années. Nous travaillons dans le cadre d'un programme de justice réparatrice mis en place en 1997, et nous y participons pleinement en tant que conseil tribal depuis 1999. Nous avons essayé de travailler en étroite collaboration avec la GRC pour créer des partenariats. Nous avons besoin de cette mobilisation pour le maintien de l'ordre, et par mobilisation, je veux dire celle des comités des Premières Nations et des conseils de gestion de la police. C'est très important. Ce sont les membres des collectivités qui relaient les problèmes et les préoccupations aux détachements locaux de la GRC. Cela crée une relation de travail un peu plus proche.
Je crois que les Premières Nations doivent participer de près à tous les aspects de ces questions. Nous savons ce dont les collectivités ont besoin, comme l'a expliqué le chef Bellerose. Ces partenariats sont très importants pour nous. Nous pouvons régler beaucoup de questions relatives à la compétence, au maintien de l'ordre, aux poursuites et à l'élaboration des lois. Nos collectivités sont prêtes à élaborer des lois, mais lorsque vient le moment d'appliquer les lois des Premières Nations, nous nous heurtons à des problèmes de poursuite. Là encore, il faut définir un processus qui facilitera la tâche aux collectivités des Premières Nations. Selon nous, avec un financement ciblé sur le maintien de l'ordre, nous devons étudier la possibilité de services de police autogérés, de programmes de sécurité et d'agents de sécurité communautaire qui permettent cette mobilisation et favorisent la sécurité dans nos collectivités.
La Loi sur la gestion des terres des Premières Nations nous permet de promulguer les lois que nous élaborons et de travailler en plus étroite collaboration afin de répondre aux besoins de la population de nos collectivités.
Je vais passer à la question des poursuites pour infraction et des contraventions dans les Premières Nations. Il nous semble que, le moment venu, elles nous permettront de renforcer nos programmes financièrement, mais j'en resterai là.
Si nous avons encore l'occasion de parler, le Touchwood Tribal Council, que je représente, recommande notamment la possibilité... Nous préparons et soumettons des propositions sur les services de police autogérés des Premières Nations. Il est très important que nous puissions répondre pleinement aux besoins de nos collectivités en matière de sécurité en nous appuyant sur des agents de sécurité communautaire qui travaillent main dans la main avec la GRC. Voilà les programmes, les choses pour lesquelles nous demandons des fonds, et nous le faisons, pour notre part, depuis de nombreuses années.
:
[
Le témoin s’exprime en nêhiyawêwin et fournit le texte suivant:]
Ahâw nitotemtik kiatamiskâtinawâw kâhkîyaw, nitikawin sîpîysis, kipohtakaw ohciniya.
[Le témoin fournit la traduction suivante:]
Chers amis, je vous salue tous de la bonne façon, je m'appelle sîpîysis et je suis de la Première Nation Alexander.
[Traduction]
Je vous remercie, monsieur le président. Je m'appelle Brooks Arcand-Paul. Mon nom traditionnel est Sîpîysis, qui veut dire « petite rivière » en nêhiyawêwin, la langue de mon peuple.
[Français]
Je suis le vice-président de l'Association du barreau autochtone au Canada. Je suis aussi un conseiller juridique interne de la Première Nation d'Alexander. Aujourd'hui, je suis ici pour représenter l'Association du barreau autochtone et pour discuter de l'important sujet de l'application de la loi dans les réserves des Premières Nations.
[Traduction]
Exerçant dans les réserves et ayant principalement des Premières Nations de l'Alberta pour clients dans mon cabinet privé, je connais très bien les problèmes relatifs au maintien de l'ordre dans les réserves en Alberta et, en tout cas, dans les Prairies. Je m'occupe régulièrement de cette question dans mon métier d'avocat. Les mêmes problèmes ne cessent d'être mentionnés.
[Français]
D'abord et avant tout, nous devons reconnaître que l'autonomie gouvernementale et l'autodétermination ne se concrétiseront pas si nous ne nous attaquons pas à l'éléphant dans la pièce, c'est-à-dire au paternalisme continu du Canada envers ses partenaires autochtones de la Confédération.
[Traduction]
Nos traités ont permis à ce pays d'exister. Avant leur conclusion, ce même pays reconnaissait que mes ancêtres, et ceux d'autres groupes autochtones qui ont noué des relations similaires avec la Couronne, étaient aptes à prendre des décisions, y compris à appliquer et à utiliser leurs propres systèmes juridiques qui n'ont jamais été subordonnés à aucun gouvernement au Canada.
En outre, les tribunaux canadiens répètent depuis la naissance de la Confédération que les peuples autochtones continuent d'avoir le droit d'utiliser leurs lois dans des domaines comme le droit de la famille, l'adoption et le mariage, entre autres, et ils laissent le soin aux nations d'appliquer leurs propres lois et coutumes. Le paternalisme que perpétuent des lois comme la Loi sur les Indiens et la Loi sur la gestion des terres des Premières Nations est discriminatoire. Il est honteux que le Canada traite son partenaire dans la Confédération comme s'il était incapable de prendre des décisions juridiques en dehors du champ de la législation.
Si nous voulons vraiment revenir à la relation prévue par les traités et les ententes modernes, ou telle qu'elle devrait être sur les territoires non cédés, nous devons redéfinir la reconnaissance des droits des Autochtones. Si nous ne supprimons pas totalement les lois, nous devons nous montrer créatifs pour avancer ensemble de façon positive, comme il était prévu lorsque nos ancêtres sont, de part et d'autre, devenus les bénéficiaires de notre partage continu des territoires qui forment ce qui est actuellement appelé le Canada.
Je vais passer au problème suivant que les Premières Nations connaissent et qui est celui du pouvoir limité de légiférer que leur confère la loi. Quand un règlement est dans les limites du pouvoir d'un conseil de bande, le problème le plus courant et le plus pressant demeure celui de son application, car les forces de police et le Service des poursuites pénales du Canada ne veilleront pas à l'application de ce type d'instrument tout à fait juridique dans les champs de compétence fédérale.
[Français]
En ce qui concerne l'application de la loi, le premier problème est la capacité d'une Première Nation de rédiger, de mettre en œuvre et d'appliquer des règlements dans le cadre de régimes actuels. Rédiger des règlements est un exercice coûteux. De nombreuses Premières Nations ne bénéficient pas d'un conseiller juridique interne pour les aider à rédiger des exercices visant à couvrir les nombreuses différentes couches que ces règlements doivent respecter pour être contraignants sur le plan juridique.
