AANO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 22 février 2005
Á | 1105 |
La présidente (Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.)) |
L'hon. Anne McLellan (ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile) |
Á | 1110 |
Á | 1115 |
Á | 1120 |
La présidente |
M. Jim Prentice (Calgary-Centre-Nord, PCC) |
L'hon. Anne McLellan |
Á | 1125 |
M. Jim Prentice |
L'hon. Anne McLellan |
Á | 1130 |
M. Jim Prentice |
L'hon. Anne McLellan |
M. Jim Prentice |
L'hon. Anne McLellan |
M. Jim Prentice |
L'hon. Anne McLellan |
M. Jim Prentice |
L'hon. Anne McLellan |
M. Jim Prentice |
L'hon. Anne McLellan |
M. Jim Prentice |
L'hon. Anne McLellan |
M. Jim Prentice |
L'hon. Anne McLellan |
M. Jim Prentice |
L'hon. Anne McLellan |
M. Jim Prentice |
L'hon. Anne McLellan |
M. Jim Prentice |
L'hon. Anne McLellan |
M. Jim Prentice |
L'hon. Anne McLellan |
M. Jim Prentice |
L'hon. Anne McLellan |
M. Mario Dion (sous-ministre, Bureau du Canada sur le règlement des questions des pensionnats autochtones) |
L'hon. Anne McLellan |
M. Mario Dion |
Á | 1135 |
La présidente |
M. Bernard Cleary (Louis-Saint-Laurent, BQ) |
L'hon. Anne McLellan |
Á | 1140 |
La présidente |
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD) |
Á | 1145 |
L'hon. Anne McLellan |
M. Pat Martin |
La présidente |
L'hon. Anne McLellan |
L'hon. Anne McLellan |
M. Pat Martin |
M. Pat Martin |
L'hon. Anne McLellan |
M. Mario Dion |
M. Pat Martin |
L'hon. Anne McLellan |
Á | 1150 |
M. Pat Martin |
L'hon. Anne McLellan |
M. Pat Martin |
L'hon. Anne McLellan |
M. Pat Martin |
L'hon. Anne McLellan |
La présidente |
M. Lloyd St. Amand (Brant, Lib.) |
L'hon. Anne McLellan |
M. Mario Dion |
L'hon. Anne McLellan |
M. Lloyd St. Amand |
L'hon. Anne McLellan |
M. Lloyd St. Amand |
L'hon. Anne McLellan |
M. Lloyd St. Amand |
L'hon. Anne McLellan |
M. Lloyd St. Amand |
Á | 1155 |
M. Roger Valley (Kenora, Lib.) |
L'hon. Anne McLellan |
M. Roger Valley |
L'hon. Anne McLellan |
M. Mario Dion |
La présidente |
L'hon. Anne McLellan |
 | 1200 |
La présidente |
M. Pat Martin |
La présidente |
L'hon. Sue Barnes (London-Ouest, Lib.) |
La présidente |
La présidente |
M. Pat Martin |
La présidente |
Mme Joan Bercovitch (directrice principale, Affaires juridiques et gouvernementales, Association du Barreau canadien) |
 | 1205 |
M. Jeffrey Harris (président, Section nationale du droit des autochtones, Association du Barreau canadien) |
 | 1210 |
M. Christopher Devlin (vice-président, Section nationale du droit des autochtones, Association du Barreau canadien) |
 | 1215 |
La présidente |
Chef Phil Fontaine (chef national, Assemblée des Premières Nations) |
 | 1220 |
 | 1225 |
 | 1230 |
La présidente |
M. Jeremy Harrison (Desnethé—Missinippi—Rivière Churchill, PCC) |
 | 1235 |
M. Jeffrey Harris |
La présidente |
Chef Phil Fontaine |
 | 1240 |
La présidente |
M. Jeremy Harrison |
Chef Phil Fontaine |
La présidente |
M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, PCC) |
 | 1245 |
La présidente |
M. Bernard Cleary |
La présidente |
M. Yvon Lévesque (Abitibi—Baie-James—Nunavik—Eeyou, BQ) |
 | 1250 |
La présidente |
Chef Phil Fontaine |
La présidente |
M. Pat Martin |
Chef Phil Fontaine |
 | 1255 |
M. Pat Martin |
M. Christopher Devlin |
La présidente |
L'hon. Sue Barnes |
· | 1300 |
Chef Phil Fontaine |
L'hon. Sue Barnes |
· | 1305 |
Mme Kathleen Mahoney (professeur de droit, Université de Calgary) |
L'hon. Sue Barnes |
Mme Kathleen Mahoney |
L'hon. Sue Barnes |
Mme Kathleen Mahoney |
L'hon. Sue Barnes |
Mme Kathleen Mahoney |
L'hon. Sue Barnes |
La présidente |
Chef Phil Fontaine |
M. Lloyd St. Amand |
Chef Phil Fontaine |
· | 1310 |
La présidente |
CANADA
Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord |
|
l |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 22 février 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
Á (1105)
[Traduction]
La présidente (Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.)): Bonjour. Je déclare ouverte cette 20e réunion du Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord en ce mardi 22 février 2004. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le comité reprend son étude de l'efficacité du Mode alternatif de règlement des conflits concernant les pensionnats autochtones.
Pour la première heure de notre réunion de ce matin, nous avons l'honneur d'accueillir l'honorable Anne McLellan, ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile. Comme cette première heure est déjà entamée, nous vous demandons de passer directement à vos remarques liminaires, madame la ministre.
Bienvenue au comité.
L'hon. Anne McLellan (ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile): Merci beaucoup, madame la présidente. Je suis très heureuse d'avoir l'occasion de vous parler aujourd'hui des progrès réalisés par le gouvernement relativement à la résolution d'une série de questions liées aux conséquences du réseau des pensionnats indiens.
Je suis accompagnée ce matin des représentants du Bureau du Canada sur le règlement des questions des pensionnats autochtones, soit M. Mario Dion, sous-ministre, et M. Shawn Tupper, directeur général des Opérations.
Madame la présidente, vous et ce comité avez posé la question de savoir dans quelle mesure le Mode alternatif de règlement des conflits établi par le gouvernement permet de régler efficacement les demandes d'indemnisation liées au système des pensionnats canadiens. D'après plusieurs témoins que vous avez déjà reçus, ce système n'atteint pas cet objectif. Aujourd'hui, je voudrais réagir à ces observations et discuter de certaines des préoccupations dont, en tant que gouvernement, nous acceptons la responsabilité.
[Français]
Je vais aussi parler des autres mesures que le gouvernement a prises au sujet de l'héritage de ces pensionnats. Notre processus du mode alternatif de résolution des conflits n'est pas la seule réponse qui ait été mise en place. Nous faisons beaucoup plus.
Régler les séquelles des pensionnats indiens est une tâche difficile et remplie d'émotion. Il s'agit également d'une histoire sur la complexité et la diversité dont nous n'avions pas entendu parler avant les années 1980.
[Traduction]
En 1996, les Canadiens se sont vus confrontés à la réalité des pensionnats lors de la publication du Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones. En particulier, ce rapport a décrit de façon claire et poignante les sévices sexuels et physiques exercés dans les pensionnats indiens, de même que les séquelles de l'expérience des pensionnats dans les collectivités autochtones.
Les gouvernements antérieurs ont décidé essentiellement d'ignorer ce problème. Mais en réponse au Rapport de la Commission royale, le gouvernement du Canada a élaboré une stratégie précise et novatrice qui visait à attaquer directement les répercussions troublantes de cette problématique. À cette époque et maintenant, nous avions comme objectif, entre autres, de préparer la voie à la guérison et à la réconciliation en présentant des excuses, en offrant une indemnisation, et en facilitant tout ce processus à ceux et celles qui ont souffert. Ces valeurs sont d'ailleurs traduites dans les priorités fixées par le gouvernement actuel relativement à l'amélioration de la qualité et des conditions de vie de tous les peuples autochtones. La table ronde parrainée par le premier ministre, les six tables rondes sectorielles, et notre travail permanent auprès de chacune des organisations autochtones nationales sont la preuve concrète de la résolution du gouvernement actuel à établir un partenariat avec les peuples autochtones. Ensemble, nous réussirons à améliorer progressivement le sort des Autochtones canadiens.
Permettez-moi de prendre quelques minutes pour vous énumérer les mesures que nous avons prises précisément pour régler les difficultés liées spécifiquement au réseau des pensionnats. En 1998, le gouvernement libéral a lancé tout ce processus en publiant une déclaration de réconciliation dans laquelle nous affirmions ceci : « … nous sommes hantés par nos actions passées qui ont mené à l'affaiblissement de l'identité des peuples autochtones, à la disparition de leurs langues et de leurs cultures et à l'interdiction de leurs pratiques spirituelles. » Le gouvernement canadien a adressé « ses plus profonds regrets à tous les peuples autochtones du Canada à propos des gestes passés du gouvernement fédéral, qui ont contribué aux difficiles passages de l'histoire de nos relations. »
Enfin, nous avons confronté directement les conséquences du réseau des pensionnats pour les survivants ainsi que la douleur et la détresse personnelles qui continuent de caractériser les collectivités autochtones de nos jours. Et à ceux et celles qui ont subi des sévices physiques et sexuels dans les pensionnats, nous avons dit ceci : « … pour celles qui ont porté ce fardeau en pensant, en quelque sorte, en être responsables, nous devons insister sur le fait que ce qui s'est passé n'était pas de leur faute et que ces situations n'auraient jamais dû se produire. À tous ceux d'entre vous qui ont subi cette tragédie dans les pensionnats, nous exprimons nos regrets les plus sincères. »
De plus, le gouvernement a pris une mesure sans précédent en décidant d'accorder 350 millions de dollars à la Fondation autochtone de guérison, non pas pour offrir une sorte d'indemnisation à ceux qui avaient été abusés, mais plutôt pour aider les survivants, leurs familles, et les collectivités autochtones à redevenir sains. Les personnes qui ont participé aux programmes de la Fondation nous disent que grâce à ces derniers, ils ont un meilleur sens de leur identité, qu'ils sont plus sensibles aux besoins de leurs familles, et qu'ils sont désormais résolus à transmettre les enseignements culturels de leurs peuples aux futurs générations, à passer plus de temps avec les Aînés, et à insister sur le mieux-être personnel. Ils se sentent moins seuls, plus prêts à pardonner, et dans certains cas, ils ont soit repris les études, soit réorienté leurs carrières.
Au fur et à mesure que la Fondation autochtone de guérison entamait son travail, nous avons continué à écouter les peuples autochtones, grâce à une série de dialogues exploratoires organisés en 1998-1999. Les survivants, leurs avocats, les guérisseurs, les dirigeants, et les responsables à la fois gouvernementaux et religieux qui ont participé à ces dialogues ont contribué à établir le partenariat qui nous permettrait ensuite de trouver des solutions et d'offrir de nouveaux choix aux anciens élèves des pensionnats. De plus, nous avons mené plusieurs études visant à évaluer ce que d'autres ont fait, aux échelles nationale et internationale, pour régler le problème des sévices institutionnels. Par exemple, nous avons examiné les études menées par 13 établissements de ce genre au Canada, sur les travaux accomplis par la Commission du droit du Canada sur les sévices institutionnels, et sur l'étude de M. le juge Kaufman des mesures prises par le gouvernement de la Nouvelle-Écosse face aux sévices exercés sur les pensionnaires de la Shelburne School for Boys. Sur le plan international, des délégations représentant les gouvernements irlandais et canadien se sont réunies plusieurs fois pour discuter des approches adoptées par nos gouvernements respectifs face à cette problématique.
L'un des grands défis auxquels nous étions confrontés était que les répercussions des actes commis dans les 130 écoles dirigées par le gouvernement fédéral et les Églises catholique, anglicane, unies et presbytérienne avaient inondé notre système juridique de plusieurs milliers de demandes d'indemnisation. Le nombre totale de demandes se situe maintenant à 13 500. Même si nous avons pu fermer 2 000 dossiers grâce à un règlement ou à d'autres moyens, nous faisons encore face à 11 000 actions individuelles intentées par d'ex-étudiants de pensionnats. Selon les estimations, si ces actions suivaient la procédure normale du système judiciaire, au lieu d'être résolues grâce à un règlement ou un mode alternatif de règlement, il faudrait plus de 50 ans pour traiter tous ces dossiers, et ce à un coût de plus de 2,3 milliards de dollars. Voilà ce que cela coûterait si nous avions recours au système judiciaire traditionnel pour régler tous ces dossiers.
Á (1110)
Il était donc clair pour le gouvernement et ses partenaires qu'il fallait offrir aux anciens étudiants un moyen rapide, sécuritaire et efficace de régler leurs demandes d'indemnisation. Nous avions besoin d'une approche intégrée et holistique qui garantisse la flexibilité, la rapidité et l'efficacité qu'exigent des demandes d'indemnisation de ce genre. Le gouvernement, de concert avec des groupes de survivants et les églises, ont examiné différents modèles de règlement des conflits par l'entremise d'une série de 10 projets pilotes, auxquels 400 personnes de toutes les régions du Canada ont essayé de trouver les meilleurs moyens de régler leurs demandes de façon sûre et efficace.
Ces projets pilotes ont été lancés vers la fin de 1998, et connaissent un taux de succès de plus de 75 p. 100. Grâce à ces projets, nous avons compris qu'il n'y a pas qu'une façon de régler les différents problèmes causés par les sévices sexuels et physiques exercés sur les victimes du réseau des pensionnats. Aucune solution prise isolément—qu'il s'agisse d'un programme de guérison, d'un forum de vérité et de réconciliation, ou d'une initiative d'indemnisation—ne permet de régler les problèmes découlant de ce sombre chapitre de notre histoire.
En juin 2001, nous avons mis sur pied le nouveau Bureau canadien de résolution des questions de pensionnats indiens afin de regrouper les ressources fédérales requises pour régler ces questions et pour permettre au gouvernement de travailler de concert avec ses partenaires pour explorer de nouvelles approches novatrices. Moins d'un an après sa création, ce ministère a énoncé un nouveau cadre de résolution incorporant plusieurs initiatives différentes, lequel établissait des politiques visant à faciliter l'accès au système judiciaire et à garantir que les demandeurs soient traités de façon aussi humanitaire que possible.
Le cadre national de résolution comprend une stratégie relative aux procédures judiciaires, des mesures de soutien en matière de santé, des éléments de commémoration, et la pièce maîtresse de notre programme de résolution, à savoir ce que nous appelons le Mode alternatif de règlement des conflits (MARC). Ce cadre a été lancé suivant les conseils d'ex-étudiants, de leurs avocats, et des Églises, et nous a permis de régler tous les détails concernant la meilleure façon d'appliquer ces programmes et moyens novateurs à la majorité des demandes d'indemnisation dont le gouvernement était saisi.
L'un des problèmes que pose le MARC, c'est qu'il faut que chaque demande s'appuie sur des preuves. Il y a un certain nombre d'ex-étudiants qui nous ont dit qu'ils voudraient avoir l'occasion de raconter leurs histoires et de les faire valider. Dans le cadre de son étude du processus d'indemnisation des victimes de sévices à la Shelburne School for Boys en Nouvelle-Écosse, M. le juge Fred Kaufman a clairement expliqué que les demandes doivent être validées, et il a félicité le gouvernement fédéral d'avoir fait cet effort de validation relativement aux demandes d'indemnisation des victimes du réseau des pensionnats indiens.
De plus, tous les Canadiens s'attendent à ce que leur gouvernement leur rende des comptes. Ils veulent que nous nous assurions que les demandes qu'on nous présente sont valables avant qu'on n'accorde une indemnisation. Les survivants eux-mêmes ont réclamé la mise sur pied d'un processus crédible qui leur permettra de faire valider leurs histoires et d'éduquer le public sur ce qu'ils ont vécu. Il s'agit de cas complexes, dont certains remontent à plus de 50 ans et concernent de nombreuses parties. Il faut nécessairement du temps et de l'argent pour répondre à de telles demandes.
Les parties prenantes ont contribué à orienter le cadre d'autres manières également. Nous avons retardé de plusieurs mois le lancement du processus de règlement des conflits afin de réexaminer et finalement de modifier les aspects clés de ce dernier, en fonction de leurs commentaires à ce sujet. Après avoir répondu aux préoccupations de certains, nous avons lancé le nouveau Mode alternatif de règlement des conflits en novembre 2003.
