AANO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 7 décembre 2004
¿ | 0905 |
La présidente (Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.)) |
L'hon. Andy Scott (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien) |
¿ | 0910 |
La présidente |
¿ | 0915 |
M. Jeremy Harrison (Desnethé—Missinippi—Rivière Churchill, PCC) |
L'hon. Andy Scott |
M. Jeremy Harrison |
L'hon. Andy Scott |
Mme Brenda Kustra (directrice générale , Services Fonciers et Fiduciaires - Direction de la Gouvernance des Premières nations, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien) |
M. Jeremy Harrison |
¿ | 0920 |
L'hon. Andy Scott |
La présidente |
M. André Bellavance (Richmond—Arthabaska, BQ) |
L'hon. Andy Scott |
Mme Brenda Kustra |
M. André Bellavance |
L'hon. Andy Scott |
¿ | 0925 |
Mme Brenda Kustra |
M. André Bellavance |
La présidente |
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD) |
L'hon. Andy Scott |
¿ | 0930 |
M. Pat Martin |
L'hon. Andy Scott |
M. Pat Martin |
L'hon. Andy Scott |
M. Pat Martin |
L'hon. Andy Scott |
M. Pat Martin |
L'hon. Andy Scott |
M. Pat Martin |
L'hon. Andy Scott |
¿ | 0935 |
M. Pat Martin |
L'hon. Andy Scott |
La présidente |
M. Roger Valley (Kenora, Lib.) |
L'hon. Andy Scott |
M. Roger Valley |
¿ | 0940 |
L'hon. Andy Scott |
M. Roger Valley |
L'hon. Andy Scott |
M. Roger Valley |
La présidente |
M. Jeremy Harrison |
¿ | 0945 |
L'hon. Andy Scott |
M. Jeremy Harrison |
Mme Brenda Kustra |
La présidente |
M. Lloyd St. Amand (Brant, Lib.) |
¿ | 0950 |
L'hon. Andy Scott |
M. Lloyd St. Amand |
Mme Brenda Kustra |
La présidente |
L'hon. Andy Scott |
¿ | 0955 |
La présidente |
M. Marc Boulianne (Mégantic—L'Érable, BQ) |
Mme Brenda Kustra |
La présidente |
L'hon. Andy Scott |
La présidente |
À | 1000 |
La présidente |
À | 1005 |
M. Clarence (Manny) Jules (porte-parole, Loi sur la gestion financière et statistique des Premières nations, Commission consultative de la fiscalité indienne) |
À | 1010 |
À | 1015 |
La présidente |
Mme Deanna Hamilton (présidente et directrice générale, Autorité financière des Premières nations) |
À | 1020 |
À | 1025 |
La présidente |
M. Harold Calla (président, Conseiller, Squamish Nation, Commission consultative de gestion financière des Premières nations) |
À | 1030 |
La présidente |
À | 1035 |
Le chef Tom Bressette (président intérimaire, Groupe consultatif, Chippewas of Kettle, & Stony Point, Institut de statistique des Premières nations) |
À | 1040 |
La présidente |
M. Strater Crowfoot (président du conseil, Commission consultative de la fiscalité indienne) |
La présidente |
M. Jeremy Harrison |
À | 1045 |
La présidente |
M. Clarence (Manny) Jules |
La présidente |
M. André Bellavance |
M. Clarence (Manny) Jules |
La présidente |
M. Strater Crowfoot |
La présidente |
M. Pat Martin |
À | 1050 |
La présidente |
M. Harold Calla |
M. Pat Martin |
La présidente |
M. Strater Crowfoot |
La présidente |
Mme Deanna Hamilton |
La présidente |
L'hon. Sue Barnes (London-Ouest, Lib.) |
À | 1055 |
La présidente |
CANADA
Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 7 décembre 2004
[Enregistrement électronique]
* * *
¿ (0905)
[Traduction]
La présidente (Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.)): Je déclare la séance ouverte.
Ceci est la 13e réunion du comité, ce 7 décembre 2004. Conformément à l'ordre de renvoi reçu le vendredi 19 novembre 2004, nous devons examiner le projet de loi C-20, Loi prévoyant les pouvoirs en matière d'imposition foncière des Premières nations, constituant la Commission de la fiscalité des Premières nations, le Conseil de gestion financière des Premières nations, l'Administration financière des Premières nations ainsi que l'Institut de la statistique des Premières nation et apportant des modifications corrélatives à certaines lois.
Ce matin, nous accueillons avec plaisir l'honorable Andy Scott, ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien. Bonjour monsieur le ministre. Je vous invite à commencer. Je sais que vous êtes pressé ce matin.
Je vous prie de m'excuser, je suis enrhumée. J'essaierai de ne pas parler autant que je l'ai fait à d'autres occasions.
L'hon. Andy Scott (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien): Merci beaucoup, madame la présidente.
[Français]
C'est un plaisir pour moi d'être ici aujourd'hui.
[Traduction]
Madame la présidente, depuis que je suis ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, j'ai eu l'occasion de me rendre dans presque toutes les régions du pays. En Nouvelle-Écosse et en Colombie-Britannique, j'ai rencontré des dirigeants des Premières nations dans le but de créer de solides partenariats. Au Nouveau-Brunswick et au Yukon, j'ai discuté avec des entrepreneurs autochtones de leurs réalisations commerciales. En Ontario et en Saskatchewan, j'ai écouté des jeunes Autochtones me parler de leurs espoirs et de leurs projets d'avenir.
Ces voyages, ces rencontres et ces discussions jouent un rôle crucial dans l'exercice de mes fonctions. Ils concrétisent parfaitement l'engagement du présent gouvernement à raviver ses relations avec les Premières nations dans une perspective d'égalité, de confiance et de respect mutuel. Ils témoignent de mon engagement personnel à adopter une nouvelle approche de collaboration dans mes travaux avec les dirigeants des Premières nations, les dirigeants métis et les dirigeants inuits.
Le projet de loi C-20 est le résultat tangible de cette approche. Ce projet de loi remplit l'engagement pris par le présent gouvernement de travailler en étroite collaboration avec les Premières nations. Il fait en sorte que les Premières nations aient accès aux outils pratiques qui favorisent leur croissance économique et leur prospérité. Ce projet de loi respecte la diversité des Premières nations et leur capacité d'élaborer des solutions qui leur sont propres et de les appliquer de la façon qui soit appropriée dans leurs collectivités. Ce projet de loi découle d'une contribution directe des Premières nations.
La grande force du projet de loi C-20 réside dans le fait qu'il est le fruit d'une initiative des dirigeants des Premières nations et qu'il a été établi en réelle collaboration avec eux. L'élaboration de ce projet de loi a commencé en 1999, alors qu'un groupe de dirigeants visionnaires des Premières nations demandait au gouvernement fédéral de l'aide pour supprimer les obstacles à leur développement économique. La détermination, les compétences et l'engagement personnel de ces femmes et de ces hommes créatifs, membres des Premières nations, ont guidé l'élaboration du projet de loi C-20.
À titre de premier témoin du comité, madame la présidente, j'ai hâte de répondre aux questions de mes collègues. Mais je voudrais d'abord présenter aux membres du comité un aperçu du projet de loi C-20 et de ses répercussions sur les collectivités des Premières nations.
Le projet de loi C-20 établit quatre organismes nationaux qui fourniront aux Premières nations les outils financiers et statistiques nécessaires pour attirer les investisseurs, bâtir une infrastructure, répondre aux besoins sociaux et créer des emplois—des outils dont se prévalent déjà tous les autres gouvernements du Canada pour améliorer le bien-être de leurs collectivités.
Le premier organisme, l'Administration financière des Premières nations, offrira aux Premières nations la possibilité de grouper leurs besoins d'emprunt et de réunir des fonds sur les marchés des obligations en mettant en garantie leurs recettes tirées des impôts fonciers. Le groupement aux fins d'emprunt devrait permettre aux Premières nations participantes de jouir de conditions de crédit négociables. En fait, les Premières nations devraient pouvoir réunir, par l'entremise de ce nouvel organisme, 125 millions de dollars en capitaux privés au cours des cinq premières émissions d'obligations. L'accès aux marchés des obligations engendrera, pour les Premières nations, une baisse de 30 à 50 p. 100 de leur coût d'emprunt et, par le fait même, une augmentation du pouvoir d'achat de chaque dollar mobilisé.
Grâce à ces capitaux essentiels, les Premières nations pourront bâtir l'infrastructure matérielle dont elles ont besoin. De plus, les investissements qu'elles effectueront dans l'infrastructure attireront les investisseurs et les entrepreneurs, ce qui occasionnera la hausse de l'assiette foncière et de l'évaluation foncière ainsi que la création d'emplois pour les membres des Premières nations.
De tels investissements de capitaux, madame la présidente, engendrent un cycle de développement économique sain pour les Premières nations, qui peut se perpétuer de génération en génération.
Le deuxième organisme, le Conseil de gestion financière des Premières nations, aura pour fonction d'agréer les normes de gestion financière des Premières nations qui désirent accéder au groupement d'emprunts. Il offrira bien sûr ses services aux Premières nations qui désirent se prévaloir des régimes de fiscalité ou d'emprunts établis en vertu du projet de loi C-20, mais aussi à toutes celles qui auront besoin de conseils en matière de gestion financière.
Le troisième organisme, la Commission de la fiscalité des Premières nations, établira les normes qui régiront le régime de fiscalité foncière des Premières nations prévu aux termes du projet de loi C-20 et approuvera les lois sur les impôts fonciers adoptées par les Premières nations participantes. Grâce aux conseils que la Commission leur prodiguera, les Premières nations participantes pourront renforcer leur régime de fiscalité foncière, ainsi qu'en rehausser la cohérence et la transparence. Qualités essentielles des régimes de fiscalité foncière solides, la cohérence et la transparence sont un gage de certitude pour les contribuables et de confiance pour les investisseurs. De plus, elles sont de nature à attirer les capitaux privés et d'éventuels partenaires d'affaires.
¿ (0910)
Le quatrième organisme, l'Institut de la statistique des Premières nations, recueillera des données existantes auprès d'une variété de sources afin d'établir un profil statistique complet, pertinent et précis des Premières nations au Canada. À l'heure actuelle, les Premières nations n'ont pas à leur disposition, contrairement à la majorité des Canadiens, de données statistiques de base, ce qui entrave la planification et les empêche de profiter pleinement des possibilités économiques. L'information fournie par l'Institut de la statistique viendra appuyer le processus décisionnel local et entraînera, en définitive, l'amélioration des conditions socioéconomiques dans les réserves. En renforçant la capacité des Premières nations d'utiliser l'information statistique, l'Institut de la statistique encouragera aussi leur participation à la collecte nationale de données. Comme il sera dirigé par les Premières nations, l'Institut de la statistique sera en mesure de fournir une perspective des Premières nations dans la collecte et l'analyse des données relatives aux Premières nations, une perspective qui favorisera la prise de décision au sein des Premières nations ainsi que la conception et la prestation de programmes et de services gouvernementaux efficaces à l'intention des Premières nations.
Ces quatre organismes seront certes des instruments cruciaux pour un grand nombre de Premières nations dans leur démarche vers l'autonomie gouvernementale. Je suis toutefois conscient qu'il n'existe pas de solution unique aux aspirations et aux besoins divergents des Premières nations. Le projet de loi à l'étude respecte tant la diversité que l'importance du choix—il permet aux gouvernements des Premières nations d'avoir recours ou non aux outils offerts et de choisir le moment où ils y auront recours, le cas échéant; aucune collectivité ne sera tenue d'y adhérer.
En fait, le projet de loi a fait l'objet de plusieurs amendements depuis son dépôt initial, en réponse à des préoccupations soulevées par les Premières nations. Ces amendements servent à préciser que le projet de loi ne s'appliquera qu'aux Premières nations qui y adhéreront, au moment qu'elles choisiront. Le premier amendement au projet de loi consiste en l'ajout d'une clause non dérogatoire; voilà une preuve indéniable que le projet de loi C-20 ne vise pas à enfreindre les droits des Autochtones. D'autres amendements permettent aux Premières nations d'imposer des taxes en vertu de la Loi sur la gestion financière et statistique des premières nations ou encore de l'article 83 de la Loi sur les Indiens. Ces amendements prévoient aussi l'établissement d'une annexe au projet de loi où seront inscrites les Premières nations participantes.
Comme vous le savez, le gouvernement a soumis neuf amendements techniques à l'examen du comité. Ces amendements ne modifient en rien l'orientation politique du projet de loi, ni son caractère optionnel; ils visent simplement à corriger certaines incohérences ou à apporter certaines précisions. Les membres des Premières nations qui ont parrainé le projet de loi ont participé à l'élaboration de ce dernier, mais aussi à l'élaboration de ces amendements, et ils appuient donc leur ajout.