Les questions peuvent inclure, sans s'y limiter, l'équité procédurale, les lois sur la protection de la vie privée, les droits de la personne, les droits garantis par la Charte et la constitutionnalité générale.
[Traduction]
Tout récemment, le détachement local de la GRC d'un de mes clients a déclaré qu'il ne pouvait pas faire respecter les règlements des bandes dans les réserves, à l'exception peut-être des règlements sur les intrusions, et qu'il incombait aux Premières Nations elles-mêmes d'engager un agent, ce qui est un processus coûteux, pour faire appliquer ces règlements. De plus, l'agent de la GRC a ajouté que certains agents ne savent pas comment ils pourraient les faire respecter. Je tiens à souligner, cependant, que la GRC était prête à en aider dans le maintien de l'ordre.
Si on leur donnait les outils pour le faire, les Premières Nations seraient plus en mesure d'exercer le pouvoir de légiférer avec l'aide des détachements de police voisins ou en utilisant leurs propres agents, le cas échéant. Dans cette dernière option, la nation supporte évidemment le coût de la rédaction des règlements, de la demande à présenter pour être autorisée à employer un agent, de l'achat de l'équipement nécessaire, y compris les véhicules, les uniformes et les armes, et de l'embauche de l'effectif voulu d'agents, s'il y a lieu. Beaucoup de nations ne disposent pas de fonds pour même envisager de se lancer dans ces activités, car elles ont d'autres problèmes pressants à régler, y compris les demandes continues liées à la pandémie.
[Français]
Dans le cadre de mapratique sur ces questions, j'ai reçu des réponses évasives de la part du Service des poursuites pénales du Canada quant à l'application des règlements administratifs pour les Premières Nations.
Cette question a d'ailleurs été soulevée devant le Comité par M. Richstone, l'autre jour.
[Traduction]
Le Bureau du directeur des poursuites pénales n'a pas la capacité de poursuivre en ce qui concerne ces règlements que M. Richstone qualifie aimablement de « lois communautaires ».
Je dirais que ces règlements, pris en vertu de la loi, s'inscrivent dans le champ d'application des lois fédérales, étant donné la place des Premières Nations au sein de la fédération. Cependant, j'irai jusqu'à reconnaître que M. Richstone avait raison lorsqu'il a déclaré que les lois adoptées par les Premières Nations devraient faire l'objet d'une application appropriée par tous les paliers de la force publique au Canada. Bon nombre de vos agents seraient prêts à le faire, et je prétends en outre qu'ils essaient d'être de bons partenaires de traité en se montrant disposés à faire respecter nos lois. C'est maintenant votre tour.
En résumé, je recommande principalement trois mesures: examiner le pouvoir de prendre des règlements des Premières Nations, afin de modifier la loi pour qu'elle précise que les Premières Nations sont habilitées à adopter des lois et pas seulement des règlements; veiller à ce que les Premières Nations bénéficient d'un financement suffisant pour être en mesure d'élaborer et/ou d'appliquer ces lois; et enfin, faire en sorte qu'elles soient appliquées par ceux qui sont chargés d'appliquer les lois, comme ils le font pour les lois d'autres paliers qui légifèrent dans la fédération, y compris le vôtre.
Kinanâskomitin.
[Français]
Merci, monsieur le président.
:
[
La témoin s'est exprimé en St’at’imcets et a fourni le texte suivant.]
K’alhwá7al’ap nsek’wnúk’w7a. Dee Doss-Cody nskwátsitsa. St’at’imc, xaxl?i´pmeckan xaxli’p.
[La témoin a fourni la traduction suivante.]
Je vous salue, amis et parents. Je m'appelle Dee Doss-Cody. J'appartiens à la nation St’at’imc de Fountain, au sommet de la colline.
[Traduction]
Bonjour à toutes et tous.
Je m'appelle Dee Doss-Cody. J'appartiens à la nation St'at'imc et je viens de la réserve Xaxli'p à Fountain.
Je dirige le service de police autochtone de la nation Stl'atl'imx, qui a été créé en 1988. Notre service de police est autonome et financé par un programme. En fait, nous sommes le seul service de police autonome de toute la Colombie-Britannique.
La nation Stl'atl'imx comprend 11 collectivités et le service de police autochtone de la nation Stl'atl'im offre des services de police à 10 de ces 11 collectivités.
Le service de police autochtone de la nation Stl'atl'im relève de deux territoires de compétence de la GRC sur le territoire des Stl'atl'imx. Nous faisons partie du district Sea to Sky de la GRC et de son district de Kelowna, au Sud-Est. Notre territoire ancestral s'étend sur ces deux districts. Comme vous le remarquerez, communiquer avec deux entités et deux options de la Couronne crée quelques difficultés pour notre service de police.
Nous sommes régis par la Police Act provinciale de la Colombie-Britannique. Nous avons un protocole d'entente avec le Bureau des enquêtes indépendantes de la province.
Nos policiers sont formés au Justice Institute of British Columbia. Notre formation est la même que celle du service de police de Vancouver ou de tout autre service de police municipal en Colombie-Britannique. Nos policiers peuvent postuler auprès d'autres organismes s'ils souhaitent avancer dans leur carrière ou la poursuivre dans un autre service de police. Nous avons exactement la même formation dans la province et nous y respectons les mêmes normes de police.
Nous avons conclu une entente de financement de 10 ans qui est une entente tripartite entre les 10 collectivités de la nation Stl'atl'imx, la Colombie-Britannique et le Canada. Les chefs des Stl'atl'imx ont signé l'entente et c'est ainsi qu'est né le service.
Nous avons un aspect culturel dans notre travail policier. La nation Stl'atl'imx a une journée de la déclaration, qui tombe dans quelques jours à peine. En 1911, une déclaration des tribus Lillooet a été signée. Tous les ans, nous marquons ce jour, un peu comme la fête du Canada, si vous voulez. Tout nouveau policier qui arrive dans notre service de police prête serment. La nation a créé sa propre cérémonie de prestation de serment. Quand nous avons un nouveau policier, la nation l'accueille au son des tambours, puis il fait son entrée en dansant. La nation l'accueille pour le remercier d'avoir choisi d'entrer dans son service de police autochtone. C'est une des choses que nous faisons.