Le plan septennal que nous avons conçu aura un profond retentissement et offre beaucoup plus que ne le reconnaissent bien des gens. L'approche que constitue le MARC fait oeuvre de pionnier, puisqu'il s'agit d'une méthode humaine et holistique adaptée à la culture autochtone qui offre des choix supplémentaires aux anciens étudiants qui cherchent une indemnisation pour les sévices sexuels et physiques dont ils ont été victimes. Le MARC prévu pour les victimes du réseau des pensionnats constitue une méthode plus sûre et plus rapide de régler les demandes d'indemnisation de manière extrajudiciaire, tout en fournissant aux ex-étudiants le genre de soutien personnel qu'ils réclament. Ce processus peut se dérouler dans les collectivités, là où les participants acceptent de tenir des audiences, et il peut comprendre une cérémonie traditionnelle, si les intéressés le souhaitent. Le MARC n'est pas antagoniste. Il n'y a ni interrogatoire ni contre-interrogatoire par des avocats. Les audiences sont tenues à huis clos, et du personnel des services auxiliaires de santé est disponible, s'il y a lieu.
Ce processus se veut expéditif, et comme l'hon. Ted Hughes vous l'a fait remarquer, même si je crois comprendre qu'il n'a pas pu passer beaucoup de temps avec vous, ce qui est fort dommage—il permet d'obtenir des décisions dans un délai de 90 jours suivant le dépôt du dossier au secrétariat chargé du règlement des demandes. Nous sommes donc bien loin de l'époque où il aurait fallu deux ou trois ans avant qu'une affaire renvoyée au système judiciaire puisse aboutir.
Á (1115)
De plus, nous donnons des allocations à tous les anciens étudiants des pensionnats, qu'ils passent par le système judiciaire ou le MARC, pour permettre à des membres de leur famille ou à des Aînés d'assister à des audiences qui se tiennent ailleurs. Nous versons aussi une somme correspondante à 15 p. 100 du montant global de l'indemnisation accordée au demandeur pour l'aider à payer ses frais juridiques. Nous avons conclu une entente avec Santé Canada pour des services de soutien, et il existe également un numéro de télé-assistance d'urgence. Nous aidons également à assurer l'accès à des guérisseurs traditionnels, si c'est cela que souhaitent les intéressés.
En plus de tous ces différents moyens, nous avons également mis sur pied un programme de commémoration. La semaine dernière, les témoins ont insisté sur l'importance de rendre hommage à tous les anciens élèves des pensionnats, qu'ils présentent ou non une demande d'indemnisation. On vous a également parlé de la nécessité de sensibilise tous les Canadiens à l'importance de ce chapitre de notre histoire commune. De concert avec d'anciens élèves et les Églises, nous nous sommes efforcés d'élaborer cette composante du programme de manière à favoriser la guérison individuelle et communautaire, la réconciliation et un sentiment chez les ex-élèves des pensionnats qu'ils touchent au terme de leur épreuve, et qu'ils peuvent maintenant avancer en ayant un sens renouvelé de leur dignité.
La perte de leur langue et de leur culture est un thème qui revient constamment quand nous parlons aux survivants et victimes, à leurs avocats, et aux chefs autochtones. Vous l'avez vous-même entendu dans le cadre de vos délibérations. Quatre-vingt-dix pour cent des milliers de demandes que nous recevons nous accusent d'avoir privé ces victimes de leur langue et de leur culture. Cette question n'est pas un motif juridique reconnu de poursuite au Canada. Mais, en tant que gouvernement, nous avons écouté le débat sur la perte des langues et cultures autochtones, et nous sommes d'avis que des paiements comptants aux demandeurs individuels ne constituent pas la meilleure approche. De plus, nombre de survivants des pensionnats nous ont dit qu'une indemnisation financière, quelle qu'elle soit, ne permettra jamais de compenser cette perte.
Ainsi le gouvernement est convaincu que l'établissement de programmes et de services d'intervention auprès de ceux qui ont subi cette perte de leur langue et de leur culture, sur les conseils des peuples autochtones eux-mêmes, constitue la solution la plus appropriée. À cette fin, la ministre du Patrimoine canadien lance une initiative d'une valeur de 172 millions de dollars qui se déroulera sur 11 ans en vue de préserver, de redynamiser et de promouvoir les langues et cultures autochtones. En outre, le gouvernement fédéral investit quelque 30 millions de dollars chaque année dans d'autres programmes et initiatives qui assurent un soutien soit directe, soit indirect à l'épanouissement des langues et cultures autochtones.
Permettez-moi de vous parler maintenant de la situation actuelle en ce qui concerne le MARC et ce qui est prévu dans les mois qui viennent. Chaque semaine, le gouvernement reçoit d'autres demandes de participation au MARC, et le secrétariat chargé du règlement des demandes continue d'organiser des audiences. Nous croyons pouvoir régler la majorité des demandes d'indemnisation grâce au MARC. Depuis un peu plus d'un an, plus de 1 200 personnes ont opté pour le MARC afin de régler leurs demandes d'indemnisation. En fait, nous transmettons plus d'une centaine de trousses de documentation chaque semaine à ceux et celles qui souhaitent faire une demande. Je ne pense pas me tromper, Mario, en disant qu'en moyenne, nous recevons 15, 16 ou 17 nouvelles demandes relatives au MARC chaque semaine.
Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que ce programme en est en réalité à la fin de l'étape de démarrage seulement. Nous avons dû donner la priorité aux consultations et à l'élaboration du programme avant d'être en mesure de recevoir, et encore moins, de régler des demandes d'indemnisation s'appuyant sur le MARC. Le gouvernement est convaincu, cependant, qu'au fur et à mesure que d'autres demandes seront réglées, les intéressés feront davantage confiance au processus qui sous-tend le MARC.
Cependant, madame la présidente, il faut bien comprendre que le MARC ne constitue pas nécessairement la meilleure solution pour tout le monde. Nous en sommes conscients, et nous respectons le droit de chacun de choisir. Mais nous sommes fermement convaincus que le MARC offre aux demandeurs éventuels une option extrajudiciaire à la fois viable et juste. C'est une démarche respectueuse, honorable et plus expéditive à la fois pour les ex-élèves et les Églises. En même temps, nous savons que cette démarche n'est pas parfaite.
Comme vous le savez, l'Assemblée des Premières nations a renouvelé son engagement vis-à-vis de l'indemnisation des anciens élèves. D'ailleurs, nous avons accueilli et financé sa récente étude du MARC, et je sais que vous recevrez tout à l'heure le grand chef de l'APN. Comme les survivants vous l'ont déjà dit, les anciens élèves ont de nombreux porte-parole, y compris l'APN. Le rapport récemment publié par cette dernière propose des solutions de rechange, dont vous voudrez certainement discuter avec le grand chef. Nous travaillons actuellement avec l'APN pour déterminer quels moyens permettront de répondre à nos préoccupations réciproques.
Bien entendu, nous devons tenir compte des coûts additionnels que suppose la proposition de l'APN. Il y a un certain nombre de mesures que mon ministère pourra sans doute prendre sous peu. Il y a quelques semaines, j'ai rencontré le grand chef et d'autres responsables de l'APN pour discuter non seulement des recommandations de leur rapport, mais d'un mécanisme potentiel qui nous permettra de travailler avec l'APN pour élaborer un plan de travail afin de donner suite à leurs recommandations et d'accélérer encore plus toute cette démarche. Bon nombre des recommandations que renferme le rapport de l'APN devront être examinées et approuvées par le gouvernement.
Á (1120)
Nous voulons aussi nous assurer que les changements que nous pourrions éventuellement décider d'apporter au processus se réalisent dans le contexte du dialogue plus général qu'entretient le gouvernement du Canada avec l'ensemble des peuples autochtones. Entre-temps, nous ne pouvons nous permettre de retarder le règlement des demandes d'indemnisation qui passent soit par le système judiciaire, soit par le MARC actuel.
[Français]
En terminant, j'espère que vous allez comprendre, à l'aide de mes commentaires d'aujourd'hui, combien complexes sont ces questions. Il n'y a pas de solution simple.
[Traduction]
Tous les témoignages que vous avez reçus jusqu'à présent militent en faveur de méthodes souples qui permettent à toutes les parties de donner la preuve qu'elles sont à l'écoute de l'autre. Vu l'ampleur et la gravité des séquelles du réseau des pensionnats, nous devons faire preuve d'ouverture d'esprit face aux nouvelles idées et démarches qui sont proposées pour résoudre ce problème. Dans les mois qui viennent, nous serons très heureux de recevoir les idées des survivants, des parties prenantes, et des parlementaires comme vous-mêmes à ce sujet.
Madame la présidente, je suis très heureuse de pouvoir maintenant dialoguer avec les membres du comité, et mes collaborateurs et moi-même sommes à votre disposition pour répondre à vos questions et entendre vos suggestions, vos commentaires, voire même vos critiques.
Merci.
La présidente: Merci, madame la ministre.
Le premier intervenant sera M. Jim Prentice du Parti conservateur.
M. Jim Prentice (Calgary-Centre-Nord, PCC): Madame la vice-première ministre, merci de votre présence aujourd'hui.
Si vous permettez, je voudrais passer directement à ce que vous décrivez comme étant la clé de voûte de votre programme, à savoir, le MARC. Je pense qu'on peut dire que les témoignages que nous avons reçus en comité nous ont, d'abord, émus, et ensuite choqués, pour ensuite nous inspirer un sentiment de honte devant l'insensibilité et le caractère inhumain du processus en ce qui concerne le traitement qui est réservé aux victimes et le fait qu'on revictimise en quelque sorte les Autochtones canadiens; nous avons également été profondément choqués de constater l'ampleur des dépenses bureaucratiques et le gaspillage que cela entraîne. Je ne crois pas avoir jamais été témoin d'un exemple d'incompétence bureaucratique aussi grave que celui-ci. Si vous estimez que ce processus donne de bons résultats, je vous dirais respectueusement que vous êtes bien la seule qui soit de cet avis.
D'après l'APN, il s'agit d'un processus partial, abusif, et injuste. D'après elle, il faudra 53 ans pour régler les demandes d'indemnisation, et ce moyennant des dépenses administratives de 2 milliards de dollars. L'Association du Barreau canadien, un organisme respecté au Canada, affirme que cette démarche est un échec puisqu'elle ne répond pas aux besoins des ex-élèves des pensionnats, n'atteint pas l'objectif de la réconciliation, et trompe les attentes du peuple canadien.
Donc, si vous estimez que ce processus donne de bons résultats, j'aimerais que vous m'expliquiez cette opinion, car vous êtes bien la seule à l'avoir.
L'hon. Anne McLellan: Je voudrais tout d'abord apporter quelques éclaircissements à cette discussion, comme je l'ai fait dans mes remarques liminaires.
À mon sens, il est tout à fait irresponsable d'avancer des chiffres ou de parler d'un certain nombre d'années sans clairement expliquer de quoi il s'agit. Dans mes remarques liminaires, j'ai clairement indiqué que si ces demandes d'indemnisation devaient passer par le système judiciaire normal—que vous connaissez fort bien, monsieur Prentice—nous en aurions pour 53 ans et des dépenses se chiffrant à plus de 2 milliards de dollars. Voilà pourquoi tout le monde—y compris les survivants, et même surtout les survivants et leurs représentants—souhaitaient qu'on trouve un mode alternatif de règlement des conflits.
Ce mode alternatif n'a pas été conçu par nous. Il a été conçu à la suite de discussions exploratoires, de projets pilotes, et en s'appuyant sur des expériences au Canada et à l'étranger relatives à un système de règlement extrajudiciaire des conflits, par opposition aux procédures judiciaires normales. Lorsqu'on passe par les tribunaux, il y a effectivement revictimisation, contre-interrogatoires, etc., et les gens sont obligés de confronter les auteurs des actes dont ils ont été victimes, si ces derniers sont encore vivants. Bien que certains n'acceptent peut-être pas tous les éléments du MARC, je ne crois pas me tromper en affirmant qu'en tant de mode alternative de règlement des conflits, il est beaucoup plus humain et expéditif que ne le seraient des procédures judiciaires normales.
Á (1125)
M. Jim Prentice: Si vous me permettez de répondre, ceux qui affirment que ce processus est inhumain sont les Autochtones qui doivent passer par là. Si je me fonde sur les témoignages que nous avons reçus jusqu'à présent, je dois dire que je n'ai jamais vu d'exemples de victimisation aussi graves dans le cadre du système judiciaire. Non seulement ce processus est inhumain, mais il ne donne pas les résultats escomptés.
Vous dites qu'il s'agit d'une démarche holistique—une démarche rapide, sécuritaire et efficace. Mais ce qu'il faut retenir dans tout cela, c'est que cette démarche ne donne pas les résultats escomptés. Nous y avons déjà consacré presque 125 millions de dollars. D'après les chiffres de M. Hughes, 80 dossiers ont été réglés—80 dossiers sur 86 000—c'est-à-dire pas 10 p. 100, pas 1 p. 100, pas même 0,1 p. 100 du nombre de demandes qui ont été soumises. C'est minuscule. Ce processus ne marche pas.
Vous avez dit dans vos remarques liminaires que c'est parce qu'il a fallu un certain temps pour lancer les activités. Le problème, c'est que j'ai moi-même examiné le rapport de rendement publié il y a un an par vos bureaucrates. On y dit ceci : « Le CRN est à présent tout à fait opérationnel et offre maintenant un mécanisme de rechange qui évite les procédures judiciaires ». Donc, où est la vérité dans tout cela? Le CRN est-il vraiment tout à fait opérationnel ou êtes-vous en train de lancer des activités? Il est censé être tout à fait opérationnel depuis un an. Entre-temps, une cinquantaine de dossiers ont été réglés, si nous acceptons les chiffres de M. Hughes, en échange de dépenses tout à fait faramineuses. Et peu de victimes ont recours à ce processus. Personne ne veut profiter de ce processus holistique que vous avez élaboré.
L'hon. Anne McLellan: Monsieur Prentice, peut-être conviendrait-il de clarifier tous ces chiffres. Nous avons 13 396 demandeurs. Nous avons réglé 2 005 dossiers, et il s'agit de différentes formes de règlements. Donc il en reste 11 000. La semaine dernière, nous avons envoyé 115 trousses d'information à d'éventuels demandeurs, qui comprenaient le formulaire de demande de participation au MARC. En moyenne, nous recevons 18 nouvelles demandes de la part de gens qui souhaitent participer au MARC.
Ce processus existe depuis un peu plus d'un an. Pour ma part, j'ai assumé mes nouvelles responsabilités ministérielles en juillet. Si vous tenez compte du fait que le MARC existe essentiellement depuis un peu plus d'un an seulement les résultats actuels sont tout à fait ceux auxquels on se serait attendu. Au fur et à mesure que ce processus sera mieux connu—et j'espère, évidemment, que vous ne remettez pas en question l'intégrité de M. le juge Hughes—que le travail de ce dernier sera mieux connu et que le secrétariat dirigé par l'honorable M. Hughes fera son travail, il y aura à mon avis un accroissement graduel du nombre de demandeurs qui souhaitent passer par le MARC. Une fois qu'un dossier arrive au bureau de M. le juge Hughes, il peut être réglé dans 90 jours.
Monsieur Prentice, vous et moi qui sommes tous les deux avocats, savons fort bien que c'est beaucoup plus rapide que de demander à ces personnes de passer par les procédures judiciaires normales devant un tribunal.
Á (1130)
M. Jim Prentice: Le nombre de personnes qui participent au recours collectif dépasse de loin le nombre qui s'adressent au gouvernement pour obtenir un règlement ou passer par le MARC.
L'hon. Anne McLellan: Il peut y avoir des démarches parallèles.
M. Jim Prentice: D'après les témoignages de M. Hughes, le MARC a permis jusqu'à présente de régler 80 dossiers. Les 2 000 dossiers…
L'hon. Anne McLellan: Quatre-vingt, oui, mais sur 13 000, il y en a 2 000 qui sont réglés.
M. Jim Prentice: Et cela comprend aussi les dossiers qui ont été abandonnés, n'est-ce pas?
L'hon. Anne McLellan: Oui.
