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AANO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 1er novembre 2005




¹ 1535
V         Le président (M. Lloyd St. Amand (Brant, Lib.))
V         Mme Nadia Bartolini (gestionnaire de recherche, Direction générale des revendications particulières, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien)
V         Le président
V         Mme Nadia Bartolini

¹ 1540
V         Le président
V         Mme Sylvia Duquette (avocate générale, Revendications particulières, Portefeuille des affaires autochtones, ministère de la Justice)

¹ 1545
V         Le président
V         M. Perry Robinson (avocat-conseil, Revendications particulières, Portefeuille des affaires autochtones, ministère de la Justice)

¹ 1550
V         Le président
V         Capt Denis Brassard (à titre personnel)

¹ 1555

º 1600

º 1605
V         Le président
V         M. Jeremy Harrison (Desnethé—Missinippi—Rivière Churchill, PCC)
V         Mme Nadia Bartolini
V         M. Jeremy Harrison
V         Mme Nadia Bartolini
V         Mme Sylvia Duquette

º 1610
V         M. Jeremy Harrison
V         Mme Sylvia Duquette
V         Mme Nadia Bartolini
V         M. Jeremy Harrison
V         Mme Nadia Bartolini
V         M. Jeremy Harrison
V         Mme Nadia Bartolini
V         M. Jeremy Harrison
V         Mme Nadia Bartolini
V         M. Jeremy Harrison
V         Mme Nadia Bartolini
V         Le président
V         M. Jeremy Harrison
V         Le président
V         M. Bernard Cleary (Louis-Saint-Laurent, BQ)

º 1615
V         Le président

º 1620
V         Mme Nadia Bartolini
V         Le président
V         Mme Sylvia Duquette
V         Capt Denis Brassard
V         Mme Sylvia Duquette

º 1625
V         Le président
V         M. Roger Valley (Kenora, Lib.)
V         Mme Nadia Bartolini
V         M. Roger Valley
V         Mme Nadia Bartolini
V         M. Roger Valley
V         Mme Nadia Bartolini
V         M. Roger Valley
V         Mme Sylvia Duquette
V         M. Perry Robinson
V         M. Roger Valley
V         Mme Sylvia Duquette

º 1630
V         M. Roger Valley
V         Mme Sylvia Duquette
V         M. Roger Valley
V         Mme Sylvia Duquette
V         M. Roger Valley
V         Mme Sylvia Duquette
V         Le président
V         M. Jeremy Harrison
V         Mme Nadia Bartolini

º 1635
V         M. Jeremy Harrison
V         Mme Sylvia Duquette
V         M. Jeremy Harrison
V         Mme Nadia Bartolini

º 1640
V         Le président
V         M. David Smith (Pontiac, Lib.)
V         Mme Nadia Bartolini
V         M. David Smith
V         Mme Nadia Bartolini
V         M. David Smith
V         Mme Nadia Bartolini
V         M. David Smith
V         Mme Nadia Bartolini
V         M. David Smith
V         Mme Nadia Bartolini
V         M. David Smith
V         Mme Nadia Bartolini
V         M. David Smith
V         Mme Nadia Bartolini

º 1645
V         M. David Smith
V         Mme Nadia Bartolini
V         M. David Smith
V         Mme Nadia Bartolini
V         M. David Smith
V         Mme Nadia Bartolini
V         M. David Smith
V         Mme Sylvia Duquette
V         M. David Smith
V         Le président
V         M. Serge Ménard (Marc-Aurèle-Fortin, BQ)
V         Mme Sylvia Duquette
V         M. Serge Ménard
V         Mme Sylvia Duquette
V         M. Serge Ménard
V         Mme Sylvia Duquette
V         M. Serge Ménard

º 1650
V         Le président
V         M. Serge Ménard
V         Mme Sylvia Duquette
V         M. Serge Ménard
V         Mme Sylvia Duquette
V         Le président
V         Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.)
V         Mme Sylvia Duquette

º 1655
V         Mme Nancy Karetak-Lindell
V         Mme Nadia Bartolini
V         Capt Denis Brassard
V         Le président
V         M. Jeremy Harrison
V         Le président
V         L'hon. Mark Eyking (Sydney—Victoria, Lib.)

» 1700
V         Mme Sylvia Duquette
V         Mme Nadia Bartolini
V         L'hon. Mark Eyking
V         Mme Sylvia Duquette
V         L'hon. Mark Eyking
V         Mme Nadia Bartolini
V         L'hon. Mark Eyking
V         Mme Sylvia Duquette
V         L'hon. Mark Eyking
V         Le président
V         Mme Nadia Bartolini

» 1705
V         Mme Sylvia Duquette
V         Le président
V         M. Bernard Cleary
V         Capt Denis Brassard
V         Le président
V         M. Serge Ménard
V         Capt Denis Brassard
V         Le président

» 1710
V         Mme Nancy Karetak-Lindell
V         Le président










CANADA

Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord


NUMÉRO 049 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 1er novembre 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

¹  +(1535)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Lloyd St. Amand (Brant, Lib.)): Mesdames et messieurs, j'ouvre la séance puisque nous avons le quorum.

    Je m'excuse de mon propre retard. Je ne dirai pas que j'ai été assailli, mais je parlais à des gens au sujet d'une journée nationale de la philanthropie, et j'ai perdu la notion du temps pendant quelques minutes. Je m'excuse donc auprès des membres du comité, et plus particulièrement auprès des témoins qui ont été très ponctuels pour venir nous rencontrer cet après-midi, contrairement au président du comité.

    Vous avez la parole, mesdames et messieurs.

[Français]

+-

    Mme Nadia Bartolini (gestionnaire de recherche, Direction générale des revendications particulières, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien): Merci, monsieur le président.

    Pour le moment, j'aimerais simplement préciser qu'on nous a demandé nos notes, sans doute pour faciliter la traduction simultanée. Or, nous en avons besoin pour commencer.

[Traduction]

+-

    Le président: Madame Bartolini, est-ce que cela s'applique à votre propre exposé et à ceux des autres?

    Le greffier m'assure qu'il ne faudra pas beaucoup plus de temps pour faire des photocopies, de sorte que nous pouvons peut-être rester où nous sommes. J'espère que dans deux ou trois minutes les notes seront...

[Français]

+-

    Mme Nadia Bartolini: Merci beaucoup de votre patience. Mon nom est Nadia Bartolini. Je suis gestionnaire de la recherche à la direction générale des revendications particulières. Aujourd'hui, je vais vous décrire le processus des revendications en ce qui concerne la recherche.

    Le processus des revendications commence lorsqu'une revendication particulièree est soumise par une première nation. Lorsqu'on reçoit cette revendication, on rédige un accusé de réception. Un analyste assigné au dossiern en fait ensuite une analyse préliminaire. À cette étape, on consultte habituellement la première nation. Il peut s'agir de clarifications ou d'informations supplémentaires dont on a besoin concernant le dossier. L'analyste au dossier détermine alors si des recherches supplémentaires portant sur le dossier sont nécessaires. Le cas échéant, cette recherche peut se faire à l'intérieur du ministère des Affaires indiennes. Autrement, elle peut être faite par des personnes de l'extérieur, ce qui signifie puiser dans une liste de fournisseurs uniques. Cette liste, qu'on établit tous les trois ans, comporte environ 53 fournisseurs uniques. Dans le cadre des contrats, ce sont eux qui font la recherche supplémentaire requise pour le Canada.

    L'étape suivante consiste à faire des recherches supplémentaires sur le dossier de la première nation. Les modalités de recherche sont établies. À la demande de la première nation, celles-ci peuvent être consultées et commentées. L'analyste et le consultant déterminent ensuite les modalités de recherche, puis la recherche est entamée. Cette dernière prend deux à cinq mois environ. Elle est alors remise au ministère des Affaires indiennes.

    Lorsque le ministère se dit satisfait de l'ébauche finale, on fait parvenir celle-ci à la première nation pour qu'elle émette ses commentaires. Lorsque la première nation nous fait part de commentaires minimes, c'est-à-dire qui peuvent être intégrés au rapport historique des Affaires indiennes, nous les y incluons. S'il s'agit de commentaires plus volumineux, le dossier est acheminé tel quel au ministère de la Justice à des fins d'analyse. Les commentaires sont alors ajoutés. Évidemment, la première nation joue un rôle important pour ce qui est de la véracité des faits et de l'achèvement du dossier. C'est la raison pour laquelle on attend ses commentaires.

    L'étape suivante consiste à transmettre le dossier à Justice Canada. On informe la première nation lorsque c'est fait. Pour qu'un dossier soit transmis, il doit comprendre la recherche qui a été soumise par la première nation, de même que toute recherche supplémentaire réalisée par le ministère des Affaires indiennes. Tout cela est remis au ministère de la Justice, qui est chargé de faire une analyse juridique du dossier.

    Lorsqu'une analyse juridique du dossier est effectuée, il arrive que les avocats du ministère de la Justice demandent quelques clarifications, mais uniquement sur des faits. De notre côté, à la recherche, nous transmettons de l'information supplémentaire ou nous demandons à des représentants de la première nation s'ils disposent de renseignements pouvant contribuer à compléter le dossier.

    Une fois que le ministère des Affaires indiennes a reçu l'avis juridique du ministère de la Justice, l'analyste s'assure que cet avis repose sur tous les faits qui ont été précisés dans le dossier. S'il advient que l'analyste ne comprend pas certains aspects ayant fait l'objet d'une analyse de la part du ministère de la Justice, ce dernier donne les explications voulues.

    On procède par la suite à une consultation interne, que ce soit au sein même de la Direction générale des revendications particulières ou auprès d'autres groupes des Affaires indiennes, en l'occurrence les régions, les Services fonciers et fiduciaires, la Direction de la politique sur les traités, et ainsi de suite. Lorsque tout le monde a été consulté, on fait une recommandation officielle relativement au dossier, et celle-ci est transmise au ministre. Celui-ci décide alors si la revendication est acceptée pour des fins de négociation. Par la suite, une rencontre avec la première nation a lieu. Il s'agit de savoir si cette dernière désire discuter de la décision du ministre.

    Voici, sommairement, en quoi consiste la recherche entre le moment où la revendication est soumise jusqu'à celui où le ministre rend sa décision. Merci.

    Merci.

¹  +-(1540)  

[Traduction]

+-

    Le président: Merci, madame Bartolini.

    Nous avons également des représentants du ministère de la Justice, et M. Brassard, qui est ici à titre personnel.

    Madame Duquette ou monsieur Robinson, voulez-vous commencer?

