ENVI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de l'environnement et du développement durable
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 10 février 2005
Á | 1105 |
Le président (M. Alan Tonks (York-Sud—Weston, Lib.)) |
M. Sidney Ribaux (coordonnateur général et co-fondateur, Équiterre) |
Le président |
M. Steven Guilbeault (responsable de la campagne, Climat et énergie, Greenpeace Canada) |
Á | 1110 |
Le président |
M. Steven Guilbeault |
Le président |
Mme Morag Carter (directrice, Programme sur les changements climatiques, Fondation David Suzuki) |
Á | 1115 |
Á | 1120 |
Á | 1125 |
Le président |
M. Sidney Ribaux |
Á | 1130 |
Á | 1135 |
Á | 1140 |
Le président |
M. Sidney Ribaux |
Le président |
Á | 1145 |
M. Charles Simpson (président, Friends of Science Society) |
M. Tim Patterson (témoin expert, Université Carleton, Friends of Science Society) |
Á | 1150 |
Á | 1155 |
Le président |
M. Bob Mills (Red Deer, PCC) |
 | 1200 |
Le président |
M. Tim Patterson |
Le président |
M. Steven Guilbeault |
 | 1205 |
Le président |
M. Sidney Ribaux |
Le président |
M. Bernard Bigras (Rosemont—La Petite-Patrie, BQ) |
 | 1210 |
M. Steven Guilbeault |
Le président |
M. Christian Simard (Beauport—Limoilou, BQ) |
M. Steven Guilbeault |
 | 1215 |
Le président |
M. Bernard Bigras |
Le président |
M. Steven Guilbeault |
Le président |
M. David McGuinty (Ottawa-Sud, Lib.) |
 | 1220 |
Le président |
M. Charles Simpson |
 | 1225 |
Le président |
M. Charles Simpson |
Le président |
Mme Morag Carter |
Le président |
M. Nathan Cullen (Skeena—Bulkley Valley, NPD) |
Le président |
M. Steven Guilbeault |
 | 1230 |
Le président |
Mme Morag Carter |
Le président |
M. Nathan Cullen |
Le président |
Mme Morag Carter |
 | 1235 |
Le président |
M. Steven Guilbeault |
Le président |
M. Sidney Ribaux |
Le président |
M. Nathan Cullen |
Le président |
M. Steven Guilbeault |
Le président |
M. Lee Richardson (Calgary-Centre, PCC) |
 | 1240 |
Le président |
M. Lee Richardson |
Le président |
M. Steven Guilbeault |
M. Lee Richardson |
M. Steven Guilbeault |
Le président |
M. Tim Patterson |
Le président |
 | 1245 |
L'hon. Roy Cullen (Etobicoke-Nord) |
Le président |
M. Charles Simpson |
Le président |
M. Steven Guilbeault |
 | 1250 |
Le président |
M. Christian Simard |
Le président |
M. Steven Guilbeault |
Le président |
 | 1255 |
M. Nathan Cullen |
Le président |
M. Nathan Cullen |
Le président |
M. Jeff Watson (Essex, PCC) |
Le président |
M. Steven Guilbeault |
M. Jeff Watson |
Le président |
M. Sidney Ribaux |
· | 1300 |
M. Jeff Watson |
M. Sidney Ribaux |
Le président |
M. Brian Jean (Fort McMurray—Athabasca, PCC) |
Le président |
CANADA
Comité permanent de l'environnement et du développement durable |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le jeudi 10 février 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
Á (1105)
[Traduction]
Le président (M. Alan Tonks (York-Sud—Weston, Lib.)): Bonjour et bienvenue. Je remercie les membres du comité et nos témoins de leur présence. Je remercie surtout nos témoins. Les membres du comité sont ici parce que c'est leur droit et leur devoir—et aussi leur privilège, comme on me le rappelle. C'est très très vrai.
Ce matin, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous étudions la mise en oeuvre au Canada du Protocole de Kyoto, partie I, « Préparer la voie ». Nous faisons le point sur la situation actuelle. Vous avez tous reçu notre document de recherche qui dressait le cadre de notre étude sur le régime de Kyoto. Nous apprécions votre aide dans ce processus d'évaluation, de réévaluation. Alors, merci beaucoup d'être venus.
Nos témoins sont Steven Guilbeault, responsable de la campagne Climat et énergie, Greenpeace Canada; de la David Suzuki Foundation, Morag Carter, directrice du programme sur le changement climatique; de Équiterre, Sidney Ribaux, coordonnateur général et cofondateur; et de la Friends of Science Society, Charles Simpson, président, et Tim Patterson, témoin expert de l'Université Carleton. Bienvenue à vous tous.
Je ne sais pas si vous êtes entendus entre vous pour un ordre de présentation. Nous ne tirons à pile ou face. Je vous propose de suivre l'ordre du jour et que Steven, de Greenpeace Canada, fasse la première présentation. Est-ce que les membres du comité sont d'accord? Alors c'est ainsi que l'on va faire.
Steven, à vous la parole.
M. Sidney Ribaux (coordonnateur général et co-fondateur, Équiterre): Pardon, quel est l'ordre de présentation?
Le président: Nous allons procéder dans l'ordre suivant: Greenpeace, puis la David Suzuki Foundation, suivie de Équiterre, et enfin Friends of Science.
Merci.
[Français]
M. Steven Guilbeault (responsable de la campagne, Climat et énergie, Greenpeace Canada): Merci beaucoup, monsieur le président.
Membres du Comité permanent de l'environnement et du développement durable, je m'appelle Steven Guilbeault et je suis le responsable de la campagne Climat et énergie pour Greenpeace Canada. Je suis à Greenpeace depuis 1997, mais je suis le dossier des changements climatiques depuis 1994. J'étais à la Première Conférence des parties à Berlin en 1995, j'étais à Kyoto en 1997 et j'ai fait plus d'une douzaine de réunions internationales de négociations sur les changements climatiques au cours des 10 dernières années.