M. Jim Prentice: Et les dossiers de personnes qui sont décédées. C'est bien ça?
L'hon. Anne McLellan: Oui.
M. Jim Prentice: Donc, les personnes qui sont décédées sont comprises dans vos chiffres sur le nombre de dossiers réglés.
L'hon. Anne McLellan: Non, je me trompe. Mes excuses. M. Tupper vient de me corriger. Ces chiffres ne comprennent pas les personnes qui sont décédées.
M. Jim Prentice: Par rapport au processus de présentation d'une demande, vous dites que ce dernier est holistique et humain. Êtes-vous passée par ce processus?
L'hon. Anne McLellan: Je l'ai observé.
M. Jim Prentice: La demande elle-même comporte 40 pages.
L'hon. Anne McLellan: Et c'est justement pour cette raison qu'il y a des gens dans les collectivités autochtones qui peuvent, bien souvent, aider d'autres à remplir leur demande.
M. Jim Prentice: Je vous invite à vous asseoir avec les autres membres du comité pour entendre les témoignages de Canadiens autochtones qui se présentent devant nous et qui nous disent que cette démarche les victimise.
L'hon. Anne McLellan: Oui, je comprends.
M. Jim Prentice: Elle ne marche pas. Je ne sais pas si vous avez lu les témoignages…
L'hon. Anne McLellan: Oui.
M. Jim Prentice: …de ceux qui ont comparu devant le comité lors de sa dernière séance. Le système que vous avez mis en place ne donne pas les résultats voulus. Moi, je voudrais savoir ce que ces gens-là comptent faire pour régler le problème, afin d'en arriver à un système qui soit satisfaisant.
L'hon. Anne McLellan: La question que je vous poserais, monsieur Prentice, est celle de savoir si vous croyez qu'il faut un mode alternatif de règlement des conflits, et si vous estimez qu'il faut valider les demandes—sinon, je serais très heureuse de recevoir vos autres suggestions.
M. Jim Prentice: Je voudrais vous parler de la comparaison faite par l'Association du Barreau canadien entre cette démarche et celle touchant les Canadiens japonais. Cette démarche a pris cinq ans seulement. Un an après le lancement des activités, 65 p. 100 des demandes avaient déjà été réglées. Il a fallu seulement cinq ans pour régler 18 534 demandes. Comparativement aux résultats de cette démarche-là, le processus que vous avez instauré est un échec lamentable—après 67 semaines, 80 dossiers ont été réglés, et ce à un coût de 125 millions de dollars.
L'hon. Anne McLellan: Il s'agit d'un processus septennal, et au fur et à mesure qu'il s'accélérera, nous espérons évidemment que la très grande majorité de ces demandes pourront être réglées dans les sept ans actuellement prévus.
M. Jim Prentice: La seule chose qui s'accélère en ce moment est le rythme auquel la bureaucratie engloutit les fonds, et non pas le taux de participation au processus. D'après l'APN, le gouvernement devra consacrer 2 milliards de dollars aux dépenses administratives. Même les coûts dont nous sommes au courant—c'est-à-dire les 125 millions de dollars déjà engagés—ne comprennent pas les avocats du ministère de la Justice—70 en tout, d'après ce qu'on m'a dit—dont les bureaux couvrent tout un étage.
L'hon. Anne McLellan: Écoutez, je vais demander au sous-ministre de vous répondre à propos des chiffres.
M. Mario Dion (sous-ministre, Bureau du Canada sur le règlement des questions des pensionnats autochtones): Je vais essayer de m'en tenir aux chiffres les plus importants.
Comme la ministre vous l'a déjà dit, tout cela a commencé il y a quelques années—soit les 13 000 demandes. Le taux de règlement a beaucoup augmenté, et je vais d'ailleurs déposer une copie de ce document auprès du greffier. Comme vous le constatez, pendant les premières années…et c'est tout à fait normal dès lors qu'il s'agit de procédures judiciaires. Il faut plusieurs années pour faire la recherche et préparer les arguments, mais le fait est qu'il y a eu une augmentation très importante du taux de règlement.
S'agissant des dépenses engagées pour le nouveau MARC, j'avoue ne pas du tout savoir d'où sort ce chiffre que vous citez, soit les 125 millions de dollars. Le travail s'est fait officiellement en deux étapes. Il y a eu les projets pilotes dont vous a parlé la ministre. Quatre cent personnes ont participé à ces projets pilotes, comme la ministre vous l'a déjà indiqué.
L'hon. Anne McLellan: Oui, 400 demandeurs.
M. Mario Dion: C'est exact, 400 demandeurs. Le coût global de ces projets pilotes, en excluant les montants versés aux demandeurs, était de 13 millions de dollars, et 7 millions de dollars ont été versés aux 249 demandeurs dont nous avons réglé les dossiers. Voilà donc pour la première série de chiffres.
Ces projets pilotes devaient nous permettre non seulement de régler leurs demandes, mais aussi de déterminer comment nous pourrions régler les demandes de manière plus efficace et humaine. Voilà qui a conduit à l'élaboration du nouveau processus de règlement des conflits lancés il y a un an. Les dépenses totales engagés pour le nouveau MARC ne dépensent pas 8 millions de dollars. Cette somme de 8 millions de dollars ne concerne pas uniquement les coûts administratifs, d'ailleurs. En fait, elle comprend des dépenses importantes liées aux services de santé auxiliaires; aux services de personnes qui aident les intéressés à remplir leurs demandes, comme la ministre vient de vous le dire; aux communications, de façon à nous assurer que les gens soient au courant du MARC; à la formation appropriée d'éducateurs ainsi qu'à leur rémunération; et aux activités de recherche.
Les coûts administratifs représentent moins d'un tiers des 8 millions de dollars engagés jusqu'à présent, et les éducateurs ont accordé des indemnités se montant à 2,5 millions de dollars jusqu'ici, si bien que si nous voulons vraiment comparer les coûts et les montants d'indemnisation, le vrai chiffre ne dépasse pas 8 millions de dollars. En fait, il est sans doute inférieur, étant donné que les indemnités se sont chiffrées à 2,5 millions de dollars, même si nous sommes encore aux premières étapes de ce nouveau MARC.
Il va sans dire qu'une bonne partie du travail accompli en matière de communications, de recherche, etc., et les dépenses qui y sont associées, donneront lieu par la suite à d'autres décisions et au versement d'autres indemnités qui se sont pas encore matérialisées.
J'espère que cette information aidera le comité à évaluer correctement les dépenses engagées jusqu'à présent—c'est-à-dire le fait que les demandes continuent à rentrer, qu'on les traite maintenant et que nous nous avons pris des mesures pour augmenter de façon considérable le rythme de transmission des dossiers du ministère au secrétariat.
Á (1135)
La présidente: Merci, monsieur Dion.
Nous passons maintenant à M. Cleary.
[Français]
M. Bernard Cleary (Louis-Saint-Laurent, BQ): Merci, madame la présidente.
Madame la ministre, merci d'être venue répondre à nos questions. J'ai l'impression, ce matin, d'être dans un Parlement d'une autre planète où on discute de sujets complètement opposés à ceux dont on a parlé au cours des autres séances. Des témoins sont venus, de bonne foi, nous faire part de leurs impressions sur ce programme, et ce n'était pas beau à entendre.
Pas une seule personne, à part les représentants du gouvernement, n'est venue nous dire que ce programme fonctionnait. J'ai eu l'occasion de discuter avec plusieurs personnes, dont des membres de l'Assemblée des Premières Nations, et il est clair que ce programme ne fonctionne pas.
Or, ce matin vous venez nous dire que ce programme est une panacée. Je ne comprends pas. Je ne peux pas croire, après que nous ayons entendu ce qu'on est venu nous dire de bonne foi, qu'on nous dise aujourd'hui que ce programme est le plus beau de tous. Personne n'en veut à part vous, et c'est ce qu'on est venu nous dire ici. Je ne sais pas si on nous a menti, mais on nous a dit, en réponse à des questions, que ce programme ne fonctionne pas et qu'à ce rythme-là, les gens seront tous morts avant d'avoir vu des résultats sérieux et intéressants. On nous dit même que, pour chacun des dollars remis jusqu'à présent aux victimes, 35 dollars ont été dépensés au cours du processus.
Madame la ministre, je voudrais donc savoir--et je pense que tout le monde le veut aussi--, ce que vous ferez pour changer totalement ce programme, non pas en faisant des « réformettes »--vous me comprenez?--qui plaisent aux uns ou aux autres ni en confiant cela à ceux-là mêmes qui ont conçu ce programme: ils ne vous diront certainement pas qu'il n'est pas bon. Il faudrait aller voir ailleurs. Or, nous croyions que tel était notre travail: essayer de voir ailleurs qui se plaint.
Dites-moi comment vous comptez changer les choses importantes. Sinon, dites-nous clairement que ce cher programme ne changera pas, et nous agirons en conséquence.
L'hon. Anne McLellan: Merci, monsieur Cleary.
[Traduction]
D'abord, permettez-moi de vous dire que nous ne nous leurrons absolument pas en ce qui concerne cette démarche. Il s'agit évidemment d'une démarche extrêmement pénible et douloureuse pour tous ceux et celles qui ont été victimes de sévices physiques et sexuels dans les pensionnats. Mais peu importe le processus qu'on définit, il sera pénible et douloureux, car les gens sont obligés de revivre certaines expériences, que ce soit par l'entremise des programmes de guérison, avec les Aînés dans les collectivités, qui n'ont rien à voir avec l'indemnisation individuelle… Et que nous disent les survivants? Les survivants nous disent qu'ils veulent faire valider leurs expériences. Ils veulent qu'on reconnaisse officiellement ce qui est arrivé. L'indemnisation en est un élément, mais seulement un élément. C'est donc une démarche douloureuse pour les victimes, et cela ne peut qu'être une tragédie.
Par contre, nous avons essayé d'élaborer un programme qui compte divers éléments : la guérison; des services auxiliaires de santé, que ceux-ci intéressent la santé mentale ou autre chose; des programmes touchant les langues et cultures autochtones qui soient adaptées à leur réalité culturelle; et une indemnisation individuelle, pour ceux et celles qui optent pour cette possibilité-là. De par sa nature, l'un ou l'autre élément de ce processus force les survivants à confronter les expériences qu'ils ont vécues individuellement ou collectivement dans les pensionnats. Ce que nous souhaitons faire, c'est en arriver à une démarche intégrée et holistique qui soit aussi bénéfique que possible pour ceux qui ont été victimes de sévices.
S'agissant de l'indemnisation proprement dit, il faut présenter une demande en bonne et due forme. Nous devons établir l'identité des demandeurs, et les demandeurs doivent être validés, même si je comprends qu'on pourrait peut-être discuter de la nature de cette validation. Mais la validation est importante. M. le juge Kaufman, qui est sans doute l'un des plus grands experts canadiens dans ce domaine et qui s'est vu confronté à un véritable gâchis dans l'affaire Shelburne justement parce qu'il n'y avait pas eu de validation, parle avec une grande éloquence de la nécessité de valider les demandes.
Évidemment, s'il y a moyen de prendre des mesures pour simplifier et rationaliser notre démarche relative à l'indemnisation, je suis tout à fait disposé à en parler. En fait, je vous disais tout à l'heure que j'ai rencontré le grand chef il y a quelques semaines. Ses collaborateurs et les miens examinent les recommandations afin de voir ce qui peut être fait pour y donner suite.
Je peux vous garantir que rien ne me ferait plus plaisir que de pouvoir faire aboutir ces 13 000 demandes d'indemnisation le plus rapidement et le plus justement possible, mais cela ne signifie pas qu'on peut supprimer le processus ni de présentation d'une demande, ni de validation. Mais il faut que ce processus soit juste et humain, il faut qu'il soit rapide, et il faut que ceux qui présentent une demande d'indemnisation individuelle puissent toucher une indemnisation juste dans les plus brefs délais. Vous ne m'entendrez jamais dire que je suis contre tout cela, mais il faut un processus en bonne et due forme. Sinon je risquerais d'avoir à répondre devant un autre comité des conclusions d'un rapport de la vérificatrice générale.
Á (1140)
La présidente: Je regrette que vous n'ayez pas pu poser une autre question. Les membres pourront peut-être poser une autre question si les réponses sont un peu plus courtes
Monsieur Martin, vous avez la parole.
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Merci, madame la présidente.
Madame la ministre, je ne veux pas employer le peu de temps qui m'est imparti pour discuter de l'exactitude des chiffres des uns et des autres, et je ne vais pas le faire. Mais même selon le critère le plus généreux, on peut affirmer sans risque de se tromper que la majeure partie des crédits prévus pour indemniser les victimes a servi à supporter les dépenses administratives juridiques qu'il faut nécessairement engager quand on cherche à refuser des indemnités aux victimes. Je vous dirais qu'en réalité, nous dépensons des millions pour essayer de présenter les victimes comme des menteurs, alors qu'il y a un consensus national en faveur de l'utilisation de ces crédits pour aider les victimes des pensionnats à réorienter leur vie.
Depuis trois mois, vous êtes en possession d'un rapport très complet émanant de l'Assemblée des Premières nations qui a été préparé par les grands experts en la matière. La liste de ceux et celles qui ont participé à l'élaboration de ce rapport est très impressionnante. Leur argument—et je suis d'accord avec eux—c'est que l'admissibilité aux indemnités doit être fondée sur la preuve que vous étiez présent; autrement dit, l'indemnisation devrait être universelle et tous ceux qui ont vécu dans un pensionnat indien devrait la recevoir.
Tout d'abord, j'aimerais savoir pourquoi le gouvernement a autant tardé à répondre officiellement au rapport ainsi qu'aux recommandations qu'il renferme. N'êtes-vous pas d'accord pour dire que les crédits mis de côté pour l'indemnisation des victimes seraient mieux employés si cette indemnisation était universelle, comme le recommande le rapport?
Pourriez-vous commenter également un deuxième élément du rapport, qui me semble tout aussi important? Il s'agit de la revendication d'un processus complet de vérité et de réconciliation, afin que les deux parties visées par cet héritage honteux puissent commencer à guérir—pas seulement les victimes des sévices infligés, mais nous tous qui sommes tout aussi traumatisés par ce chapitre déplorable de notre histoire. Pourriez-vous me dire ce qui retarde votre réaction officielle à ce rapport? Deuxièmement, êtes-vous prête à reconnaître qu'il serait préférable de verser une indemnisation universelle que de dilapider les crédits disponibles pour engager des dépenses juridiques dans l'espoir que les demandes seront refusées?
Á (1145)
L'hon. Anne McLellan: D'abord, comme je vous l'ai déjà dit, j'ai eu l'occasion il y a quelques semaines de rencontrer le grand chef, que vous allez recevoir, de même que ses collaborateurs, un peu plus tard. Mes hauts fonctionnaires travaillent avec l'APN. Mario, peut-être pourriez-vous expliquer à M. Martin en quoi consiste ce travail.
Je tiens aussi à vous rassurer quant à notre intention de réagir au rapport, mais ce que nous voulons vraiment faire—et c'est faire preuve de responsabilité—c'est examiner ces recommandations, en évaluer le coût, et nous assurer de bien comprendre la nature précise de ces revendications, de même que leurs conséquences.
M. Pat Martin: Vous avez déjà eu trois mois pour déterminer la nature précise de ces revendications. Moi-même j'ai une copie du rapport depuis trois mois. Ce n'est pas sorcier. En fonction d'une formule qui satisferait tout le monde, on accorderait un montant spécifique à tous ceux qui ont vécu dans les pensionnats—en fonction de la période qu'ils y ont passé—et dans les cas où on peut prouver que les sévices sexuels et physiques ont été extrêmes, une indemnisation supplémentaire serait accordée. Il n'y a rien de sorcier dans tout cela.
Voilà qui permettrait de mettre fin à la dilapidation des crédits accordés jusqu'à présent. En génie, on parle de pertes en ligne quand il s'agit d'électricité. Et là on parle d'une dilapidation… Les pertes en ligne, pour ainsi dire, sont incroyables, mais les personnes qui devraient en bénéficier ne touchent toujours rien. On a beau essayé d'allumer la lumière, il ne se passe absolument rien, parce que tout s'est perdu en chemin.
