AANO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 5 mai 2005
Á | 1105 |
La présidente (Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.)) |
Mme Patricia Monture (professeure, Département de sociologie, Université de la Saskatchewan) |
Á | 1110 |
Á | 1115 |
Á | 1120 |
Á | 1125 |
La présidente |
M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, PCC) |
Mme Patricia Monture |
Á | 1130 |
M. Gary Lunn |
Mme Patricia Monture |
M. Gary Lunn |
Mme Patricia Monture |
Á | 1135 |
M. Gary Lunn |
La présidente |
Mme Patricia Monture |
Á | 1140 |
La présidente |
M. Bernard Cleary (Louis-Saint-Laurent, BQ) |
Mme Patricia Monture |
Á | 1145 |
La présidente |
M. Lloyd St. Amand (Brant, Lib.) |
Mme Patricia Monture |
M. Lloyd St. Amand |
Mme Patricia Monture |
Á | 1150 |
M. Lloyd St. Amand |
Mme Patricia Monture |
M. Lloyd St. Amand |
Mme Patricia Monture |
Á | 1155 |
La présidente |
Mlle Ellen Gabriel (présidente, Femmes autochtones du Québec Inc.) |
 | 1200 |
 | 1205 |
 | 1210 |
La présidente |
Mlle Ellen Gabriel |
La présidente |
M. Jeremy Harrison (Desnethé—Missinippi—Rivière Churchill, PCC) |
 | 1215 |
Mlle Ellen Gabriel |
M. Jeremy Harrison |
Mlle Ellen Gabriel |
M. Jeremy Harrison |
Mlle Ellen Gabriel |
 | 1220 |
La présidente |
Mme Carol Skelton (Saskatoon—Rosetown—Biggar, PCC) |
Mlle Ellen Gabriel |
La présidente |
Mlle Ellen Gabriel |
La présidente |
M. Bernard Cleary |
 | 1225 |
Mlle Ellen Gabriel |
La présidente |
L'hon. Sue Barnes (London-Ouest, Lib.) |
 | 1230 |
Mlle Ellen Gabriel |
L'hon. Sue Barnes |
Mlle Ellen Gabriel |
L'hon. Sue Barnes |
Mlle Ellen Gabriel |
L'hon. Sue Barnes |
Mlle Ellen Gabriel |
L'hon. Sue Barnes |
 | 1235 |
Mlle Ellen Gabriel |
L'hon. Sue Barnes |
Mlle Ellen Gabriel |
L'hon. Sue Barnes |
La présidente |
M. Roger Valley (Kenora, Lib.) |
 | 1240 |
Mlle Ellen Gabriel |
M. Roger Valley |
Mlle Ellen Gabriel |
M. Roger Valley |
Mlle Ellen Gabriel |
M. Roger Valley |
Mlle Ellen Gabriel |
M. Roger Valley |
 | 1245 |
Mlle Ellen Gabriel |
La présidente |
M. André Bellavance (Richmond—Arthabaska, BQ) |
Mlle Ellen Gabriel |
 | 1250 |
M. André Bellavance |
Mlle Ellen Gabriel |
La présidente |
L'hon. Sue Barnes |
 | 1255 |
Mlle Ellen Gabriel |
L'hon. Sue Barnes |
Mlle Ellen Gabriel |
La présidente |
M. Bernard Cleary |
La présidente |
L'hon. Sue Barnes |
La présidente |
Mlle Ellen Gabriel |
La présidente |
CANADA
Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord |
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l |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 5 mai 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
Á (1105)
[Traduction]
La présidente (Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.)): Bonjour. Je déclare la séance ouverte. Nous commencerons par une vidéoconférence avec la Saskatchewan. En conformité du paragraphe 108(2) du Règlement, nous procédons à une étude sur les biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves. Nous accueillons aujourd'hui Mme Patricia Monture, professeure au département de sociologie de l'université de la Saskatchewan.
Nous sommes très heureux que vous ayez pu vous joindre à nous aujourd'hui par vidéoconférence pour nous aider dans notre étude.
Si vous êtes prête, nous écouterons directement votre exposé, puis les membres du comité vous poseront des questions. Soyez la bienvenue.
Mme Patricia Monture (professeure, Département de sociologie, Université de la Saskatchewan): Je vous remercie. C'est pour moi une superbe occasion de partager mes opinions sur le sujet des biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves indiennes.
Comme vous le savez, je m'appelle Patricia Monture. Je suis membre de la collectivité mohawk de Grand River. Mon nom indien est Aye-wah-han-deh qui signifie « parle la première » ou « porte un message ».
J'ai reçu une formation en droit et en sociologie. J'occupe actuellement un poste de professeur à plein temps au département de sociologie de l'université de la Saskatchewan.
Mes commentaires seront principalement axés sur des solutions. Pour cela, il est essentiel d'examiner d'abord ce qui, d'après moi, constitue la nature du problème. La source du problème est l'absence de régime juridique concernant les biens matrimoniaux dans les réserves. C'est à mon avis la préséance qu'ont les lois canadiennes sur les lois des Premières nations qui est au coeur de ce problème.
Par exemple, je suis membre des Haudenosaunee, qui sont, vous le comprenez peut-être, les Iroquois; les traditions de mon peuple reconnaissent la capacité des femmes d'élaborer des lois et de faire de la politique. Nous avions une voix et nous avions du pouvoir. Les terres, et en particulier les champs—étant donné que nous étions un peuple agricole—appartenaient aux femmes. Les enfants suivaient leur mère et au mariage, ils étaient domiciliés dans la maison longue de la famille de l'épouse. La question de savoir qui restait à la suite de l'échec du mariage ne se posait jamais.
À mon avis, l'imposition de nouvelles dispositions législatives n'apporterait pas du tout de solution à ce problème. Si nous axions tous nos efforts sur les lacunes législatives pour tenter de régler la question des biens matrimoniaux, cela ne nous mènerait qu'à un embrouillamini politique opposant la valeur du respect des pouvoirs des Premières nations en matière d'autonomie gouvernementale et l'objectif de l'égalité et des devoirs du gouvernement fédéral à l'égard des Indiennes. Ce sont l'une et l'autre des valeurs dont nous voulons assurer la reconnaissance et le respect.
Le fait de considérer le problème sous cet angle est la cause de l'inertie de l'État fédéral, car les politiciens ne tiennent pas à ce que leur attitude soit considérée comme un manque de respect du droit constitutionnel—et je signale qu'il ne s'agit pas d'un droit spécial, mais d'un droit constitutionnel—à l'autodétermination ou comme un abus en ce qui concerne les droits des femmes. Cette perception explique pourquoi aucune solution n'a été apportée à ce problème depuis les décisions prises en 1986 dans le cadre des affaires Derrickson et Paul. J'aimerais signaler à ce propos que plusieurs arrêts avaient déjà été pris par des cours ontariennes.
J'ai déterminé par conséquent que la source du problème est liée à l'inertie de l'État fédéral en ce qui concerne la rectification de l'erreur de l'imposition des lois fédérales. Ma perception pourrait paraître étrange étant donné qu'il s'agit d'une lacune. Il s'agit donc d'une succession d'inactions. Il est incorrect de considérer le problème comme un événement historique ou comme la conséquence de la mauvaise fortune.
Les dommages sont immédiats et le mal n'a pas disparu. Je pense que si nous cherchons des solutions, il est essentiel d'axer notre attention sur les dommages engendrés par cette situation. La Loi sur les Indiens est le produit d'une série de choix législatifs et nous devons la considérer comme telle. D'une façon générale, elle constitue un choix de ne pas respecter les formes d'organisation sociale et de gouvernance et les lois des Premières nations. Si l'on jette un regard en arrière, on voit que c'est en 1850 qu'a été instauré le précédent de la détermination du statut d'Indien par des non-Indiens. Cette première disposition vous attribuait le statut d'Indien si vous étiez Indien par le sang—et j'utilise le terme historiquement et légalement correct—ou si vous étiez marié au sein de la nation, sans la moindre distinction liée au sexe, si un de vos parents était Indien, ou si vous aviez été adopté en bas âge.
Les premières dispositions concernant l'émancipation ont été adoptées en 1857 et c'est à ce moment-là que le préjugé favorable aux membres de sexe masculin a été intégré à la loi, parce que la femme devait suivre son mari. S'il décidait de s'émanciper, sa femme et ses enfants l'étaient également.
Ce n'est qu'en 1869 que la première disposition concernant les femmes épousant un homme n'ayant pas le statut d'Indien fut établie. C'est à partir de ce moment-là que la plupart des gens font débuter l'histoire et je pense que c'est une erreur. Cette première disposition est une disposition postérieure à la Confédération et, par conséquent, elle relève de la responsabilité du gouvernement fédéral. La source est la législation fédérale et pas une politique ou une loi coloniale britannique.
Á (1110)
Lorsqu'on examine les toutes premières dispositions concernant l'appartenance et que l'on remarque leur évolution avec le temps en ce qui concerne le sang, l'adoption, le mariage—à une certaine époque, si vous viviez comme un Indien, vous étiez un Indien aux yeux de la loi—on constate que certains choix sont faits.
Si l'on veut toutefois bifurquer un peu—et j'excelle dans ce domaine—, on constate que les divers articles de la Loi sur les Indiens ne font nullement mention, comme nous le savons tous, des biens matrimoniaux. Il est essentiel de signaler que cette lacune a des incidences sur les hommes, les femmes et les enfants aussi longtemps que les biens matrimoniaux sont situés dans des réserves. Ce ne sont pas uniquement les Indiennes qui sont concernées; en fait, cela concerne toutes les femmes si leur domicile est dans une maison matrimoniale située dans une réserve. Je pense que lorsqu'on cherche des solutions à ce problème, il est essentiel de mettre l'accent sur les conséquences pour les enfants, ce qui rentre en fait dans les traditions de mon peuple, parce que chez nous, les maisons appartiennent aux enfants. Elles n'appartenaient pas aux parents, ce sont les enfants qui avaient les premiers droits à la sécurité et à la protection.
Lorsque vous prenez note des commentaires que j'ai faits au sujet de l'absence de régime juridique en ce qui concerne les biens matrimoniaux ayant une incidence sur les hommes, les femmes et les enfants, vous comprenez que la discrimination liée au sexe dans le contexte de cette lacune n'est pas formelle. Il faut examiner quelques autres faits historiques pour comprendre que cette lacune est liée à l'histoire et aux usages.
Premièrement, les probabilités sont fortes que les maisons soient inscrites au nom des hommes. C'est le patriarcat imposé. Ce fait a été relevé par la Commission royale sur les peuples autochtones et par le rapport d'enquête sur la justice autochtone au Manitoba. Ce régime inclut le transfert forcé des femmes à la bande de leur mari à partir du mariage, jusqu'en 1985. Même si cette disposition législative a été modifiée en 1985, je pense que les femmes sont toujours soumises à des pressions qui les poussent à aller s'établir dans la bande de leur mari.
En fait, certains des codes d'appartenance aux collectivités des Premières nations ne font qu'accroître ces pressions. Par exemple, certaines bandes ont des codes prévoyant que l'appartenance à la bande est automatique si les deux parents font partie de la bande. Il faut toutefois que ce statut soit accordé par la bande si un seul des parents fait partie de la bande.
Par conséquent, bien que les dispositions législatives aient évolué, les changements ne sont pas toujours mis en pratique dans les collectivités. Je tiens à ce qu'il soit clair qu'il y a chevauchement entre les modifications apportées en 1985 à la Loi sur les Indiens et la nature du problème qui se pose actuellement en ce qui concerne la situation des femmes à la rupture du mariage.
Deuxièmement, les relations, dans les collectivités et au sein des familles, sont une source de pouvoir, ce dont, je présume, nous sommes tous conscients. Les hommes ont tendance à avoir un plus grand pouvoir social, politique et économique que les femmes, et ce constat s'applique également aux collectivités des Premières nations. Par conséquent, lorsqu'elles ont besoin d'aide, les femmes n'en reçoivent généralement pas; elles sont isolées.
Je tiens à signaler qu'il ne faut pas nécessairement s'en prévaloir pour critiquer les gouvernements et les administrations établis en vertu de la Loi sur les Indiens, car le pourcentage de femmes chefs au Canada est très semblable au pourcentage de femmes parlementaires. Par conséquent, le problème n'est pas spécifique aux chefs et aux collectivités des Premières nations.