Je voudrais aborder avec vous ce matin trois éléments concernant la question de la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto au Canada. Il y a d'abord la question de la carotte et du bâton dans le cadre des mesures qui ont été mises en oeuvre jusqu'à maintenant. À notre avis, il est essentiel de mettre en place des mesures qui seront structurantes pour l'avenir. Évidemment, il y a le Protocole de Kyoto, mais on commence déjà à parler, sur le plan international, de l'après-Kyoto, c'est-à-dire des ententes futures qui vont suivre le Protocole de Kyoto. Finalement, à notre avis, il est très important qu'on ait un plan à long terme. Je vous donnerai des détails là-dessus dans quelques minutes.
Sur la question de la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto jusqu'à maintenant, il faut reconnaître que l'approche adoptée par le gouvernement canadien est essentiellement celle de la carotte. On a offert des incitatifs et on a mis en place des programmes, souvent volontaires, pour différents secteurs de la communauté canadienne, notamment celui de l'entreprise. Tout récemment, avec le Défi d'une tonne, on a commencé à demander à la population canadienne de mettre l'épaule à la roue. On a donc mis en place toute une série de mesures et de programmes incitatifs, mais qui n'ont souvent aucun lien les uns avec les autres sur le plan de leur effet structurant à long terme. On lisait récemment dans plusieurs quotidiens canadiens que même les fonctionnaires à Ottawa reconnaissent maintenant que l'approche volontaire ne nous permettra pas d'atteindre les objectifs visés, ce que nous, les écologistes, disons depuis très longtemps.
On se rappellera que dans la Convention-cadre sur les changements climatiques de Rio, nous avions également pris, au niveau international, l'engagement de stabiliser au niveau de 1990, en 2000, nos émissions de gaz à effet de serre. À l'époque, les seules mesures qui ont été proposées pour atteindre cet objectif ont été des mesures volontaires, et on en connaît aujourd'hui les résultats. En 2000, nos émissions de gaz à effet de serre étaient d'environ 20 p. 100 plus élevées qu'en 1990.
Bien sûr, il peut y avoir des mesures volontaires, et nous sommes d'avis qu'on doit instaurer des mesures incitatives, mais la carotte ne fonctionnera pas sans le bâton. On doit donc avoir recours aux mesures réglementaires. On devra adopter des lois pour forcer les divers secteurs à réduire leurs émissions au niveau canadien. Cela est inévitable.
Cela est vrai pour plusieurs des secteurs où les émissions de gaz à effet de serre sont très importantes. On pense au secteur des grands émetteurs finaux, qui est responsable de 50 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre au Canada. On pense aussi au secteur des transports, qui est responsable d'une portion importante des émissions, soit environ 30 p. 100. Jusqu'à maintenant, très peu de mesures, sinon aucune, s'adressent au secteur des transports. C'est une aberration qui doit être corrigée très rapidement.
On peut penser également au secteur du bâtiment. Je pense que M. Ribaux, d'Équiterre, va en parler un peu. Le Code national du bâtiment date de plusieurs années. Les codes des provinces, qui datent aussi de plusieurs années--par exemple, celui du Québec date de 1981--, ont été très peu modernisés, malgré l'introduction de nouvelles techniques de construction, de nouveaux matériaux de construction, de nouvelles technologies comme la géothermie, qui est de plus en plus utilisée au Canada, quoique de façon encore timide, pour réduire les émissions. Jusqu'à maintenant, ces mesures ont été à toutes fins pratiques ignorées ou mises en oeuvre de façon très timide.
Puisque nous parlons de la géothermie, je vous dirai qu'il existe un projet très intéressant, celui de la ville de Winnipeg, où on va construire 10 000 unités domiciliaires entièrement géothermiques.
Voilà qui m'amène au deuxième point, celui de la nécessité de mettre sur pied des mesures structurantes qui nous permettront non seulement d'atteindre les objectifs de Kyoto, mais d'aller au-delà de ceux-ci.
Á (1110)
Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, le GIEC, ou si vous préférez, l'IPCC en anglais,
[Traduction]
« Intergovernmental Panel on Climate Change »,
[Français]
nous rappelle que les réductions d'émissions nécessaires pour prévenir des bouleversements climatiques catastrophiques à l'échelle planétaire seront de l'ordre, pour un pays comme le nôtre et pour l'ensemble des pays industrialisés, de 60 à 80 p. 100 au cours des prochaines décennies, donc d'ici environ 2050. Encore la semaine dernière, ces grandes conclusions ont été confirmées au cours d'une rencontre qui avait lieu à l'Université d'Exeter, rencontre parrainée par le premier ministre Blair en Grande-Bretagne.
Nous pensons que les mesures structurantes viendront, entre autres, par l'introduction de mesures fiscales dans différents secteurs de l'activité canadienne. Il faut donc revoir de fond en comble le système fiscal canadien qui, encore aujourd'hui, a tendance à encourager beaucoup plus les activités qui ont de grandes incidences sur nos émissions de gaz à effet de serre, et à décourager les activités, les technologies et les investissements qui créent peu d'émissions de gaz à effet de serre, ou qui nous permettent même de les réduire. Cela va à l'encontre de nos objectifs fixés dans le Protocole de Kyoto.