Ce n'est pas ce à quoi s'attendaient les Canadiens. Ils pensaient qu'il y avait un consensus national et généralisé voulant que ce chapitre de notre histoire soit clos une fois pour toutes, que nous versions une indemnisation aux victimes en leur présentant des excuses, et que cet autre travail dont vous avez parlé se réalise, alors qu'il n'en est rien. C'est même l'inverse qui se produit; les victimes sont de nouveau victimisées puisqu'on les oblige à présenter une demande.
Voici le formulaire de demande que vous exigez dans le cadre du MARC. C'est une démarche qui est peut-être plus simple que de passer devant un tribunal, mais cela fait peur à une personne âgée de 88 ans que nous avons reçue en comité qui a été victime de sévices dans les années 20.
À propos, cela a coûté 20 000 $ pour entendre l'affaire alors que le montant de l'indemnisation était de 1 500 $—et votre gouvernement en a interjeté appel. Vous savez de quoi je parle : l'affaire Flora Merrick; d'ailleurs, cela va vous coûter encore 20 000 $ pour contester en appel la piètre somme de 1 500 $ accordée à cette pauvre dame. C'est presque incroyable. Quelle logique alambiquée vous aura permis de croire que c'est bien d'agir ainsi? Ce n'est pas bien du tout. Dieu nous en garde.
La présidente: Monsieur Martin, vous devriez lui donner l'occasion de répondre.
L'hon. Anne McLellan: Je sais qu'il est difficile de comprendre cette décision, monsieur Martin, et je n'ai pas l'intention de défendre ce qui s'est fait dans ce cas particulier…
L'hon. Anne McLellan: … mais comme nous l'avons vu, un programme a été mis sur pied et il existe des paramètres pour ce programme. Vous pouvez ne pas être d'accord là-dessus. C'est votre droit.
M. Pat Martin: Il faut bien que quelqu'un le soit.
M. Pat Martin: Il s'agit d'obstacles.
L'hon. Anne McLellan: Mais si des indemnités sont accordées à des victimes en dehors de ces paramètres, il est clair que le gouvernement devra se demander—je vais vous l'expliquer ainsi—s'il y a lieu ou non de tirer au clair ces paramètres en prévision des activités futures.
Vous pouvez ne pas être d'accord là-dessus. Je respecte votre décision personnelle à cet égard. Mais en ce qui concerne le rapport, je répète que nous allons y réagir. Nous travaillons avec l'APN.
Mario, avez-vous quelque chose à ajouter à ce sujet?
M. Mario Dion: Oui, nous avons mis sur pied un groupe de travail mixte. Le travail de ce dernier porte principalement sur la première recommandation, au sujet d'une indemnisation collective, car il va sans dire qu'une indemnisation collective suppose des coûts très importants et laisse entrevoir des enjeux politiques et stratégiques assez épineux en raison…
M. Pat Martin: Êtes-vous d'accord pour reconnaître que cela coûterait moins cher que de passer par la démarche actuelle? À mon avis, l'analyse de rentabilisation consistant à assurer une indemnisation universelle et généralisée est très bonne.
L'hon. Anne McLellan: Cette analyse de rentabilisation n'a pas encore été faite, et ce que nous voulons faire—et je crois savoir que cela fait partie du travail effectué de concert avec l'APN—c'est justement effectuer cette analyse.
Á (1150)
M. Pat Martin: Eh bien, d'après l'analyse de l'ABC, les résultats seraient très positifs. Peut-être que vous pourriez rester pour entendre…
L'hon. Anne McLellan: C'est justement pour cette raison que nous travaillons de concert avec les responsables de l'APN.
M. Pat Martin: L'Association du Barreau canadien a fait tous les calculs pour son analyse de rentabilisation, et les représentants de l'Association sont justement nos prochains témoins; cette information vous serait peut-être utile. Mais tout cela ne me rassure pas beaucoup, surtout que vous me dites que vous allez commencer à analyser l'opportunité d'examiner et éventuellement de changer…
L'hon. Anne McLellan: Nous avons déjà commencé. Nous travaillons déjà avec les responsables de l'APN. Vous préférez peut-être qu'on ne tienne pas compte de leur avis?
M. Pat Martin: Vous faites traîner en longueur tout ce processus, madame la ministre. C'est aussi simple que ça. Nous qui sommes des non-initiés estimons que ce n'est pas si sorcier, mais quelqu'un chez vous a rendu tout ce processus à un point complexe que les gens sont réticents à y avoir recours.
L'hon. Anne McLellan: Encore une fois, je ne comprends pas très bien pourquoi vous dites qu'ils sont « réticents », étant donné que nous recevons des demandes chaque semaine. Nous envoyons des centaines et des centaines de trousses, et c'est justement pour cela que nous voulons avoir un processus expéditif qui permet d'éviter les procédures judiciaires devant un tribunal.
La présidente: Merci.
Nous passons maintenant à M. St. Amand.
M. Lloyd St. Amand (Brant, Lib.): Merci, madame la présidente. J'ai une question à poser. Je respecte évidemment l'opinion de M. Prentice d'en face, mais qu'il ose prétendre, en se faisant le porte-parole des survivants et des victimes, que ce processus de validation, le MARC, soit comparable à ce qui se passe devant un tribunal, où une victime fragile aurait à subir un interrogatoire et un contre-interrogatoire antagonistes de la part d'un avocat ou d'une équipe d'avocats…à mon avis, quelques que soient nos critères, le MARC constitue un processus plus honorable et plus humain. Je tenais simplement à le dire.
S'agissant du rapport de l'Assemblée des Premières nations, madame la vice-première ministre, je pense que M. Martin était sur le point de vous demander si vous êtes maintenant en mesure de vous prononcer sur le rapport de l'APN et quelles mesures auraient été prises pour donner suite à une partie ou éventuellement la totalité des recommandations du rapport.
L'hon. Anne McLellan: Il y a un certain nombre de recommandations—et nous en avons un peu parlé quand j'ai rencontré le grand chef avec nos collaborateurs—auxquelles nous pourrions donner suite assez rapidement. Mais c'est la première qui est la recommandation principale, dont les répercussions pour la politique gouvernementale et ses finances sont les plus importantes. C'est donc par rapport à cette première recommandation que nous essayons de travailler ensemble. C'est là-dessus que nous travaillons, n'est-ce pas, Mario, avec les représentants de l'APN, en vue de faire cette analyse de rentabilisation et de dégager les conséquences pour toutes les parties, et notamment les survivants.
M. Mario Dion: La semaine dernière, nous avons reçu de l'APN le premier document exposant les vues de cette dernière sur l'analyse de rentabilisation relative à la recommandation un, et nous sommes en train de l'étudier.
L'hon. Anne McLellan: Nous allons travailler avec les responsables de l'Assemblée et définir une réponse.
M. Lloyd St. Amand: Je crois savoir également, madame la vice-première ministre, qu'au nom d'une conduite juste, honorable et conforme à l'éthique, le gouvernement a décidé de ne pas avoir recours à certains moyens de défense qu'il pourrait normalement invoquer dans le cadre de procédures judiciaires normales.
L'hon. Anne McLellan: C'est exact.
M. Lloyd St. Amand: Et je crois aussi savoir, du moins en Ontario, que le délai de prescription extinctive relatif à une demande d'indemnisation par suite de sévices physiques est de quatre ans.
L'hon. Anne McLellan: Nous n'appliquons pas les délais de prescription extinctive qui pourraient être invoqués dans chaque province.
M. Lloyd St. Amand: Encore une fois, si vous avez décidé d'agir ainsi, je suppose que c'est pour être juste envers les survivants et les victimes.
L'hon. Anne McLellan: Oui, absolument. Nous voulons régler ces demandes le plus rapidement possible, mais il faut en arriver à un règlement juste, défendable, et transparent. Mais il ne fait aucun doute que nous voulons régler ces demandes dans les plus brefs délais.
En même temps, il faut se rappeler que tous les demandeurs ne sont pas les mêmes, comme le disait M. Martin. En fait, certains survivants vous diraient—et je ne sais pas si vous avez entendu ces témoignages en comité—il peut y avoir des circonstances à la fois aggravées et aggravantes. On ne peut pas mettre tout le monde sur un pied d'égalité, parce que l'expérience de chacun n'a pas été la même. À mon avis, si vous regroupez tout le monde, vous causez un grave préjudice aux personnes dont la situation est assortie de circonstances aggravantes.
M. Lloyd St. Amand: Madame la présidente, je voudrais permettre à mon collègue, M. Valley, d'utiliser le temps qui me reste.
Á (1155)
M. Roger Valley (Kenora, Lib.): Merci, monsieur St. Amand, et merci, madame la ministre, de votre présence aujourd'hui.
Vous nous avez fait remarquer que l'un des problèmes, en ce qui nous concerne, a été un manque de temps pour écouter M. Hughes et pour lui poser des questions. Je pense que si on avait eu plus de temps, il aurait été possible de tirer au clair beaucoup de choses.
L'hon. Anne McLellan: Si vous avez le temps, vous devriez inviter M. Hughes à venir.
M. Roger Valley: Il a offert de le faire, mais ce qui pose problème, c'est que nous recevons des témoignages au sujet d'expériences personnelles, alors que nous sommes censés étudier le processus du MARC proprement dit. Cela présente certains défis.
Tout le monde dit que le régime actuel ne donne pas satisfaction, mais grâce aux éclaircissements que vous avez apportés, nous savons maintenant qu'il y a eu des succès.
Je voulais dire à M. Dion qu'il ne devrait pas se laisser embrouiller par les chiffres qui sont cités à droite et à gauche. Nous avons affaire à trois groupes dont les chiffres changent constamment, si bien que nous ne savons plus très bien nous-mêmes où nous en sommes.
Ma question est celle-ci, et vous avez déjà fourni une certaine explication à cet égard, madame la ministre. Le MARC est un processus évolutif, qui va changer au fur et à mesure que les conditions changent. Vous avez maintenant reçu le rapport l'APN, qui contient une très bonne analyse, mais d'autres groupes voudront faire des suggestions au fur et à mesure que cette politique sera mieux définie et permettra progressivement de régler les problèmes. Je vous invite simplement à nous affirmer que vous comptez solliciter les vues d'autres groupes également, et que vous tiendrez compte des opinions de l'APN et de tout le monde.
L'hon. Anne McLellan: En effet, dans le cadre de nos discussions exploratoires, l'APN n'était qu'une organisation parmi beaucoup d'autres organismes et groupes de survivants que nous avons consultés en 1998 et 1999 à cette occasion. Nous avons ensuite lancé les projets pilotes en vue d'apprendre et donc de définir un système qui serait juste et adapté à la culture tout en accordant une traitement humanitaire aux demandeurs. Il y a de nombreuses parties prenantes. L'APN est de toute évidence l'une de celles qui réussit le mieux à présenter ses vues de manière cohérente. En fait, comme je l'ai mentionné dans mes remarques liminaires, c'est nous qui avons assuré le financement à l'APN qui lui a permis de préparer le rapport dont vous parlez maintenant.
Nous n'avons rien à cacher. Nous ne sommes pas sur la défensive. Encore une fois, je crois savoir que c'est nous-mêmes qui avons assuré le financement à l'APN pour la préparation de ce rapport.
Une voix: Oui, effectivement.
L'hon. Anne McLellan: Le financement a été assuré par cette unité. Nous ne sommes pas contre l'idée de recueillir un maximum d'opinions sur le processus actuel et les résultats qu'il donne, et la possibilité d'apporter certaines modifications. Nous avons entretenu un dialogue important avec les groupes de survivants, leurs avocats, les survivants individuels, et des organisations comme l'APN .
Mais je ne crois pas me tromper—n'est-ce pas, Mario—que par rapport à toutes les organisations autochtones nationales, c'est l'APN qui a le plus participé à ces activités?
M. Mario Dion: Oui, tout à fait, et les demandeurs qui sont membres de Premières nations représentent 87 p. 100 des demandes. Nous avons invité d'autres organisations autochtones nationales à étudier le rapport de l'APN et de nous faire part de leurs vues à ce sujet, mais elles ne l'ont pas encore fait.
La présidente: Merci.
Comme il est déjà midi, je pense que nous avons le temps de faire un dernier tour de questions en présence de la ministre, car nous avons un autre groupe de témoins que nous rencontrons entre midi et 13 heures.
Je vous invite donc à faire quelques dernières observations.
L'hon. Anne McLellan: Madame la présidente, je voudrais simplement vous dire, en toute sincérité, que l'objectif que je me suis fixé depuis qu'on m'a confié ce poste en juillet consiste à arriver à régler, rapidement et équitablement, les dossiers de ces 13 000 et quelques demandeurs, dont 2 000 ont déjà été réglés. Il y a certainement moyen d'accélérer le processus entourant le MARC et peut-être d'essayer de traiter avec des groupes de demandeurs de façon à accélérer les choses. Je suis tout à fait disposée à examiner les recommandations du comité à cet égard. Mais il doit y avoir un processus en bonne et due forme, et les demandes doivent être validées. Je m'attends avec impatience à recevoir les observations du comité sur la validation.
Il va sans dire que ce ne sont pas des questions faciles à régler. Nous avons essayé de tirer certains enseignements de l'expérience d'autres administrations relativement à des pensionnats où les élèves n'étaient pas Autochtones. Nous avons aussi essayé d'apprendre de ce qui s'est fait à l'échelle internationale. Il ne fait aucun doute qu'il s'agit là d'événements très sombres dans l'histoire du Canada. Mais nous devons reconnaître que ces événements ont eu lieu et compenser les victimes sur le plan monétaire et autre. Nous espérons pouvoir travailler avec les survivants pour continuer d'avancer. Tel est notre objectif.
Mais il faut un processus. J'espère que les gens comprendront que nous nous efforçons de travailler avec les survivants, avec leurs avocats et avec d'autres, de manière tout à fait transparente. Nous n'avons rien à cacher. D'ailleurs, pourquoi chercherions-nous à cacher quoi que ce soit? Et nous nous efforçons aussi de travailler avec les Églises.
Mais ce processus s'est révélé complexe et difficile pour tout le monde; c'est ce que vous avez vous—même découvert dans le contexte de vos audiences, après avoir entendu des histoires de témoins qui ont raconté leurs expériences personnelles par rapport à cet atroce chapitre de notre histoire. Je suis évidemment très intéressée à entendre les vues du comité à ce sujet. Vous allez constater que nous sommes très intéressés à examiner vos recommandations et à déterminer dans quelle mesure elles peuvent nous aider à traiter avec les survivants, à régler leurs demandes et donc à mettre derrière nous en quelque sorte cette partie tragique de notre histoire, même si pour des raisons bien réelles et profondes, il ne sera pas possible aux survivants de mettre tout cela derrière eux. Voilà pourquoi nous avons essayé de reconnaître la difficulté de leur situation en adoptant un stratégie intégrée en deux volets—l'indemnisation n'étant qu'un volet de la stratégie, et la guérison, un autre volet important.
 (1200)
La présidente: Merci beaucoup.
Nous vous remercions d'avoir gentiment accepté notre invitation et d'être venus dialoguer avec nous ce matin.
J'aimerais demander aux membres du comité d'approuver un budget pour la suite de nos audiences avant de suspendre nos travaux en prévision du prochain groupe de témoins.
Comme nous avons fixé notre programme et que nous savons que des témoins viendront de la Colombie-Britannique, de la Saskatchewan et du Manitoba, nous constatons que la somme que nous avions fixée pour les frais de déplacement, à raison de 1 200 $ par personne, n'est pas suffisante pour nous permettre de payer les dépenses de tous les témoins. Par conséquent, nous vous demandons—et je suis en train de faire distribuer la feuille—d'approuver un budget supplémentaire de 68 500 $, pour nous permettre de terminer nos audiences sur les pensionnats.
Monsieur Martin.
M. Pat Martin: J'aimerais proposer que nous prélevions les fonds requis sur notre budget pour poursuivre cette étude.
La présidente: Il est proposé par M. Martin que le budget que vous avez sous les yeux soit approuvé.
L'hon. Sue Barnes (London-Ouest, Lib.): Pourrais-je vous demander un éclaircissement? Ce budget concerne-t-il les témoins que nous avons déjà reçus? Donc, il faut absolument approuver cela pour pouvoir les payer?
La présidente: Oui.
(La motion est adoptée.)
La présidente: Merci beaucoup.
