Passer au contenu

PROC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre


NUMÉRO 020 
l
2e SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 28 janvier 2021

[Énregistrement électronique]

(1100)

[Traduction]

    Je vois qu'il est 11 heures, je déclare la séance ouverte.
    Je vous souhaite la bienvenue à la 20e séance du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre.
    La réunion d'aujourd'hui se tient en formule hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 25 janvier 2021; ce qui signifie que les membres peuvent y participer en personne, dans la salle, ou à distance à l'aide de l'application Zoom. Les délibérations d'aujourd'hui seront disponibles sur le site Web de la Chambre des communes. Je vous rappelle que la webdiffusion ne montrera que la personne qui parle plutôt que l'ensemble du Comité.
    La réunion d'aujourd'hui se tient également selon le nouveau format de webinaire. Les webinaires seront utilisés pour les séances publiques des comités et seront accessibles seulement aux députés, à leur personnel et aux témoins. Les députés ont peut-être remarqué que l'accès à la réunion est beaucoup plus rapide qu'avant, puisqu'ils ont pu y accéder immédiatement à titre de participants actifs. Toutes les fonctionnalités offertes aux participants actifs demeurent les mêmes. Les membres du personnel assisteront à la réunion à titre de participants inactifs seulement, si bien qu'ils ne pourront voir la diffusion qu'en mode galerie. J'aimerais saisir l'occasion de rappeler à tous les participants qu'il n'est pas permis de faire des captures d'écran ou de prendre des photos de votre écran.
    Étant donné la pandémie qui perdure et à la lumière des recommandations des autorités de santé publique pour assurer la santé et la sécurité de la population, toutes les personnes qui participent à la réunion en personne doivent maintenir une distance physique de deux mètres des autres et porter un masque non médical lorsqu'elles se déplacent dans la pièce. Nous vous recommandons fortement de porter le masque en tout temps, y compris lorsque vous êtes assis. Vous devez également maintenir une bonne hygiène des mains en utilisant le désinfectant fourni à l'entrée de la salle. Je ferai respecter ces mesures pendant toute la durée de la séance. Je remercie les membres à l'avance de leur collaboration.
    Pour tous ceux et celles qui y participent virtuellement, j'aimerais mentionner quelques règles à suivre.
    Les députés et les témoins peuvent s'exprimer dans la langue officielle de leur choix. Des services d'interprétation sont offerts. Vous avez le choix, au bas de votre écran entre le parquet, l'anglais et le français. Avec la dernière version de Zoom, vous pouvez désormais prendre la parole dans la langue de votre choix sans devoir sélectionner le canal correspondant.
    Vous remarquerez également que la fonction « Lever la main » de la plateforme est maintenant plus accessible, dans la barre d'outils située au bas de votre écran.
    Les députés qui participent à la séance en personne sont priés de procéder comme ils le feraient quand l'ensemble du Comité se réunit dans la salle de comité. Avant de prendre la parole, attendez que je vous nomme. Si vous y participez par vidéoconférence, veuillez cliquer sur l'icône du microphone pour l'activer.
    Je pense que vous connaissez le reste. Il n'y a personne dans la salle aujourd'hui, donc nous commencerons sans plus tarder. Je vous présente les témoins d'aujourd'hui.
    Nous en recevons trois. Nous accueillons Ian Brodie, professeur agrégé en science politique à l'Université de Calgary; Lori Turnbull, professeure agrégée et directrice de l'École d'administration publique de l'Université Dalhousie; ainsi qu'Hugo Cyr, professeur au Département des sciences juridiques de l'Université du Québec à Montréal.
    Nous entendrons d'abord M. Brodie.
    M. Brodie doit absolument nous quitter à 11 h 20. Je vois qu'il est 11 h 3, donc je me demande si le Comité serait prêt à entendre tout de suite sa déclaration préliminaire. Si vous avez des questions à lui poser, nous pourrions les entendre ensuite, après quoi nous tiendrions la période de questions habituelle avec les deux autres témoins.
    Qu'en pensez-vous? Préféreriez-vous entendre les trois témoins d'abord, puis tenir la période de questions selon les règles habituelles?
    Madame la présidente, je vous réponds au nom du PCC. Nous serons ravis d'entendre M. Brodie d'abord, puis d'enchaîner avec la deuxième partie de la réunion ensuite, si vous êtes d'accord.
    Est-ce que les autres témoins sont d'accord aussi? Vous serez là du début à la fin.
    Parfait.
    Monsieur Brodie, je vous prie de nous présenter votre déclaration préliminaire. Vous avez cinq minutes.
    Je vous remercie de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui devant vous et de vous adapter à mon horaire.
    J'aborderai directement les questions qui me semblent les plus susceptibles d'aider le Comité.
    En matière de prorogation, je pense que le pouvoir de demander une prorogation est clair. Depuis des siècles, le Parlement se réunit sur convocation du souverain, et depuis la mise en place des principes du gouvernement responsable, dans les années 1800, c'est au premier ministre seul qu'il incombe de décider de la prorogation. C'est le gouverneur général qui proroge le Parlement, mais seulement sur recommandation du premier ministre. Par conséquent, c'est au premier ministre lui-même de répondre à toute question sur la prorogation, puisqu'il en est le décideur.
    Jusqu'en 2008, la prorogation était considérée comme une procédure de routine. Les premiers ministres prorogeaient généralement le Parlement chaque année ou tous les deux ans. La prorogation permet de liquider le programme législatif du Parlement et de repartir à neuf avec un discours du Trône du gouvernement.
    Il n'est toutefois pas nécessaire, selon la Loi constitutionnelle, qu'un gouvernement proroge le Parlement. Bien sûr, pendant la 42e législature, le gouvernement de M. Trudeau a revu son programme à maintes reprises sans recourir à la prorogation pendant ses quatre ans de mandat. La prorogation n'est pas essentielle non plus pour que la Chambre puisse témoigner de sa confiance envers le gouvernement en place. Comme vous le savez sûrement tous, les travaux des subsides et les travaux des voies et moyens font en sorte qu'il y a des votes de confiance à la Chambre des communes toutes les quelques semaines quand le Parlement siège.
    En revanche, la prorogation est un acte strictement politique posé pour des raisons strictement politiques.
    En ce qui concerne les éléments essentiels d'une prorogation, bien qu'il soit possible au premier ministre de proroger le Parlement pour le convoquer de nouveau après un certain nombre de jours ou de mois, il est généralement malavisé qu'il agisse ainsi. S'il devient soudainement nécessaire d'adopter en toute urgence un projet de loi, les formalités associées à la mise en place d'une nouvelle session parlementaire retardent le processus législatif.
    Il est préférable, si possible, de proroger le Parlement la veille de la convocation du nouveau Parlement, et les premiers ministres le font souvent en donnant avis de leur intention de proroger le Parlement à l'avance.
    Je pense que le Comité a entendu parler de la prorogation du 4 décembre 2008. Comme je le mentionnais, la prorogation était une procédure de routine jusqu'alors. La prorogation du 4 décembre 2008 en a fait une affaire partisane, et c'est ce qui a mené à la réforme du paragraphe 32(7) du Règlement pendant la 42e législature.
    Je pense que le rapport soumis au Comité perpétue la volonté de politiser la prorogation en affirmant à tort que le gouvernement en place a prorogé le Parlement pour éviter un vote de confiance qui aurait pu causer sa perte. Douze années se sont écoulées depuis les événements de 2008. C'est suffisant pour permettre une évaluation sobre, non partisane des événements. C'est ce que j'ai tenté de faire dans mon livre, At the Centre of Government, et je m'inspirerai des réflexions présentées dans ce livre dans mes observations d'aujourd'hui.
    Les membres du Comité se souviendront que l'élection générale fédérale de 2008 a eu des résultats décevants pour les trois partis d'opposition: les libéraux de M. Dion ont perdu 18 sièges à la Chambre, le NPD n'a pas réussi à obtenir 20 % du soutien populaire, comme il le souhaitait depuis longtemps, et le Bloc n'a pas réussi à éliminer la brèche ouverte par les conservateurs au Québec au cours de l'élection générale précédente. M. Dion a par conséquent annoncé sa démission à titre de chef du Parti libéral, et les chefs des deux autres partis d'opposition ont vu leur avenir remis en question à l'interne.
    Le 30 novembre 2008, M. Dion et les deux autres chefs ont annoncé avoir conclu une entente qui a été présentée comme une réaction à la mise à jour économique du gouvernement et à sa proposition d'éliminer progressivement le financement public des partis politiques, mais les médias ont ensuite mis au jour que cette entente faisait l'objet de discussions des semaines avant que la mise à jour économique ne soit présentée.
    En rétrospective, il est désormais clair que le pacte du 30 novembre a été le moyen choisi par les leaders de partis affaiblis, particulièrement M. Dion, pour protéger leur propre position affaiblie à la tête de leur parti par les assauts de militants à l'intérieur de leur propre parti. Les événements qui ont suivi l'ont confirmé. Après la prorogation, le caucus libéral a forcé M. Dion à démissionner sur-le-champ. À la reprise des travaux de la Chambre, quelques semaines plus tard, les libéraux, désormais dirigés par M. Ignatieff, ont voté afin de maintenir le gouvernement Harper au pouvoir après la présentation de son budget.
    La crise de 2008 était en réalité une crise de gouvernance au sein même du Parti libéral. La controverse entourant la prorogation de 2008 visait à détourner l'attention de cette crise.
    Permettez-moi de comparer la prorogation à l'étude par votre comité à la prorogation d'août 2020. Votre étude sur la prorogation d'août dernier est extrêmement utile. Vous créez ainsi un précédent qui dictera la façon dont les rapports sur les prorogations à venir seront traités, et vous le faites en sollicitant l'aide d'experts. J'ose espérer que le premier ministre établira lui aussi un précédent en comparaissant devant le Comité de telle sorte que vous puissiez lui poser vos questions à propos de la décision qu'il a prise, puisqu'il s'agissait de sa décision.
    Permettez-moi maintenant de vous recommander quelques questions que les membres du Comité auraient avantage à poser au premier ministre.
(1105)
    Premièrement, la prorogation d'août 2020 suivait cinq mois d'ordres spéciaux qui restreignaient déjà beaucoup les délibérations parlementaires. Le Parlement n'avait vraiment pas suffisamment de temps pour examiner les enjeux, en débattre ou adopter des projets de loi entre mars 2020 et le moment de la prorogation. Le premier ministre ne craignait-il pas de limiter davantage le travail légitime de la Chambre des communes et des représentants élus en prorogeant le Parlement?
    Deuxièmement, il a prorogé le Parlement immédiatement, pour le convoquer de nouveau quelques semaines plus tard. Si le gouvernement avait eu besoin d'adopter un projet de loi en toute urgence pour réagir à la crise de santé publique qui fait rage — comme il l'a fait à maintes reprises depuis mars — ces travaux législatifs urgents auraient été retardés. En optant pour la prorogation, quels étaient ses plans pour réduire le risque de devoir adopter un projet de loi en toute urgence?
    Troisièmement, le gouvernement accusait déjà du retard dans l'adoption d'une nouvelle loi pour répondre à l'arrêt Truchon. La prorogation a inévitablement mis beaucoup de pression sur la Chambre des communes et le Sénat afin qu'ils écourtent leurs débats sur les vastes questions abordées dans le projet de loi C-7. Bref, je dirais que la prorogation témoigne, dans les faits si ce n'est dans l'intention, d'un mépris à l'égard du débat parlementaire légitime sur le projet de loi sur l'aide médicale à mourir, qui s'apparente à un outrage au Parlement. Comment le premier ministre répondrait-il à cette idée qu'il a fait preuve de mépris à l'égard d'un débat légitime sur le projet de loi C-7 en prorogeant le Parlement?
    Quatrièmement, bien sûr, la décision du premier ministre de proroger le Parlement a mis fin à l'enquête en cours d'un comité qui se penchait sur une apparence de conflit d'intérêts majeur impliquant le premier ministre lui-même et peut-être aussi le ministre des Finances de l'époque. Quelles mesures le premier ministre est-il prêt à prendre pour dissiper le doute sur cet aspect de sa décision?
    En conclusion, mesdames et messieurs les députés, la prétendue « crise de la prorogation » de décembre 2008 a été déclenchée, en fait, par une crise qui sévissait dans les rangs du Parti libéral. En prorogeant le Parlement, à l'époque, M. Harper a donné au Parti libéral le temps de régler ses problèmes de gouvernance interne, comme en témoigne le fait que le Parti libéral a ensuite décidé de maintenir le gouvernement Harper au pouvoir au début de 2009. Je dirais que la prorogation de 2020 est survenue dans des circonstances similaires, en raison d'une dégradation de la gouvernance au sein du Parti libéral attribuable aux agissements de M. Trudeau et du ministre des Finances de l'époque, qui se sont placés eux-mêmes dans ce qui s'apparente à une situation directe de conflit d'intérêts.
    Madame la présidente, je serai heureux de répondre aux questions des députés, s'ils en ont.
(1110)
    Merci, monsieur Brodie.
    Je vois que nous avons environ 10 minutes, donc je donnerai deux minutes et demie à chaque parti pour interroger M. Brodie.
    Nous commencerons par le Parti conservateur. Puis-je vous demander de lever la main? Je ne sais pas si vous voulez que nous suivions l'ordre habituel. C'est M. Lukiwski qui aurait la parole selon l'ordre habituel.
    Oui, madame la présidente. Dites-vous que nous n'avons que deux minutes et demie?
    Vous avez deux minutes et demie pour interroger ce témoin. Vos questions ne doivent s'adresser qu'à M. Brodie. Après, nous entendrons les deux autres témoins, puis tiendrons les tours de questions habituels.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Brodie, je vous souhaite la bienvenue à ce comité. Je suis content de vous revoir.
    Par souci de transparence, je dois également dire que je connais bien M. Brodie. Je le connais depuis des années, puisqu'il a été chef de cabinet de l'ancien premier ministre Stephen Harper.
    Cela dit, chers collègues, écoutez, nous sommes investis de la responsabilité d'étudier les raisons pour lesquelles ce gouvernement et le premier ministre ont prorogé le Parlement. Franchement, ces raisons sont parfaitement claires, et nous le savons tous.
    Le premier ministre a prorogé le Parlement en août dernier pour une raison bien simple: pour empêcher les comités qui enquêtaient sur le scandale de l'organisme UNIS de continuer de siéger. Il a réussi son pari; il a très bien réussi son coup.
    Comme l'un des témoins qui a comparu devant nous nous l'a déjà dit, Mme Kathy Brock, c'était une bonne stratégie. La réalité, c'est que c'est la seule raison pour laquelle le premier ministre a prorogé le Parlement. Ce n'était pas pour repartir à neuf. Les libéraux prétendront que cette prorogation était nécessaire en raison de la pandémie et de la transformation rapide de l'ordre mondial qui en découle, puis que le gouvernement devait par conséquent présenter un nouveau discours du Trône, un nouveau plan, un nouveau programme.
    J'estime que c'est tout à fait faux. Cet argument est bien faible, parce qu'il existait une autre option que la prorogation, c'est ce qu'on appelle le budget.
    Le gouvernement n'aurait eu qu'à déposer un budget ou, à tout le moins, une mise à jour financière et fiscale très détaillée, en profondeur, qui aurait été suivie de très près par un nouveau budget. Il n'avait pas besoin de proroger le Parlement. Il ne l'a fait que pour des raisons politiques: pour limiter les dommages politiques au premier ministre et à son gouvernement. Nous le savons bien. Tous les Canadiens qui s'intéressent de près ou de loin à la question le savent, et mes amis libéraux qui sont membres de ce comité le savent aussi.
    Monsieur Brodie, comme notre temps est limité, je vous poserai directement une question.
    Vous laissez entendre dans votre déclaration préliminaire que vous êtes d'accord avec mon observation, selon laquelle cette prorogation était motivée par ce que vous qualifiez de raisons politiques, mais qu'elle n'était pas nécessaire. Le premier ministre aurait pu littéralement proroger le Parlement la veille du discours du Trône.
    Pouvez-vous nous en dire un peu plus et nous expliquer pourquoi, selon vous, le premier ministre a pu décider de proroger le Parlement un bon mois avant de le convoquer de nouveau? Était-il nécessaire de recourir à la prorogation à ce moment-là?
    Soyez très bref, s'il vous plaît, parce qu'il reste très peu de temps, vous avez 10 ou 20 secondes.
    Je comprends.
    Monsieur Lukiwski, c'est un plaisir de vous revoir.
    Tout ce que je peux dire, c'est que la prorogation est toujours une décision politique, puisque c'est toujours une décision du premier ministre. L'argument selon lequel il fallait relancer, rafraîchir, revoir le programme du gouvernement se conteste bien, selon moi, à la lumière des événements survenus pendant la 42e législature, où il n'y a pas eu de prorogation. Il en ressort donc que la véritable raison à cette prorogation en est une de procédure liée aux enquêtes menées par le Comité.
(1115)
    Merci.
    Nous entendrons maintenant M. Turnbull, qui représente les libéraux.
    Souhaitez-vous utiliser les deux minutes et demie qui vous sont conférées? Très bien, allez-y.
    Merci, madame la présidente.
    Monsieur Brodie, je vous remercie d'être parmi nous aujourd'hui. Je vous remercie également de votre déclaration préliminaire.
    Quelle serait, selon vous, une véritable raison légitime pour un premier ministre de proroger le Parlement?
    Comme je l'ai déjà dit, la prorogation est toujours une décision politique. Selon mon expérience de chercheur, en science politique, je pense qu'il est parfaitement légitime que des décisions politiques soient motivées par des raisons politiques.
    Un premier ministre peut souhaiter de recourir à la prorogation pour n'importe quelle raison. Quoi qu'il en soit, si le but de cette prorogation était de mettre un terme à l'enquête d'un comité...
    Et qu'en est-il d'un changement radical, d'une crise économique ou d'un ralentissement de l'économie, comme une récession? Vous étiez le chef de cabinet du premier ministre Harper d'après ce que je comprends. En 2009, lorsque Stephen Harper a prorogé le Parlement, quels étaient ses motifs?
    Monsieur Turnbull, malheureusement, j'ai démissionné de mon poste de chef de cabinet à la fin de juin 2008, donc je ne peux m'exprimer sur ses motifs. Je peux uniquement parler du rapport qui est devant vous.
    Merci. Ça va. Je comprends.
    Dimitri Soudas a été cité dans le Toronto Star pour dire que « l'heure est venue de consulter les citoyens, les intervenants et les entreprises pour écouter les Canadiens, établir les priorités et préparer les prochaines étapes de notre programme de travaux ».
    Une explication plausible ne serait-elle pas que pendant une pandémie mondiale, le premier ministre a tout simplement prorogé le Parlement pour la bonne raison que la pandémie avait de grandes répercussions économiques et sociales à l'échelle du pays, voire même à l'échelle mondiale, et qu'il était temps de revoir et de remanier le programme? Une telle explication ne serait-elle pas logique?
    Pendant la 42e législature, le gouvernement n'a pas eu recours à la prorogation. Il a relancé son programme et a géré toutes les consultations sans prorogation. Nous devons examiner de plus près le contexte politique et ce qui se passait à la Chambre des communes au moment de la prorogation pour en comprendre les motifs.
    C'est le premier ministre qui est le mieux placé pour répondre à ces questions.
    Je regrette de vous interrompre.
    Madame la présidente, il semble que la qualité du son pour M. Brodie n'est pas suffisamment bonne pour permettre aux interprètes de continuer.
    Monsieur Brodie, je vous prie de rapprocher votre microphone de votre bouche. Cela pourrait aider.
    Allez-y, monsieur Turnbull.
    Merci, madame la présidente.
    Ma préoccupation est fort simple.
    Je crois que les Canadiens comprennent bien que lorsque le premier ministre Harper a choisi de proroger le Parlement quatre fois pendant une période de six ans, dont 181 jours pendant lesquels le Parlement n'a pas pu siéger... Il est clair qu'à l'époque, les partis de l'opposition, à savoir les libéraux, ont imposé une obligation, ont modifié le Règlement, en exigeant qu'une explication devait être fournie, sous la forme d'un rapport, et c'est ce qu'a fait notre gouvernement.
    Lorsque je lis le rapport, il semble bien étayer les raisons et les motifs pour lesquels le Parlement a été prorogé. Les hypothèses que vous avez fournies quant aux raisons pour lesquelles le premier ministre a pris la décision ne semblent pas être fondées à mes yeux, à la lumière de la documentation dont nous disposons.
    Monsieur Therrien, vous avez deux minutes et demie.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
    Monsieur Brodie, je vous remercie de votre présence.
    Ma question est simple. Si je vous ai bien compris, on a prorogé le Parlement tout simplement pour étouffer l'affaire du mouvement UNIS.