En terminant, je dirai qu'une partie de notre problème réside dans le fait que, jusqu'à maintenant, au Canada, nous n'avons jamais eu de vision d'ensemble dans ce dossier. Que ce soit à Rio en 1992 ou à Kyoto en 1997--j'y étais--, nous tenions une position de négociation, mais sans trop connaître la finalité. Nous pouvons nous inspirer de ce qui s'est fait ailleurs pour préparer des plans d'action pour les décennies à venir. On peut penser à la Grande-Bretagne et son livre blanc sur les réductions d'émissions: le gouvernement britannique s'engage à réduire de 50 p. 100, d'ici 2050, les émissions de gaz à effet de serre. Je parle de la Grande-Bretagne, mais je pourrais parler d'un État tout près d'ici, l'État du Maine, qui s'est engagé, dans le cadre d'un exercice semblable, à réduire d'ici 2050 les émissions de gaz à effet de serre de 70 p. 100. Un État américain, sous George Bush, s'engage malgré tout à mettre de l'avant des mesures très proactives pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Qui l'eût cru?
Nous ne devons pas perdre de vue les limites écologiques, même si nous les avons complètement évacuées du débat jusqu'à maintenant. À quel degré le climat atteint-il des niveaux de bouleversement catastrophiques pour l'ensemble de la planète? À cet égard, l'Union européenne reconnaît qu'il faut, par tous les moyens possibles, éviter que la température à l'échelle planétaire augmente de plus de deux degrés Celsius. Certains pays l'ont déjà fait, la Grande-Bretagne entre autres. En fonction de cela, on établit des niveaux de concentration atmosphérique qui vont nous permettre de ne pas dépasser cet objectif. Cela fait déjà partie de la politique britannique de lutte contre les changements climatiques. C'est en train de devenir le cas pour l'Union européenne. Je souhaite sincèrement que le Canada fasse ce genre d'exercice, que nous définissions ce genre d'objectif à long terme. Cela va nous permettre d'évoluer, au cours des prochaines décennies, de façon beaucoup plus organisée. Tout le monde saura alors à quoi s'attendre, ce qui n'a malheureusement pas toujours été le cas. Je m'arrête là en vous remerciant beaucoup.
Le président: Merci, monsieur Guilbeault.
[Traduction]
Merci pour cette présentation.
J'aurais dû mentionner au début que nous accordons aux témoins environ 10 minutes. Nous essayons d'être assez raisonnables. Monsieur Guilbeault, vous n'avez pas dépassé les 10 minutes et je vous remercie d'avoir donné cet exemple.
M. Steven Guilbeault: Très bien.
Le président: Ce sera maintenant le tour de Morag Carter, directrice de la David Suzuki Foundation.
Mme Morag Carter (directrice, Programme sur les changements climatiques, Fondation David Suzuki): Bonjour tout le monde et merci d'avoir invité la David Suzuki Foundation à témoigner. Nous allons dire des choses très semblables aux propos de mon collègue de Greenpeace Canada.
Le Canada jouit aujourd'hui d'une réputation peu enviable en étant l'un des pays de l'OCDE le moins performant en matière d'efficacité énergétique. Comme le disait votre document d'information, les émissions de gaz à effet de serre au Canada sont environ 20 p. 100 au-dessus des niveaux de 1990 et plus de 25 p. 100 au-dessus de nos engagements dans le cadre du Protocole de Kyoto. Le ministre Dion a fait référence, à plusieurs reprises, à la cible canadienne pour le respect des obligations de Kyoto comme étant la plus astreignante au monde. Ceci est vrai, mais seulement parce que nous avons fait preuve d'une telle négligence à l'égard de nos obligations de Kyoto jusqu'à présent.
Il est clair que, vu nos tendances dans les émissions et l'écart de plus en plus croissant, le Canada a besoin d'un plan crédible et réalisable afin d'atteindre ses objectifs et de respecter ses obligations à l'égard de Kyoto. Comme le disait Steven, le plan du Canada doit aussi nous mettre sur la voie de réductions considérables des émissions qui seront requises pour empêcher un changement dangereux du climat.
Comme le disait Steve, c'est qu'il faudra utiliser la carotte et le bâton. Nous avons besoin d'une combinaison de mesures réglementaires et fiscales stimulantes si nous voulons respecter nos obligations à l'égard de Kyoto. La bonne combinaison de mesures aura également l'avantage supplémentaire de s'assurer que le Canada est bien sur la voie du développement d'un dispositif qui nous semble nécessaire pour le long terme et sur la voie des réductions considérables que la science nous commande de réaliser afin d'éviter des changements climatiques catastrophiques.
La Fondation David Suzuki aimerait partager avec le comité notre analyse des deux programmes clés qui se trouvent au centre de la stratégie du gouvernement du Canada concernant les changements climatiques et ensuite donner un bref aperçu des résultats fournis par les publications clés scientifiques. Vers la fin de l'année 2004, la Fondation David Suzuki a eu accès aux documents d'information traitant des programmes sur les grands émetteurs finaux et au rapport interne à mi-programme du plan d'action 2000 sur le changement climatique d'Environnement Canada, désigné habituellement sous l'abréviation PA2000.
Le secteur des grands émetteurs finaux (GEF) est d'une grande préoccupation puisqu'on prévoit que les émissions provenant de ce secteur produiront la moitié des émissions totales de gaz à effet de serre au Canada d'ici 2010. En plus, ce programme est aussi un exemple clair du besoin d'un filet de sécurité réglementaire pour s'assurer que les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre sont atteints. Dans le cadre de l'engagement du Canada relatif à Kyoto, les GEF, composés des secteurs canadiens du pétrole, du gaz et de l'électricité, du secteur manufacturier et du secteur des mines, avaient initialement pour cible de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 55 millions de tonnes. Cette réduction d'émissions pour les grands émetteurs finaux représentait une baisse de 15 p. 100 par rapport à 2010 selon un rythme d'activité habituel (prévisions), mais par contre une augmentation de 14 p. 100 par rapport aux niveaux d'émission de 1990.