Le service de police autochtone de la nation Stl'atl'im n'a pas fait l'objet d'une loi, comme vous l'a dit l’Association des chefs de police des Premières Nations, l'ACPPN. Notre service est un programme. Nous sommes financés comme service supplémentaire. Nous ne sommes pas un service de police supplémentaire. En fait, nous sommes le service de police de la nation Stl'atl'imx, mais nous sommes financés sur les fonds d'un programme et il arrive que des programmes disparaissent, ce qui signifie qu'il n'y a aucune viabilité. Nous craignons de ne plus exister un jour si la décision est prise de supprimer le programme.
Les statistiques du service de police autochtone de la nation Stl'atl'im en ce qui concerne les infractions au Code criminel sont parmi les meilleures de la Colombie-Britannique. Seul le service de police de Victoria fait mieux que nous. Nous enquêtons sur tout, de la violence familiale aux agressions sexuelles, en passant par les accidents de la route graves. Nous sommes épaulés par les services de police spécialisés de la GRC. En cas d'accident mortel, ils se déplacent, ou nous demandons au Groupe intégré des enquêtes sur les homicides de venir sur place en cas d'homicide dans notre collectivité. Nous nous appuyons sur la GRC et nous travaillons en partenariat avec elle. Nous avons de bonnes relations de travail. Nous étudions actuellement un nouveau protocole d'entente avec la GRC afin que chacun sache précisément quel est son rôle sur ses territoires de compétence.
Nous avons une justice réparatrice dans notre nation. Nous l'utilisons. Elle est efficace. Actuellement, avec la COVID, c'est plus difficile parce qu'il n'est pas possible de se réunir, ce qui crée des problèmes.
En ce moment, nous avons 12 policiers. Nous avons reçu des fonds supplémentaires pour recruter quatre policiers de plus, ce qui portera notre effectif à 14. Nous avons reçu 2,5 millions de dollars pour un nouveau bâtiment. Il y en a un nouveau dans la région de Mount Currie. Un autre est en construction dans la région de Lil'wat.
Nous n'avons pas de cellules. Nous utilisons celles de la GRC quand nous arrêtons quelqu'un pour le présenter devant un juge de paix. Notre territoire couvre 2,2 millions d'hectares, soit 8 494 milles ou 22 000 kilomètres carrés, ce qui est immense. D'ailleurs, nous avons fait une expérience. Nous avons patrouillé dans la région pour voir si nous pouvions toute la parcourir en un quart de service. Il a fallu huit heures à l'un de mes policiers pour aller d'un bout à l'autre du territoire. Et il ne s'est pas arrêté pour aller aux toilettes, pour manger ou pour quoi que ce soit d'autre. Il s'est contenté de conduire et d'être celui que l'on voit arriver de loin, le policier sans jambes, si vous voulez.
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Je vous remercie, monsieur le président, et vraiment, que de témoignages fort intéressants aujourd'hui! C'est tout à fait extraordinaire, et pourtant, ma caméra ne marche pas. Il y a un message d'erreur qui s'affiche. Je ne sais pas ce qui s'est passé.
Quoi qu'il en soit, je vais continuer. Désolé, mais j'ai un message d'erreur qui s'affiche sur Zoom.
J'aime beaucoup la perspective sur les solutions possibles à certains problèmes. Si j'ai bien entendu, le gouvernement tarde à régler bon nombre des problèmes. Beaucoup de solutions peuvent être trouvées sur le terrain ou dans les collectivités, si le gouvernement — fédéral ou provincial — ne fait pas obstacle et laisse ces collectivités régler les problèmes. L'expulsion de trafiquants de drogues et d'autres méthodes ont été mentionnées.
Je ne sais même pas à qui poser cette question. La voici. Comment est-ce que cela fonctionnerait, en pratique, si Ottawa ou les provinces décidaient de donner aux collectivités les outils et les fonds nécessaires pour gérer leur propre service de police ou pour adopter leurs propres lois et leur conféraient les pouvoirs nécessaires à l'application de la loi? Comment cela se passerait-il par rapport aux lois canadiennes existantes?
Je le répète, je ne sais pas à qui poser la question, mais je suis prêt à écouter quiconque veut répondre.
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Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Je vous remercie et je remercie le député de sa question. Je sais que les chefs et les représentants auront beaucoup de suggestions à faire. C'est une question intéressante.
La première partie est celle du financement. Si nous avions les fonds nécessaires et que le gouvernement ne faisait pas obstacle, nous progresserions considérablement. Cependant, il nous faut aussi l'autorité juridique.
Or, nous devons la trouver dans le cadre de la Loi sur les Indiens, de la Loi sur la gestion des terres des Premières Nations, d'un traité ou d'autres dispositions. Nous avons proposé, et M. Arcand-Paul et son groupe probablement aussi, de modifier la législation. Il est possible de modifier les lois fédérales en matière d'infractions pour y inclure toutes les Premières Nations comme administrations habilitées à adopter des lois et à les faire respecter. Nous pourrions demander aux juges en chef de donner pour directive aux tribunaux d'appliquer ces lois. Il y a quelques mesures techniques, mais comme vous le dites, il faut surtout fournir le financement et cesser de faire obstacle.
Je m'arrêterai là. Je vous remercie de la question.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je pourrais probablement répondre aux deux questions.
Je suis d'accord que nous avons tous besoin de fonds, mais il a été dit plus tôt que toutes les Premières Nations n'ont pas les mêmes capacités dans leurs collectivités et leurs districts.
Ici, à Akwesasne, nous avons une force de police. Nous avons un programme de conformité. Nous avons notre propre tribunal. Nous élaborons nos propres lois. Je ne crois pas que le Canada soit capable d'entendre des affaires concernant nos lois et de trancher, car nos lois ne sont pas élaborées pour lui, mais pour notre collectivité. Il devrait revenir à nos juges, dans notre tribunal, d'entendre ces affaires et de trancher dans le territoire pour lequel elles ont été élaborées.
Selon moi, le financement sera toujours un problème tant qu'on ne l'aura pas. Nous avons, pour notre part, un plan en place. Nous voulons développer le programme de conformité — comme le titre d'agent de sécurité utilisé plus tôt — pour servir notre collectivité. Lorsque nous réussirons à renforcer la confiance au sein de la collectivité, ces services travailleront bien mieux, mais pour l'instant, le Canada impose ses lois et nous dit dans notre entente sur l'autonomie gouvernementale que nous devons négocier l'autonomie gouvernementale. Ce n'est pas le meilleur cadre où le faire.