[Traduction]

    Je vais remettre le compteur à zéro puisque nous n'avons pas d'interprétation.
    Monsieur Brodie, j'espère que vous pourrez rester encore quelques minutes, car nous avons des problèmes techniques.

[Français]

    Voulez-vous que je répète ma question?
    Oui.
    La prorogation a-t-elle servi tout simplement à étouffer l'affaire du mouvement UNIS?
(1120)

[Traduction]

    Il ne fait pas l'ombre d'un doute.

[Français]

    Je ne sais trop quoi ajouter à cela. Je pense que c'est une évidence pour tout le monde, sauf pour nos amis d'en face.
    Vous dites qu'une prorogation sert habituellement à remettre les compteurs à zéro. Quand le gouvernement a décidé de proroger le Parlement pendant six semaines, on pensait qu'il y aurait un changement dans les politiques adoptées ou qu'il y aurait une vision différente.
    Avez-vous senti qu'il y avait un changement de vision ou de politique? Était-ce une brisure ou une remise des compteurs à zéro? Avez-vous senti que le gouvernement aurait pu faire cela? Je n'ai rien senti de tel. On est revenu à la normale ou à ce qui avait été fait précédemment comme si de rien n'était.
    De votre côté, avez-vous vu une différence?

[Traduction]

    Je ne suis pas venu témoigner de façon partisane, et je me garderai d'émettre un jugement quant au programme politique étendu du gouvernement.
    Nous sommes toujours saisis du même sujet d'actualité politique brûlant, à savoir la crise de santé publique qui se poursuit, et cela depuis mars dernier.

[Français]

    Était-ce une erreur de fermer le Parlement pendant six semaines? Vous avez dit que les périodes de prorogation devaient être courtes. En temps de pandémie, une prorogation est complètement irresponsable.

[Traduction]

    Monsieur Therrien, je suis d'accord avec vous à ce sujet. Vu le nombre de fois que le gouvernement a dû recourir à des projets de loi d'urgence pour réagir à la crise de santé publique depuis le 17 mars, il courait déjà un risque énorme en dissolvant la Chambre des communes pendant toutes ces semaines comme il l'a fait. Pour convoquer le Parlement plus tôt, il aurait fallu un discours du Trône et passer par toutes les étapes obligatoires de la procédure, ce qui aurait retardé les éventuels projets de loi d'urgence.
    Au moment de la prorogation, on ignorait si le gouvernement aurait besoin de projets de loi d'urgence supplémentaires pendant la période visée. Le gouvernement risquait alors de proroger le Parlement et ensuite de le convoquer quelques semaines plus tard.

[Français]

     Vous avez aussi parlé du ralentissement de l'étude du projet de loi C-7, sur l'aide médicale à mourir. J'aimerais que vous nous parliez quelques secondes des conséquences négatives de ce ralentissement sur l'étude de ce projet de loi.

[Traduction]