Madame la présidente, avant de conclure mes remarques, j'aimerais remercier les dirigeants des Premières nations qui ont travaillé avec diligence à la création du projet de loi C-20 : le chef Strater Crowfoot, président de la Commission consultative de la fiscalité indienne; le chef Tom Bressette, président du groupe consultatif de l'Institut de la statistique des Premières nations; Mme Deanna Hamilton, présidente de l'Autorité financière des Premières nations; Harold Calla, président de la Commission consultative de gestion financière des Premières nations. J'aimerais tout particulièrement saluer Manny Jules, porte-parole des Premières nations dans le cadre de l'initiative sur les organismes de gestion financière et statistique, et principal architecte de cette mesure législative.
J'aimerais aussi remercier les députés, dont plusieurs membres de votre comité, pour leur appui au projet de loi C-20 et leur participation active tout au long de son élaboration.
Le projet de loi C-20 est le fruit d'une nouvelle approche, une approche fondée sur les valeurs d'égalité, de confiance et de respect mutuel; une approche qui ne manquera pas d'être couronnée de succès pour autant qu'on agisse dans un esprit authentique de collaboration, de coopération et de compromis. Je suis persuadé que l'esprit de cette nouvelle approche guidera les membres du comité dans l'étude de ce projet de loi d'une extrême importance.
Merci.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur le ministre.
Nous allons commencer notre ronde de questions avec M. Harrison.
¿ (0915)
M. Jeremy Harrison (Desnethé—Missinippi—Rivière Churchill, PCC): Merci, madame la présidente.
D'abord, j'aimerais remercier le ministre de ses commentaires et de sa présence aujourd'hui.
Je suis fier de dire que notre parti appuie ce projet de loi; nous croyons qu'il s'agit d'un pas dans la bonne direction. Nous sommes particulièrement heureux de savoir que ce projet de loi est issu d'une initiative qui a été véritablement pilotée par les Premières nations et qu'il a été rédigé par des gens qui savent de première main quelles en seront les conséquences sur leurs collectivités. Nous sommes également très favorables à l'optionalité de cette mesure législative, qui est pour le moins inusitée, voire sans précédent. Nous appuyons cette particularité également.
Je me demande si le ministre peut nous parler davantage du fait que cette initiative a été dirigée par les Premières nations et du processus qui nous amène aujourd'hui à parler de cette mesure législative en comité.
L'hon. Andy Scott: Comme je l'ai mentionné dans mes observations préliminaires, le processus a été mis en branle en 1999, lorsqu'une partie de la collectivité et un certain nombre de dirigeants des Premières nations ont demandé de l'aide pour faire avancer un projet de développement économique dont ils étaient au courant et dans lequel ils s'étaient engagés. Les possibilités qui étaient offertes dans ma communauté de Fredericton ou dans les autres collectivités de ma circonscription, les villages et les petites villes, etc., leur seraient offertes de la même façon et seraient offertes à d'autres gens de ces communautés également. Le processus qui a été amorcé en 1999 a fait l'objet d'amendements, comme je l'ai dit dans mes observations préliminaires.
Je ne peux pas dire que mon niveau de connaissance de ce dossier est bien différent de ce qu'il était avant juillet dernier. En tant que député, j'étais au courant des débats, des amendements et des réactions à ces débats, et je sais que certaines personnes qui pouvaient être plus réticentes à un moment donné sont devenues plus réceptives. C'est de cette façon, je crois, que nous sommes censés travailler. Nous devons être respectueux des divergences d'opinions et tenter d'en tirer des leçons. En même temps, des décisions doivent être prises et des mesures doivent être mises en place.
Ce qui ressort ici, c'est que cette mesure législative fait suite à une demande des Premières nations. C'est là l'essentiel de la collaboration. Nous devons offrir notre soutien. Nous devons offrir tout ce qui est disponible aux autres Canadiens. Je crois toutefois que nous ne pouvons pas faire ces choses pour les Premières nations; nous devons le faire avec les Premières nations.
M. Jeremy Harrison: Merci de votre réponse.
La deuxième question que j'aimerais poser est de nature plus technique et vise à savoir en quoi la CFPN sera différente de la Commission consultative de la fiscalité indienne et comment elle s'appuiera sur le travail que la commission a réalisé et réalisera encore jusqu'à l'adoption de ce projet de loi. Je me demande si vous avez des commentaires à ce sujet.
L'hon. Andy Scott: Dès que vous avez prononcé le mot « technique », j'ai commencé à regarder autour de moi. Je vais demander à Brenda de répondre à cette question.
Mme Brenda Kustra (directrice générale , Services Fonciers et Fiduciaires - Direction de la Gouvernance des Premières nations, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien): La Commission de la fiscalité des Premières nations s'appuie sur l'expertise qu'a acquise la Commission consultative de la fiscalité indienne. Elle continuera de travailler avec toutes les Premières nations qui choisiront d'imposer des taxes en vertu du projet de loi C-20, afin de les aider à élaborer leurs propres textes législatifs relatifs à l'imposition. Elle continuera également de conseiller et d'aider les Premières nations qui opteront pour le régime prévu à l'article 83 de la Loi sur les Indiens. Ce qu'il faut retenir ici, c'est que la Commission de la fiscalité profitera de la vaste expérience que la Commission consultative de la fiscalité indienne a acquise depuis sa mise sur pied, en 1989.
M. Jeremy Harrison: Merci.
J'ai une autre question. Je sais qu'en 2002, l'APN a adopté une résolution pour manifester son opposition à ce qui était alors le projet de loi C-19. Je me demande quelle est la position actuelle de l'APN à l'égard de ce projet de loi et si elle a contribué aux amendements dont il a fait l'objet depuis ce temps.
¿ (0920)
L'hon. Andy Scott: L'APN a évidemment participé au processus. J'ai personnellement participé à un certain nombre de réunions et, pas plus tard qu'hier, le chef de l'APN pour l'Ontario a été l'hôte d'une réunion que nous avons animée et à laquelle étaient conviés les chefs des Premières nations de l'Ontario qui avaient des réticences à l'égard du projet de loi.
Je crois que la position actuelle de l'APN... J'ai une lettre du chef national dans laquelle il exprime son appui, mais je crois qu'il faut reconnaître qu'il y a une divergence d'opinions au sein de la collectivité. Il ne faut pas s'attendre à ce que la communauté des Premières nations au Canada soit différente de nous. Il y a une divergence d'opinions dans cette salle. En fait, le parti qui gouverne le pays est minoritaire. C'est de cette façon que la démocratie doit fonctionner et c'est de cette façon qu'elle fonctionne.
La présidente: Merci, monsieur Harrison.
Monsieur Bellavance, je vous prie.
[Français]
M. André Bellavance (Richmond—Arthabaska, BQ): Merci, madame la présidente.
Merci de votre présence, monsieur le ministre. Je ne sais pas si c'est parce que vous êtes là ou si c'est attribuable à l'importance du projet de loi C-20, mais je constate que le comité est très populaire aujourd'hui. J'ai l'impression que c'est un projet de loi très important pour les premières nations. C'est le cas aussi pour le Bloc québécois, qui a l'intention de l'appuyer. Il y a donc beaucoup d'intérêt pour ce projet de loi, qui était toutefois beaucoup moins populaire sous son ancienne forme: les projets de loi C-19 et C-23.
Dans un premier temps, j'aimerais, monsieur le ministre, que vous nous disiez quelles sont les principales différences entre le projet de loi qui est devant nous et les projets de loi précédents. Parmi les amendements importants pour les premières nations, je sais qu'il y a surtout celui sur la participation facultative. J'aimerais aussi que vous nous disiez si vous pouvez nous rassurer à cet effet. Pouvez-vous nous assurer que la participation sera réellement facultative pour les premières nations?
Je vais commencer par ces deux questions. S'il me reste du temps après votre réponse, j'en poserai d'autres.
[Traduction]
L'hon. Andy Scott: Je dois répondre « absolument » à la question sur l'optionalité. Les dispositions à cet effet sont des éléments importants de l'exercice qui nous a conduits jusqu'ici. C'est une condition absolue, qui n'est pas remise en question.
L'autre changement le plus important serait la clause non dérogatoire, qui est le fruit d'un important exercice de collaboration avec la collectivité, exercice qui a permis de garantir que nous appliquions ici le même processus et la même rigueur que dans tout autre projet de loi.
S'il y a d'autres amendements, Brenda, dont je devrais parler... Ce sont les deux principaux éléments, mais il y en a peut-être d'autres, plus techniques, que vous pouvez...
Mme Brenda Kustra: Ce sont les deux principaux changements qui ont permis de répondre aux inquiétudes soulevées par les Premières nations.
Comme le ministre l'a indiqué, la clause non dérogatoire montre clairement que cette mesure législative ne changera en rien les droits des Autochtones, et on trouve un article bien précis—l'article 3—dans le projet de loi à cet effet, qui se lit comme suit :
Il est entendu que la présente loi ne porte pas atteinte aux droits existants—ancestraux ou issus de traités—des peuples autochtones du Canada visés à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. |
Quant à la participation facultative, le projet de loi comporte également une disposition qui en établit très clairement le caractère optionnel. Il s'agit du paragraphe 2(3), qui se lit comme suit :
À la demande du conseil d'une bande, le gouverneur en conseil peut, par décret, modifier l'annexe pour y ajouter, en retrancher ou y changer le nom de celle-ci. |
On voit clairement que la Première nation a le choix de demander que son nom soit ajouté à l'annexe et que c'est une décision qui lui revient.
[Français]
M. André Bellavance: Par exemple, une première nation pourrait-elle choisir d'adhérer à une ou deux des quatre institutions financières? Est-il est possible de départager chacune des quatre institutions financières?
[Traduction]
L'hon. Andy Scott: Je crois qu'il importe de mentionner que certains services qui sont prévus—je pense à l'institution de gestion—seront offerts peu importe le choix fait par une Première nation. Ces conseils et cette aide seront disponibles.
Y a-t-il d'autres exemples?
¿ (0925)
Mme Brenda Kustra: Lorsqu'une Première nation décide de participer et de faire ajouter son nom à l'annexe, elle fait savoir qu'elle participera à toutes les possibilités offertes et prévues dans la nouvelle loi. Elle élaborera alors ses textes législatifs relatifs à l'imposition en vertu du projet de loi C-20 plutôt qu'en vertu de l'article 83 de la Loi sur les Indiens. Elle pourra également participer au regroupement aux fins d'emprunt. Il existe certaines règles pour l'élaboration des textes législatifs sur les recettes locales et ceux en matière de gestion financière auxquelles elle devra adhérer. Elle choisit de prendre part à tous les éléments prévus dans le projet de loi. Toutefois, il est clair que le Conseil de gestion financière offre son aide à toutes les autres nations qui choisiront de ne pas imposer de taxes, ni d'effectuer des emprunts en vertu de cette loi.
[Français]
M. André Bellavance: Merci.
Ça va, madame la présidente.
[Traduction]
La présidente: Merci.
Monsieur Martin, allez-y.
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Merci, madame la présidente.
Je vous remercie, monsieur le ministre, d'être ici aujourd'hui.
Je crois qu'il est juste de dire que les projets de loi C-19 et C-23 étaient voués à l'échec, principalement parce qu'ils étaient liés à la grande initiative relative à la gouvernance des Premières nations, qui constituait le projet marquant, je dirais, de la carrière de Bob Nault. Certains prétendent que, si le projet de loi C-23 n'avait été présenté dans le cadre de cette initiative, il n'aurait pas fait l'objet d'une telle opposition. Vous devez admettre que cette opposition était généralisée à l'échelle du pays. Seules quelques-unes des 110 Premières nations possédant un pouvoir de lever certains impôts—essentiellement en Colombie-Britannique—ne s'y opposaient pas.
Je me souviens que les chefs de l'Ontario, le MKO, l'Assemblée des chefs du Manitoba et la FSIN s'étaient prononcés de façon ferme contre le projet de loi lorsqu'ils ont comparu devant le comité. Il y avait une vive opposition à la grandeur du pays, car on craignait que cette mesure législative n'entraîne la municipalisation des Premières nations, en quelque sorte. En outre, les Autochtones n'étaient pas convaincus du caractère optionnel du projet de loi.
Peu importe les termes employés, les Premières nations craignaient que cette mesure législative constitue une façon pour le ministre et le gouvernement de se décharger de leurs obligations fiduciaires en créant un club d'emprunteurs, pour dire les choses simplement. On n'a pas cessé d'insister sur le caractère optionnel du projet de loi, dans le même sens qu'un permis de conduire est optionnel—sauf si l'on veut conduire une voiture. C'est la meilleure analogie que je puisse faire à l'intention des profanes qui nous écoutent.
Je n'ai vu aucune résolution adoptée par l'Assemblée des Premières nations qui renverse sa position très claire d'opposition envers le projet de loi. En novembre 2000—je ne me souviens pas à quel moment—le porte-parole du Bloc québécois et moi-même avons été chez les Musqueam, en Colombie-Britannique, pour assister à l'assemblée générale de l'Assemblée des Premières nations. Une résolution a été présentée à propos du projet de loi, et les chefs de cette province pensaient qu'ils parviendraient à la faire adopter, mais ils n'ont pas réussi.
Êtes-vous au courant d'une autre résolution de l'Assemblée des Premières nations, autre que celle qui figure dans la lettre que vous avez reçue de la part du chef national, qui dit que les Premières nations appuient maintenant le présent projet de loi dans sa forme actuelle?