+-

    Mme Sylvia Duquette (avocate générale, Revendications particulières, Portefeuille des affaires autochtones, ministère de la Justice): Oui, j'ai pensé vous donner un bref aperçu du rôle du ministère de la Justice dans le processus des revendications particulières.

    Je suis avocate générale et gestionnaire du service des revendications particulières de l'unité des services juridiques des Affaires indiennes et du Développement du Nord. Je dirige le groupe d'avocats au sein du ministère de la Justice qui sont responsables d'appuyer le programme des revendications particulières du ministère des Affaires indiennes et du Développement du Nord.

    Le rôle du ministère de la Justice dans le processus RED, à titre de conseiller juridique auprès du ministère des Affaires indiennes, consiste à fournir un avis au ministère des Affaires indiennes pour éclairer sa décision sur la négociation de la revendication. Ce qu'on nous demande de faire aux termes de cette politique consiste à conseiller le ministre client et lui dire si nous sommes d'avis que la revendication révèle une obligation légale en souffrance de la part de la Couronne dans l'une des catégories visées par la politique. Par exemple, cela pourrait comprendre les obligations non exécutées découlant des traités, mais pas les revendications en ce qui a trait aux droits et aux titres ancestraux, qui sont traitées dans le cadre des revendications globales.

    Aux termes de cette politique, on nous demande de préparer une évaluation juridique sans tenir compte des délais préjudiciables, des limites ou des règles de preuve rigoureuses. Ce que cela signifie c'est que certaines revendications qui ne seraient pas reçues devant un tribunal seraient néanmoins considérées comme des obligations en souffrance aux termes de la politique.

    En plus de fournir des conseils à notre ministre client sur la question d'une obligation légale en souffrance, nous lui donnons également notre avis sur les principes juridiques qu'un tribunal pourrait à notre avis appliquer pour déterminer l'indemnisation.

    Les conseils que nous donnons au ministre client se limitent à la question de l'obligation légale en souffrance en vertu de la politique. En d'autres termes, le ministère de la Justice ne doit pas recommander la négociation lorsque nous n'avons pas évalué une obligation légale ni recommander que le ministre n'accepte pas de négocier la revendication lorsque nous avons évalué une obligation légale en souffrance en vertu de la politique. Nous mettons donc vraiment l'accent à ce stade sur cette évaluation.

    À partir de nos conseils quant à savoir s'il y a ou non une obligation légale, le ministre des Affaires indiennes décide d'accepter ou non de participer au processus RED et de négocier la revendication.

    Je pense qu'il est important ici de comprendre qu'en vertu de cette politique en particulier — la politique sur les revendications particulières — le ministre des Affaires indiennes doit fonder sa décision de participer ou non au processus de règlement extrajudiciaire des différends sur les conseils qu'il a reçus du ministère de la Justice, à savoir qu'il y a une obligation légale en souffrance en vertu de la politique. C'est ce que prévoit cette politique qui existe depuis 30 ans.

    S'il décide de négocier la revendication, mon groupe apporte également un soutien juridique à la table des négociations. C'est un autre domaine important de notre pratique. Un avocat du ministère de la Justice doit assister aux négociations, étant donné la présence de l'avocat des premières nations. Nous fournissons des conseils à l'équipe fédérale sur les questions juridiques, notamment l'indemnisation, ainsi que sur des questions liées à la rédaction juridique de l'entente entre les parties.

    Lorsque le ministre décide de ne pas négocier la revendication, car nous lui avons dit qu'il n'y avait pas d'obligation légale en vertu de la politique, la première nation peut demander que la revendication soit examinée par la Commission sur les revendications particulières des Indiens. Cette commission est tenue aux termes de la Loi sur les enquêtes de faire enquête sur les raisons pour lesquelles le ministre a décidé de ne pas négocier la revendication.

    Lorsque la première nation renvoie la décision du ministre de ne pas négocier la revendication devant la Commission, les avocats du ministère de la Justice de notre section, comme Perry Robinson, sont chargés de préparer la soumission de la Couronne et de comparaître devant la Commission au nom de la Couronne.

    Si les parties — la première nation et le ministre — n'arrivent pas à résoudre leur revendication avec le processus RED, la seule option qui reste est d'entamer ou de réactiver la procédure et d'obtenir une décision du tribunal quant à la validité de la revendication.

    Je vais vous parler brièvement de nos ressources au ministère de la Justice. Dans notre groupe, nous avons à l'heure actuelle 22 avocats qui travaillent dans notre bureau — 19 à Gatineau et 3 en Colombie-Britannique. Ces avocats s'occupent de toutes les revendications particulières au pays. Ces 22 avocats sont à l'heure actuelle responsables de fournir un soutien juridique aux 85 tables de négociations, aux 35 enquêtes de la Commission sur les revendications particulières des Indiens et un soutien juridique à l'élaboration de la politique par le client des Affaires indiennes et du Nord, et la préparation des conseils juridiques au ministre client sur la question de l'obligation légale en souffrance.

¹  +-(1545)  

    Pour ce qui est de cette dernière partie du travail, soit l'avis sur l'obligation légale, environ 20 avis sont préparés chaque année. La préparation de ces avis demande énormément de travail. Il faut entre deux et cinq mois de travail de la part d'un avocat pour préparer ces avis, et le temps qu'il lui faut dépend naturellement du niveau de complexité.

    Je devrais mentionner qu'il y a sans doute plusieurs facteurs qui contribuent à la complexité de la tâche de l'avocat. L'âge de ces revendications est le facteur le plus important. Les faits que l'avocat doit examiner et qui lui sont fournis par la direction de la recherche peuvent remonter à l'époque qui précède la Confédération.

    Par ailleurs, le droit dans ce domaine est très axé sur les faits, et il est rare que nous ayons une revendication particulière qui reprenne les faits pour lesquels nous avons des décisions. Lorsque nous avons des cas semblables, ou presque semblables, les décisions pertinentes comme telles soulèvent souvent plus de questions qu'elles ne fournissent de réponses. Ce niveau de complexité peut ensuite se multiplier, puisque la plupart des revendications particulières, qui se fondent chacune sur l'histoire particulière de la première nation avec la Couronne, contiennent de nombreuses allégations d'actes répréhensibles de la part de la Couronne ou de promesses non tenues. Manifestement, nous prenons nos responsabilités très à coeur à cet égard et nous tentons d'évaluer chaque revendication avec soin.

    Au sein de notre section du ministère de la Justice, nous avons rationalisé nos processus internes et nous cherchons constamment des façons de produire des avis juridiques dans un délai plus court que les deux à cinq mois qu'il nous faut à l'heure actuelle. Nous avons pratiquement éliminé toutes les étapes bureaucratiques pour ce qui est de transmettre l'avis à notre client et nous travaillons à ces revendications dans l'ordre déterminé par le client du ministère des Affaires indiennes et du Développement du Nord, habituellement selon l'âge, et depuis quand elle a été présentée.

    Les deux à cinq mois que nous passons à préparer un avis relatif à une obligation légale représentent le temps qu'il faut à l'avocat du ministère de la Justice pour examiner la revendication avec diligence. Pour ce qui est des ressources dont nous disposons, elles correspondent plus ou moins à celles dont dispose le ministère des Affaires indiennes. Ce que je veux dire, c'est que bien que le ministère de la Justice fournisse des ressources à même son propre budget, on s'attend à ce que la majeure partie des ressources soient demandées et payées à partir du budget du ministère client responsable du programme. Dans cette situation, notre rôle en réalité consiste à fournir un service au ministère des Affaires indiennes.

    Je m'arrêterai ici.

+-

    Le président: Merci, madame Duquette.

    Monsieur Robinson, avez-vous quelque chose à rajouter aux commentaires de Mme Duquette?

+-

    M. Perry Robinson (avocat-conseil, Revendications particulières, Portefeuille des affaires autochtones, ministère de la Justice): Je vous remercie. J'ai quelques remarques à faire.

    Bonjour. Je m'appelle Perry Robinson. Je suis avocat-conseil et je m'occupe des revendications particulières pour les services juridiques du ministère des Affaires indiennes. Mon travail consiste principalement à aider à coordonner la participation du Canada aux enquêtes publiques effectuées par la Commission sur les revendications particulières des Indiens.

    Les enquêtes, comme le travail de la Commission même, s'effectuent en vertu du pouvoir conféré par un décret du conseil adopté conformément à la Loi sur les enquêtes.

    La Commission, dans le cadre de son mandat, a le pouvoir de faire enquête et rapport sur deux questions: les revendications particulières qui ont été rejetées par le ministre des Affaires indiennes et les différends concernant les critères d'indemnisation. Cependant, au moins 99 p. 100 du travail de la Commission porte sur les revendications rejetées, et pas vraiment sur les critères d'indemnisation.

    En résumé, le Canada doit expliquer devant la Commission les raisons pour lesquelles il refuse d'accepter qu'une revendication particulière fasse l'objet de négociations. Car, comme ma collègue l'a indiqué, l'obligation légale est la pierre angulaire de la politique qui régit les revendications, le rôle central de la Commission consistant bien entendu à déterminer si le Canada a l'obligation légale d'accepter qu'une revendication fasse l'objet de négociations. Essentiellement, le ministère de la Justice représente la position du Canada devant la Commission. Les premières nations sont représentées par leur avocat et la Commission entend les deux parties et publie un rapport.

    Jusqu'à présent, depuis la création de la Commission en 1991, je crois que la Commission a publié environ 38 rapports d'enquête. Elle a également publié un certain nombre de rapports de médiation, mais cela concerne un autre aspect de son travail auquel je ne participe pas vraiment. Pour l'instant, il y a 35 enquêtes en cours. Il s'agit de 35 enquêtes publiques distinctes menées en vertu de la Loi sur les enquêtes. Je crois comprendre qu'en règle générale, sur le plan statistique, sur toutes les revendications présentées à la Direction générale des revendications particulières du ministère des Affaires indiennes, 70 p. 100 d'entre elles sont acceptées. Cela signifie que 30 p. 100 des revendications actuelles sont rejetées. Ces 30 p. 100 comprennent donc les revendications qui peuvent être entendues par la Commission sur les revendications particulières des Indiens. Je crois comprendre qu'au moins 30 p. 100 des 30 p. 100 de revendications rejetées ont fait l'objet d'une demande d'enquête auprès de la Commission.

    Même si la Commission a été décrite comme une instance d'appel, en fait son travail consiste à faire des enquêtes publiques, et les commissaires n'exercent pas de fonctions juridictionnelles et ne rendent donc pas de décisions exécutoires. La Commission publie un rapport qui comporte des recommandations. La Commission contrôle sa propre procédure. Elle établit ses propres délais pour la présentation des observations et le déroulement de l'enquête. L'une de mes responsabilités consiste à m'assurer que le Canada respecte les délais imposés par la Commission.