    Les députés savent bien que les dispositions légales sur l'aide médicale à mourir sont toujours controversées et que leur mise en œuvre continue de poser des problèmes à l'échelle du pays. Je ne sais pas si le projet de loi C-7, dans son état actuel, permettra de résoudre tous les problèmes qui ont été relevés par les tribunaux du Québec dans la décision Truchon, ainsi que tous les autres problèmes éventuels qui découleront de la modification des dispositions sur l'aide médicale à mourir.
    Nous ne le savons pas avec certitude, mais les dispositions auraient-elles pu être améliorées au moyen d'un débat plus approfondi à la Chambre des communes? Voilà la question qu'il faut poser.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Therrien.
    Monsieur Blaikie, vous avez deux minutes et demie.
    Merci, madame la présidente.
    Monsieur Brodie, dans votre déclaration, vous avez indiqué qu'il s'agit de la première étude de ce genre ici au Parlement, du fait que le gouvernement est tenu d'indiquer ses motifs de prorogation. C'est une exigence qui a été imposée par les libéraux lors de la dernière législature parce qu'ils étaient, en apparence du moins, soucieux d'empêcher l'abus de la prorogation à des fins politiques, et pourtant, nous en parlons maintenant.
    Je crois que bon nombre d'entre nous savent bien que la prérogative utilisée pour la prorogation a été utilisée à mauvais escient par le gouvernement pour s'extirper d'une crise politique, ce qui n'est pas un recours légitime. Nous sommes ici pour discuter des raisons après les faits, mais je me demande ce que nous allons en tirer. Il semble que nous n'avons pas encore parlé du rôle légitime de l'assemblée législative, ou du moyen de faire participer l'assemblée législative dans la prise de décisions concernant la prorogation. Je sais que traditionnellement, cette décision relève de la prérogative de la Couronne, mais ce n'est pas parce que les choses se sont faites d'une certaine façon dans le passé que l'on devra toujours continuer ainsi.
    Il me semble que si un gouvernement souhaite réellement recourir à des prorogations sans aucun motif politique, ou s'il souhaite calmer les tensions politiques avant une prorogation, il devra consulter l'assemblée législative dans la prise de décisions.
    Avez-vous des commentaires à faire au Comité quant à l'interaction entre le pouvoir exécutif et l'appareil législatif et le type de réformes que nous pourrions envisager qui irait au-delà du fait de demander au gouvernement de se justifier après coup? Nous pouvons tous prétendre que les motifs fournis étaient bien fondés ou qu'il y avaient d'autres raisons sous-jacentes, mais que pourrions-nous recommander ou examiner comme mesures concrètes qui empêcheraient l'abus à des fins politiques du pouvoir de prorogation?
    Monsieur Blaikie, je vous remercie de la question.
    Dans mon livre qui porte sur le sujet, j'ai tenté de décrire les nombreux aspects compliqués des rapports entre le Cabinet, les prérogatives du leadership du premier ministre, les décisions prises par le Cabinet et le Parlement dans leur ensemble, dont les décisions sur la prorogation et la convocation du Parlement ne constituent qu'une partie des liens complexes entre les deux. Si vous voulez certains aspects...
(1125)
    Je suis désolé de vous interrompre encore une fois, monsieur Brodie.
    Les interprètes nous disent que la qualité du son est encore mauvaise. Je crois que la qualité était bonne lorsque le microphone était proche de votre bouche.
    Pardon. Allez-y.
    Non, c'est moi qui m'excuse. Le rappel est fondé.
    Les interprètes ont subi de nombreuses blessures et je ne pense pas que les gens se rendent compte de la difficulté du travail des interprètes qui nous écoutent sur un autre canal. C'est la raison pour laquelle nous sommes tellement à cheval là-dessus.
    J'ai arrêté le chronomètre, ne vous en faites pas. Je ne vous enlève pas de temps. Il vous reste encore environ 15 secondes pour répondre.
    Merci.
    Permettez-moi de dire que c'est un aspect parmi d'autres dont devront discuter les partis lors des négociations sur l'examen ou la revue du Règlement. Moi-même, j'accorderai la priorité à d'autres aspects dans le cadre de telles négociations, mais bien évidemment, c'est une décision politique qui revient aux partis lors du remaniement du Règlement.
    Je crois que mon temps de parole est échu, madame la présidente.
    Oui, c'est bien le cas, et je crois que M. Brodie doit nous quitter.
    Merci beaucoup. Je regrette que vous n'ayez pas pu passer plus de temps avec nous, mais nous vous remercions d'avoir témoigné.
    Merci.
    Je dois présenter mes excuses aux autres membres du Comité. Je sais que vous n'avez pas eu de préavis, et que vous avez dû réévaluer vos questions prévues pour aujourd'hui en conséquence. Il y a eu un conflit de dernière minute en raison d'une situation urgente. C'était la seule façon que j'ai pu trouver pour arranger les choses.
    Cependant, nous allons maintenant continuer avec nos deux autres témoins formidables.
    Dites-le-moi immédiatement si vous voulez changer l'ordre des intervenants. Nous allons maintenant commencer par des questions de six minutes, et ensuite passer à une série de questions de cinq minutes, comme ce serait le cas lors d'une réunion régulière, si tout le monde est d'accord.
    Je cède maintenant la parole à Mme Turnbull.
    Bonjour. Merci beaucoup de m'avoir invitée à comparaître. Je suis ravie d'être des vôtres.
    Je vais faire une courte déclaration, si vous me le permettez, afin de me tailler une place dans vos délibérations.
    Comme vous le savez, le Parlement du Canada a été prorogé du 18 août au 23 septembre 2020, et conformément au paragraphe 32(7) du Règlement de la Chambre des communes, le gouvernement doit présenter au Parlement un rapport exposant les raisons de la prorogation.
    Ce rapport a été présenté en octobre 2020. Le gouvernement libéral a imposé l'obligation de faire rapport en 2017. En mars de la même année, le leader du gouvernement à la Chambre a fait circuler un document intitulé La modernisation du Règlement de la Chambre des communes, qui visait à susciter des discussions sur la réforme parlementaire.
    Le document indiquait que les institutions parlementaires étaient désuètes et qu'elles devaient être modifiées pour répondre aux demandes du public qui exigeait davantage de reddition de comptes, de transparence et de pertinence. Parmi les propositions de réforme, il y avait l'exigence selon laquelle, en cas de prorogation, le gouvernement doit publier un rapport énonçant les raisons pour lesquelles il a choisi de proroger le Parlement. Le document précisait également que certains gouvernements avaient utilisé cette prérogative comme outil politique pour dissoudre le Parlement plus tôt, afin d'éviter l'examen et la reddition de comptes. La raison d'être de cette exigence est de rendre les gouvernements responsables de la décision de proroger le Parlement et, peut-être, de décourager les prorogations motivées principalement par l'opportunisme politique.
    Pour vous donner un peu de contexte sur l'outil de prorogation, sachez que la prorogation fait partie de la prérogative royale et est exercée au Canada par le gouverneur général, sur l'avis du premier ministre. La prorogation signifie l'arrêt des travaux du Parlement, habituellement pour une période déterminée. Les travaux inachevés meurent au Feuilleton. Lorsque le Parlement reprend ses activités, un nouveau discours du Trône est prononcé.
     La prérogative qui consiste à proroger le Parlement ne découle pas des plus nobles intentions. Dans son essai British and Canadian Experience with the Royal Prerogative, Bruce Hicks explique comment le concept de prorogation a vu le jour en Angleterre en 1530. À l'époque, les parlements ne se réunissaient pas en sessions comme ils le font maintenant, mais étaient plutôt convoqués par le roi lorsque ce dernier avait besoin de crédits, puis ils étaient dissous. Chaque fois qu'un nouveau parlement était convoqué, il était composé de nouveaux membres.
    Le roi Henri VIII a inventé le concept de prorogation comme solution de rechange à la dissolution lorsqu'il trouvait un parlement dont les membres l'appuyaient. Plutôt que de devoir dissoudre le parlement et de congédier ses membres, le roi pouvait, grâce à la prorogation, autoriser le retour des mêmes personnes.
    Au cours des dernières années, certaines prorogations au Canada ont été controversées parce qu'elles semblaient motivées par des considérations politiques plutôt que par la nécessité procédurale ou l'achèvement du mandat.
    En décembre 2008, le premier ministre de l'époque, Stephen Harper, a demandé la prorogation du Parlement moins de deux mois après les élections générales qui avaient donné lieu à un gouvernement conservateur minoritaire. Le gouvernement faisait face à un vote de confiance et les partis de l'opposition avaient indiqué publiquement qu'ils avaient l'intention de défaire le gouvernement et de former un gouvernement de coalition à la place. La décision du premier ministre Harper de demander la prorogation a été interprétée par plusieurs comme étant motivée exclusivement par le désir d'éviter un vote de confiance que son gouvernement était sur le point de perdre.
    Il y a eu un débat constitutionnel quant à savoir si le gouvernement général détient le pouvoir discrétionnaire de refuser une demande de prorogation d'un premier ministre dont le mandat à la Chambre des communes est remis en question. En fin de compte, la Chambre a été prorogée et, à son retour, le gouvernement a conservé sa confiance et a gouverné pendant plus de deux ans.
    Ce n'est pas la seule prorogation controversée des dernières années. En 2012, l'Assemblée législative de l'Ontario a été prorogée après la démission du premier ministre Dalton McGuinty. On a reproché au gouvernement d'avoir muselé l'Assemblée législative pour éviter des audiences sur une motion d'outrage au Parlement, au lieu de permettre la nomination d'un premier ministre intérimaire et la reprise des travaux législatifs.
    Plus récemment, en 2020, l'Assemblée législative de la Nouvelle-Écosse a été prorogée alors que le premier ministre Stephen McNeil se préparait à quitter la politique. L'Assemblée législative de la Nouvelle-Écosse n'a siégé que 13 jours en 2020 et a été la seule au Canada à ne pas se réunir pendant la période de la COVID-19.
    Le rapport sur la prorogation de 2020 justifie la décision du recours à la prorogation par les circonstances imprévues et sans précédent auxquelles le gouvernement était confronté à l'époque. On y mentionne que la pandémie mondiale est à la fois une crise de santé publique et une crise économique. Le discours du Trône prononcé en décembre 2019 ne prévoyait pas cette situation et, par conséquent, n'était plus utile ou pertinent comme plan d'avenir. Le rapport souligne la nécessité pour le gouvernement de redémarrer et d'élaborer un plan audacieux et complet en réponse aux effets dévastateurs de la COVID-19.
    La prorogation à la fin de l'été a donné l'occasion de travailler à un tel plan, et le discours du Trône, à la reprise des travaux parlementaires en septembre, a forcé un vote de confiance sur l'approche proposée par le gouvernement. Selon le rapport, le gouvernement se sent tenu par le devoir et par l'honneur de s'assurer de conserver la confiance de la Chambre avant de prendre de nouvelles mesures de relance économique et d'autres initiatives.
(1130)
    Le rapport ne fait pas mention d'un autre contexte politique pertinent à l'époque, à savoir que le gouvernement minoritaire faisait l'objet d'intenses critiques de la part de l'opposition en raison de la décision de confier à l'organisme UNIS la responsabilité d'administrer un programme de bourses d'études de 900 millions de dollars. Cet organisme a des liens avec la famille du premier ministre ainsi qu'avec celle du ministre des Finances de l'époque, Bill Morneau.
    Au cours de l'été, des comités parlementaires ont entendu les témoignages du premier ministre, du greffier du Conseil privé, de Marc et Craig Kielburger de l'organisme UNIS, de l'ancien président du conseil d'administration d'UNIS, ainsi que de plusieurs ministres et cadres supérieurs de la fonction publique. Le ministre des Finances a démissionné avant l'annonce de la prorogation. Comme d'autres prorogations mentionnées précédemment, celle-ci a été critiquée pour son apparente motivation politique.
    Je vais maintenant conclure.
    Le pouvoir de proroger le Parlement relève de la prérogative royale et est donc exercé par le gouverneur général, qui agit sur la recommandation du premier ministre. Dans l'histoire du Canada, il n'est jamais arrivé qu'un gouverneur général refuse une demande de prorogation du premier ministre. Le procédé est donc souvent perçu dans la pratique comme un pouvoir du premier ministre.
    L'accès du premier ministre à la prérogative de la Couronne de convoquer, de proroger et de dissoudre le Parlement lui confère un énorme avantage politique et les efforts déployés pour limiter ces pouvoirs ont été en grande partie inefficaces, et sont d'ordre politique plutôt que constitutionnel. Même si les élections à date fixe ont été ignorées à des fins politiques, les électeurs ne punissent pas toujours les appels électoraux stratégiques ou hors cycle.
    On peut dire que le paragraphe 32(7) du Règlement vise à décourager le recours à la prorogation à des fins politiques. Cependant, je dirais que non seulement l'obligation de faire rapport n'a pas pour effet de décourager la prorogation politisée, mais qu'en fait, elle encourage la rhétorique politique qui vise à justifier rétroactivement la décision de proroger le Parlement.
    Merci, madame Turnbull.
    Je ne voulais pas vous interrompre, mais vous avez largement dépassé le temps prévu.
    Je m'excuse.
    Ce n'est pas grave. Vous êtes satisfaite de votre conclusion?
    Oui, mais vous auriez pu m'arrêter avant.
    D'accord.
    Monsieur Cyr, vous disposez de cinq minutes pour faire votre exposé.

[Français]

     Je vais adopter une approche très différente de celles des deux autres témoins. Je vais partir d'une perspective du droit constitutionnel, de la mécanique institutionnelle et des problèmes qui sont soulevés.
    Dans un premier temps, je vais simplement rappeler des éléments du droit constitutionnel qui touchent l'exercice de la prérogative de la prorogation. Dans un deuxième temps, je vais proposer une solution ou un mécanisme pour éviter les difficultés qui se présentent aujourd'hui et qui pourraient se présenter à l'avenir aussi.
    On l'a mentionné, la prérogative de proroger le Parlement relève du pouvoir exécutif. C'est le premier ministre qui donne l'avis de prorogation au gouverneur général. Dans la mesure où le premier ministre a la confiance du Parlement, cet avis lie le gouverneur général.
     On a dit que, jusqu'à récemment, la demande de prorogation ne causait pas de problème. Elle était faite de façon pratiquement automatique. On a eu l'exemple...
(1135)

[Traduction]

    Permettez-moi de vous interrompre un instant, monsieur Cyr. Nous avons un problème d'interprétation. Il n'y a pas de son.
    Madame la présidente, si vous suspendez la séance brièvement, nous allons essayer de déterminer quel est le problème.
    Un membre de l'équipe des TI communiquera avec vous à cette fin, monsieur Cyr.
    Nous suspendons la séance un instant.
(1135)

(1145)
    Je vous remercie tous de votre patience. Je remercie en particulier les témoins.
    Monsieur Cyr, vous disposez de trois minutes et demie. Malheureusement, je ne sais pas quelle phrase nous avons entendue en dernier. J'espère que vous avez pu vous y retrouver. Peut-être que l'un des membres du Comité peut vous aider.