Je signale tout cela en guise de préambule parce que ce qui me préoccupe, ce sont les dommages engendrés par cette situation pour les femmes. Il y a 19 ans que les jugements ont été rendus dans les affaires Derrickson c. Derrickson et Paul c. Paul et, depuis, nous n'avons pas trouvé de façon créative de sortir de cet embrouillamini. Je pense, quoique je n'aie pas étudié la question de façon aussi approfondie que je l'aurais voulu, que les lois concernant la gestion des terres n'apportent pas de solution à ce problème. J'ai examiné certaines des dispositions de ces lois et aucune ne formule un processus. Elles reconnaissent seulement le principe du partage des biens matrimoniaux.
Il est très clair que le problème réside dans la législation fédérale et qu'il est lié au silence entourant les biens matrimoniaux. Dès lors, les solutions sont liées, à mon avis, à la façon dont la Couronne fédérale s'acquitte de ses responsabilités en ce qui concerne la discrimination selon le sexe qu'elle a engendrée.
Á (1115)
C'est une lutte dont les origines remontent probablement aux années 60. Elle puise ses racines dans le mouvement féministe canadien qui a lutté et a réussi dans les années 70 à faire apporter des modifications aux lois concernant les biens matrimoniaux qui privaient initialement totalement les femmes de droits dans ce domaine.
Il y a, à mon avis, deux types de discrimination qu'il est essentiel de corriger. Il y a d'abord la discrimination à l'égard des personnes qui vivent dans les réserves—et j'ai déjà signalé qu'il ne s'agit pas toujours nécessairement d'Indiens—et de celles qui vivent hors réserve et la discrimination entre les hommes et les femmes dans les réserves. Il s'agit donc de deux foyers de discrimination.
Je voudrais faire quelques commentaires au sujet des dommages que cela cause et de l'opinion de la collectivité à cet égard. Je peux faire le constat régulièrement. J'en fais le constat auprès de mes étudiantes des Premières nations, à l'université. J'en ai fait le constat également au cours de la dizaine d'années que j'ai passées dans la Première nation Thunderchild. Il s'agit de la collectivité de mon ex-mari, ce qui indique que je suis une des victimes de l'absence de lois en ce qui concerne les biens matrimoniaux. J'ai pu constater clairement que les personnes concernées doivent trouver des solutions elles-mêmes.
Je comprends que j'ai été extrêmement privilégiée de pouvoir facilement installer mes enfants en ville et leur donner un logement, car c'est une solution et une possibilité que la majorité des femmes des Premières nations n'ont pas.
Les auteurs du rapport d'enquête sur la justice autochtone au Manitoba et des diverses études corrélatives ont signalé que les hommes autochtones quittaient les réserves pour trouver un emploi. Les femmes autochtones ont révélé leur principal motif de départ de la réserve: elles en partent pour fuir la violence. La plupart de ces femmes sont démunies de toute ressource et n'ont pas d'instruction; elles n'ont pas d'opportunité lorsqu'elles quittent la réserve pour aller s'établir en ville. Elles quittent un lieu où elles sont victimes de violence pour aller s'établir dans une ville où elles deviennent en fin de compte victimes d'une exclusion plus généralisée assimilable, d'après moi, à un certain type de violence raciale.
Il ne fait pas le moindre doute dans mon esprit que la situation des femmes dans les réserves est à la source des statistiques très alarmantes et très troublantes mentionnées par Amnistie Internationale dans son récent rapport intitulé On a volé la vie de nos soeurs, sur la situation des Indiennes du Canada disparues. C'est à mon avis une question d'une extrême urgence.
Les femmes n'ont le plus souvent aucune aide lorsqu'elles sont piégées dans des situations pouvant aller d'un état malheureux à celui de victime de violence. Je signale que de nombreuses femmes sont très créatives et se servent généralement de l'instruction pour quitter la réserve. Un grand nombre de mes étudiantes des Premières nations sont venues à l'université pour s'évader de ce milieu. Je pense que c'est formidable qu'elles soient à l'université, mais elles ont essentiellement exercé le seul choix qu'elles avaient à leur disposition. C'est en fait une des raisons pour lesquelles un plus grand nombre de femmes que d'hommes font des études universitaires.
Les dommages causés à l'échelle de la collectivité sont aggravés par les problèmes conjugués de la pauvreté et de la pénurie de logement adéquat dans les réserves. À propos de dommages, il n'est pas nécessaire de compter l'absence de ressources financières ni les yeux au beurre noir ou les fractures. Ces dommages ont des conséquences émotionnelles sur les femmes et les enfants.
Les femmes et les enfants qui tentent de prendre un nouveau départ le font avec rien et sont isolés. Imaginez que vous êtes soyez forcés de faire ce choix. Supprimez votre maison, supprimez dans votre esprit vos liens avec la collectivité et imaginez-vous dans la situation d'une femme des Premières nations.
Ces dommages ont également des incidences intergénérationnelles sur les femmes. Lorsque les femmes quittent la réserve, elles retournent chez leur mère ou chez leur tante. C'est certes en suivant la tradition et je pense par conséquent que c'est bien ainsi. Tout cela se fait avec les ressources limitées dont disposent les femmes, en l'absence d'un cadre social soutenant ou récompensant les femmes prenant soin d'autres femmes.
Quelle solution est-ce que j'envisage? La solution devrait mettre un terme aux dommages que j'ai mentionnés. Je ne pense pas qu'elle nécessite des modifications législatives. Je pense en fait que des modifications législatives engendreraient un autre problème, comme nous avons pu le constater dans le cas du projet de loi C-31.
Je préconise de mettre en place un programme de logement ayant pour objet de répondre aux besoins des femmes et qui serait administré « coopérativement » parallèlement au régime actuel de logement dans les réserves.
Á (1120)
Ce programme devrait inclure un volet réserve et un volet hors réserve—un volet réserve pour les femmes qui veulent rester dans les collectivités. Étant donné que l'appartenance d'une femme à une collectivité a été transférée à celle de la collectivité de son mari, à la dissolution du mariage, les relations avec la collectivité de son époux sont brisées; elle a quitté sa collectivité depuis longtemps et elle n'y a peut-être pas maintenu des liens. Pour résoudre ce dilemme, il est essentiel d'examiner les options qui s'offrent aux femmes dans une perspective très générale: ou elles demeurent dans la réserve, ou elles vont s'établir dans les régions urbaines.
La solution doit créer des options à court terme pour les femmes tout en mettant en place un système de soutien à long terme. Il est impératif que les femmes aient un lieu où trouver refuge. Il est impensable de créer un système de maisons d'accueil en raison de l'anonymat qu'exige cette option. Il est essentiel de faire preuve de créativité dans ce domaine. En outre, pour échapper à la discrimination, il est impératif pour les femmes d'avoir accès à un système leur apportant un soutien à long terme pour les aider à devenir propriétaires de leur maison.
Je voudrais encore faire quelques commentaires au sujet de cette solution telle que je l'envisage. Comme je l'ai mentionné, ce n'est pas en insérant dans la Loi sur les Indiens des dispositions législatives sur les biens immobiliers matrimoniaux s'appliquant aux réserves ni en élaborant une mesure législative autonome que l'on réglera certains des problèmes qui se posent simultanément. Cette solution ne réglera pas le régime de propriété différent qui caractérise les réserves puisque les membres des Premières nations ne possèdent généralement que des intérêts dans leur maison mais n'ont pas un droit de propriété comme tel. Si vous possédez une maison sur des terres des Premières nations, vous possédez la maison mais pas la parcelle de terre sur laquelle elle est construite.
Les révisions législatives ne règlent pas le problème de la pauvreté et je crains que si vous engendrez une situation dans laquelle les cours pourraient ordonner le versement d'indemnités—elles peuvent déjà le faire maintenant—, de nombreuses familles ou de nombreuses collectivités n'aient pas les ressources nécessaires pour indemniser l'épouse pour la perte de ses intérêts dans la maison. Par conséquent, une ordonnance d'un tribunal concernant le partage des biens ne serait pas nécessairement efficace.
Je tiens à vous signaler que je ne pense pas que ce soit une solution complète, mais je considère que ce serait déjà une étape gérable et réalisable pour autant qu'une volonté politique suffisante de mettre fin à la discrimination intervienne. Je dirais qu'un plan devrait comporter quelques autres volets essentiels.
La solution doit tenir compte du caractère extrêmement urgent des situations de violence; elle doit prévoir une possibilité d'ordonner la possession des enfants, en tenant compte du fait qu'ils sont généralement avec la mère; elle doit tenir compte du défi que pose la sécurité des femmes dans les petites collectivités. Nous pouvons mettre en place des lois pour protéger les femmes, mais elles ne produiront pas de résultats concrets étant donné la nature de certaines de nos collectivités.
Je pense que la solution doit tenir compte du fait que la suppression de nos usages et l'imposition du patriarcat à nos collectivités ont engendré des dommages culturels. Il est essentiel d'aider les femmes à reconquérir leur savoir traditionnel. Il est impératif de sensibiliser les dirigeants et, dans ce contexte, de consulter à nouveau l'histoire; il est essentiel de faire preuve de créativité.
J'aide beaucoup les prisonniers. Un des prisonniers que j'ai aidé purgeait une peine pour agression sexuelle. Il m'a dit ceci : « Un problème se pose dans nos collectivités et nous en rejetons la responsabilité sur les dirigeants. Cependant, lorsque j'étais jeune et que j'étais au pensionnat, et que des hommes venaient tard la nuit et allaient dans le lit d'un autre, j'étais soulagé. J'étais triste pour ce jeune garçon, mais j'étais heureux pour moi. J'étais heureux parce que j'étais en sécurité et que je me retournais dans mon lit et relevais les couvertures sur la tête pour ne pas entendre. Je me sentais en sécurité. »
Les pensionnats ont appris à nos hommes à s'esquiver. Nous comptions les abus qui étaient commis—les abus qui étaient des délits criminels, en fait—dans les pensionnats, mais nous n'examinions pas la question; nous ne comprenions pas tout l'impact que cela pouvait avoir sur nos collectivités. Le silence des dirigeants masculins est souvent directement lié à certaines autres expériences. Par conséquent, il n'est pas facile de sensibiliser davantage nos dirigeants parce qu'ils ont parfois eux-mêmes des antécédents en matière d'abus et de traumatisme.
Il est nécessaire de reconnaître que l'inertie du gouvernement fédéral dans ce domaine envoie un message clair aux femmes des Premières nations, à savoir que nous sommes traitées comme quantité négligeable.
Á (1125)
Nous avons trouvé des façons créatives et des ressources pour réagir à la consommation abusive d'alcool, lorsque c'était considéré comme une épidémie dans nos collectivités, en mettant en place un système de travailleurs autochtones dans nos collectivités. Pourquoi n'accorde-t-on pas autant d'importance au problème de la violence à l'égard des femmes et des enfants? Pourquoi n'accorde-t-on pas autant d'importance à l'absence de régime concernant les biens matrimoniaux?
Niawen Ko:wa. Cela veut dire « merci » en mohawk.
La présidente: Merci beaucoup pour votre exposé.
Nous entamons un tour de questions en commençant par le représentant du Parti conservateur, suivi par celui du Bloc, puis par celui du parti gouvernemental.
Nous donnons d'abord la parole à M. Lunn, pour les conservateurs.
M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, PCC): Merci beaucoup.
Soyez la bienvenue.
Je constate que votre témoignage porte sur un sujet sur lequel nous avons entendu de nombreux commentaires. Avant d'être élu au Parlement, je pratiquais le droit. J'ai fait du droit familial et j'ai été témoin de nombreuses situations comme celles que vous décrivez. Je pense qu'il est indéniable qu'il nous faut agir de toute urgence pour trouver une solution aux problèmes que vous avez décrits.
Vous avez mis l'accent sur le terme « dommages ». Je voudrais en parler. Il est indéniable que ces situations causent des dommages. Vous avez mentionné que les hommes quittent la réserve pour aller à la recherche d'un emploi alors que les femmes la quittent à cause de la violence. C'est une situation tragique et bien réelle. Il semblerait que les enfants soient oubliés. C'est un problème que vous et de nombreux autres témoins avez clairement signalé. Il est impératif de s'appliquer à y chercher des solutions et c'est ce que je voudrais.
Vous avez signalé plusieurs besoins comme la nécessité de trouver un refuge, d'avoir un logement où l'on se sente en sécurité dans les réserves et d'établir des systèmes de soutien. Je pense que c'est crucial, mais vous avez abordé un sujet sur lequel je voudrais que vous donniez des renseignements plus précis en vous fondant sur votre expérience personnelle.
De toute évidence, sur les terres des Premières nations, un titre foncier incontestable est un document inexistant. Ce titre est remplacé par un certificat de possession ou CP. Comment les membres des réserves possèdent-ils des intérêts dans leur maison? Comment ce droit est-il transmis?