L'hon. Andy Scott: Je me suis entretenu à de nombreuses reprises avec divers représentants de l'APN, et je ne peux pas dire que... Je suis en train de vérifier.
C'était en juillet à Charlottetown. J'étais là, mais ce n'était pas pour l'assemblée générale. Avant que je ne lise la résolution, pouvez-vous me dire si elle a été adoptée?
Une voix : Oui, elle l'a été.
L'hon. Andy Scott : Elle se lit comme suit :
Pour ces motifs, le Comité encouragera et favorisera l'inclusion de nouveaux membres pour garantir la représentation, avec le consentement des bureaux régionaux, conformément aux processus régionaux. |
Pour ces motifs, la présente résolution affirme et confirme le pouvoir inhérent de toute Première nation de représenter et négocier ses propres intérêts. |
Pour ces motifs, rien dans la présente résolution ou les processus envisagés ci-dessus n'a pour objet de contrevenir ou déroger à tout processus ou initiative concernant une Première nation, un conseil tribal, un organisme provincial-territorial ou régi par un traité, ou le gouvernement fédéral. |
¿ (0930)
M. Pat Martin: Qui a rédigé cela? On dirait que c'est un de vos avocats qui l'a rédigé, monsieur le ministre. Honnêtement, je dois dire que c'est assez confus. Je n'arrive pas à cerner un mandat clair.
La situation est la même qu'auparavant, c'est-à-dire qu'il y a ceux qui pourraient se prévaloir de...
L'hon. Andy Scott: Si je puis me permettre, cette résolution a été rédigée en raison du caractère optionnel du projet de loi et du fait que certaines collectivités sont en faveur de cette mesure législative et elle confirme que chaque collectivité a le droit d'appuyer ou non le projet de loi. C'est ce qu'établit cette résolution, je crois. Elle concerne la diversité des points de vue.
M. Pat Martin: Savez-vous que l'APN tient aujourd'hui et demain à Ottawa son assemblée générale?
L'hon. Andy Scott: Oui, bien sûr.
M. Pat Martin: Mercredi, une résolution écrite précisant clairement si les Premières nations appuient ou non le projet de loi sera présentée.
Êtes-vous prêt à agir en fonction de la volonté de l'Assemblée des Premières nations? Autrement dit, si cet organe législatif—certaines personnes le définissent comme un groupe de pression, mais pas moi, je l'appelle le Parlement de la contrée indienne—décide qu'il ne peut pas appuyer le projet de loi, êtes-vous disposé à ne pas aller de l'avant avec cette mesure législative? Cette résolution sera déposée demain.
L'hon. Andy Scott: Je crois que ce n'est pas avant l'étape à laquelle nous sommes rendus que nous pourrions envisager d'abandonner. Cette mesure législative est parvenue ici après avoir passé par la Chambre des communes.
M. Pat Martin: Alors, pensez-vous que le comité devrait se laisser guider par la résolution qui sera adoptée demain par l'Assemblée des Premières nations?
L'hon. Andy Scott: Monsieur Martin, pendant la longue période durant laquelle j'ai présidé le comité de la justice, je me serais offusqué si un ministre m'avait dit que je dois me laisser guider par son point de vue. Je ne vous dirais pas une telle chose.
M. Pat Martin: C'est intéressant. Vous comprenez notre situation. En fait, la plupart des Premières nations avec lesquelles je me suis entretenu ne sont pas en faveur du projet de loi. Elles le qualifient de loup déguisé en brebis. Elles sont inquiètes et anxieuses et n'y voient aucun avantage particulier pour elles. Mais elles constatent que quelques collectivités pourront tirer avantage de certaines des dispositions...
Je vais laisser ce sujet, car j'ai une question précise à vous poser.
La Commission consultative de la fiscalité indienne, qui a été mise sur pied, vous avez dit, en 1988 ou 1989, figure à deux reprises dans les comptes publics de l'an dernier, et les sommes qui lui sont attribuées sont pratiquement identiques. Par contre, le Conseil consultatif des terres... Ce que je veux dire, c'est que ces organismes semblent exercer des pressions depuis longtemps pour faire en sorte que cette mesure législative soit adoptée. Il est étrange qu'un groupe fasse pression en faveur de la création d'une loi qui lui permettra d'exister. Autrement dit, la charrue a été placée bien loin devant les boeufs.
Pour ce qui est du Conseil consultatif des terres, il a obtenu 6 700 000 $ alors qu'il existe essentiellement pour exercer des pressions auprès du Parlement afin de devenir une autorité légalement compétente. L'Administration financière des Premières nations a obtenu, quant à elle, 789 000 $ pour faire pression en faveur de sa propre création.
L'hon. Andy Scott: Je crois qu'il y a deux points à expliquer. Quant aux autres activités auxquelles ces groupes se sont livrés par le passé, je vais laisser le soin de répondre à quelqu'un qui s'y connaît mieux que moi à cet égard.
C'est une caractéristique importante du type de relation que le gouvernement du Canada voudrait avoir. Certains prétendent que nous l'avons déjà et d'autres estiment qu'il faut l'améliorer. Nonobstant le désir d'entretenir une relation respectueuse de gouvernement à gouvernement—vous avez parlé de l'assemblée annuelle qui a lieu cette semaine—la réalité est que les ressources dont notre gouvernement dispose sont considérablement plus grandes que celles dont dispose l'autre gouvernement.
Pour qu'une initiative émanant des Premières nations puisse être mise en oeuvre et pour que la recherche nécessaire à la mise sur pied d'une institution de la sorte soit menée, il faut qu'un investissement soit effectué. Si tout ce que nous offrons, c'est la collaboration avec les gens concernés, nous nous trouvons dans un certain sens à maintenir la grande inégalité qui existe.
¿ (0935)
M. Pat Martin: Ce que vous dites est dangereux. Vous êtes en train de dire qu'il est justifié que votre gouvernement finance des projets qu'il souhaite voir exécuter par l'autre gouvernement. Ce n'est pas là une relation de gouvernement à gouvernement. C'est une entité qui domine et contrôle une autre.
L'hon. Andy Scott: C'est tout le contraire, monsieur Martin. Nous finançons un grand nombre d'initiatives qui ne vont pas nécessairement dans l'intérêt du gouvernement. Ce n'est pas là où je veux en venir du tout. Ce que je veux dire, c'est que l'élaboration de politiques nécessite de la recherche, du soutien et des ressources. Que la conclusion de la recherche soit celle que le gouvernement du Canada souhaite, là n'est pas la question.
En fait, il arrive très souvent que nous financions des recherches qui révèlent que des changements que le gouvernement a refusé de faire par le passé devraient être apportés. Il faut appuyer davantage les initiatives en matière de politique publique menées par les Premières nations de sorte que des politiques publiques puissent être élaborées. C'est important, et je ne crois pas que cela donne lieu à l'établissement de conclusions qui sont dans notre intérêt. Si nous examinons d'une façon très bornée quels sont nos intérêts—je choisis de ne pas faire cela, honnêtement—nous devrions avouer que les conclusions ne vont pas toujours dans notre intérêt.
La présidente: Je vous remercie beaucoup.
Monsieur Valley, la parole est à vous.
M. Roger Valley (Kenora, Lib.): Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir comparu aujourd'hui et de répondre à nos questions.
J'ai plusieurs questions à vous poser. Ma première fait suite aux propos de M. Harrison. Les Premières nations sont à l'origine de la présente mesure législative, et c'est tout à leur honneur. Pouvez-vous me dire, d'après votre expérience, s'il s'agit-là d'une situation courante?
L'hon. Andy Scott: Mon expérience dans le domaine est assez limitée, mais je peux vous dire que c'est une situation que je voudrais voir se répéter. C'est une mise en pratique du respect, de la politique relative au droit inhérent et de l'autonomie gouvernementale. Cela traduit essentiellement l'objectif que nous visons. La question de savoir si cette façon de faire est habituelle donnerait probablement lieu à tout un débat. J'espère seulement que cela deviendra la façon de procéder dans l'avenir.
Peu importe les problèmes auxquels les Premières nations sont confrontées au Canada, le gouvernement détient une obligation et une responsabilité considérables, mais cela ne signifie pas nécessairement que nous sommes les mieux placés pour trouver la meilleure solution à ces problèmes. En fait, je crois que nous ne le sommes pas. Les personnes les mieux placées pour trouver la meilleure solution aux problèmes ce sont celles qui habitent dans les collectivités en question, à savoir celles qui vivent les problèmes. Nous devons faire preuve d'une grande créativité en ce qui a trait à la façon dont nous collaborons avec les Premières nations pour trouver des solutions qui conviennent aux collectivités.
La collaboration actuelle n'est pas parfaite. Elle constitue par contre un pas dans la bonne direction. Je crois qu'elle pourrait être meilleure. La collaboration future dépendra de notre capacité à établir le type de relation dont j'ai parlé plus tôt. Nous devrons faire preuve de créativité. La structure actuelle ne favorise pas une collaboration d'égal à égal caractérisée par le respect mutuel en raison de l'inéquité qui existe à l'heure actuelle.
M. Roger Valley: Merci.
Je ne suis pas ici depuis longtemps, mais j'ai l'impression que les mesures législatives proposées par les personnes qui y seront assujetties obtiennent un meilleur appui.
Nous savons que certaines Premières nations s'opposent au projet de loi. C'est le cas dans la circonscription que je représente. J'aimerais savoir à quel point nous avons expliqué la différence entre le présent projet de loi et les projets de loi C-19 et C-23, je crois que c'était ceux-là, que nous avons mentionnés plus tôt? Est-ce que nous communiquons seulement avec le grand chef et avec l'APN ou avec des entités d'autres niveaux?
¿ (0940)
L'hon. Andy Scott: Non. Comme je l'ai dit, mon emploi du temps m'impose des contraintes à cet égard. Hier, nous avons animé une rencontre; ce que nous faisons considérablement au sein du ministère. J'ai discuté de ce sujet avec de nombreuses personnes depuis juillet.
Je suis au courant des préoccupations, dont certaines sont plus fondamentales que la question concernant le caractère optionnel du projet de loi et la disposition de non-dérogation. Certains des enjeux détermineront l'orientation à prendre. Il se tient une vive discussion au sein des Premières nations, ce qui, je le répète, est une bonne chose.
Chaque jour, nous tenons nous aussi des discussions animées à la Chambre des communes à propos de la façon dont nous affronterons les situations que nous vivons en tant que pays. Je crois que chaque personne qui prend part aux débats qui se tiennent à la Chambre des communes et au sein des Premières nations du Canada veut ce qu'il y a de mieux pour sa collectivité. Il est normal que nous ne soyons pas tous du même avis à propos des meilleures solutions à adopter. Si nous partagions tous la même opinion, cet endroit serait beaucoup moins vivant.
M. Roger Valley: Merci.
Je vois qu'il me reste du temps pour poser rapidement une autre question.
Monsieur le ministre, lors de votre exposé, j'ai été ravi de vous entendre dire qu'aucune Première nation ne sera forcée à participer. Nous savons tous que les choses évoluent. J'espère que nous tiendrons parole, car cela contribuera grandement à accroître la confiance des Premières nations.
L'hon. Andy Scott: Nous pouvons parler de notre évolution en tant que gouvernement dans le contexte du projet de loi C-20. Il existe d'autres problèmes liés à la collaboration et à la façon dont cette mesure législative a été proposée, mais je crois que le gouvernement du Canada détient sérieusement la responsabilité de réparer un grand nombre des torts qui ont été causés—si je puis m'exprimer ainsi.
L'une des façons d'évoluer est d'être très sérieux lorsque nous faisons des promesses. Les membres des Premières nations savent que, en tant que ministre des Affaires indiennes et du Nord, je rencontre des représentants d'organismes ou de collectivités des Premières nations ou de conseils tribaux pratiquement tous les jours et que je dois faire face quotidiennement à des problèmes très sérieux.
Mon premier réflexe serait de dire que je vais faire tout mon possible pour régler le problème. Mais en disant cela, la personne à qui je m'adresse peut parfois penser que cela signifie que le problème est réglé. Je dois faire très attention, car il arrive—et je crois que c'est avec les meilleures intentions—que les gens, par espoir, croient réellement que le problème sera réglé parce que la situation l'exige. Je crois que cela n'aide en rien la relation de trop faire valoir notre capacité de régler les choses. Si je n'ai pas confiance de parvenir à régler un problème, je ne vais pas assurer les gens que je vais le faire.
M. Roger Valley: Merci.
La présidente: Nous allons maintenant passer à notre deuxième ronde de questions. C'est M. Harrison qui va commencer. Allez-y.
M. Jeremy Harrison: Merci, madame la présidente.
Premièrement, j'aimerais dire que la plupart des membres du comité savent que la circonscription que je représente, celle de Desnethé—Missinippi—Rivière Churchill, qui couvre la moitié nord de la Saskatchewan, soit environ 58 p. 100 du territoire de la province, compte plus de 30 Premières nations et 108 réserves. Un grand nombre de ces Premières nations ne seraient pas en mesure de participer parce qu'elles n'atteignent pas le seuil prescrit. Je crois que certaines d'entre elles voudraient participer, mais elles ne peuvent pas.