La cible a été basée sur l'intensité des émissions (les émissions par unité de production) et non sur les réductions absolues, donc si la production augmentait, les grands émetteurs finaux seraient autorisés à émettre plus d'émissions de gaz à effet de serre que leur cible d'origine. L'accès à ces documents d'information montre « qu'il paraît évident que la production de plusieurs industries à haute intensité et plus particulièrement dans le secteur de l'aluminium et du sable bitumineux, sera nettement plus élevée que prévu.
Le résultat net est que les émissions de gaz à effet de serre provenant des grands émetteurs finaux, même en se conformant à leurs cibles, seront de 27 p. 100 à 55 p. 100 supérieures aux niveaux de 1990. Avec le Canada qui a besoin de réduire ses émissions globales de 6 p.100 par rapport aux niveaux de 1990, qui sera responsable de l'insuffisance de réduction des émissions causées par une pollution industrielle accrue? Les documents sont très clairs, et je cite : « C'est le contribuable qui assume le risque et non l'industrie, si la production s'avère plus élevée que prévu. »
En outre, des travaux récents rapportés par la presse font allusion à une révision possible par le gouvernement en vue de baisser la cible des grands émetteurs finaux à 37 millions de tonnes. Cela nous inquiète beaucoup.
L'autre programme auquel la Fondation Suzuki s'intéressait pour évaluation était le Projet pilote d'élimination et de réduction des émissions et d'apprentissage (PPEREA). Notre intérêt dans ce programme a été accru après que diverses sources aient déclaré qu'un programme de type PPEREA peut être une caractéristique centrale d'un nouveau plan sur le changement climatique pour le Canada.
Parmi les documents que nous avons reçus se trouve une note de service adressée au premier ministre de la part du greffier du Conseil privé et qui disait : « Alors que l'étude a montré que la majorité des mesures du PA 2000 a atteint leur sous-objectif comme prévu, on a également trouvé que certaines mesures pourraient avoir des difficultés à atteindre entièrement leurs objectifs de réduction d'émission de gas à effet de serre pour 2010. » Est plus particulièrement concerné le Projet pilote d'élimination et de réduction des émissions et d'apprentissage qui figure parmi les initiatives prévues pour produire des réductions d'émission avant la période d'engagement de Kyoto de 2008 à 2012. Les informations d'ATIP indiquent que le PPEREA fait partie des mesures de la révision à mi-période du mandat du PA 2000 nécessitant une correction de la trajectoire.
Á (1115)
Le gouvernement s'attendait à ce que le PPEREA produise des résultats plus tôt que les autres mesures dans le PA2000, et que ces réductions d'émission soient significatives, un total de 17,7 millions de tonnes. Ce programme prévoit plusieurs mesures et méthodes pour toucher et influencer divers secteurs.
Les documents contiennent une description détaillée des défis auxquels le PPEREA fait face constamment. À l'origine, le programme a été conçu pour réduire les émissions de 17,7 millions de tonnes, mais ce chiffre a été révisé pour une réduction totale de trois millions de tonnes.
Les causes de cette révision draconienne comprennent le fait que la participation provinciale et territoriale dans le PPEREA ne s'est pas réalisée. Aussi, la date fixée de la fin du PA2000 et la réduction du budget limitent le montant des réductions qui peuvent être obtenues sur le restant de la vie du projet.
Le PPEREA démontre au moins deux résultats importants: premièrement, « le programme démontre que le fait de réduire les émissions n'est pas bon seulement pour l'environnement, il peut aussi être bon pour les entreprises, » et, deuxièmement, il est important de réussir une forte collaboration fédérale, provinciale et territoriale dans le but de réaliser les réductions des émissions de gaz à effet de serre.
Le fait que l'écart des émissions auquel fait face le Canada continue à augmenter est un signal sans équivoque que tous les niveaux de gouvernement et de l'industrie doivent collaborer avec créativité et résolution pour mettre en oeuvre une variété d'initiatives supplémentaires solides afin de réaliser à temps nos responsabilités en totalité. Une approche politique différente est également nécessaire, celle qui comprend des mesures réglementaires et fiscales solides. Ce dernier point a été renforcé par l'OCDE, le commissaire canadien à l'environnement, et les responsables d'Environnement Canada.
On peut tirer des leçons importantes de ces documents.
Premièrement, le fait d'utiliser le système basé sur l'intensité pour le programme des grands émetteurs finaux représente une approche erronée parce qu'il permet aux émissions absolues, issues de l'industrie, de s'accroître et il responsabilise les contribuables canadiens pour faire la différence.
Deuxièmement, l'industrie pétrolière en particulier a reçu la permission du gouvernement fédéral de se soustraire à ses responsabilités dans le cadre des réductions des émissions de gaz à effet de serre.
Troisièmement, bien que les documents dans le cadre de l'accès à l'information montrent que la plupart des mesures dans le plan d'action 2000 du gouvernement répondent à leurs objectifs en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, les émissions du Canada ont néanmoins augmenté de plus de 20 p. 100 depuis 1990. Il semble y avoir là un écart.
Quatrièmement, si le PPEREA doit jouer un rôle important dans les réductions futures des émissions de gaz à effet de serre, il faut le réorganiser de façon significative en éliminant les contraintes sur son efficacité, c.-à-d. dates limites et manque de fonds.
Cinquièmement, les provinces et les territoires doivent collaborer entre eux beaucoup mieux et le gouvernement fédéral doit assumer sa juste part des responsabilités découlant du protocole de Kyoto.
Sixièmement, tous les programmes concernant Kyoto y compris le PA2000 ont besoin d'un renforcement solide et des évaluations fréquentes plus ouvertes pour s'assurer qu'ils demeurent bien ciblés, ce qui n'est clairement pas le cas.
Et enfin, septièmement, non seulement les cibles pour Kyoto du Canada peuvent toujours être atteintes mais les atteindre peut tout aussi être bon pour les entreprises canadiennes.