Nous entamons maintenant la deuxième heure de notre réunion, et nous accueillons une deuxième série de témoins, soit l'Association du Barreau canadien et l'Assemblée des Premières nations, en présence du chef national Fontaine.
J'invite tous les témoins à prendre place à la table. Nous entendrons d'abord les représentants de l'Association du Barreau canadien, et nous passerons ensuite directement à l'Assemblée des Premières nations. Les membres pourront alors poser des questions aux deux groupes de témoins.
Monsieur Martin.
M. Pat Martin: Madame la présidente, je n'ai pas bien compris ce que vous avez annoncé en ce qui concerne l'ordre de comparution. Avez-vous recommandé que nous entendions d'abord les représentants de l'Association du Barreau canadien et ensuite le chef national de l'APN, avant d'ouvrir la période des questions?
La présidente: Pour gagner du temps, nous devrions à mon avis entendre les deux témoins, et ensuite ouvrir la période des questions. Je ne sais pas exactement où est passé le chef national, alors nous pourrions commencer par entendre les représentants de l'Association du Barreau canadien, en espérant que le chef sera prêt à faire son exposé d'ici que nous entendions le premier.
Je vous souhaite la bienvenue au nom de tous les membres du comité. Je ne sais pas qui va faire l'exposé au nom de l'Association du Barreau canadien.
Ah, bon, c'est Mme Joan Bercovitch, directrice principale. Vous avez la parole.
Mme Joan Bercovitch (directrice principale, Affaires juridiques et gouvernementales, Association du Barreau canadien): Merci infiniment de nous avoir donné l'occasion de comparaître devant le comité. L'Association du Barreau canadien compte plus de 38 000 membres avocats dans toutes les régions du Canada.
[Français]
L'amélioration du droit et de l'administration de la justice fait partie des buts et des objectifs de l'Association du Barreau canadien.
[Traduction]
L'exposé de l'Association sera prononcé aujourd'hui par Jeff Harris et Christopher Devlin, qui sont, respectivement, président et vice-président de la Section nationale du droit des Autochtones de l'ABC. M. Harris pratique le droit des Autochtones à Winnipeg. M. Devlin pratique le droit des Autochtones à Victoria.
Ces derniers vont faire des remarques liminaires en vue de présenter une étude exhaustive que vous n'avez pas devant vous. On vous a remis un résumé de l'étude en question. J'ai quelques exemplaires de l'étude proprement dite que je peux donner aux membres du comité qui le souhaitent. Nous nous assurerons de vous transmettre cela plus tard cette semaine. Nous pourrons les envoyer directement à vos bureaux. Il ne nous a pas été possible de les distribuer aujourd'hui, car nous n'avons pas eu le temps de faire traduire le document.
M. Harris et M. Devlin sont donc très heureux de faire l'exposé au nom de l'Association et seront à votre disposition après pour répondre à vos questions.
 (1205)
M. Jeffrey Harris (président, Section nationale du droit des autochtones, Association du Barreau canadien): Merci, madame la présidente et membres du comité, de nous avoir invités à comparaître.
Notre exposé sera en deux volets. Pour ma part, je vais vous expliquer les préoccupations que suscite l'actuel processus du MARC, alors que M. Devlin vous présentera nos recommandations sur les améliorations à y apporter.
D'entrée de jeu, madame la présidente, je voudrais préciser que lorsque le MARC a été annoncé pour la première fois par le gouvernement à l'automne 2003, nous avons écrit au ministre Goodale, qui était responsable du programme à l'époque, pour lui dire que nous étions favorables à l'idée de recourir à un MARC pour régler les demandes d'indemnisation en instance. Nous reconnaissons qu'il faut un processus autre que les poursuites habituelles pour pouvoir régler équitablement ces demandes.
Ceci dit, nous estimons que le processus actuel compte un certain nombre de graves défauts, et j'ai l'intention de vous expliquer la nature de nos préoccupations à cet égard. Comme vient de vous le dire Mme Bercovitch, le rapport intégral sera bientôt disponible et vous fournira d'autres détails concernant ces préoccupations.
Le processus du MARC se veut une absolution de rechange par rapport aux poursuites civiles, mais malheureusement, le modèle qu'on emploi est celui de la justice commutative, c'est-à-dire un modèle de justice qui s'appuie sur la notion de responsabilité civile délictuelle, qui comporte des éléments de blâme, de faute, et de méfait. La réalité des pensionnats exige au contraire une approche axée sur la justice réparatrice. Elle appelle la réconciliation. Le réseau des pensionnats était conçu pour effacer la culture. Il devait y arriver en enlevant les enfants de leurs familles, de manière à effacer leurs enseignements culturels et garantir leur assimilation. C'était une expérience qui ne correspond à aucune autre que les Canadiens ont pu vivre. Elle exige donc fondamentalement une approche axée sur la justice réparatrice. La justice commutative n'est tout simplement pas adéquate pour traiter correctement les préjudices intangibles dont il est question dès lors qu'on parle des victimes des pensionnats.
L'autre problème que pose le programme, madame la présidente, c'est qu'il n'englobe pas tous les différents types de préjudice qui ont pu être infligés aux élèves. Ces écoles ont été créés pour effacer la culture autochtone. Elles devaient y arriver en refusant aux élèves le droit de parler leur langue, en tournant en dérision la culture autochtone, et en séparant les enfants de leurs familles. Ce programme ne reconnaît pas non plus l'ampleur des préjudices causés aux victimes par la perte de leur langue et de leur culture.
Le régime actuel admet que les motifs bien établis et étroits qu'on associe à une réclamation en responsabilité civile délictuelle; autrement dit, il ne traite que de sévices sexuels et physiques et, dans certains cas, de séquestration, conformément aux définitions retenues. En ce qui concerne les châtiments, ce dernier applique uniquement le critère des moeurs de l'époque, ce qui veut dire que si les châtiments étaient conformes aux moeurs de l'époque, vous n'avez pas droit à une indemnisation. Bien qu'une telle solution règle peut-être le problème de la responsabilité de la Couronne, nous estimons respectueusement qu'elle compromet la crédibilité d'un programme qui vise à régler le problème des séquelles laissées par les pensionnats.
Ce système ne tient pas compte du fait que les moeurs de l'époque chez les familles autochtones et dans les collectivités autochtones n'admettaient pas les châtiments corporels à l'égard des enfants. Il ne reconnaît pas non plus qu'un châtiment acceptable infligé à répétition est indemnisable; par exemple, ce programme estime que l'administration de corrections répétées ne donne pas lieu à une indemnisation, alors que nous soumettons respectueusement que ce serait admis. Et il ne tient aucun compte du caractère unique des châtiments infligés aux victimes—par exemple, le fait d'avoir forcé des enfants à rester à genoux, les bras tendus, pendant des heures dans un lieu public, de leur avoir coupé les cheveux ou rasé la tête, de les avoir séquestrés dans le noir pendant de longue période dans des placards, ou de les avoir mis au pain sec et à l'eau. Ce régime ne tient pas compte de pertes de ce genre.
Il ne tient pas non plus compte des conditions dans lesquelles les enfants ont vécu. Comme nous l'indiquons dans notre document, dans un rapport publié en 1908, un inspecteur qualifie les conditions dans une école albertaine de « déplorables ». Ce programme ne reconnaît pas la mauvaise qualité de l'éducation qu'ont reçu les enfants, puisque ces derniers ont passé plus de temps à nettoyer et à entretenir les locaux qu'à apprendre. Et il ne tient pas compte des répercussions intergénérationnelles. Nous avons maintenant des générations d'enfants qui sont devenus parents, sans jamais apprendre à être parents.
Par conséquent, madame la présidente, nous pensons que le programme du MARC cause peut-être d'autres préjudices aux victimes des pensionnats. Nous avons examiné le formulaire de demande, qui compte une quarantaine de pages, et qui force les demandeurs à revivre en détail les souffrances qu'ils ont connu dans les pensionnats. Bon nombre de ces personnes sont incapables de remplir le formulaire elles-mêmes. À notre avis, les procédures entourant la présentation d'une demande revictimisent les survivants.
 (1210)
De plus, tout ce processus est trop long; il n'est pas assez rapide. Je vais d'ailleurs y revenir un peu plus tard.
Nous soumettons donc respectueusement que ce processus ne marche pas. Nous avons entendu toutes sortes de chiffres aujourd'hui. Permettez-moi de vous présenter les statistiques que nous possédons à l'Association. Elles sont basées sur l'information que nous avons extraite du site Web du programme le 6 décembre 2004. D'après ce site Web, seulement neuf demandes ont été réglées grâce au MARC.
La vice-première ministre a déclaré tout à l'heure que 1 200 personnes ont présenté une demande au programme. Ça, c'est par rapport aux 13 000 personnes qui ont déposé une demande d'indemnisation devant un tribunal. Seulement 1 200 ont décidé de se prévaloir de ce processus. Et la raison en est claire. Les problèmes que nous venons de décrire en sont la raison.
En tout, seulement 1 809 demandes ont été réglées. La vice-première ministre a parlé de 2 000 demandes. Mais pour que ce soit bien clair, il convient de préciser que ce nombre comprend les demandes réglées de toutes sortes de façons différentes, y compris en passant par les tribunaux.
Une analyse plus approfondie nous permettrait de constater que seulement 7 p. 100 des demandeurs ont opté pour le MARC, et selon nous statistiques, 0,005 p. 100 des demandes ont été réglées grâce à ce processus. À notre avis, ce n'est pas satisfaisant. Ce système pose un problème fondamental, et il faut absolument le rectifier.
Encore une fois, nous avons entendu les observations des membres du comité concernant les sommes consacrées à l'administration du programme. Le nombre d'avocats engagés par le ministère de la Justice est absolument effarant. Seulement à Winnipeg, 15 avocats ont été engagés pour traiter spécifiquement des demandes d'indemnisation touchant les pensionnats, et je crois savoir qu'il y en a 25 à Saskatoon. Et là on ne parle que de petits centres. Cela ne comprend pas les autres villes du Canada. L'industrie que représentent les avocats du ministère de la Justice engagés spécifiquement pour traiter ces demandes est en pleine expansion.
Selon nous, madame la présidente, il faut absolument corriger les problèmes si nous souhaitons que ce processus soit crédible et qu'il permette de régler ces griefs de longue date.
Merci.
M. Christopher Devlin (vice-président, Section nationale du droit des autochtones, Association du Barreau canadien): L'Association du Barreau canadien recommande l'adoption d'un autre modèle. À l'heure actuelle, c'est un modèle axé sur la justice commutative, alors que nous recommandons un modèle axé sur la justice réparatrice dans notre document ainsi que dans le résumé que nous avons fait distribuer aux membres du comité.
Ce modèle de justice réparatrice repose sur trois piliers. Le pilier qui est non seulement le premier mais le plus central est celui du paiement de redressement, soit un paiement général fait non seulement aux 1 200 demandeurs ou aux 13 000 personnes qui passent devant les tribunaux, mais à tous les survivants des pensionnats en date de janvier 1998, car c'est à ce moment-là que le gouvernement a présenté des excuses et, à notre avis, a accepté sa responsabilité à l'égard de la catastrophe des pensionnats.
Ce paiement de redressement est très important. À notre avis, il permet de répondre de manière fondamentale au problème de la perte de sa culture et de sa langue, surtout que la raison d'être des pensionnats était de supprimer cette culture et ces langues. À notre avis, faire un tel paiement permettrait dans une très grande mesure de reconnaître officiellement et de régler les recours collectifs actuels, de même que de futurs recours collectifs. Bon nombre de ces personnes… Disons que l'âge moyen des survivants est de 57, et comme Statistique Canada nous apprend que l'espérance de vie des peuples autochtones du Canada est de 61 ans, il est clair qu'il faut agir vite pour régler efficacement ces demandes.
À notre avis, le versement d'un paiement de redressement à titre gracieux afin de reconnaître l'importance fondamentale de la perte d'une culture et d'une langue revêt un importance critique pour un modèle axé sur la justice réparatrice. Il faudrait que le tout s'appuie sur une procédure simple et facile à comprendre. Le formulaire de demande serait d'une page. Dans le document que nous allons vous fournir, nous présentons un modèle de formulaire de demande qui ne compte qu'une page; il s'agirait d'indiquer son nom, l'école qu'on a fréquentée, combien d'années on y est resté—ce genre de choses. Le gouvernement possède la grande majorité des dossiers des écoles et pourra donc vérifier ces données.
Nous avons aussi repris les niveaux d'indemnisation proposés par l'Assemblée des Premières nations dans son document, à savoir 10 000 $ pour ceux qui ont fréquenté un pensionnat; et ensuite, 3 000 $ par an pour chaque année qu'on a passé dans un pensionnat. En toute sincérité, ces montants nous semblent un peu faibles, mais voilà ce que recommande l'APN, et cette solution nous semble viable.
Cependant, il faudrait qu'il y ait un comité d'examen, qui serait habilité à prendre les décisions finales. il serait composé des représentants de diverses parties prenantes, notamment pour les cas où la vérification serait difficile—si, par exemple, les dossiers de l'école ont été perdus—afin de s'assurer que les personnes qui ont présenté une demande ont effectivement fréquenté un pensionnat et devraient donc toucher le paiement de redressement.
Comme je vous l'ai déjà dit, ce paiement serait fait à tous les survivants connus en date du 7 janvier 1998. Nous estimons également que des conseils juridiques devraient être assurés gratuitement à tous les survivants, jusqu'à concurrence de 500 $, pour qu'ils comprennent qu'en acceptant ce paiement, ils signeraient une sorte de décharge qui les empêcherait d'intenter des poursuites plus tard pour des préjudices semblables dont ils auraient pu être victimes. Comme ce fut le cas pour le règlement intervenu entre le gouvernement et les victimes de l'hépatite C, nous estimons qu'il devrait y avoir des négociations entre les avocats des survivants qui ont intenté un recours collectif pour la prise en charge des frais juridiques non réglés.
Dans une très large mesure, ce qui a donné lieu à l'élaboration du MARC était ces personnes qui ont décidé de passer en justice et de revivre leurs expériences, de même que les conseillers juridiques qui ont piloté ces dossiers en leur nom. À notre avis, on ne devrait pas défalquer du paiement de redressement le montant des frais juridiques qu'ils doivent encore à leurs conseillers juridiques. À notre avis, il doit s'agir d'un processus rapide—qui ne prendrait pas plus de cinq ans—un peu comme pour les Canadiens japonais, et le gouvernement devrait être responsable de la totalité des frais.
Le deuxième pilier est en rapport avec les quelques réformes fondamentales qu'il faut à notre avis apporter au MARC : premièrement, il faut simplifier le formulaire de demande de 40 pages pour ne demander que les informations essentielles; une aide juridique devrait être assurée aux demandeurs, au lieu que ce soit le gouvernement qui paie des gens pour remplir les formulaires de demande; la demande devrait être très rapidement transmise au bureau d'examiner les demandes, et ne devrait donc pas rester très longtemps au bureau du ministère. À mon avis, c'est là l'une des causes des retards accusés en ce moment.
 (1215)
Enfin, il faudrait un processus de vérité et de conciliation qui aille au-delà du plan national défini par la ministre. Il faudrait mettre sur pied un fonds de conciliation et établir un processus de sensibilisation du public qui permettra de renseigner les Canadiens et de faire la lumière sur cet atroce chapitre de notre histoire, afin que les Canadiens comprennent réellement ce à quoi servaient les pensionnats et les préjudices qu'ils ont causés. Les problèmes structurels et permanents qu'on observe dans les collectivités autochtones sont en partie le résultat direct de cette politique gouvernementale, qui visait à effacer la culture et les institutions familiales, et qui est nécessairement la cause de la situation d'autant de collectivités autochtones de nos jours.
Merci.
La présidente: Merci beaucoup.
Nous passons maintenant à Phil Fontaine, chef national de l'APN.
Bienvenue au comité.
Chef Phil Fontaine (chef national, Assemblée des Premières Nations): Merci, madame la présidente, et membres du comité.
Je vais surveiller de près l'horloge. Il pourrait m'arriver de dépasser de quelques secondes, mais je vais essayer de m'en tenir aux 10 minutes qui nous sont imparties pour nos remarques liminaires.