Ma question a deux volets. Premièrement, j'aimerais savoir comment ces Premières nations pourraient devenir admissibles et s'il existe des dispositions pouvant aider les Premières nations à devenir admissibles lorsqu'elles souhaitent participer mais qu'elles n'atteignent pas le seuil prescrit. Deuxièmement, il existe une préoccupation—dont j'ai parlé lors de mon discours en Chambre à l'étape de la deuxième lecture—c'est-à-dire que nous sommes peut-être en train de créer des Premières nations pauvres et des Premières nations riches. Je crois que cela risque de se produire, et j'aimerais que vous en parliez, monsieur le ministre.
¿ (0945)
L'hon. Andy Scott: Je vais répondre d'abord à la deuxième question.
C'est toujours la même chose : pour régler un problème, il faut commencer par en reconnaître l'existence, même si cela peut être embarrassant pour les gouvernements de le faire. Il y a déjà actuellement des Premières nations « nanties » et d'autres « moins bien nanties ». Il faut donc que quelqu'un prenne une décision et c'est ce que nous faisons en tant que gouvernement.
Je suis du Canada atlantique, des provinces dont on dit régulièrement qu'elles ne sont pas « nanties ». On ne peut toutefois pas, dans un souci de renforcement des capacités, d'élargissement des possibilités et d'équité pour ma région, empêcher les autres parties du pays de continuer d'exploiter les perspectives différentes qui s'ouvrent devant elles.
Ce qui est bien avec l'initiative actuelle, c'est qu'elle ne se veut pas, comme je l'ai déjà dit, une solution unique à tous les problèmes. Nous devons offrir des possibilités aux Premières nations qui ont actuellement accès à ces mesures; nous devons en offrir également à celles qui n'y ont pas accès mais qui voudraient en profiter; et nous devons aussi offrir des possibilités aux Premières nations qui ne veulent pas s'en prévaloir; en toute équité et avec la même rigueur. Je crois que cela illustre bien toute la complexité de la question et l'ampleur du défi auquel notre pays est confronté.
M. Jeremy Harrison: Pour en revenir à la première partie de ma question, comment peut-on aider les Premières nations qui souhaitent participer mais qui ne satisfont pas à la norme?
Mme Brenda Kustra: Le Conseil de gestion financière des Premières nations peut aider toutes les Premières nations dans la gestion des dossiers financiers et dans l'amélioration de leur capacité législative et administrative en matière financière. Ces services sont accessibles à toutes les Premières nations, et pas seulement à celles qui choisissent d'élaborer leur législation fiscale en application du présent projet de loi.
En outre, d'autres organisations peuvent également offrir leur aide. Je pourrais vous citer notamment l'Aboriginal Financial Officers Association of Canada, un regroupement de conseillers financiers professionnels de tout le pays. De plus, cette association travaille auprès des communautés pour les aider à se doter de pratiques exemplaires en matière de gestion financière; contribue à l'élaboration de lois sur la gestion financière au sein des communautés; et collabore avec les instances locales pour accroître le niveau de—j'allais dire « développement », mais ce n'est pas vraiment le terme qui convient—transfert de compétences à la communauté de façon à ce qu'elle soit mieux en mesure d'aller de l'avant et de tirer parti des possibilités qui s'offrent à elle.
La présidente: Merci.
Monsieur St. Amand.
M. Lloyd St. Amand (Brant, Lib.): Merci, madame la présidente.
Il ne fait aucun doute, monsieur le ministre, que ce projet de loi soulève une certaine opposition—et ma question pourrait aussi s'adresser à vos collaborateurs. La situation est délicate : il est possible que nous ne puissions jamais en arriver à une entente à ce sujet, mais cela ne devrait pas nécessairement nous empêcher d'aller de l'avant.
Pour répondre aux opposants—certes des personnes de qualité—qui laissent entendre que ce projet de loi n'est qu'une nouvelle tentative du gouvernement fédéral pour imposer aux Premières nations une autre loi de type paternaliste du genre « laissez-nous nous en occuper »—et c'est ma façon de le dire, pas la leur—et pour répondre à ceux qui soutiennent que ce projet de loi n'est pas nécessaire, pouvez-vous nous dire d'où en vient l'idée de départ? Est-ce que vous, ou peut-être vos collaborateurs, pouvez me répondre à ce sujet?
¿ (0950)
L'hon. Andy Scott: L'initiative tire son origine d'une demande adressée au gouvernement du Canada par des leaders autochtones. Une grande partie du travail accompli dans ce dossier a été prise en charge par les Premières nations elles-mêmes. Je vais laisser ma place dans quelques minutes aux représentants des Premières nations qui ont proposé cette législation et qui vont répondre à vos questions; voilà qui vous en dit beaucoup au sujet de son origine.
En toute franchise, je ne voudrais absolument pas travailler sur un projet de loi si j'avais l'intime conviction qu'il perpétue l'approche paternaliste du gouvernement du Canada envers ses citoyens, et envers des membres des Premières nations dans le cas qui nous intéresse. Si j'avais l'impression que c'est ce que nous faisons ici, je renoncerais à ce travail.
Bien au contraire, je crois que nous adoptons maintenant une approche tout à fait nouvelle et j'y vois encore là un pas un peu hésitant dans la bonne direction. Je ne crois pas que l'on puisse affirmer que le gouvernement du Canada ne fait qu'exercer ici sa volonté, et certainement pas unilatéralement; je vois plutôt le gouvernement du Canada collaborer avec la communauté en prenant des mesures qui donnent suite aux souhaits exprimés par celle-ci. Cela n'empêche pas qu'il peut y avoir des discussions ou des débats quant à savoir si c'est la bonne façon de procéder, mais c'est exactement pour cette raison que nous sommes tous ici.
Je respecte vraiment les points de vue de ceux qui professent des opinions différentes. C'est dans cette optique que j'ai répondu ainsi à la question de M. Martin. Il est bien évident que ce qui se passera cette semaine influera sur ma vision de ce dossier. C'est comme ça que je fonctionne. Mais dans le cadre de ce processus, c'est le comité qui doit d'abord être mis à contribution.
Je regrette que certains laissent entendre que l'on doive, pour ce qui est des mesures à prendre dans les communautés des Premières nations, que l'on soit d'accord ou non, en arriver à un degré d'unanimité plus élevé que dans le cas des interventions du gouvernement dans son ensemble. Je le répète : nous siégeons au sein d'un gouvernement minoritaire, ce qui nous donne droit à une grande diversité de points de vue, mais il ne faut pas nous laisser paralyser par notre incapacité à faire l'unanimité.
M. Lloyd St. Amand: Monsieur le ministre, j'ai une question technique que j'adresse à vous-même ou à vos collaborateurs, via madame la présidente.
Est-ce que ce projet de loi, dans sa forme actuelle, obligera les communautés des Premières nations à entrer dans le monde de l'imposition foncière?
Mme Brenda Kustra: Aucune disposition du projet de loi n'oblige les Premières nations à lever des impôts, tout comme aucune clause de la Loi sur les Indiens ne contraint les Premières nations à le faire. C'est un choix qui s'offre aux responsables des Premières nations. Ils ont maintenant cette possibilité. S'ils décident de prélever des impôts, ils peuvent le faire, soit en application de la Loi sur les Indiens, soit dans le cadre du projet de loi C-20. Cependant, rien n'oblige les Premières nations à lever des impôts si elles ne décident pas effectivement de le faire.
La présidente: Merci beaucoup.
L'hon. Andy Scott: Le temps qui m'est alloué tire à sa fin, et je ne voudrais pas empiéter sur le temps de quelqu'un d'autre, mais j'aimerais soulever un tout dernier point—et j'estime qu'il est important d'apporter cette précision—en soulignant que non seulement personne n'est obligé, mais aussi que, si je faisais valoir tout à l'heure que nous devrons également offrir des possibilités à ceux qui sont actuellement capables de participer ainsi qu'à ceux qui aimeraient le faire, comme le suggérait M. Harrison dans sa question, je crois que nous devons respecter le choix de ceux qui décident de ne pas participer et nous assurer de leur offrir l'accès à toutes les possibilités dont ils souhaitent se prévaloir en conséquence de ce choix. Il s'agit simplement de respecter les décisions qui sont prises. J'estime que cela est extrêmement important, parce que je crois que certaines personnes ont l'impression que, au fil de l'avancement de cette initiative, les possibilités deviendront de plus en plus minces pour ceux qui ne s'en prévalent pas.
L'autodétermination, ça ne veut pas dire choisir d'agir de la façon dont nous le faisons; l'autodétermination, c'est la possibilité de choisir d'agir de la façon dont nous croyons que nous devrions agir, et il convient de soutenir tous les efforts en ce sens.
Merci beaucoup, madame la présidente.
¿ (0955)
La présidente: Nous avons le temps pour une dernière question, mais il faut qu'elle soit très brève, parce que nous devons nous assurer de laisser le temps aux autres témoins de se présenter à nous.
Monsieur Boulianne.
[Français]
M. Marc Boulianne (Mégantic—L'Érable, BQ): Merci, madame la présidente.
En introduction, vous avez parlé d'une petite communauté dans les Maritimes. J'ai vécu sur la Côte-Nord dans une communauté montagnaise, à Betsiamite. Vous avez raison, le projet de loi soulève beaucoup de problèmes que l'on vit quand on est là. Vous parlez de soutenir les initiatives. Je pense que c'est un premier pas, un début.
Je veux revenir à la question de mon collègue concernant l'aspect facultatif. Madame a répondu en partie à la question, en disant que l'imposition au niveau de la fiscalité foncière était facultative. N'y a-t-il pas, à ce moment-là, des conditions posées pour tenir compte du régime imposé par le projet de loi?
[Traduction]
Mme Brenda Kustra: Si une Première nation décide de se donner des lois en matière d'imposition foncière en application de ce projet de loi, elle aura des critères à respecter et des questions à régler par l'intermédiaire de la Commission de la fiscalité.
Ce projet de loi introduit un concept tout à fait nouveau, soit celui de la représentation des contribuables. À l'heure actuelle, les non-Autochtones qui paient des impôts dans une réserve n'ont droit a aucune représentation dans l'élaboration du régime fiscal local. Grâce à ce projet de loi, ils auront droit à une telle représentation par l'intermédiaire de la Commission de la fiscalité.
La présidente: Merci beaucoup.
Je peux encore vous laisser une minute pour conclure, après quoi nous nous préparerons à recevoir nos prochains témoins.
L'hon. Andy Scott: Je tiens à remercier à nouveau les membres du comité. J'estime que c'est la bonne façon de procéder dans un tel dossier et je veux vous rendre hommage pour le travail de délibération que vous avez accompli, ce qui facilite d'autant la tâche du Parlement.
Merci.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur le ministre.
Nous allons prendre une pause d'environ cinq minutes pour nous préparer à recevoir nos prochains témoins.
À (1000)
La présidente: Nous reprenons nos travaux.
Nous entendrons au cours de la prochaine heure notre deuxième groupe de témoins. Nous accueillons, de la Commission consultative de la fiscalité indienne, M. Manny Jules, porte-parole pour la Loi sur la gestion financière et statistique des Premières nations, et M. Strater Crowfoot, président; un représentant de l'Institut de statistique des Premières nations, M. Tom Bressette; Mme Deanna Hamilton, de l'Autorité financière des Premières nations; et M. Harold Calla, de la Commission consultative de gestion financière des Premières nations.
Nous avons pensé commencer ce matin avec M. Manny Jules et poursuivre à rebours avec les témoins figurant à l'ordre du jour. Nous disposons d'environ 55 minutes pour ce groupe de témoins, alors aussi bien commencer dès maintenant.
Je tiens d'abord à tous vous remercier pour être venus ce matin nous appuyer dans notre travail sur ce projet de loi. Je souhaite également la bienvenue à toutes les personnes qui assistent à l'audience.
Monsieur Manny Jules, nous vous écoutons.
À (1005)
M. Clarence (Manny) Jules (porte-parole, Loi sur la gestion financière et statistique des Premières nations, Commission consultative de la fiscalité indienne): Merci, Nancy.
C'est de chez moi que j'ai pu assister, le vendredi 19 novembre,au débat en première lecture sur le projet de loi C-20. Je tiens à tous vous remercier pour vos commentaires favorables et positifs.
Il faut que l'histoire canadienne retienne les noms de l'honorable Andy Scott de Fredericton, de Sue Barnes de London et de Jim Prentice de Calgary. Il faut qu'on se souvienne de Bernard Cleary, Pat Martin, Lloyd St. Amand, Jeremy Harrison, Marlene Jennings, André Bellavance et Carol Skelton.
Nous avons encore une tradition orale. Vos noms ne seront pas oubliés dans l'histoire des Secwepemc. Il est plutôt rare que nous ayons la chance de voir nos vies ou nos noms se retrouver sur la scène parlementaire. L'historique de ce projet de loi mérite d'être relaté. Les présidents qui m'accompagnent vous en diront davantage au sujet du rôle de leurs institutions respectives.