    Voilà mes observations préliminaires. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

¹  +-(1550)  

+-

    Le président: Je vous remercie, monsieur Robinson.

    Monsieur Brassard, avez-vous une présentation à faire?

[Français]

+-

    Capt Denis Brassard (à titre personnel):

    Bonjour, je n'ai pas préparé de déclaration écrite. On ne m'a averti que vendredi dernier que je pourrais témoigner à ce comité au sujet des revendications particulières.

    N'ayant eu le temps de consulter aucun conseil de bande ou première nation concernant le contenu de ma présentation, c'est à titre personnel que je comparais. Je suis ici pour témoigner de mon expérience en tant que professionnel. Celle-ci représente 25 années de recherche en milieu autochtone, dont 20 années consacrées aux revendications particulières. Je vais aborder trois ou quatre sujets qui, à mon avis, sont importants relativement aux revendications particulières des premières nations.

    Si on me demande quel est présentement le principal problème à l'égard des revendications particulières, je répondrai sans hésiter qu'il s'agit des délais. Les délais encourus jusqu'au moment où le ministère des Affaires indiennes prend position face à une revendication sont vraiment très longs. Si je comprends bien, ces délais sont principalement attribuables au ministère de la Justice, qui doit analyser les revendications. Je crois comprendre que les analyses et les travaux réalisés au ministère ne sont pas en cause ici.

    Je travaille régulièrement dans le domaine des revendications particulières. Or, l'une des premières nations pour lesquelles je réalise des travaux a remporté au mois de septembre un triste championnat, c'est-à-dire celui de la première nation du Québec à avoir attendu le plus longtemps la décision du ministère en réponse à une revendication particulière. Cette revendication avait été soumise en 1995. Depuis lors, pas un mot n'avait été formulé, si ce n'est pour dire que le dossier était entre les mains de Justice Canada et que le ministère des Affaires indiennes devait attendre l'avis juridique de ce ministère avant de prendre position. À la fin de septembre, le ministre a finalement accepté de négocier, mais à l'égard d'une partie seulement de la revendication particulière. Pour ma part, je trouve tout à fait inacceptable qu'on fasse attendre des gens pendant 10 ans.

    La question des délais est le problème numéro un, à mon avis. Si vous me demandez ce qui provoque ces délais à Justice Canada, je vous dirai, selon ce que j'en sais, que c'est un problème de personnel. Ce ministère ne dispose pas des ressources qui permettraient d'analyser ces dossiers plus rapidement. Sauf erreur de ma part, je crois que la situation est pire du côté francophone que du côté anglophone. Toute proportion gardée, je crois que le nombre d'avocats francophones chargés de nos dossiers est moins élevé que du côté anglophone. Je serais curieux de savoir combien d'avocats francophones traitent nos revendications. C'est une donnée que je ne connais pas.

    Le problème numéro deux, selon moi, est le financement. Cette question est toujours soulevée à l'occasion de rencontres annuelles regroupant des directeurs de recherche et d'autres chercheurs qui, partout au Canada, travaillent à des revendications particulières de ce genre. On parle des niveaux de financement qui, au départ, sont insuffisants pour réaliser la recherche relative aux premières nations. Pendant plusieurs années, les budgets ont été bloqués. Dans le cas des premières nations pour lesquelles je travaille, le budget en question est gelé depuis une dizaine d'années. Il n'a pas été augmenté. En général, c'est la situation qui prévaut ailleurs au Canada à l'égard des organisations autochtones. C'est un problème de taille étant donné que tous les coûts augmentent, qu'il s'agisse des conseillers juridiques, de la recherche d'archives ou des coûts de voyage. Tous ces frais ont augmenté au fil des ans, mais les budgets sont restés les mêmes.

¹  +-(1555)  

    Mon troisième point a trait à ce qui se dit lors de nos rencontres avec le ministère des Affaires indiennes. On nous dit souvent que le processus actuel, malgré ses défauts, est préférable à une action en justice. On invoque le fait qu'une poursuite coûte très cher. Or, si on fait le calcul à partir du moment où les revendications sont déposées et celui où elles sont résolues, on en conclut que le processus actuel est aussi long, voire plus long. En moyenne, on peut compter un délai de plusieurs années. Pendant ces années d'attente, les premières nations se demandent souvent si elles n'auraient pas dû aller en cour, ne serait-ce que pour obtenir une décision plus rapide. Quand les premières nations ont recours aux tribunaux, elles n'ont pas à faire face au fameux problème de conflit d'intérêt. C'est par contre le cas du ministère, étant donné qu'il est à la fois juge et partie. Il est également banquier, puisqu'il finance les travaux de recherche et de négociation.

    On nous vante les bienfaits du processus actuel, mais il ne faut pas oublier que la situation relative aux conflits d'intérêt existe encore et qu'elle affecte les revendications particulières. Le ministère laisse souvent entendre, lors de nos rencontres, que le fait d'accepter ces revendications ou d'accepter de les négocier équivaut pour lui à faire une faveur aux premières nations. On a souvent l'impression que le ministère tient à ce que les premières nations perçoivent la situation de cette façon. En revanche, nous voyons cela comme une dette. Ces revendications font partie du passif du Canada. Il s'agit de questions que le Canada devra résoudre un jour ou l'autre.

    L'attitude du Canada n'est pas toujours agréable lors de ces rencontres. Les premières nations sont dépendantes du financement et de la position du ministère concernant l'acceptabilité ou la validité des revendications. Dans le cadre de ce processus, elles sont en fin de compte dépendantes à bien des égards. Il est possible que ce processus soit moins coûteux qu'un recours aux tribunaux. Je suis d'avis, néanmoins, que le ministère a un poids sur les épaules et que sa crédibilité est minée à ce sujet.

    Quand le ministère adopte une position, nous sommes très souvent déçus, particulièrement lorsque nous pensions avoir une revendication solide comme du béton ou que la réponse a été longue à venir. Nous avons l'impression que le ministère adopte une position qui constitue le plus petit dénominateur commun. Il semble que cette position se fonde uniquement sur sa crainte d'être condamné dans le cas où cette affaire l'opposerait aux premières nations devant les tribunaux. Nous avons l'impression que le ministère de la Justice émet une opinion fondée uniquement sur un risque qui est évalué, à savoir que dans une telle situation, le ministère n'aurait pas gain de cause. Nous n'avons pas l'impression que le ministère s'emploie à régler une injustice commise dans le passé. Il semble plutôt vouloir se défaire d'une patate chaude et ce, de la façon la moins coûteuse possible. Nous sommes déçus de la position du ministère, qui tranche dans les principaux arguments avancés par les premières nations. Le Canada ne retient que les arguments les moins coûteux et les plus faciles à concrétiser. C'est là un aspect important, à mon avis.

    Je voulais également parler de la participation des provinces aux négociations. Je pourrais aborder cette question rapidement. Selon mon expérience, il a toujours été très difficile de mener une négociation impliquant une province.

º  +-(1600)  

    En ce qui a trait au Québec, la province a toujours refusé de s'asseoir à une table de négociation où on traitait de revendications particulières, pour la simple et bonne raison que le Québec ne reconnaît pas la politique fédérale des revendications particulières. Cela a toujours été une situation très difficile. Je me souviens d'un cas de revendication particulière préconfédérative. Nous nous sommes rendu compte que, pour le ministère de la Justice ou pour le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, une revendication préconfédérative voulait dire que la province avait des obligations et une part des responsabilités face à cette revendication. Cela nous a toujours beaucoup déçus, parce qu'au départ, cette revendication vise le gouvernement fédéral. Cela n'a rien à voir avec le Québec.

    On aurait dit — et on dirait encore — qu'étant donné qu'il s'agit d'une revendication préconfédérative, le fédéral rejette une partie du blâme sur la province. Cette situation est très difficile.

    Si ce genre de choses se poursuit, j'aimerais faire une suggestion. À l'avenir, le fédéral devrait régler tout ce qui a trait à la revendication avec la première nation — assumant ainsi la responsabilité de la revendication —, pour ensuite se tourner vers la province afin d'obtenir son propre règlement, s'il y a lieu, plutôt que de rejeter une part des responsabilités sur la province et de demander à la première nation de négocier avec elle.

    Je vous remercie.

º  +-(1605)  

[Traduction]

+-

    Le président: Je vous remercie, monsieur Brassard.

    Nous allons entamer notre premier tour de questions en commençant par M. Harrison du Parti conservateur.

    Monsieur Harrison, vous avez la parole.

+-

    M. Jeremy Harrison (Desnethé—Missinippi—Rivière Churchill, PCC): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Je tiens à remercier tous nos témoins d'être ici aujourd'hui. J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt ce que vous avez à dire à propos du processus. Je tiens à remercier M. Brassard d'avoir signalé que ces retards incroyables ont des conséquences réelles pour les premières nations.

    Je sais que ma ville natale de Flying Dust First Nation, qui se trouve à côté de Meadow Lake, a une revendication particulière concernant l'infrastructure d'un chemin de fer. C'est donc sur ces terres, dans cette collectivité, que le développement devrait avoir lieu. Il serait avantageux à la fois pour la ville — les citoyens de Meadow Lake — et la première nation que le développement se concrétise sur les terres de la réserve. Mais étant donné que cette revendication particulière existe depuis plus de 20 ans, cela entraîne une grande incertitude sur le plan économique; par conséquent, le développement a lieu ailleurs. Cela nuit à la collectivité et aux perspectives économiques de la première nation.

    Les délais ont donc des conséquences très réelles pour les premières nations et pour les autres Canadiens.

    Je pense que nous convenons tous que les délais actuels sont trop longs — 10 ans, comme l'a dit M. Brassard à propos d'un cas en particulier. Je sais que le règlement d'autres revendications a pris pratiquement autant de temps ou qu'il y a des revendications qui ne sont toujours pas réglées depuis pratiquement la même période.

    Par ailleurs, nous ne devons pas non plus oublier qu'avant la présentation même de la revendication, la première nation doit faire énormément de recherche, et parfois il faut des années et des années avant que l'on présente même des revendications.

    Donc il s'agit d'un processus qui se déroule sur des décennies plutôt que sur des mois ou même des années. Je considère que cette situation est inacceptable.

    Je poserai donc la question suivante — et Audrey Stewart nous en a parlé à la dernière réunion — quelle est en moyenne la période consacrée à la recherche dans le cadre d'une revendication?

+-

    Mme Nadia Bartolini: Lorsque vous parlez de recherche, est-ce que vous voulez inclure également l'analyse juridique faite par le ministère de la Justice?