Comme vous le savez, Sécurité publique Canada et Services aux Autochtones mènent des consultations. Il est prévu dans la lettre de mandat des deux ministres qu'ils travaillent en partenariat avec les collectivités des Premières Nations afin de désigner les services de police comme étant un service essentiel.
Je suis très impressionnée, cheffe Lazore, de voir combien vous êtes avancée dans votre système de justice pénale, des services de police aux tribunaux — le tout —, et ce depuis quelque temps.
Chef Doss-Cody de la Colombie-Britannique, merci de votre témoignage. Votre situation est très différente et la vôtre aussi, chef Bellerose.
Ma question pour vous trois est donc la suivante: pensez-vous que le gouvernement devrait fournir des fonds pour renforcer les capacités dans les collectivités?
Je crois, cheffe Lazore, que vous pourriez donner beaucoup de conseils à d'autres collectivités, mais vous avez besoin de temps et de ressources pour cela. Personne n'en est au même point.
À propos de ce que vous disiez, chef Bellerose, vous voulez vous donner les moyens de réussir. Que pensez-vous de l'idée de fournir des fonds justement pour renforcer les capacités?
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Voulez-vous parler de ma première réponse? Je crois que, plus tôt, je parlais de l'application de nos lois et des restrictions du Canada.
Comme je l'expliquais, nous avons affaire à deux provinces quand nous parlons des lois du Canada. Quand il s'agit de la compétence de notre tribunal, nous devons négocier avec la province, ce qui ne devrait pas être le cas, selon moi.
Je trouve difficile d'entendre parler d'entente sur l'autonomie gouvernementale pour que nous nous gouvernions nous-mêmes. Chaque fois que nous avons un problème, les provinces viennent négocier, pas le fédéral. Pourtant, c'est le ministère fédéral qui est responsable à notre égard. Nous nous démenons pour avoir notre entente sur l'autonomie gouvernementale parce qu'il y a tellement de mécanismes. Même l'éducation relève de la province. Comme la justice. Et il y a deux provinces, pas une.
Nous avons la chance que les ministères se soient rencontrés pour parler d'une entente qui nous permet de nous réunir pour reconnaître notre tribunal. Nous avons parlé plus tôt de la réciprocité de nos ordonnances. Tout comme les provinces respectent mutuellement leurs ordonnances, les ordonnances des tribunaux autochtones devraient être respectées et autorisées.
Les lois relatives au développement communautaire sont faites pour notre collectivité, pas pour le reste du Canada. Il devrait donc revenir à nos tribunaux de trancher dans les affaires qui les concernent, et le Canada ne devrait pas avoir de droit de regard sur leur élaboration, le cas échéant, et sur leur adoption. Il appartient à chaque collectivité de les élaborer, de les adopter et aussi de les appliquer.
Aujourd'hui, nous cherchons le financement nécessaire pour regrouper tout ce système de justice afin qu'il fonctionne pour nous — pas pour le Canada, mais pour nous, pour chacune de nos collectivités.
Je vous remercie. J'espère avoir répondu à la question plus complètement.
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Je vais commencer par vous faire quelques commentaires et demanderai ensuite à M. Yang s'il souhaite en ajouter.
Tout d'abord, le traité ne comporte aucune disposition sur le financement de sa mise en oeuvre. C'est une question qu'il n'aborde aucunement. Les demandes de financement de la nation Tla'amin pour des programmes de gardes-pêche sont régulièrement rejetées. Nous les formulons dans le cadre du Programme des gardes-pêche autochtones, mais sans résultat. Les Tla'amin doivent donc ponctionner ailleurs de l'argent qui pourrait être consacré à répondre aux besoins urgents en matière de logement, d'éducation, de santé et dans d'autres domaines sociaux. Ils doivent donc embaucher des gardes-pêche avec de l'argent qu'ils n'ont pas. C'est le premier problème.
Le second problème est qu'il y a quantité de gens très bien au MPO, mais que, comme entité, et je suis navré de le dire, ce ministère est coincé à l'ère coloniale. Ses réactions sont racistes, arrogantes et défensives. C'est une attitude qui ne fonctionne pas avec les Premières Nations. Cela va à l'encontre de la réconciliation. Je pourrais vous en donner de nombreux exemples. Le MPO contrevient régulièrement à la législation. Il ne respecte pas le traité ni les principes fondamentaux du droit définis par la Cour suprême du Canada pour accorder la priorité à la conservation, et pour ensuite privilégier les droits des autochtones et ceux issus des traités. Ils estiment que leur travail consiste à permettre et à réglementer la pêche sportive et la pêche commerciale, et advienne que pourra des ressources…
Je peux rapidement vous donner un exemple. Le village des Tla'amin s'appelle Teeshosum. Cela signifie « les eaux blanchies par la laitance du hareng ». Cela fait en effet des milliers d'années que les Tla'amin ont géré cette pêche du hareng et maintenu le stock de poissons à un niveau durable pour alimenter la population. Le MPO est arrivé avec ses gros sabots et a fait disparaître ce stock de poissons parce qu'il a décidé, avec son arrogance habituelle, que celui-ci faisait partie d'un stock agrégé et non pas local. Le ministère s'est donc estimé autorisé à permettre la pêche commerciale. Les Tla'amin ont cessé de pêcher, mais le stock de poissons a disparu. Ce n'est là qu'un des nombreux problèmes auxquels nous faisons face avec le MPO.
Pour en revenir aux questions de maintien de l'ordre, j'observe que le MPO manifeste, comme entité et comme culture, qu'il est convaincu de faire mieux que qui que ce soit d'autre et ne pas vouloir que quelqu'un d'autre s'en mêle.
Je vais maintenant demander à M. Yang s'il a des commentaires à ajouter.
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Je vous remercie, chers collègues, et vous aussi monsieur le président.
Merci enfin à Mme Blaney d'avoir posé cette question.
Je partage l'avis de mon collègue voulant que l'un des plus grands défis auxquels nous sommes confrontés est l'absence de volonté du MPO de s'impliquer progressivement et efficacement avec les communautés autochtones, comme les Tla'amin, pour faire appliquer les lois sur la protection des ressources naturelles.
L'autre défi, me semble-t-il, est le manque de volonté du MPO de reconnaître mutuellement nos agents chargés d'appliquer la loi pour soulager son personnel des tâches que nous pouvons exécuter. S'il y a une chose que nous pouvons affirmer sans risque d'être contredits, c'est que les agents des pêches du MPO sont en sous-effectif et manquent de moyens.