[Français]

     Je vais y aller assez rondement.
    Essentiellement, je disais que le premier ministre donne avis au gouverneur général de proroger le Parlement, et le gouverneur général est lié par cet avis lorsque le premier ministre jouit de la confiance de la Chambre. En 2008, le premier ministre, qui faisait face à un vote de confiance, avait demandé la prorogation. Il y a eu un doute quant à savoir si la gouverneure générale de l'époque était liée par cet avis. Ultimement, elle a accordé la prorogation, mais pas immédiatement, seulement après une réflexion de plusieurs heures. Certains croient qu'elle a exercé son pouvoir de réserve à ce moment-là, considérant que c'était la chose qu'elle devait faire dans les circonstances. Jusqu'à récemment, on disait que c'était automatique.
    Je tiens à informer les membres du Comité d'une affaire très importante issue du Royaume-Uni. Récemment, la Cour suprême du Royaume-Uni a dû prendre une décision sur la légalité d'une prorogation demandée par le premier ministre. La Cour reconnaît qu'il s'agit d'une prérogative de la Couronne. Par contre, elle reconnaît qu'elle a la capacité — c'est une question justiciable — de réviser l'exercice de cette prérogative, comme elle a la capacité d'exercer un contrôle d'autres prérogatives, notamment en relations internationales.
    Le test, pour les tribunaux, est que la prorogation soit juridiquement valide. Elle ne doit pas avoir pour effet de frustrer ou de prévenir, sans justification raisonnable, la capacité du Parlement d'exercer ses fonctions constitutionnelles comme législature et de tenir responsable le gouvernement, l'exécutif.
(1150)
    Concernant la révision judiciaire au Royaume-Uni, le gouvernement devait démontrait qu'il existait une justification raisonnable pour exercer la prorogation. Le professeur Paul Craig nous dit que la prorogation est un mécanisme pour mettre fin à une session, effectivement, mais il ajoute ceci:

[Traduction]

Avoir recours à la prorogation pour museler un Parlement récalcitrant est illégitime.

[Français]

     Par conséquent, les tribunaux considéreraient qu'elle est illégale. Dans le cas du Brexit, la Cour suprême a invalidé la prorogation et le Parlement a dû siéger.
    Maintenant, nous ne savons pas comment une telle décision sera intégrée au Canada. Nous avons des précédents. L'arrêt Khadr reconnaît que les prérogatives de la Couronne, même en matière de relations internationales, peuvent être révisées par les tribunaux. Il y a donc un risque. Si l'offre de raisons par la suite, au retour d'une prorogation, permet d'expliquer une certaine transparence, elle ne résout pas tous les problèmes.
    Dans un deuxième temps, je veux vous proposer une solution pour diminuer le risque d'imbroglio que l'on connaît. Elle repose sur le fait que le gouverneur général n'est lié par l'avis du premier ministre que si celui-ci possède la confiance de la Chambre. Or c'est la Chambre qui détermine si le premier ministre a sa confiance, et non l'inverse. C'est la Chambre qui est maîtresse des décisions qu'elle prendra quant à savoir si le gouvernement a toujours sa confiance.
    Déjà, dans le Règlement de la Chambre des communes, on fait état du vote de confiance. L'article 6 précise que le vote sur la présidence de la Chambre n'est pas un vote de confiance. Implicitement, on reconnaît que le Règlement peut déterminer à quelles conditions il y a un vote de confiance. L'Assemblée nationale du Québec le fait dans ses règlements internes. Il y a donc une série de conditions à respecter pour considérer que le gouvernement a toujours la confiance de l'Assemblée.
    Pour diminuer les imbroglios, je propose comme solution qu'on modifie le Règlement pour prévoir l'éventualité suivante: si le premier ministre donne avis au gouverneur général de proroger le Parlement sans avoir au préalable fait adopter une résolution en ce sens à la Chambre des communes, il est réputé avoir perdu la confiance de la Chambre des communes. Cela ferait en sorte que le gouverneur général ne serait pas lié par cet avis.
    Je vous donnerai plus de détails à ce sujet lorsque vous me poserez des questions.

[Traduction]

     Merci, monsieur Cyr.
    Nous allons commencer notre première série de questions avec M. Lukiwski.
    Vous disposez de six minutes.
(1155)
    Merci, madame la présidente. Je crois que nous avions déterminé que notre premier intervenant serait M. Doherty.
    Allez-y, monsieur Lukiwski.
    Vous pouvez procéder comme vous le voulez. J'ai arrêté le chronomètre. Vous pouvez déterminer qui prendra la parole. Vous pouvez aussi diviser le temps d'intervention en deux.
    Nous verrons comment cela se passe. Avec M. Brodie, j'ai parlé pendant environ deux minutes et demie. Si je dispose de six minutes supplémentaires, bien que je vous en sois reconnaissant, je ne veux pas enlever du temps à mes collègues.
    Bienvenue, monsieur Cyr, bienvenue, madame Turnbull.
    Monsieur Cyr, je suis heureux de vous revoir dans le cadre d'une réunion de comité. La dernière fois que j'ai eu l'occasion de m'entretenir avec vous, c'était il y a 10 ans, lorsque vous avez comparu devant ce même comité. Je ne sais pas si cela en dit plus sur votre longévité ou sur la mienne, mais c'est bien de vous revoir dans ce cadre.
    Je vais poursuivre avec le fil de ma pensée, que j'ai exprimée avec M. Brodie, et c'est simplement qu'à mon avis, si le premier ministre a décidé de proroger le Parlement en août dernier, c'était strictement pour des raisons politiques. Les libéraux diront, comme l'a fait M. Turnbull, que la prorogation était nécessaire parce que l'ordre mondial avait changé à cause de la pandémie. Il nous fallait repartir à zéro, d'où la nécessité de présenter un discours du Trône. Je soutiens une fois de plus que ce raisonnement ne tient pas, pour la simple et bonne raison que le discours du Trône, lorsqu'il a été présenté, était principalement de nature financière. Autrement dit, il y était question de mesures financières que le gouvernement souhaitait prendre, de changements sur le plan financier et ce genre de choses. Nous n'avions pas besoin d'un discours du Trône à cet égard. Cela n'a pas changé fondamentalement le programme du gouvernement. Ce dont nous avions besoin, c'était qu'un budget soit présenté.
    Le Parlement aurait pu poursuivre ses travaux sous sa forme actuelle, ou du moins sous sa forme à ce moment-là, mais le premier ministre a pris la décision de le proroger pour éviter un problème politique très important auquel il était confronté. En raison du scandale de l'organisme UNIS, le gouvernement se faisait poser quotidiennement des questions très embarrassantes. Tous les jours, il en était question dans les médias. Le scandale politique enflammait les médias sociaux. Le premier ministre a fait ce qu'il pensait devoir faire pour éviter une crise politique, c'est-à-dire proroger le Parlement, pour mettre fin au débat sur l'organisme UNIS.
    Je dois également souligner que la date à laquelle le premier ministre a prorogé le Parlement, soit le 18 août, correspond exactement à un jour avant la date à laquelle Speakers' Spotlight était tenu de déposer un rapport sur la rémunération versée à la famille du premier ministre. C'est ce qui, à mon avis, a poussé le premier ministre et son personnel à proroger le Parlement.
    Monsieur Cyr, madame Turnbull, avec tout le respect que je vous dois, je ne crois pas que votre présence ici... Je ne crois pas que c'est vous qui devriez témoigner devant ce comité. Les personnes qui devraient être ici sont le premier ministre et des gens comme Katie Telford, le leader du gouvernement à la Chambre des communes et d'autres représentants du monde politique, peut-être, du Cabinet du premier ministre, qui auraient conseillé au premier ministre de proroger le Parlement. Il nous faut pouvoir leur poser des questions sur le raisonnement qui a mené à la prorogation. Nous savons que les raisons sont claires. Comme je l'ai déjà dit à maintes reprises, il s'agissait d'éviter un scandale politique, une situation politique embarrassante, mais nous avons besoin qu'ils répondent aux questions. Les Canadiens, comme tous les membres de ce comité, savent ce qui a motivé la prorogation. Le Parlement a été prorogé pour des raisons politiques, pour faire des gains politiques.
    Madame Turnbull, vous avez dit que vous aviez le sentiment, du moins c'est votre avis, qu'il y avait une justification à la prorogation.
    Monsieur Cyr, vous avez présenté, comme vous l'avez fait au cours des années passées, différentes options que le gouvernement pourrait envisager pour modifier les textes, peut-être, afin qu'il y ait d'autres possibilités que le processus de prorogation actuel.
     Je voudrais vous poser à tous les deux une question bien simple. Croyez-vous que dans ce cas, lorsque le premier ministre a prorogé le Parlement le 18 août dernier, c'était par nécessité, ou qu'il aurait été possible d'éviter la prorogation et de laisser les comités poursuivre leurs travaux? Si l'on jugeait qu'il était nécessaire de proroger le Parlement, on aurait pu le faire littéralement un jour avant le rappel du Parlement. D'autres témoins, des universitaires, qui ont comparu devant ce comité précédemment, ont dit qu'ils ne pensaient pas qu'il était nécessaire de proroger le Parlement, mais que c'était politiquement rentable de le faire. J'aimerais connaître votre avis sur la nécessité de proroger le Parlement, car le gouvernement dit que c'est pour cette raison qu'il l'a fait.
    Peut-être pourriez-vous commencer, monsieur Cyr.
(1200)

[Français]

     Je commencerai ma réponse en vous disant qu'elle sera limitée par mon domaine d'expertise, qui est celui du droit constitutionnel. Je ne peux donc pas répondre directement à cette question, sauf pour vous dire la chose suivante.
    Je vais citer un passage de la décision de la Cour suprême du Royaume-Uni, parce que c'est important pour comprendre les deux types d'explications que le gouvernement peut donner.

[Traduction]

    « L'autre question est de savoir s'il était raisonnablement justifié de prendre une mesure qui avait d'aussi grandes répercussions ». Ici, il était question du fait que le Parlement avait été prorogé juste avant le Brexit afin qu'il ne puisse y avoir de négociations, de discussions et de délibérations. Je vais lire ce que dit la Cour par la suite: « Bien sûr, le gouvernement doit bénéficier d'une grande latitude pour prendre des décisions de cette nature. Nous ne sommes pas préoccupés par ce qui a motivé le premier ministre à faire ce qu'il a fait. Nous nous préoccupons de savoir s'il y avait une raison pour qu'il le fasse ».

[Français]

    La Cour fait donc une distinction relativement au motif subjectif. Notre collègue M. Brodie parlait d'une décision purement politique. Cela regarde la politique partisane.
     Toutefois, sur le plan du droit constitutionnel, y avait-il une raison de le faire? C'est ce que le gouvernement a fait dans son rapport. C'est à vous de juger si c'est une raison suffisante.

[Traduction]