+-

    M. Jeremy Harrison: Oui, toute la recherche, depuis le moment où la revendication est présentée jusqu'au moment où l'on accepte de négocier.

+-

    Mme Nadia Bartolini: Il y a plusieurs étapes et en ce qui concerne l'étape de la recherche, nous tâchons de la limiter à un ou deux ans — simplement en ce qui concerne la recherche. Il faut également prévoir une période pour l'examen par la première nation. Je voulais simplement vous indiquer qu'il y a plusieurs étapes afin que vous sachiez que... Parfois, nous ne contrôlons pas ces retards.

    Donc ce serait une période d'un ou deux ans depuis le moment de la présentation jusqu'au moment où la première nation en fait l'examen. Cet examen peut prendre jusqu'à un an, et nous n'avons aucun contrôle là-dessus. Je crois qu'une fois que la revendication est transmise au ministère de la Justice, la difficulté consiste à établir les priorités. Comme Audrey Stewart l'a mentionné, il y a, je crois, 296 revendications qui se trouvent à l'heure actuelle devant le ministère de la Justice. La raison pour laquelle nous nous réunissons toutes les deux semaines avec le ministère de la Justice, c'est pour déterminer les priorités. Je ne peux pas vraiment vous indiquer la période moyenne de traitement de la revendication au ministère de la Justice, mais je crois qu'il est important de tenir compte également des priorités.

    Vouliez-vous ajouter quelque chose?

+-

    Mme Sylvia Duquette: Oui, je voulais ajouter quelque chose, parce que c'est une très bonne question.

    Nous avons parlé des délais, de l'arriéré, et du goulot d'étranglement au ministère de la Justice. J'ai parlé de deux à cinq mois, et j'ai pris la peine de préciser que c'est la période pendant laquelle un avocat s'occupe du dossier. Ce qui se passe, c'est qu'il y a un arriéré, de toute évidence, au début du processus avant que la recherche soit terminée, mais il y a aussi une très longue période d'attente avant qu'un avocat soit libre pour examiner la revendication et en faire l'analyse juridique. Donc le travail proprement dit prend deux à cinq mois, selon la complexité de la revendication. C'est donc la période pendant laquelle l'avocat s'occupe directement du dossier. Mais, pour les raisons que j'ai données plus tôt, il faut beaucoup plus de temps que cela avant qu'un avocat soit disponible, et cela peut prendre jusqu'à cinq ans.

    Ils s'occupent d'une revendication après l'autre, mais comme je l'ai expliqué plus tôt, la charge de travail totale pour les 22 avocats est de 85 négociations, 35 enquêtes, 20 avis à propos de l'obligation légale, et le soutien au client. Donc, pour l'instant, les avocats ne chôment pas. Une fois qu'ils terminent un avis concernant une obligation légale, le ministère des Affaires indiennes leur demande d'en préparer un autre.

    Cette période d'attente peut être effectivement très longue.

º  +-(1610)  

+-

    M. Jeremy Harrison: Il s'agirait essentiellement de cinq à sept ans, sans doute plus près de sept ans, en moyenne, avant qu'une première nation ne soit avisée de la négociation de la part du Canada.

    Vous avez parlé des priorités et de l'établissement des priorités. Comment les choses se déroulent-elles exactement? Comment, au sein du ministère, traite-t-on la liste des priorités pour examen par les avocats?

+-

    Mme Sylvia Duquette: Ce n'est pas le ministère de la Justice qui dresse cette liste. Nous nous fondons sur la définition du client.

+-

    Mme Nadia Bartolini: Pour 70 demandes de revendications en moyenne par année... Chaque nouvelle demande est confiée à un analyste. Ce n'est pas à ce moment-là évidemment que l'on établit les priorités. L'ordre prioritaire est établi quand la recherche est terminée ou que le dossier est confié au ministère de la Justice. Essentiellement, le gouvernement du Canada dresse la liste des priorités en fixant un moyen terme entre la date de la demande de revendication et le souci d'efficacité. Si je dis cela, c'est parce qu'on recherche l'équité. Plus la revendication remonte dans le temps, plus vite elle sera traitée, évidemment, mais il y a également un souci d'efficacité.

    Si je parle d'efficacité, c'est que nous essayons d'accorder une priorité chronologique mais si, par exemple, une revendication plus récente nous parvient ou qu'elle traite d'un élément qui peut aider à analyser un grand nombre d'autres revendications que nous avons entre les mains ou de nouvelles demandes de revendications qui nous parviennent, alors le gouvernement du Canada préfère s'en occuper avant les autres. À partir d'un exemple de revendication analysée par le ministère de la Justice, nous constituons un exemple que nous utilisons pour les autres demandes qui nous sont parvenues.

    Chaque fois que nous établissons un ordre prioritaire, nous le faisons par souci d'équilibre.

+-

    M. Jeremy Harrison: D'accord. J'ai entendu dire qu'il y a actuellement 296 revendications qui sont instruites, pour ainsi dire, à l'heure actuelle. Est-ce que je me trompe?

+-

    Mme Nadia Bartolini: Ça, c'est au ministère de la Justice.

+-

    M. Jeremy Harrison: D'accord. Il y en a 296 au ministère de la Justice.

    Combien d'autres revendications le ministère des Affaires indiennes et du Développement du Nord a-t-il reçues jusqu'à présent?

+-

    Mme Nadia Bartolini: Je ne peux pas vous fournir ce chiffre pour l'instant.

+-

    M. Jeremy Harrison: Combien de revendications sont-elles traitées, réglées, par année, avec avis transmis aux premières nations?

+-

    Mme Nadia Bartolini: À la suite de la dernière séance du comité, je croyais que le ministère devait envoyer un résumé de ces données aux membres du comité si bien que vous y trouverez les renseignements que vous cherchez. Je n'ai pas ces chiffres avec moi maintenant.

+-

    M. Jeremy Harrison: Nous n'avons pas encore reçu ces renseignements. Vous n'êtes en fait pas sûre du nombre de revendications traitées chaque année, ni du nombre des premières nations qui sont avisées d'une éventuelle négociation, n'est-ce pas?

+-

    Mme Nadia Bartolini: Si vous voulez savoir combien de revendications sont retenues pour négociations par le ministre, chaque année, je vous dirai que la moyenne actuellement est de 14 à 18.

+-

    Le président: Il vous reste 15 secondes.

+-

    M. Jeremy Harrison: Le fait est qu'il y a de 14 à 18 revendications traitées chaque année. Vous en recevez 70 par année. Ainsi, le délai s'allonge plutôt qu'il ne raccourcit. Les choses s'aggravent et ne s'améliorent donc pas.

+-

    Le président: Merci, monsieur Harrison.

    Monsieur Cleary, vous avez la parole.

[Français]

+-

    M. Bernard Cleary (Louis-Saint-Laurent, BQ): Il est certain que je ne vivrai pas assez vieux pour voir les résultats de tout cela.

    Je suis Autochtone et j'ai travaillé à titre de négociateur au chapitre des revendications globales, mais aussi dans le cas de revendications particulières. Je vous trouve très optimistes quand vous mentionnez des périodes de temps. Même Mme Bartolini mentionne une période de temps très courte.

    D'ailleurs, j'ai eu le plaisir de travailler avec vous lors de la dernière négociation. Il a fallu presque trois ans de discussions avant de terminer et présenter cela au ministère de la Justice. C'est donc très long. Ces négociations sont très longues, mais elles pourraient être écourtées.

    On a parlé de finances un peu plus tôt. Il s'agit d'argent prêté, et non de subventions. Dans le cas du financement des revendications particulières, il s'agit d'argent prêté à la première nation, qui doit le rendre quand elle obtient une compensation monétaire. Par conséquent, il n'y a pas de raison qu'il n'y ait pas les budgets nécessaires. Je ne comprends pas. Si on voulait vraiment en arriver à des solutions, il faudrait... Sans cela, le processus sera sans fin. À cette vitesse, ce n'est pas possible et cela risque simplement de s'ajouter...

    Vous devriez dire à vos patrons que ce n'est pas possible d'y arriver. Cela ne se peut pas. J'ai très souvent vu, au ministère de la Justice, des personnes s'engager sur le terrain des avocats, qui n'y connaissaient pas grand-chose et qui devaient s'embarquer là-dedans. C'était long, cela n'en finissait plus.

    Il faut qu'il y ait un effort, il faut que cela soit pris au sérieux, et vous avez un rôle à jouer à cet égard. Votre rôle est de conseiller aux gens du ministère, ou des autres instances, de faire en sorte qu'on y consacre les efforts nécessaires.

    Comme le disait aussi M. Brassard, cela me frappe de voir qu'on se préoccupe peu de cela. On s'intéresse peu aux revendications particulières. Du moment qu'on a fait notre demande et qu'ils nous ont accordé un budget pour faire de la recherche, il semble qu'on attende. On fait la recherche, on la présente, on pose trois ou quatre questions, on rajoute des choses, etc. Cela peut durer très longtemps. J'ai vu le Conseil Atikamek-Montagnais consacrer de sept à huit ans à la recherche, non pas parce qu'on a utilisé tout ce temps à faire de la recherche, mais parce qu'on devait répondre à des questions. On recommençait, c'était une roue qui tournait sans arrêt. On ne peut pas dire qu'on se lance là-dedans et qu'on va pouvoir régler cette question dans une période de temps courte et précise.

    Il y a une autre partie qui est extrêmement importante, c'est-à-dire quand on veut négocier. Imaginez le temps que prend l'évaluation d'une compensation quelconque quand on réunit deux groupes d'évaluation différents. J'ai vu une négociation durer trois ans, uniquement pour que les deux entreprises qui avaient fait l'évaluation réussissent à s'entendre entre elles. Le ministère avait engagé son entreprise qui, évidemment, avait fait l'évaluation la plus basse possible. Nous avions engagé la nôtre, qui avait fait l'évaluation la plus haute possible. Il y a eu une discussion et une négociation sur l'évaluation.

    Pour ma part, j'avais réglé ce problème, parce que nous nous entendions sur le choix d'une organisation qui faisait l'évaluation; on s'entendait sur les critères.

    Beaucoup de choses seraient donc facilement réalisables si on faisait une analyse sérieuse du processus qui ferait en sorte que les groupes autochtones obtiennent des résultats au préalable.

    N'oubliez pas que s'ils veulent obtenir des résultats, c'est parce que cet argent sera utile. Si une négociation risque d'aboutir à une compensation monétaire d'un million de dollars et que l'on obtient ce montant immédiatement au lieu d'attendre 10 ans, c'est beaucoup mieux.