Il faut souligner le travail des artisans de cette réussite. Ce faisant, je risque d'oublier des gens et je les prie de m'en excuser. Toutes les contributions sont importantes. Comme le disait Ben Stein, les relations personnelles sont le terreau fertile essentiel à tous les progrès, à toutes les réussites et à toutes les réalisations de ce monde.
Je peux m'appuyer sur les épaules de véritables géants—mon père, Clarence Sr., et d'autres chefs Secwepemc. Mon père a été chef de notre communauté pendant les années 60 et au début des années 70. Il a contribué à l'établissement de notre parc industriel. Il m'a enseigné l'importance des investisseurs et des contribuables. Il m'a appris que la politique est l'art du possible.
Selon moi, la grande aventure de ce projet de loi a débuté en 1969, alors que toutes les communautés de la Colombie-Britannique, à l'exception de quatre, se sont rassemblées à Kamloops pour rejeter la politique assimilatrice proposée par le gouvernement fédéral. J'avais alors 17 ans et j'ai raté l'école pour participer à ce rassemblement. Des leaders comme Phillip Paul, Dennis Alphonse, mon père et d'autres ont pris la parole. Leur vision était nette. Nous voulions le rétablissement de nos nations. Nous voulions développer nos économies. Nous voulions générer des revenus. Nous voulions des gouvernements autonomes pour les Premières nations à l'intérieur du Canada.
J'ai été élu pour la première fois au sein du conseil de bande de Kamloops en 1974. J'étais à Chilliwack en 1975 lorsque nous avons refusé l'argent du gouvernement. À l'occasion de ce débat, Clarence Joe de la bande Sechelt a lancé un appel à la prudence. Il a fait valoir que nous n'étions pas prêts pour cela. Il avait tout à fait raison. Nous n'avions pas les institutions gouvernementales nécessaires pour offrir les différents services nécessaires à nos communautés. Nous n'avions pas la compétence voulue pour percevoir des revenus. Nous n'avions pas les infrastructures requises pour attirer des investissements.
Nous grimpons maintenant la montagne qui nous conduira à une solution à ce chapitre. Ce projet de loi C-20 dont vous faites l'étude représente pour nous un autre point d'ancrage essentiel dans cette abrupte ascension.
Pendant les années 1970, ma communauté était en conflit avec la province de la Colombie-Britannique et la ville de Kamloops relativement à l'imposition foncière. Notre chef à l'époque était Mary Leonard. Nous avons saisi les tribunaux de cette affaire. Nous avons été déboutés à tous les paliers. J'en suis alors arrivé à la conclusion qu'il nous fallait modifier la Loi sur les indiens pour pouvoir lever des impôts fonciers.
En décembre 1984, j'ai été élu chef par acclamation pour la première fois. En janvier 1985, j'ai écrit des lettres à toutes les communautés autochtones du Canada pour leur demander leur appui en faveur de modifications à la Loi sur les indiens. Nous avons reçu des lettres d'appui et des résolutions favorables de conseils de bande de 120 communautés de toutes les régions du pays.
Pendant trois années, nous nous sommes employés à faire changer l'article 83 de la Loi sur les indiens. Il a fallu compter sur le travail acharné de visionnaires comme Anabel Crop Eared Wolf et Leslie Pinder. Il a fallu compter sur le soutien constant des membres de mon conseil, surtout Clarence Jules Sr., Rick Jules, Fred Camille, Ricardo Seymour, Jesse Seymour et Russell Casimir.
Ainsi, avec l'aide de trois fonctionnaires dévoués—Garry Ladouceur, Hugh Ryan et John McKennirey—nous avons fait du projet de loi C-115 une réalité en 1988, de telle sorte que les Premières nations ont pu commencer à lever des impôts fonciers dans tout le Canada. Le projet de loi C-115 a obtenu le soutien de tous les partis. À l'époque, Jim Fulton, porte-parole du NPD pour les affaires indiennes; Nelson Riis, député néo-démocrate de Kamloops et Keith Penner, porte-parole du Parti libéral pour les affaires indiennes, ont eu le courage d'appuyer notre projet de loi. Celui-ci a été présenté par le ministre Bill McKnight et a reçu l'appui de tous les ministres qui lui ont succédé.
La Commission consultative de la fiscalité indienne (CCFI) a été créée en 1989. La CCFI avait pour but d'instaurer l'imposition foncière chez les Premières nations. J'en ai assumé la présidence jusqu'à l'an dernier. Ken Scopick a été mon efficace bras droit pendant toute cette période.
À l'origine, on retrouvait au sein du conseil de la CCFI Bill Montour, alors chef des Six-Nations; Myrtle Bush, de Kahnawake; et Oscar Lathlin, de Opasquayak, qui est maintenant ministre des Affaires autochtones et du Nord au Manitoba.
À (1010)
John Taylor, qui était ici aujourd'hui, a été un des premiers membres de la commission. Il est également un ex-sous-ministre des Affaires municipales de la Colombie-Britannique. Sans lui, sans le procureur général d'alors, Bud Smith, et tant d'autres, il n'y aurait pas en Colombie-Britannique de projet de loi C-64 établissant la compétence en matière d'impôt foncier.
Bien entendu, le problème n'était pas unique à la Colombie-Britannique. Au Québec, il a fallu adopter le projet de loi C-67 pour faciliter la mise en place de régimes d'imposition foncière des Premières nations dans cette province. Le travail de Robert Beaudry, de Ricky Fontaine et de Bruno Bonneville a été crucial à cet égard. Je suis fier de travailler avec deux de ces premiers membres de la commission et avec deux autres nommés depuis lors et qui comptent parmi mes meilleurs amis.
Il y avait, en 1988, un jeune homme si débordant d'énergie qu'il n'arrivait à demeurer en place. Aujourd'hui, je le connais en tant qu'homme d'un courage, d'une loyauté et d'une vision exceptionnels. Sans vision, un peuple meurt. Strater Crowfoot est l'homme tout indiqué pour assumer la direction de la Commission de la fiscalité des premières nations.
Je me souviens aussi d'un jeune artiste de Tobique, au Nouveau-Brunswick, devenu un homme d'affaires très respecté et qui représente la principale raison pour laquelle tant de Premières nations de la région atlantique appuient le projet de loi—je parle de David Baby Paul.
En 1995, un jeune et brillant analyste financier de Sept-Îles, au Québec, s'est joint à notre commission—Ricky Fontaine. Il est si important d'avoir un porte-parole capable de bien s'exprimer dans les deux langues officielles.
En 1997, un chef compétent à la voix douce de l'Ontario s'est joint à la Commission consultative de la fiscalité indienne, Bill McCue. Bientôt, sa collectivité, c'est-à-dire les Chippewas de Georgina Island, s'intégrera au giron de la famille des collectivités qui prélèvent un impôt foncier.
L'historique de la commission consultative incarne notre espoir à l'égard du projet de loi C-20. Nous croyions que le projet de loi C-115 et la commission consultative ne s'appliqueraient qu'à 15 ou 20 collectivités. Il existe actuellement 104 régimes de fiscalité foncière des premières nations au Canada.
Ces 104 collectivités expliquent la raison de notre présence ici aujourd'hui. Les instances fiscales des premières nations nous ont envoyé deux résolutions nous appuyant dans l'élaboration de cette mesure législative.
L'adoption du projet de loi C-115 a marqué un point d'ancrage pour nous. Il nous a permis d'offrir des services à nos contribuables. Il a aidé à attirer l'investissement. Dans ma collectivité, l'assiette de l'impôt foncier a augmenté de 250 p. 100 depuis que nous l'avons mise en place en 1990. Nous nous servons de la commission consultative pour favoriser de bonnes relations avec les contribuables; après tout, ce sont eux qui investissent pour aider à faire démarrer nos économies.
Richard Johnson, un autre des premiers membres de la commission, a aidé à former un partenariat avec l'Association canadienne des pipelines de ressources énergétiques. En 1999, Ken Marsh nous a aidés à établir des relations de travail avec l'Association canadienne de taxe foncière. Nous avons élaboré en collaboration avec le Canadien Pacifique Limitée un règlement de manière à pouvoir percevoir des taxes des chemins de fer. Brent Morrow et Paul Salembier ont fait un travail de premier plan à cet égard.
Nous avons formé un partenariat avec la Fédération des municipalités canadiennes en vue d'établir un centre de relations municipales autochtones en 1998. Nous avons travaillé avec les municipalités de tout le pays à mettre en place des régimes de fiscalité foncière des Premières nations et nous avons négocié des ententes de service. La commission consultative a beaucoup fait. Elle représente une institution modèle des Premières nations. Si elle n'avait pas connu de succès, il n'y aurait pas eu de projet de loi C-20. L'ébauche du projet de loi que vous avez devant vous date de 1998. C'est à ce moment-là que Deanna Hamilton et Tim Raybould ont visité la commission consultative pour proposer que nous travaillions ensemble à nos initiatives distinctes en vue de créer la Commission de la fiscalité des premières nations et l'Administration financière des premières nations.
À l'été de 1998, je travaillais avec Tom Bressette à créer le conseil de gestion financière de manière à ce que nous puissions améliorer nos normes de gestion financière. En 2001, le sommet des premières nations en Colombie-Britannique a commencé à promouvoir le Conseil de gestion financière.
Voilà qui explique trois des quatre institutions. Par contre, la gestation de l'institut de la statistique des première nations a été légèrement différente.
En 1990, Statistique Canada était à la recherche de moyens d'accroître la participation au recensement de 1991 en établissant des appareils statistiques régionaux des Premières nations. Sous la direction de feu Bob Manuel et avec l'appui de Wayne Haimila et d'Andre Le Dressay, nous avons mis sur pied le système d'information Secwepemc. Ce fut là le modèle qui inspira la création de l'Institut de la statistique des premières nations.
L'institut de la statistique a été commandité par l'Union of Ontario Indians en 2001. L'Assemblée des Premières nations a commencé à participer au processus officiellement en 1996, quand nous avons adopté la résolution portant le transfert financier. En 1998, nous avons établi la table nationale sur les relations fiscales. Elle était coordonnée par une femme forte et loyale, Doris Bear.
À (1015)
Grâce à la table nationale, la croissance de nos recettes a fait des bonds sous la direction d'Harold Calla. Sous la direction de Trenton Paul, nous avons progressé dans l'établissement d'un régime de transfert fondé sur une nouvelle formule. Et naturellement, nous avons fait des progrès sur le plan du développement de nos institutions.
Il importe de se rappeler que tout cela s'est fait avec l'appui de l'Assemblée des Premières nations—six résolutions d'appui, pour être plus précis. Trois chefs nationaux nous ont appuyés : George Erasmus, pour le projet de loi C-115, Phil Fontaine et Matthew Coon Come pour le projet de loi C-20. Nous avons aussi joui de fermes appuis de la part de l'ex-vice chef Satsan en C.-B. et de tant d'autres.
Février 2001 a marqué un jalon important. La rédaction de la loi à Kamloops s'est faite en quatre jours. Elle devint le modèle dont s'inspirerait le projet de loi C-20. Je tiens à mentionner Greg Richard, un membre distant de la famille de Maurice, pour son importante contribution à cette première ébauche.
En 2001, la loi a fait l'objet de discussions à l'assemblée générale annuelle de l'Assemblée des Premières nations. Le débat a duré sept heures. Ce fut un des débats les plus tendus et les plus animés que j'ai jamais vus.
L'annexe incluse dans le projet de loi C-20 nous permet d'aller de l'avant. Quand cette mesure sera adoptée, nos collectivités pourront financer l'infrastructure en émettant des titres et en exigeant des frais représentant le coût du développement. Elles auront l'information fiable dont elles et leurs éventuels investisseurs ont besoin. La gestion financière des gouvernements des Premières nations nous inspirera davantage confiance. Nos compétences et nos recettes sur le plan de l'impôt foncier des Premières nations seront assurées. Les contribuables recevront l'assurance par voie réglementaire d'obtenir des services de qualité à des prix équitables. Nous serons un peu plus près de notre but. Nous avons raison d'être fiers aujourd'hui. Les Premières nations du Canada ont aujourd'hui fait des progrès.
En guise de conclusion, mon fils Clarence m'a demandé il y a quelque temps, alors que nous nous promenions, la raison de son existence. La question peut surprendre, venant d'un garçon de 10 ans. Après y avoir réfléchi, je lui ai répondu que tout ce que nous pouvons faire, c'est d'essayer de rendre notre monde légèrement meilleur. Je vous laisse sur ces paroles et j'exhorte chaque membre du comité, chaque député et, par la suite, chaque sénateur à appuyer le projet de loi C-20.
Je vous remercie.
La présidente: Monsieur Jules, je vous remercie.
C'est maintenant au tour de Mme Deanna Hamilton, de l'Administration financière des premières nations.
Mme Deanna Hamilton (présidente et directrice générale, Autorité financière des Premières nations): Merci.
Way’Limlimpt.
Je me présente : Deanna Hamilton, de la Première nation de Westbank, située dans le centre-sud de la Colombie-Britannique. Je suis également PDG et présidente de l'Administration financière des premières nations. Je suis venue appuyer le projet de loi C-20, Loi sur la gestion financière et statistique des Premières nations, en tant qu'un des promoteurs du projet de loi.