    Merci, monsieur Cyr. Les six minutes sont écoulées.
    C'est maintenant au tour de M. Turnbull. Vous disposez de six minutes.
    Je veux tout d'abord remercier les deux témoins de leur présence. Je suis ravi d'entendre vos témoignages et je vous remercie de la contribution que vous apportez à l'étude en tant que spécialistes.
    Madame Turnbull, peut-être qu'une partie de mes questions s'adresseront à vous. Je prie les membres du Comité de ne pas penser qu'il y a un lien entre nous. Malgré le fait que nous avons le même nom de famille écossais, nous ne nous sommes jamais rencontrés.
    Madame Turnbull, dans votre déclaration préliminaire, vous avez parlé de prorogations précédentes qui ont été demandées par différents gouvernements au Canada et dans l'histoire. Vous avez donné quelques exemples, et il semble que ces prorogations ont, souvent, suscité la controverse et ont, pour la plupart, fait l'objet de critiques. Diriez-vous que c'est la norme, que chaque fois qu'un gouvernement demande la prorogation, il y a différents points de vue sur la question et on s'interroge sur les motifs, comme le disait M. Cyr?
    Je pense que c'est juste, pour être honnête. Je dirais même, pour revenir à la question précédente, qu'il est très difficile de déterminer si une prorogation est nécessaire d'un point de vue constitutionnel ou juridique. Par conséquent, lorsqu'il y a une prorogation, les gens se demandent pourquoi on musèle le Parlement et quelles sont les raisons cette fois-ci.
    S'il y a ce que les gens considèrent comme une raison évidente, il est très difficile d'analyser cela. Ce n'est pas parce qu'il y a une explication politique qu'il ne peut y avoir, parallèlement, une autre explication qui a plutôt à voir avec la planification de politiques. Elles ne s'excluent pas mutuellement.
    Je vous remercie...
    Je pense qu'à ce stade, ce ne serait pas totalement impossible, mais le seul cas où une prorogation ne susciterait pas la controverse, à mon avis, c'est si le gouvernement disait littéralement « nous allons proroger le Parlement vendredi » et qu'il ouvrait une nouvelle session parlementaire une semaine plus tard avec un discours du Trône.
    Ensuite, dans presque toutes les prorogations, il y a différents points de vue. Un certain nombre de critiques sont émises et il est probablement difficile de prouver qu'il était entièrement nécessaire de demander une prorogation. Il y a toujours différents points de vue, mais je crois comprendre que le gouvernement actuel est, en fait, le seul à avoir déposé une justification ou un rapport pour expliquer les raisons pour lesquelles il a prorogé le Parlement. N'est-ce pas exact?
    À ma connaissance, c'est exact.
    D'accord. Très bien.
    Avez-vous lu le rapport?
    Oui.
    Examinons le fond du rapport. Comme le disait M. Cyr, même les tribunaux font une distinction entre avoir un motif subjectif et avoir des raisons. En fait, tant qu'il y a des raisons — et je pense que dans votre déclaration préliminaire, madame Turnbull, vous avez dit, qu'il y en a. Bien entendu, certaines personnes peuvent s'interroger. M. Lukiwski pense qu'autre chose motivait la décision, mais il s'agit d'une hypothèse, au mieux, de sa part.
    Nous sommes saisis d'un rapport. À votre avis, y justifie-t-on la décision de proroger le Parlement?
(1205)
     On y justifie la décision de proroger le Parlement. Le texte du rapport cadre tout à fait avec l'énoncé économique de novembre et le portrait budgétaire que nous avons vu en juillet. Bien entendu, il contient des explications. Comme je l'ai dit, également, il y a d'autres explications qui n'y figurent pas.
    Vous attendriez-vous à ce que des explications qui n'y figurent pas... Si les raisons pour lesquelles le gouvernement a décidé de recourir à la prorogation figurent dans le rapport, on ne fait qu'émettre des hypothèses si l'on dit que d'autres raisons... Le gouvernement a déposé le rapport. Donc, l'étude de ce comité porte sur ce rapport et la légitimité du rapport. Je l'ai lu et j'ai examiné le discours du Trône. Je crois vraiment que cela reflète un changement, un virage dans le contexte.
    Beaucoup d'efforts ont été déployés et je pourrais ajouter que beaucoup de consultations internes ont été menées. J'ai eu trois réunions avec des intervenants de ma circonscription et j'ai participé à près de 15 séances précédant le récent discours du Trône. À mon avis, il est assez rare qu'un gouvernement procède à de vastes consultations avant de formuler un discours du Trône.
    Lorsqu'on examine les raisons qui figurent dans le rapport et la façon dont il a été rédigé, il est question de protéger les Canadiens de la COVID-19; d'aider les Canadiens et les entreprises durant la pandémie; de rebâtir mieux; et d'être fidèle à qui nous sommes en tant que Canadiens. Ces thèmes me semblent très pertinents, et il y a de nombreux détails dont nous pourrions parler. Même sa structure semble fournir une raison valable et un bon argument pour justifier la prorogation.
    Êtes-vous de cet avis?
    Je pense qu'il fournit certainement des explications.
    Pour revenir à la question précédente, je dirais qu'on tiendra toujours compte de tout autre motif politique pertinent.
    Je dirais honnêtement qu'à mon avis, même si, conformément au Règlement, le gouvernement a l'obligation de faire rapport, le premier ministre, étant la personne qui détient le pouvoir de conseiller la prorogation, d'un point de vue constitutionnel, n'a pas besoin d'avoir de bonnes raisons. C'est ainsi. C'est possible de proroger le Parlement. Les gens peuvent en être mécontents, mais on peut tout de même le faire.
    C'est au tour de M. Therrien, qui dispose de six minutes.

[Français]

    Je vous remercie, madame la présidente.
    Je salue les deux témoins qui ont bien voulu se joindre à nous. Nous leur en sommes reconnaissants.
    Je vais revenir sur les propos de M. Lukiwski. Quand la prorogation a été annoncée, le Parlement ne siégeait pas. Seuls quatre comités siégeaient et tous ne parlaient que du mouvement UNIS. Des spécialistes qui sont venus nous rencontrer nous ont dit que, à leur avis, la seule motivation pour proroger le Parlement était d'interrompre les comités, qui discutaient de la situation entourant le mouvement UNIS. Le ministre des Finances venait de démissionner, ce qui n'était pas anodin.
     Des spécialistes nous ont dit que c'était la raison principale ayant motivé cette prorogation. Êtes-vous d'accord, ou non?
    M. Cyr va nous dire qu'il n'est pas ici pour répondre à des questions partisanes ou politiques, mais il reste qu'il y a eu une prorogation et que nous cherchons à savoir ce qui l'a motivée. Des spécialistes nous ont dit, l'un après l'autre, ou presque, que ce serait la motivation principale, étant donné que seuls les comités, qui siégeaient pour discuter de la question du mouvement UNIS, avaient été interrompus. Il n'y a pas d'autres raisons.
    Je voudrais entendre vos commentaires à ce propos.
(1210)
    Vous avez deviné en partie où je voulais en venir, mais je pense que le Comité actuel démontre l'inefficacité des règles. En effet, on tente de savoir après le match quelle a été la raison du match.
    Vous, les élus qui tiennent le gouvernement responsable, vous tentez de savoir si les raisons pour proroger le Parlement étaient suffisantes, mais je crois qu'il fallait poser des questions avant la prorogation. C'est ma proposition. Il aurait fallu poser ces questions avant la prorogation plutôt qu'après. Autrement, cela donne lieu à un jeu d'interprétation.
    Quelle est votre réponse, madame Turnbull?

[Traduction]

    L'idée de fournir les justifications à l'avance plutôt qu'après coup est intéressante. Je pense que lorsqu'un premier ministre fait une annonce concernant une prorogation, en fait, il — dans ce cas-ci, il s'agit d'un homme et c'est pourquoi j'emploie « il » — donne une justification et des raisons quelconques. Elles ne figurent pas dans un rapport au Parlement, mais il fournit généralement une justification quelconque. Je pense en fait que les propos que le premier ministre Trudeau a tenus à l'époque correspondent à ce que nous voyons dans le rapport.
    Cela renvoie à une autre question, celle de savoir où la reddition de comptes entre en jeu ici. Encore une fois, un premier ministre n'a pas à donner de raisons pour proroger le Parlement. Il le fait maintenant parce que des changements ont été apportés au Règlement, mais d'un point de vue constitutionnel, il n'a pas à le faire. Il y a également une obligation de rendre des comptes au public. Il s'agit en grande partie de la réaction du public et de savoir si le public accepte la version qui figure dans le rapport ou s'il pense qu'il se passe autre chose. Je pense que c'est un aspect important de la conversation que nous avons.

[Français]

    Ce n'était pas cela, ma question.
    Je demandais si la raison majeure de la prorogation du gouvernement était d'étouffer l'affaire entourant l'organisme UNIS et d'éviter de perdre la confiance des Canadiens.

[Traduction]

    Je suis désolé, monsieur Therrien. Il n'y a pas d'interprétation.
    Je pense qu'empêcher qu'une enquête sur la situation liée à l'organisme UNIS n'ait lieu en comité constituait une raison importante de la prorogation, en effet.
    J'ai entendu l'interprétation.
    Allez-y, monsieur Therrien. Il vous reste encore presque deux minutes. J'ai arrêté le chronomètre lorsqu'il y a eu des interruptions.

[Français]

    Je vous remercie de votre réponse.
    Monsieur Cyr, ce que vous nous avez dit était intéressant. C'est une suggestion que nous pourrions mettre en place.
     Si, le 18 août dernier, nous avions fait adopter ce que vous nous proposez, comment cela aurait-il fonctionné? Le Parlement ne siègerait pas, mais il y aurait des comités.
     D'après vous, comment aurions-nous dû procéder en fonction de ce que vous proposez?
    Le premier ministre aurait dû mettre aux voix une motion acceptant la prorogation. Ensuite, il y aurait eu un débat et on en aurait discuté. Si cela avait été adopté, cela aurait confirmé qu'il jouissait de la confiance de la Chambre et on n'aurait pas posé de question. Tous les débats partisans auraient pu avoir lieu.
     Par contre, si cela n'avait pas été adopté, cela aurait signifié qu'il ne pouvait pas aller voir la gouverneure générale et que, s'il l'avait fait, il aurait été présumé qu'il n'avait pas la confiance de la Chambre.
    En fait, il aurait alors dû rappeler la Chambre pour que nous puissions justement voter sur la motion.
    J'ai écouté M. Turnbull, mon vis-à-vis du Parti libéral. Il nous a dit que, lorsque le gouvernement est revenu, il y avait un grand changement dans sa proposition, ce qui justifiait une prorogation. Il y avait une rupture dans ce que nous avions vu avant et après celle-ci. Toutefois, absolument tous les analystes politiques que j'ai entendus ont dit qu'il n'y avait aucune différence et que c'était bonnet blanc et blanc bonnet. Je ne pense donc pas que ce qu'il dit colle à la réalité.
     Par contre, admettons que cela ait été le cas. Si je m'appelais M. Trudeau et que j'avais voulu effectuer une rupture sans nuire au Parlement parce que nous sommes en temps de pandémie, mon réflexe aurait été de proroger le Parlement le vendredi précédant le retour à la Chambre. Ainsi, nous aurions perdu le moins d'activités possible du Parlement, afin de ne pas nuire à la lutte contre la pandémie.
    Cette position serait-elle responsable?
    Ma question s'adresse à vous deux.
    Effectivement, habituellement, la prorogation ne dure pas longtemps.
(1215)

[Traduction]

    Veuillez répondre rapidement par oui ou non, car le temps est écoulé.

[Français]

     Une prorogation raisonnable ne dure pas longtemps afin de maintenir le rôle et les fonctions du Parlement.

[Traduction]

    Oui, je suis d'accord avec M. Cyr. Elle ne peut durer trop longtemps.
    Merci.
    Monsieur Angus, vous disposez de six minutes. Allez-y, s'il vous plaît.
    Merci, madame la présidente.
    Je suis très honoré de participer à la réunion du Comité.
    Mettons les choses en perspective. Nous étions au milieu de la plus grande crise médicale et économique du siècle. Le rôle du Parlement dans cette crise était de rassurer les Canadiens en leur disant que nous étions là pour eux, que nous faisions passer leurs intérêts en premier. Tout cela a été bousillé lorsque le premier ministre a approuvé un programme de 912 millions de dollars, ce qui a déclenché le scandale UNIS.
    La décision de proroger le Parlement n'a pas été prise dans l'intérêt des Canadiens. Cela s'est passé pendant l'été, au moment où deux comités clés commençaient à soulever des questions très sérieuses sur l'accès aux documents. Les libéraux nous disent qu'il était important de dire aux Canadiens que nous fermions le Parlement... Je pense que M. Turnbull a dit qu'il avait eu trois réunions avec des intervenants à l'époque. Quelle raison importante pour fermer le Parlement. M. Turnbull aurait été chez lui, dans sa circonscription, de toute façon.
    Ce qui se passait, c'est que le Parlement essayait d'obtenir des réponses sur ce qui était arrivé. Le groupe UNIS, les frères Kielburger, ont pu appeler directement au bureau de Bill Morneau. Dans le courriel que nous avons reçu à la veille de la prorogation, on nous a remis les 5 000 pages de documents, mais nous n'avons pas pu les utiliser pour notre rapport. Il y a eu entrave aux travaux du Parlement.
    Contrairement aux éminents témoins, je pense que le problème de la prorogation, c'est qu'elle met à mal la confiance des gens. Je me souviens de ce qui s'est passé en 2008, lorsque Stephen Harper a prorogé le Parlement. Sa relation avec les Canadiens n'a plus jamais été la même par la suite. Ayant toujours été dans l'opposition, je regarde les gouvernements se succéder. Les gouvernements sont idéalistes à leur arrivée au pouvoir et ils décident ensuite que le pouvoir leur convient. Je le vois chez les libéraux. Je vois toute l'arrogance dont les libéraux font preuve parce qu'ils s'en sont bien tirés. Quoi donc? Ils ont appris qu'ils ne pouvaient pas fermer complètement le Parlement. C'est un vieux truc politique. Si l'on peut dégager un problème en cours de route et qu'on va suffisamment loin, on a l'impression d'avoir gagné. Voilà ce que les libéraux pensent avoir fait.
    Comme cela a été le cas pour le gouvernement de Stephen Harper, le premier ministre, M. Trudeau, a mis à mal ses relations avec les Canadiens. Il s'en sortira peut-être cette fois-ci, mais...
    Je suis désolée de vous interrompre.
    Les participants pourraient-ils mettre leur micro en sourdine? Je vous remercie.
    Je tiens à mettre les choses en contexte, car ils n’ont pas seulement prorogé le Parlement et mis fin aux travaux du Comité. En effet, ils sont revenus et le premier ministre a menacé de déclencher une élection en réponse à la tentative de restructuration du comité. Il en a fait un vote de confiance.
    Monsieur Cyr, avez-vous déjà entendu parler d’un cas dans lequel le Parlement a été obligé de déclencher une élection potentielle en raison de la structuration d’un comité? Y a-t-il des précédents?