    Ma question s'adresse à tous. Avez-vous des rencontres régulières, pour évaluer le processus, avec les groupes autochtones et les fonctionnaires?

º  +-(1615)  

[Traduction]

+-

    Le président: Nous avons un temps limite pour chaque intervenant. Que vos réponses soient donc courtes, surtout si vous voulez tous répondre, car il nous faut progresser.

º  +-(1620)  

[Français]

+-

    Mme Nadia Bartolini: Je vais répondre à la question de M. Cleary.

    J'aimerais d'abord clarifier certaines choses. Premièrement, il est vrai que lors des négociations, on prête de l'argent aux premières nations. Toutefois, en ce qui a trait à la recherche, il s'agit de contributions. L'argent est donné aux premières nations. Je voulais simplement préciser cela.

    Deuxièmement, les délais que je propose concernent des revendications assez courantes. Il s'agit d'un sujet très précis et d'allégations précises qui correspondent à notre politique.

    Quand une revendication est un peu plus complexe — certains éléments ont trait à des revendications globales et certains autres à des revendications particulières —, le ministère peut prendre un peu plus de temps pour évaluer la revendication.

    Pour répondre à votre question, comme Denis Brassard l'avait mentionné, on a des rencontres annuelles avec les organismes représentant les premières nations, les organismes autochtones, portant sur la recherche. Ils nous soumettent souvent des suggestions pour améliorer le processus, et nous faisons la même chose à l'interne aussi.

    Je crois que nous avons présentement l'occasion idéale de réexaminer notre politique, qui date de 30 ans. On le fait présentement. Je crois qu'Audrey Stewart l'a mentionné lors de sa première rencontre ici: nous sommes tous d'accord pour utiliser un processus de réingénierie afin d'essayer de limiter les délais, qui sont assez longs présentement.

    La réponse à votre question est oui.

[Traduction]

+-

    Le président: Y a-t-il encore un témoin qui voudrait ajouter quelque chose, très brièvement, à cette réponse?

+-

    Mme Sylvia Duquette: Je pense qu'on a dit l'importance qu'on y attachait par exemple au ministère de la Justice et bien évidemment, nous sommes prêts à appuyer ce programme.

    Manifestement, il ne nous appartient pas de décider de la répartition des ressources entre les divers programmes. Ce genre de décisions relèvent d'un niveau politique plus élevé.

    Je ne voudrais pas que vous en concluiez que nous ne prenons pas notre travail au sérieux. Le ministère de la Justice est tout à fait conscient de la validité, si l'on veut, de ces revendications ou encore de leur bien-fondé car, par le passé, nous avons déterminé dans au moins 70 p. 100 des cas qu'il y avait une obligation légale dont on devait s'acquitter. Il se peut que cela ne soit pas validé par un tribunal pour les raisons que j'ai données tout à l'heure, à savoir la péremption et la prescription — mais nous en sommes parfaitement conscients.

[Français]

+-

    Capt Denis Brassard:

    Je voudrais simplement poser de nouveau la question que j'ai formulée un peu plus tôt. Combien d'avocats francophones travaillent à des revendications particulières?

+-

    Mme Sylvia Duquette: J'ai fait le calcul et quatre avocats francophones s'occupent de revendications particulières en ce moment. C'est peut-être à cause des priorités actuelles, mais nous avons moins de dossiers du Québec que d'autres régions du pays. Les avocats francophones demandent qu'on leur confie des dossiers. Comme Mme Bartolini l'a expliqué, un système détermine les priorités en se basant sur la date à laquelle la revendication a été faite, etc.

º  +-(1625)  

[Traduction]

+-

    Le président: Merci, madame Duquette.

    Monsieur Valley.

+-

    M. Roger Valley (Kenora, Lib.): Merci.

    J'ai un certain nombre de courtes questions que j'adresse tout d'abord à Mme Bartolini.

    On vous a demandé de donner une moyenne de temps. Vous avez fourni une très bonne réponse, mais vous avez dit que vous n'aviez pas cette moyenne. Toutefois, c'est une chose que nous aimerions savoir. Vous devez savoir combien de revendications vous sont soumises. Je sais que les retards sont explicables. Vous avez fourni de très bonnes explications. Mais j'aimerais que vous répondiez à cette question dans les plus brefs délais.

    Je me demande. Sachant que vous êtes saisis de 70 nouveaux cas par année, quelle réponse pouvez-vous fournir à ceux qui soumettent leur revendication cette semaine ou qui l'ont fait la semaine dernière quand vous savez qu'à ce rythme, il vous faudra très longtemps avant de pouvoir vous en occuper? Quel genre de réponse le ministère fournit-il pour les encourager en quelque sorte malgré cette longue période d'attente?

+-

    Mme Nadia Bartolini: Je pense que chaque première nation sait qu'actuellement les choses prennent beaucoup de temps. La plupart d'entre elles, avec lesquelles nous discutons de concert avec les analystes concernés, m'ont avisée qu'elles avaient la satisfaction de savoir que quelqu'un au ministère instruisait leur demande. Il y a donc un dialogue au départ.

    Nous sommes ici aujourd'hui pour discuter des recherches: les preuves qu'on nous fournit sont capitales. Tout doit être fondé sur une obligation légale et nous devons nous assurer de l'existence de toutes les preuves à l'appui.

    Les premières nations comprennent cela. À mon avis, dans les premiers mois ou pendant la première année, au moment où nous faisons les recherches, la communication est plutôt bonne avec les premières nations. Elles savent qu'il faut passer par cette étape. Elles ont plus de mal à accepter le long terme. Elles trouvent cela très frustrant et on nous appelle couramment à cet égard.

+-

    M. Roger Valley: Mme Duquette a dit que 22 avocats d'un bout à l'autre du pays travaillaient à ces dossiers. Combien y a-t-il d'attachés de recherche à votre ministère pour garantir qu'une fois que vous recevez une revendication d'une circonscription donnée, ses auteurs puissent raisonnablement attendre une réponse? Vous avez dit que les choses allaient vite pendant les premiers mois. De quelles ressources disposez-vous pour faire avancer cette première étape?

+-

    Mme Nadia Bartolini: Actuellement, nous avons 19 employés à temps plein à l'échelle du pays, qui sont assignés au service de la recherche.

+-

    M. Roger Valley: Ils ne sont pas tous avocats, n'est-ce pas?

+-

    Mme Nadia Bartolini: Non, nous n'avons pas d'avocats. Quinze d'entre eux sont en fait des analystes. Il y a donc 15 employés à temps plein dont la charge de travail est une grande quantité de revendications. C'est lourd.

+-

    M. Roger Valley: Madame Duquette, sur une note plus légère, j'allais dire que le problème de votre bureau est la présence de 22 avocats car je ne cesse de taquiner mes collègues sur le nombre d'avocats que nous avons ici.

    Vous avez signalé certaines choses auxquelles je dois revenir car je ne suis pas sûr d'avoir bien compris. Vous avez parlé de l'obligation légale dont doit s'acquitter votre ministère et vous avez évoqué les obligations en vertu des traités qui n'ont pas été exécutées. De quoi s'agit-il du point de vue du ministère? Pouvez-vous nous donner un exemple d'un empêchement éventuel qui pourrait retarder un règlement?

+-

    Mme Sylvia Duquette: Bien sûr, et Perry pourra compléter ma réponse au besoin.

    Il arrive que des terres et des terres de réserve aient été promises en vertu de traités historiques. Si les terres n'ont pas été données ou que le traité n'a pas été respecté et qu'aucune terre — ou seulement une partie des terres promises — n'a été donnée, les premières nations présentent donc une revendication en vue d'obtenir ce qui leur avait été promis.

    Les traités prévoient parfois aussi d'autres types d'avantages, comme des avantages de nature agricole. Dans certains traités, on a promis de fournir aux premières nations des instruments aratoires devant leur permettre de s'adonner à l'exploitation agricole, mais ces instruments ne leur sont jamais parvenus. Nous appliquons donc la loi pour déterminer si l'obligation est toujours maintenue et si l'avantage doit être actualisé, conformément à la jurisprudence.

+-

    M. Perry Robinson: Les dispositions sur les avantages agricoles des traités numérotés conclus d'un océan à l'autre constituent une nouveauté très intéressante. Le Canada a d'ailleurs accepté plusieurs de ces revendications, et nous sommes actuellement à les négocier.

+-

    M. Roger Valley: La compétence des provinces et des municipalités s'appliquerait-elle dans certains des cas que vous avez mentionnés? Est-ce ce qui expliquerait que certains d'entre eux traînent en longueur?

+-

    Mme Sylvia Duquette: Perry voudra peut-être là aussi compléter ma réponse: dans le cas des revendications en vertu des traités, c'est évidemment la Couronne qui a des obligations à l'égard des premières nations. Dans les cas où des terres seront cédées dans le cadre d'un règlement de revendication, les provinces ont tendance à prendre part à la démarche. Comme il s'agit souvent de terres qui se trouvent sur le territoire d'une province, on parle évidemment de coopération entre les deux paliers.

    Il existe d'autres types de revendications dans lesquelles les provinces ont évidemment un intérêt beaucoup plus direct, mais je ne sais pas si vous voulez que je vous en parle ou non.

º  +-(1630)  

+-

    M. Roger Valley: Bien sûr.

+-

    Mme Sylvia Duquette: Je vais revenir également à une chose qu'a dite M. Brassard, à savoir là où réside la responsabilité.

    Les articles 111 et 112 contiennent évidemment des dispositions d'ordre constitutionnel. L'un des problèmes, c'est que la propriété en question a été dévolue aux provinces au moment de la Confédération. Les provinces ont donc assumé certaines compétences et responsabilités, et le fédéral en a assumé d'autres. Les articles 111 et 112 de la Constitution établissent qui est responsable et qui doit indemniser. À vrai dire, il n'y a eu aucun arrêté portant sur ce genre de question depuis quelques années à peine après la Confédération. Mais c'est justement un des enjeux dans l'un des cas actuellement en litige, à savoir dans l'affaire Whitesand en Ontario, grâce à laquelle nous pourrons y voir un peu plus clair.

+-

    M. Roger Valley: Vous avez dit que votre ministère émettait une vingtaine d'avis juridiques par année, et qu'il vous fallait de deux à cinq mois entre le moment où vous intervenez directement et le moment où tout est en place pour que vous puissiez prendre une décision. Au cours des dernières années, la situation s'est-elle améliorée ou a-t-elle empiré?