J'aimerais très rapidement souligner une chose que Steven a mentionnée, à savoir l'état actuel de la science. Très peu de scientifiques dans le monde débattent encore de la réalité du changement climatique. Plus que cela, un nombre croissant d'indices convergent vers des changements potentiellement encore plus catastrophiques que ce que l'on a pu observer auparavant. Au fur et à mesure que d'importantes études scientifiques évaluatives sont publiées, la réalité de l'élévation des températures, de la fonte des glaces, des changements climatiques, de la disparition des espèces et des effets néfastes sur la santé humaine, devient de plus en plus affirmée.
Chacune de ces publications tire le signal d'alarme au fait que les scénarios précédemment jugés comme improbables ou même tirés par les cheveux pourraient s'avérer beaucoup plus réalistes si nous n'agissons pas en tant que communauté mondiale pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Le troisième rapport d'évaluation du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a découvert « qu'il y a de nouvelles preuves importantes que la majeure partie du réchauffement observé ces 50 dernières années est attribuable aux activités humaines » et que « la température mondiale moyenne et le niveau des océans sont censés augmenter dans tous les scénarios SRES du GIEC. »
De plus, la modélisation du GIEC prédit que « la température mondiale moyenne en surface est censée augmenter de 1,4 à 5,8 degrés Celsius de 1990 à 2200. » Lors d'une conférence au début de ce mois à l'Université Exeter, dont Steven nous a parlé, des chercheurs ont rapporté que l'éventualité d'une rupture de la calotte glaciaire de l'ouest de l'Antarctique n'est pas aussi improbable que ce que l'on pensait auparavant. Le troisième rapport d'évaluation du GIEC a conclu qu'il était très peu probable que cela se produise avant 2100.
Cependant, l'une des évaluations scientifiques les plus incontestables à avoir été publiées récemment demeure l'évaluation de l'impact sur le climat arctique (ACIA). En novembre 2004, l'ACIA a été diffusée à Reykjavik. Le rapport a été élaboré par plus de 300 scientifiques appartenant à 15 pays et il a été revu par 160 autres scientifiques. L'ACIA a adopté une approche multidisciplinaire pour évaluer les impacts du changement climatique dans l'Arctique et a intégré les connaissances des Autochtones comme une composante des résultats scientifiques.
Á (1120)
Les dix constats scientifiques de l'ACIA sont les suivants : Le climat arctique se réchauffera rapidement et de plus grands changements sont attendus; le réchauffement de l'Arctique et ses conséquences ont des implications au niveau mondial; les zones de végétation arctiques vont probablement se déplacer, entraînant d'importants impacts; l'étendue et la distribution de la diversité des espèces animales vont changer; plusieurs communautés et infrastructures côtières vont être exposées à des tempêtes plus fréquentes; la réduction de la banquise va très probablement permettre une augmentation du trafic maritime et de l'accès aux ressources; le dégel des sols va perturber le transport, les bâtiments et les autres infrastructures; les communautés autochtones font face à d'importantes conséquences économiques et culturelles; des niveaux élevés de rayonnement ultraviolet vont affecter les personnes, les plantes et les animaux; et enfin, de multiples influences vont interagir et causer des effets sur les populations et les écosystèmes.
Ces résultats, ainsi que d'autres, démontrent l'urgence pour le Canada non seulement de se conformer à nos obligations dans le cadre du Protocole de Kyoto, mais aussi de démarrer la mise en place d'un dispositif pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre d'au moins 50 p. 100—et plus probablement, comme l'a dit Steven, de 60 à 80 p. 100—dans les 25 prochaines années. En clair, la science actuelle nous commande d'agir avec urgence pour réduire les émissions responsables du changement climatique et nous dit que cette action est justifiée. Kyoto est une première étape importante dans ce sens. Alors que le Canada s'est engagé à atteindre cette réduction dans le cadre du Protocole de Kyoto, ses politiques et ses actions n'ont cependant eu que peu d'effet.
Aussi, nous faisons les recommandations suivantes : La première et la plus importante consiste à établir une agence centrale au Bureau du Conseil privé, avec le pouvoir et les compétences d'engager les ministères dans une implantation intégrée de Kyoto et de promouvoir le développement d'une économie innovatrice à basse teneur en carbone.
La deuxième consiste à concevoir un système de grands émetteurs finaux qui soit effectif, transparent et équitable, avec le double objectif de protéger l'intégrité de l'environnement et de promouvoir un avenir à faible teneur en carbone. La pierre angulaire du plan pourrait échouer si Ressources naturelles Canada faillit à inclure les éléments clés de ce concept : transparence des rapports pour l'industrie, dispositions au-delà de l'intensité de l'émission pour garantir l'atteinte des objectifs, garde-fous contre la double comptabilité, et engagement à arrêter le rejet de la responsabilité de l'industrie sur les contribuables.
Il faut supprimer progressivement les subventions à l'industrie pétrolière et gazière, ce qui n'est pas facile, et rediriger ces subventions vers les projets dans le cadre des solutions de Kyoto, ce qui inclut des investissements importants dans l'industrie des énergies renouvelables.
Il faut établir des mesures pour soutenir une réduction radicale des émissions et atteindre l'objectif de Kyoto.
Il faut profiter d'une réglementation intelligente qui encourage l'innovation technologique. Les mesures et les dépenses volontaires seules se sont avérées inefficaces sur le plan économique et environnemental.
Il faut renouveler le principe d'une répartition équitable du fardeau qui menace d'être constamment violé par l'augmentation rapide des émissions dans les secteurs clés, notamment le pétrole et le gaz, l'électricité et les transports, déplaçant ainsi la charge inéquitablement vers d'autres régions ou secteurs ou de l'industrie vers les contribuables. Les gouvernements provinciaux, territoriaux et fédéral ont souscrit à ce principe à la suite de la signature du Protocole de Kyoto.