Pour notre région, celle de Qathet, il n'y a que deux ou trois agents en service en même temps, et le territoire qu'ils ont à patrouiller est immense. C'est la même chose à quantité d'autres endroits du Canada. Ils doivent patrouiller un immense territoire, mais ne disposent pas des moyens matériels de le faire ni de faire respecter le mandat de leur ministère, sans parler de répondre aux souhaits de la nation Tla'amin ou de ceux des autres communautés autochtones pour protéger leurs ressources, et pour faire respecter leurs pratiques ancestrales.
Je suis d'avis que si le gouvernement ordonnait au MPO de commencer à s'impliquer avec les nations et de collaborer avec elles à l'application de la législation et à la protection des ressources naturelles, ce serait un très bon début. De plus, si le gouvernement exerçait des pressions sur le ministère pour qu'il commence à désigner conjointement les gardes-pêche autochtones et à financer leurs programmes de formation qui s'inscrivent sans aucun doute dans le cadre de la loi et qui respectent les articles sur les traités de la Loi sur les pêches elle-même, ce serait de très bon augure.
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Merci, monsieur le député.
Il faut savoir que Services aux Autochtones Canada a décidé de ne plus nommer de juges de paix. Une fois ce moratoire entré en vigueur, le crois qu'il nous en restait quatre. Leur nombre est tombé à deux, puis à un. Nous avons demandé avec insistance que des juges soient nommés à notre tribunal. Nous avons alors décidé de recourir aux éléments des droits inhérents des peuples autochtones, comme nous l'avions fait pour la formulation et l'approbation de nos lois parce que, une fois encore, Services Autochtones Canada a cessé d'approuver nos règlements. Nous avons besoin de règlements pour nous gouverner de façon autonome.
Cela dit, nous avons décidé de nommer des juges de paix. Nous leur avons fait suivre la formation disponible au moment pour assumer ce genre de fonction. Depuis cette époque, nous avons recruté deux magistrats du siège spécialisés en droits inhérents qui ont entendu des affaires portées devant notre tribunal. Aujourd'hui, nous avons dix juges de paix en formation.
Nous ne cessons d'avancer. Nous exerçons en permanence notre autonomie gouvernementale et nos droits inhérents.
Les quatre infractions à la Loi sur les Indiens que j'ai mentionnées précédemment ont été entendues par notre tribunal, mais, aujourd'hui, nous siégeons et négocions cela avec une partie à notre accord d'autonomie gouvernementale, parce que c'est ainsi que la Loi sur les Indiens impose de procéder.
À mes yeux, négocier cela n'a aucun sens parce que c'est un droit que nous avons déjà. Nous procédons de cette façon. Les provinces se tournent vers nous pour nous dire que nous ne pouvons pas faire cela non plus, mais c'est pourtant ce que dit la Loi sur les Indiens. Notre objectif n'est-il pas de devenir plus indépendants de la Loi sur les Indiens?
C'est ce que nous avons entendu et compris. Nous voulons continuer à entendre le même son de cloche. Nous avons eu très récemment des affaires qui auraient pu être entendues par notre propre tribunal, mais nous sommes assis ici pour négocier ce droit, et cela devient très difficile.
Nous devons continuer à avancer. Nous avons des juges qui sont en formation et d'autres qui siègent à notre tribunal. Comme tout le monde l'a dit aujourd'hui, nous avons besoin de financement. Nous subvenons aux besoins de ce tribunal depuis presque 60 ans, depuis 57 ou 58 ans pour être précis.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci infiniment à tous les témoins d'aujourd'hui. Je sais que tout le monde l'a déjà dit, mais les témoignages d'aujourd'hui sont particulièrement éclairants et utiles et nous tenons à ce que vous sachiez que nous les apprécions à leur juste valeur.
Je m'appelle Adam van Koeverden. Permettez-moi de souligner que nous sommes réunis sur les territoires traditionnels des peuples Haudenosaunee, Hurons-Wendats, Anishinabek, Attawandaron et plus récemment, de la Première Nation des Mississaugas de Credit.
Je tiens simplement à rappeler moi aussi à quel point vos témoignages d'aujourd'hui nous ont été utiles et le grand intérêt des idées dont vous nous avez fait part.
En examinant le Budget de 2021, je constate que des montants énormes seront investis au cours des cinq prochaines années dans les services de police des Premières Nations. J'aimerais savoir, de la part des spécialistes de ce domaine que vous êtes, dans quelle mesure ce montant de 861 millions de dollars sur cinq ans, à compter de cette année, y compris la somme de 145 millions de dollars déjà prévue chaque année, vont permettre de répondre aux besoins et vont contribuer à soutenir des services de police et de sécurité communautaire respectueux de la culture de la population. J'entends dire haut et fort que le financement n'est qu'un élément, qu'il est important de libérer la voie, très important de laisser place à une législation accordant et favorisant une plus grande autonomie.
Toutes vos réactions m'intéressent.
J'observe que M. Yang a déjà levé la main. Il peut donc peut-être prendre la parole en premier. Ce sera ensuite le tour de M. Browne.
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Je vous remercie, monsieur le président, et vous aussi, monsieur le député, d'avoir posé cette question. Dans ce que vous avez dit, l'une des phrases clés a été qu'il s'agit là de financement de services de police.
Il y a habituellement un lien direct. Lorsque des communautés autochtones ou même le grand public parlent d'application de la loi, on observe que nombre de décideurs politiques et de législateurs pensent immédiatement au maintien de l'ordre ou aux services de police. Ce n'est pas nécessairement le cas dans les communautés autochtones.
C'est ainsi qu'il y a des communautés qui ne veulent pas de services de maintien de l'ordre. Elles ne veulent pas entendre parler d'un service de police autogéré qui serait coiffé par le Programme des services de police des Premières Nations. Certaines communautés préféreraient voir des investissements en infrastructures et la nomination d'agents d'exécution de la loi, que ce soient des agents chargés du maintien de la paix ou des agents de sécurité communautaire, peu importe le nom qu'on leur donne. Cela s'explique par le fait que certaines communautés ont un bon service et entretiennent de bonnes relations avec les services de police desservant déjà leur territoire, et que, bien souvent, les autorités policières n'ont tout simplement pas les ressources voulues pour fournir un service adéquat aux communautés ou pour être en mesure d'appliquer les lois, comme les lois découlant des traités ou les règlements adoptés en vertu de la Loi sur les Indiens, ou encore en vertu de la Loi sur la gestion des terres des premières nations.