À la suite d'une rupture, les deux conjoints ont droit à la moitié de l'actif que représente la maison familiale située dans la réserve. Comment est-ce possible lorsque le seul document que l'on a est un certificat de possession? Pourriez-vous donner des informations plus précises à ce sujet? Cela me serait utile.
Je vous remercie.
Mme Patricia Monture: Il ne s'agit pas toujours d'un certificat de possession.
Je pense que dans les Prairies, les relations entre les gens et les maisons sont plus souvent régies par les pratiques coutumières de la bande. Il s'agit en fait d'un phénomène intéressant. Il ne s'agit généralement pas de quelque chose qui est écrit. Quand on pose des questions à ce sujet, on se fait souvent répondre qu'il en a toujours été ainsi.
D'après mon expérience, les hommes bénéficient indéniablement d'un préjugé favorable. Ce préjugé est dû en partie au fait que ce sont les femmes qui étaient forcées de déménager et elles sont par conséquent considérées comme des étrangères. Il ne s'agit toutefois pas uniquement d'un préjugé favorable aux hommes. Cette pratique a également des racines historiques.
Par exemple, à Thunderchild, la bande a dans sa loi foncière une clause concernant les intérêts acquis dans la maison lorsque son propriétaire apporte des améliorations au terrain. Dès lors, si vous quittez la maison, la bande a une dette envers vous. C'est en quelque sorte une disposition vide de sens, étant donné que la bande ne possède pas les ressources nécessaires pour indemniser des couples qui vont s'établir en ville ou ailleurs ou pour indemniser une femme qui quitte son mari.
Les familles s'appuient par conséquent généralement sur les intérêts acquis dans la maison pour tenir la bande à l'écart. Si on ne les indemnise pas pour les intérêts qu'elles ont dans la maison, on n'a pas le droit de décider qui viendra s'y installer après leur départ. Ce sont elles qui décident qui s'installera dans la maison parce qu'elle leur appartient. C'est la pratique dans une des collectivités que je connais.
Á (1130)
M. Gary Lunn: Bien. C'est intéressant.
Il y a une autre situation. D'après mon expérience du moins, dans la plupart des cas, les femmes autochtones et les femmes non autochtones sont dans des situations où elles sont victimes d'abus et de violence, dans les réserves et hors réserve. Je ne pense toutefois pas qu'un système de soutien ait été mis en place dans les réserves pour les aider à sortir de ces situations où elles sont victimes de violence ou d'abus. Elles n'ont aucun endroit où se réfugier.
Je voudrais que vous donniez des informations plus précises à ce sujet. Pensez-vous qu'elles restent dans ces situations parce qu'elles n'ont aucun endroit où se réfugier? Il existe probablement davantage de possibilités de se sortir de ces situations hors réserve parce qu'il y a des systèmes de soutien et des lieux où se réfugier. Est-ce que l'absence de systèmes de soutien pour ces personnes devient un problème extrêmement préoccupant dans les réserves?
Mme Patricia Monture: Je pense que c'est une partie du problème, mais c'est beaucoup plus complexe que cela. Je considère que dans la plupart des collectivités des Premières nations, le mode de vie est un passage d'une crise à l'autre. C'est ce qui dicte vos opinions et la façon dont on envisage des solutions. La planification à long terme est généralement inexistante. On vit au jour le jour, que ce soit en ce qui concerne la sécurité ou l'alimentation. Je pense que ce phénomène complique la situation des femmes. Leur situation précaire est parfois liée à l'absence de ressources et de structures, mais elle est également liée à la structure de la vie dans la collectivité, en raison de la pauvreté et de la désorganisation.
Il est essentiel de trouver des solutions beaucoup plus créatives. Il est impératif de reconnaître ce que nous tentons de faire. Nous tentons de demander aux collectivités du pays qui sont les plus démunies de ressources, qui ont le plus de problèmes sociaux et qui sont soumises aux plus fortes pressions personnelles de trouver les solutions les plus créatives. On ne peut pas construire un foyer d'hébergement. Thunderchild est une grande collectivité pour la Saskatchewan. Elle compte probablement environ 150 maisons. Je signale que chaque nouvelle maison dans une collectivité de cette taille est considérée comme un grand événement. Si l'on tentait de construire une maison d'hébergement dans cette collectivité, elle alimenterait les commérages pendant toute une semaine. Toute la collectivité saurait exactement où elle est située. Les conditions permettant l'anonymat nécessaire pour créer un foyer d'hébergement sont inexistantes dans les collectivités autochtones.
Que faire dans ce cas? Je voudrais que la réponse soit aussi simple que de décider de construire une maison d'hébergement mais, sauf si l'on place un tank à l'entrée, je ne vois pas comment on pourrait garantir la sécurité des personnes qui y trouveraient refuge et ce n'est de toute façon pas une solution que je préconiserais. C'est une plaisanterie.
M. Gary Lunn: C'est ainsi que nous l'avons compris.
Mme Patricia Monture: C'est probablement mon... Quand je parle, je ne peux pas vous entendre et je ne peux donc pas dire si vous riez.
On ne peut pas garantir la sécurité et il faudra par conséquent faire preuve de beaucoup de créativité pour trouver une solution.
Je pense qu'il y a quelques exemples. Tout le monde est au courant des initiatives qui ont été prises à Hollow Water, au Manitoba. On s'est appuyé sur la tradition et la tradition est de ne pas commettre d'acte de violence contre les femmes. Tous ces antécédents de violence y sont inexistants. Il faut voir comment cette collectivité y est arrivée. Elle y est arrivée grâce à la famille élargie et à divers réseaux qui ont assuré la sécurité des familles et des enfants. Pour éviter d'enfreindre la loi et de recourir soi-même à la violence, ne pourrait-on pas trouver un moyen de rétablir ces pratiques culturelles qui ont longtemps assuré la sécurité des femmes?
Nous ne trouverons pas de solution à l'échelle nationale, parce que les circonstances et les pratiques culturelles diffèrent beaucoup d'une collectivité à l'autre.
Un des problèmes que nous pouvons régler ici est celui du logement. Il faut offrir aux femmes des lieux sûrs où elles puissent se réfugier. Il faut créer une série d'options s'adressant spécifiquement aux femmes. Je pense que cela aurait un effet de retombées sur certaines autres structures sociales et que cela entraînerait dans les collectivités des changements qui permettraient d'avoir accès à la tradition.
Á (1135)
M. Gary Lunn: Merci beaucoup.
La présidente: Merci.
Pourriez-vous donner un exemple de ce qui se passe à Hollow Water, au Manitoba, parce que nous ne sommes pas au courant de la situation, moi du moins? Pourriez-vous décrire brièvement la situation, puis je donnerai la parole à M. Bernard Cleary, pour le Bloc québécois.
Mme Patricia Monture: Ma carrière universitaire et mes intérêts ont été davantage axés sur la justice applicable aux Autochtones que sur tout autre sujet, quoique je me sois promenée un peu partout. C'est pour cela que je suis au courant de la situation à Hollow Water.
Hollow Water est une des collectivités des Premières nations. Il est vraiment intéressant de voir comment la plupart des initiatives en matière de justice applicable aux Autochtones ont été mises en place au Canada: les mères étaient lasses et irritées de voir comment leurs enfants étaient traités. Dans une collectivité, alors que les chefs et les membres du conseil, ou la plupart d'entre eux, revenaient de la pêche, les femmes leur ont bloqué le chemin au débarcadère et leur ont dit ceci: « Vous resterez là jusqu'à ce que vous nous ayez écoutées, car nous nous faisons du souci au sujet de nos enfants et nous voulons agir ». C'est ainsi qu'un projet de justice applicable aux Autochtones a été mis en place.
À Hollow Water, on a reconnu que la collectivité avait un grave problème de violence sexuelle ou de viols. La collectivité a pris le taureau par les cornes et a créé, par le biais du système de justice criminelle canadien, un système de cercles, un système de prévention et de guérison tourné vers l'avenir. Si vous souhaitez obtenir de plus amples informations à ce sujet, vous pouvez consulter le livre de Rupert Ross intitulé Returning to the Teachings, qui contient de nombreuses informations sur cette initiative.
Le programme mis en place à Hollow Water consiste essentiellement en une prise de conscience des incidences qu'a la violence sexuelle sur tous les membres de la collectivité.
C'est une des différences qui caractérisent les collectivités des Premières nations. Lorsqu'on vit en ville ou dans un grand centre urbain et que l'on entend dire qu'une femme a été violée ou battue et qu'un coupable est arrêté, nous avons une personne contre qui tourner notre colère, nous avons le violeur sur lequel nous pouvons décharger nos émotions. La situation n'est pas la même dans une collectivité des Premières nations. Dès que l'on décharge sa colère sur un violeur, qui est probablement apparenté à la victime... S'il n'est pas un membre de votre famille, c'est quelqu'un que vous connaissez. C'est peut-être quelqu'un que vous avez aidé à élever. On n'a donc pas de soupape de sécurité et l'émotion n'arrive pas à trouver d'exutoire dans la collectivité. C'est notamment ainsi que les dommages s'étendent.
À Hollow Water, on a pris conscience de ce phénomène. Une équipe-ressource communautaire a été mise en place et on met un travailleur à la disposition de la victime, de l'agresseur et de toutes les autres personnes qui s'intéressent à ou ont des liens avec ces deux personnes. Ensuite, on tente de régler les problèmes en ce qui concerne la victime, l'agresseur et les autres personnes concernées. Le processus est très long et dure probablement environ sept ans pour atteindre son point culminant dans un cercle de guérison qui rapproche les personnes concernées. Étant donné que la violence est exposée et que tous les membres de la collectivité connaissent l'agresseur, on assure en quelque sorte une surveillance communautaire qui protège les victimes, puisque l'on sait que l'on ne veut pas laisser tel individu seul avec des femmes ou avec des enfants.
Á (1140)
La présidente: Merci beaucoup.
Je donne maintenant la parole à M. Bernard Cleary, pour qu'il pose les questions qu'il a à poser.
[Français]
M. Bernard Cleary (Louis-Saint-Laurent, BQ): Merci, madame la présidente.
D'abord, ce que vous nous avez dit était fort intéressant. Je crois que vous avez brossé un tableau qui ressemble beaucoup à d'autres tableaux qui nous ont été présentés par d'autres invités. On arrive toujours un peu aux mêmes solutions. En ce qui vous concerne, je pense qu'il est clair que vous ne pouvez pas considérer qu'une législation soit imposée. Par contre, vous soulignez qu'il y a un manque évident de régime. Tant qu'il y aura ce manque, on ne pourra pas trouver de solution.
Vous dénoncez aussi l'inaction du gouvernement, qui fait en sorte que les femmes et les enfants subissent des préjudices. Selon vous, cela repose sur l'imposition du patriarcat, qui fait en sorte que les femmes sont aujourd'hui totalement isolées. Je suis d'accord sur cette analyse. À mon avis, ce qui est problématique à cet égard est qu'on n'est pas capable de trouver des solutions dans un laps de temps relativement court pour ne pas que cela devienne une autre étude, une autre commission royale d'enquête, etc. Beaucoup de choses ont été dites sur ce sujet.
Personnellement, comme Autochtone, j'ai vécu beaucoup de dossiers de ce genre. Je crois que la commission royale a été éloquente sur ces questions. La matière est là. Cependant, on ne réussit pas à la traiter. On ne réussit pas à dire qu'on va faire telle chose, qui ne sera peut-être pas parfaite, mais qui permettra au moins de faire avancer la cause.
Le seul projet concret que j'ai entendu jusqu'à aujourd'hui est celui des femmes autochtones qui ont demandé du financement pour essayer de présenter un projet de loi après avoir fait les consultations nécessaires. Il pourrait aussi s'agir d'autre chose qu'un projet de loi. En tout cas, cela ferait en sorte qu'on arriverait à trouver des solutions qui existent fort probablement.
Avez-vous eu l'occasion d'étudier la proposition des femmes autochtones de faire un projet de loi? La trouvez-vous intéressante, ou proposeriez-vous d'autres solutions?
[Traduction]
Mme Patricia Monture: Je ne pense pas que la solution passe par une mesure législative supplémentaire, surtout si elle est élaborée dans le style de la Loi sur les Indiens ou s'il s'agit d'une loi sur les biens matrimoniaux applicable aux réserves. Je pense que cela ne réglerait pas les lacunes en ce qui concerne les femmes autochtones.