Je suis le chef national de l'Assemblée des Premières nations. Cela m'attriste de me retrouver encore ici, à implorer le gouvernement du Canada de remplir ses obligations légales et morales envers les peuples des Premières nations. Pourquoi est-ce nécessaire, quand nous savons tous qu'un si grand nombre de vies ont été brisées à tout jamais par cette terrible mascarade que nous appelons l'expérience des pensionnats indiens?
Ma grand-mère est entrée dans un pensionnat en 1878; mon père en 1909; ma mère en 1919; mes frères et soeurs à partir de 1938. Ça n'a rien de nouveau. Certainement pas pour moi. Ni pour les gens que je représente. Le message que je vous communique en termes énergiques aujourd'hui, et ce avec le plus grand respect, et qu'il y a belle lurette que cette question aurait dû être réglée—cette affaire doit se régler maintenant—de manière juste, honorable et définitive.
On m'a chargé de faire tout mon possible pour résoudre la tragédie des pensionnats indiens. Je suis le porte-parole des membres des Premières nations; je parle aujourd'hui pour l'ensemble des élèves membres de Première nations qui ont fréquenté un pensionnat. Aussi vrai que je me tiens ici devant vous, je ne serai en paix que lorsque j'y serai parvenu. Rien ne compte plus pour la relation qui unit les Premières nations et le gouvernement du Canada que le règlement de ce problème.
De nombreuses victimes des pensionnats nous ont quitté au fil des ans sans connaître la justice et la réconciliation—pour être exact 20 000 depuis 1991. Ceux d'entre nous qui sommes encore en vie attendent toujours. Nous attendons que le gouvernement du Canada s'attaque aux pires exemples de violation des droits de la personne dans toute l'histoire du Canada; nous attendons de lui qu'il agisse honorablement, convenablement, correctement. Nous attendons que le gouvernement du Canada fasse le ménage dans son passé honteux et qu'il s'engage sur le long chemin de la réconciliation avec ses premiers peuples. Nous attendons que le Canada cesse de se cacher derrière des arguments bidons, des démentis et des retards inadmissibles qui font en sorte que de plus en plus de gens meurent les mains vides, sans qu'on leur ait versé l'indemnité qu'ils méritaient et qui leur était due.
Pendant 10 ans, j'ai vécu l'enfer des pensionnats indiens. Je sais très bien ce que mes frères et soeurs, ma mère et mon père, mes tantes, mes oncles, mes cousins et mes amis ont eu à traverser. Je sais ce que plus de 150 000 de mes semblables ont eu à vivre, et je n'admets pas que nous ayons à raconter nos histoires sordides encore et encore pour vous convaincre de leur véracité. J'ai du mal à accepter de me faire répondre que le gouvernement du Canada n'a pas les moyens de verser aux victimes l'indemnité qui leur est due même si, peu importe le montant, elle ne compensera jamais les ravages dont bon nombre d'entre nous ne se remettront jamais.
En tant que chef national, je représente les gens qui occupent cette terre depuis des temps immémoriaux. Ces mêmes gens que ciblait la politique canadienne des pensionnats indiens. Cette politique a été conçue pour régler le « problème indien », en nous arrachant à nos foyers et à nos familles pour nous empêcher d'apprendre notre belle culture, nos langues à la fois nombreuses et variées, et notre lien fondamental à la terre. Le gouvernement du Canada s'est employé à détruire notre rapport avec le passé, afin que nous n'ayons aucun avenir.
Au cours de la semaine dernière, vous avez reçu de nombreux témoignages. Vous avez entendu Flora Merrick, Alfred Beaver, Ted Quewezance, Bobby Joseph, et bien d'autres. Ces personnes merveilleuses et courageuses vous ont raconté leur histoire. Des histoires qui sont difficiles à entendre. Des histoires qui parlent de choses horribles, d'humiliations indescriptibles et d'actes de cruauté infligés dans les pensionnats indiens. Ils ont été mis dans les écoles, ces trous d'enfer, au nom du gouvernement du Canada et des Canadiens. Il n'y avait pas moyen d'y échapper. La Loi sur les Indiens menaçait d'emprisonnement les parents qui refusaient d'envoyer leurs enfants dans ces prétendues écoles.
Les témoins vous ont aussi parlé de leur quête de réparation auprès du gouvernement du Canada, au moyen du processus lié au MARC, pour les préjudices qu'on leur a causés. Ils vous ont dit que, non seulement le processus du MARC n'arrive pas à les indemniser convenablement, mais aussi qu'il les victimise de nouveau par des hypothèses insultantes, et ses injustices.
 (1220)
Nous ne sommes pas les seuls à affirmer que le processus relatif au MARC ne permettra jamais d'accorder une indemnisation juste et équitable aux victimes et que cette démarche est un échec pour les anciens élèves des pensionnats. La Cour d'appel de l'Ontario, dans sa décision unanime affirmant la validité du recours collectif Cloud, a dit exactement la même chose que nous affirmons depuis des mois et des mois—à savoir que ce processus ne débouchera jamais sur une compensation juste et équitable pour les victimes; il n'offrira jamais la possibilité de réconciliation à nos peuples. Et ce résultat, en soi, est tragique.
Quand à nous, nous proposons une solution de rechange. Axée sur la réconciliation, cette solution est réaliste, concrète et juste. Vous devriez tous avoir un exemplaire de notre rapport. Si vous n'en avez pas, dites-le nous, et nous allons y remédier.
Dans notre rapport, vous verrez que nous sommes d'accord avec le gouvernement du Canada pour dire qu'il faut trouver une solution de rechange aux recours devant les tribunaux. Les anciens élèves souhaitent et méritent une solution qui leur permette d'éviter les procédures judiciaires et qui les traite d'une manière juste et équitable, tout en favorisant la réconciliation et la guérison. On ne peut mener des luttes sans merci devant les tribunaux et réussir la réconciliation et la guérison.
Nous avons organisé une conférence nationale à l'Université de Calgary, l'an dernier, pour consulter les anciens élèves, les responsables gouvernementaux, les représentants des Églises, et des experts indépendants, afin de savoir si le programme relatif au MARC et élaboré par le gouvernement pouvait être porteur de réconciliation. Il est clairement ressorti de cette conférence que, dans sa forme actuelle, le MARC n'amènera jamais la réconciliation. Autour de la table, nous étions tous d'accord pour reconnaître que le processus dont peuvent se prévaloir pour l'instant les anciens élèves a de graves défauts; il n'est tout simplement pas viable.
Donc, quand je me suis adressé par la suite au gouvernement, c'est-à-dire aux responsables principaux du gouvernement, pour proposer des changements au MARC pour qu'il réponde mieux aux besoins des demandeurs, ils ont accepté notre offre. C'est ainsi que nous nous sommes attaqués au travail pour essayer de trouver une meilleure solution. Voilà l'entente intervenue entre nous à Calgary—à savoir que l'Assemblée des Premières nations proposerait une autre solution par rapport au régime actuel—quelque chose de mieux, de plus juste et de plus équitable. Ce n'est pas par bonté d'âme que le gouvernement a accepté ce qu'on lui proposait; les responsables gouvernementaux qui étaient présents pour la conférence comprenaient que ce processus avec effectivement de graves lacunes.
Je voudrais maintenant vous présenter un survol—et je surveille bien l'heure—du processus actuel du MARC, afin de vous signaler quelques-uns des problèmes qu'il comporte et la façon dont notre démarche les corrigerait.
Tout d'abord, en vertu du MARC conçu par le gouvernement, aucune indemnisation n'est accordée pour la perte de sa langue et de sa culture, ni pour la privation du milieu familial. Or nous jugeons essentiel de compenser ces pertes au moyen du versement d'un montant forfaitaire à toutes les personnes qui ont fréquenté les pensionnats indiens. Après tout, la raison d'être de ces pensionnats consistait en premier lieu à détruire nos langues, nos cultures et nos liens familiaux. C'est ce qui a causé à chacun de nous, à nos enfants et à nos petits enfants le plus de tourment et de mal. Le défaut d'indemniser de tels préjudices équivaudraient à fermer les yeux. Une telle situation serait intolérable en ce qui nous concerne, et il devrait l'être tout autant pour vous.
Deuxièmement, le processus du MARC établi par le gouvernement ne traite pas tous les demandeurs de la même manière. Si les sévices ont été infligés dans une école catholique, l' indemnité n'est versée qu'à 70 p. 100. En plus de ce traitement inéquitable, il y a une autre injustice liée à la géographie. Les indemnités sont plus élevées si les sévices ont été exercés sur les victimes en Colombie-Britannique, au Yukon, ou en Ontario. Dans ces provinces, les montants versés sont plus élevés de 25 p. 100 que dans les autres provinces. Alors si on combine ces deux injustices et qu'on prend l'exemple d'un élève qui obtient le montant maximal pour les pires sévices et que, par surcroît, son agresseur était un anglican de la Colombie-Britannique, du Yukon ou de l'Ontario, l'élève en question touche donc plus qu'un élève qui a vécu exactement la même chose dans un pensionnat catholique du Manitoba. Notre plan prévoit que tout le monde soit sur un pied d'égalité; tout le monde recevrait 100 p. 100 de l'indemnité prévue, et ce serait le même montant pour tout le monde.
Troisièmement, le plan entourant le MARC du gouvernement s'en tire à bon compte avec les victimes de sévices sexuels, si on compare leur indemnisation à ce que les tribunaux pourraient leur accorder. Les montants adjugés par les tribunaux pour des sévices sexuels se chiffrent, en moyenne, à 30 000 $ de plus que ce que prévoit le plan du MARC pour des sévisses semblables ou identiques. Pourquoi? Parce que le plan du MARC accorde trois fois plus d'importance aux sévices qu'à leurs conséquences. Dans notre plan, nous donnons beaucoup plus de poids aux conséquences à vie qu'à l'acte même, et les montants d'indemnisation se comparent donc à ce qu'adjugerait un tribunal.
 (1225)
Quatrièmement, le plan du MARC ne renferme aucune disposition pour accélérer le versement des indemnités aux personnes âgées ou et malades. Certains demandeurs âgés et malades doivent attendre jusqu'à 18 mois ou plus pour se faire indemniser. Notre plan exige que les gens malades et âgés se fassent indemniser rapidement.
Cinquièmement, à la vitesse à laquelle progresse actuellement le processus du MARC, il faudra de 30 à 53 ans pour tout régler. Les anciens élèves meurent au rythme d'au moins quatre par jour. Dans notre plan, nous avons établi un délai de cinq ans pour le règlement de toutes les demandes d'indemnisation. De plus, nous exigerions le versement de montants forfaitaires aux familles immédiates, dans le cadre de victimes décédées, éliminant ainsi toute incitation à étirer le temps ou toute récompense y afférente.
Sixièmement, le plan du MARC refuse arbitrairement des indemnités en se fondant sur l'occupation de l'agresseur et l'endroit où les sévices ont été infligés. C'est dire que si une personne se trouvait sur les lieux du pensionnat pour une raison autre que pour entrer en contact avec les enfants—un jardinier, par exemple—et que cette personne avait agressé un enfant, le gouvernement refuserait toute responsabilité parce que, à ses dires, la présence du jardinier n'avait rien à voir avec les enfants. Mais qu'est-ce que cela change au juste que l'agression soit survenue dans une remise à outils plutôt que dans un dortoir? Pour la victime d'une agression—dans ces cas-ci, des enfants sans recours et sans défense n'ayant aucun endroit où se réfugier—la douleur est la même. Un poing en plein visage est un poing en plein visage. Un viol reste un viol.
C'est honteux que le gouvernement use de tels détails pour rejeter une demande. De telles distinctions sont insensées dans un cadre axé sur la réconciliation. Elles n'ont de sens que dans la confrontation. Le gouvernement doit choisir.
Septièmement, le plan du MARC ne prévoit une indemnisation que pour les corrections corporelles qui sont excessives en regard des moeurs de l'époque. Lorsque Flora Merrick s'est sauvée du pensionnat, parce qu'on lui refusait le droit d'aller aux funérailles de sa propre mère, elle a été rouée de coups jusqu'à son corps et ses bras soient couverts d'ecchymoses, puis enfermée dans une petite pièce sombre pendant deux semaines. Eh bien, les avocats du gouvernement refusent l'idée qu'elle touche même un sou pour cette correction. Ils ont déclaré, dans le contexte de l'appel qu'elle a interjeté pour la maigre indemnité de 1 200 $ qu'on lui accordait, que sa punition cadrait avec les moeurs de l'époque. De même, ils lui refusent toute indemnité pour la vive douleur émotionnelle que lui a causée l'interdiction de se rendre aux funérailles de sa mère, tout simplement parce que le plan du MARC ne prévoit aucune indemnisation pour ce genre de préjudice.
Permettez-moi donc de vous poser la question : qui détermine quels sont les moeurs de l'époque, et en fonction de quoi peut-on établir des comparaisons? L'échelle de valeur des autorités et des pensionnats n'a jamais été la nôtre ni celle de nos parents. L'hypocrisie de cet élément du MARC est à couper le souffle. Le gouvernement se permet d'être à la fois juge et partie.
Selon notre plan, tous ceux qui ont subi des sévices dans les pensionnats indiens, sans oublier les préjudices émotionnels graves, seraient indemnisés. C'est en fonction des moeurs actuelles qu'on porterait un jugement sur la conduite des auteurs des sévices.
Je n'ai pas terminé mes remarques, mais ce que je vais faire, puisque vous avez tous une copie de mon exposé… En tout cas, je pourrais vous le donner. Je vais conclure mes remarques afin qu'on puisse ouvrir la période des questions.
Comme vous le constatez, j'ai beaucoup de mal à faire mon exposé ce matin. Normalement, je suis beaucoup plus clair et j'ose espérer que j'arrive à m'exprimer avec un peu plus de cohérence que je n'ai réussi à le faire ce matin. Je vous présente mes excuses pour l'intensité de mes émotions.
Je ne suis pas venu ce matin dans l'idée d'embarrasser quiconque ni de manquer de respect envers qui que ce soit. Si je suis là, c'est parce que je suis convaincu qu'ensemble, nous pourrons en arriver à une formule qui garantit la justice et l'équité, de même que la guérison et la réconciliation à tous ceux qui ont fait l'objet de sévices dans les pensionnats. Voilà pourquoi nous sommes là. Nous ne sommes pas là pour punir quiconque. Nous ne sommes pas là pour causer des préjudices à qui que ce soit. Nous sommes là parce que nous sommes convaincus que le Canada voudra agir moralement envers nos peuples.
Nous ne parlons pas de 13 000 demandeurs, même si l'on a beaucoup insisté sur ce chiffre auprès des membres du comité. Nous parlons des anciens élèves qui sont encore en vie, qui sont au nombre de 87 000. À un moment donné, il y en avait 150 000. Voilà la nombre d'Autochtones qui ont fréquenté les pensionnats. Il n'en reste plus que 87 000. Donc, nous insistons sur le fait qu'il n'y a pas seulement 13 000 demandeurs : le nombre réel est beaucoup plus élevé.
 (1230)
Et quand nous parlons d'une indemnisation juste et équitable, ou de guérison et de conciliation—il faut un changement radical en ce qui concerne le modèle qu'on applique, de sorte qu'on passe d'une démarche rigidement axée sur la notion de responsabilité civile délictuelle, celle des assureurs, vers un modèle qui donne la priorité à la réconciliation; nous parlons effectivement d'un modèle qui favorisera la guérison et la réconciliation chez toutes les victimes.
Je vais m'arrêter maintenant. Notre modèle se révélera un modèle dont le Canada et les Canadiens pourront être fiers. Il renforcera la réputation du Canada en tant que chef de file mondial en matière de défense des droits de la personne, et suscitera un plus grand respect envers les premiers peuples au Canada et à l'étranger. Il établira aussi une norme et une méthode internationales pour le traitement de violations massives des droits. En dernier lieu, il permettra de tourner dignement la page sur l'expérience la plus honteuse, dommageable et raciste de notre histoire.
Merci.
La présidente: Merci beaucoup, chef. À mon sens, vous n'avez aucune excuse à nous faire. Je sais à quel point il a dû vous être difficile de faire cet exposé devant le comité.
Le premier intervenant pour ce tour de questions sera M. Harrison du Parti conservateur.
Merci.