Ce que nous aimerions, c'est que le ministère se dessaisisse d'un certain nombre de sujets, qu'il abandonne les financements axés exclusivement sur le maintien de l'ordre et qu'il adopte une approche moins étroite pour les questions de sécurité communautaire ou de sécurité publique et de l'application de la loi sur les territoires autochtones. Il ne s'agit en aucun cas de préconiser une diminution du financement des services de police gérés par nos partenaires, alors qu'en vérité, nombreux sont ceux qui ont désespérément besoin d'une injection de fonds. Cependant, nous avons nous aussi besoin de financement pour, faute d'un meilleur terme, nous doter d'un programme d'application de la loi à plusieurs paliers dans lequel les agents ne sont pas des policiers, mais s'occupent toujours de l'application de la réglementation administrative et de l'application des volets de la législation visant les affaires quai-criminelles à l'appui de la police du territoire.
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Merci beaucoup. Je vais être bref.
Nous avons été très heureux de voir ce financement inscrit dans le Budget. C'est un engagement majeur qui traduit la volonté du gouvernement de contribuer à la réconciliation. Ce sont là des fonds dont nous avons grand besoin. Nous espérons simplement que les Premières Nations vont s'entendre pour décider de la façon de les dépenser.
Juste pour faire suite aux commentaires de M. Yang, la communauté Tla'amin ne cherche pas à mettre en place sa propre « commission des services de police », dont la création et la gestion seraient trop onéreuses, mais elle veut disposer des pouvoirs et du financement pour élaborer des solutions.
Je veux simplement évoquer la protection en matière de responsabilité. Si nous ne faisons qu'affecter les fonds mis à notre disposition à telle ou telle cause, la responsabilité des Premières Nations va être fortement engagée, sans qu'elles bénéficient de la moindre protection. La GRC a récemment inculpé une personne vivant dans une réserve pour avoir tenté d'expulser un intrus. Elle a accusé le membre de la Première Nation, et non l'intrus, de nuisance, parce qu'elle estimait que celui-ci n'avait pas le pouvoir d'agir dans un tel cas.
Je pense à des exemples comme celui de la Loi sur la gestion des terres des premières nations, qui comprend un cadre et une législation du niveau fédéral définissant le pouvoir juridique et la protection en matière de responsabilité des Premières Nations, puis prépare la Première Nation à réussir dans un cadre juridique assorti d'un financement. Nous avons également des exemples similaires sur les questions relatives aux enfants et à la famille.
Je vous remercie d'avoir posé cette question.
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Merci, monsieur le président.
Merci à tous les témoins de leur présence parmi nous aujourd'hui et de leur participation à cette discussion fort intéressante.
J'aimerais revenir à M. Arcand-Paul. Si quelqu'un d'autre souhaite intervenir sur cette question, qu'il n'hésite pas. Laissez-moi le temps de trouver la meilleure formulation.
Des témoins nous ont dit, et nous en avons un peu parlé aujourd'hui, que le problème ne tient pas uniquement à un manque de ressources dédiées au maintien de l'ordre. Pour de nombreux peuples autochtones, l'accès aux ressources appropriées se heurte à de nombreux obstacles tout au long du processus ou dans l'ensemble du système judiciaire, si je peux le formuler ainsi.
M. Arcand-Paul, un commentaire? Partagez-vous cette interprétation? Avez-vous des commentaires à faire ou même des solutions à proposer?
Après votre réponse, je serais prêt à entendre les commentaires de n'importe qui d'autre.
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Je suis navré. Si vous me permettez de reformuler la question, vous voulez savoir si les Premières Nations ou les groupes autochtones éprouvent de la difficulté à accéder de façon générale au système juridique à cause d'un manque de financement?
Oui, c'est un sujet qui a été évoqué de nombreuses fois aujourd'hui pendant nos délibérations. Je suis convaincu que vous en avez entendu parler à l'autre réunion sur ce sujet. C'est un problème. C'est un problème pour les Premières Nations et c'est un problème pour les autres groupes autochtones du Canada qui veulent être en mesure d'exercer la souveraineté inhérente des Premières Nations.
L'autre problème qui se pose est d'apprendre à bien connaître les subtilités juridiques et les compétences inhérentes. Si vous vous rendez dans n'importe quelle communauté, vous allez constater que les gens comprennent bien leur situation. Il faut savoir en particulier que les nations qui ont conclu des traités et celle des Prairies n'ont jamais abandonné leur capacité à exercer leurs compétences.
Comment pouvez-vous les exercer si vous n'avez pas les moyens financiers de le faire? Nous constatons que les Akwesasne et les Kahnawake ont les moyens de se doter de tribunaux et de mettre en place à l'interne des mécanismes juridiques pour qu'ils n'aient pas à s'adresser aux tribunaux provinciaux ou fédéraux. Le financement est donc un élément très important et nous n'atteindrons pas cette capacité d'exercer nos compétences inhérentes si on ne nous accorde pas les fonds nécessaires.
Je voudrais faire ici un commentaire à l'attention du député van Koeverden. Oui, ces fonds constituent un bon début, mais il nous en faut davantage. Cela fait plus de cinq ans que nous les attendions. Ils ne vont pas suffire à nous permettre de mettre en place des systèmes juridiques et tout ce qui entoure les compétences inhérentes.
Pour préciser un peu les choses, sachez que mon bisaïeul maternel a été chef de Muskowekwan de 1910 à 1952. À cette époque, sous le régime des agents des Indiens, nos gens devaient obtenir un laissez-passer pour quitter la réserve. Les lois du Canada nous empêchaient de nous rendre à nos lieux de culte où nous pratiquions la danse de la pluie. La limite pour nous était symbolisée par le grand pavillon du gardien. Si les gens quittaient la réserve où se rendaient à un lieu de culte sans laissez-passer ou sans permission, ils étaient jetés en prison. Notre peuple a résisté à tout cela. Plus tard, un de mes oncles a été chef pendant vingt ans de la réserve voisine. La question de l'époque était le non-respect de la législation et des règlements sur l'alcool. Si nos gens préparaient leur propre mélange ou faisaient leur propre vin et que l'agent des Indiens le découvrait, ils allaient en prison.