Ainsi, le rapport d'enquête sur la justice autochtone du Manitoba signale clairement que les membres des Premières nations ne participent pas au système juridique canadien. Lorsqu'ils le font—et les droits ancestraux constituent actuellement une exception en quelque sorte, ainsi que les droits issus de traités—, la jurisprudence des Premières nations signale que cette participation est fondamentalement liée à des accusations criminelles, à des accusations concernant la conservation et à des interventions en matière de protection de l'enfance. Si nous sommes au tribunal au sujet des enfants, il ne s'agit pas de poursuites des parents pour en obtenir la garde; il s'agit d'un contact entre les familles autochtones et l'État dans une affaire concernant la protection de l'enfance.
Je suis donc sceptique en ce qui concerne l'accès que les femmes pourraient avoir dans la pratique à un régime juridique concernant les biens matrimoniaux mis en place par la voie législative; cela réglerait pourtant leur problème d'isolement, elles auraient accès à un conseiller juridique et, en comblant cette lacune juridique, on aiderait probablement les femmes des collectivités des Premières nations. Je ne m'oppose pas à une telle initiative en tant que Haudenosaunee attachée aux traditions de son peuple et convaincue de sa souveraineté. Ce n'est pas que je m'oppose au principe d'une loi. Je ne vois toutefois pas comment cela réglerait le problème dans la pratique.
Je considère que ce serait très semblable aux résultats que l'on pourrait obtenir par une ordonnance d'injonction. Si j'étais victime de violence dans une collectivité isolée où l'on n'a pas de police à proximité—et ce ne serait peut-être pas différent de ce qui passe au centre de Saskatoon—et que j'avais une ordonnance d'injonction, serais-je supposée me présenter à la porte en tenant le document en main comme s'il s'agissait d'un bouclier magique en disant à mon conjoint: « Tu ne peux pas m'attaquer car tu n'as pas le droit d'être là »? Ce n'est pas efficace quand on a affaire à une personne qui est convaincue d'avoir le droit de recourir à la violence. Ce document n'est pas un bouclier magique.
Par conséquent, je doute qu'un article supplémentaire dans la Loi sur les Indiens ou qu'un projet de loi distinct puisse mettre en oeuvre le type de changement que nous souhaitons. Je pense qu'il faut faire preuve de plus de créativité et faire davantage appel à ses ressources, et qu'il faut investir davantage pour que des progrès soient réalisés à ce chapitre.
En ce qui concerne les dispositions législatives, la seule idée qui me vienne à l'esprit pour l'instant—je n'y ai pas beaucoup réfléchi—serait une disposition reconnaissant la discrimination dont les femmes ont fait l'objet en raison de la Loi sur les Indiens, qui contiendrait des mesures visant à y mettre un terme. C'est une idée intéressante. Je ne pense pas qu'elle soit adoptée à cause des questions de responsabilité, mais une initiative de ce type serait peut-être plus intéressante.
Á (1145)
La présidente: Monsieur Cleary, le temps dont vous disposiez est malheureusement écoulé.
Monsieur St. Amand.
M. Lloyd St. Amand (Brant, Lib.): C'était un exposé très intéressant, madame.
M. Lunn et M. Cleary ont fait référence aux divers exposés que le comité a entendus. Nous avons tout récemment entendu celui de Mary Eberts, que vous connaissez probablement, et celui de Beverley Jacobs, qui vient de la même région que vous et moi; je représente la circonscription de Brant.
Mme Patricia Monture: Je ne le savais pas.
M. Lloyd St. Amand: Nous avons également entendu le témoignage de Bonnie Leonard qui pratique le droit à Vancouver. Je ne me souviens pas si c'est à Vancouver, mais c'est en Colombie-Britannique en tout cas.
Dans leur exposé, elles disaient que des dispositions législatives étaient nécessaires de toute urgence et que, sans cela, les dommages que vous avez décrits avec beaucoup d'éloquence se poursuivraient. Pourtant, il est clair que vous n'êtes pas du même avis qu'elles.
Examinons un exemple concret mais hypothétique. Une jeune mère qui a un ou deux enfants et est victime de violence systémique doit examiner les options qu'elle a: rester, espérer que l'agresseur changera—je lui souhaite bonne chance à ce chapitre—ou partir. Comment la solution que vous proposez pourrait-elle aider cette jeune mère dans l'immédiat?
Mme Patricia Monture: Cette jeune mère a désespérément besoin d'avoir des ressources à sa disposition. C'est en partie la raison pour laquelle elle est coincée et reste au foyer.
Je le répète, si vous examinez les résultats de l'enquête sur la justice autochtone en ce qui concerne la violence, les femmes qui se trouvent dans ce type de situation sont battues et agressées en moyenne 35 fois avant de chercher de l'aide à l'extérieur. Je pense que les femmes se tireraient d'embarras elles-mêmes si on mettait en place un système qui leur en donnerait la possibilité. Je ne pense pas qu'un tel système soit en place actuellement.
J'irais même jusqu'à dire que je ne suis pas d'accord avec Mme Eberts et avec ma chère amie, Bev Jacobs. L'Association des femmes autochtones du Canada a préconisé que la Charte s'applique aux femmes autochtones. J'ai signalé alors que cela ne les aiderait en aucune façon.
Je viens de terminer une étude sur l'article 35. Le paragraphe 35(4) indique que l'égalité entre les sexes est applicable aux Autochtones. Trouvez-moi un cas où l'on a invoqué le droit des femmes indiennes aux termes du paragraphe 35(4). Ce n'est pas indiqué dans les études universitaires. Je pense que c'est exactement le même parallèle que lorsque l'Association des femmes autochtones du Canada a examiné la Charte dans le but de protéger les Indiennes.
Je pense que la volonté et la nécessité d'avoir foi en quelque chose est une méthode aussi simple que des mesures législatives pour provoquer le changement. Je ne pense pas que des modifications à la loi apportent des changements immédiats dans la politique sociale ou dans les réalités sociales. Ce n'est pas le cas. Il est essentiel d'aller sur le terrain et la source du problème la plus fréquente est que les femmes, surtout les jeunes femmes des Premières nations dans les réserves, n'ont pas de ressources à leur disposition.
Si cette jeune femme a le moindre espoir, cet espoir vient de sa mère, ou de sa tante, qui l'aide dans cette situation. Il est à espérer qu'elle ait une tante, comme ce fut le cas pour moi, qui intervienne pour l'aider. C'est à ce niveau que se situe la solution pour le moment.
Á (1150)
M. Lloyd St. Amand: Bien. En se fondant sur cette prémisse, quelles solutions envisagez-vous pour cette jeune mère? Je pense qu'elle et ses enfants devront quitter la maison à laquelle ils sont habitués—et vous avez raison, c'est autant la maison des enfants que celle de la mère et du père—pour aller s'établir ailleurs, option qui accorde en fait la possession de la maison au conjoint violent.
Ne voyez-vous pas là une dichotomie?
Mme Patricia Monture: Cela pose indéniablement un problème. Il serait peut-être nécessaire de construire des immeubles à appartements dans les réserves où pourraient aller les hommes, lorsqu'ils sont séparés des familles à l'égard desquelles ils ont un comportement violent.
Ma principale préoccupation est... Au diable les principes sur ce qui est bien et ce qui est mal! Ce qui me semble logique, c'est que les femmes et les enfants puissent rester à la maison. Ils ne peuvent généralement pas rester. Par conséquent, il faut élaborer des solutions qui donnent aux femmes des possibilités de rester, qui leur laissent le choix et qui assurent leur sécurité et celle de leurs enfants. C'est cela qui me préoccupe.
M. Lloyd St. Amand: Mais idéalement, si l'on oublie les problèmes inhérents à la mise en application—et je suis conscient qu'ils sont nombreux, mais laissons cela de côté pour l'instant—, n'est-il pas préférable de confronter l'homme violent, de mettre un terme à ce cercle vicieux et de perturber le moins possible les enfants en leur permettant de rester à la maison avec leur mère? Ne serait-ce pas la solution préférable?
Mme Patricia Monture: Je m'appuierais sur la tradition Dakota pour dire que la solution n'est pas aussi simple que cela. Lorsqu'on est, dans sa propre maison, victime des actes de violence de l'homme avec lequel on a des relations intimes, on est autant en difficulté que lui.
Lorsqu'on confronte un homme violent, sa réaction immédiate est de nier l'évidence. C'est comme lorsqu'on confronte un alcoolique en lui recommandant de ne pas boire. On n'obtient jamais de très bons résultats. C'est la même chose lorsqu'on confronte quelqu'un qui pense que la violence et l'intimidation sont des solutions aux problèmes.
Cet homme a une série de problèmes complexes. Ayant été exposé à ses problèmes, la femme a également une série de problèmes complexes elle-même. Elle ne se défend pas. Elle pense qu'elle mérite d'être traitée ainsi. Quand on examine la situation de l'extérieur, on voit le coup de poing et les yeux au beurre noir. Ce n'est pas l'expérience qu'a vécue une femme qui a survécu à une telle situation. Cela commence bien avant le premier coup de poing, par de la violence psychologique, par la dépréciation psychologique et par un lien psychologique avec l'agresseur qui inculque à la femme la croyance qu'elle est tellement inutile que, sans lui, elle ne survivrait pas. Les femmes sont extrêmement désarmées dans ce type de situation.
Selon la tradition Dakota, la mère et le père devaient partir. Ce sont les soeurs de la mère qui avaient la responsabilité d'emménager dans la maison pour s'occuper des enfants. C'était la tradition. Les parents ne pouvaient pas rester dans la maison s'ils n'assumaient pas leurs responsabilités parentales.
Si l'on voulait opter davantage pour des solutions de type traditionnel, c'est le type de ressources intenses que l'on fournirait. Je ne vois pas où nous pourrions obtenir les ressources financières nécessaires pour financer des systèmes semblables et c'est pourquoi je n'ai pas réclamé tout le gâteau. Je recommande seulement que l'on trouve une possibilité de mettre des ressources suffisantes à la disposition des femmes pour leur permettre d'avoir un logement où vivre, pour qu'elles puissent être en sécurité physique, peu importe qu'elles veulent rester dans la réserve, y retourner ou aller s'établir à l'extérieur.
Á (1155)
La présidente: Merci beaucoup pour vos réponses et votre exposé. J'apprécie votre participation par voie de téléconférence et ajoute toute cette information à celle que nous ont communiquée les autres témoins.
Nous donnons maintenant la parole à notre prochain témoin, Mme Ellen Gabriel, des Femmes autochtones du Québec Inc.
Je vous souhaite la bienvenue. Allez-y.
Mlle Ellen Gabriel (présidente, Femmes autochtones du Québec Inc.): Wa'kwanonweratens sewakweken.
Bonjour, mesdames et messieurs.
Mon nom mohawk est Katsi'tsákwas. Je suis du peuple Kahniakehake, le peuple de l'emplacement du silex, connu sous le nom de Mohawk. Je suis de la collectivité de Kanesatake. Je représente l'Association des femmes autochtones du Québec.
Je tenais à signaler aux interprètes que je ferai la majeure partie de mon exposé en anglais mais que je lirai mes recommandations en français.
Je ne sais pas ce que je pourrais encore dire. J'imagine que la plupart des personnes qui ont fait des exposés ont parlé du contexte historique, du processus d'assimilation amorcé il y a plus d'un siècle et du fait que, même à l'heure actuelle, les Autochtones sont encore considérés comme des pupilles de l'État. Je sais que l'objectif était de provoquer l'extinction d'une culture autochtone et d'un peuple autochtone.
Il est donc nécessaire de comprendre que les petites collectivités dans lesquelles nous avons été forcés de vivre n'ont pris aucune initiative pour nous permettre de nous développer. La société nous a négligés et on s'est attendu à ce que nous restions dans le coup, à ce que nous nous adaptions à ce que la société avait à offrir, au prix de notre identité, de notre culture et de nos langues.
Je n'ai pas disposé d'assez de temps pour préparer un mémoire écrit, mais je signale que je remettrai au greffier le document que Femmes autochtones du Québec Inc. a publié en avril 2004 concernant les biens matrimoniaux.
Si vous écoutez les femmes qui sont touchées et mettez un visage sur les victimes de cette situation, il ne s'agit pas uniquement des femmes mais aussi de leurs enfants, de leurs garçons et de leurs filles qui deviendront des hommes et des femmes. La situation a fait de terribles ravages—non seulement la question des biens matrimoniaux, mais celle du statut. Elle a entravé le développement harmonieux des collectivités et des sociétés autochtones.
Dans notre document concernant les biens matrimoniaux, nous nous demandons si la loi est une source de développement social. Je dois dire que non. La loi n'a pas été une source de développement social mais elle a été un obstacle. Les Autochtones ont dû lutter pour s'adapter et pour résister à l'assimilation parce que c'est de cela qu'il s'agissait.
Nous avons discuté de l'établissement d'une nouvelle relation avec le gouvernement du Canada. La réunion des premiers ministres qui, sauf élections, aura lieu cet automne—les réunions préliminaires concernant les comités directeurs et portant sur l'éducation et sur tous les aspects de notre vie—est toujours sous le contrôle du gouvernement et je ne pense pas qu'une nouvelle relation s'établisse. Je n'ai pas encore vu d'exemple concret de ce nouveau partenariat fondé sur l'égalité.
Les mesures que nous voudrions que l'on mette en place doivent concerner les questions sociales. Comment pouvons-nous combattre la violence dans la collectivité? L'Association des femmes autochtones du Québec a une coordinatrice pour la promotion de la non-violence et des foyers d'hébergement pour femmes autochtones. Elle mentionne souvent que les fonds octroyés par le gouvernement sont largement insuffisants.
Comment pouvons-nous faire la promotion de la non-violence? Nous avons proposé de commencer au niveau de l'école primaire. On enseigne la non-violence au niveau secondaire. On l'enseigne dans les collectivités. On l'enseigne aux chefs, les chefs qui ont adopté un concept étranger et des types de valeurs étrangères au système qui a établi et perpétué une législation discriminatoire dans la Loi sur les Indiens. Par conséquent, notre propre peuple perpétue la discrimination créée initialement par le gouvernement du Canada.
Patricia a mentionné que de nouvelles dispositions législatives ne sont pas la solution à ce problème. Je pense que c'est la solution pour l'instant parce que l'impact que le colonialisme a eu sur les collectivités autochtones nous a éloignés de nos cultures. Il est vrai que dans certaines cultures autochtones—et même un grand nombre—les Autochtones connaissent toujours leurs valeurs traditionnelles, parlent toujours leur langue, mais tout cela a disparu dans de nombreuses cultures autochtones également.
 (1200)
Un grand nombre de peuples autochtones ont adopté le système du conseil de bande fondé sur une hiérarchie et pas sur la démocratie véritable. Comme je l'ai signalé, c'est une hiérarchie qui a perpétué la discrimination contre les femmes autochtones qui assure la plupart des services autochtones offerts dans les collectivités: elles sont dans le secteur de l'éducation, dans celui des soins de santé et dans celui des services sociaux. Vous verrez que la majorité des travailleurs communautaires—environ 95 p. 100—sont des femmes. Pourtant, elles sont moins bien rémunérées et n'ont pas la possibilité de se faire entendre.
Toutes les initiatives prises par le gouvernement du Canada pour modifier les lois et mener toutes sortes de négociations l'ont été par un groupe de personnes à forte dominance masculine. Nous avons tenté d'accroître la participation des femmes autochtones et de leur donner davantage voix au chapitre. À l'Assemblée des Premières nations du Québec et du Labrador, Femmes autochtones du Québec Inc. a un siège aux assemblées des chefs, ce qui est encourageant, mais nous sommes le seul groupe de femmes à l'échelle nationale auquel ce privilège ait été accordé.
Par conséquent, si la voie législative apportait une solution, ce ne serait pas la seule. Notre comité tripartite, Femmes et Justice, qui a publié un rapport l'année dernière, a fait des commentaires sur une formation adéquate pour la police dans nos collectivités. C'était apparemment une bonne idée, mais ce qui a été au détriment des collectivités autochtones, c'est l'empressement que l'on a mis à accroître nos capacités, à recruter des enseignants autochtones, à établir nos propres forces policières. Ces forces policières n'ont pas reçu une formation adéquate. Une formation adéquate durerait deux ans et inclurait une sensibilisation aux problèmes liés à la violence familiale et l'acquisition d'un sens de l'équité et de la justice dans ce contexte. Actuellement, nos agents de police reçoivent une formation d'une durée de huit mois.
Pourquoi les collectivités autochtones doivent-elles se contenter d'une piètre qualité, d'attentes moins élevées et d'une formation moins poussée chez nos professionnels? C'est ridicule! Les Autochtones qui obtiennent leur brevet d'enseignement ne peuvent enseigner dans aucune école. Quelle conclusion faut-il en tirer? Celle qu'ils ne sont pas qualifiés, que nous recevons des services de piètre qualité des universités qui devraient nous enseigner les moyens d'accroître nos capacités.
Bien que nous ayons constaté que les agents de police ne reçoivent pas une formation suffisante et que nous ayons fait des recommandations à ce chapitre, aucun gouvernement n'a encore agi en ce sens.
Nous avons par ailleurs besoin d'un plus grand nombre de refuges pour femmes.
Il est essentiel que nous soyons capables de trouver des possibilités d'intégrer nos valeurs culturelles à la formation policière et à de nouvelles dispositions législatives concernant les biens matrimoniaux. Les sources de la pauvreté, le manque d'éducation et de ressources financières sont liés à la pénurie de logement et aux politiques d'assimilation qui ont perturbé notre tissu social et notre identité profonde d'Autochtones. Par conséquent, la vision culturelle, ou la nouvelle loi telle que nous la concevons. devrait non seulement intégrer des dispositions législatives sur l'égalité des sexes mais également être fondée sur la consultation avec les Autochtones. Si le gouvernement du Canada est sincère dans le contexte de sa nouvelle vision consistant à établir une nouvelle relation avec les autochtones, il faut que cela se manifeste dans tous les aspects de notre vie.
Il faut examiner les initiatives qui ont été prises dans le passé pour déterminer celles qui n'ont pas été efficaces. Comme l'a signalé Patricia, nous devons être capables d'examiner les antécédents de la Loi sur les Indiens.
Je suis membre du peuple Haudenosaunee. Ma famille est une victime de la Loi sur les Indiens, parce que les femmes du côté des Gabriel n'étaient pas autorisées à posséder la terre et qu'elles étaient exclues du testament du mon père parce qu'elles étaient des femmes. J'ai deux autres soeurs et un frère. C'est mon frère qui a hérité de toute la terre, parce qu'aux termes de la Loi sur les Indiens—quoique ce ne soit pas explicite—, les femmes ne sont pas autorisées à posséder la terre. En outre, les Autochtones ne reçoivent qu'un certificat de possession.
 (1205)
Que faut-il penser des négociations sur l'autonomie gouvernementale ou l'autodétermination alors que nous ne pouvons même pas posséder la terre que nous occupons, que nous ne pouvons même pas occuper à nouveau nos territoires ancestraux et que nous n'avons pas droit aux ressources que contiennent nos terres? Que faut-il dès lors penser de l'établissement d'une nouvelle relation? Cela signifie que ce n'est que la perpétuation d'un processus d'assimilation amorcé par la politique énoncée dans le Livre blanc. Par conséquent, c'est en fait un moment opportun pour la réflexion, un moment opportun pour dire que trop, c'est trop. Si le Canada est un chef de file en matière de droits de la personne, pourquoi les femmes autochtones sont-elles les personnes les plus marginalisées et les plus exposées à la discrimination dans notre société? Il est temps que cela change.
Que se passe-t-il lorsqu'une relation est brisée? Dans la plupart des cas, c'est le mari qui obtient la maison. Et pourquoi cela? Peut-être parce qu'il est travailleur de l'acier ou parce qu'il a un métier qui lui fait gagner beaucoup plus d'argent que sa femme n'en aura jamais et, par conséquent, il obtient non seulement automatiquement la maison, mais les enfants restent en outre avec lui. C'est un principe qui va à l'encontre de nos valeurs traditionnelles et de nos coutumes ancestrales selon lesquelles c'est la mère qui transmet la langue, les valeurs morales et tous les autres facteurs déterminants de l'identité. Cela ne signifie pas que le père ne transmet aucune valeur. Cependant, la Loi sur les Indiens a usurpé le rôle et l'importance des femmes dans notre société; il est temps que cela change.
J'espère que si vous faites des recommandations au Parlement, on pourra trouver une solution d'ici peu parce que les femmes autochtones ne peuvent plus attendre. Leur vie est en jeu.
Je voudrais savoir de combien de temps je dispose pour lire mes recommandations.
 (1210)
La présidente: Je vous laisserai lire vos recommandations.
Mlle Ellen Gabriel: Oui. Je les lirai en français.
[Français]
La Loi sur les Indiens doit être modifiée afin d'éliminer toute forme de discrimination à l'égard des femmes autochtones;
La Loi sur les Indiens doit être modifiée afin d'établir un régime matrimonial prévoyant que tous les biens acquis pendant le mariage sont la propriété commune des deux époux;
La Loi sur les Indiens doit être modifiée afin d'assurer l'égalité entre les hommes et les femmes quant aux biens matrimoniaux, et garantir l'équité du partage des biens en cas de rupture;
La Loi sur les Indiens doit être modifiée afin de prévoir le partage des biens pour les conjoints de fait en cas de rupture;
La Loi sur les Indiens doit être modifiée de façon à permettre au parent qui aurait la garde des enfants, en cas de rupture, de pouvoir continuer d'habiter la résidence familiale;
Que le gouvernement canadien s'assure que, conformément au paragraphe 15(1) de la Loi constitutionnelle de 1982, les femmes autochtones qui vivent dans les réserves puissent bénéficier de la même protection et puissent avoir accès aux mêmes recours judiciaires que les femmes vivant à l'extérieur de celles-ci quant au partage des biens lors de la rupture des liens matrimoniaux;
Que le gouvernement du Canada cesse de contrevenir au Pacte international relatif aux droits civils et politiques dont il est signataire et qu'il s'assure qu'un régime matrimonial prévoyant les mêmes droits et obligations soit mis en place pour les peuples autochtones;
Veiller à ce que l'égalité entre les époux soit respectée en cas de dissolution du mariage;
Que le gouvernement du Canada reconnaisse la compétence indirecte des premières nations quant à l'adoption de lois et des dispositions juridiques adaptées à leur culture, entre autres en matière de droit familial, en vertu d'une interprétation de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.
[Traduction]
Ce sont là nos recommandations. J'espère que nous pourrons poursuivre le dialogue au cours de la période des questions, mais j'insiste sur le fait qu'il est grand temps d'apporter des modifications en ce qui concerne les biens matrimoniaux.
Je vous remercie pour cette occasion que vous m'avez donnée d'exprimer mes opinions et j'espère que vous les examinerez d'un oeil favorable, dans un souci d'équité et de justice à l'égard des femmes autochtones du Canada.
Niawen Ko:wa. Je vous remercie.
La présidente: Merci beaucoup pour votre exposé et merci d'avoir accepté de participer malgré la brièveté du préavis. C'était un très bon exposé, compte tenu du peu de temps que nous vous avons laissé pour le préparer.
Je donne maintenant la parole au représentant du Parti conservateur, M. Jeremy Harrison.
M. Jeremy Harrison (Desnethé—Missinippi—Rivière Churchill, PCC): Merci beaucoup.
Madame la présidente, je trouve, moi aussi, que c'était un excellent exposé. Je l'ai fort apprécié et je suis certain que mes collègues l'ont apprécié également.
J'ai trouvé les recommandations que vous avez faites au sujet des modifications à apporter à la Loi sur les Indiens très intéressantes. Nous avons entendu diverses idées quant aux initiatives à prendre. Je pense que c'est l'Association des femmes autochtones qui a préconisé un cadre législatif distinct; je me trompe peut-être, mais je pense que c'est ce qu'elle a recommandé et que c'est là-dessus qu'elle travaille.
Quels seraient, d'après vous, les avantages qui seraient liés à des modifications à la Loi sur les Indiens par rapport à l'élaboration d'un cadre législatif distinct en ce qui concerne les biens matrimoniaux?
 (1215)
Mlle Ellen Gabriel: Je pense qu'étant donné que la Charte canadienne des droits de l'homme n'est pas applicable aux réserves, les avantages devraient venir directement de la Loi sur les Indiens, puisque le temps presse, en attendant qu'elle soit applicable aux réserves et aux terres de la Couronne.
M. Jeremy Harrison: Comme je l'ai déjà mentionné, nous avons entendu diverses suggestions pour régler ce problème; la collectivité autochtone est d'ailleurs apparemment très partagée en ce qui concerne une solution législative. Je sais que de nombreux groupes ont parlé de ne plus faire partie de l'Assemblée des Premières nations... parce qu'ils n'appuient pas une solution législative. Comment expliquez-vous les divergences d'opinions? Pourquoi sont-elles aussi marquées?
Mlle Ellen Gabriel: Au risque de ne pas être politiquement correct au sein de la collectivité autochtone, je dirais que la majorité des membres de l'Assemblée des Premières nations sont des hommes et qu'ils ne perçoivent pas directement les conséquences de cette situation comme le font les femmes. Je pense qu'en raison des dommages causés par le colonialisme, il faudrait plusieurs années, voire plusieurs générations, pour décoloniser la façon dont les collectivités autochtones se conduisent.
Alors que l'option idéale serait que les Autochtones apportent eux-mêmes ces solutions, c'est difficile lorsque le gouvernement du Canada reconnaît uniquement l'autorité politique des conseils de bande. Pour donner une structure à ces conseils de bande, il est nécessaire de leur donner des instructions et un cadre, et c'est pourquoi je pense qu'il est essentiel de mettre en place de nouvelles dispositions législatives dans ce contexte.
M. Jeremy Harrison: Je vous remercie pour votre franchise.
L'autre commentaire que j'ai trouvé très intéressant est un type de commentaire que nous n'avions encore jamais entendu, à savoir la nécessité... L'exemple utilisé est une meilleure formation des policiers dans les réserves. Il n'y a pas de forces policières autochtones dans ma circonscription. Je représente le nord de la Saskatchewan et de nombreux Autochtones. Parmi les Premières nations qui font partie de ma circonscription, je ne pense pas qu'une seule ait sa force policière; je pense que les forces policières autochtones sont dans d'autres régions du pays. J'ai trouvé cet exemple très intéressant. On sort des sentiers battus en quelque sorte.
Y a-t-il d'autres exemples? Vous pourriez peut-être donner des informations plus précises sur cet exemple de la formation de la police, mais pourriez-vous citer d'autres exemples qui seraient susceptibles de nous intéresser?
Mlle Ellen Gabriel: Je pense que ce n'est pas applicable uniquement à la police autochtone. Il faudrait par exemple que les membres de la Sûreté du Québec ou des autres forces policières provinciales, voire ceux de la GRC, reçoivent une meilleure formation en ce qui concerne les situations de violence familiale.
Le facteur très problématique dans les collectivités autochtones est que l'agent de police connaît généralement la famille. Il peut s'agir de son frère, de son cousin ou de son oncle. Par conséquent, on peut se demander s'il pourra être vraiment impartial dans les situations où son devoir est de protéger la victime alors que dans la majorité des cas, c'est probablement l'agresseur qui est protégé et pas la victime. La victime est forcée de se sauver en pleine nuit ou à quelque heure du jour, avec ses enfants, qui ont été traumatisés par une situation de violence familiale—ou non, parce que ce n'est pas toujours la violence qui est en cause dans l'échec d'un mariage.
Il est toutefois essentiel d'inculquer à la police les valeurs culturelles de leurs propres collectivités parce qu'il n'existe pas de culture indienne panaméricaine. Il s'agit d'îlots très spécifiques de valeurs et de coutumes culturelles. Par conséquent, les policiers devraient en être conscients. Ils devraient recevoir une formation à ce chapitre.
Ils devraient en outre être guidés par les Anciens. Les Anciens ne sont pas nécessairement des personnes âgées; ce sont des personnes qui ont un véritable sens de la justice et de l'équité et qui peuvent donner aux forces policières les conseils et l'appui dont elles ont besoin lorsqu'elles doivent prendre une décision difficile.
Comme je l'ai signalé, les biens matrimoniaux sont liés à un très grand nombre d'aspects du tissu social des collectivités autochtones, ou de la société en général et, par conséquent, nous ne pouvons pas compter uniquement sur des dispositions législatives. Les dispositions législatives doivent être liées à des programmes, à de la formation et à une sensibilisation dans les collectivités et dans la société, et au sein du gouvernement également, pour que tous ces intervenants sachent comment nous aider à mettre fin à cette situation très complexe.
 (1220)
La présidente: Il reste un peu de temps. Je pense que Carol Skelton va prendre la relève.
Mme Carol Skelton (Saskatoon—Rosetown—Biggar, PCC): Merci beaucoup pour cet excellent exposé. Je l'apprécie beaucoup.
Je représente une circonscription urbaine. De nombreuses femmes viennent s'établir dans notre région où il y a de nombreux propriétaires de taudis et où les conditions de logement sont très mauvaises. Quelles initiatives suggéreriez-vous de prendre pour aider ces femmes? Que pouvons-nous faire dans les villes pour les protéger et leur permettre de démarrer du bon pied, et pour leur tendre la main quand elles en ont extrêmement besoin?
Mlle Ellen Gabriel: Il faudrait établir des liens dans la collectivité. Cependant, dans la ville comme telle... Je sais qu'à Montréal, il y a le Native Women's Shelter of Montreal, mais il y a également d'autres foyers d'hébergement pour femmes utilisés par divers groupes de femmes autochtones.
Il était au moins essentiel de leur donner le temps nécessaire pour guérir du traumatisme qu'elles ont subi, afin qu'il ne soit pas transmis aux enfants, parce que la peur de la mère a tendance à se transmettre aux enfants. Les sentiments de la mère et ses émotions ont tendance à se transmettre aux enfants. Par conséquent, il est essentiel d'aider la mère sur le plan émotif.
À mon avis, qu'il s'agisse d'un foyer d'hébergement pour femmes autochtones ou d'un foyer d'hébergement pour femmes non autochtones, il est essentiel d'établir pour elles des liens avec des méthodes traditionnelles de guérison, avec le concours de professionnels ou la possibilité de consulter un psychologue, un travailleur social ou quelqu'un qui puisse les aider à traverser cette période difficile et lorsqu'elles ont surmonté leurs difficultés, leur donner l'occasion de suivre une formation, si elles n'ont pas de qualifications, leur donner des possibilités d'accès à des groupes de soutien ou à un réseau de soutien tout en leur permettant de maintenir des contacts et des liens avec leur collectivité, parce que notre culture est très axée sur la famille. Quelle que soit notre collectivité d'origine, lorsque nous la quittons, que ce soit pour aller vivre dans une région urbaine pendant 15 ou 20 ans, notre coeur reste attaché à la collectivité.
Par conséquent, il est impératif de mettre en place des programmes de soutien et les ressources nécessaires pour financer les programmes destinés à aider les femmes à surmonter leurs difficultés. Il est possible que grâce à cela, la situation change à l'avenir et que leurs fils et leurs filles ne perpétuent pas le caractère dysfonctionnel qui caractérise les foyers perturbés par la violence.
La présidente: Il vous reste environ 30 secondes. Vous pouvez les utiliser, si vous voulez.
Je voudrais faire une petite clarification. Je pense que Jeremy a dit que l'APN n'appuyait pas la solution passant par de nouvelles dispositions législatives. À mon avis, elle voulait plutôt participer à l'élaboration de ces dispositions législatives ou être consultée.
Mlle Ellen Gabriel: Si l'on veut élaborer des dispositions législatives, et si l'on veut les consulter, je pense que les groupes de femmes, et pas seulement l'AFAC, mais aussi les groupes provinciaux...
La présidente: Non, je donnais des clarifications au sujet de ce qu'il avait dit, à savoir que l'APN n'appuie pas la solution législative. Les représentants de cette association ont dit en fait qu'ils tenaient beaucoup à participer à l'élaboration de dispositions législatives si c'était la solution que le comité recommandait.
Je donne la parole à M. Bernard Cleary, qui représente le Bloc québécois. Allez-y.
[Français]
M. Bernard Cleary: Merci, madame la présidente.
Je suis renversé par la qualité de vos propos. Vous nous avez dépeint une situation que, pour ma part, je connaissais. Il est rafraîchissant de parler de cette question avec une personne comme vous.
Avant de poser mes questions, j'aimerais vous dire que lorsque, comme vous, on défend la cause autochtone, il ne faut pas se laisser arrêter par le politically correct. Il s'agit de banalités qui nous confondent et nous empêchent de mener les débats d'une façon aussi objective que possible. Continuez à faire ce que vous faites, c'est ce qui est intéressant.
Vous avez expliqué clairement que vous aviez comme objectif le mieux-être des femmes autochtones. Or, si cela doit passer par des mesures législatives, tant pis, mais procédons correctement, de façon à ce que les femmes autochtones, et surtout les enfants, soient bien protégés. J'aime cette logique. Peut-être ne le savez-vous pas, mais je suis moi-même autochtone; je viens de Mashteuiatsh. Regardez ma barbe et vous me croirez quand je vous dis que je prends part à ce débat depuis une quarantaine d'années. Comme vous l'avez dit déjà, il ne faut pas se réfugier dans des idées préconçues qui font en sorte de retarder les solutions. Je crois que vos recommandations, qui recoupent d'autres propos entendus, nous aideront à proposer des solutions. C'est donc à nous de travailler en ce sens.
Votre franchise est peut-être plus développée que chez d'autres, mais il reste que vos recommandations recoupent ce qui a été dit déjà. Toutes les femmes, sans exception, nous ont dit qu'il était urgent de régler ce problème. Évidemment, elles voudraient toutes que cette loi, s'il y en avait une, soit autochtone. Elles ont aussi été unanimes pour dire qu'en attendant, que cette loi soit autochtone ou non, il fallait se hâter de faire quelque chose. C'est dans cette optique, je pense, que le comité va aborder la question. Nous allons certainement essayer de trouver une solution qui soit applicable rapidement et qui comporte des énoncés de principe.
Il est toujours possible d'apporter des améliorations à une loi, une règle, un programme ou un régime. On peut d'abord appliquer un régime qui, bien qu'incomplet, n'en demeure pas moins un instrument auquel on peut avoir recours lorsqu'on veut se défendre. Je pense qu'il est sage de votre part de dire que nous devons faire un pas en avant et adopter ce régime, aussi incomplet soit-il. Nous verrons par la suite à l'améliorer. À mon avis, les femmes autochtones ont démontré au cours des 10 ou 15 dernières années que c'était là le chemin à suivre.
Je connais pour l'avoir observée de près la réaction que vous avez suscitée dans les communautés. Au début, c'était difficile. Il reste que vous avez raison de dire que ce sont aujourd'hui les femmes qui dirigent tout dans les communautés. Les hommes font encore partie du conseil de bande, mais tout le travail est fait par les femmes. Étant donné ce contexte, je vous encourage à continuer votre travail. Impliquez-vous dans l'atteinte de nos objectifs, de façon à ce que nos réalisations soient vraiment à la hauteur de vos désirs.
Ce que nous sommes en train de faire serait complètement futile et ridicule si le gouvernement ne cherchait pas des solutions. Or, je pense que nous serons capables de lui en suggérer.
 (1225)
Tenons pour acquis que le gouvernement veut faire quelque chose qui soit correct. À partir de là, profitez de nous, profitez de ce comité, qui peut vous aider. C'est vrai que vos propos vont être enregistrés, etc. Je vous suggère de les compléter et de les déposer. Il y a là le squelette de quelque chose de vraiment intéressant. Faites votre petit bout de chemin et donnez-nous la fin de votre réflexion.
C'est le commentaire que j'avais envie de vous faire.
Mlle Ellen Gabriel:
Merci, monsieur Cleary, de votre appui et de votre déclaration.
[Traduction]
La présidente: C'est maintenant au tour de Sue Barnes, qui représente le parti gouvernemental.
L'hon. Sue Barnes (London-Ouest, Lib.): Je vous remercie. J'ai lu le rapport des Femmes autochtones du Québec de 2004. C'est un rapport honnête et il m'a fait très bonne impression. Il m'a donné l'envie de le présenter au comité. J'espérais commencer en janvier, mais nous avons été retardés.
Dans son rapport 2004, l'Association des femmes autochtones du Québec signale que l'écart sur le plan législatif devrait être comblé par quelque mesure temporaire. Nous entendons aujourd'hui des recommandations portant sur les principes. Nous connaissons les principes; nous sommes au courant de la nécessité d'établir un certain équilibre. De nombreux témoins ont formulé les principes et ont fait des commentaires sur la législation.
À ce propos, la Loi sur les Indiens renferme de nombreux obstacles, notamment les articles concernant la saisie de biens et l'appartenance à une bande. J'ai besoin de savoir si vos commentaires sur l'héritage foncier étaient liés à l'appartenance à une bande.
Il serait également intéressant d'abolir l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Il rend la partie concernant les droits à l'égalité inapplicable dans les réserves. J'ai besoin de savoir si vous approuvez ce principe.
 (1230)
Mlle Ellen Gabriel: Celui qui consiste à abroger l'article 67?
L'hon. Sue Barnes: Oui.
Mlle Ellen Gabriel: La Loi canadienne sur les droits de la personne déclare que les droits ancestraux et les droits issus d'un traité sont protégés. Elle contient de nombreuses dispositions intéressantes mais ne va pas assez loin en matière de protection de l'égalité des sexes ou des droits de la personne. Elle ne règle pas la question du statut ni celle du traitement que nous a réservé la Loi sur les Indiens. C'est une partie du problème. Nos recommandations sont pertinentes et j'espère que l'on en tiendra compte. Cet article devrait peut-être être abrogé, mais il serait peut-être plus approprié de le réviser.
L'hon. Sue Barnes: Faudrait-il rendre cette disposition plus constructive plutôt que de l'abroger purement et simplement?
Mlle Ellen Gabriel: Oui.
L'hon. Sue Barnes: Je vous comprends. Une partie du problème est que la Commission royale sur les peuples autochtones a conclu que le droit de la famille était un domaine de compétence inhérent des Premières nations. Le Sénat nous a recommandé d'intégrer immédiatement les dispositions législatives concernant les biens immobiliers par renvoi aux lois provinciales.
Un problème d'acceptation de ce principe se pose dans les collectivités des Premières nations. On craint en outre que l'on en conclue qu'il s'agit pour toutes les Premières nations d'une atteinte à la compétence inhérente reconnue par l'article 35. Êtes-vous d'accord?
Mlle Ellen Gabriel: Oui. Les Autochtones sont conscients du fait que s'ils veulent avoir des relations avec la province, ils veulent que le niveau de ces relations soit de nation à nation. Il faudrait que l'initiative vienne du gouvernement fédéral et pas des gouvernements provinciaux. Aux termes de la Loi sur les Indiens, tout ce qui touche aux terres des réserves relève de la compétence fédérale. Cela exclut le droit coutumier et le droit matrimonial. Par conséquent, nous devons régler cette question davantage à l'échelon fédéral qu'à l'échelon provincial. Contrairement aux autres provinces, le Québec a adopté le régime du droit civil. Il serait trop compliqué d'apporter ce changement au niveau de chaque province.
L'hon. Sue Barnes: C'est évident et c'est un des problèmes liés à l'intégration immédiate des lois provinciales et territoriales.
Une des possibilités consiste à reconnaître d'une façon ou d'une autre la compétence des Premières nations en matière de droits concernant les biens matrimoniaux. Cependant, une disposition législative temporisée pourrait régler temporairement la question, jusqu'à ce que les divers régimes—que ce soit par le biais d'un régime foncier des Premières nations ou d'ententes d'autonomie gouvernementale... Il serait peut-être bon d'instaurer une mesure temporaire qui tombe automatiquement à échéance mais qui donne aux Premières nations la possibilité de mettre d'autres mesures en place...
Notre comité est chargé de prendre des décisions dans ce domaine. On nous exhorte à agir rapidement. Le Parlement n'est pas capable d'agir rapidement dans la meilleure des hypothèses et, par conséquent, il y a toujours un certain délai d'attente. D'après vous, serait-il possible d'avoir divers systèmes en place, selon qu'une entente d'autonomie gouvernementale est en place ou qu'une collectivité est sous le régime de la Loi sur la gestion des terres des premières nations? Envisagez-vous la possibilité que nous reconnaissions que les Premières nations ont un droit en matière de biens matrimoniaux par le biais de règlements... Envisagez-vous la possibilité que nous donnions une certaine légitimité à des collectivités ou à des Premières nations qui souhaitent établir leur propre régime en matière de biens matrimoniaux?
Nous avons tenté d'inviter ici des représentants de la collectivité de Sucker Creek, mais pour une raison ou une autre, nous n'y arrivons pas. Je pense qu'il y a d'énormes lacunes dans l'information que nous avons, parce que plusieurs parties ont signalé que les habitants de cette collectivité avaient mis en place un système sur lequel aucun des témoins ne nous en a donné. Si vous savez ce qui se passe dans cette collectivité, j'apprécierais que vous en parliez.
 (1235)
Mlle Ellen Gabriel: Non, je ne suis malheureusement pas au courant.
L'hon. Sue Barnes: Ah non? Bien.
Il est très difficile d'obtenir l'information nécessaire pour prendre des décisions judicieuses en matière de politiques lorsque aucune option légale légitime n'est en place à cause d'une loi désuète.
Mlle Ellen Gabriel: Je vous rappelle ce que j'ai déjà dit au sujet des conséquences que la colonisation a eues pour nous. Il est effectivement important que les Autochtones aient le contrôle des terres et en ce qui concerne cette question très importante. Cependant, compte tenu du degré de népotisme et de corruption qui règne dans les conseils de bande, j'aimerais que l'on mette en place une structure comprenant éventuellement un tribunal. Une nation est composée de nombreuses collectivités. Les membres de diverses collectivités d'une même nation pourraient participer à l'élaboration d'une loi concernant les biens matrimoniaux qui soit équitable envers les membres des deux sexes. Il est essentiel de mettre en place un mécanisme garantissant que toutes les négociations concernant les terres ou l'autonomie gouvernementale soient fondées sur l'égalité des sexes dans le contexte de ce dossier très important.
Si l'on compte—et j'hésite à employer le terme «autoriser»—les Autochtones à créer leur propre régime, il faudrait que cela se fasse dans la transparence et dans le respect des droits d'un individu, s'inspirant du droit international, par exemple. Les lois internationales contiennent de nombreux pactes assurant l'équité.
Je suis seulement très prudente. Je suis pour la délégation des pouvoirs aux Autochtones mais, compte tenu des dommages causés à notre identité, je voudrais que les Autochtones mettent en place un tribunal ou un comité qui s'assurerait que les membres de toutes les collectivités autochtones aient un droit égal en matière de biens matrimoniaux—ou même de citoyenneté, puisqu'on est en train d'élaborer des codes.
L'hon. Sue Barnes: Un des domaines dans lequel je suis partagée entre...
La présidente: Je suis désolée, mais le temps dont nous disposions a été légèrement dépassé. Il nous reste toutefois du temps pour un deuxième tour de questions. Je pense que les conservateurs passeront leur tour cette fois-ci. Est-ce bien cela?
Nous avons sur la liste les conservateurs, puis le parti gouvernemental, le Bloc et enfin, à nouveau, le parti gouvernemental. Je ne sais pas si Mme Barnes veut partager le temps dont elle dispose avec M. Valley, mais le nom de Roger Valley est sur la liste.
M. Roger Valley (Kenora, Lib.): Je partagerais volontiers le temps dont je dispose avec Mme Barnes. Je sais qu'il ne faut pas...
Je vous remercie pour votre exposé. Je pense que nous l'avons tous trouvé très bien. Nous avons été très impressionnés par votre exposé. Vous avez parlé du fond du coeur, ce que nous apprécions beaucoup.
Je vais vous poser deux questions très difficiles. Nous avons entendu de nombreux témoins. Nous avons entendu un éventail complet de suggestions au sujet des initiatives que nous sommes censés prendre, de celles que nous pouvons prendre et de celles que nous devons éviter de prendre. Vous avez probablement vu la liste. Avez-vous vu la liste des personnes qui ont témoigné? Vous avez entendu certains des noms que mon collègue a mentionnés.
 (1240)
Mlle Ellen Gabriel: Oui, j'ai entendu certains des noms, mais je ne sais pas...
M. Roger Valley: À supposer que nous rassemblions tous ces témoins dans une pièce en leur disant voilà un problème que nous devons résoudre, avec ou sans la participation gouvernementale, quelle réponse obtiendrions-nous si vous deviez vous entendre tous au sujet de la meilleure façon de s'y prendre pour régler ce problème très complexe? La question suivante est encore plus difficile. Ne dites pas ce que vous espéreriez. Dites quel type de réponse réaliste pourrait donner le groupe de personnes réunies dans cette pièce.
Pendant que j'y pense, tous les membres du présent comité—et je ne prétends pas parler au nom de tous mes collègues—veulent une amélioration de la situation. Nous sommes conscients de notre inaction au cours des 20 ou 21 dernières années ou depuis cette affaire. Nous n'avons pas réalisé de progrès. Nous n'avons pas réalisé les améliorations que nous aurions dû réaliser. Nous ne tenons pas à nous retrouver dans un an, dans deux ans ou dans six mois, ou n'importe quand, pour discuter à nouveau de ce problème et tenter d'y trouver une solution. Nous ne tenons pas à nous retrouver face à face sans qu'aucun progrès ait été réalisé.
Dites-nous donc ce qui s'en dégagerait si nous réunissions dans une pièce toutes les personnes qui ont des opinions vigoureuses sur cette question et s'il fallait prendre une décision?
Mlle Ellen Gabriel: Je n'ai pas apporté ma boule de cristal...
M. Roger Valley: J'en ai une sur mon pupitre, mais elle n'est pas très efficace.
Des voix: Oh, oh!
Mlle Ellen Gabriel: Je pense que dans ce cas, les diverses personnes concernées tenteraient d'intégrer leurs enseignements et leurs valeurs traditionnels en ce qui concerne les droits d'un individu, peu importe leur identité ou leur statut. Je pense que la question du statut serait inévitablement une pomme de discorde pour certains groupes, mais nous discuterions probablement des antécédents historiques, du colonialisme et de la voie à prendre. Nous pourrions à mon avis vous faire quelques suggestions, voire quelques-unes des recommandations que j'ai présentées aujourd'hui. Nous pourrions dresser une liste des objectifs à court terme, puis des objectifs à long terme. À court terme, il s'agirait davantage de déterminer comment on peu régler ce problème, comment on peut atténuer certaines des épreuves que traversent actuellement les femmes et leurs enfants pour qu'à long terme, l'objectif final soit un mode de justice juste et équitable en cas d'échec du mariage.
Je pense que ce que vous verriez, parce que j'en ai beaucoup entendu parler, c'est que lorsqu'une personne arrive dans une collectivité, dans la Confédération iroquoise, par exemple... nous adoptions les étrangers. Ces personnes, qu'elles soient d'origine européenne ou qu'il s'agisse d'Autochtones, devaient apprendre notre langue. Elles devaient apprendre nos coutumes et nos traditions et devaient connaître les cérémonies. Elles devaient participer aux activités de notre collectivité pour renforcer cette identité.
Je pense que c'est le type de suggestion qui s'en dégagerait. C'est pourquoi je signale qu'il ne peut s'agir uniquement de dispositions législatives. Il est impératif que des programmes soient associés à ces dispositions législatives pour pouvoir les soutenir et pour renforcer ces valeurs. Je pense que c'est le type de solution qui se dégagerait d'une telle réunion. Je pense que, quand nous quitterions la pièce, j'aurais les cheveux blancs. Je pense que cela nous prendrait tout ce temps-là ou que je ne serais peut-être même plus là. Je pense que ce serait un long processus et c'est pourquoi il est essentiel d'examiner les objectifs à court terme et à long terme en ce qui concerne cette question.
M. Roger Valley: Vous avez mentionné ce que je considère comme une des faiblesses au Canada: la participation des citoyens, à travers le pays, n'est pas suffisante. Nos efforts sont constamment axés sur un accroissement de cette participation.
Vous avez brièvement abordé le sujet de ma dernière question qui est en trois volets. Je voulais d'abord retourner à la pièce dans laquelle vous seriez tous réunis et dont nous ne vous laisserions pas sortir jusqu'à... Est-ce qu'un accord se dégagerait ou est-ce que nous en ressortirions complètement divisés?
Mlle Ellen Gabriel: Non, je suis de nature optimiste et, par conséquent, je me plais à penser que nous dégagerions un certain accord ou que, du moins, nous accepterions nos divergences d'opinions sur certains points. Je pense que l'objectif final est de redresser la situation. Que l'on soit un homme ou une femme, c'est un problème qui nous touche tous et je pense par conséquent que nous nous efforcerions de trouver une solution, consensuelle ou non... et que nous accepterions au moins certaines divergences d'opinions.
M. Roger Valley: Notre objectif final est effectivement de redresser la situation. Je pense que ce sont les termes que vous avez employés. Comme vous et de nombreux autres témoins l'avez signalé si éloquemment, nos craintes seraient liées à la peine endurée jusqu'à ce que nous ayons atteint notre objectif.
Ma dernière question est: que se passerait-il, d'après vous, au cours de la première année? À supposer que vous soyez réunis dans cette pièce et que ce soit déjà fait. Qu'est-ce qui s'en dégagerait qui se rapproche de vos objectifs à court et à long terme? Pouvez-vous me dire ce qui se passerait au cours de cette première année. Où en seriez-vous à la troisième et à la cinquième année? Pensez-vous que nous aurions terminé ou bien pensez-vous alors que ce serait un processus beaucoup plus long, qui durerait jusqu'à ce que vous ayez les cheveux blancs?
 (1245)
Mlle Ellen Gabriel: Oui, s'il fallait que l'on se mette d'accord sur tous les points. Dans ce cas, mes cheveux seraient devenus blancs.
Je pense toutefois que nous pouvons accélérer le processus en nous attachant aux valeurs culturelles et aux objectifs que nous avons en commun. L'objectif final serait axé sur l'égalité et la justice pour tous, hommes et femmes. Je pense que les objectifs à court terme devraient être d'examiner la nature du problème et de se demander comment on pourrait le résoudre, d'une façon qui soit juste pour tous et de façon à mettre un terme au népotisme et à la corruption.
Je pense qu'il serait possible de créer un tribunal, un mécanisme ou une structure qui permettrait à chaque collectivité d'aider les personnes à décider du partage des biens à la dissolution du mariage.
La présidente: Merci beaucoup.
Je passe la parole à M. Bellavance.
[Français]
M. André Bellavance (Richmond—Arthabaska, BQ): Merci, madame Gabriel, d'être ici aujourd'hui et merci surtout pour tout ce que vous faites pour l'avancement de la cause autochtone. Vous travaillez d'abord à l'avancement de la cause des femmes autochtones, mais je pense que vous faites aussi un travail exceptionnel pour l'avancement de la cause autochtone en général.
Je ne répéterai pas tout ce que mes collègues ont dit, mais c'était un témoignage fort pertinent. D'ailleurs, tous les témoignages étaient fort intéressants, forts pertinents. Les témoignages des femmes, davantage que ceux de certains autres témoins que nous avons entendus, nous démontraient qu'il y avait urgence d'agir.
Tout à l'heure, vous nous disiez que, idéalement, les nations autochtones pourraient créer leur propre régime concernant les biens immobiliers et matrimoniaux. Malheureusement, on n'est pas en train d'écrire un scénario de film à Hollywood, on est dans la réalité. Je pense que cette réalité nous impose d'agir très rapidement. Vous nous l'avez très bien démontré.
Plusieurs témoins nous ont dit qu'une modification à la Loi sur les Indiens serait inutile, parce qu'elle est tellement désuète, tellement mauvaise que le fait de la modifier ne serait pas la solution. La présidente va peut-être me corriger à ce sujet, mais l'Assemblée des Premières Nations ne semble pas du tout intéressée à ce que l'on modifie la Loi sur les Indiens.
On parle plutôt de faire une grande consultation. J'aimerais avoir votre avis à ce sujet. Si on fait une grande consultation, comme je l'ai dit il y a quelques secondes, cela ne corrigera pas la situation de façon urgente; or, il y a urgence. Que pensez-vous de cette solution, de cette demande de faire une grande consultation sur ce sujet, alors que les problèmes sont vécus concrètement sur le terrain?
[Traduction]
Mlle Ellen Gabriel: Il faudrait peut-être ne plus laisser les chefs s'en occuper et s'en remettre aux femmes, parce que ce sont elles qui sont directement touchées par ce problème.
Comme vous, je pense que de vastes consultations prendraient beaucoup de temps alors que le temps presse.
Nous avons des recommandations qui nous sont propres, en tant que groupe autochtone du Canada. Nous avons consulté nos membres et je pense que ces recommandations devraient être prises en considération. Je pense que si c'est possible ou que si le comité ou le Parlement accepte d'examiner ce qui a été fait...
Oui, un accord de tous les Autochtones et de la part des chefs est nécessaire. Nous voudrions collaborer avec les chefs. Nous ne voulons pas nous comporter comme des ennemis. Je ne tiens pas à donner une idée fausse. Je veux collaborer avec les chefs, mais je pense que de vastes consultations pourraient être intéressantes en ce qui concerne les objectifs à long terme.
Les groupes de femmes pourraient peut-être établir les objectifs à long terme avec le concours ou la collaboration partielle des chefs de l'Assemblée des Premières nations, pas seulement au niveau national, mais aussi au niveau régional. Nous sommes conscients des réalités; nous savons qui est touché. Ce sont les femmes qui élèvent des enfants et elles savent très bien dans quelle mesure cette situation les touche. Nous savons l'avenir que nous réserve une telle situation.
La moitié de notre population est composée de jeunes. En tant que femmes de nos nations, nous devrions avoir le droit de mettre la main à la pâte et le privilège de savoir comment redresser une situation qui touche nos familles, dont les enfants sont élevés et sont aimés par des femmes qui leur font acquérir leur identité.
J'espère avoir répondu à votre question.
 (1250)
[Français]
M. André Bellavance: Vous savez sans doute qu'un comité sénatorial s'est penché, il y a peu de temps, sur le même sujet. Une de ses conclusions, une de ses recommandations était de modifier la Loi sur les Indiens.
Est-ce que vous recommanderiez au Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord de la Chambre des communes d'aller dans le même sens?
[Traduction]
Mlle Ellen Gabriel: Uniquement parce que ce serait probablement la façon la plus efficace de procéder pour le moment et pas parce que je suis d'accord ou parce que j'approuve la Loi sur les Indiens... C'est en fait le contraire. Compte tenu des outils dont nous disposons pour travailler actuellement, nous n'avons pas beaucoup d'options à notre disposition, comme je l'ai déjà signalé.
Le sable du sablier est écoulé depuis longtemps en ce qui concerne les répercussions de cette loi sur nos collectivités et en particulier sur les femmes autochtones et leur famille. Je répugne à le reconnaître, mais je pense qu'il faudrait commencer par des révisions à la Loi sur les Indiens, à moins que vous ne puissiez nous proposer demain une autre loi qui remplacerait celle-là. Je ne pense pas que ce soit le cas; il faut par conséquent que nous utilisions les outils qui sont actuellement à notre disposition et, comme je l'ai déjà mentionné, que nous fixions des objectifs à court et à long terme.
La présidente: Je vous remercie.
Je donne maintenant à nouveau la parole au parti gouvernemental. Je pense qu'il nous reste assez de temps pour une autre question.
Madame Sue Barnes.
L'hon. Sue Barnes: Merci beaucoup. Je ferai un préambule également parce que je suis une de ces députés qui ont fait sonner leur réveil à minuit pour tenter de faire adopter un projet de loi que le gouvernement avait élaboré et que nous jugions intéressant. Il suffit d'un seul parti dans un comité pour faire obstruction à une initiative. Par conséquent, nous pourrions proposer des mesures législatives immédiates. Je pense que ce serait tout à fait faisable. J'en suis convaincue. Je pense qu'on pourrait le faire en apportant des modifications à une loi ou en élaborant un projet de loi distinct et substantiel; je pense d'ailleurs qu'il y a suffisamment d'esprits brillants pour que nous puissions trouver toutes les dispositions nécessaires pour le faire.
En fin de compte, si quelqu'un décidait de faire obstruction à ce projet de loi à cause des sentiments qui pourraient se développer à travers le pays à propos des droits inhérents à l'autonomie gouvernementale, cela ne donnerait rien et aurait nécessité des efforts considérables.
J'en viens à la question que je voudrais vous poser. Même si l'adoption immédiate d'un projet de loi et la mise en place d'une solution passant par la législation provinciale pourraient être attrayantes—et cela pourrait apparemment régler facilement le problème—, une autre option ne consisterait-elle pas à consacrer le temps que l'on pourrait passer ici à faire obstruction à ce projet de loi, bon ou mauvais, à la mise en place d'un projet de loi avec le concours d'un certain nombre de groupes? Ou bien ne pourrait-on pas combiner cela avec un projet de loi provisoire qui s'appliquerait immédiatement aux Premières nations concernées qui s'engagent dans cette voie, avec ou sans l'accord de leur gouvernement autonome en ce qui concerne la partie relative aux biens matrimoniaux ou conformément aux lois foncières des gouvernements des Premières nations? La question de l'attribution coutumière est extrêmement complexe et c'est une pratique utilisée par 50 p. 100 des Premières nations de ce pays, sur laquelle nous avons très peu d'information car aucun enregistrement n'est nécessaire. Même si vous aviez les ressources nécessaires, comment l'appliqueriez-vous?
Vous êtes au courant de ces questions. Je sais que les femmes des Premières nations sont au courant des problèmes et nous n'avons même pas encore abordé la question ultra-délicate de ce que deviennent les conjointes et les enfants de non-membres de la bande dans les réserves. Je suis allée dans des réserves dans lesquelles les femmes refusent catégoriquement de laisser leurs terres à d'autres personnes. C'est une inversion des rôles à laquelle personne ne pouvait s'attendre.
Si vous avez besoin d'un processus pour atteindre cet objectif le plus rapidement possible, pouvez-vous dire si la rapidité est le seul facteur ou si vous voulez aussi que ce soit efficace? Dans le cadre de mes cours de première année à la Faculté de droit, on m'a enseigné que si l'on établissait une loi qui n'est acceptée de personne, elle serait totalement inefficace. Et ici, il ne s'agit même pas d'établir une loi. Il s'agit d'avoir la capacité de suivre le processus sans obstruction.
En toute franchise, si cela ne dépendait que de moi et si je n'étais pas concernée, je mettrais une loi en place dès demain, parce qu'à mon avis, une des dispositions législatives pour les Premières nations qui ne devrait pas être facultative est celle qui concerne les droits à l'égalité des femmes de ce pays.
Je pense que nous avons visé juste. Même si c'est une valeur canadienne, il s'agit d'une valeur internationale à laquelle le Canada a souscrit. Les Premières nations sont représentées au Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes; il en est question dans toutes les autres tribunes où l'on discute des droits politiques civils... J'y suis allée et je le sais. C'est une tribune acceptable pour les membres des Premières nations de ce pays vers laquelle se tourner en ce qui concerne nos obligations internationales.
Cela dit, comment s'intégrer? Comment s'introduire, si l'on veut réussir?
 (1255)
Mlle Ellen Gabriel: Vous connaissez probablement mieux que moi les rouages du système, mais je pense que l'efficacité et la rapidité sont essentielles. J'espère que l'on consulterait les groupes de femmes ou du moins que l'on tiendrait compte des recommandations que ces groupes ou que d'autres témoins vous ont présentées.
Je n'insisterai jamais assez sur la nécessité d'assurer l'équité et de trouver une solution pour les femmes qui sont abandonnées. Il suffit de lire le rapport d'Amnistie Internationale qui est paru l'an dernier au sujet des problèmes auxquels les femmes autochtones sont confrontées.
Si certaines personnes ont de la difficulté à accorder l'équité aux femmes autochtones, c'est que ces personnes ont des problèmes en ce qui concerne leurs valeurs personnelles. Je sais que je porte un jugement moral. Nous représentons un peuple autochtone et nous vous présentons un exposé parce que vous comprenez mieux que nous les rouages de votre système et parce que vous compatissez et vous êtes disposés à nous aider à résoudre ce problème. Vous pouvez nous rejoindre quand vous voulez pour nous demander ce que nous pensons de telle ou telle initiative. La consultation ne doit pas nécessairement s'arrêter ici.
L'Association des femmes autochtones du Québec est en place depuis 30 ans et l'Association des femmes autochtones du Canada, depuis 31 ans.
L'hon. Sue Barnes: Ce que j'espérais au début de cette étude, c'est qu'en raison de la situation minoritaire du gouvernement, les représentants des différents partis fassent abstraction de leurs querelles partisanes pour trouver ensemble une solution à ce problème. Je n'ai pas perdu tout espoir.
Je vous remercie.
Mlle Ellen Gabriel: Merci beaucoup.
La présidente: Monsieur Cleary.
[Français]
M. Bernard Cleary: Je me demandais simplement si nous aurions la parole à un moment donné. Mme Barnes est très intéressante, mais ça fait quatre ou cinq fois qu'elle monopolise le crachoir.
[Traduction]
La présidente: Non, ce n'est pas le cas.
L'hon. Sue Barnes: Deux fois, parce que personne d'autre n'était sur la liste.
La présidente: Nous avons une liste qui indique clairement l'ordre des interventions des membres du comité et comme les conservateurs ont passé leur tour...
Quoi qu'il en soit, nous nous en sommes tenus à la liste des membres qui ont demandé la parole et nous pouvons vous la montrer si vous le voulez mais, au deuxième tour, ce sont d'abord les représentants de l'opposition, puis un représentant du gouvernement qui ont la parole, et à nouveau un représentant de l'opposition et un du gouvernement. C'est ce qui avait été entendu au début, et nous nous en sommes tenus à cela.
Je remercie beaucoup Mme Ellen Gabriel pour sa participation.
Nous avons pris des notes et nous espérons pouvoir intégrer vos travaux aux nôtres. Merci encore d'avoir accepté notre invitation.
Mlle Ellen Gabriel: Je vous remercie. Ce fut avec plaisir.
La présidente: La séance est levée.