M. Jeremy Harrison (Desnethé—Missinippi—Rivière Churchill, PCC): J'aimerais tout d'abord remercier les représentants de l'ABC, de l'APN, et surtout vous-même, chef Fontaine, de votre présence aujourd'hui. Je peux difficilement m'imaginer à quel point il serait difficile à des survivants d'avoir à raconter leur histoire dans un contexte pareil, et je ne peux non plus m'imaginer les atroces souffrances que vous avez dû connaître, vous qui avez été arraché, volé à votre famille et enfermé dans un établissement gouvernemental durant toute votre jeunesse. Je ne peux vraiment pas m'imaginer ce que vous avez dû vivre. Je vous remercie d'être là et de nous raconter votre histoire.
Premièrement, je voudrais m'inscrire en faux contre certaines déclarations faites par la vice-première ministre dans ses remarques liminaires. Elle a déclaré que 2 000 dossiers avaient été réglés. La semaine dernière, M. le juge Hughes nous a dit que 80 dossiers avaient été réglés, mais que sur ces 80, tous les intéressés n'avaient pas encore reçu leurs indemnités. Il y a quelqu'un dans tout cela qui n'a pas reçu les bonnes informations; quelqu'un quelque part a dû mal comprendre, parce que 80 et 2 000, ce n'est pas le même nombre.
De plus, la vice-première ministre et le sous-ministre nous affirment qu'en réalité, les dépenses du programme se chiffrent à seulement 8 millions de dollars. Or toutes les preuves que nous avons reçues au comité jusqu'à présent nous indiquent une situation toute autre. Même en étant généreux, ces dépenses sur les sept ans qui sont budgetés se chiffreraient à environ 100 millions de dollars. Le budget global établi pour le programme était de 1,7 milliard de dollars. Qu'est-il arrivé aux fonds restants? Où sont-ils? Nous n'avons dépensé que 8 millions de dollars jusqu'à présent. Nous n'avons aucune explication à ce sujet.
La vice-première ministre nous a dit à quel point ce programme est formidable, même si elle admet qu'il y avait quelques petits problèmes d'ordre technique auxquels on pourrait remédier. La question que j'aimerais poser à nos témoins est celle-ci : selon votre expérience, ce programme est-il aussi formidable que le prétend la vice-première ministre? Les collectivités autochtones l'acceptent-ils? Est-ce un programme holistique, comme le prétend le sous-ministre? Nous constatons que dans des cas comme celui de Flora Merrick, le gouvernement accorde des indemnités de 1 500 $. Comment peut-il s'agir d'une expérience holistique pour les gens qui doivent passer par là? J'aimerais entendre nos témoins à ce sujet.
Merci.
 (1235)
M. Jeffrey Harris: Merci, chef.
À notre avis, la communauté autochtone n'accepte pas ce programme. À mon avis, quelles que soient les statistiques qu'on examine, elles sont très éloquentes en ce qui concerne la participation au programme. J'ai l'impression que les personnes qui y ont recours n'ont pas d'autres possibilités.
Ce n'est pas un programme holistique. C'est un programme axé sur un modèle d'indemnisation et de preuve qui part de cette notion de responsabilité civile délictuelle, et il ne permet pas de s'attaquer aux questions fondamentales entourant les pensionnats; c'est-à-dire, encore une fois, le projet tout à fait délibéré du gouvernement de l'époque d'effacer les cultures et langues autochtones en enlevant les enfants à leur foyer, en les empêchant d'avoir des contacts avec leurs familles, et en détruisant ces liens. Le programme ne tient aucun compte de cette réalité-là. Le programme s'appuie sur des principes de droit relatifs à l'indemnisation qui sont très étroits.
Ce que nous devons faire maintenant, c'est viser la justice, plutôt que le respect des principes de droit. Et pour rendre justice aux victimes, il faut tenir compte de ce qui leur est arrivé, car c'est nous qui l'avons voulu, et parce que ces actes ont réellement été commis.
La présidente: Avez-vous quelque chose à ajouter, chef?
Chef Phil Fontaine: Oui. Je voulais réagir à l'affirmation selon laquelle l'Assemblée des Premières nations ne parlerait pas pour les anciens élèves.
Lorsqu'on a convoqué une réunion des premiers ministres pour discuter des soins de santé, c'est nous qui y avons représenté les Premières nations. Quand il y a eu des négociations pour obtenir du gouvernement qu'il présente ses excuses aux peuples autochtones, avant que ce ne soit fait en 1998, c'est l'Assemblée des Premières nations qui a piloté ces négociations. L'Assemblée des Premières nations était également l'organisation nationale à avoir négocié la création de la Fondation autochtone de guérison, et dans le cadre du processus sectoriel émanant du sommet du 19 avril, en ce qui concerne le gouvernement, c'est l'Assemblée des Premières nations qui constitue la porte-parole politique légitime des Premières nations. Ce que nous avons devant nous correspond à quelque chose qui a été négocié par des dirigeants politiques. Tout s'est fait exclusivement selon un processus politique, et par conséquent, que le gouvernement déclare maintenant que nous ne sommes pas les représentants légitimes des élèves autochtones qui ont fréquenté ces pensionnats est tout à fait injuste—même si nous reconnaissons que tout le monde n'acceptera pas ce que nous aurons négocié, mais cela demeure leur choix.
 (1240)
La présidente: Monsieur Harrison.
M. Jeremy Harrison: Merci beaucoup.
J'ai oublié de le dire au départ, mais je tiens à remercier à la fois l'ABC et l'APN pour les rapports qu'elles ont préparés à ce sujet. J'ai examiné les deux rapports et il est clair que cela a dû représenter beaucoup de travail. Vos rapports sont excellent.
La question que j'aimerais poser maintenant est de savoir dans quelle mesure le chef national de l'APN est satisfait de l'orientation ou de l'état actuel du programme et de ce qui est prévu pour l'avenir et s'il pense que des changements vont y être apportés et dans l'affirmative quels changements; j'ai lu le rapport de l'APN au sujet des changements qu'elle juge souhaitable, mais j'aimerais savoir si vous pensez vraiment que ces changements vont se concrétiser, et dans quelle mesure le gouvernement accepte ce que vous dites ou cherche simplement à s'esquiver.
Chef Phil Fontaine: Il faut voir tout cela dans le bon contexte. Il faut reconnaître que voilà de nombreuses années que nous discutons de cette question.
Quand j'ai parlé pour la première fois en public des sévices sexuels et physiques dont j'ai personnellement été victime dans deux pensionnats, mais plus particulièrement dans l'un d'entre eux, c'était en 1991. Nous sommes maintenant 14 ans plus tard. Et si vous faites le calcul du nombre d'années qu'il faudra pour conclure ce processus de manière définitive, eh bien, on parle d'un avenir lointain—cela pourrait prendre de 30 à 53 ans. C'est trop long.
L'Assemblée des Premières nations, dans l'analyse qu'elle a faite—et nous avons fait cette analyse au nom de l'Assemblée des Premières nations, des élèves que nous représentons, et du gouvernement—a conclu qu'il y a une meilleure méthode, et c'est la démarche que nous proposons qui est supérieure, surtout que le programme actuellement en place ne permettra jamais de régler de façon juste et équitable toutes les demandes d'indemnisation. Elle ne permettra pas non plus de favoriser la guérison et la réconciliation chez les victimes. Je vous disais tout à l'heure que nous ne sommes pas le seul organisme à avoir émis cette opinion. Dans une décision unanime, la Cour d'appel a fait exactement la même déclaration dans l'affaire Cloud.
Donc, nous continuons à travailler parce que nous voulons obtenir ce à quoi nous avons droit, et je compte sur le gouvernement pour se joindre à nous afin de garantir cette indemnisation juste et équitable et surtout favoriser la guérison et la réconciliation. Voilà ce que nous visons, et voilà notre engagement. J'espère que le gouvernement aura la même optique que nous. Un processus accusatoire et antagoniste ne nous intéresse pas; c'est la réconciliation qui nous intéresse. Voilà ce que nous nous efforçons de réaliser.
La présidente: Merci.
Il vous reste un peu de temps—très peu.
M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, PCC): Merci beaucoup, madame la présidente.
Moi, aussi, je voudrais remercier le chef de sa présence. Je n'ai qu'une minute ou deux.
Ce que je peux vous dire, c'est que depuis sept ans que je suis député, je n'ai sans doute jamais entendu un témoin aussi émouvant ou crédible que Flora Merrick. Autour de cette table, nous sommes tous d'accord là-dessus, je pense.
Il est clair que le processus actuel ne donne pas satisfaction. Il ne marche pas, et il faut chercher une solution. À mon avis, vous nous avez présenté des solutions de rechange très constructives. À mon avis, le comité devra agir rapidement; il nous faut rédiger un rapport qui garantisse que des mesures seront prises.
J'ai de graves préoccupations et je me demande si le gouvernement se contentera de faire du rafistolage autour du MARC, ou s'il proposera une véritable solution. À mon avis, nous devons essayer d'agir dans les plus brefs délais pour amener une solution définitive et assurer que justice soit faite.
Je n'ai rien d'autre à ajouter, madame la présidente.
 (1245)
La présidente: Merci.
Nous passons maintenant au Bloc. Je crois que vous voulez tous les deux poser des questions, et je vous conseillerais peut-être dans ce cas de partager votre temps de parole.
Monsieur Cleary.
[Français]
M. Bernard Cleary: Merci, madame la présidente.
Merci au grand chef d'être venu aujourd'hui clarifier des éléments qui, selon moi, devaient l'être. Merci aussi à M. Harris, dont le témoignage sur l'aspect juridique de cette question est extrêmement important pour nous.
Je conçois que Mme la ministre soit très occupée, mais elle aurait gagné beaucoup à écouter ce que je viens d'entendre au cours de cette deuxième heure. Elle aurait peut-être compris que, de ce côté-ci, nous avions bien compris les témoignages et que nous n'avions pas menti. La preuve en est que les résumés faits par M. Fontaine, pour la partie autochtone, et par M. Harris, pour la partie judiciaire, démontrent que le processus est à repenser.
L'Assemblée des Premières Nations a déposé un rapport qui est le fruit d'un travail majeur. Il ne faudrait pas une éternité à une personne de bonne volonté pour lire ce rapport et en tirer les conclusions qui s'imposent, d'autant plus que tout le travail avait été fait lors des travaux de cette commission.
Notre rapport devrait s'inspirer grandement des deux témoignages que nous venons d'entendre: ils résument parfaitement ce qui a été dit, malheureusement trop rapidement, à ce comité.
Je n'ai pas de questions à poser, je n'ai que des remerciements à faire. Vous recevoir fut un plaisir. Merci beaucoup, messieurs Fontaine et Harris.
[Traduction]
La présidente: Merci.
Monsieur Lévesque.
[Français]
M. Yvon Lévesque (Abitibi—Baie-James—Nunavik—Eeyou, BQ): Merci, madame la présidente. Merci, monsieur Fontaine. Merci à MM. Devlin et Harris des rapports qu'ils ont faits. Je regrette que la ministre n'ait pas eu plus de temps à nous consacrer. Elle a mentionné à un certain moment que les avocats se comprenaient entre eux. Je me défends bien d'être un avocat et j'aimerais que l'on contingente un jour les avocats dans ce gouvernement: il y aurait plus de rapports humains.
Je me souviens qu'au cours des années 1960, il y avait chez nous des orphelinats indiens, qu'on appelait des orphelinats autochtones. On allait y reconduire des familles complètes. Des parents allaient reconduire certains de leurs enfants; des enfants allaient reconduire leurs grandes soeurs et leurs grands frères, et c'était pénible à voir, même si j'avais moi-même connu le problème des orphelinats. L'atmosphère était très lourde quand j'allais reconduire ces familles.
Je n'ai pas eu le temps de lire les propositions qui ont été faites par l'Assemblée des Premières Nations. Je n'ai eu que l'aperçu que vous nous avez présenté ce matin. Je ne sais pas s'il a été proposé de régler des problèmes au niveau de la nation ou des regroupements, et si des recommandations au gouvernement ont été faites sur l'ensemble des dossiers qui auront été réglés dans les communautés.
Une de mes commettantes me demande de poser une question. J'aurais aimé la poser à la ministre, mais puisque nous avons ici des conseillers juridiques, je profite de l'occasion. Elle demande pourquoi le dossier n'avance pas au Québec. On a pris la peine de faire sortir le juge Jean-Luc Dutil de sa retraite pour traiter ces dossiers, et rien ne se passe. Le juge Dutil a-t-il un vrai mandat, ou non? C'est la première de deux questions.
La deuxième est la suivante. A-t-on examiné la possibilité de régler les problèmes des communautés avec des personnes ressources? Je crois que vous l'avez proposé dans votre document. Je vous remercie encore. Je ne siège pas régulièrement à ce comité et j'en suis peiné, mais je suis heureux de vous avoir entendus ce matin.
Merci, madame la présidente.
 (1250)
[Traduction]
La présidente: Qui voudrait répondre à la question?
Chef.
Chef Phil Fontaine: Ce que nous avons proposé dans notre rapport, c'est qu'on établisse une commission de vérité et de réconciliation, afin que toutes les parties intéressées aient l'occasion de dire la vérité et de raconter leurs histoires. Cela concerne les membres des collectivités individuelles et tous ceux et toutes celles qui ont été touchés par ce processus.
J'ai deux autres points à soulever très rapidement à ce sujet.
Nous avons proposé une nouvelle démarche dans notre rapport, et il est donc clair que nous ne sommes pas contre l'idée qu'il y ait un processus. Nous voulons qu'il y en ait un. De plus, nous ne nous opposons pas—et jamais nous ne nous y sommes opposés—à ce que les demandes soient validées. Nous ne sommes pas contre cette idée; nous ne l'avons jamais été. Mais il faut que ce soit un processus qui traite les anciens élèves avec dignité.
Par exemple, j'ai du mal à comprendre pourquoi le gouvernement voudrait dépenser jusqu'à 5 millions de dollars pour engager des enquêteurs privés pour retrouver des parties intéressées. La plupart de ces personnes ont décédées. Rappelez-vous que l'âge moyen des anciens élèves est de 57 ans, et par conséquent, je ne pense pas que cela corresponde à une bonne utilisation des deniers publics. À mon avis, non. Selon nous, c'est une pratique qui vise à discréditer les anciens élèves. Elle ne vise pas à réaffirmer l'engagement du gouvernement à changer son modèle en faveur d'un modèle axé sur la guérison et la réconciliation; c'est une pratique antagoniste. Voilà mon premier point.
Deuxièmement, ce que nous avons offert au gouvernement aborde directement le problème de la certitude. Nous visons la certitude, comme tout le monde, n'est-ce pas? Nous voulons quelque chose de définitif. Nous avons donc proposé quelque chose qui permettra de mettre fin à ce processus d'ici 2010. Nous voulons aussi que la solution retenue soit quelque chose d'exécutoire, qu'il s'agisse de procédures judiciaires, ou d'une approbation qui serait donnée par un tribunal… Voilà ce que nous souhaiterions, mais en ce qui me concerne, la question la plus importante pour le moment consiste à déterminer quelles seront les conditions de notre accord et la nature du processus qui va s'enclencher.
À notre sens, le programme doit être universel. On ne peut pas retenir la formule actuelle, parce qu'elle est trop injuste et comporte trop d'injustice.
La présidente: Merci beaucoup.
Monsieur Martin.
M. Pat Martin: Merci, madame la présidente, et merci à nos témoins.
Je trouve frappant de constater que nous sommes prêts à dépenser des millions de dollars pour nous assurer que pas un sou ne tombe entre de mauvaises mains, pour ainsi dire—autrement dit, entre les mains de personnes qui ne répondent pas aux critères d'admissibilité impossibles que le gouvernement a établis. Pour moi, c'est une illustration des graves défauts de cette approche antagoniste.
Je voudrais me servir du peu de temps que j'ai pour parler du deuxième élément de votre mémoire. D'ailleurs, je signale à titre d'information que j'ai rédigé une motion qui englobe les recommandations que renferme le rapport de l'APN. Je présenterai cette motion plus tard.