[Français]

    En fait, les affirmations d'un premier ministre voulant soumettre une question à un vote de confiance sont souvent de la poudre aux yeux, car ce n'est pas l'exécutif qui détermine si un vote est un vote de confiance. C'est à la Chambre de déterminer cela.
    Je donne parfois l'exemple suivant à mes étudiants: lorsqu'une personne trompe son conjoint, à qui demande-t-on si la personne trompée a encore confiance en l'autre? Est-ce qu'on le demande à la personne qui a trompé son conjoint ou à la personne qui a été trompée?
    La question de la confiance, c'est donc la Chambre qui la détermine. Dans le cas d'un gouvernement majoritaire, le premier ministre contrôle la majorité des députés. C'est pourquoi il a l'habitude de dire que c'est un vote de confiance. Si le premier ministre veut déclencher des élections, il peut simplement demander la dissolution du Parlement.
(1220)

[Traduction]

    Je vous remercie de votre réponse. Je crois que c’est un exemple...
    Monsieur Angus, pourriez-vous vous rapprocher de votre microphone?
    Je vous remercie.
    Je présume que le problème, dans ce cas-ci, c’est qu’une fois de plus, le premier ministre n’a pas fait passer les Canadiens en premier, mais a plutôt menacé de déclencher une élection alors que le nombre de cas de COVID-19 était à la hausse. Cela montre à quel point il ne se souciait pas du peuple canadien. Il s’agissait de mettre fin au scandale lié à l’organisme UNIS. Ensuite, qu’a-t-il fait? Il a fait obstruction au travail du comité des finances au milieu de la plus grande crise économique du siècle, et il a mis fin aux travaux du comité de l’éthique par le comportement ridicule et honteux des libéraux pendant 40 réunions consécutives. Je suis au Parlement depuis 17 ans, et je n’ai jamais vu un gouvernement faire obstruction au travail des comités.
    Monsieur Cyr, puisque le comité de l’éthique est présidé par un député de l’opposition et qu’il s’occupe de la reddition de comptes, le fait qu’un gouvernement lui fasse obstruction, mette fin à ses audiences et l’empêche de faire son travail n’est-il pas révélateur d’un niveau de mépris toxique pour la démocratie qui pousse les Canadiens à se méfier de la raison pour laquelle ces décisions ont été prises?

[Français]

     Je crois qu'il existe des mécanismes au sein du Parlement pour déterminer si une obstruction constitue une forme d'outrage au Parlement. Je m'en tiendrai à cela. La Chambre est maître de ses propres décisions en cette matière. Évidemment, le rôle du Parlement est de tenir le gouvernement responsable de ses actions.

[Traduction]

    Nous entamons les séries de questions de cinq minutes. La parole est à M. Doherty.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    J’aimerais remercier nos témoins d’être ici aujourd’hui.
    J’aimerais me faire l’écho des commentaires de M. Angus et de M. Lukiwski. Même si nous vous sommes reconnaissants de nous fournir votre expertise dans ce cas-ci, il n’en reste pas moins que les personnes qui devraient réellement comparaître devant le Comité sont le premier ministre et les hauts fonctionnaires qui l’ont accompagné au cours de la prorogation, afin que nous puissions entendre les raisons pour lesquelles ils ont prorogé le Parlement juste comme les choses commençaient à mal tourner pour eux.
    On a déjà beaucoup parlé des événements qui ont commencé à émerger en mars dernier. Les Canadiens ont appris que leur premier ministre avait conclu un accord avec un organisme avec lequel il avait non seulement des liens professionnels, mais aussi des liens familiaux, car son épouse et sa mère étaient conférencières pour cet organisme. De plus, son frère entretenait également des liens avec l’organisme.
    Ensuite, nous avons appris que le ministre des Finances avait également des liens avec UNIS, qu’il a ensuite payé un voyage qu’il a en quelque sorte oublié et qu’il a ensuite brusquement démissionné. Les choses ont commencé à mal tourner pour le premier ministre et le gouvernement — il s’agissait seulement d’un autre scandale éthique. Mes collègues libéraux — et j’ai le plus grand respect pour eux — peuvent blâmer certaines personnes, soulever d’autres questions et évoquer toutes les autres fois où le Parlement a été prorogé. Ils affirment que M. Harper l’a fait sans problème, et qu’ils peuvent donc le faire aussi.
    J’aimerais revenir à la raison pour laquelle nous sommes ici, c’est-à-dire que nous menons une étude sur la prorogation du Parlement au beau milieu d’une grave pandémie mondiale. En effet, au beau milieu d’une période extrêmement difficile pour notre nation, au moment où les programmes destinés aux Canadiens étaient sur le point d’expirer et où les Canadiens avaient le plus besoin de nous, notre premier ministre a décidé, à la veille de la publication de tous les documents qui confirmaient l’étroitesse de ses liens familiaux avec l’organisation UNIS — et deux comités étaient en train de rédiger des rapports sur la question et tentaient de l’étudier —, de remettre le compteur à zéro, pour ainsi dire.
    Madame Turnbull, j’ai beaucoup aimé vos commentaires, parce que vous avez équilibré les choses lorsque vous avez dit que ce n’était pas une bonne remise à zéro, mais tout de même une remise à zéro. Si seulement c’était vrai. En toute honnêteté, si les intentions étaient réellement altruistes et véritables, nous pourrions probablement dire que c’était pour le mieux, mais ce n’est pas le cas. Ainsi, à notre retour, nous avons entendu un discours du Trône qui ressemblait exactement à ce que nous avions entendu auparavant. En effet, il n’y avait rien de vraiment nouveau dans ce discours. C’était la même chose que d’habitude. Ensuite, nous avons vu les libéraux faire encore plus d’obstruction dans les comités, ce qui a empêché le Parlement de faire son travail.
    J’ai une question à vous poser, madame Turnbull, et je vais descendre de ma tribune pendant un moment, parce que je suis ici et je dis tout le temps la même chose au sujet des comités, c’est-à-dire que nous faisons de notre mieux lorsque nous ne sommes pas aussi partisans que possible. Mais c’est vraiment ce que nous devons faire.
    Je comprends que nos collègues libéraux ont un travail à faire, mais si le Parlement souhaite réellement demander des comptes au gouvernement, et si notre comité est chargé d’examiner les raisons de la prorogation, n’est-il pas logique que le premier ministre et les hauts fonctionnaires qui l’accompagnaient au moment de la prorogation comparaissent devant le Comité?
(1225)
    Oui, c'est logique.
    Je vous remercie.
    Monsieur Cyr, qu'en pensez-vous?

[Français]

     C'est le genre de preuve qui a été présentée au Royaume-Uni pour la décision de la Cour suprême. Effectivement, c'est très utile.

[Traduction]

    Je vous remercie. J'ai terminé.
    Je vous remercie. Je craignais que vous ne puissiez pas terminer à temps, mais vous l'avez fait et il vous reste même quelques secondes.
    La parole est maintenant à M. Long. Il a cinq minutes.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Bonjour à mes collègues et merci à nos témoins d'aujourd'hui de leurs témoignages, car ils sont très intéressants.
    Je vous salue, madame Turnbull, de l'autre côté de la baie de Fundy, à Saint John, au Nouveau-Brunswick. J'aime beaucoup écouter vos commentaires politiques à la télévision et dans d'autres médias.

[Français]

    J'invoque le Règlement, madame la présidente.
    L'interprète me fait savoir qu'elle est incapable de faire son travail parce que le son n'est pas très bon.

[Traduction]

    La qualité du son du témoignage de M. Long est médiocre, car le volume est extrêmement bas.
    Nous nous sommes arrêtés un moment. Essayons de réparer cela pour les interprètes et nous pourrons ensuite reprendre la discussion ou nous retournerons au moins 10 à 20 secondes en arrière.
    Veuillez poursuivre votre intervention.
    Mes questions s'adressent à Mme Turnbull. Puisque je suis partisan de la réforme démocratique, j'ai été heureux lorsque notre gouvernement a modifié le Règlement pour créer le paragraphe 32(7), qui tente de remédier à l'abus du pouvoir de prorogation qui a eu lieu sous le gouvernement Harper. Je suis également très intéressé par vos arguments pour la démocratisation de l'utilisation de la prérogative royale en matière de prorogation, comme vous l'avez mentionné aujourd'hui et comme vous l'avez souligné dans Democratizing the Constitution, un excellent livre que vous avez écrit avec vos collègues.
    Selon vous, le paragraphe 32(7) du Règlement représente-t-il un pas important vers la démocratisation de la prérogative royale en matière de prorogation?
(1230)
    Nous ne pourrions jamais faire un film avec Democratizing the Constitution, car le titre est tout simplement nul.
    Je pense que le mieux que nous puissions faire lorsque nous tentons de définir certains paramètres pour une chose comme une prorogation... Je pense que cela peut se justifier sur le plan démocratique. Les gens ont de la difficulté à accepter qu'un premier ministre prenne la décision unilatérale — il se fonde sur les conseils qu'il a reçus, mais c'est sa décision — de convoquer, dissoudre et proroger un Parlement. Étant donné la mesure dans laquelle ces choses sont politisées, il est compréhensible que les gens soient contrariés. En effet, il y a un fossé entre la prérogative royale non contrôlée et les attentes que nous avons, de nos jours, à l'égard de la démocratie.
    Je pense que le paragraphe 32(7) du Règlement et l'obligation de présenter un rapport peuvent représenter un pas dans la bonne direction dans le cadre d'une réforme démocratique. Toutefois, je ne suis pas certaine qu'il ne serait pas préférable de prévoir un tel mécanisme plus tôt que plus tard dans le processus. Je ne suis pas certaine que la justification rétroactive sera aussi utile. J'écoute tous les autres commentaires aujourd'hui et je me pose la question suivante: Si cette réforme doit être couronnée de succès, ne serait-il pas plus logique que le premier ministre vienne vous le dire? Il a ses raisons.
    D'accord. Pouvez-vous nous en dire plus sur les mécanismes de reddition de comptes? Pourriez-vous les comparer à ceux utilisés par d'autres régimes fondés sur le modèle de Westminster?
    Parlez-vous précisément de ceux qui sont liés à la prorogation?
    Oui, c'est bien cela.
    Pour être honnête, je ne connais aucun système doté d'un fantastique mécanisme de reddition de comptes en cas de prorogation. Certains régimes fondés sur le modèle de Westminster utilisent ce que nous appelons un manuel du Cabinet. Il s'agit d'un document non contraignant, mais que le gouvernement peut publier, généralement en étroite collaboration avec un organisme équivalent au Conseil privé. Ce document peut expliquer le fonctionnement de la prérogative royale. Par exemple, il n'empêchera pas le premier ministre de donner son avis au gouverneur général, mais il peut définir les attentes. Par exemple, une prorogation peut durer au plus 30 jours ou le premier ministre doit obtenir un consensus à la Chambre avant de demander une prorogation. On peut donc employer ce type de libellé dans un tel document pour donner une idée de la manière dont ces mécanismes seront utilisés.
    La possibilité d'un vote de confiance sur le discours du Trône, qui a été créée par la brève prorogation de notre gouvernement, n'a-t-elle pas donné l'occasion d'amorcer une responsabilisation démocratique au sujet de la décision de proroger?
    Oui, certainement.
    Pouvez-vous préciser les limites du caractère exécutoire d'une modification apportée au Règlement en vue d'exiger un vote à la Chambre avant une prorogation?
    Oui. L'exécution est limitée dans le sens qu'elle est de nature politique plutôt que constitutionnelle.
    Aucune disposition du Règlement ne peut annuler le droit du premier ministre de donner son avis au gouverneur général. C'est la même chose que dans le cas d'une élection à date fixe. Même si c'est de nature législative, la loi indique — je paraphrase évidemment — que rien ne peut annuler la décision du gouverneur général de dissoudre le Parlement sur les conseils du premier ministre. Ces choses n'ont donc pas préséance sur la Constitution.
    D'accord.
    Comment l'approche de notre gouvernement à l'égard de la prorogation se compare-t-elle à celle du gouvernement précédent?
    Le gouvernement précédent n'était soumis à aucune exigence de justifier sa décision — à ma connaissance —, alors que le gouvernement actuel a ajouté cette exigence au Règlement.
    Le temps est écoulé.
    La parole est maintenant à M. Therrien. Il a deux minutes et demie.

[Français]

     À l'époque, le ministre péquiste Jean Garon disait qu'il était aussi facile de changer une virgule dans la Constitution canadienne que de se gratter le front avec les dents d'en haut.
    Ce que vous proposez, monsieur Cyr, d'après ce que je comprends, c'est que l'assentiment de l'ensemble des parlementaires soit requis pour proroger le Parlement. D'ailleurs, c'est appuyé par Mme Turnbull.
    Que devrait-on faire pour inscrire cela dans la Constitution? Est-ce bien compliqué?
    En ce qui concerne ma proposition, il y a peut-être une différence entre le point de vue de ma collègue Mme Turnbull et le mien.
    Le premier ministre a toujours la capacité de demander la prorogation s'il possède la confiance de la Chambre. S'il ne la possède plus, son avis au gouverneur général ne lie pas ce dernier. Il s'agirait donc, sans modifier les textes constitutionnels ou autres, de créer un mécanisme pour faire en sorte que le premier ministre, s'il procède sans obtenir préalablement l'assentiment de la Chambre, soit réputé avoir perdu la confiance de celle-ci. À ce moment-là, le gouverneur général ne serait pas lié par son avis.
    Maintenant, il s'agit de trouver le mécanisme qui permettrait de faire cela. Ma proposition est d'inclure dans le Règlement de la Chambre...
(1235)

[Traduction]

    Madame la présidente, j'invoque le Règlement, car j'entends le français et l'anglais en même temps. Il est donc très difficile d'entendre les témoins.
    Je crois qu'il a probablement choisi le réglage général plutôt que le français.
    Ce ne serait plus censé être un problème, mais oui, nous pouvons essayer cela.
    Monsieur, dans la fonction de l'interprétation, au bas de votre écran, veuillez sélectionner le français.