Je suis accompagnée du chef Sophie Pierre de St. Mary's et du chef de la Première nation Tzeachten, Joe Hall. Tous deux font partie du conseil d'administration.
Le projet d'établir des institutions financières dirigé par les Premières nations est le reflet du désir d'avoir des institutions nationales qui leur sont propres pour soutenir les gouvernements des Premières nations. Il s'agit d'un effort concret des Premières nations pour améliorer les perspectives d'avenir de leurs collectivités. En stimulant la croissance économique sur nos réserves, nous cherchons à améliorer la qualité de vie de ces dernières.
Le changement n'est jamais facile. Un changement important s'est produit en 1990 lorsque certaines Premières nations ont commencé à percevoir des taxes foncières. Le système fonctionne bien. Peu de temps après avoir assumé la responsabilité de la taxation, un groupe parmi nous a décidé qu'il fallait trouver un moyen d'utiliser les nouvelles recettes fiscales, à la fois prévisibles et stables, pour financer des travaux publics comme la construction d'aqueducs et d'égouts dont ont besoin nos collectivités, mais que les communautés non autochtones tiennent pour acquis. En effet, il faut avoir une infrastructure de base si l'on veut développer son économie et lui permettre de croître.
Westbank a dirigé la première initiative de l'Administration financière des premières nations, c'est-à-dire de l'AFPN. À l'époque, nous construisions un système d'aqueducs. Nous avons suivi les travaux effectués par la collectivité non autochtone voisine de Kelowna qui construisait une infrastructure analogue, mais avec plus d'efficacité et de rentabilité. Nous étions aux prises avec des obstacles et des lacunes des lois qui nous empêchaient de financer publiquement nos projets. C'est alors que nous avons pris conscience que nous avions besoin d'avoir accès à du financement de la dette publique à long terme abordable, assorti d'un cadre réglementaire qui en assurerait le bon fonctionnement.
En règle générale, les Premières nations sont petites, diverses et sous-développées. Leur capacité administrative est limitée pour entreprendre des transactions financières complexes. Certains d'entre nous se sont vite rendu compte que, pour accéder au marché des obligations, il fallait se concerter. Nous avons pris conscience du fait qu'il n'était pas réaliste de croire que nous pouvions accéder au marché des obligations seuls. Si nous l'avions fait, le coût d'emprunt aurait été prohibitif. Westbank a donc accueilli deux conférences nationales, en 1992 et en 1993, en vue d'étudier nos options.
Plusieurs modèles ont été examinés. Celui que nous avons retenu était le Municipal Finance Authority de la Colombie-Britannique, autrement dit le MFA. Il nous plaisait non pas parce qu'il assimilait nos gouvernements à des municipalités, mais bien parce qu'il encourageait les petits gouvernements à travailler ensemble. Le MFA, qui a une bonne assise légale, rassemble tout le capital pour les gouvernements locaux en Colombie-Britannique. Il le fait avec une cote de crédit triple A. Grâce à des économies d'échelle, le MFA a réduit de façon importante le coût d'emprunt de ses membres et a facilité l'accès au capital. Actuellement, toutes les administrations municipales de la Colombie-Britannique, qu'elles soient urbaines, rurales, petites ou grandes, ont accès à un capital abordable et profitent d'une cote de crédit triple A.
Selon le modèle du MFA, les administrations locales garantissent l'emprunt des autres en donnant en gage les recettes qu'elles tirent des impôts fonciers. Le coût d'emprunt est le reflet de ce crédit collectif. L'approche « un pour tous et tous pour un » fonctionne. Il s'agit d'auto-assistance selon le principe d'un communautarisme viable.
L'AFPN a été constituée en société en 1995 en vue de développer une institution de financement national de la dette publique pour les Premières nations, selon le modèle du MFA, un organisme administré par les Premières nations où les avantages seraient partagés par les membres. Grâce à l'AFPN, les collectivités membres ont une économie interreliée, plus puissante et plus viable que celle des collectivités individuelles.
Pour créer le système d'emprunt, l'AFPN a demandé au Canada d'adopter une loi la constituant. C'est ce que fait le projet de loi C-20, un cadre réglementaire bien pensé et approprié qui rassure les gouvernements des Premières nations qui empruntent ensemble et donne aux acheteurs de nos obligations l'assurance qu'ils font un bon investissement.
Bien que l'AFPN s'inspire du MFA, le cadre législatif est bien sûr différent, puisque les Premières nations ne sont pas des municipalités et qu'elles ont des pouvoirs inhérents de législation. Le projet de loi C-20 a été rédigé en conséquence. Les quatre institutions créées sous le régime de cette loi verront ensemble au bon fonctionnement du système.
Les Premières nations qui décident de participer au processus d'emprunt de l'AFPN devront d'abord être certifiées par le Conseil de gestion financière des premières nations. Elles devront ensuite adopter un règlement d'emprunt qui est approuvé par la Commission de la fiscalité des premières nations. L'AFPN regroupera ensuite les règlements d'emprunt et émettra des obligations d'un montant suffisant pour répondre à tous les besoins des règlements d'emprunt individuels.
À (1020)
Afin de les aider à prendre des décisions éclairées, les investisseurs auront accès à de l'information sur les membres emprunteurs grâce à des rapports publiés par l'Institut de la statistique. Les obligations de l'AFPN ne seront pas garanties par des biens durables. Aucune terre n'est hypothéquée. C'est plutôt l'intégrité de l'impôt foncier qui supporte le crédit. Le Conseil de gestion financière des premières nations et la Commission de la fiscalité des premières nations verront à l'intégrité des systèmes de gestion des finances et de l'impôt foncier sur lesquels s'appuient les obligations de l'AFPN.
Des discussions qu'ils ont eu avec Moody's Investors Service, Standard & Poor's et RBC Dominion Securities, l'AFPN et le Canada sont convaincus que la structure proposée dans le projet de loi C-20 justifiera une bonne cote de crédit, probablement une cote de crédit A. Nous nous attendons que nos obligations seront achetées par des investisseurs institutionnels du Canada et de l'étranger; cependant, nous espérons que les particuliers qui souhaitent investir dans les collectivités des Premières nations pourront en acheter. Nos obligations ont suscité un intérêt international, car les investisseurs les perçoivent comme étant « éthiques ». Nous croyons que la demande excédera de loin l'offre.
À mesure que nous prendrons de l'expansion, nous croyons que les Canadiens s'habitueront à inclure des obligations de Premières nations dans leur portefeuille d'investissement, tout comme ils achètent des obligations fédérales, provinciales ou municipales. Ceux d'entre nous qui participent à cette initiative de financement espèrent sincèrement que le fait que nous créions nos propres solutions à des problèmes particuliers avec lesquels nous sommes aux prises prouveront qu'il existe des mesures que nous pouvons prendre pour redresser nos économies et améliorer la qualité de vie sur nos réserves.
Bien que les activités de l'AFPN fassent une nette différence dans l'infrastructure de base de nos collectivités, elles ne représentent bien sûr qu'une étape de notre développement. Bon nombre de nos collectivités vivent une situation désespérée. La perception d'impôts fonciers, le financement de la dette publique et le développement économique sont souvent très peu présents à l'esprit de nos peuples, souvent aux prises avec des taux de suicide inacceptables, une pauvreté épouvantable et des problèmes sociaux de la pire espèce.
Le projet de loi C-20 ne remplace pas la responsabilité collective du Canada à l'égard de toutes les Premières nations et le processus de rétablissement et de réconciliation national qui s'impose. L'AFPN ne remplace pas les engagements du fédéral à l'égard des infrastructures, qui représentent le besoin le plus criant de financement. L'infrastructure de soutien au développement économique n'est pas la même que l'infrastructure de base qui permet de sauver des vies.
L'établissement d'institutions nationales des Premières nations au moyen de lois fédérales n'est pas sans problème. Alors que l'AFPN relèvera d'un conseil d'administration élu des Premières nations, les nominations par le Canada des membres des trois autres institutions a suscité un débat. Comment les Premières nations assurent-elles une représentation au sein de ces institutions si c'est le gouverneur en conseil qui fait les nominations? Nous avons reçu du gouvernement l'assurance que ces institutions seront vraiment contrôlées par les Premières nations. Le point a beaucoup d'importance si l'on veut que ces institutions soient efficaces. Nous avons affirmé aux agences de notation qu'elles seront contrôlées par les Premières nations.
Avant de conclure ma déclaration, je vous invite à célébrer ce moment historique. Un très grand nombre de personnes y ont travaillé. Sans nos partenariats, il aurait été impossible d'y arriver. Il est très significatif que l'AFPN soit le premier gouvernement ou la première institution autochtone au monde à être cotée par une agence internationale de notation. Nous devrions tous en être très fiers.
Le Canada et les Premières nations prêchent l'exemple, en montrant le pouvoir de la coopération à mesure qu'évoluent nos collectivités, en leur redonnant la place qui leur revient dans la société canadienne. Le projet de loi C-20 marque un pas en avant, un pas que nous prenons tous ensemble.
Je vous remercie de m'avoir écoutée.
Way’Limlimpt.
À (1025)
La présidente: Deanna, je vous remercie beaucoup.
La personne suivante sur ma liste est M. Harold Calla. Si vous voulez bien faire votre déclaration, monsieur Calla.
M. Harold Calla (président, Conseiller, Squamish Nation, Commission consultative de gestion financière des Premières nations): Merci, madame la présidente. Je vous suis reconnaissant de m'avoir invité à venir témoigner aujourd'hui.
Je m'appelle Harold Calla et je suis un des conseillers de la nation Squamish. Je suis comptable de formation et je suis retourné chez moi il y a 18 ans environ en réaction à ce qu'on nous avait tous dit, soit d'aller s'instruire et de revenir travailler chez soi. Je l'ai finalement fait. Ce fut tout un choc pour moi de voir ce dont j'étais capable à l'extérieur et ce qu'on me disait que je ne pouvais faire, une fois assis à la table et identifié comme un Autochtone.
Voici un pas dans la bonne direction. Il est la réaction à beaucoup de circonstances dans lesquelles s'est trouvée la nation Squamish. Si la loi est adoptée, elle aidera les Premières nations à intégrer le giron économique canadien et à réaliser leur objectif, qui est d'abolir la pauvreté au sein de leur collectivité. Le moment est historique. Une fois tous les dix ans à peu près, l'occasion se présente d'apporter certains changements aux relations qu'entretiennent le Canada et les Premières nations.
La première chose que je tiens à dire, c'est que ce n'est pas une panacée. On a demandé au ministre comment on pouvait accroître la participation des Premières nations. D'abord, il faut investir dans le développement économique. Il faut que les crédits parlementaires reconnaissent la nécessité d'accroître l'investissement dans le développement économique, en vue de faire avancer les choses.
À l'étape de la rédaction du projet de loi à l'étude, il est devenu évident que les questions entourant la reddition de comptes et la transparence étaient au centre du débat public. Il est aussi devenu évident que les Premières nations avaient besoin de participer à ces travaux. Comme l'a dit le chef Tom Bressette : « Si nous ne le faisons pas, un autre s'en chargera. » Nous estimions qu'il importait de commencer à régler nos problèmes nous-mêmes.
Le Conseil de gestion financière des premières nations est né de ce principe. Comme je suis le seul comptable du groupe, j'ai été prié d'aider à l'établir. Si vous examinez le projet de loi, vous constaterez que le conseil de gestion financière est là avant tout pour offrir des services à la Commission de la fiscalité des premières nations et à l'Administration financière des premières nations.
La force du système que nous proposons repose sur la force de la loi et sur la capacité des Premières nations à trouver des solutions, dans le cadre législatif, à des problèmes particuliers. Nous avons besoin de cette loi parce les agences de notation avaient besoin, pour nous garantir des taux d'investissement, de savoir qu'il n'y avait pas de lien de dépendance avec le gouvernement, que celui-ci ne pouvait pas changer la politique comme bon lui semblait et affecter nos capacités.
Nous avions aussi besoin de la loi pour nous convaincre d'assumer les responsabilités conjointes et individuelles de ces obligations que nous émettons, qu'il existe des mécanismes appropriés en place pour rassurer nos collectivités. En fin de compte, je suis Squamish. Je participe peut-être à cette initiative de soutien au développement des institutions, mais en bout de ligne, je suis membre et conseiller de la nation Squamish. Nous voyons d'incroyables avantages à agir ainsi. Nous avons toujours été animés du principe qu'il ne faut jamais compromettre l'intérêt de la Première nation.
Le conseil de gestion financière a pour rôle de fournir du soutien d'ordre technique aux deux autres institutions, d'attester leur santé financière, d'examiner les codes financiers et, au besoin, d'intervenir en cas d'éventuels défauts de paiement. Nous ne nous attendons pas que cela se produise parce que, en 40 ans d'existence, ce n'est jamais arrivé au Municipal Finance Authority de la Colombie-Britannique. Nous nous en sommes servis comme tremplin, et nous fonctionnerons de manière à ne jamais être obligés de prendre ces mesures draconiennes.