L'aspect monétaire—c'est-à-dire cette notion d'indemnisation universelle—est l'un des éléments de votre rapport. Mais j'aimerais que vous nous parliez un peu plus de l'élément vérité et réconciliation, qui me semble fondamental pour permettre la guérison de part et d'autre par rapport à cette sordide d'histoire. Je peux vous dire que les quelques rares témoignages que nous avons reçus en tant que députés—et il s'agissait de cas de la catégorie B, qui ne sont même pas considérés comme étant très graves—ont beaucoup affecté bon nombre d'entre nous, et je pense que les citoyens réagiraient de la même façon si on permettait aux intéressés de dire la vérité dans un environnement sûr et sécuritaire. Je demande donc aux témoins d'utiliser le temps qui reste pour nous parler des modalités éventuelles d'un processus de vérité et de réconciliation, comme celui que propose le mémoire de l'Assemblée des Premières nations.
Chef Phil Fontaine: L'un des défis que nous avons à relever en tant que pays consiste à mieux connaître notre histoire—à mieux comprendre notre histoire, et surtout comment le Canada est devenu le pays qu'il est aujourd'hui. Le fait est qu'il manque trop de chapitres à la vraie histoire du Canada. Et l'un des chapitres qui manquent est justement l'histoire tragique des victimes des pensionnats et des séquelles des expériences qu'elles ont vécues.
À notre avis, avant qu'il ne puisse y avoir guérison et réconciliation, les intéressés doivent pouvoir raconter leurs histoires. Les personnes touchées par ces événements ne sont pas uniquement les élèves, mais aussi les personnes qui dirigeaient ces pensionnats, dont certaines étaient d'innocentes victimes, comme nous; et aussi les autorités gouvernementales qui ont conçu cette politique; qui visait essentiellement à effacer tout ce qui en nous pouvait nous donner le sentiment d'être Indiens, puisqu'on voulait faire de nous quelque chose que nous ne pourrions jamais être—une ligne de conduite qui a eu des conséquences tragiques. Donc, il faut qu'on nous donne l'occasion de dire la vérité, afin que le monde entier sache ce qui s'est produit—ce qu'on a fait à nos peuples, et les raisons pour lesquelles nous continuons à subir les contrecoups tragiques de ce chapitre de notre histoire. En réalité, nous voulons boucler la boucle, redevenir entiers, et donner au Canada l'occasion de réparer un tort historique. Il ne s'agit pas d'être tourné vers le passé, mais l'histoire est très importante puisqu'elle nous permet de savoir vers quoi nous avançons et de garantir que nous arriverons bientôt à une période dans notre histoire où nous pourrons mettre tout cela derrière nous à tout jamais.
 (1255)
M. Pat Martin: Nous nous targuons beaucoup d'être un pays multiculturel. Par conséquent, je trouve terriblement ironique de constater que, pendant 150 ans, la politique du gouvernement consistait à battre les enfants qui osaient parler leur propre langue. Nous qui vivons dans un pays qui se targue d'être multiculturel ne pouvons éviter de remarquer ces contradictions.
En réalité, nous avons besoin d'aide. Quand je dis « nous », je veux dire que la population générale a besoin d'aide pour comprendre les effets intergénérationnels. Pour ma part, je représente une circonscription électorale qui englobe le centre ville de Winnipeg, où toutes les conséquences prévisibles d'un problème de pauvreté chronique qui dure depuis longtemps sont visibles chez les Autochtones qui y habitent. Nous sommes confrontés à une tragédie sociale d'une ampleur inimaginable. Il nous faut comprendre comment cela s'est produit et pourquoi les peuples autochtones se trouvent toujours au bas de chaque indice, qu'on parle de progrès sociaux, de la santé, de l'éducation, ou de leur représentation au sein du système pénal. Malgré tous ces indicateurs, on dirait que nous n'avons jamais réussi à bien comprendre ou à élucider ce mystère.
C'est peut-être dans cette incroyable expérience sociale, comme vous dites, la tragédie des pensionnats, que nous trouverons la clé du mystère.
M. Christopher Devlin: Pour faire suite aux remarques du chef national de l'APN, ce qui me semble critique—et l'Association du Barreau canadien appuie la recommandation de l'Assemblée des Premières nations relative à un processus de vérité et de réconciliation—c'est que le processus retenu soit public, et qu'il se déroule à l'échelle nationale.
Jusqu'à un certain point, le programme national de guérison mis en place par le gouvernement met l'accent sur les problèmes régionaux et locaux, qui sont également importants—je ne voudrais pas sous-estimer leur importance—mais comme vous l'avez expliqué, la relation entre notre histoire très récente et les problèmes systémiques qui sont très visibles au sein de la société est mal comprise. Dans mon propre exercice, je sais que je me vois constamment confronté à la question de savoir pourquoi cette situation existe. Après avoir dépensé des millions et des millions de dollars pour créer des programmes chaque année, pourquoi la situation ne s'améliore-t-elle pas? À mon avis, c'est en grande partie à cause de notre ignorance de l'histoire récente, notre ignorance des politiques gouvernementales et les contrecoups de ces politiques qui ont conduit à l'effondrement et la destruction de petites collectivités autochtones rurales. Pour moi, comme le dit le chef national de l'APN, il est temps qu'on dise la vérité, et que cela se fasse à un niveau national et public, afin de boucler la boucle, de favoriser la guérison et de progresser. Dans notre document, nous avons examiné ce qui s'est fait dans d'autres pays, que ce soit l'Afrique du Sud, le Rwanda, la Bosnie, ou ailleurs, et nous avons conclu que ce genre de démarches nationales est très bénéfique.
La présidente: Merci.
Je donne la parole à Mme Barnes, qui sera peut-être la dernière intervenante.
L'hon. Sue Barnes: Merci. Je sais que nous avons déjà dépassé le temps prévu, et je vais donc être brève.
D'abord, messieurs Harris, Devlin et Fontaine, je tiens à vous remercier pour vos témoignages et je remercie également toutes les personnes assises à la table des témoins qui vous ont aidés à accomplir votre travail.
Pour ma part, j'ai lu tous les rapports. Je n'étais pas là la semaine dernière, mais je suis assurée de lire le compte rendu des témoignages de ceux qui ont comparu devant le comité. À mon avis, si nous avions la possibilité, en tant que citoyens individuels, de présenter des excuses pour ce qui s'est produit par le passé, nous voudrions tous le faire. Je sais que moi-même, je le ferais. Mais il faut voir la réalité en face, et donc le temps est venu de faire avancer ce dossier pour améliorer le sort des personnes le plus touchées par ces événements.
La ministre a déclaré encore une fois ce matin qu'elle examine votre rapport. Elle a dit cela de façon très explicite. Elle a dit qu'elle organise des rencontres avec vous. J'aimerais simplement que vous me rassureriez, chef, que vous nous disiez que vous estimez avoir une bonne relation de travail avec le gouvernement et que ce dernier est maintenant résolu à faire avancer ce dossier en fonction d'une formule qui aide le plus les personnes que vous représentez.
Je sais que vous avez fait certaines remarques en réponse à la question de M. Harrison, et qu'il a été question d'une date butoir de 2010, mais en réalité, nous aimerions tous pouvoir agiter notre baguette magique pour régler ce problème dès aujourd'hui. Pour moi, ce qui compte le plus est de savoir si vous estimez que les activités que vous avez menées pour en arriver à ce rapport nous amènent dans la bonne direction.
· (1300)
Chef Phil Fontaine: D'abord, nous estimons avoir proposé au gouvernement une alternative qui est bien supérieure à ce qui existe maintenant. C'est une formule plus économique et universelle qui a l'avantage de nous donner quelque chose de sûr, de définitif—on parle de 2010—et d'exécutoire; cela s'appliquerait à tout le monde. Ce ne serait pas comme maintenant, où quelqu'un en Colombie-Britannique touche une certaine somme, mais un autre demandeur au Manitoba en touche moins, alors que les sévices infligés sont de la même nature.
Nous sommes tout à fait résolus à nous assurer d'obtenir ce que les anciens élèves méritent de recevoir, c'est-à-dire la paix et de vraies assurances qu'il y aura guérison et réconciliation au terme de tout cela. Nous avons proposé une alternative et nous avons des chiffres à l'appui. Nous avons fait nos propres calculs, et ce que nous proposons est beaucoup plus économique. Même si l'on établit la comparaison en fonction de scénarios extrêmes, dans les deux cas, notre formule est meilleure et plus abordable. Et elle nous amène beaucoup plus loin en matière de guérison et de réconciliation que le système actuellement en place.
Je reviens sur l'argument que j'ai fait valoir tout à l'heure. Lors d'une conférence tenue à l'Université de Calgary, nous les survivants, les chefs, les responsables gouvernementaux, les juges, et les dirigeants des Églises, nous avons tous conclu, y compris les représentants du gouvernement, que le système actuel a de graves défauts. Il faut y remédier, et nous avons donc offert de trouver une solution. Voilà donc ce qui a donné lieu à notre rapport. Maintenant nous avons l'occasion d'agir honorablement envers les victimes. L'intérêt du gouvernement, qui est de veiller à protéger les intérêts des contribuables, est certainement pris en compte dans ce que nous proposons. Mais c'est une démarche qui est également axée sur la guérison et la réconciliation. Elle vise à assurer aux anciens élèves une indemnisation juste et équitable.
Par exemple, si vous me demandiez si je serais prêt à accepter ce que propose le rapport de l'APN—soit un paiement forfaitaire de 10 000 $, plus 3 000 $ pour chaque année où j'ai fréquenté un pensionnat, et j'y suis resté 10 ans; c'est-à-dire 40 000 $ en tout—par opposition à un processus qui me force à raconter tous les détails sordides de mes expériences, je dirais non à cet autre processus et j'accepterais ce que propose ce rapport, parce que c'est une solution juste et équitable qui privilégie la guérison et la réconciliation. C'est une question d'équilibre. Je cherche toujours à établir un bon équilibre dans ma vie de tous les jours et cette solution présente l'avantage d'atteindre cet équilibre.
L'hon. Sue Barnes: Je constate qu'il s'agit là d'un élément important. Le gouvernement doit évidemment tenir compte de l'autre possibilité, c'est-à-dire qu'il y ait plus de recours collectifs auxquels participeraient plus de gens. Même si la proposition que vous nous soumettez est très raisonnable, personne, ni vous, ni moi, ni personne d'autre—ne peut nous garantir que tous ceux qui envisagent de lancer des poursuites en leur propre nom, qui participent maintenant à un recours collectif ou qui souhaiteraient le faire à l'avenir, voudraient nécessairement participer au programme que vous recommandez. Personne ne peut nous donner une telle garantie. Je ne serais pas en mesure de dire à quelqu'un qui a intenté des procédures judiciaires de les laisser tomber en faveur de la proposition que vous avez faite.
Je sais que j'en ai discuté avec Mme Mahoney. Mais il importe que je déclare publiquement les facteurs qui doivent influencer la conduite du gouvernement, car je sais que les ministres qui font partie du gouvernement doivent surtout s'intéresser à la réalité. Et la réalité, c'est que cette situation est complexe; quels que soient mes sentiments personnels, nous sommes confrontés à une certaine réalité en tant que gouvernement, à savoir que de multiples possibilités existent.
· (1305)
Mme Kathleen Mahoney (professeur de droit, Université de Calgary): Je vais rapidement répondre à ce que vous venez de dire. Nous sommes entièrement d'accord pour dire qu'il ne faudrait jamais forcer quiconque à opter pour tel ou tel processus. Mais le fait est qu'il n'y a pas eu de choix viable pour les intéressés, si bien qu'il y a des milliers de personnes, peut-être même tous les intéressés, qui pourraient opter pour un recours collectif. Nous savons, d'après les statistiques, que peu d'anciens élèves choisissent de passer par le MARC actuel, et nous estimons par conséquent qu'on peut à juste titre mesurer le succès de ce régime selon le nombre de personnes qui y adhèrent.
Pour notre part, nous sommes convaincus que si les intéressés pouvaient toucher une somme forfaitaire, et si d'autres formes d'indemnisation étaient offertes aux personnes ayant été victimes de sévices sexuels, physiques et émotionnels graves, cette combinaison de moyens contenterait beaucoup de gens. Bien sûr, il y en aura peut-être qui voudront tout de même intenter des poursuites. Mais d'après ce que nous disent les survivants, étant donné le rythme auquel ils décèdent, il est clair qu'ils ont besoin d'une solution différente, qui ne passe pas par les procédures judiciaires, et c'est justement ce message énergique qu'ils nous ont communiqué. Tant qu'il n'y aura pas d'alternative, ils n'opteront pas pour l'instant pour le MARC.
L'hon. Sue Barnes: Dans le même ordre d'idées, surtout pour les fins du compte rendu, pensez-vous qu'une solution de rechange ou un changement par rapport à la situation actuelle aurait pour avantage de nous permettre de faire adhérer plus d'anciens élèves au programme que le nombre qui passe actuellement par le MARC?
Mme Kathleen Mahoney: Oui, nous en sommes sûrs. Et cette certitude ne s'appuie pas uniquement sur nos propres discussions, mais aussi sur l'expérience en Irlande, expérience qui a très fortement influencé notre modèle, et surtout le processus qui est proposé.
L'hon. Sue Barnes: Madame Mahoney, beaucoup de gens ne savent pas à quoi vous faites allusion quand vous parlez de l'expérience irlandaise. Pour les fins du compte rendu, pourriez-vous nous expliquer encore de quoi il s'agit?
Mme Kathleen Mahoney: Avec plaisir.
En Irlande, il y a eu un réseau très semblable d'écoles industrielles et un certain nombre d'enfants ont été enlevés de force à leurs familles et envoyés dans ces écoles—bien sûr, le motif en l'occurrence n'était pas celui de la race, mais plutôt celui de la classe sociale; ces enfants ont été victimes de sévices semblables à ceux infligés aux anciens élèves des pensionnats canadiens. Le gouvernement irlandais a donc décidé de privilégier la réconciliation et la guérison en favorisant une formule d'indemnisation très semblable à celle que nous proposons.
Il se trouve que plus de 90 p. 100 des anciens élèves de ces écoles industrielles ont décidé de participer à ce programme. Il y en a un certain nombre qui ont préféré intenter des poursuites, mais ils sont peu nombreux. En fait, la plupart des demandeurs n'ont même pas eu d'audience. Ils étaient très contents du règlement administratif qui a été négocié—soit 75 p. 100. Voilà pourquoi cela coûte à l'administration irlandaise 10 ¢ pour chaque dollar qui est adjugé à un demandeur, comparativement à nos dépenses administratives, qui sont faramineuses, comme on vous l'a déjà dit. La procédure simplifiée, qui satisfait les demandeurs, donne lieu à des dépenses de cet ordre-là, et ce d'après le rapport annuel de 2003.
L'hon. Sue Barnes: Grâce aux témoignages de la ministre, nous avons appris aujourd'hui que des consultations sont actuellement en cours auprès d'autres organismes et auprès des Premières nations sur votre rapport et qu'un groupe de travail composé de représentants du bureau de la ministre McLellan et de l'APN est actuellement en activité. Êtes-vous en mesure de confirmer cette information?
Mme Kathleen Mahoney: Oui, je la confirme.
L'hon. Sue Barnes: Donc, des activités sont actuellement en cours en vue de donner suite à votre rapport.
Voilà qui termine mes questions.
La présidente: Je remercie tous les témoins pour leur présence aujourd'hui.
Je dois présenter mes excuses à l'Aîné qui est parmi nous de ne pas l'avoir accueilli officiellement. Je suis désolée; vous n'étiez pas sur notre liste de témoins. Monsieur Elmer Courchene, permettez-moi donc de vous souhaiter la bienvenue et de vous remercier d'avoir accompagné M. Fontaine.
Chef Phil Fontaine: En fait, moi, aussi, je dois présenter mes excuses à notre Aîné. Quand j'ai commencé mon exposé tout à l'heure, j'aurais dû reconnaître officiellement la présence de M. Courchene.
Comme moi, Elmer Courchene est un ancien élève de pensionnat—comme moi, il y a passé 10 ans, dans deux pensionnats différents.
M. Lloyd St. Amand: En même temps?
Chef Phil Fontaine: C'est-à-dire que nous étions dans le même pensionnat, mais ensuite il est parti en Saskatchewan. Pour ma part, j'ai fini à Winnipeg.
Nous le valorisons beaucoup en tant que membre de notre organisation, et je lui présente mes excuses de ne pas avoir reconnu officiellement sa présence.
· (1310)
La présidente: Merci à vous tous d'avoir participé à cette séance.
La séance est levée.