+-

    Mme Sylvia Duquette: Laissez-moi d'abord apporter une précision là-dessus... Croyez-le ou non, la situation s'est améliorée. Nous avons fait notre travail seuls, dans la mesure du possible. Nous avons procédé à une simplification de nos procédures à l'interne, c'est-à-dire au ministère de la Justice, et nous avons également demandé l'aide de nos clients pour simplifier de façon collective l'interface entre les deux ministères pour qu'il n'y ait pas chevauchement, et pour que nous ne réinventions pas la roue, ce qui ralentit considérablement l'étude des revendications.

    Pardon, mais j'ai oublié la question.

+-

    M. Roger Valley: Moi aussi.

    Vous avez dit que la situation s'était améliorée, et n'avait donc pas empiré, en vous basant sur la vingtaine d'avis que vous émettez par année; vous avez également dit que l'on peut s'attendre chaque année à ce que le nombre d'avis que doit émettre votre ministère augmente.

+-

    Mme Sylvia Duquette: Oui.

    Je voulais préciser ce que j'ai dit à propos du temps de travail. Il s'agit du temps que l'avocat consacre à certaines réalisations avec le dossier jusqu'à la préparation et à la remise de son avis au client. Cela représente entre deux et cinq mois de travail à plein temps.

    Si vous voulez tout revoir en profondeur, le cycle est beaucoup plus long. Comme je l'ai dit, il y a un délai avant qu'un avocat soit disponible pour prendre le dossier, l'examiner, l'analyser car le travail est réparti entre 22 personnes.

+-

    Le président: Merci, madame Duquette.

    Nous commençons maintenant le deuxième tour avec M. Harrison.

+-

    M. Jeremy Harrison: Merci, monsieur le président.

    Je ne cesse d'être exaspéré par la vitesse à laquelle le gouvernement travaille ici — ou plutôt ne travaille pas, pour être plus juste. Par exemple, et on en parlait tout à l'heure, lorsque Preston Manning est arrivé ici en 1993, il a essayé de faire changer les pichets d'eau. Il y a un mois à peu près, on a reçu les nouveaux. Il a fallu 13 ans pour changer les pichets d'eau aux séances des comités. Voilà un exemple de la vitesse à laquelle les choses se font.

    Une voix: Mais c'est la même eau.

    M. Jeremy Harrison: La même eau? Je ne sais pas.

    Ma question s'adresse à ceux qui travaillent ici chaque jour aux recherches concernant les revendications particulières. Quelles seraient vos recommandations sur la manière d'accélérer les choses? Soyez honnêtes.

+-

    Mme Nadia Bartolini: Ce que je peux dire — et j'essaie d'éviter les avis personnels — c'est que je pense que tous ceux qui font de la recherche vont dans le même sens, surtout actuellement dans notre secteur. Un des principaux facteurs de retard, c'est que les revendications sont traitées une à une. Ce n'est pas une mauvaise chose en soi parce que beaucoup de revendications sont uniques en leur genre, mais beaucoup ont des éléments en commun et c'est de cela que l'on veut de plus en plus discuter avec le ministère de la Justice afin de voir s'il n'y a pas des travaux de recherche générale sur des questions en particulier.

    S'il y a des travaux de recherche de type général sur un sujet en particulier, je vous donne l'exemple très général des lieues et des milles dans les traités Robinson-Huron et Robinson-Supérieur en Ontario — le Canada peut examiner avec les premières nations ce que chacune d'elles a présenté comme élément de preuve. Nous pouvons aussi trouver d'autres éléments de manière à bien comprendre les faits relatifs aux lieues et aux milles. Si nous concluons qu'il s'agit du noeud du litige, peut-être alors — et on en discute à l'interne  — le ministère de la Justice peut-il examiner la question pour en discuter ensuite avec chacune des premières nations.

    C'est une formule à laquelle nous songeons de plus en plus vu le nombre immense de revendications. Nous essayons de les regrouper pour que le ministère de la Justice examine des questions de ce genre.

º  +-(1635)  

+-

    M. Jeremy Harrison: Un des témoins a dit que l'un des problèmes c'est que la loi elle-même n'est pas aussi claire qu'elle pourrait l'être sur un certain nombre de points relatifs à ces revendications. Quand j'étais à la Faculté de droit, j'ai étudié certaines de ces affaires en détail, surtout en ce qui concerne le talus des chemins de fer. En l'absence de jurisprudence claire, comment vous y prenez-vous? Comment les ministères tranchent-ils?

+-

    Mme Sylvia Duquette: Il n'est pas rare pour un avocat de ne pas disposer d'affaires parfaitement pertinentes. Nous avons alors recours à des analogies. Nous établissons des corrélations à partir de précédents et de principes et nous essayons de les appliquer. Dans certains cas, nous nous inspirons des indications de la cour quant au côté vers lequel elle penchera en l'absence d'une affaire tranchée. Par exemple, la décision Marshall est arrivé à un moment donné mais Badger avait peut-être déjà donné une idée du côté où Marshall pencherait, de sorte que nous avons pu donner certains conseils. Parfois, c'est extrêmement difficile. Dans d'autres domaines, c'est plus facile parce que la jurisprudence est plus ferme.

+-

    M. Jeremy Harrison: Cela nous ramène à la question du conflit d'intérêts, où le gouvernement fédéral est à la fois juge et partie.

    J'aimerais maintenant passer à autre chose. Il s'agit de la sous-traitance de certains travaux de recherche. Pourriez-vous nous en dire un peu plus?

+-

    Mme Nadia Bartolini: Volontiers. Quand nous faisons appel à des sous-traitants, la section des revendications particulières prépare ce que l'on appelle une demande de propositions. Cela se fait en collaboration avec le service de passation des marchés du ministère. Le document définit le mandat de la recherche et de l'analyse et est inscrit au MERX, le système d'appels d'offres des marchés publics du gouvernement fédéral, des provinces et des municipalités. Cette demande définit exactement quels travaux de recherche et d'analyse nous souhaitons. Une fois les soumissions reçues, la section des revendications particulières examine leur teneur et leurs coûts. Nous décidons ensuite si les soumissionnaires seront retenus.

    Je ne veux pas trop m'attarder sur les détails, mais cette année nous avons un total de 51 soumissionnaires sur 61 qui ont été retenus sur la liste non autochtone. Sur la liste autochtone, quatre soumissionnaires se sont présentés et nous en avons retenu deux.

º  +-(1640)  

+-

    Le président: Merci, madame Bartolini.

    Monsieur Smith.

[Français]

+-

    M. David Smith (Pontiac, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Ma première question s'adresse à Mme Bartolini. Vous dites que vous faites la recherche pour les dossiers et que vous savez plus ou moins combien il reste de dossiers à votre ministère. Vous dites aussi qu'environ 70 demandes sont déposées chaque année.

    Normalement, ces 70 dossiers sont-ils revus au cours de l'année, ou parlons-nous plutôt de six mois? Avez-vous une idée approximative du temps que demande l'analyse de l'ensemble de ces dossiers?

+-

    Mme Nadia Bartolini: Oui. Généralement, cela prend entre un ou deux ans, mais plutôt un an. Par contre, en ce moment, la recherche demande entre un et deux ans, car il y a plusieurs revendications.

+-

    M. David Smith: Donc, une fois que le dossier est analysé, vous demandez à ce moment-là au ministère de la Justice d'analyser votre recherche, n'est-ce pas?

    D'autre part, si je comprends bien, les fonds du ministère de la Justice sont prêtés aux premières nations. Une fois que les premières nations sont arrivées à une entente avec le ministère ou le gouvernement, on garde le montant d'argent investi pour les frais juridiques. C'est bien cela?

+-

    Mme Nadia Bartolini: Je ne sais pas si vous parlez des fonds...

+-

    M. David Smith: Prenons, par exemple, les revendications territoriales.

+-

    Mme Nadia Bartolini: Oui.

+-

    M. David Smith: Un montant d'argent est établi une fois l'exercice complété.

+-

    Mme Nadia Bartolini: Oui.

+-

    M. David Smith: Il y a eu des coûts de recherche. Ce ne sont pas les premières nations qui défraient ces coûts, n'est-ce pas?

+-

    Mme Nadia Bartolini: Il y a deux processus: les contributions aux fins de recherche pour les premières nations, et les prêts.

    Comme M. Cleary le disait, ce sont des frais pour l'ensemble de la négociation de la première nation, et seulement pour la négociation.

+-

    M. David Smith: Ce que je retiens de tout cela, c'est que près de 300 dossiers sont actuellement au ministère de la Justice.

+-

    Mme Nadia Bartolini: Oui.

+-

    M. David Smith: Il s'agit de 296 dossiers, pour être précis.

+-

    Mme Nadia Bartolini: Oui.

º  +-(1645)  

+-

    M. David Smith: Plusieurs personnes qui vivent dans ces réserves auront le temps de mourir avant que ces dossiers ne soient réglés. Notre objectif aujourd'hui est de trouver, collectivement, des pistes pour accélérer ce processus.

    Vous avez parlé plus tôt de regrouper certaines revendications pour trouver des solutions. C'est déjà une piste. Je suis député du comté de Pontiac. Il y a deux réserves dans mon comté dont l'une, qui s'appelle Kitigan Zibi, a une trentaine de revendications territoriales. On envisage la possibilité de les regrouper. Je le souhaite à cette collectivité puisque cela pourrait se régler plus rapidement que si on les étudiait une à une.

    Ce qui m'inquiète, c'est qu'il en reste 300 au ministère de la Justice. Je sais qu'il n'y a que 22 avocats, mais des gens souffrent beaucoup dans les réserves des premières nations. Il faut donc trouver des solutions qui leur permettraient, une fois leur revendication territoriale complétée, de passer à une autre étape de leur vie et d'améliorer la vie collective de leur communauté.

    Je suis convaincu que c'est aussi un de vos objectifs. Lorsqu'on fait un métier comme le vôtre, on tente d'apporter des correctifs appropriés pour l'ensemble de la collectivité.

    Envisagez-vous d'autres moyens?

    Je reviens à la question des fonds et de l'argent. Si les fonds sont des prêts aux premières nations, qu'est-ce qui empêche le ministère de la Justice d'accélérer le processus en ayant recours à des ressources externes pour analyser les 300 dossiers restants? Voyez-vous où je veux en venir?

+-

    Mme Nadia Bartolini: La question des fonds me pose un problème. L'autre partie de votre question suggère que le ministère de la Justice pourrait engager des agents externes...

+-

    M. David Smith: Vous êtes le client du ministère de la Justice, n'est-ce pas?

+-

    Mme Nadia Bartolini: Oui.

+-

    M. David Smith: Lorsqu'il y a des frais liés à une revendication — disons 10 000 $ — qui les défraie? Est-ce votre ministère, ou la collectivité?