Il faut maîtriser les principaux facteurs du changement climatique au Canada, notamment l'électricité, la production et l'extraction de pétrole et de gaz et les transports.
Enfin, et ce n'est pas la moindre tâche, nous devons tous prendre le leadership. C'est l'élément le plus important à considérer dans le développement et l'implantation d'une énergie renouvelable et d'un agenda pour la protection du climat au Canada.
Á (1125)
[Français]
Le président: C'est bien. Merci, madame Carter.
[Traduction]
Nous passons maintenant à M. Ribaux. Nous avons hâte d'entendre votre exposé.
[Français]
M. Sidney Ribaux: Merci beaucoup, monsieur le président.
Chers membres du Comité permanent de l’environnement et du développement durable, je vais faire ma présentation en français. Toutefois, après ma présentation, je pourrai répondre aux questions en anglais aussi.
Merci de m'avoir invité à vous parler du point de vue d'Équiterre sur le plan d'action que devrait adopter le Canada par rapport au Protocole de Kyoto. D'entrée de jeu, je dois vous dire que ma présentation sera beaucoup plus terre à terre que celles de Greenpeace Canada et de la Fondation David Suzuki. Je crois qu'elle sera complémentaire. En fait, nous appuyons les grandes recommandations que vous font ces organismes. Équiterre est un organisme qui travaille beaucoup plus sur le terrain et qui existe depuis 1993. J'aimerais vous en parler un peu.
Notre siège social est à Montréal et nous intervenons auprès du grand public dans toutes les régions du Québec, et parfois même à l'extérieur. Notre mission est de faire passer les gens à l'action. Notre secteur d'intervention est le changement de comportement. Nous ne nous contentons donc pas de sensibiliser les gens et les collectivités, nous tentons de les amener à poser des gestes. Nous atteignons plus de 300 000 personnes par année. Ce sont des gens à qui nous parlons, chez qui nous nous rendons. Ce sont des gens qui participent à des conférences, qui lisent notre documentation et qui visitent notre site web. Nous sentons les gens de plus en plus réceptifs au genre de message que communique Équiterre.
Nous travaillons à quatre programmes éducatifs: le transport écologique, l'efficacité énergétique, l'agriculture écologique et le commerce équitable, notre volet international. Nous menons une campagne sur la consommation responsable et nous nous préoccupons des changements climatiques depuis notre création en 1993. Nous sommes donc très actifs sur le plan des solutions, et la plupart de nos solutions touchent, d'une façon ou d'une autre, la question des changements climatiques.
Nous sommes très présents au Québec et dans toutes ses régions. Je siège au conseil d'administration d'une organisation qui s'appelle Green Communities Canada et qui regroupe des organismes qui réalisent des projets similaires partout au Canada. Ce dont je vais vous parler s'applique donc dans la plupart des cas, d'une façon ou d'une autre, à presque toutes les régions et comtés fédéraux du pays.
Je vais vous donner quelques exemples de ce que nous faisons pour que vous constatiez à quel point nous travaillons sur le terrain. Il y a quelques années, nous avons lancé ce que nous appelons des projets de paniers de légumes biologiques. Ces projets permettent à des citoyens d'acheter des paniers de légumes directement d'un fermier. Au début de la saison des récoltes, le consommateur ou le citoyen s'engage auprès du fermier à acheter un certain nombre de paniers de légumes. Il achète donc une part de sa récolte et, pendant toute la saison de récolte, il reçoit un panier de fruits et légumes certifiés biologiques. Il y a aussi toutes sortes d'autres produits.
Équiterre sert essentiellement de lien dans ce projet. Nous facilitons la tâche des fermiers en les aidant à préparer ces projets et en faisant le lien avec les consommateurs. Ces projets permettent aux petites fermes familiales qui ont une vocation écologique de survivre. Ils leur garantissent une part du marché, puisque les gens s'engagent à l'avance, et ils garantissent aussi une plus grande biodiversité de leurs fermes. Ces fermes produisent donc de 20 à 30 variétés de fruits et légumes, alors que la plupart n'en produisent qu'une seule. Les consommateurs y gagnent aussi, puisqu'ils ont accès à des produits locaux, biologiques et frais pour, à peu de choses près, le prix des produits conventionnels qu'on trouve dans les épiceries, ou la moitié du prix des produits biologiques des épiceries.
Ces projets fonctionnent très bien. Le premier de ces projets s'est fait en 1995, avec une ferme et 50 partenaires. Cette année, 100 fermes québécoises approvisionneront plus de 20 000 personnes. Cela démontre de façon intéressante où en sont les Canadiens et Canadiennes. Certains diront que 20 000 personnes, c'est peu, mais la courbe de ces projets-là est phénoménale. Le problème n'est pas le nombre de personnes qui souhaitent y adhérer, mais le nombre de fermes participantes, qui n'augmente pas pour toutes sortes de raisons, entre autres un manque de soutien de l'État.
Qu'est-ce que tout cela a à voir avec les changements climatiques? Environ 50 p. 100 des aliments consommés au Québec proviennent de l'extérieur de la province ou du pays. Les aliments que vous mangez ont voyagé en moyenne 2 400 kilomètres avant de se rendre dans votre assiette. Ce sont les chiffres pour le Québec, mais cela doit être similaire au Canada. Ces projets touchent donc de façon évidente la sécurité alimentaire, le développement écologique de l'agriculture et aussi carrément le transport des marchandises, donc les émissions de gaz à effet de serre.