Mesdames et messieurs les députés, il faut que vous sachiez que, en 2021, nous sommes toujours aux prises avec l'esprit de ces anciennes lois, avec leurs violations de qui nous sommes en tant que premier peuple sur cette terre. Pour parvenir à corriger cette situation, nous avons besoin d'exercer le contrôle sur le processus. Nous sommes le peuple autochtone. Nous n'allons pas changer. Nous redynamisons notre langue. Nous redynamisant notre culture et nos jeunes s'émancipent. Ils sont incités à se tenir loin de la drogue et de l'alcool. Nous les encourageons à aller à l'école. Tout n'est pas sombre. Une partie de notre réalité a de quoi nous attrister, mais nous plaçons nos espoirs dans nos jeunes.
J'espère que les députés que vous êtes vont continuer à nous appuyer et à nous écouter. J'ai rencontré ici un avocat d'Alexander, fort intelligent. J'espère que vous écouterez des gens comme lui. Les leaders élus que nous sommes font tout ce qu'ils peuvent. Si les gens se lèvent du mauvais pied, c'est bien sûr la faute du chef, n'est-ce pas?
Nous n'avons pas le temps d'aller plus loin, mais cela ne m'empêche pas de vous remercier sincèrement.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je veux reprendre là où nous en étions. Une bonne partie de cette conversation porte sur le financement. Dans des études antérieures, ce Comité a traité d'éléments précurseurs comme l'autonomie gouvernementale, la stabilité financière rendue possible par la capacité éventuelle d'imposition, de génération de revenus et par ce genre de choses.
Nous avons entendu des témoins, y compris aujourd'hui, qui ont mentionné que les services de police autochtones sont enracinés dans l'autodétermination, dans une plus grande autonomie, dans l'autonomie gouvernementale et dans ce genre de choses.
Encore une fois, je vais m'exprimer en premier, ce qui me semble être une bonne façon de procéder étant donné que tous ceux qui désirent faire des commentaires ont l'occasion de nous en faire part.
Je suppose que cette question comprend deux volets. Tout d'abord, à quelles consultations a-t-on procédé, s'il y en a eu, avec les communautés autochtones au cours des sept derniers mois pour tenter d'aller de l'avant? Ensuite, à votre avis, quelles étapes sont nécessaires et que faut-il faire de plus pour mettre en oeuvre le cadre juridique reconnaissant les services de police autochtones comme un service essentiel?
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Merci de cette question, madame Bérubé.
Je milite activement pour le retrait des lois paternalistes. Nous n'avons pas besoin de plus de mesures législatives. Ce dont nous avons besoin, c'est d'être mieux en mesure d'agir sur le terrain. Je pense à des programmes comme ceux qui ont été mis sur pied à Akwesasne, ou par les Tsuut'ina ici, au sud de l'Alberta. Des services de police autochtones sont déjà en activité. Nous n'avons pas besoin de nouvelles mesures législatives qui viennent nous mettre des bâtons dans les roues. Nous sommes tout à fait en mesure de promulguer nos propres lois.
Nous représentons le troisième ordre de gouvernement dans ce pays. Nous sommes des partenaires à part entière au sein de la Confédération et, comme les autres partenaires, nous pouvons prendre nos propres décisions. Quand nous entendons parler de l'intention du ministre d'adopter d'autres mesures législatives, comme pour d'autres secteurs de compétence... Mon commentaire très général à cet égard est que ce n'est pas du tout ce que nous demandons.
Sur le terrain et dans les communautés, personne ne demande au gouvernement fédéral d'empiéter sur notre droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Le mécanisme qui permet au gouvernement de fournir le financement ou d'apporter les modifications nécessaires est de votre ressort, mais l'application de ces mécanismes sur le terrain ne vous regarde pas. C'est l'affaire des communautés, et nous avons seulement besoin d'argent pour faire ce travail. Nous en sommes parfaitement capables.
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Merci, monsieur le président.
Je pense que je dois m'adresser à vous, M. Browne, mais M. Yang peut bien entendu...
Une chose me fascine dans cette conversation. J'aimerais vraiment qu'un gouvernement saisisse en fin l'occasion de mettre fin au colonialisme. Quand on parle de racisme systémique, la réaction est toujours qu'il faut relativiser et trouver une solution. Qu'il ne faut pas voir ce problème sur le plan individuel. On ne parle pas de mauvaises personnes, mais d'un système en place depuis longtemps. Quand tout ce que les leaders d'une nation peuvent faire est d'appeler le 911 en espérant que tout ira bien, c'est du racisme systémique.
Je sais que le Service des poursuites pénales du Canada a fait appliquer les règlements sur la COVID sous le régime de la Loi sur les Indiens. Il n'a pas tenu compte des codes fonciers ni des traités. Vous avez cité l'affaire K'ómoks en exemple.
Pourriez-vous nous expliquer les conséquences pour une nation qui essaie de faire son travail? Hegus Rempel a parlé d'un cas semblable concernant la Nation K'ómoks. Elle s'est retrouvée devant un individu qui s'est moqué d'elle quand elle a essayé de faire appliquer les règlements dans sa communauté.
Pouvez-vous nous expliquer les conséquences d'un processus qui perpétue le racisme systémique pour les leaders et le développement des communautés?
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Merci. C'est une question d'une grande importance. Je suis désolé d'avoir à vous quitter sous peu. J'ai une autre réunion, mais je suis très content de pouvoir répondre à la question.
Pour ce qui concerne les conséquences pour les chefs, je l'expliquerais surtout par une incertitude alors qu'ils n'ont aucune raison de douter de leur rôle. Ils sont les chefs élus par leurs communautés. Souvent, ils sont les chefs héréditaires d'une longue lignée, qui ont reçu les enseignements de leurs aînés sur la manière d'agir dans l'intérêt de leur communauté et dans le respect de sa culture. Ils ne devraient pas douter quand il faut expulser un trafiquant de drogue, un délinquant sexuel dangereux ou un individu quelconque qui vole des ressources de leur territoire dont ils ont besoin pour nourrir les familles. Il devrait leur suffire de décrocher le téléphone et d'envoyer un agent ou de décider de participer à l'opération d'application de la loi.
Vous avez tout à fait raison de parler de résistance institutionnelle. Malheureusement, le colonialisme et le racisme existent encore, et nous devons unir nos forces pour en venir à bout, sans porter d'accusations personnelles. Notre principe est qu'il faut être sans pitié devant les problèmes, mais indulgents envers les personnes. Si quelqu'un a besoin d'aide ou d'éducation, nous pouvons l'accueillir dans notre communauté. Nous pouvons lui donner des enseignements sur la culture, les lois, l'histoire, et ce que les nations ont fait de bien dans le passé, avant l'arrivée des colonisateurs, comme moi, et pourquoi elles ont agi ainsi.