À mesure que nos travaux avanceront et que nous verrons comment nous allons réagir aux besoins des collectivités des Premières nations, il faudra voir à établir cet aspect de la relation que sont la reddition de comptes et la transparence. Il est inconcevable qu'elles soient la raison pour laquelle on cesse de vouloir investir dans des collectivités des Premières nations et abolir la pauvreté. Ce sont là d'habiles diversions, et il faudra y voir. Je crois que nous sommes capables de fixer les normes. Comme vous pouvez le voir dans le projet de loi, nous travaillerons en étroite collaboration avec l'Aboriginal Financial Officers Association, dont je suis membre, en vue d'appuyer l'acquisition par les Premières nations de la capacité de gérer leurs finances.
À (1030)
Si vous voulez participer au développement de votre économie, vous devez être en mesure de gérer vos finances et de prouver à vos partenaires futurs que vous en avez la capacité. Le temps est venu d'établir ces relations; nous travaillons en étroite collaboration avec l'AFOA, l'association des agents financiers autochtones, pour nous assurer qu'il n'y a pas de chevauchement dans les efforts que nous déployons et que les mesures visant le développement des capacités requis dans les communautés des Premières nations seront prises. Mais cela prend du temps.
Le développement des capacités dans les communautés des Premières nations ne se fait pas du jour au lendemain. Il y a 17 ans—ou plutôt 18 ans, pour être exact—, j'ai été le premier professionnel à revenir dans ma communauté pour y travailler. Nous avons maintenant quatre membres de la communauté qui ont obtenu leur accréditation à une association de comptables professionnels, mais ce fut un processus étalé sur 10 ans. Nous savons donc, qu'avec le temps, nous pourrons développer cette capacité au sein des communautés des Premières nations. Nous devons être en mesure d'offrir des occasions d'emploi à ceux que nous formons et c'est en favorisant le développement économique de nos communautés que nous pourrons leur donner la possibilité de décrocher un emploi et de continuer à contribuer à l'essor de leurs communautés.
Pour terminer, je crois que le Conseil de gestion financière des Premières nations permettra d'offrir un soutien inestimable aux autres institutions et aux Premières nations qui auront choisi d'y adhérer. Je me rappelle la première fois que je suis revenu chez moi; un jour, après un mois environ, j'ai fermé la porte de mon bureau, je me suis assis et me suis demandé si j'étais le seul au monde à vivre de telles difficultés. J'étais accablé. Aujourd'hui, je vois l'occasion pour toutes les Premières nations de partager leurs pratiques exemplaires et de développer leurs capacités grâce à l'AFOA et à la présente mesure législative.
Il y a actuellement des gens qui ne veulent pas adhérer à cette loi, et je respecte leur décision. J'espère qu'en retour ils respecteront celle de ceux qui décideront d'aller de l'avant avec ce projet. On me rappelle toujours que nous devons nous positionner de façon à avoir accès à ces outils et à saisir les occasions de développement économique qui s'offrent à nous. Il ne faut pas attendre qu'une occasion se pointe pour essayer de mettre en place les cadres institutionnels requis. La présente mesure législative est donc un pas dans la bonne direction. Elle est habilitante et permettra aux communautés d'y adhérer lorsqu'elles se sentiront prêtes à le faire.
Merci, madame la présidente.
La présidente: Merci, monsieur Calla.
Puisque nous ne disposons pas de beaucoup de temps, je vais tenter de faire respecter la consigne des cinq minutes par exposé; nous aurons ensuite une brève période de questions car un autre comité doit siéger ici à 11 heures.
Nous entendrons maintenant M. Tom Bressette, de l'Institution de la statistique des Premières nations.
À (1035)
Le chef Tom Bressette (président intérimaire, Groupe consultatif, Chippewas of Kettle, & Stony Point, Institut de statistique des Premières nations): Merci, madame la présidente.
Bonjour, je suis le chef Tom Bressette des Chippewas de Kettle et Stony Point. Je suis également président intérimaire du Comité consultatif de l'Institut de la statistique des Premières nations. Je vous remercie de m'avoir invité à prendre la parole devant vous aujourd'hui au sujet du projet de loi C-20.
L'été dernier, j'ai été réélu chef des Chippewas de Kettle et Stony Point, dans le Sud de l'Ontario. Je travaille au sein d'administrations des Premières nations depuis près de 20 ans. Pendant cette période, j'ai participé à un grand nombre d'activités de planification communautaire, et il est clair que nous ne disposons pas de suffisamment d'information pour être en mesure d'effectuer une planification efficace.
Nos données de base sont recueillies par l'entremise du Recensement de Statistique Canada. Nous préparons pour le gouvernement fédéral des rapports administratifs visant à appuyer le processus de transfert fiscal. Toutefois nous n'avons pas de données précises sur d'autres secteurs clés, données qui sont essentielles à l'édification de communautés solides. Nous n'avons pas non plus l'information nécessaire pour appuyer le développement économique et promouvoir l'investissement.
Les investisseurs et les entrepreneurs éventuels s'attendent à obtenir facilement de l'information sur les communautés. La capacité d'une communauté de se vendre est compromise par le fait qu'il n'existe pas de données précises à son sujet. L'Institut de la statistique des Premières nations comblera ces lacunes. Cet organisme de service pour les Premières nations mettra l'accent sur l'analyse et l'interprétation de statistiques et, surtout, il dotera les Premières nations de meilleurs outils pour établir des statistiques. Il améliorera aussi la qualité de ces données.
De meilleures données sur les Premières nations serviront les intérêts de ces dernières. Elles seront utiles aux décideurs et aux recherchistes de tous les gouvernements. Elles profiteront au public et aux investisseurs éventuels dans les terres des Premières nations.
L'Institut de la statistique des Premières nations appuiera les autres institutions visées par le projet de loi C-20. Il travaillera en collaboration avec les Premières nations et la Commission de la fiscalité afin d'établir des statistiques qui appuient le régime d'impôt foncier des Premières nations. Il travaillera aussi en collaboration avec l'Administration financière des Premières nations, la Commission de la fiscalité des Premières nations et les Premières nations elles-mêmes afin de produire des données fiables et à jour qui appuient une solide cote de crédit. L'Institut collaborera avec diverses institutions, dont celles des Premières nations, afin d'attirer des investisseurs éventuels. Il aidera aussi les Premières nations à déterminer les types d'investissements qu'elles sont le plus susceptibles d'attirer. L'Institut travaillera de concert avec les Premières nations afin de leur apprendre à mieux connaître et utiliser les statistiques.
L'Institut contribuera à la coordination de la collecte de données administratives sur les Premières nations. En 2002, la vérificatrice générale a déterminé que les exigences imposées aux Premières nations en matière de collecte de données et d'établissement de rapports constituait un lourd fardeau administratif. Les statistiques sur les Premières nations sont de piètre qualité. L'Institut travaillera en collaboration avec Statistique Canada et les Premières nations afin d'améliorer la qualité, la pertinence et l'opportunité des renseignements. Ce sont là les lacunes que comblera l'Institut. Aucun organisme de statistique ne le fait actuellement.
L'Institut de la statistique des Premières nations offrira les mêmes services que ceux fournis actuellement par les organismes de statistiques provinciaux et territoriaux. Ces organismes se tournent vers Statistique Canada et d'autres sources publiques pour appuyer le système de transfert national. Ils utilisent l'information obtenue pour servir leurs intérêts dans le cadre de négociations commerciales et fédérales-provinciales. Ils se servent de ces données pour s'assurer que leurs collectivités disposent de l'information nécessaire pour attirer les investisseurs. La création de l'Institut permettra de donner aux Premières nations les mêmes occasions.
L'Institut de la statistique des Premières nations aura un rôle à jouer. Il contribuera à bâtir de solides communautés autochtones grâce à une planification judicieuse et au développement économique. Il contribuera à renforcer la capacité des Premières nations en matière d'établissement de statistiques. Il travaillera en collaboration avec Statistique Canada à l'amélioration des données sur les Premières nations. Bref, il sera une infrastructure essentielle pour les Premières nations.
En terminant, je tiens à remercier tous les partis pour leur appui au projet de loi.
Chi-miigwetch
À (1040)
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Bressette.
Nous allons maintenant entendre notre dernier témoin, M. Strater Crowfoot, président de la Commission consultative de la fiscalité indienne.
Monsieur Crowfoot.
M. Strater Crowfoot (président du conseil, Commission consultative de la fiscalité indienne): Merci.
Mon arrière-grand-père, le chef Crowfoot, a signé le Traité no 7 au nom de tous les Blackfoot du territoire que l'on appelle l'Alberta. Le jour de la signature du traité, il a dit : « Je dois parler au nom des membres de mon peuple, qui sont nombreux, et qui se fient à moi pour suivre le chemin qui assurera leur bien-être futur ».
Aujourd'hui, nous avons fait le premier grand pas sur le chemin qui mènera à notre bien-être. J'aimerais remercier tous les députés ainsi que leur parti d'avoir appuyé ce projet de loi. C'est un grand jour pour les Premières Nations. Nous pourrons cheminer maintenant sur la route qui mène à notre bien-être.
C'est également un grand jour pour la population canadienne car nous confirmons aujourd'hui un principe très important, c'est-à-dire que ce ne sont pas les gouvernements qui façonnent le peuple mais bien le contraire. Ce principe est comme notre compas moral, bien qu'on semble parfois l'oublier. Ce projet de loi, toutefois, illustre qu'en bout de ligne, et ce peu importe la situation, nous revenons toujours à ce principe. En le respectant, nous nous assurons de toujours demeurer sur la voie qui assurera notre bien-être.
Mon mandat, en tant que président de la CCFI, est d'aider les Premières nations à atteindre le même niveau de qualité de vie dont jouit le restant de la population canadienne. Cela signifie que je dois aider les Premières nations à accéder aux avantages d'une union économique. La CCFI illustre que la promotion des intérêts des Premières nations à l'égard du développement économique et la protection des intérêts des habitants et des investisseurs dans les terres des Premières nations visent le même objectif. Ces intérêts sont en harmonie car en bout de ligne, ce sont les investisseurs, autochtones ou non, qui influent sur la prospérité des Premières nations. Les programmes gouvernementaux ne bâtissent pas l'économie et ne créent pas d'emplois ni de richesses; c'est plutôt les investisseurs privés qui le font. Cependant, ces investisseurs doivent être sûrs qu'ils seront traités équitablement, sinon ils n'investiront pas. Il n'y a pas d'investissement sans confiance; sans investissement, la pauvreté s'accroît.
Ce que doivent comprendre les Premières nations, c'est que nous pouvons inspirer davantage la confiance collectivement qu'individuellement car tout événement au sein d'une Première nation influe sur la confiance des investisseurs à l'égard de toutes les Premières nations. Cette mesure législative donne aux Premières nations les moyens de promouvoir et de protéger cet intérêt collectif.
Dans cette optique, j'aimerais parler brièvement de la philosophie qui orientera la Commission de la fiscalité des Premières nations. D'abord, nous savons que nos nombreux membres sont différents et que beaucoup ont des biens précieux, comme des sites et des ressources naturelles. Toutefois, notre bien le plus important est notre réputation. Nos communautés sont-elles de bons endroits pour faire des affaires et y vivre? Si nous avons une bonne réputation, nous pourrons prospérer.
La Commission de la fiscalité des Premières nations se doit de rehausser et de protéger cette réputation en s'assurant que les administrateurs du régime fiscal des Premières nations seront aussi bons que leurs collègues ailleurs au pays. Nous travaillerons de concert avec nos membres pour nous assurer qu'ils comprennent que tout geste touchant la réputation d'un des membres a des conséquences sur nous tous. Nous exigerons du gouvernement qu'il respecte son engagement de nous traiter comme toutes les autres administrations au Canada et de ne pas utiliser nos recettes locales pour compenser les transferts. Nous travaillerons avec nos membres pour nous assurer que tous savent que les recettes fiscales ne sont pas une fin en soi, mais bien un moyen de parvenir à nos fins. Nous serons guidés par un objectif très simple : offrir des services de qualité à un prix raisonnable.
Comment allons-nous mesurer notre réussite? C'est très simple. Lorsque nous constaterons que les gens, autochtones ou non, se sentent autant à l'aise, sinon plus, d'investir sur les terres des Premières nations qu'ailleurs, nous aurons tous réussi.
Merci.
La présidente: Merci, monsieur Crowfoot.
Nous aurons une très brève période de questions pour que tous les partis puissent poser au moins une question. Je vous demande donc d'être très concis pour que nous respections l'horaire.
Monsieur Harrison, allez-y.
M. Jeremy Harrison: Merci, madame la présidente.
Au nom de tous les membres du comité, je vous remercie énormément de votre présence aujourd'hui. Nous avons beaucoup aimé vos exposés qui ont été très bien préparés.
Pour ma part, je vous félicite de votre courage et prévoyance. Je sais que le chemin n'a pas été facile. Vous avez travaillé énormément à ce projet, et pour cela, je vous lève mon chapeau.
Je n'ai pas vraiment beaucoup de questions à vous poser, mais il y en a une en particulier à laquelle j'aimerais que vous répondiez. Nous savons que le projet de loi a déjà été présenté au Parlement; le fait qu'il soit mort au Feuilleton a dû être très frustrant. Pour ce qui est de ma question, j'aimerais savoir quels sont les changements qui ont été apportés aux différentes versions du projet de loi et en quoi diffère le projet de loi actuel de ceux qui l'ont précédé?