Á (1130)
Équiterre offre également des services d'efficacité énergétique. Nous avons un programme qui s'adresse spécifiquement aux personnes à faible revenu. Nous nous rendons chez ces gens et leur offrons une visite gratuite d'environ deux heures au cours de laquelle nous réalisons des travaux et donnons une série de services-conseils. Nous visitons 1 000 ménages tous les ans. Ce programme est soutenu par le gouvernement du Québec, mais ne l'est malheureusement pas par le gouvernement fédéral. Il permet d'économiser de 5 à 20 p. 100 de la facture d'énergie. Pour des personnes à faible revenu qui ont de la difficulté à se loger, il s'agit d'un impact appréciable.
Nous offrons un autre service d'analyse énergétique des maisons, appelé ÉnerGuide. Celui-là est réalisé en collaboration avec les gouvernements du Québec et du Canada. Il s'agit d'une analyse énergétique de la maison qui permet aux propriétaires de réaliser des travaux de rénovation éconergétiques, qui leur permettent de générer des économies pouvant aller jusqu'à 20 p. 100 de leur facture. Ces programmes extrêmement populaires nous permettent de faire de l'éducation de très haute qualité et d'apporter ainsi des changements concrets.
En ce qui concerne le transport, nous menons des campagnes d'éducation auprès du grand public en collaboration avec plusieurs partenaires, incluant les gens du milieu de la santé et des municipalités. Depuis une dizaine d'années, le gros du travail d'Équiterre sur cette question a été d'amener les décideurs aux niveaux municipal et provincial à poser des gestes pour améliorer le transport en commun ainsi que les autres modes de transport en milieu urbain.
Nous avons été très actifs pour faire en sorte qu'on investisse davantage, entre autres dans le transport en commun et le transport actif. Plus tard dans ma présentation, je vous entretiendrai de cette question plus en détail. Je crois qu'à long terme, le transport en commun est l'un des enjeux les plus importants dans le dossier des changements climatiques.
Voici un exemple intéressant et d'actualité. À Montréal, on discute en ce moment de la construction d'un nouveau pont, le pont de l'autoroute 25, entre Montréal et Laval, sur la rive nord. Un débat de société est en train de se former autour de ce projet. Pour l'instant, il ne nécessiterait pas l'intervention du fédéral, mais il s'agit d'un exemple intéressant étant donné que cela s'applique à n'importe quelle infrastructure autoroutière et que le gouvernement fédéral a investi dans le passé et continue à investir dans les infrastructures autoroutières, notamment en milieu urbain. Ce pont permettrait à 150 000 voitures supplémentaires d'entrer quotidiennement à Montréal. Cela représente 20 000 voitures, seulement à l'heure de pointe de la matinée. Le coût de construction de ce pont est évalué à 350 millions de dollars. Or, il existe des voies réservées au transport en commun autour de Montréal, notamment sur le pont Champlain, qui permettent de déplacer en autobus environ 25 000 personnes en période de pointe.
La question est la suivante: du point de vue des finances publiques seulement--oublions pour quelques instants la question de l'environnement--, doit-on investir 350 millions de dollars pour construire un nouveau pont, ou doit-on placer des balises orange le long d'une voie existante pour la réserver aux autobus? Le débat se résume essentiellement à cela.
Il sera extrêmement important de surveiller les investissements du gouvernement fédéral en matière d'infrastructures; si le fédéral donne à entendre que les investissements dans les infrastructures routières sont souhaitables, nous risquons d'aggraver le problème non seulement au niveau environnemental, mais aussi aux niveaux de la congestion routière et des enjeux comme la santé en milieu urbain.
Par rapport au Protocole de Kyoto, le gouvernement canadien a envoyé un message extrêmement positif à toutes les instances et à plusieurs citoyens lorsqu'il a signé l'accord de Kyoto en 1997 et lorsqu'il l'a ensuite ratifié en 2002.
Á (1135)
Je vous donne quelques exemples. Au Québec, on a travaillé fort pour que la Communauté métropolitaine de Montréal, qui regroupe l'ensemble de la RMR de Montréal, appuie la ratification du Protocole de Kyoto. Des villes comme Québec et Montréal ont adopté sans réserve des plans d'action pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Plus récemment, les citoyens du Québec se sont très clairement opposés à la construction d'une centrale au gaz naturel dont pratiquement le seul enjeu environnemental était les gaz à effet de serre. Dans ce sens, la signature et la ratification de l'accord a envoyé des messages intéressants.
Quand on travaille sur le terrain avec les villes et autres organismes, on constate qu'il y a un écart entre ce que le gouvernement fédéral dit et ce qu'il fait. Voici un exemple. On siège au comité de direction du Plan stratégique de développement durable de Montréal, qui veut poser des gestes en matière d'environnement. Or, il n'y a aucun moyen concret pour appuyer les efforts que voudrait déployer la Ville de Montréal: les programmes sont rares ou inexistants et les moyens mis à la disposition des villes, voire des provinces, ne correspondent pas au message qu'on leur envoie en termes de réduction des gaz à effet de serre.
Je vous parle de ces questions parce qu'à mon avis, elles sont importantes. Le gouvernement a lancé une campagne d'éducation sur les changements climatiques qui s'appelle le Défi d'une tonne. Récemment, Équiterre a fondé, avec d'autres organismes, le Centre québécois d'actions sur les changements climatiques. Nous sommes en outre partenaires dans le cadre de cette campagne. Nous essayons de l'adapter au contexte québécois, tout comme les provinces et territoires tentent de le faire en ce qui a trait à des programmes comme Climate Change Hub.