+-

    Mme Nadia Bartolini: C'est le ministère.

+-

    M. David Smith: Votre ministère aura donc à défrayer les coûts des 300 prochaines analyses. Est-ce bien ça?

+-

    Mme Sylvia Duquette: Les avocats qui sont embauchés pour ce programme sont payés à même le budget du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. C'est ce ministère qui décide du nombre d'avocats affectés aux revendications particulières ou aux revendications en général.

+-

    M. David Smith: Je comprends cela, mais vous avez parlez plus tôt...

[Traduction]

+-

    Le président: Merci, monsieur Smith.

    Monsieur Brassard, je sais que vous aviez la main levée mais je pense que nous aurons assez de temps pour que chacun d'entre nous puisse prendre la parole pendant une ou deux minutes à la fin. Vous aurez votre chance dans quelques instants.

    Monsieur Ménard.

[Français]

+-

    M. Serge Ménard (Marc-Aurèle-Fortin, BQ): Je viens de prendre connaissance du dossier des affaires autochtones en général. Malgré toute votre gentillesse et votre présentation remarquable — vous êtes vraiment toutes les deux bien gentilles —, je suis scandalisé. J'ai l'impression que n'importe quel membre du public serait scandalisé par ce que l'on apprend au sujet des délais et du travail qui se fait.

    Je suis moi-même avocat, madame Duquette, et vous êtes avocate. Avez-vous une idée du nombre de causes que la Cour suprême du Canada traite chaque année? Me direz-vous que vos 22 avocats ne peuvent pas travailler aussi fort? La Loi sur les Indiens est-elle tellement plus complexe que le travail des juges de la Cour suprême? À ce que je sache, ces derniers rendent pas mal plus que 70 jugements par année, et ils les étudient tous les neuf ensemble.

    Je trouve incroyable que des avocats spécialistes mettent de deux à cinq mois pour donner une opinion. L'idée de regrouper les causes qui se ressemblent aurait dû vous venir depuis longtemps, compte tenu des délais que vous avez.

    Madame Duquette, depuis combien de temps êtes-vous responsable de ce service?

+-

    Mme Sylvia Duquette: Depuis deux ans.

+-

    M. Serge Ménard: Vous êtes-vous plainte du fait qu'il vous manquait d'avocats de façon abominable?

+-

    Mme Sylvia Duquette: Oui.

+-

    M. Serge Ménard: À qui vous êtes-vous plainte, et quelle réponse avez-vous obtenue?

+-

    Mme Sylvia Duquette: Comme je l'ai dit un peu plus tôt, la répartition des ressources ne relève pas de moi. C'est une décision d'ordre politique, au même titre que les ressources et les budgets: où investira-t-on l'argent? comment répartira-t-on les ressources entre les différents programmes? Je pourrais vous dire que je me tiens au courant. Personne ne pourra gérer un programme où il y a un tel retard. Qui n'aimerait pas ne pas avoir de retard et avoir les moyens de répondre efficacement aux revendications importantes? Mais je dois respecter le fait que mon programme n'est pas le seul à être géré par le gouvernement ou par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien.

+-

    M. Serge Ménard: Madame Duquette, d'après vous, qui devrions-nous convoquer pour lui demander quand il va affecter les ressources requises pour régler ce genre de problème? Cela vous aidera peut-être de lui dire qu'en plus, cela vient d'un méchant séparatiste, quoique je sois souverainiste, et non séparatiste; vous comprendrez la différence un jour. Vous pourriez lui dire qu'une des choses qui me scandalisent est que le gouvernement fédéral a toujours de l'argent pour empiéter sur les compétences provinciales et qu'il n'en n'a pas pour s'occuper de ses propres compétences. Comment se fait-il qu'il y ait chaque année des surplus de l'ordre de plusieurs milliards de dollars?

    Selon vous, madame Duquette, quel montant supplémentaire faudrait-il pour...

º  +-(1650)  

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur Ménard, si vous demandez au témoin de justifier les excédents, il est évident que cela n'est pas de notre ressort. Vous voudrez sans doute poser au témoin une question pertinente.

[Français]

+-

    M. Serge Ménard: Vous avez raison, mais c'était pour l'aider à poser sa question. J'arrivais justement à la question pertinente. De combien d'argent auriez-vous besoin pour avoir suffisamment d'avocats pour éponger vos retards en deux ans? En avez-vous une idée?

+-

    Mme Sylvia Duquette: Oui, mais d'abord, j'aimerais m'expliquer. Ce n'est pas que je ne veuille pas répondre à vos questions, monsieur, mais vous devez comprendre que le rôle d'un fonctionnaire n'est pas de justifier les décisions d'ordre politique.

    En réponse à votre question, oui, j'en ai une idée, parce que je sais le travail que cela impliquerait.

[Traduction]

    Peut-être vaut-il mieux que je m'exprime en anglais.

    À raison de 70 revendications par an, si cela continue, pour préparer les avis destinés au ministre des Affaires indiennes comme la loi l'exige; pour appuyer toutes les négociations, ou 70 p. 100 d'entre elles, si l'on se fie au taux historique de ces revendications; se présenter devant les commissions d'enquête, etc., pour les revendications qui ne sont pas acceptées par le ministre pour faire l'objet de négociations, il faudrait entre 50 et 60 avocats. C'était, je crois, à l'origine, le nombre d'avocats prévu pour ce programme mais il y a eu des suppressions au fil des années.

+-

    M. Serge Ménard: Avez-vous dit 15 ou 50?

+-

    Mme Sylvia Duquette: Il en faudrait entre 50 et 60 pour faire tout ce travail; je ne parle pas de 50 ou 60 pour préparer les avis sur les obligations légales.

+-

    Le président: Merci, madame Duquette.

    Madame Karetak-Lindell.

+-

    Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.): Merci, monsieur le président.

    J'aimerais avoir des précisions sur les affaires antérieures à la Confédération. On en a parlé un peu et vous avez dit qu'à votre avis certaines d'entre elles relèvent des provinces.

    M. Brassard a dit qu'il aimerait que ce soit le gouvernement fédéral qui s'en charge au complet. Ai-je bien compris? Le gouvernement fédéral négocierait ensuite avec les provinces la question de la compétence provinciale? J'aimerais avoir des éclaircissements sur certaines de ces affaires antérieures à la Confédération et aussi savoir si vous estimez que c'est la solution pour ce genre d'affaires.

+-

    Mme Sylvia Duquette: Il ne fait pas l'ombre d'un doute que, sans même connaître notre avis juridique sur la question, il vous serait utile de connaître les sujets au coeur du débat. Je le comprends fort bien.

    Ainsi par exemple, pourquoi le gouvernement fédéral n'irait-il pas de l'avant et ne négocierait-il et ne réglerait-il pas la revendication, quitte à demander ensuite une indemnité de la part de la province, dans le cas où cette dernière aurait une responsabilité quelconque? J'ai déjà parlé de la cause Whitesand, où les positions sont connues du public, mais en l'occurrence, on doit se demander si l'on serait effectivement indemnisé par la province si on en arrivait à un règlement. En effet, lorsqu'on demande un dédommagement d'un tiers, en règle générale, il faut défendre sa cause avec grande énergie pour obtenir une autre indemnisation.

    Par conséquent, une des questions juridiques à se poser ici, et à laquelle il n'y a pas encore de réponse, c'est la question de savoir s'il convient d'enclencher le processus de règlement puis de s'adresser à la province, sans avoir préalablement énergiquement défendu sa cause, car cela empêcherait tout probablement que le gouvernement fédéral demande un dédommagement de la province.

    C'est là un exemple parmi d'autres des questions juridiques qu'il faudra étudier. Elles sont peut-être moins simples qu'elles en ont l'air.

º  +-(1655)  

+-

    Mme Nancy Karetak-Lindell: À mon avis, cela tient en partie au fait que dans bon nombre de ces causes, où l'on va sans doute contester une loi en vigueur devant la Cour suprême, on est en terrain inconnu. On se saisit de questions qui n'ont jamais été traitées, tout au moins selon les premières nations. Cela explique une partie des difficultés.

    J'aimerais maintenant revenir à un sujet soulevé lors de la dernière réunion, celle de jeudi, je crois. On y a parlé de lignes directrices régissant l'ensemble minimal de revendications et de renseignements à soumettre au ministère des Affaires indiennes et du Nord. Lorsqu'on parle de rencontres mettant en présence les diverses parties, qu'il s'agisse du ministère de la Justice ou de celui des Affaires indiennes et du Nord ou encore des premières nations, allez-vous opter pour des lignes directrices exigeant un dossier complet afin que cela abrège la durée du processus du règlement? De plus, qui définit ces lignes directrices?J'aimerais aussi donner l'occasion à M. Brassard d'en parler, si le temps nous le permet. Je n'ignore pas que vous n'avez guère eu le temps de discuter de la possibilité pour le gouvernement fédéral d'assumer l'intégralité du dossier. Il y a deux questions là-dedans.

+-

    Mme Nadia Bartolini: Lors des réunions annuelles que nous avons évoquées, il est effectivement question de ce que le gouvernement aime recevoir en fait de demande, car vous n'ignorez pas qu'en règle générale, nous soumettons deux choses au ministère de la Justice: la demande des premières nations et les recherches supplémentaires effectuées par le gouvernement du Canada. Quant à nos lignes directrices fondamentales, elles sont affichées dans le site Internet afin que toutes les premières nations y aient accès. Cela dit, si ces dernières ont des demandes précises, ou veulent nous rencontrer, ou encore discuter au téléphone, nous sommes toujours disponibles. À l'heure actuelle, nous sommes en train de revoir nos lignes directrices écrites, afin de les préciser. Toutefois, je le répète, l'essentiel est affiché dans le site Internet et accessible à tous.

[Français]

    Monsieur Brassard, vouliez-vous ajouter quelque chose?

+-

    Capt Denis Brassard:

    Je voudrais faire deux remarques. D'abord, le regroupement des dossiers de revendication se fait depuis plusieurs années, ce n'est pas nouveau. À mon avis, cela ne facilitera ni n'augmentera l'efficacité du processus actuel. Ensuite, si le ministère craint d'avoir du mal à négocier avec une province après en être arrivé à un règlement avec la première nation, imaginez comme la première nation peut craindre de négocier elle-même avec une province, sans l'aide du fédéral et avec très peu d'appuis, d'autant plus qu'il n'y a aucune politique pour régler ces revendications au niveau provincial.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci, madame Karetak-Lindell.

    Monsieur Harrison.