[Français]

    J'ai choisi le canal français. Est-ce que c'est mieux?

[Traduction]

    Pourriez-vous reprendre votre intervention? Si vous pouviez revenir en arrière de 10 secondes, cela pourrait aider les membres du Comité, mais nous comprendrons si vous ne vous souvenez plus où vous en étiez.

[Français]

    D'accord.
    En fait, le Règlement peut prévoir les conditions d'expression d'un vote de confiance ou d'un vote de censure. Si le Règlement était amendé pour prévoir qu'un premier ministre qui demande la prorogation sans au préalable avoir obtenu l'appui de la Chambre par une motion soit réputé avoir perdu la confiance de la Chambre, son avis ne pourrait pas lier le gouverneur général.
    Est-ce ce qui s'est passé dans le cas de M. Harper, en 2008?
    En 2008, il n'avait pas perdu la confiance de la Chambre, mais il y avait un vote de confiance à venir. Il y a eu toute une discussion chez les spécialistes. Traditionnellement, on disait qu'on ne pouvait pas obtenir une prorogation alors qu'un vote de confiance était pendant. Certains disaient le contraire, soit que le premier ministre avait l'entière liberté de demander la prorogation et que c'était automatique.
    Nous, nous disons que ce n'est pas automatique. La preuve, c'est que la gouverneure générale de l'époque a fait des consultations longtemps, elle a imposé des conditions et elle a exercé son pouvoir de réserve. Elle a accepté l'avis du premier ministre, pas parce qu'elle y était liée, mais parce qu'elle exerçait son pouvoir de réserve. Si elle avait refusé, cela aurait signifié qu'elle avait perdu confiance en son premier ministre, et celui-ci aurait alors dû démissionner.

[Traduction]

    Je vous remercie, monsieur Cyr.
    Monsieur Blaikie, vous êtes de retour. Vous avez deux minutes et demie.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.
    Monsieur Cyr, je suis désolé d'avoir manqué votre présentation en raison de mes devoirs à la Chambre des communes.
    Admettons que la majorité des députés veuillent donner suite à ce que vous venez de proposer. Il y aura un nouveau gouverneur général. Qu'est-ce que la Chambre des communes pourrait faire pour concrétiser une telle procédure en matière de prorogation, dans le cadre du mandat du nouveau gouverneur général? Quelle est à la voie à emprunter pour réaliser un tel changement?
    Ma proposition, c'est de modifier le Règlement de la Chambre pour prévoir que le gouvernement est réputé avoir perdu la confiance de la Chambre s'il soumet un avis au gouverneur général selon lequel il doit proroger le Parlement, sans avoir fait adopter au préalable une résolution en ce sens par la Chambre. Le Règlement pourrait prévoir que cette résolution doit préciser les dates du retour de la Chambre et du nouveau discours du Trône.
    Au-delà d'une modification du Règlement, il peut s'agir d'une nouvelle pratique. Pour établir cette pratique, il n'est pas nécessaire de modifier le Règlement. Si le gouvernement le faisait de lui-même, sans modifier le Règlement, déjà, on établirait peut-être une nouvelle tradition. À mon avis, ce serait à l'avantage du gouvernement, parce qu'il n'y aurait plus de questions sur sa légitimité.
(1240)

[Traduction]

    Dans ce cas, le mécanisme ferait-il en sorte que si le premier ministre voulait effectivement obtenir une prorogation pour une raison quelconque, la Chambre serait alors saisie d'une motion à cet effet et procéderait à un vote avant la prorogation? Est-ce la nouvelle pratique envisagée?
    Lorsque vous dites que cette pratique devrait être mise en oeuvre, cela signifie qu'on devrait modifier le Règlement et qu'un premier ministre devrait proposer une prorogation par l'entremise d'une motion qui ferait l'objet d'un vote. La Chambre pourrait alors donner son consentement et nous aurions établi une nouvelle pratique.
    Veuillez répondre très brièvement, s'il vous plaît.

[Français]

    Tout à fait.

[Traduction]

    D'accord.
    Monsieur Tochor, vous avez cinq minutes.
    Je vous remercie beaucoup.
    J'aimerais également remercier les témoins d'être ici aujourd'hui.
    Nous sommes ici en grande partie à cause du piètre jugement dont a fait preuve le premier ministre. En effet, au cœur de ce scandale se trouve un contrat à fournisseur unique de presque un milliard de dollars avec l'organisme UNIS, un organisme qui entretenait des liens avec le premier ministre et l'ancien ministre des Finances. C'était une erreur de jugement de s'impliquer dans une entreprise qui avait versé plus d'un demi-million de dollars à la mère du premier ministre. Le piètre jugement dont il a fait preuve dans le cadre de cette transaction a mené, au bout du compte, à la prorogation du Parlement.
    Nous avons parlé du rôle de la gouverneure générale dans cette affaire. C'est une autre erreur de jugement de la part du premier ministre, qui s'est porté garant de la gouverneure générale pour qu'elle ne soit pas soumise au processus de vérification approprié. Aujourd'hui, les contribuables doivent lui verser 140 000 $, au minimum, pour le reste de sa vie, ce qui représente également une erreur de jugement de la part du premier ministre.
    Nous avions donc une gouverneure générale qui était redevable au premier ministre de s'être porté garant d'elle, et même si elle représentait un mauvais choix, elle était tout de même redevable au premier ministre. Nous avons parlé du rôle de la gouverneure générale, qui a déjà accordé des droits de prorogation dans cette situation, mais ce n'est pas automatique. Il se pourrait encore qu'à l'avenir — même si cela créerait un précédent — une telle demande soit refusée.
    J'aimerais connaître l'avis de Mme Turnbull à cet égard. Dans quelles situations le gouverneur général n'accorderait-il pas une prorogation du Parlement?
    La seule raison possible serait lorsqu'il y a un doute sur la question de savoir si le premier ministre a la confiance de la Chambre. Je pense que s'il avait cette confiance, son avis serait alors considéré comme contraignant, mais s'il avait perdu la confiance de la Chambre ou qu'il était sur le point de la perdre... C'est la raison pour laquelle il y a eu un problème en 2008, car on ne savait pas avec certitude si le premier ministre avait la confiance de la Chambre.

[Français]

    Je suis d'accord avec ma collègue Mme Turnbull.
    Le gouverneur général est lié par l'avis du premier ministre si celui-ci jouit de la confiance de la Chambre.

[Traduction]

    Madame Turnbull, j'aimerais aborder un sujet légèrement différent, car vous avez parlé d'une autre explication ou d'une explication qui ne se trouvait pas dans le rapport. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? Selon vous, quelle était cette explication?
    À l'époque, c'est-à-dire pendant les mois précédant la prorogation, le gouvernement faisait face à une enquête approfondie menée par le comité et à un examen minutieux des médias en raison de la décision de donner à l'organisme UNIS la possibilité d'administrer un programme de bourses d'études de 900 millions de dollars. Deux comités différents ont lancé certains processus à cet égard au cours de l'été. Des témoins très en vue, dont le premier ministre, les Kielburger, le greffier du Conseil privé, des ministres et d'autres hauts fonctionnaires ont comparu devant le comité pour préciser différents éléments de cette affaire. C'était une période assez intense pour le gouvernement.
(1245)
    Selon vous, devrions-nous demander aux intervenants que vous venez de mentionner de comparaître devant notre comité?
    Le Règlement ne précise en aucun cas la réponse que doit fournir le gouvernement. Le gouvernement est libre d'expliquer les raisons de la prorogation, mais je ne pense pas qu'il soit possible d'examiner la situation et de ne pas tenir compte de l'autre explication qui dominait à l'époque.
    Le contrat de près d'un milliard de dollars accordé à un organisme de bienfaisance pour les enfants donnait lieu à des magouilles pour arroser des comparses, ce qui, en soit, est répugnant. Quand, pendant une pandémie, on s'attendrait à ce que le gouvernement fasse tout son possible pour épargner aux Canadiens une crise constitutionnelle, peut-être, ou une crise de confiance dans la gestion des affaires de l'État, c'est inquiétant.
    Je m'adresse aux autres témoins. Quels sont les autres...
    Votre temps est écoulé.
    La parole est maintenant à Mme Duncan, qui dispose de cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie les témoins de leur participation. Nous faisons grand cas de vos compétences. Je suis heureuse de vous rencontrer en virtuel. Comme je dispose de peu de temps, vous pouvez, pour certaines questions, répondre simplement par oui ou par non.
    La discussion est vraiment importante, mais je me focaliserai sur le fait que nous sommes au beau milieu d'une pandémie que nous combattons, qu'une tragédie se joue dans les soins de longue durée et que de nouveaux variants nous menacent.
    Madame Turnbull, conviendriez-vous que nous avons beaucoup à apprendre sur un nouveau virus comme celui de la COVID-19? Oui ou non, s'il vous plaît.
    Oui.
    Merci.
    Conviendriez-vous que, devant un nouveau virus, nos chercheurs, nos médecins, nos soignants se retrouvent en première ligne, qu'ils travaillent aussi dur et aussi rapidement que possible pour obtenir des réponses scientifiques et médicales?

[Français]

    Madame la présidente, j'invoque le Règlement.
    Encore une fois, je n'ai plus d'interprétation.
    Je suis vraiment désolé, madame Duncan.

[Traduction]