À (1045)
La présidente: Monsieur Jules.
M. Clarence (Manny) Jules: D'abord, je tiens à dire que ce processus s'inscrit en dehors de celui de l'APN; on ne peut donc pas s'appuyer sur des résolutions de l'APN en ce qui a trait à cette mesure législative.
Fondamentalement, la différence entre le présent projet de loi et les projets de loi C-19 et C-23, c'est l'ajout d'une disposition de non-dérogation. Cette disposition a été soulevée lors des discussions sur ces mesures législatives. Je crois que le projet de loi actuel conserve aussi l'article 83 de la Loi sur les Indiens, ce qui permettra réellement aux collectivités de décider si elles veulent participer ou non.
Je crois que ce sont les deux principales différences entre le projet de loi actuel et les versions antérieures. Aussi, je pense que l'annexe ou la liste est absolument essentielle.
La présidente: Merci.
Monsieur Bellavance.
[Français]
M. André Bellavance: Merci beaucoup de votre présence. Évidemment, je ne veux rien enlever au ministre, mais vous êtes les initiateurs de ce projet de loi. Il était donc très important pour le comité de vous entendre aujourd'hui. Il nous fait grand plaisir de vous recevoir.
J'ai une interrogation par rapport au préambule du projet de loi C-20, qui est essentiellement le même que celui qui se trouvait dans l'ancien projet de loi C-19. On croit comprendre que le projet de loi ne définit pas la nature et l'étendue de tout droit à l'autonomie gouvernementale. Je me demande si on ne tend pas encore à vouloir municipaliser tout ce qui a trait aux gouvernements des premières nations, dans ce genre de préambule. Dans le projet de loi C-23, on parlait d'une délégation du pouvoir d'imposition, alors que le but recherché, en réalité, est une plus grande autonomie financière.
Partagez-vous cette inquiétude? Sinon, pourquoi êtes-vous rassuré par le préambule du projet de loi C-20?
[Traduction]
M. Clarence (Manny) Jules: Nous nous sentons plus à l'aise avec le préambule parce que nous avons participé à sa rédaction et qu'il répond à certaines des demandes faites dans le passé.
En vérité, il reflète les espoirs et aspirations de nos communautés. J'ai beaucoup confiance en cette mesure législative car elle répond directement aux besoins de nos communautés. Comme je l'ai mentionné dans mon exposé, c'est un projet auquel nous avons tous travaillé pendant de nombreuses années. Nous avons participé activement au développement économique de chacune des communautés représentées ici, et à tout ce qui s'y rattache, et ce depuis plus de 40 ans dans certains cas.
Je suis donc très à l'aise avec la mesure législative telle qu'elle est présentée et je suis certain qu'elle reflète les espoirs et aspirations de nos communautés.
La présidente: Monsieur Crowfoot, avez-vous quelque chose à ajouter brièvement?
M. Strater Crowfoot: Je pense que ce projet de loi accomplit quelque chose d'important. Il reconnaît et établit les pouvoirs des Premières nations en matière de fiscalité. Cela distingue les gouvernements des Premières nations des autres administrations. C'est notre domaine de compétence, et nous le développerons de façon à ce qu'il soit égal, sinon supérieur, à celui de nos homologues. Le projet de loi reconnaît nos droits en tant que gouvernements autochtones. Il ne nous soumet pas à l'autre système, mais nous permet plutôt d'en établir un qui nous soit propre et d'exercer nos pouvoirs pour que nous puissions aller de l'avant.
Merci.
La présidente: Merci, monsieur Bellavance.
Monsieur Martin.
M. Pat Martin: Merci, madame la présidente.
Avant tout, j'aimerais dire que je partage le point de vue du ministre et le vôtre quant à savoir que le manque d'unanimité ne devrait pas être une raison d'empêcher certains groupes d'aller de l'avant, simplement parce que vous n'avez pas le consentement unanime de l'Assemblée des Premières Nations ou d'autres dirigeants.
Cela dit, vous conviendrez qu'il est rare qu'un comité n'entende que le ministre et les groupes en faveur d'une question, mais pas les personnes qui pourraient être contre. Je comprends que ce n'est pas de votre faute et que c'est le comité permanent qui a décidé de limiter le nombre de témoins. En guise de respect aux personnes qui ne partagent pas votre opinion et qui ne pourront pas être entendues, comment percevez-vous les préoccupations et critiques légitimes de ces groupes qui craignent que le recours aux recettes autonomes soit une façon pour le gouvernement fédéral d'éviter d'honorer ses obligations financières à l'égard des communautés ou de les limiter, et que ce soit le début de l'érosion de l'immunité fiscale générale et du transfert, lent et graduel, aux communautés du fardeau financier futur des programmes socioéconomiques ?
À (1050)
La présidente: C'est maintenant au tour de M. Calla, qui sera suivi de M. Crowfoot.
M. Harold Calla: Merci, monsieur Martin.
Je vous répondrai, en partie, que c'est votre travail, c'est le travail des parlementaires de veiller à ce que cela n'arrive pas, car c'est à vous que nous nous adresserons en premier. Ce n'est pas notre objectif ni celui visé par cette initiative que de voir l'obligation de représentant diminuée.
Mais il y a des limites à ce que nous pouvons faire; nous sommes liés par la Loi sur les Indiens. En fait, un de mes souhaits serait que chacun de vous soit assujetti à la Loi sur les Indiens pendant un trimestre pour voir quelles décisions vous pourriez et ne pourriez pas prendre.
Imaginons que, suite aux actions de ce gouvernement minoritaire, vous réussissiez à garantir une répartition plus appropriée de la richesse dans ce pays au profit des Premières nations. Qu'arriverait-il? J'aimerais le savoir car je crois que cela permettrait de répondre à quelques-unes des questions que vous avez soulevées par le passé.
Mais je m'attends pleinement à ce que ce soient les députés de cette Chambre qui fassent en sorte que cela n'arrive pas car c'est leur devoir.
Merci, madame la présidente.
M. Pat Martin: C'est une bonne réponse.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Calla.
Monsieur Crowfoot, je vous en prie.
M. Strater Crowfoot: Merci.
Pour ce qui est de votre dernière question, monsieur Martin, il n'y a aucune garantie, advenant le fait que ce projet de loi soit adopté, que nous obtenions du financement du MAINC. C'est ce qui se produit actuellement. Regardez ce qui s'est passé au cours des dernières années. Il y a eu une diminution des paiements de transferts fédéraux aux Premières nations, et celles qui tirent des revenus du pétrole et du gaz ou encore de la pêche et des droits de coupe, ont subi une baisse. Il n'y a donc aucune garantie du MAINC ou du gouvernement que les paiements de transferts continueront de se faire comme avant. Toutefois, comme l'a dit Harold, nous veillerons à ce que nos droits de transfert soient respectés, tout comme les obligations fiduciaires du gouvernement fédéral.
Quant à savoir si ce projet de loi suscite de l'opposition, bien sûr que oui, cette mesure législative à ses détracteurs, mais nul ne sera tenu de la respecter si elle est adoptée. Ce sera facultatif. Ceux à qui cela ne convient pas pourront s'en soustraire. Ce projet de loi est là pour ceux qui en veulent et qui souhaitent aller de l'avant. La Loi sur les Indiens existe depuis environ 124 ans et, à vrai dire, elle ne nous a fait aucun bien. Cela nous change donc des habitudes prises avec la Loi sur les Indiens et nous aidera à bâtir l'avenir des communautés autochtones.
Merci.
La présidente: Je cède maintenant la parole à Deanna Hamilton qui va clore la discussion sur le sujet. Cela me permettra de laisser quelqu'un d'autre poser encore une question.
Merci.
Mme Deanna Hamilton: Monsieur Martin, nous avions prévu de telles conséquences, c'est la raison pour laquelle la mesure législative établit une séparation entre les revenus des gouvernements autochtones et les recettes fiscales par rapport aux anciennes sources de revenus, de manière à les traiter séparément.
La présidente: Merci.
Madame Barnes, je vous en prie.
L'hon. Sue Barnes (London-Ouest, Lib.): Je vous remercie beaucoup et je vous félicite tous.
Hier, j'ai rencontré brièvement le chef régional de l'Ontario, d'où je viens, et je sais que le chef Bressette est également originaire de cette province. Actuellement, madame la présidente, 102 Premières nations ont un régime d'imposition au Canada, dont 11 en Ontario, et il se peut qu'elles veuillent toutes participer à cette initiative. Ce sera à elles de choisir.
À mon humble avis, l'appui à ce projet de loi peut être comparé à l'intérêt des Autochtones envers la Loi sur la gestion des terres des Premières nations, à laquelle ont adhéré seulement 14 bandes en 1996 et à laquelle souscrivent aujourd'hui 44 bandes. À ma connaissance, il existe une liste de 20 ou 30 Premières nations qui attendent de participer. Ainsi, le fait que tout le monde ne soit pas prêt ou désireux d'aller de l'avant n'est pas nouveau. C'est la réalité. Peu importe que vous soyez Autochtone ou pas.
Le comité avait pris la décision unanime d'entendre ces témoins. Ce n'est pas moi qui ai insisté. Et je tiens à dire très clairement que lorsque j'ai entendu le chef régional de l'Ontario manifester son opposition, je me suis fait un devoir de le faire savoir immédiatement à tous les porte-parole à la Chambre, et c'est là que nous en sommes encore aujourd'hui.
C'est très difficile quand une minorité est prête et que peut-être la majorité... Et nous savons qu'il y a 600 Premières nations; ce n'est pas un problème unique à ma province, l'Ontario. Je sais qu'au Québec—et le porte-parole du Bloc en a fait état dans ses premières déclarations à la Chambre—, certains avaient exprimé leur désaccord, tout comme dans d'autres provinces.
Ce Parlement a une responsabilité, et il se peut que certains veuillent interpréter cette responsabilité, à tort ou à raison, et pensent que nous n'en faisons pas assez au chapitre des consultations. Le fait est qu'il y a un gouvernement minoritaire dont nous ne pouvons prédire la durée de vie, et qu'il ne reste qu'une semaine avant que ce Parlement n'ajourne ses travaux, et n'oublions pas qu'il y a aussi le Sénat. Je ne dis donc pas que nous faisons les choses parfaitement, même si c'est vraiment ce que j'aimerais.
J'ai été présidente de comité, et je me suis retrouvée face au même type de décisions que notre présidente lorsqu'on lui a demandé si plus de témoins pouvaient comparaître ou tout au moins si on pouvait entendre un témoin de plus. Il ne faut pas oublier qu'il est toujours possible d'envoyer des documents à ce comité. Il est tout à fait concevable que ce comité change d'avis. Mais dans nos partis, nous appuyons tous publiquement ceci parce que nous estimons que l'ensemble des problèmes énoncés touchaient réellement les Premières nations et qu'ils ont été corrigés grâce à ces changements. Nous pouvons même proposer d'autres amendements pour séparer davantage ces points, comme on le faisait pour distinguer les différents éléments d'un tout.
Individuellement, nous prendrons nos décisions, mais collectivement, nous avons été unanimes jusqu'à présent, et rien ni personne ne m'a prouvé le contraire. Mais je ne peux parler que pour moi-même, et j'ai envie de vous souhaiter bonne chance. Je souhaite également bonne chance à toutes les Premières nations qui ne se sentent pas encore prêtes à participer, et j'espère qu'elles se prévaudront un jour de ces dispositions. L'Institut de la statistique des Premières nations est là pour tous et touchera tout le monde, mais il y a d'autres éléments, dans ce projet de loi, concernant l'administration financière, auxquels tout le monde n'a pas besoin d'adhérer—les regroupements d'emprunts de capitaux—pour en profiter.
Félicitations à vous tous. Je sais que le temps qui nous était imparti est écoulé et qu'un autre comité attend. Pour une fois, je tiens à vous dire que je vous admire dans les responsabilités que vous avez prises.
Merci.
À (1055)
La présidente: Je vous remercie beaucoup et je regrette de ne pas vous avoir laissé le temps de conclure.
J'apprécie la coopération de tout le monde et je tiens à remercier tous les témoins. Je remercie plus particulièrement M. Elijah Harper de sa présence parmi nous ce matin et d'avoir suivi nos délibérations. Nous avons été très heureux de vous recevoir.
Je vous rappelle que la date limite pour le dépôt d'amendements à ce projet de loi est demain, mercredi 8 décembre, à 15 heures. Nous aurons une autre rencontre jeudi à 9 heures pour, espérons-le, procéder à un examen article par article de la mesure législative.
Je vous remercie tous d'être venus ce matin. Un autre comité doit siéger; essayons de ne pas nous éterniser.
Je vous invite à assister à une présentation spéciale de la Mushuau Innu First Nation, intitulée Surviving Canada, ce soir à 18 heures, dans la salle 200 de l'édifice de l'Ouest. C'est un documentaire proposé par le sénateur Bill Rompkey.
Je vous remercie infiniment.
La séance est levée.