+-

    M. Jeremy Harrison: Monsieur le président, on a déjà répondu à mes questions.

+-

    Le président: Est-ce que quelqu'un d'autre du parti gouvernemental souhaite intervenir?

    Monsieur Eyking.

+-

    L'hon. Mark Eyking (Sydney—Victoria, Lib.): Oui, monsieur le président.

    C'est la première fois que j'assiste à une réunion de ce comité, mais ma circonscription compte trois collectivités autochtones. La plus nombreuse est celle d'Eskasoni, la plus grande collectivité mi'kmaq de la région de l'Atlantique. Je suis sûr que certaines de ses revendications figurent sur la liste que nous avons dressée en Nouvelle-Écosse.

    En guise de question, j'aimerais qu'on compare notre situation à celle d'autres pays faisant face à des revendications de la part d'Autochtones, comme l'Australie ou peut-être la Nouvelle-Zélande, par exemple. Je crois savoir que les Autochtones de la Nouvelle-Zélande, peut-être parce qu'ils forment une forte proportion de la population là-bas, obtiennent beaucoup plus rapidement le règlement de leurs revendications que chez nous. Êtes-vous au courant de cela? Pouvez-vous nous en parler? Le système là-bas est-il différent du nôtre ou simplement meilleur?

»  +-(1700)  

+-

    Mme Sylvia Duquette: Le système là-bas est certainement différent du nôtre. Je me contenterai de rappeler qu'en Nouvelle-Zélande, il n'y a qu'un groupe d'Autochtones, les Maoris, ce qui crée une certaine homogénéité. Je ne suis pas en mesure d'en dire davantage.

+-

    Mme Nadia Bartolini: Sur le même sujet, moi non plus.

+-

    L'hon. Mark Eyking: Par ailleurs, dans notre pays, les revendications autochtones durent depuis assez longtemps, à mon avis, depuis près de 200 ans... or, quand le processus juridique a-t-il commencé? Est-ce il y a 100 ans, ou est-ce qu'un jour, un membre du gouvernement a tout simplement décidé que les Autochtones allaient recevoir telle ou telle chose ou non, ou y a-t-il toujours eu un processus juridique mais qui a progressé lentement?

+-

    Mme Sylvia Duquette: Tant la politique actuelle des revendications territoriales globales que celle des revendications particulières ont été élaborées par le ministère des Affaires indiennes, suite à l'arrêt Calder, de 1973. Ce jugement a créé un précédent en établissant que les obligations que le Canada devait assumer envers les Autochtones étaient de nature juridique. Il ne s'agissait donc plus d'un devoir simplement moral puisqu'il y allait de certains intérêts à protéger.

+-

    L'hon. Mark Eyking: Est-ce que beaucoup de groupes empruntent une autre voie? Plus tôt, vous nous avez dit que certains groupes autochtones s'adressent aux tribunaux, contournant par le fait même votre système de revendication. Est-ce bien cela que vous avez affirmé? Cette autre façon de faire est-elle répandue et les Autochtones obtiennent-ils beaucoup de succès?

+-

    Mme Nadia Bartolini: Je ne crois pas que ce soit exactement ce que... Les premières nations ont toujours ce choix. Je n'ai pas en tête de statistiques précises, mais je crois qu'en fait, très peu de premières nations abandonnent le processus des revendications particulières pour se tourner plutôt vers les tribunaux.

+-

    L'hon. Mark Eyking: Pourquoi y en a-t-il si peu? Est-ce parce qu'elles ne peuvent se le permettre, ou parce que vous n'assumez pas les dépens, ou encore pour une autre raison? Pourquoi les premières nations n'intentent-elles pas des actions en justice?

+-

    Mme Sylvia Duquette: Nadia s'y connaît mieux que moi à ce sujet, mais sur toutes les revendications accueillies par le gouvernement, 90 p. 100 ont été réglées par la voie des négociations. Il faut certes améliorer ce processus, mais il n'en demeure pas moins que son taux de succès est très élevé.

    Parmi les revendications non admises au processus de négociation, il y en a qui feront l'objet d'une nouvelle action en justice. Dans bien des cas, la première nation s'était d'abord adressée au tribunal et avait mis son action en suspens dans l'espoir de voir régler ses demandes grâce au processus RED. S'il n'y a pas règlement, alors on relance l'action en justice.

    J'ignore si cela répond à votre question.

+-

    L'hon. Mark Eyking: Ainsi que bon nombre de nos membres l'ont déjà affirmé, le processus semble beaucoup trop long, surtout pour les collectivités autochtones s'efforçant de changer leur mode de vie. En tant que gouvernements, nous nous efforçons d'améliorer la reddition de comptes dans nos propres systèmes, même en santé, où nous cherchons aussi à abréger les listes d'attente. On conçoit des espèces de bulletin d'évaluation, et peut-être devrions-nous faire la même chose par rapport aux délais de règlement des revendications des Autochtones, bulletin qu'on imposerait à certains de nos ministères. C'est difficile à dire, mais un tel moyen avec pénalité implicite accélérerait peut-être le processus lorsqu'on attend un règlement depuis des années. Cela permettrait à une bande d'obtenir de l'argent ou autre chose.

    Estimez-vous qu'on pourrait accélérer le processus d'une manière ou d'une autre? Est-ce qu'on pourrait concevoir un mécanisme déclencheur des indemnisations, quelque chose qui pourrait forcer le processus à déboucher plus rapidement sur un règlement?

+-

    Le président: Est-ce que l'un ou l'autre des témoins peut répondre assez brièvement, s'il vous plaît?

+-

    Mme Nadia Bartolini: Étant donné qu'il s'agit de fonds publics, le processus des revendications particulières concerne des obligations légales, et ce n'est donc pas le genre de situation où nous envisagerions d'accorder des indemnités à titre d'incitatifs. Je ne crois pas que cela va dans le sens de ce programme et de cette politique.

»  +-(1705)  

+-

    Mme Sylvia Duquette: Il convient peut-être de rappeler que nous parlons de la politique actuelle et de la façon de faire les choses. Cette politique, telle qu'elle est conçue, exige une main-d'oeuvre très abondante. Il faut une main-d'oeuvre très abondante du côté du client. Il faut une main-d'oeuvre très abondante du côté de la justice étant donné qu'il faut étudier des piles de documents, traiter chaque cas individuellement et s'entendre sur la loi — mais la loi telle qu'elle s'appliquait autrefois. Avec la politique actuelle, avec les ressources que nous avons, il faut constamment avancer à tâtons et trouver des moyens de faire des économies. Nous y sommes parvenus dans une large mesure, mais à un moment donné, cela devient une question de ressources.

+-

    Le président: Merci, madame Duquette.

    Monsieur Cleary.

[Français]

+-

    M. Bernard Cleary: Ma question sera brève, monsieur Brassard.

    Vous avez pu comprendre qu'on cherche à améliorer le système et surtout à le rendre plus efficace en raccourcissant les délais.

    Auriez-vous des suggestions à faire qui n'ont pas été entendues plus tôt?

+-

    Capt Denis Brassard:

    Les suggestions que j'avais à faire ont fait partie de ma présentation.

    Il est évident que le processus est lourd. La situation de conflit d'intérêts dans laquelle se retrouve la Couronne pose bien des problèmes et soulève une question fondamentale: la Couronne est-elle vraiment intéressée à réparer les injustices du passé?

    Tout le monde le reconnaît, les délais sont interminables, et il faudra des dizaines et des dizaines d'années pour régler les arriérés, ce qui est déjà sur les tablettes et qui attend des réponses, sans compter ce qui est encore à venir.

    Je crois que tant qu'il n'y aura pas une volonté profonde de régler les injustices du passé avec les premières nations, le processus ne réglera malheureusement pas la situation et rien ne changera.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Ménard.

[Français]

+-

    M. Serge Ménard: Monsieur Brassard, ce dossier est nouveau pour moi, mais j'ai la nette impression que la vraie raison pour laquelle le ministère, et particulièrement le département de Mme Duquette, ne reçoit pas les budgets suffisants, c'est que le gouvernement craint que les décisions du ministère ne lui coûtent beaucoup plus d'argent. Je comprends que Mme Duquette ne puisse pas répondre à cela.

    Êtes-vous en mesure corriger mon impression, si elle est fausse?

+-

    Capt Denis Brassard:

    Je crois que votre impression est juste, mais, comme je le disais au début, les premières nations ne demandent pas de cadeaux, elles demandent que le Canada rembourse ses dettes aux premières nations. Il s'agit d'injustices passées qui doivent être réglées à la satisfaction de toutes les parties.

    C'est bien dommage que la situation ne semble pas évoluer plus que cela, mais je ne vois pas de solution à l'horizon.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci, monsieur Ménard.

    J'ai dit plus tôt que si l'un de nos témoins estimait qu'il allait manquer de temps, je vous donnerais la possibilité de répondre. Notre comité doit s'occuper d'autres affaires qui nous prendront 10 à 15 minutes, vous n'êtes donc nullement obligés de dire quoi que ce soit d'autre. Il est évident que vous avez tous pu vous exprimer comme vous le vouliez. Mais si l'un d'entre vous veut prendre une minute pour tout résumer, n'hésitez pas.

    S'il n'y a personne, très bien, alors merci beaucoup au nom du comité pour ces exposés très instructifs. Merci beaucoup, mesdames et messieurs.

    En ce qui concerne le comité, il reste deux choses à régler.

    Vous vous rappelez que nous avions une certaine flexibilité en ce qui concerne les témoins, et le greffier m'a transmis une lettre de M. Valley qui demande que le chef David Gordon, le chef de la première nation du Lac Seul, témoigne devant le comité. Le chef Gordon a exprimé son intérêt en ce sens.

    J'espère que, dans le respect de la justice, personne ne s'opposera à ce que le greffier invite le chef Gordon à témoigner. Est-ce que je me trompe?

    Des voix: D'accord.

    Le président: Très bien. Merci.

    Et deuxièmement, on m'a remis une demande pour le budget opérationnel, et je crois savoir qu'on vous la distribue en ce moment.

    Le greffier m'assure qu'il s'agit d'une demande normale totalisant 20 000 $ pour 15 témoins, les dépenses réservées aux témoins étant de 18 000 $, à quoi s'ajoutent d'autres dépenses diverses.

    Quelqu'un veut-il proposer l'adoption de ce budget opérationnel?

»  -(1710)  

+-

    Mme Nancy Karetak-Lindell: J'en propose l'adoption.

-

    Le président: Avec l'appui de M. Cleary.

    (La motion est adoptée.)

    Nous nous reverrons alors jeudi matin à 9 heures. Merci.

    La séance est levée.