    Madame la présidente, nous examinerons le problème. Il est encore nébuleux. S'il vous plaît, veuillez patienter.
    Je pense que nous avons perdu l'interprétation.
    Je suis désolée de l'interruption. Habituellement, ça survient dès le début ou une seule fois, mais, aujourd'hui, ça s'est répété.
    Madame la présidente, vous arrivez très bien à nous faire tenir le rythme.
    Prévenez-moi, quand je pourrai reprendre la parole et dites-moi de combien de temps je dispose encore, s'il vous plaît.
    Il vous reste 3 minutes 27 secondes.
    Madame la présidente, pouvons-nous prolonger la séance de cinq minutes, seulement pour poser les dernières questions?
    C'est possible, mais nous ne pourrons en demander plus. D'après le greffier, faire vite pour céder la pièce à un autre groupe.
    Merci.
(1250)
    Allez-y, madame Duncan. Vous pouvez reposer la question, sûrement oubliée même si on l'a entendue.
    Madame Turnbull, seriez-vous d'accord pour dire que, devant le nouveau virus, nos chercheurs, médecins et soignants se retrouvent en première ligne, qu'ils travaillent aussi dur et rapidement que possible pour obtenir des réponses scientifiques et médicales?
    Oui ou non, s'il vous plaît.
    Oui.
    Merci.
    Acceptez-vous le fait que la science, les données et l'information évoluent au cours du temps?
    Oui ou non, s'il vous plaît.
    Oui.
    Je suis convaincue que les avis de la science doivent être communiqués aux décideurs. Êtes-vous d'accord?
    Oui ou non, s'il vous plaît.
    Oui.
    Je crois aussi que la science, la recherche et la santé publique sont des briques importantes, toujours essentielles à la construction de notre pays et pas seulement en temps de crise. Êtes-vous d'accord?
    Oui ou non, s'il vous plaît.
    Oui.
    Merci.
    Revenons maintenant à la grippe de 1918. Au début, nous en avons beaucoup entendu parler. Cette pandémie oubliée est demeurée, pendant près d'un siècle, un mystère médical. On a des leçons à en tirer. Les personnes importent. Leur histoire aussi. Les médecins, les infirmières, les soignants de première ligne, les survivants, les membres de la famille et les communautés, les voix de tous doivent être prises en considération.
    Seriez-vous d'accord?
    Oui.
    Après un traumatisme, il importe d'en parler, pour être écouté et pour guérir.
    Seriez-vous d'accord?
    Oui.
    C'est revenu sur le tapis, ce matin. Des données nous arrivent constamment sur les problèmes de santé mentale qu'affrontent les soignants pendant la pandémie. Ils sont épuisés par un an de combat. Il importe vraiment que le gouvernement écoute les Canadiens.
    Enfin, en 2020, comme en 1918, la pauvreté, la faim, la santé, le mieux-être, l'égalité des sexes et la situation économique sélectionnent ceux qui tomberont malades, ceux qui seront traités et ceux qui survivront. Quelle est, d'après vous, la meilleure façon de mieux protéger les plus vulnérables d'entre nous?
    C'est une question très importante.
    Pour le moment, il est vraiment difficile d'y répondre. Nous n'y voyons encore que du brouillard. À cause de l'augmentation du nombre de variants, il est angoissant d'imaginer pendant combien de temps nous serons confinés. Nous constatons déjà que les problèmes des populations vulnérables n'ont fait que s'aggraver.
    Une partie importante de la solution, pour répondre à certaines de vos questions, réside dans la collecte de données, que nous bâclons parfois, malheureusement. Réfléchissons aux méthodes de recueil de l'information et faisons non seulement participer les bonnes personnes à la discussion, mais, également, obtenons les bonnes données pour, ensuite, disposer de tous les renseignements utiles pour réparer les programmes, les remplacer et se faire une idée des drames qui se jouent.
    Ce sera une tâche considérable pour les politiciens, les chercheurs, les fonctionnaires et les entreprises. Nous avons tous un rôle.
    Merci beaucoup, madame Turnbull.
    Merci.
    C'est tout le temps dont nous disposions. À la demande de M. Doherty, poursuivons jusqu'à 13 h 5.
    Madame Vecchio, vous disposez de cinq minutes.
    Merci beaucoup.
    Je consultais des renseignements qui nous ont été communiqués.
    Madame Turnbull, je me félicite de votre présence. Je réclame votre opinion sur une citation que vous avez faite en 2012. Je tiens seulement à savoir si, neuf ans plus tard, vous la considérez encore comme d'actualité. Elle concerne le premier ministre de l'Ontario. Vous disiez:
La prérogative du premier ministre de conseiller la prorogation au lieutenant-gouverneur est un abus inutile [de pouvoir]; cette décision-surprise n'a aucune utilité pour la démocratie et elle empêche le corps législatif de jouer son rôle fondamental, demander des comptes au gouvernement.
    Croyez-vous que cette déclaration faite en 2013 s'appliquerait à la prorogation de 2020?
(1255)
    Les circonstances étaient différentes, en ce sens que le premier ministre McGuinty, à l'époque... Ce qui m'a mis en furie, c'est que la prorogation a duré jusqu'à ce que le parti se choisisse un nouveau chef, ce qui, à mon avis, était absolument inutile. Aucun échéancier précis n'était fixé. Si je me souviens bien de certaines observations que mon collègue et moi avons faites à ce sujet, la durée de la prorogation semblait laissée au bon vouloir du parti libéral, à l'encontre des préoccupations du corps législatif.
    De plus, à l'époque, les enquêtes sur les accusations d'outrage étaient tout à fait sérieuses, ce qui me rendait plus furieuse qu'aujourd'hui.
    Oui. Les situations se ressemblent beaucoup, en raison de votre allusion à l'outrage. Nous parlons d'abus de pouvoir et de la possibilité d'en examiner... D'après d'autres professeurs d'université, c'était un abus de pouvoir. Croyez-vous qu'il y en a eu aussi en 2020?
    Je sais que vous voulez que je réponde par oui ou par non.
    Non, ça va. Visiblement, c'est différent cette fois-ci.
    J'ignore si je dois répondre par oui ou par non. J'estime que, en 2020, la prorogation n'était pas nécessaire.
    J'emploie volontiers le mot « abus » quand il y a visiblement lieu de s'interroger, et il me semble qu'un premier ministre traverse une crise de confiance.
    Je comprends vraiment et je suis persuadée, comme nous l'avons vu, pendant nos séances, qu'il y a eu, précisément dans ce cas, une crise de confiance.
    C'est la raison pour laquelle, madame Turnbull, vous avez dit que la seule façon de tirer la chose au clair était de convoquer le premier ministre.
    Madame la présidente, je voudrais, s'il vous plaît, proposer la motion suivante. Je demande à notre personnel de la communiquer au greffier pour qu'il la distribue.
    Je propose:
Que le comité invite les témoins suivants pour son étude sur les Motifs de la prorogation du Parlement par le gouvernement en août 2020 et que ces témoins comparaissent individuellement pendant au moins une heure chacun: le premier ministre Justin Trudeau; le député Pablo Rodriguez, leader du gouvernement à la Chambre des communes; Katie Telford, chef de cabinet du premier ministre; l'ancien ministre des Finances Bill Morneau.
Que ces témoins comparaissent devant le comité dans les 14 jours suivant l'approbation de cette motion et que le comité se réserve le droit d'inviter d'autres témoins à mesure que l'étude se poursuit.
    Je tenais seulement à l'annoncer. Après l'audition de tous les témoins, nous saurons absolument que la seule réponse proviendra vraiment du premier ministre. J'estime donc qu'il est d'une importance extraordinaire qu'il se présente devant nous pour nous répondre. Malgré tout, nous le soumettons à... Oui, dans les médias et dans ses déclarations, il a été très constant, mais ça ne signifie pas toujours que la vérité est sortie. Je propose cette motion pour que nous en discutions ensuite.
    Merci.
    Madame Vecchio, il vous reste une minute, si vous voulez conclure avec vos questions. La motion est notifiée.
    Je voudrais que nous en discutions.
    Madame la présidente, j'essaie de lever la main, mais la fonction « Lever la main » est détraquée.
    Monsieur Doherty, avant de poursuivre, pouvez-vous m'accorder un moment?
    Oui.
    Notre greffier vient de recevoir la motion. Il la distribue dès maintenant.
    Monsieur Doherty, vous êtes sur la liste des intervenants.
    Merci.
    Voici seulement ce que j'ai à dire. Malgré tout le respect que j'éprouve pour les collègues ici présents, à maintes reprises, les deux députés libéraux... et je pense que M. Turnbull a même dit que c'était le motif du premier ministre, pour proroger le Parlement. Nous pouvons tous nous mettre à formuler des hypothèses sur ce que d'autres ont dit. Ce ne sera que des hypothèses tant qu'on n'aura pas entendu directement le premier ministre et les membres de son entourage. Les Canadiens comme notre comité méritent de connaître ces motifs.
    Nous pouvons inviter un certain nombre de professeurs, comme les excellents témoins d'aujourd'hui, Mme Turnbull et MM. Brodie et Cyr. En vérité, tant que nous n'aurons pas entendu le premier ministre ni les membres de son entourage, les hypothèses se donneront libre cours.
    D'après moi, notre meilleur parti est de convoquer ces quatre témoins. Nous nous réservons le droit d'en convoquer d'autres après que nous aurons entendu ceux-là. De plus, nous pouvons lancer des accusations et remuer ciel et terre pour découvrir toutes les raisons pour lesquelles ça s'est pratiqué dans le passé, mais nous étudions la prorogation de 2020. Un certain nombre de témoins et de professeurs d'université nous ont déjà dit que la prorogation du Parlement est la prérogative du premier ministre. Si, vraiment, nous devions aller de l'avant sans entendre ces quatre témoins, ça ne serait que des hypothèses. Nous rendrions un mauvais service non seulement au Parlement, mais, également, aux Canadiens en général.
(1300)
    Monsieur Turnbull, vous avez la parole.
    Je ne formulerai que quelques observations. Je me félicite que d'autres membres de notre comité veuillent convoquer d'autres témoins. Si tous les partis avaient la possibilité de proposer des noms de témoins et si, peut-être, le sous-comité pouvait en discuter, ce serait une excellente façon de procéder. D'autres urgences sont consignées dans mon calendrier, mais, visiblement c'est une question importante. La discussion peut attendre, d'après moi, jusqu'à la prochaine séance ou peut-être que, entretemps le sous-comité pourrait s'en occuper. Voilà ce que je propose.
    Madame la présidente, rien dans cette motion n'empêche d'autres témoins de se présenter devant notre comité et rien ne lie les mains de notre comité. Je vous demande de mettre la question aux voix.
    Lundi, le Comité se réunit pour en discuter, ce qui répond à la question de M. Turnbull. C'est lundi, à 18 h 30, sur les témoins et l'étude sur la prorogation.
    Allons-nous mettre la motion aux voix?
    Monsieur Fragiskatos, à vous la parole.
    J'apporte le point de vue de quelqu'un de l'extérieur, qui, de temps à autre est peut-être nécessaire, particulièrement aujourd'hui. Nous avons entendu des témoignages cet après-midi et à la fin de la matinée. Nous en avons entendu vers la mi-décembre et, je remplaçais alors, comme aujourd'hui, M. Gerretsen. La question est importante. Nous l'examinons. Je ne sais pas trop pourquoi les conservateurs ont essayé de la politiser davantage. Il ne rime à rien de...
    Pardonnez-moi, mais j'invoque le Règlement.
    Je dois le faire, parce que j'essaie, depuis trois minutes, de lever la main. Je vous annonce seulement que la fonction « Lever la main » est hors service. J'ai essayé de nouveau, pendant l'intervention de M. Doherty, et c'est la raison pour laquelle je tiens à vous faire savoir qu'elle est détraquée.
    Puis-je, madame la présidente, intervenir sur ce point? Je pense que nous éprouvons tous le même problème. La fonction n'est pas visible sur notre écran. Ça marche, parce que j'ai levé la main à plusieurs reprises, et la présidence a très bien respecté l'ordre des interventions. Pour une raison que j'ignore, la fonction, sur les écrans des membres participants, n'est pas visible. Je pense que ça pourrait être le problème.
    Je me suis fiée aux vraies mains. Je ne vois aucune main levée sur la barre d'outils.
    Oui, monsieur Bittle.
    J'allais seulement dire comme Mme Vecchio. J'ai également essayé d'activer la fonction. J'espère pouvoir être ajouté à la liste. Je sais que le temps commence à manquer, mais si c'est possible, je vous en saurais infiniment gré.
    J'ai également levé la main.
    Nous avons encore une minute. Monsieur Fragiskatos, veuillez poursuivre.
(1305)
    Madame la présidente, pour laisser la chance aux autres, je m'arrête ici. Je sais que la fonction « Lever la main » de leur écran est détraquée, mais je sens qu'ils veulent prendre la parole.
    C'est un peu difficile de dire lequel des deux, entre MM. Turnbull et Bittle, est le suivant. J'ignore quand vous avez tenté de lever la main...
    Mme Vecchio aussi, peut-être.
    Je l'ignore. C'est difficile. Je ne vois même pas vos mains levées. Je devrai donc...
    Monsieur le greffier, avez-vous pu voir?
    Madame la présidente, j'ai remarqué la main levée de Mme Vecchio.
    D'après ma liste, elle serait la prochaine.
    Madame Vecchio, allez-y.
    Merci beaucoup.
    Nous ne voulons assurément pas faire de l'obstruction. La discussion doit avoir lieu. Comme l'ont dit les deux professeurs, que nous venons tout juste d'entendre, une seule personne a la réponse, le premier ministre. Comme nous avons effectivement consacré une journée à l'étude des motifs de la prorogation, nous n'en avons entendu que quelques autres de plus.
    Plutôt que d'approfondir une étude et de convoquer tout un groupe de professeurs d'université, allons au fond des choses. Ensuite, nous pourrons terminer l'étude, si, effectivement nous obtenons les réponses. Plutôt que d'entendre jusqu'à une trentaine de témoignages très semblables, allons simplement au fond des choses. Nous n'avons pas besoin aujourd'hui d'une mise aux voix. Je crois que beaucoup de nos membres, particulièrement ceux de l'opposition, veulent entendre le premier ministre. Il possède la réponse.
    Merci.
    Compris.
    Plairait-il au Comité d'ajourner maintenant? Nous devons libérer la pièce qui servira à la discussion d'initiatives parlementaires, mais nous discuterons de la question lundi soir.
    Essentiellement, le sujet de la discussion sera alors votre motion. Ensuite, on pourra la représenter à notre comité, à la prochaine séance, si vous le souhaitez également.
    Madame la présidente, rien de neuf sous le soleil. Quand nous remettons la question au lendemain et que nous nous réunissons à huis clos, les Canadiens sont empêchés de voir ce qui se passe vraiment. Pour être juste envers eux, je pense qu'ils devraient entendre ce qui en ressortira.
    Beaucoup de noms figurent sur la liste. En fait, nous ne connaîtrons pas l'issue aujourd'hui, mais nous pouvons certainement en discuter en séance publique.
    Pourquoi pas lundi, à la séance de lundi? Faisons-le alors en public.
    Le greffier me dira si c'est possible.
    J'allais seulement dire que la motion pourrait encore être débattue à la prochaine séance de tout le Comité. La séance de lundi soir n'est pas de tout le Comité. Elle concerne le sous-comité. Si aucune résolution n'est prise par le sous-comité, la question peut toujours être ramenée à la prochaine séance de tout le Comité qui en reprendra la discussion ou au moment qu'il voudra bien.
    Nous pouvons absolument avoir la discussion en public, si nous le souhaitons, mais nous devons vider tout de suite la pièce pour le comité des initiatives parlementaires. Il ne nous a concédé que quelques minutes supplémentaires, et nous avons dépassé le temps prévu.
    Nous discuterons, c'est certain, lundi puis peut-être même plus tard, si nécessaire.
    Merci, madame la présidente.
    De rien.
    Je remercie nos témoins. Merci de votre patience pendant toutes les difficultés techniques et autres. Nous l'apprécions vraiment. C'est important, pour nous, d'assurer l'interprétation dans les deux langues officielles.
    Je remercie également les interprètes. Votre travail n'est pas facile, et toutes ces difficultés techniques le compliquent davantage.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU