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AANO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 7 avril 2005




Á 1110
V         La présidente (Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.))
V         Mme Danalyn MacKinnon (avocate-procureur, Beamish MacKinnon Law Office, à titre personnel)

Á 1115

Á 1120

Á 1125

Á 1130
V         La présidente
V         Mme Danalyn MacKinnon
V         La présidente
V         M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, PCC)

Á 1135
V         Mme Danalyn MacKinnon
V         M. Gary Lunn
V         Mme Danalyn MacKinnon
V         M. Gary Lunn
V         Mme Danalyn MacKinnon
V         M. Gary Lunn
V         Mme Danalyn MacKinnon
V         M. Gary Lunn
V         Mme Danalyn MacKinnon
V         M. Gary Lunn
V         Mme Danalyn MacKinnon

Á 1140
V         M. Gary Lunn
V         Mme Danalyn MacKinnon
V         M. Gary Lunn
V         Mme Danalyn MacKinnon
V         M. Gary Lunn
V         Mme Danalyn MacKinnon
V         M. Gary Lunn
V         La présidente
V         M. Bernard Cleary (Louis-Saint-Laurent, BQ)

Á 1145
V         Mme Danalyn MacKinnon
V         La présidente
V         M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD)

Á 1150
V         Mme Danalyn MacKinnon
V         M. Pat Martin
V         Mme Danalyn MacKinnon
V         M. Pat Martin
V         Mme Danalyn MacKinnon
V         M. Pat Martin
V         Mme Danalyn MacKinnon
V         M. Pat Martin
V         Mme Danalyn MacKinnon
V         M. Pat Martin
V         Mme Danalyn MacKinnon

Á 1155
V         La présidente
V         M. Roger Valley (Kenora, Lib.)
V         Mme Danalyn MacKinnon

 1200
V         M. Roger Valley
V         Mme Danalyn MacKinnon
V         M. Roger Valley
V         Mme Danalyn MacKinnon
V         M. Roger Valley
V         La présidente
V         M. Roger Valley
V         La présidente
V         M. Gary Lunn
V         La présidente
V         Mme Danalyn MacKinnon
V         La présidente
V         La présidente
V         M. Paul Fauteux (directeur général, Direction générale des terres, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien)
V         La présidente
V         M. Paul Fauteux
V         Mme Maureen McPhee (directrice générale, Direction générale de l'autonomie gouvernementale, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien)
V         M. Paul Fauteux

 1220

 1225
V         La présidente
V         Mme Maureen McPhee

 1230
V         La présidente

 1235
V         L'hon. Sue Barnes (London-Ouest, Lib.)
V         Mme Maureen McPhee
V         L'hon. Sue Barnes
V         M. Paul Fauteux
V         L'hon. Sue Barnes
V         M. Paul Fauteux
V         L'hon. Sue Barnes

 1240
V         Mme Wendy Cornet (conseillère spéciale, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien)
V         L'hon. Sue Barnes
V         La présidente
V         L'hon. Sue Barnes
V         La présidente
V         M. Bernard Cleary

 1245
V         Mme Maureen McPhee
V         M. Bernard Cleary
V         M. Paul Fauteux
V         M. Bernard Cleary

 1250
V         Mme Maureen McPhee
V         La présidente
V         M. Jeremy Harrison (Desnethé—Missinippi—Rivière Churchill, PCC)
V         Mme Wendy Cornet

 1255
V         M. Jeremy Harrison
V         Mme Maureen McPhee
V         M. Jeremy Harrison
V         La présidente
V         M. Jeremy Harrison
V         La présidente
V         Mme Wendy Cornet
V         La présidente
V         M. David Smith (Pontiac, Lib.)
V         M. Roger Valley
V         M. Paul Fauteux
V         M. Roger Valley
V         La présidente










CANADA

Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord


NUMÉRO 027 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 7 avril 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

Á  +(1110)  

[Traduction]

+

    La présidente (Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.)): Bonjour tout le monde. J'aimerais commencer notre réunion, pour pouvoir laisser le plus de temps possible à nos témoins d'aujourd'hui.

    Ceci est notre vingt-septième réunion, ce jeudi 7 avril 2005. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous faisons une étude sur les biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves.

    Pour la première partie de la réunion d'aujourd'hui, nous accueillons un témoin qui vient à titre personnel, Mme Danalyn MacKinnon, avocate-procureure du cabinet Beamish et MacKinnon. Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion de notre comité et je vous invite à entamer votre présentation, puis nous ferons une tournée de question si nous en avons le temps. Je sais qu'il est déjà un peu plus de onze heures, alors je vous laisserai tout le temps possible.

+-

    Mme Danalyn MacKinnon (avocate-procureur, Beamish MacKinnon Law Office, à titre personnel): Je vous remercie, madame la présidente. J'apprécie d'avoir été invitée à témoigner aujourd'hui.

    Je pense que vous avez des notes d'information sur les biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves et pour toute information supplémentaire, je vous suggère de consulter le document de travail préparé par Wendy Cornet et Allison Lendor de Cornet Consulting and Mediation.

    Par conséquent, je n'aborderai pas la question de compétence, sauf pour signaler qu'il s'agit d'un domaine du droit où il y a conflit entre la compétence provinciale, qui n'est pas applicable aux réserves en ce qui concerne les biens immobiliers, et la compétence qu'a le gouvernement fédéral aux termes du paragraphe 91(26) concernant le divorce et du paragraphe 91(24) concernant les Indiens et les terres réservées pour les Indiens, dans le contexte des biens immobiliers matrimoniaux.

    Pourquoi est-ce une question importante? Je signale que je suis avocate dans une région éloignée du pays. Je traite avec les membres des Premières nations relevant du Traité numéro 3 et du Traité numéro 9 et j'exerce également dans le domaine du droit de la famille. Par conséquent, les deux domaines dans lesquels j'exerce le droit se chevauchent.

    Dans un contexte général, en ce qui concerne le droit de la famille, si aucun processus ou méthode légitime n'est en place, on tente de régler les différends de façon inappropriée, c'est-à-dire par des actes criminels ou la violence. Par conséquent, il est très important dans ce domaine que soit en place un processus accepté par toutes les parties pour les aider à régler les différends.

    Pour la population en général, la maison est, d'une façon générale, le bien le plus important. Historiquement, les femmes ont davantage souffert de la pauvreté que les hommes à la suite d'une rupture du mariage ou d'une séparation. Généralement, les biens familiaux sont nécessaires pour répondre aux besoins des enfants. Par conséquent, il existe également un lien entre le propriétaire de la maison et la personne qui obtient la garde des enfants, parce que les juges ne veulent généralement pas obliger les enfants à déménager lors de la séparation de leurs parents. Une présomption de contribution égale des conjoints dans le cadre des relations, surtout de relations à long terme, est essentielle et doit être établie.

    Par conséquent, dans un contexte général, ce sont les domaines dans lesquels les provinces ont élaboré des dispositions législatives dans le but de régler les questions de biens immobiliers, parce qu'ils ont des incidences sur d'autres questions liées à la séparation de conjoints mariés ou de conjoints de fait.

    Dans le contexte des Premières nations, je travaille principalement dans des collectivités uniquement accessibles par avion ou isolées, où il y a pénurie de logement. La plupart des maisons ont été attribuées à des membres de la bande de sexe masculin. Les femmes ont un manque d'instruction extrême. Leur niveau d'instruction est très faible et elles ne parlent généralement pas l'anglais. Le revenu moyen dans les réserves est très bas et le taux de chômage y est très élevé.

    Un des problèmes auxquels sont confrontés les juges lorsqu'il s'agit de différends concernant la famille dans les réserves, c'est que les enfants doivent quitter la réserve si aucun logement n'est disponible. Par conséquent, les juges hésitent beaucoup à forcer les enfants à quitter leur maison parce que cela les oblige à s'adapter à une culture différente, à une langue différente et à vivre dans une zone urbaine. Ces enfants seraient donc obligés de s'adapter à un milieu et à un mode de vie entièrement différents. Il en résulte que de nombreuses femmes des Premières nations qui se séparent finissent par quitter la collectivité avec leurs enfants. D'après Statistique Canada, la proportion de familles monoparentales est plus élevée dans les zones urbaines que dans les réserves.

    Il y a deux changements qui seraient essentiels pour régler ces questions.

    L'un d'entre eux est qu'il est impératif de tenir compte du fait qu'il existe une différence entre la possession et la propriété du foyer conjugal ou du moins du foyer des parties. En ce qui concerne la possession du foyer conjugal, en vertu des dispositions de la loi ontarienne qui concernent les parties à la séparation, le tribunal peut prendre une ordonnance de possession d'un appartement parce que c'est le dernier lieu où les parties ont vécu leur relation conjugale, peu importe qui est le propriétaire de l'appartement. Ce n'est donc pas une question de propriété, mais de possession.

    Dans les situations d'urgence, il est souvent nécessaire d'obtenir une ordonnance de possession de ce foyer dans l'immédiat, parce que, surtout en cas de violence dans la relation, une des parties doit quitter le foyer et que si l'on peut faire une demande d'ordonnance à un tribunal, on peut obliger la partie contrevenante à quitter le foyer.

    Par conséquent, il faut faire une distinction entre la possession et la propriété. En outre, d'autres décrets sont généralement pris en ce qui concerne les paiements corrélatifs afin de déterminer laquelle des parties doit payer l'électricité, les services publics et autres frais semblables, et il est essentiel qu'ils soient applicables.

    La deuxième question concerne la maison en tant que bien divisible. Est-ce un bien qui a une certaine valeur lorsque la relation est terminée? C'est alors qu'il est très difficile d'appliquer les concepts provinciaux de valeur des maisons dans les réserves parce que, dans un contexte provincial, c'est toujours basé sur la juste valeur marchande. Dans la plupart des réserves, la terre est la propriété de la collectivité et, par conséquent, on ne peut pas être propriétaire de la parcelle de terrain sur laquelle est bâtie la maison.

    Dans un contexte ordinaire, c'est-à-dire hors réserve, une partie paierait à l'autre une somme représentant la valeur de l'intérêt que cette dernière personne a dans la maison et achèterait donc la partie de la propriété de l'autre personne, ou alors la maison serait vendue sur le marché et les deux parties se partageraient le produit de la vente. Qui achèterait une maison dans une collectivité isolée, accessible seulement par avion et où l'on n'a même pas le droit d'habiter à moins d'être membre de la bande? Une telle maison n'a aucune valeur marchande.

    Je pense que, sauf dans certaines circonstances, les maisons dans les réserves n'ont pas vraiment de valeur marchande et, à la suite de certaines procédures judiciaires, il a été décidé que la maison et la terre ne peuvent pas être séparées, c'est-à-dire que l'on ne peut pas considérer que la maison comme telle puisse être vendue; elle est indissociable du terrain.

    En outre, dans le contexte provincial, certains principes de common law s'appliquent à des situations non matrimoniales, par exemple, à une cohabitation de longue durée. Il existe un principe appelé fiducie de droit, à savoir que peu importe à quel nom la maison est inscrite—et c'est dans un contexte provincial—, elle est détenue pour les deux parties et l'une d'entre elle a un certain intérêt dans la propriété.

    L'autre principe de common law concerne le quantum meruit, applicable dans une situation où, par exemple, j'aurais vécu avec quelqu'un en union de fait, j'aurais fait des travaux sur sa maison, j'aurais peint les pièces ou j'aurais payé les gouttières et je voudrais récupérer mon argent. Par conséquent, c'est un autre principe de common law provincial qui est appliqué aux situations non matrimoniales.

    L'application aux membres des Premières nations est très différente. La terre n'appartient pas en fief simple à un individu. Hors réserve, la terre est généralement la propriété d'un individu ou de l'État mais dans les réserves, la propriété en fief simple est inexistante et, par conséquent, on ne peut posséder le terrain et on ne peut pas le vendre ni le transmettre, ou bien une cour ne peut pas prendre une ordonnance pour son transfert à une autre personne.

Á  +-(1115)  

    La terre n'appartient pas non plus au gouvernement de la Première nation; elle est en fait la propriété de l'État. Les gouvernements des Premières nations en ont généralement la jouissance et sont chargés de sa gestion, mais dans certaines limites.

    En ce qui concerne le logement, la bande désigne les personnes qui peuvent posséder une maison. Je suis membre de la Première nation du lac La Croix—Neguaguon Lake, et je me souviens que lorsque j'habitais chez ma belle-mère, 27 personnes vivaient sous le même toit, dans un bungalow de trois chambres à coucher. Ensuite, une maison a été attribuée par la bande à ma belle-mère qui a déménagé avec huit de ces personnes dans une nouvelle maison de 20 x 20.

    Par conséquent, c'est la bande qui décide qui peut obtenir une maison et quand elle sera construite. La situation ne change généralement pas beaucoup après cela. Cependant, dans certaines collectivités, il est arrivé que le bénéficiaire d'une maison change avant sa construction, à l'occasion d'un changement de gouvernement.

    Dans certaines réserves, les terres sont intégralement communales. Je me souviens que là où était érigée la nouvelle maison de ma belle-mère, les terres étaient la propriété de la collectivité jusqu'au seuil de sa maison. Il n'y a avait pas de cour. Le terrain proprement dit appartenait à la collectivité. Par conséquent, un tribunal a beaucoup de difficulté à déterminer si la maison sera donnée à un conjoint ou à l'autre.

    Dans certaines collectivités, surtout dans le sud de l'Ontario, il y a ce que l'on appelle des certificats de possession qui sont en quelque sorte subséquents aux certificats de localisation. Les certificats de possession signifient que vous avez un droit de propriété sur une parcelle de terre qui est généralement désignée. Vous pouvez dire que c'est votre terrain. Par conséquent, dans les collectivités qui ont été subdivisées ou celles où une parcelle de terre est délimitée, vous pouvez obtenir un certificat de possession. Ce certificat peut être transmis par voie de testament à un autre membre de la famille. Autrement dit, une certaine aliénation est autorisée avec un certificat de possession; c'est donc une autre variante.

    Ainsi, d'une part, il y a les certificats de possession communaux puis les régimes fonciers traditionnels. Les Mohawks se transmettent par exemple les terres par le biais de leur système traditionnel, en dehors du contexte de la Loi sur les Indiens.

    En ce qui concerne l'attribution des terres, un nombre croissant de bandes optent pour le lotissement, l'attribution des lots étant faite par les bandes. Historiquement cependant, il semblerait que la plupart des certificats de possession soient détenus par des membres de sexe masculin de la collectivité. Le transfert de ces certificats ne nécessite pas le consentement du conjoint et, par conséquent, en cas de séparation, un des conjoints pourrait le transférer à un autre membre de la famille, toute revendication d'un droit de possession de la part du conjoint étant, du fait même, vouée à l'échec.

    Les enjeux politiques sont nombreux sur le territoire des Premières nations. Lorsqu'il s'agit des familles, du mariage et du contexte de la famille et de l'éducation des enfants, les Premières nations avec lesquelles je travaille s'opposent autant que possible à toute ingérence du gouvernement dans les décisions concernant cette petite famille nucléaire en raison de son caractère très personnel. Cette mentalité a ses racines dans la famille nucléaire et gagne toute la collectivité. Les collectivités avec lesquelles je traite ont des idées bien particulières sur le rôle des hommes et des femmes.

    Par conséquent, divers enjeux politiques sont liés à la gouvernance des Premières nations dans ce domaine. Cela va au coeur de ce que les membres de la collectivité considèrent comme leur culture et le pouvoir de prendre les décisions concernant leur vie personnelle.

Á  +-(1120)  

    Je peux vous citer l'exemple d'une situation dans un cas dont je me suis occupée. Je défendais une femme qui vivait dans une collectivité très isolée accessible uniquement par avion. La collectivité comptait environ 1 200 membres. Cette femme est mère de trois enfants et était toujours restée au foyer. Son mari travaillait. Elle ne parlait pas anglais. Elle était très attachée aux traditions—par exemple, elle portait de longues robes—et cela se reflétait aussi dans le contexte de son mariage. Il s'agissait d'une collectivité chrétienne très fondamentaliste.

    Pour des raisons liées à la sécurité de ses enfants et à sa propre sécurité, elle a décidé de quitter son mari. Lorsqu'elle le lui a annoncé, il est allé trouver le chef du conseil de bande qui s'est adressé à la police. Les policiers sont administrés et engagés par le chef du conseil. Il est donc allé trouver la police qui a dit à cette femme qu'elle devait quitter la maison et qu'elle devait y laisser ses enfants. Elle a dû aller habiter chez ses parents. Elle n'a reçu aucun appui de son mari. Elle n'arrivait pas à obtenir la garde de ses enfants et il lui a fallu plusieurs mois pour obtenir les services d'un avocat. Le problème était que les enfants étaient toujours dans la même maison que le mari. Il avait eu le temps de démontrer que la garde des enfants devait lui être confiée.

    Elle n'avait pas toutes les possibilités que l'on a à l'extérieur d'une communauté des Premières nations, à savoir qu'elle n'avait droit à aucune aide de la part de la police et du chef du conseil. Elle ne pouvait même pas les empêcher d'intervenir. Par conséquent, ces décisions sont prises par les responsables politiques et par les forces du maintien de l'ordre de la collectivité.

    Elle n'a pas eu non plus la possibilité de demander à un juge de lui accorder non seulement la garde de ses enfants mais aussi la possession de la maison. Par la suite, un juge en a conclu qu'elle ne souhaitait pas que ses enfants quittent la maison dans laquelle ils vivaient. C'était un énorme obstacle en l'occurrence, obstacle qui s'ajoutait à la difficulté d'avoir un accès équitable à la justice quand on ne parle pas la langue, quand on n'a pas d'argent et que l'on vit à 1 000 kilomètres du premier centre où l'on peut s'adresser à un avocat. Ce sont là des problèmes liés à une difficulté d'accès à la justice.

    Par conséquent, je pense que c'est un problème qu'il est absolument essentiel d'examiner, compte tenu en outre du fait que dans les nombreuses collectivités du Nord où des refuges pour femmes victimes de violence conjugale sont inexistants, la maison revêt encore plus d'importance.

    Je vous exposerai brièvement les mesures qui pourraient ou qui devraient être prises pour régler ce problème.

    Je pense qu'il est tout d'abord essentiel de mettre en place immédiatement un mécanisme de secours d'urgence, peut-être par le biais d'un règlement pris en vertu de la Loi sur les Indiens, une mesure qui permettrait de présenter à la cour une demande de possession immédiate de la maison dans la réserve, quelle que soit la situation matrimoniale, qu'il s'agisse d'un mariage ou d'une union de fait.

    Mon beau-frère et ma belle-soeur, par exemple, étaient mariés depuis environ 58 ans et n'avaient jamais été mariés par un ministre du culte ou par un juge de paix; leur mariage n'avait donc pas été reconnu par des autorités officielles. Ils s'étaient mariés selon la tradition.

    Par conséquent, pour surmonter toutes les différences qui peuvent se poser dans les réserves, je pense qu'il faudrait trouver un moyen, quand vous avez entretenu des relations et que vous avez vécu dans une maison, de présenter à la cour une demande de possession immédiate de la maison et une demande de tout autre type d'aide, notamment en ce qui concerne la garde des enfants, s'il y en a.

    Ensuite, en ce qui concerne les dispositions législatives, je ne pense pas que cette façon de procéder sera aussi efficace qu'une autre et pourtant, c'est le processus qui a été utilisé par le gouvernement en ce qui concerne la question du statut de membre d'une collectivité. À cet égard, si j'ai bonne mémoire, le gouvernement a établi un code régissant l'appartenance à l'effectif de la bande. La bande a deux ans pour établir un code et si elle ne l'a pas fait dans ce délai, la loi sera imposée. Ce délai donne un répit aux bandes qui ont des méthodes traditionnelles pour régler ce type de problème. Je pense notamment à nouveau aux Mohawks. Dans leur cas, la femme a droit à tout le contenu de la maison et à la maison proprement dite.

Á  +-(1125)  

    Il serait insensé d'imposer des dispositions législatives modifiant cette tradition mais c'est bien beau d'accorder un certain délai, de deux ans en l'occurrence, aux collectivités traditionnelles pour mettre leurs règles par écrit. C'est toutefois une situation difficile étant donné que les Premières nations n'aiment pas formuler ce qui a été transmis par la tradition orale, mais il faudra le faire à l'avenir et, en permettant aux Premières nations d'élaborer leurs propres lois, on fait preuve de respect à leur égard et on leur permet de tenter de régler diverses situations.

    Il est impératif de mettre en place un mécanisme d'appel, que ce soit devant un conseil tribal ou devant un tribunal, pour ne pas en rester au niveau de la bande. Il est en outre essentiel de mettre en place des lignes directrices fondées sur le principe de l'égalité.

    On se heurte à une certaine résistance à l'application des principes du Code canadien des droits de la personne dans les réserves. Dans les collectivités dont je m'occupe, les attentes en ce qui concerne le comportement des femmes sont très strictes et très traditionnelles. Une femme n'oserait jamais contredire son mari. Elle n'oserait jamais lui désobéir. C'est une situation très fondamentaliste et une certaine résistance aux principes de l'égalité voulant que chaque partie ait droit à la possession de la maison, par exemple, se manifestera. Je pense toutefois qu'il est essentiel que le gouvernement établisse ces principes et qu'il mette en place une structure dans laquelle les Premières nations pourront exprimer leurs opinions traditionnelles. Je pense que c'est la partie la plus difficile de la tâche.

Á  +-(1130)  

+-

    La présidente: Madame MacKinnon, j'aimerais accorder au moins un tour de questions. Vous pourriez peut-être conclure. Vous pourrez faire les autres commentaires que vous avez à faire en répondant aux questions.

    Est-ce que votre exposé est terminé?

+-

    Mme Danalyn MacKinnon: J'ai deux autres commentaires à faire. Je voudrais les faire très rapidement.

    L'un concerne la maison en tant que bien à diviser; en ce qui concerne la valeur marchande, comme je l'ai mentionné, elle pourrait peut-être être déterminée par les bandes. Quelle est la valeur de la maison? Elle serait établie d'avance, longtemps avant la séparation des conjoints. Par conséquent, en cas de séparation, toutes les parties concernées seraient au courant de la valeur de la maison.

    Conviendrait-il que le principe du certificat de possession soit étendu à d'autres collectivités? Je pense que ce serait très dangereux dans les réserves sous régime communautaire, à cause du concept de la propriété communautaire. Quand je vivais dans une collectivité des Premières nations sous régime communautaire, j'ai constaté qu'il était très difficile de travailler avec ce principe voulant que la terre appartienne à la collectivité, mais ce concept fait partie intégrante de ces collectivités et il serait très difficile de le changer.

+-

    La présidente: Merci beaucoup, madame MacKinnon.

    Je pense que nous aurons tout juste le temps pour un tour de questions. Nous commencerons par conséquent par les conservateurs, qui sont représentés par M. Lunn.

+-

    M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, PCC): Je vous remercie, madame la présidente.

    Après avoir écouté votre exposé, j'aimerais signaler que j'ai connu des situations semblables avant d'être élu au Parlement. J'ai vécu dans quatre réserves et certaines femmes vivaient dans des situations très abusives et n'avaient aucun endroit où se réfugier, en grande partie pour la plupart des raisons que vous avez mentionnées. Elles n'étaient pas en mesure de se sortir de ces situations parce qu'elles ne pensaient pas qu'elles avaient une maison. Elles voulaient être avec leurs enfants. Il n'y avait pour elles aucun moyen d'avoir recours au processus applicable aux terres hors réserve pour obtenir la possession de la maison conjugale.

    J'ai toujours aimé axer mes efforts sur les solutions. J'ai aimé votre suggestion relative à la présentation d'une demande de possession de la maison sur des terres indiennes à un tribunal. La plupart des terres des Premières nations sont, à ma connaissance du moins, détenues en vertu d'un CP, c'est-à-dire d'un certificat de possession.

    Je voudrais m'attarder un peu sur la question de la propriété en fief simple que vous avez abordée. Vous avez dit que cela faisait partie intégrante du tissu de ces collectivités. Vous avez donc peut-être déjà répondu à ma question. Vous aviez parfaitement raison lorsque vous avez dit que, pour la plupart des familles, c'est le bien le plus important ou cela représente l'investissement le plus important dans un bien matériel.

    Si l'on maintient le système du certificat de possession, considérez-vous la solution qui consiste à présenter une demande à la cour comme une solution temporaire?

    Je me débats avec cela parce que je pense que c'est un réel problème; seulement, j'aime qu'on appelle un chat un chat. D'une façon générale, les femmes sont dans une situation injuste et elles se trouvent parfois dans des situations abusives. Je n'aime pas faire des stéréotypes, mais c'est ce que j'ai constaté. Par conséquent, j'aimerais que vous fassiez des suggestions plus précises à ce sujet. La solution consiste-t-elle à passer du régime de propriété en fief simple au certificat de possession pour leur permettre d'obtenir quelque chose? Je sais que ce n'est pas le cas dans toutes les collectivités mais dans la plupart d'entre elles, la propriété foncière a une grande valeur.

Á  +-(1135)  

+-

    Mme Danalyn MacKinnon: En ce qui concerne les certificats de possession—et ce certificat est rattaché seulement au lot concerné—, la propriété du terrain sous-jacent reste toujours collective, même dans ces collectivités. Je ne pense pas que les collectivités seraient disposées à abandonner ce système pour adopter un régime de propriété en fief simple dans le cadre duquel le propriétaire du certificat de possession possède effectivement le terrain et peut le vendre ou l'hypothéquer, à l'instar de toute autre personne soumise au régime du fief simple. Je ne pense pas que les collectivités aiment cette formule. Ce serait assimilable à la copropriété d'un chalet d'été avec plusieurs autres personnes. Toutes les personnes concernées le possèdent en copropriété. Personne ne tient en fait à renoncer à sa part.

+-

    M. Gary Lunn: Je cherche des solutions. Comment divise-t-on des biens immobiliers? Vous dites que les bandes devraient évaluer la résidence.

+-

    Mme Danalyn MacKinnon: Je pense que le conseil tribal ou la bande, ce qui devrait constituer la première étape—puis il y aurait toujours en cas de besoin possibilité d'appel devant un tribunal—, devrait avoir le pouvoir de le transférer en cas de séparation des parties.

+-

    M. Gary Lunn: Par conséquent, on accorderait aux cours provinciales le pouvoir d'annuler les décisions des bandes si elles pensaient que c'est dans le meilleur intérêt en l'occurrence.

+-

    Mme Danalyn MacKinnon: Je pense que l'appel devrait être adressé à des cours supérieures composées de juges nommés par le gouvernement fédéral.

+-

    M. Gary Lunn: La Cour suprême, alors.

+-

    Mme Danalyn MacKinnon: Oui. C'est là que sont adressés actuellement les appels concernant les différends entre les individus et leurs bandes. Je pense que cette cour ou que la Cour fédérale devrait avoir le pouvoir d'entendre l'appel. Le seul problème est que l'accès à la Cour fédérale est plus difficile. Il y aurait toutefois intervention d'un tribunal à la suite d'un appel ou bien la question pourrait être renvoyée directement à un tribunal. La partie qui présente une demande de garde des enfants peut également présenter une demande de possession d'une maison située sur le territoire d'une Première nation.

+-

    M. Gary Lunn: Je récapitule très rapidement.

    Je comprends ce que vous dites. Je pense en fait que ce n'est pas une mauvaise solution, bien que la lacune que je vois dans cette option est que dans la plupart des cas de rupture du mariage ou de séparation de conjoints de fait, les tribunaux laissent généralement le foyer conjugal à celui des conjoints qui aura la garde des enfants, du moins à titre temporaire. Cependant, à un certain moment, on procède à la subdivision des biens. Nous n'en sommes pas encore arrivés à cette étape, étant donné qu'il n'y a pas propriété. Il est pourtant nécessaire que le bien aille à l'un ou l'autre des conjoints, mais pas aux deux.

    Quelle est la solution à long terme dans la rupture d'une relation?

+-

    Mme Danalyn MacKinnon: Eh bien, je pense que la difficulté est liée au fait que toutes les autres méthodes adoptées par la province sont fondées sur le principe qu'il s'agit d'un bien qui a une certaine valeur, qu'il faut déterminer. On se demande comment on pourra le faire. Il s'agit de la valeur marchande mais la difficulté réside dans le fait que, dans certaines circonstances, les maisons n'ont en fait aucune valeur marchande.

+-

    M. Gary Lunn: Dans ces cas précis, mais je pense...

+-

    Mme Danalyn MacKinnon: À moins que...

Á  +-(1140)  

+-

    M. Gary Lunn: Dans ma réserve, la valeur marchande est très élevée et, selon l'emplacement—et ça change considérablement dans les collectivités établies sur des terres autochtones ou en dehors...

+-

    Mme Danalyn MacKinnon: C'est exact.

+-

    M. Gary Lunn: ... à travers le pays. Ces maisons ont toutefois une valeur marchande indiscutable, qui diffère selon les cas.

+-

    Mme Danalyn MacKinnon: Il est nécessaire d'établir un type de mesure législative tenant compte de ces deux circonstances. Par conséquent, si la propriété a une valeur marchande et qu'on peut la déterminer, c'est le critère que l'on utilisera. Le conjoint qui veut garder la maison devra payer la moitié à l'autre conjoint, ou le montant convenu.

+-

    M. Gary Lunn: Oui.

+-

    Mme Danalyn MacKinnon: Si on peut établir une valeur marchande, elle devrait être appliquée. Sinon, il est possible—et je suggère qu'on le fasse à un moment ou l'autre—que les bandes doivent de toute façon évaluer les maisons qui sont établies dans la réserve.

+-

    M. Gary Lunn: Je vous remercie, madame la présidente.

+-

    La présidente: Merci.

    Je donne maintenant la parole à M. Cleary, qui représente le Bloc québécois.

[Français]

+-

    M. Bernard Cleary (Louis-Saint-Laurent, BQ): Je tiens à dire que je suis très heureux de vous entendre et de vous rencontrer, d'abord parce que vous venez d'une réserve, et ensuite parce que vous avez une formation juridique.

    En fin de compte, qu'on le veuille ou non, ce problème est de nature juridique. Il faut trouver des solutions, même si celles-ci risquent de déplaire à certains ou à certaines. On n'arrivera jamais à trouver des solutions sans changer des choses. Or, le fait de changer des choses risque d'entraîner des effets. Notre rôle est surtout d'évaluer la force et les conséquences négatives de ceux-ci. Je suis d'avis qu'une personne comme vous peut nous indiquer des pistes sérieuses à suivre. Vous l'avez fait déjà. Je pense que cela nous sera vraiment d'un grand secours.

    On ne peut pas faire d'omelette sans casser des oeufs. On va devoir poser des gestes qui vont déplaire à certains. On sait pertinemment que si on n'est pas prêt à le faire, cela implique qu'on n'est pas prêt à trouver une solution au problème des personnes qui, dans le présent contexte, sont défavorisées. Je dois vous dire que j'habite dans une réserve et que j'y ai une maison. Je connais donc un peu le problème. Ce combat difficile va nécessiter que certains prennent leurs responsabilités et essayent de trouver des solutions. Je ne suis jamais à l'aise d'employer ce terme, mais il va peut-être s'agir aussi d'imposer des solutions, étant donné que le bien commun est ce que l'on doit viser. Je pense que toutes les femmes autochtones veulent que l'on trouve ce genre de solution.

    J'aimerais d'abord que vous me disiez si, à votre avis, ma vision des choses est exacte. Doit-on imposer des choses même si cela dérange, ou doit-on encore laisser le dossier flou pour des générations à venir alors que les gens continueront à souffrir de ces problèmes? Il n'est pas possible que vous n'ayez pas réfléchi à ces questions. J'aimerais entendre non pas le point de vue de l'avocate, mais l'avis sincère d'une personne qui est indienne, a vécu dans une réserve, connaît les problèmes que cela comporte et, en plus, a une approche juridique lui permettant d'orienter sa réflexion.

    J'aimerais que vous me fassiez part de vos commentaires et qu'en tant qu'autochtone, vous ne vous référiez qu'à votre propre code.

Á  +-(1145)  

[Traduction]

+-

    Mme Danalyn MacKinnon: Je pense en effet que l'inaction est extrêmement néfaste. Je le sais, parce que je dois régler des questions de séparation concernant des enfants et leurs parents. Des situations dramatiques surviennent parce que les parties n'ont accès à aucun autre mécanisme pour régler leurs différends.

    Une femme qui est sur le point de quitter son mari dans un contexte de violence familiale sait qu'elle ne peut pas rester au foyer. Quitter la maison est un gros sacrifice pour les enfants qui vivent dans des collectivités où sont les membres de la parenté et leurs amis et où ils vont à l'école. La mère doit prendre la décision pour eux. Je dis « mère » parce qu'il s'agit généralement de la mère. Cette décision est donc très difficile à prendre. Elle doit aller s'établir dans un lieu totalement étranger, à l'extérieur de la réserve, si elle veut qu'ils survivent. Ce n'est pas facile.

    En ce qui concerne l'opportunité d'imposer la loi, je ne pense pas qu'on puisse laisser subsister l'ambiguïté. Je pense qu'il faut agir mais, dans ce cas, il est toujours préférable de le faire de manière concertée. Il faudrait peut-être mettre en place une mesure provisoire indiquant les dispositions que le gouvernement prendra et exposant le processus. Il faudrait que les personnes concernées comprennent que ces dispositions sont provisoires, que nous voulons permettre aux collectivités d'élaborer un système elles-mêmes. Dans les cas où des approches communautaires n'ont pas été élaborées, notre système serait toutefois disponible en dernier recours. C'est une possibilité.

+-

    La présidente: Je donne maintenant la parole au représentant du Nouveau Parti démocratique, M. Pat Martin.

+-

    M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Merci beaucoup pour cet exposé très intéressant. C'est un sujet extrêmement complexe. Plus on l'examine en profondeur et plus on se rend compte de sa complexité. Vous avez très bien décrit certains des problèmes qui se posent.

    Vous avez abordé la question de la compétence—provinciale, fédérale ou conjointe. Il est toutefois essentiel que notre comité soit conscient du troisième palier de compétence, à savoir l'autonomie gouvernementale des Premières nations, du moins dans le domaine du droit familial qui doit être notre secteur prioritaire. Il est essentiel que nous soyons particulièrement sensibles à cette question si nous voulons être fidèles au principe que le gouvernement est un partisan convaincu du droit à l'autodétermination et à l'autonomie gouvernementale.

    Une de vos recommandations est fondée sur un modèle analogue au projet de loi sur la gouvernance des Premières nations. En vertu de ce projet de loi, les Premières nations disposeraient d'un délai de deux ans pour établir un code comparable aux normes provinciales ou fédérales. Si elles ne le faisaient pas dans ce délais, nous leur imposerions un code. C'est ainsi que le gouvernement a réglé les processus d'appartenance à l'effectif et d'élection dans ce projet de loi. Cette proposition a suscité une réaction défavorable, pour ainsi dire sans précédent, à travers le pays. Les parties concernées n'appréciaient pas l'imposition d'un code. Elles ont signalé qu'il était contradictoire de prétendre être en faveur de l'autodétermination tout en menaçant d'imposer, dans un délai de deux ans, un code établi à l'extérieur de la collectivité.

    Je n'essaie pas de compliquer les choses. Je ne comprends pas comment le comité pourrait commettre la même erreur alors qu'elle a déjà suscité un rejet unanime.

    Je voudrais savoir comment on pourrait instaurer une telle règle sans soulever un tollé de protestations à travers le pays.

Á  +-(1150)  

+-

    Mme Danalyn MacKinnon: Je pense qu'en ce qui concerne la Loi sur la gouvernance des Premières nations, la situation était un peu différente parce qu'elle va au coeur de l'autonomie gouvernementale. Il s'agissait d'attentes précises en ce qui concerne ce que feraient les gouvernements des Premières nations. Je pense que c'est cela qui a causé beaucoup de difficulté dans ce contexte. La loi précisait les règles sur lesquelles devait se fonder le gouvernement du peuple et certaines de ces idées allaient totalement à l'encontre de la conception traditionnelle de la gouvernance dans les collectivités concernées.

    Par conséquent, je ne suggère pas d'adopter cette option dans les cas où des réactions négatives sont possibles. Il est naturellement préférable de faire participer les parties concernées dès le début du processus, et dès l'étape de l'élaboration du projet de loi parce qu'alors, elles s'investissent dans l'élaboration d'un projet de loi qui, d'après elles, pourrait être efficace dans leur collectivité ou à travers le pays. Si vous n'avez pas le temps de le faire, il faut alors parfois imposer un certain type de loi, du moins à titre temporaire.

    Je pense qu'un délai de deux ans pour préparer des dispositions législatives... Plus les directives sont précises et moins les Premières nations seront susceptibles de penser que vous leur accordez vraiment un délai de deux ans pour élaborer leur processus ou du moins pour formuler celui qu'elles ont déjà mis en place.

    Je pense qu'il est essentiel de donner des instructions d'application générale.

+-

    M. Pat Martin: On vous accorderait un délai de deux ans pour élaborer un code qui réponde aux normes établies par le gouvernement : pour autant que votre code corresponde exactement à celui que nous vous imposerions, nous ne vous imposerons pas le nôtre, sauf si votre code ne correspond pas à notre vision en ce qui concerne l'administration de votre collectivité. Une telle approche susciterait une vive résistance.

+-

    Mme Danalyn MacKinnon: Je pense que, du moins en ce qui concerne les collectivités dont je m'occupe, la plus forte résistance concernerait par exemple la possibilité pour une femme d'être propriétaire d'une maison.

+-

    M. Pat Martin: Vraiment?

+-

    Mme Danalyn MacKinnon: La raison pour laquelle je dis qu'il est nécessaire d'établir des principes de base, même s'il ne s'agit que de respecter le concept d'une certaine égalité sur laquelle repose la Loi canadienne sur les droits de la personne... Il y a des collectivités où cela n'existe pas actuellement.

+-

    M. Pat Martin: Un certain mécontentement gronde parmi les Premières nations parce qu'elles pensent que, même en ce qui concerne la présente étude par notre comité, le gouvernement tente de les diriger vers un objectif préétabli, objectif sur lequel reposerait la présente étude et qui aurait même influencé le choix des témoins.

    Nous venons de terminer—« nous » étant le gouvernement du Canada—une analyse exhaustive de la question avec le Sénat. Pensez-vous que le rapport provisoire du Sénat, basé sur son étude, contienne des recommandations qui pourraient être utiles?

+-

    Mme Danalyn MacKinnon: Je ne suis pas au courant du contenu de ce rapport et, par conséquent, je ne peux pas répondre à cette question.

+-

    M. Pat Martin: Je comprends. Et le rapport de la Commission royale?

+-

    Mme Danalyn MacKinnon: En ce qui concerne l'autonomie gouvernementale?

+-

    M. Pat Martin: La Commission royale a fait des recommandations très précises au sujet de l'autonomie gouvernementale ou du droit familial sous la direction et le contrôle de...

+-

    Mme Danalyn MacKinnon: Je pense, si j'ai bonne mémoire, que ces recommandations étaient davantage axées sur le contrôle de la bande ou du conseil tribal.

    Vous savez que les collectivités elles-mêmes préfèrent... Dans certaines collectivités, les femmes ont un statut très élevé et ne connaissent pas toutes ces difficultés. Par conséquent, il ne serait pas juste de dire qu'il faut imposer des dispositions législatives dans ces collectivités. Les collectivités ont en quelque sorte élaboré des méthodes personnelles qui leur semblent satisfaisantes.

    Il est possible qu'il faille encore attendre une vingtaine d'années pour que certaines de ces collectivités atteignent le niveau où elles auront élaboré leur propre code, en se fondant sur leurs antécédents. Je pense qu'une action plus rapide est essentielle et que le processus pourra toujours évoluer ensuite.

    La réalité politique de la réaction des collectivités est que plus on a de temps pour élaborer cette législation avec l'aide des collectivités et moins les réactions seront défavorables.

Á  +-(1155)  

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Je donne maintenant la parole à M. Valley, qui représente le parti gouvernemental.

+-

    M. Roger Valley (Kenora, Lib.): Madame MacKinnon, je vous remercie d'avoir accepté notre invitation. Je sais que vous avez dû faire un long voyage pour venir ici.

    Je voudrais poser deux questions. Nous savons que tout tourne autour de l'établissement d'un certain équilibre entre les droits individuels et les droits collectifs et que c'est à ce niveau que se posent les défis. En ce qui concerne le reste du comité, certains des facteurs dont vous devez tenir compte et que beaucoup de personnes ignorent au Canada sont qu'il y a de nombreux lieux éloignés mais que les lieux les plus isolés sont dans la région où vous vous trouvez, au centre du Canada et pas dans le Grand Nord, mais dans le nord de l'Ontario, où environ 30 ou 35 localités isolées ont peu d'accès ou aucun accès à l'extérieur. C'est une situation extrêmement difficile.

    Vous pourriez peut-être nous expliquer les pressions auxquelles sont soumises, dans un contexte de réserve rurale ou urbaine, les conjointes qui doivent quitter leur foyer pour aller s'établir en territoire étranger, comme vous le dites—je ne sais plus très bien comment vous l'avez formulé. Nous pouvons l'imaginer, mais vous, vous travaillez dans ce milieu. Il est possible que ces femmes n'aillent s'établir qu'à une dizaine de milles ou une dizaine de kilomètres de la réserve, dans un cadre urbain, comme votre localité, Dryden, dans les collectivités de Eagle Lake ou de Wabigoon. Quelles sont les difficultés auxquelles ces femmes sont confrontées, à plus forte raison quand elles vont s'établir dans une localité qu'elles ne connaissent pas, où elles ne connaissent personne et où l'on parle une autre langue que la leur? Pouvez-vous nous parler des défis que cela peut poser?

+-

    Mme Danalyn MacKinnon: Comme je l'ai mentionné, je parlerai d'abord des régions éloignées. Quand on vit dans les collectivités que vous et moi connaissons, comme vous l'avez mentionné, on ne parle pas l'anglais, par exemple. Dans les collectivités où ces femmes vont s'établir, elles ne peuvent pas compter sur des programmes qui pourraient les aider à s'adapter. Aucun programme semblable à ceux qui ont été mis en place pour les immigrants étrangers n'a été établi à leur intention. Elles n'ont pas accès à des programmes qui les aideraient à apprendre l'anglais ou à s'établir. Tout est étranger.

    Je me souviens d'une famille qui a déménagé juste à côté de chez moi, à Dryden. La nuit, les enfants jouaient toujours dehors et quelqu'un m'en a parlé. J'ai tout de suite compris que ces enfants venaient du Nord. Ils jouaient toujours dans la rue parce qu'ils ne tenaient compte d'aucune limite entre leur propriété, la mienne ou la rue et que, dans le Nord, la manière d'éduquer les enfants est différente.

    Ces personnes étaient venues s'établir du jour au lendemain dans une localité où l'on s'attendait d'abord à ce qu'elles forment une famille nucléaire. Ces parents sont censés discipliner leurs enfants et connaître toutes nos règles, et savoir notamment que les enfants ne doivent pas traverser les limites de la propriété des voisins. Il y a toutes sortes de petites règles à connaître sur la vie en communauté dans une zone urbaine. Par conséquent, les gens qui viennent du Nord n'ont pas le même bagage culturel que les citadins. Dans le Nord, il n'y a pas de modes de transport. Ces personnes-là ne parlent pas la même langue. Certaines femmes ne sont jamais allées à d'autres magasins qu'à celui de leur collectivité qui n'est qu'un petit magasin et dont elles connaissent tous les employés.

    C'est une adaptation totale qu'elles doivent faire. Elles retirent leurs enfants d'une collectivité dans laquelle ils parlent constamment leur langue maternelle pour les obliger à s'établir dans une localité dont le habitants parlent l'anglais et sont vêtus d'une autre façon qu'eux.

    Les femmes avec lesquelles j'ai des contacts portent des robes longues. Elles ont les cheveux longs. Elles ne sont pas autorisées à se maquiller ni à utiliser d'autres artifices semblables. C'est une culture très différente. Par conséquent, je reconnais du premier coup d'oeil celles qui viennent du Grand Nord dans les rues de la zone urbaine où tout leur est difficile; elles ne savent même pas à qui s'adresser pour demander de l'aide ni comment trouver un médecin si elles en ont besoin. L'adaptation au milieu urbain est très difficile.

    Celles qui s'établissent dans une région rurale moins éloignée—dans la périphérie des villes du nord-ouest de l'Ontario, par exemple—, ont au moins des moyens de transport à leur disposition ou sont déjà adaptées à la plupart des différences. Par contre, lorsqu'elles viennent d'une région éloignée, tout leur paraît étranger et elles obligent leurs enfants à les suivre. Elles le savent et elles retournent très souvent dans leur foyer uniquement parce que leurs enfants sont malheureux de devoir vivre dans une collectivité qui ne les comprend pas et parce qu'ils ont trop de difficulté à s'adapter.

  +-(1200)  

+-

    M. Roger Valley: Vous avez parlé de territoire étranger. Je voudrais faire un bref commentaire. Je signale que nous vivons dans le pays des Ojibwas. Plus haut, au Nord, c'est le territoire des Cris. Par conséquent, quand ils viennent chez nous, les Cris ne sont même pas capables de communiquer avec les Autochtones locaux.

+-

    Mme Danalyn MacKinnon: Oui.

+-

    M. Roger Valley: Je me suis déjà trouvé dans des pièces où il y avait une mère avec trois ou quatre enfants qui étaient tous en larmes. C'est une situation horrible. Comment avons-nous pu en arriver là?

    Je serai bref. Je voudrais signaler qu'en dépit de toutes les excuses que nous pouvons trouver et de tout le blâme que nous pouvons rejeter sur d'autres personnes, nous n'avons pas bougé depuis 20 ans. Vous employez des mots comme « immédiat ». Si nous prenons certaines initiatives immédiatement, nous pourrions commettre quelques erreurs, mais il est impératif de corriger certains de ces problèmes.

    Vous avez mentionné un délai de deux ans et ce délai me préoccupe. Vous avez parlé d'un programme d'appartenance. Avons-nous la capacité dans ces collectivités éloignées de faire le nécessaire dans ce délai de deux ans?

+-

    Mme Danalyn MacKinnon: Lorsque je parle des besoins immédiats, je pense que le gouvernement devrait mettre en place immédiatement une certaine législation pour que les femmes puissent entrer immédiatement en possession d'une maison afin qu'elles ne soient pas obligées de quitter la collectivité avec leur famille.

    La mesure immédiate s'applique donc à la possession de la maison. Je pense par contre qu'il faudra un plus long délai pour régler la question de l'évaluation de la maison en tant que bien, au moment de la séparation, et toucher votre part, ce qui vous permettra de faire un nouveau départ dans une autre collectivité.

    En ce qui concerne la question de l'appartenance à l'effectif de la bande, c'est ainsi que le gouvernement a traité cette question. Nous avons un code ou un programme d'appartenance. Vous avez un délai de deux ans pour régler cette question, sinon nous vous imposons notre code. J'ai constaté que les collectivités qui n'arrivaient pas à régler un grand nombre d'autres questions voulaient mettre en place ce code d'appartenance. Elles ne tenaient pas à ce que l'autre code soit applicable parce qu'elles considéraient qu'il poserait de nombreux problèmes.

    Par conséquent, je pense que si ces collectivités n'aiment pas les dispositions législatives qu'on leur impose, elles s'appliqueront à en établir mais si elles n'arrivent pas à dégager un consensus au sein de la collectivité, ce sera leur problème.

+-

    M. Roger Valley: Nous avons passé des heures à écouter des témoignages concernant des situations qui sont inacceptables et qui persistent depuis des décennies. On vient de nous exposer une situation inacceptable et, comme l'a signalé M. Cleary, on ne peut pas faire d'omelette sans casser des oeufs. Je pense qu'il faudrait prendre une initiative. Il faut le faire sans tarder et on n'obtiendra peut-être pas la bonne formule directement, mais il est nécessaire d'aller de l'avant parce qu'entre-temps, nous assistons quotidiennement au démembrement de ces familles.

    Vous avez parlé d'un cas, et toutes les collectivités... Nous avons tous dans notre circonscription des collectivités où cela s'est passé, mais je voudrais consacrer les deux minutes qui me restent à...

+-

    La présidente: Vous avez épuisé le temps dont vous disposiez.

+-

    M. Roger Valley: J'ai bien fait de ne pas le demander.

+-

    La présidente: Je tiens à remercier notre témoin.

    Je viens du Grand Nord, c'est-à-dire du Nunavut, et je suis toujours intéressée à entendre les références au Grand Nord, mais je me rends compte qu'en fait, le Grand Nord est situé en Ontario.

+-

    M. Gary Lunn: C'est plus au nord que le Grand Nord.

+-

    La présidente: Je vous remercie beaucoup pour votre exposé. Votre témoignage est important pour notre comité, dans le cadre de l'étude de cette question très importante. Les suggestions que vous avez faites seront certainement examinées au cours des discussions que nous tenons dans le cadre de cette étude.

+-

    Mme Danalyn MacKinnon: Merci beaucoup.

+-

    La présidente: Je suspens la séance pour une minute afin de permettre à l'autre témoin de s'installer à la table.

  +-(1204)  


  +-(1216)  

+-

    La présidente: La séance reprend.

    Pendant la deuxième heure, nous entendrons des représentants du ministère des Affaires indiennes. Je pense que ceux qui prendront la parole sont M. Paul Fauteux et Mme Maureen McPhee, et que les autres membres du groupe les aideront à répondre à certaines questions.

    Vous pouvez peut-être y aller, monsieur Fauteux. Veuillez présenter les personnes qui vous accompagnent.

+-

    M. Paul Fauteux (directeur général, Direction générale des terres, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien): Bien volontiers, si cela vous convient.

+-

    La présidente: Votre nom est le premier sur ma liste.

+-

    M. Paul Fauteux: Bien. Je donne la parole bien volontiers à ma collègue, Mme McPhee, si elle préfère parler la première.

+-

    Mme Maureen McPhee (directrice générale, Direction générale de l'autonomie gouvernementale, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien): Je ferai les présentations, puis nous pourrons commencer dans l'ordre que vous préférez.

    Bonjour. Je voudrais d'abord me présenter et présenter mes collègues du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Je m'appelle Maureen McPhee et je suis directrice générale de la Direction générale de l'autonomie gouvernementale. Je suis accompagnée de Bernadette Macleod, conseillère juridique en matière d'autonomie gouvernementale, de Wendy Cornet, conseillère spéciale du ministère, de Paul Fauteux, directeur général de la Direction générale des terres et de Bruce Cooper et Cindy Calvert, analystes principaux des politiques.

    M. Fauteux et moi ferons un bref exposé sur nos initiatives visant à régler les questions relatives aux biens immobiliers matrimoniaux dans le contexte de la Loi sur la gestion des terres des Premières nations et de l'entente sur l'autonomie gouvernementale.

+-

    M. Paul Fauteux: Je vous remercie, Maureen.

[Français]

    Madame la présidente, messieurs et mesdames les membres du comité, je ferai ma déclaration en anglais, mais je serai bien sûr heureux de répondre à vos questions dans la langue officielle de votre choix.

[Traduction]

    On m'a demandé de vous parler aujourd'hui de l'attribution des terres de réserve dans le cadre et hors du cadre de la Loi sur les Indiens, et de la Loi sur la gestion des terres des Premières nations dans le contexte des biens immobiliers matrimoniaux.

    Le régime de gestion des terres de la Loi sur les Indiens est conçu de manière à assurer la protection permanente des intérêts collectifs de chaque bande dans les terres de réserve visées par la Loi sur les Indiens contre l'aliénation permanente à des personnes qui ne sont pas membres de la bande. Le principe de base du système d'attribution des terres de réserve dans le cadre de la Loi sur les Indiens est que seuls les membres de la bande, y compris les hommes, les femmes et les enfants, ont le droit d'obtenir la possession légale de terres de la réserve. L'article 20 de la Loi sur les Indiens autorise un conseil de bande, avec l'approbation du ministre, à accorder des terres à un membre de la bande. Un certificat de possession est délivré à titre de preuve de possession légale. Lorsque l'attribution est faite et approuvée, la bande ou le ministre a relativement peu de possibilités de modifier l'intérêt de l'individu dans la terre attribuée.

    Certaines bandes font des attributions de droits sur des terres de réserve sans suivre les dispositions de la Loi sur les Indiens. Ces pratiques, appelées attributions coutumières ou traditionnelles, varient d'une Première nation à l'autre. Étant donné que l'on n'a pas recours au processus de la Loi sur les Indiens dans ces cas-là, le ministre et le ministère n'interviennent pas dans ces transactions qui ne sont pas inscrites au Registre des terres de réserve du ministère.

    On estime qu'environ la moitié des Premières nations n'utilisent pas le processus d'attribution prévu dans la Loi sur les Indiens, soit parce qu'elles ont décidé de ne pas faire d'attribution d'intérêts individuels dans les terres de réserve et de maintenir le régime de propriété collective de l'intégralité des terres ou parce qu'elles ont recours à une méthode d'attribution coutumière.

    Je voudrais maintenant faire des commentaires sur la Loi sur la gestion des terres des Premières nations qui, contrairement à la Loi sur les Indiens, renferme des dispositions précises concernant les biens immobiliers matrimoniaux. Cette loi a reçu la sanction royale en 1999 et a fait entrer en vigueur l'Accord-cadre relatif à la gestion des terres des Premières nations. Cet accord-cadre est le résultat d'une initiative des Premières nations visant à proposer une formule d'autonomie gouvernementale sectorielle en remplacement des objectifs de la Loi sur les Indiens en ce qui concerne la gestion des terres et des ressources des réserves.

    En vertu de l'accord-cadre et de la loi, les Premières nations signataires renoncent au régime de gestion des terres de la Loi sur les Indiens et assument la gestion et le contrôle de leurs terres. Chaque Première nation qui devient partie à l'accord-cadre doit établir son propre code foncier. Après sa ratification par la collectivité, ce code libère la Première nation de l'obligation de respecter les dispositions de la Loi sur les Indiens concernant la gestion des terres.

    L'accord-cadre a été signé par le ministre et par 14 Premières nations en 1996. La version initiale ne réglait pas la question des biens immobiliers matrimoniaux. À la suite d'efforts de lobbying de la part de femmes autochtones et de leurs organisations, l'accord-cadre fut modifié pour inclure des dispositions obligatoires concernant les biens immobiliers matrimoniaux.

    La mise en oeuvre de l'accord-cadre et de la loi est assurée conjointement par Affaires indiennes et du Nord canadien et par le Conseil consultatif des terres, dont les membres sont choisis par les Premières nations qui sont parties à l'accord-cadre. Le Conseil a été établi dans le but d'aider les Premières nations à faire la transition de la Loi sur les Indiens à la Loi sur la gestion des terres des Premières nations.

    L'accord-cadre et la loi contiennent des dispositions précises relatives à la promulgation de lois concernant les biens immobiliers matrimoniaux après rupture du mariage.

    Une Première nation devient opérationnelle en vertu de la loi lorsqu'elle ratifie son code foncier et conclut une entente individuelle de transfert avec le gouvernement fédéral. Dans son code foncier, une Première nation opérationnelle doit instaurer un processus de consultation de la collectivité dans le but d'élaborer des règles et procédures générales applicables aux cas de rupture du mariage, en ce qui concerne l'usage, l'occupation et la possession des terres des Premières nations et la division des intérêts sur ces terres. Dans les 12 mois suivant l'entrée en vigueur du code foncier, les règles et procédures doivent être intégrées au code foncier ou aux lois des Premières nations. L'accord-cadre précise que ces règles ne doivent pas faire de discrimination fondée sur le sexe.

    Les Premières nations qui se placent sous le régime de la loi ne sont pas obligées d'adopter des règles concernant les biens immobiliers matrimoniaux pendant le mariage, mais bien en cas de rupture du mariage.

  +-(1220)  

    Cependant, conformément aux pouvoirs généraux de gestion des terres qu'elles assument en vertu de la loi, les Premières nations peuvent décider d'adopter les dispositions du code foncier ou les lois applicables aux biens immobiliers matrimoniaux pendant le mariage. Par conséquent, elles ont d'une part une obligation et, d'autre part, une option.

    La portée de ces dispositions pendant le mariage, par opposition à après la rupture du mariage, doit naturellement cadrer avec la portée de la loi, c'est-à-dire qu'elle doit concerner l'utilisation ou la possession de terres.

    Sur les 13 nations qui sont actuellement sous le régime de la loi, cinq ont promulgué des lois sur les biens immobiliers matrimoniaux. Sur les huit autres, cinq n'ont pas rencontré l'échéance d'un an. Le Conseil consultatif sur les terres et les chefs des Premières nations qui sont opérationnelles, dont deux doivent comparaître la semaine prochaine devant le comité, sont mieux placés que nous pour en expliquer les motifs.

    Ce sont les Premières nations opérationnelles qui élaborent leurs dispositions législatives concernant les biens immobiliers matrimoniaux avec l'aide et en suivant les conseils du Conseil consultatif sur les terres. Le MAINC ne joue pas de rôle officiel dans ce processus. En outre, le MAINC n'a pas le pouvoir en vertu de la loi ou de l'accord-cadre d'établir ou d'appliquer des normes ou des lignes directrices concernant des lois sur les biens immobiliers matrimoniaux, sauf qu'il peut exiger que ces lois ne fassent pas de discrimination fondée sur le sexe. Sous le régime de l'initiative d'autonomie gouvernementale sectorielle, chaque Première nation détermine comment elle réglera la question des biens immobiliers matrimoniaux.

    Compte tenu des considérations qui précèdent, vous pourriez vous demander si la Loi sur la gestion des terres des Premières nations est la solution au problème des biens immobiliers matrimoniaux. Alors que la loi donne aux Premières nations des possibilités d'assumer la gestion et le contrôle de leurs terres de réserve, la prise en charge de cette responsabilité n'est pas une priorité pour la plupart des Premières nations qui sont aux prises avec des problèmes plus urgents comme la pauvreté, le chômage, la santé, l'éducation, des logements insalubres, la consommation abusive de substances psychotropes, le suicide chez les adolescents et la violence familiale.

    La participation à cette initiative est laissée à l'appréciation des Premières nations. Elles manifestent leur intérêt à participer volontairement. Elles ne sont pas désignées par le gouvernement et ne peuvent être forcées à signer l'accord-cadre. La renonciation au régime de la Loi sur les Indiens en faveur de l'adoption du régime de la Loi sur la gestion des terres des Premières nations est une décision collective. Comme je l'ai déjà mentionné, la collectivité tient un vote pour sa ratification.

    Sur les 614 Premières nations du Canada, 13 sont actuellement sous le régime de la Loi sur la gestion des terres des Premières nations. Vingt-deux autres sont à l'étape du développement qui précède un vote communautaire sur le code foncier et une cinquantaine d'autres ont manifesté de l'intérêt à participer.

    Le pouvoir actuel du Conseil du Trésor qui régit ce programme autorise l'adhésion de jusqu'à 15 Premières nations supplémentaires par an à ce régime. Bien que nous prévoyons que l'intérêt sera croissant, ce processus ne réglera pas le problème des biens immobiliers matrimoniaux pour la plupart des Premières nations qui resteront sous le régime des dispositions de la Loi sur les Indiens concernant les terres.

    Je vous remercie pour votre attention. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

  +-(1225)  

+-

    La présidente: Je pense que nous écouterons maintenant l'exposé de Mme McPhee, puis nous passerons aux questions.

+-

    Mme Maureen McPhee: Je vous remercie de me donner l'occasion de vous entretenir du traitement des questions relatives aux biens immobiliers matrimoniaux dans les ententes d'autonomie gouvernementale.

[Français]

    Comme vous le savez, le gouvernement du Canada a adopté en 1995 sa politique sur le droit inhérent, qui reconnaît le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale comme un droit autochtone existant. Cette politique n'entend pas définir le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, mais favoriser la conclusion d'ententes pratiques et utilisables sur la mise en oeuvre de l'autonomie gouvernementale dans le contexte constitutionnel canadien.

[Traduction]

    Le gouvernement du Canada reconnaît que les gouvernements autochtones doivent posséder la compétence et l'autorité pour agir dans diverses sphères afin de se prévaloir concrètement de leur droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, dans le contexte général de la Constitution canadienne. Une entente d'autonomie gouvernementale doit en outre affirmer que la Charte canadienne des droits et libertés régit toutes les questions relevant de la compétence et de l'autorité des gouvernements autochtones pour que les Canadiens, autochtones et non autochtones, puissent jouir dans des proportions égales des droits et libertés garantis par la Charte.

[Français]

    En ce qui a trait aux biens matrimoniaux, il est clair que le gouvernement fédéral ne veut pas maintenir le statu quo pour les bandes assujetties à la Loi sur les Indiens dans le contexte de l'autonomie gouvernementale. Lors de l'adoption de la politique du Canada en 1995, nos négociateurs ont reçu la consigne de ne pas reproduire le régime de la Loi sur les Indiens à cet égard.

[Traduction]

    Les ententes d'autonomie gouvernementale conclues jusqu'à présent qui font état de la compétence autochtone en matière de terres se fondent sur l'une des trois approches pour traiter des biens matrimoniaux. Je voudrais vous présenter ces approches.

    La première est la compétence autochtone étendue en matière de biens immobiliers et personnels matrimoniaux. Dans ce premier cas, le gouvernement autochtone jouit d'une compétence étendue en ce qui concerne les biens matrimoniaux qu'il s'agisse, comme je l'ai mentionné, de biens personnels ou immobiliers. Elle permet aux gouvernements autochtones de gérer l'ensemble des questions liées aux biens matrimoniaux.

    Sur les terres qui ne sont pas des terres de réserve, dans le cas d'un accord moderne sur des revendications territoriales, par exemple, les lois provinciales ou territoriales s'appliquent jusqu'à ce que le gouvernement autochtone adopte ses propres lois.

    Sur les terres qui demeurent des terres de réserve, dans le cas de certaines négociations concernant l'autonomie gouvernementale, par exemple, il revient au gouvernement autochtone de combler les lacunes créées par la Loi sur les Indiens le plus rapidement possible en adoptant des lois sur les biens matrimoniaux.

    Les ententes fondées sur cette approche comprennent une disposition stipulant que les droits et protections en matière de biens matrimoniaux doivent être équivalents ou comparables à ceux garantis par les lois provinciales ou territoriales. Un exemple de cette approche est l'Accord sur les revendications territoriales des Inuits du Labrador conclu récemment.

    La deuxième approche est la compétence partagée entre la province ou le territoire et le gouvernement autochtone en matière de biens matrimoniaux. Elle vise à combler le manque créé par la Loi sur les Indiens en ce qui a trait aux biens immobiliers matrimoniaux. Les ententes qui utilisent cette approche stipulent que la compétence autochtone est reconnue seulement en matière de biens immobiliers matrimoniaux. Les lois provinciales ou territoriales s'appliquent à toutes les autres questions que celles concernant les biens matrimoniaux, notamment à celles concernant les biens personnels. Dans ce dernier cas, les ententes contiennent des dispositions précisant que les lois provinciales ou territoriales d'application générale s'appliquent. Un exemple de cette approche est l'Accord d'autonomie gouvernementale de la Première nation de Westbank, qui est entré en vigueur le 1er avril.

    La troisième approche consiste en l'application des lois provinciales ou territoriales d'application générale sur les terres autochtones. Dans ce cas, l'entente reconnaît la compétence autochtone sur les terres autochtones, mais elle ne traite pas explicitement des biens matrimoniaux, compte tenu des dispositions de l'entente concernant les lois provinciales ou territoriales d'application générale et les liens entre les lois. C'est en vertu de cette approche que les lois provinciales et territoriales d'application générale sur les biens matrimoniaux s'appliquent aux terres autochtones.

    Cette approche peut servir seulement si les terres ne sont pas visées par l'article  91.24 ou ne sont pas des terres réservées pour les Indiens en vertu de la Loi constitutionnelle. Par conséquent, ceci s'applique généralement dans le cas des ententes modernes sur les revendications territoriales, lorsque les terres deviennent des terres visées par l'article 92.

    Cette approche est notamment utilisée dans l'Accord définitif des Nisga'as—et je sais que Jim Aldridge vous a donné dernièrement de l'information sur leur approche—et dans l'Accord du peuple tlicho, passé dernièrement.

    Il s'agit là des trois approches qui ont été utilisées à ce jour dans les ententes sur l'autonomie gouvernementale pour traiter des biens matrimoniaux, mais des lacunes pourraient toutefois subsister, en raison de certains facteurs, notamment si un groupe autochtone exerce son autorité législative dans un délai raisonnable, si un groupe autochtone élabore une loi portant sur les biens immobiliers matrimoniaux seulement, sans tenir compte des biens personnels matrimoniaux et lorsque les terres continuent d'être des terres de réserve, selon la façon dont l'entente sur l'autonomie gouvernementale traite l'article 89 de la Loi sur les Indiens.

    L'article 89 de la Loi sur les Indiens, qui limite l'hypothèque et la saisie des biens situés dans les réserves et appartenant à des Indiens, peut entraver l'exécution des ordonnances des tribunaux, en ce qui concerne les ordonnances d'indemnisation par exemple.

    Cet article ne s'applique pas aux terres autochtones qui ne sont plus des terres de réserve en vertu de la Loi sur les Indiens; dans certains cas cependant, comme je l'ai mentionné, des terres demeurent des terres de réserve dans le contexte de l'autonomie gouvernementale. Un exemple pertinent est celui de l'Accord concernant la Première nation de Westbank. Dans ces cas-là, l'application future de l'article 89 est évaluée par les négociateurs et par la partie autochtone.

  +-(1230)  

    En ce qui concerne l'Accord de Westbank, il reconnaît la compétence de la Première nation de Westbank quant à la grevation, y compris les règles qui touchent les exemptions prévues à l'article 89.

    La Première nation de Westbank aura la compétence voulue pour décider de l'application future de l'article 89 relativement aux intérêts immobiliers sur ses terres, mais non aux biens personnels situés dans les réserves.

    La question des biens matrimoniaux est, naturellement, très complexe. Comme il s'agit d'un enjeu important pour les femmes et les enfants en particulier, nous avons adopté des lignes directrices à l'intention des négociateurs fédéraux pour leur donner un aperçu de la question et les aider dans les négociations, règles qui exposent d'une façon générale les trois approches que je viens de décrire.

    Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de vous exposer ces approches. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Étant donné que Mme Barnes doit quitter un peu plus tôt, nous avions convenu qu'elle serait la première pour ce tour-ci de questions et nous donnerons ensuite la parole aux représentants du Bloc québécois. Allez-y, madame Barnes.

  +-(1235)  

+-

    L'hon. Sue Barnes (London-Ouest, Lib.): Je remercie l'opposition officielle pour cette entente.

    Merci beaucoup, madame McPhee. Je voudrais m'assurer que ceci est bien clair : à partir de maintenant, les négociations sur l'autonomie gouvernementale qui seront entamées et celles qui sont en cours depuis un certain temps pourront bénéficier des lignes directrices gouvernementales internes sur les biens immobiliers matrimoniaux. Par conséquent, pour conclure une entente d'autonomie gouvernementale, ces gouvernements autonomes devront essentiellement traiter de cette question.

+-

    Mme Maureen McPhee: C'est exact.

+-

    L'hon. Sue Barnes: Bien. Je vous remercie.

    Monsieur Fauteux, la Loi sur la gestion des terres des Premières nations est de toute évidence une excellente initiative sur le plan sectoriel, mais son application est restreinte parce que le nombre et les ressources sont limités. Je pense que, comme vous l'avez dit, il est essentiel de s'adresser de façon plus directe aux personnes impliquées.

    La question que je voudrais vous poser est la suivante : est-ce disponible à travers le pays? Est-ce que toutes les Premières nations du pays ont accès à cette loi et sinon, pourquoi?

+-

    M. Paul Fauteux: Merci beaucoup pour cette question. La réponse est non. La loi n'est malheureusement pas encore accessible aux Premières nations du Québec et la raison en est qu'elle est fondée sur des concepts de la common law qui sont étrangers au Code civil du Québec. Nos collègues du ministère de la Justice ont par conséquent déterminé qu'il était nécessaire de faire en sorte que la loi soit applicable au système juridique québécois comme elle l'est au système juridique de la common law en vigueur dans les autres provinces. Le ministère de la Justice examine cette question et nous comptons aller de l'avant.

+-

    L'hon. Sue Barnes: Nous avons entendu aujourd'hui le témoignage d'une personne qui travaille sur le terrain et j'ai examiné vos chiffres indiquant que plusieurs des Premières nations qui ont opté pour ce système sont en infraction au bout d'un an. Dans des questions antérieures, j'ai également relevé le fait que cette loi n'avait pas de mordant. En y réfléchissant, je ne suis pas certaine que la réponse devrait être qu'il faudrait mettre en place un mécanisme lui donnant du mordant, ou peut-être est-ce le fait que nous préparons la voie à l'échec parce qu'un délai d'un an n'est pas suffisant pour tenir des consultations et élaborer un code.

    A-t-on jamais songé à prolonger ce délai ou bien quelqu'un a-t-il soulevé la question? J'ai connu des membres des Premières nations très progressistes que je n'aurais jamais imaginés capables de laisser ce délai s'écouler. Je ne pense pas que ce soit tellement une question de faute mais plutôt qu'il s'agit de déterminer avec précision les capacités que l'on exige d'eux. Ces Premières nations ne sont pas encore très nombreuses et, par conséquent, il n'y a pas de partage d'information au sujet des codes pendant l'élaboration de ces codes par différentes personnes.

    A-t-on actuellement des discussions avec les Premières nations ou avec l'institut qui a été créé pour les aider? Qu'est-ce qui se passe dans ce domaine?

+-

    M. Paul Fauteux: On ne nous a pas fait de suggestions concernant la modification du délai; on ne nous a pas recommandé d'instaurer un délai de plus d'un an entre l'adoption d'un code foncier et l'adoption de dispositions sur les biens immobiliers matrimoniaux.

    Cependant, comme vous l'avez mentionné à juste titre, il y a plusieurs obligations à respecter simultanément au cours de cette première année, outre l'obligation de consulter la collectivité pour obtenir son consentement au sujet des règles relatives aux biens immobiliers matrimoniaux en cas de rupture du mariage et la nécessité de négocier une entente de gestion environnementale. En prenant contrôle de ses terres, la bande prend naturellement également contrôle de la gestion des aspects environnementaux qui y sont liés. C'est un autre processus pour lequel des consultations sont requises.

    En outre, la bande doit développer sa capacité en matière de gestion des terres, ce qui exige certaines démarches de base, comme la recherche d'un bureau, le recrutement d'un cadre hiérarchique, la dotation en personnel et l'équipement du bureau. Par conséquent, cela fait beaucoup de choses à accomplir au cours de cette première année.

    Comme je l'ai mentionné dans mon exposé, je pense que les chefs des Premières nations opérationnelles qui témoigneront devant votre comité la semaine prochaine seront mieux placés que moi pour vous donner une opinion sur la nature de ces problèmes. C'est ce que nous a indiqué le Conseil consultatif sur les terres, mais nous n'avons pas encore reçu de demande de modification du délai.

+-

    L'hon. Sue Barnes: Bien.

    Cette question s'adresse à Mme Cornet. Au cours d'une séance antérieure, quelqu'un a demandé aux fonctionnaires du ministère de la Justice quelles étaient les options. Je sais que vous faites partie des experts qui ont conseillé le ministère et vous êtes probablement la personne qui connaît le mieux les options éventuelles—du moins celles qui font actuellement l'objet de discussions internes, mais peut-être pas toutes les options auxquelles une personne extérieure au MAINC peut penser et dont nous n'aurions pas encore entendu parler.

    Vous sentez-vous à l'aise de dire en ce moment, s'il n'en tenait qu'à vous... Même sans établir un ordre de priorité, quelles seraient les options possibles?

  +-(1240)  

+-

    Mme Wendy Cornet (conseillère spéciale, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien): Je pense que les options que nous avons examinées sont celles qui ont été présentées antérieurement par des témoins dans le cadre d'autres délibérations ou dans des rapports d'experts comme celui de la Commission royale sur les peuples autochtones.

    Un éventail d'options se dégagent d'audiences et de rapports antérieurs, proposant des rôles différents en ce qui concerne le gouvernement fédéral, le droit des Premières nations et les lois provinciales pour combler cette lacune. D'une part, il y a les recommandations de la Commission royale qui en a conclu que les Premières nations avaient un droit inhérent à l'autonomie gouvernementale qui pourrait être exercé, de préférence, par le biais d'ententes d'autonomie gouvernementale négociées et qu'il était aussi possible d'exercer ce droit en dehors de toute entente d'autonomie gouvernementale, et qu'ils ont compétence en matière de droit familial et de biens immobiliers matrimoniaux. C'est donc la première option.

    Une autre option qui a été recommandée—et je pense que le comité sénatorial permanent a suggéré cette possibilité—est l'intégration par renvoi d'une loi provinciale, par le biais de la législation fédérale. Si l'on choisissait uniquement cette option, elle représenterait la participation la plus discrète dans les activités des Premières nations.

    Une troisième option serait peut-être un mélange des deux précédentes. On pourrait peut-être reconnaître d'une façon ou d'une autre la compétence des Premières nations tout en prévoyant un certain type d'intégration de la loi provinciale, en attendant l'adoption par une Première nation de ses propres dispositions législatives concernant les biens matrimoniaux.

    Chacune de ces options présente des avantages et des inconvénients. Je pourrai les mentionner à un moment ultérieur, mais je ne tiens pas à accaparer une trop grande proportion de votre temps.

+-

    L'hon. Sue Barnes: Non, j'aimerais que vous donniez des informations plus précises.

+-

    La présidente: Est-ce que les autres membres sont d'accord, parce que c'est actuellement un tour de questions d'une durée de sept minutes?

+-

    L'hon. Sue Barnes: C'est bien.

+-

    La présidente: Un autre des membres pourrait peut-être lui demander de continuer.

    Je donne maintenant la parole à M. Cleary.

[Français]

+-

    M. Bernard Cleary: Merci, madame la présidente.

    J'essaie de comprendre. Vous pourrez certainement m'expliquer et me corriger si je comprends mal. Je crois savoir que ces questions seront en principe incluses dans le cadre d'une entente d'autonomie gouvernementale. Par conséquent, le ministère vise à ce que ces questions soient abordées dans le cadre d'une entente d'autonomie gouvernementale.

    Ma connaissance de la question de l'autonomie gouvernementale est grande, parce que j'ai négocié pendant 25 ans sur ce sujet. À ma connaissance, les négociations sur la base de l'autonomie gouvernementale ont pour point de départ la politique d'autonomie gouvernementale du gouvernement du Canada ou du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien.

    La politique du gouvernement est très précise sur toutes les questions. Je suppose qu'elle doit l'être aussi concernant l'autonomie gouvernementale. Si la politique n'est pas assez précise, les directives que vous donnez à vos négociateurs le sont, comme le disait Mme McPhee. Ces directives sont en quelque sorte le carré de sable dans lequel ils sont appelés à négocier. C'est tant mieux pour eux, parce que le cadre est défini et ils ne peuvent pas en sortir. Par contre, les Indiens non plus ne peuvent pas sortir de ce cadre d'autonomie gouvernementale, et c'est malheureux.

    Dans le fond, cela veut dire que — vous me corrigerez si nécessaire, parce que je fais une interprétation, mais c'est ce que je comprends — le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien aura une influence considérable sur tout ce qui se négociera concernant les règles en matière de biens matrimoniaux. Je n'en fais pas une grande critique. Je fais une observation: il y a des limites et elles sont claires.

    Quand on dit que les gens décideront de ce qu'ils mettront dans leur politique de biens matrimoniaux, cela me fait sourire. Ils approuveront ce que le ministère leur suggérera en matière de politique de biens matrimoniaux. Je n'en conclus pas que c'est une mauvaise affaire. Ce n'est pas du tout cela. J'en conclus seulement que les gens ne pourront pas ajouter des choses à l'infini, si cela ne fait pas partie de la politique. Je ne dis pas que les dés sont pipés. Ce n'est pas ce que je veux dire.

    Quand on ne connaît pas tout ce processus, on est convaincu que les Indiens négocieront ce qu'ils voudront en matière de biens matrimoniaux. Rien n'est moins vrai. Tout ce qui se fait au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien se fait toujours dans le cadre d'une quelconque politique. Dieu sait si le livre des politiques doit être épais au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien! Évidemment, vous touchez à beaucoup de choses, d'une part, et vous faites des politiques sur beaucoup de choses, d'autre part.

    Tout cela est bien beau. Cependant, je voudrais que les gens du ministère me disent si on peut sortir de ce beau cadre pour aborder des éléments qui peuvent ne pas encore avoir été imaginés ou avoir fait l'objet de discussions. Est-ce que les communautés ont la possibilité, dans le cadre de leur entente d'autonomie gouvernementale, de proposer des choses qui sortiraient du cadre des politiques du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien?

  +-(1245)  

[Traduction]

+-

    Mme Maureen McPhee: Je voudrais faire deux commentaires.

    Premièrement, les lignes directrices ne sont pas élaborées uniquement par le ministère des Affaires indiennes mais par tous les ministères et elles sont approuvées par un comité directeur fédéral chargé de guider les négociations. Par conséquent, il s'agit essentiellement de lignes directrices fédérales et pas de lignes directrices du ministère des Affaires indiennes.

    Deuxièmement, les trois approches que j'ai exposées sont celles qui ont été présentées jusqu'à présent au cours des discussions avec les groupes négociateurs. Les lignes directrices laissent la latitude d'examiner d'autres approches, s'il y en a. Par conséquent, les lignes directrices ne sont pas définitives; il est possible d'élaborer avec les parties autochtones participant aux discussions d'autres approches qui pourraient également servir les intérêts de tous.

[Français]

+-

    M. Bernard Cleary: Vous auriez dû me dire cela il y a 25 ans. J'aurais peut-être alors réussi à négocier des choses beaucoup plus intéressantes. Mais je n'avais qu'à me poser plus de questions. Je ne dis pas que je n'étais pas bon; j'étais un excellent négociateur.

+-

    M. Paul Fauteux: Sûrement.

+-

    M. Bernard Cleary: Cette question est importante pour moi. Comme le disait ma grand-mère, on coud dans du neuf. C'est vide. On voudrait bien coudre quelque chose de bien, c'est-à-dire trouver toutes les réponses nécessaires. Tout cela sera long et difficile. Au moment d'aborder les solutions, évidemment, on voudra qu'elles soient le plus complètes possible pour essayer de couvrir la plus grande partie du problème, étant donné qu'on ne pourra jamais tout couvrir.

    Tel est l'esprit de ma question. Je ne cherche pas à dire que les directives ne sont pas bonnes. Cela n'a rien à voir. On veut trouver comment aller le plus loin possible. Ce n'était que cela, ma question, et je ne pense pas que Mme McPhee y ait répondu. Je souhaiterais une réponse plus claire, et que vous disiez à vos négociateurs que certains sujets pourront aller au-delà des politiques, qu'ils devront être abordés avec ouverture d'esprit et que vous devrez les approuver avec ouverture d'esprit.

  +-(1250)  

[Traduction]

+-

    Mme Maureen McPhee: En ce qui concerne les lignes directrices sur les biens immobiliers matrimoniaux, on a bien spécifié aux négociateurs qu'il s'agit de lignes directrices qui concernent les approches élaborées jusqu'à présent, mais qu'ils ont la latitude d'élaborer d'autres approches et de les faire approuver également.

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Je donne maintenant la parole à M. Harrison. Je vous remercie pour votre coopération.

+-

    M. Jeremy Harrison (Desnethé—Missinippi—Rivière Churchill, PCC): Merci beaucoup, madame la présidente.

    Je remercie les témoins d'avoir accepté notre invitation.

    La question initiale que je voulais poser concernait les discussions qui avaient eu lieu au ministère en ce qui concerne les options en matière de biens immobiliers matrimoniaux. Je sais qu'on y a déjà répondu en partie, mais j'apprécierais que vous résumiez brièvement les discussions qui se sont déroulées à ce sujet au ministère et que vous indiquiez si le ministère a des préférences.

    Madame Cornet, je sais que vous avez dit que vous pourriez exposer les avantages et les désavantages des diverses options. J'apprécierais que vous donniez des informations plus précises à ce sujet également.

+-

    Mme Wendy Cornet: Je commencerai par le dernier volet de votre question, à savoir les avantages et les désavantages. Ce ne serait pas une préférence pour l'instant parce qu'on a demandé à ce comité de donner des conseils et de faire des suggestions au ministre. Par conséquent, le ministère n'a certainement pas de préférence pour l'instant.

    En ce qui concerne les avantages et les désavantages, une des options qui a été mentionnée très fréquemment et que le Comité sénatorial permanent des droits de la personne a suggérée... Plusieurs organisations féminines autochtones ont suggéré qu'une solution pourrait passer par des dispositions législatives fédérales d'un type ou l'autre intégrant par renvoi des dispositions législatives provinciales correspondantes afin de traiter des questions liées aux droits immobiliers matrimoniaux.

    Les avantages et les désavantages de cette approche seraient qu'elle répondrait aux préoccupations concernant les droits individuels mais qu'elle ne répondrait pas nécessairement aux objectifs en matière d'autonomie gouvernementale et qu'elle susciterait probablement quelques préoccupations.

    Un avantage serait qu'elle donnerait un accès accru aux droits et aux remèdes actuellement disponibles et à ceux qui seraient établis dès que le Parlement serait en mesure d'adopter une telle loi.

    Un désavantage, ou à tout le moins une difficulté qu'il faudrait régler, est lié au fait qu'une telle façon de procéder s'écarterait d'une politique dont les origines remontent à plus d'un siècle qui a jusqu'à présent soustrait les terres de réserve indiennes à l'application des lois provinciales. Il n'existe aucun cas analogue antérieur, à ma connaissance. En outre, les dispositions actuelles de la Loi sur les Indiens intègrent dans une certaine mesure les lois provinciales. L'article 88 n'est certes pas très apprécié de la plupart des Premières nations du pays et j'imagine qu'elles auraient une réaction analogue à une autre disposition semblable, mais c'est à elles de décider.

    En fin de compte, il faudrait également répondre à la question concernant la nature des liens d'une telle mesure avec l'article 35 concernant les droits ancestraux et les droits issus de traités.

    Si vous suiviez la recommandation de la Commission royale, en adoptant un type d'approche fondée sur la reconnaissance de la compétence inhérente, quelle que soit la brièveté du délai—les gens ne devraient pas nécessairement avancer au même rythme—, il y aurait toujours la question du délai dans lequel on pourrait mettre des remèdes et des droits à la disposition des Autochtones, compte tenu de la différence entre les divers processus et du rythme différent d'accession à l'autonomie gouvernementale. Il faudrait naturellement que ce soit conforme à l'article 35, ce qui nécessiterait un changement important dans la politique fédérale. Vous auriez peut-être tout intérêt à faire des suggestions au gouvernement à ce sujet.

    La troisième approche qui consiste en un mélange d'une approche fondée sur la reconnaissance, qu'il s'agisse de la délégation ou de la reconnaissance de la compétence, et de l'intégration par renvoi, est une autre option possible. Je pense que certains témoins ont déjà indiqué que cette approche nécessiterait un certain type de reconnaissance de la compétence des Premières nations en matière des droits immobiliers matrimoniaux et qu'en attendant que cette compétence soit exercée, la loi provinciale pourrait être incorporée par renvoi et serait applicable jusqu'à ce que les lois des Premières nations soient en place. Le désavantage de cette approche est que c'est le type de position de repli qui a été critiquée. En fait, elle combinerait tous les avantages et les désavantages des deux approches précédentes. On pourrait dire qu'elle établirait un équilibre entre la nécessité de respecter les droits individuels et celle de respecter les droits collectifs.

    Enfin, je dirais qu'en ce qui concerne ces options, elles font toutes intervenir des questions stratégiques importantes qui pourraient avoir des répercussions plus larges. C'est probablement la raison précise pour laquelle on a demandé à votre comité de donner des avis au ministre. C'est parce que peu importe l'option que l'on choisit, il y aura d'importantes décisions stratégiques à prendre.

  -(1255)  

+-

    M. Jeremy Harrison: Je vous remercie.

    Je pense qu'en ce qui concerne les autres processus d'autonomie gouvernementale, et particulièrement l'entente de principe globale entre le Manitoba et la nation Dakota de Sioux Valley et celle entre le Conseil tribal de Meadow Lake, établi justement dans ma ville, et la Saskatchewan, ces ententes de principe ont tenu compte de cette question ou ont prévu des discussions ultérieures sur les questions liées aux biens immobiliers matrimoniaux.

    Je me demande si l'un de nos témoins pourrait faire des commentaires ou donner des précisions à ce sujet.

+-

    Mme Maureen McPhee: Oui. J'ai été négociatrice dans le cadre des négociations concernant le Conseil tribal de Meadow Lake il y a quelque temps. L'approche de Meadow Lake est une approche générale fondée sur la compétence. Il est clairement énoncé dans l'entente que le conseil tribal a compétence en matière de biens immobiliers matrimoniaux. Cette approche correspondrait à la première option que j'ai décrite dans mon exposé, à savoir une approche globale fondée sur la compétence.

+-

    M. Jeremy Harrison: Je vous remercie.

+-

    La présidente: Avez-vous terminé, monsieur Harrison?

+-

    M. Jeremy Harrison: Oui, je vous remercie.

+-

    La présidente: Je pense qu'il serait intéressant que le comité ait accès à l'information que Mme Cornet a mentionnée dans son exposé, à savoir les avantages et les inconvénients. Pourriez-vous remettre ce document au comité? Je pense que c'est l'information que Mme Barnes demandait au moment où elle n'avait plus de temps disponible.

+-

    Mme Wendy Cornet: Bien.

+-

    La présidente: Il reste très peu de temps. Je pense que M. Smith voulait poser une question.

+-

    M. David Smith (Pontiac, Lib.): Madame la présidente, vous avez posé exactement la question que je voulais poser. Je vous remercie donc pour ce renseignement.

    Je partagerai le temps dont je dispose avec mon collègue, M. Valley. Il a une question à poser.

+-

    M. Roger Valley: Je vous remercie.

    Plus tôt dans la journée, lorsque l'autre témoin était là, un des députés de l'opposition a déclaré que nous avions un programme secret dont l'objectif est une solution fondée sur le principe de la propriété en fief simple. Pourriez-vous faire des commentaires? C'est nouveau pour moi. J'ai participé à des séances d'information et je n'ai pas entendu cela. Je me demandais par conséquent si vous pouviez clarifier la position du ministère à ce sujet.

+-

    M. Paul Fauteux: Je confirmerais bien volontiers ce que ma collègue, Wendy Cornet, a dit.

    Il n'y a pas de programme secret. Nous n'avons pas de conclusions préétablies. Aucune tentative de diriger les discussions n'est faite. C'est une demande de suggestions.

+-

    M. Roger Valley: Merci beaucoup. C'est la réponse que je voulais avoir.

-

    La présidente: Merci à tous et à toutes.

    Nous sommes parvenus à respecter les délais pour les exposés et pour les questions. Je remercie mes collègues d'avoir posé les questions les plus brèves possible, pour permettre aux témoins d'y répondre. Je remercie également les témoins d'avoir accepté de participer à nos délibérations.

    Je vous remercie. La séance est levée.