L'éducation et la formation sont primordiales, et nous avons besoin du soutien du gouvernement pour faire avancer les choses. Pour l'instant, personne ne rend de comptes. Les responsables du MPO peuvent faire et dire tout ce qu'ils veulent et ils seront quand même promus s'ils se trompent. Si nous nous plaignons au ministre, le fonctionnaire en question lui écrit une lettre et le cercle vicieux se perpétue. Il n'y a pas de vérificateur général responsable de la réconciliation. Nous n'avons personne à qui nous adresser.
Ce que vous avez dit est très juste. Merci.
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Nous sommes désolés d'avoir changé l'ordre d'intervention, mais merci de votre compréhension.
Je voudrais remercier tous les témoins. Les échanges ont été très intéressants, et vous nous avez donné beaucoup d'information très utile en vue de nos recommandations.
J'aimerais aborder un aspect très pointu et je suis ouvert à tous vos commentaires.
Au fil des témoignages que nous avons reçus ces dernières semaines sur le sujet à l'étude, il a été très souvent question — et le débat d'aujourd'hui ne fait pas exception — du bourbier des compétences qui semble inhérent au système.
Nous avons aussi entendu parler de partenariats très efficaces et de la volonté des organismes d'application de la loi, qu'il s'agisse de la GRC ou de vos propres corps policiers, de faire appliquer les lois. Toutefois, il semble que les choses se compliquent à l'étape des poursuites et des processus qui suivent à cause de ce bourbier des compétences, si j'ose dire.
Je vais commencer par une question très simple. Plutôt que de nous embarquer dans un processus législatif de cinq ans pour mettre un cadre en place et toute une panoplie de mesures, pourrions-nous commencer par des choses très simples... Si vous aviez un conseil à nous donner pour régler rapidement certains des problèmes de compétences auxquels vous vous butez, quel serait-il?
Je vous laisse déterminer qui répondra en premier, mais j'aimerais entendre le plus de témoins possible dans le peu de temps qui reste.
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Merci, monsieur le président.
Pour ma part, je demande qu'on nous traite à l'égal du gouvernement fédéral. Depuis des années, j'entends parler de dialogue « de nation à nation », et je demande toujours qu'on m'explique ce que cette expression veut dire au juste.
Ce que je vois actuellement, c'est un système où il y a le gouvernement fédéral, la province, une administration municipale et, éventuellement, un gouvernement de Première Nation. Nous avons été les premiers occupants du Canada, les premiers partout. Nous sommes littéralement le premier peuple. Nous devrions traiter directement avec le gouvernement fédéral pour qu'on puisse parler de dialogue de « nation à nation ». Nous ne devrions pas avoir affaire aux provinces. Nous sommes relégués à un rang inférieur et sous le pouvoir des provinces. Nous devrions traiter directement avec le gouvernement fédéral.
Je ne comprends vraiment pas pourquoi il est si difficile pour le Canada de reconnaître que les services de police des Premières Nations sont essentiels. C'est la même chose pour mon service d'incendie. Les employés ne sont pas payés. Pourtant, si je traverse le fleuve pour aller à Cornwall, en Ontario, ils sont payés.
Pourquoi nous traiter comme un gouvernement de quatrième ordre si on veut dialoguer de « nation à nation »? Tout ce que je peux dire et recommander, c'est que nous devons être traités comme des égaux et avec respect.
Merci, monsieur le président.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Bonjour à tous.
Je me joins à vous depuis le territoire traditionnel des Mi'kmaq de la Nouvelle-Écosse.
Tout d'abord, je tiens à dire que je suis tout à fait d'accord avec les témoins qui ont parlé de la nécessaire autonomie gouvernementale des peuples autochtones. Nous avons trop perdu de temps. Il est grand temps d'agir pour aller dans cette direction.
Pour ma part, je considère que nous traitons de nation à nation. Il est primordial pour tous les Canadiens d'apprendre à reconnaître... [ Difficultés techniques]... de cela.
Dans le même ordre d'idées, force m'est de reconnaître les nombreuses manifestations du racisme systémique dans les services de la police et le domaine de la justice. C'est ce qui explique, hélas, pourquoi les Autochtones ne font pas confiance aux forces de l'ordre et sont surreprésentés en milieu carcéral. C'est selon moi le résultat direct du racisme systémique, de l'appauvrissement des Premières Nations et de la maltraitance dont elles sont victimes, génération après génération après génération.
Comment les services de police des Premières Nations favorisent-ils la confiance au sein de leurs communautés? Y a-t-il des pratiques exemplaires à cet égard? Comment pouvons-nous les aider dans ce domaine?
Merci.
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Merci, monsieur le président. Je remercie aussi la députée de soulever cette question.
Je vais donner une réponse partielle à la question précise de la méfiance et des difficultés liées à l'application de la loi et aux services de police. Historiquement, les services policiers sont fournis aux communautés autochtones aux termes de contrats. Cela signifie que des personnes étrangères aux communautés fournissent les services. C'est pour cette raison qu'en 1992, le gouvernement fédéral a établi le Programme des services de police des Premières Nations et, parallèlement, les accords autogérés de services de police, si je ne trompe pas.
Comme l'a dit la cheffe Doss-Cody, pour que cela fonctionne, il faut faire appel à des membres de la communauté ou à des personnes qui collaborent avec un service expressément affecté à une communauté. C'est impossible si les services sont offerts par un grand organisme provincial ou municipal, ou même si un contrat est signé avec la GRC pour des services de police de base et de sécurité communautaire. Dans ce genre de structure, le roulement du personnel devient un problème parce que les agents de la GRC ou d'un autre organisme sont souvent transférés.
Je crois que le chef Bellerose a déjà parlé des problèmes liés aux processus perpétuels d'embauche de nouveaux agents, et de la nécessité de s'adapter continuellement à de nouvelles personnes. C'est un problème important pour ce qui concerne les services d'application de la loi et de police.
Le fait pour une communauté d'avoir son propre corps policier permet d'offrir des services professionnels et adaptés à la culture, ce qui est très rarement le cas avec les contrats de services. Je dois dire cependant qu'il ne faut pas généraliser. Des services contractuels donnent de très bons résultats. Ce qu'il faut en conclure, c'est qu'il est important que les gouvernements autochtones puissent adopter leurs propres mécanismes de contrôle et de responsabilité concernant les services fournis.