Cette campagne est nécessaire. Il est essentiel qu'on fasse part aux Canadiens de ce que les gouvernements essaient d'accomplir en matière de changements climatiques. Cependant, il pourrait s'avérer difficile, et pour le gouvernement et pour nous, qui sommes sur le terrain et qui parlons aux gens tous les jours, de dire à ces derniers de mettre leur voiture de côté, si on subventionne les fabricants automobiles sans leur imposer de conditions à l'égard du type de voitures qu'ils fabriquent. Ce sera aussi très difficile de convaincre les gens d'utiliser le transport en commun à Montréal, alors que les autobus, qui passaient dans le pire des cas à chaque 15 minutes il y a 10 ans, passent maintenant toutes les 30 minutes. Attendre un autobus au mois de janvier alors qu'il fait - 30o C, ce n'est pas évident. Les autorités, incluant le gouvernement canadien, ne font part d'aucune intention claire pour ce qui est d'investir dans le transport en commun plutôt que dans les systèmes autoroutiers.
Je passe rapidement sur le portrait de la situation en matière de transports puisqu'il ne me reste que peu de temps. Je veux simplement vous dire qu'en termes de nombre de voitures et de kilomètres parcourus, le Québec connaît une augmentation constante depuis plusieurs années. Mis à part les États-Unis, nous sommes, parmi les pays du G-7, un de ceux qui utilisent le moins les transports urbains. Cela n'a rien à voir avec l'étendue du pays: on parle du transport urbain. Cette tendance se confirme aussi bien à Montréal qu'à Toronto ou dans d'autres villes. Il faut redresser cette situation, notamment en envoyant des signaux clairs à ce sujet.
Je vous laisse avec les recommandations d'Équiterre. Même si elles sont passablement larges, elles s'inspirent de recommandations faites précédemment par des organismes comme la Table ronde nationale sur l'environnement. Les villes auraient besoin, à court terme, de nouveaux moyens fiscaux visant à lever des fonds, mais le gouvernement fédéral n'est pas en mesure de donner aux municipalités de nouveaux moyens légaux. Il est important, donc, que des fonds soient rendus disponibles. On parle de 3 milliards de dollars qui, chaque année, seraient exclusivement consacrés au transport en commun et aux modes de transport actif comme le vélo. Ces sommes pourraient aussi être réservées à des infrastructures visant à diminuer l'utilisation de la voiture, par exemple la mise en place de péage dans les grandes villes. Outre cette recommandation, il serait important de s'assurer qu'on n'investit pas dans des infrastructures autoroutières, ce qui aurait comme effet d'annuler les gains générés par d'éventuels investissements en transport en commun.
Le gouvernement fédéral devrait adopter des politiques concernant la localisation de ses immeubles et le déplacement de ses fonctionnaires. C'est une mesure qui serait très facile à réaliser mais dont l'impact serait important, compte tenu des 367 000 fonctionnaires que compte la fonction publique fédérale.
Á (1140)
Il faut se diriger vers une déduction fiscale pour les employeurs qui fournissent des laissez-passer de transport en commun à leurs employés.
Pour ce qui est de l'éducation du public, il faut examiner des façons de décentraliser les stratégies de l'éducation du public sur cette question, car les solutions pour l'individu en Alberta et au Québec ne sont pas les mêmes.
Il faut, en fin de compte, aller vers une augmentation de la taxe sur l'essence. C'est un des leviers que possède le gouvernement fédéral à cet égard.
[Traduction]
Le président: Je vais maintenant vous demander de conclure.
M. Sidney Ribaux: Je conclus.
[Français]
Il faut augmenter le financement qu'on accorde pour l'efficacité énergétique et, plus particulièrement, examiner la possibilité pour le fédéral de financer un programme d'efficacité énergétique visant les personnes à faible revenu. Je termine là-dessus.
Merci beaucoup.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup, monsieur Ribaux.
Je rappelle aux membres du comité et aux témoins que s'il y a d'autres questions à soulever, vous pourrez le faire durant la période des questions.
Nous avons un peu dépasser le temps prévu avec cet exposé, mais nous vous remercions de ces informations.
Messieurs Simpson et Patterson, de la Friends of Science Society, vous avez la parole.
Á (1145)
M. Charles Simpson (président, Friends of Science Society): Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les députés. Merci de nous donner l'occasion de vous faire part aujourd'hui de nos réflexions sur la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto.
Je représente ici la Friends of Science Society qui est composée d'ingénieurs, de géologues, de géophysiciens et de spécialistes des sciences atmosphériques et environnementales. Notre société a été créée il y a à peine trois ans pour examiner les fondements scientifiques de Kyoto, car nos membres estimaient que ces données scientifiques étaient pour le moins douteuses et tendaient manifestement à être assez désuètes. Nous avons consulté de nombreux experts et nous avons maintenant un comité consultatif scientifique composé de divers experts internationaux de premier plan, dont M. Tim Patterson, de l'Université Carleton, qui m'accompagne aujourd'hui pour vous parler des données scientifiques.
Cette journée est exceptionnelle car c'est la première fois à ma connaissance qu'un expert indépendant en climatologie peut exprimer une voix dissidente devant un comité. Nous avons, comme plusieurs autres contestataires des arguments scientifiques de Kyoto, été empêchés jusqu'à présent de participer aux réunions des parties prenantes. Je vous remercie donc sincèrement de nous avoir donné la parole aujourd'hui.
Dans le résumé des notes de votre réunion du 21 octobre, il n'est pas question de la science du changement climatique. Je déduis de cette omission que le comité a sans doute estimé que les aspects scientifiques ont été élucidés. Bien au contraire, on les a simplement escamotés. En raison de cette grave négligence, le Canada s'apprête à s'engager à consacrer des milliards de dollars à mettre en oeuvre un plan dénué de fondements scientifiques pour le changement climatique.
Nous sommes venus aujourd'hui vous apporter quelques lueurs scientifiques et vous encourager à recommander au gouvernement de lancer un débat national sur les aspects scientifiques de Kyoto, ce qui n'a jamais été fait jusqu'ici.
Bien que votre séance soit consacrée à la mise en oeuvre de Kyoto, je vous exhorte à écouter sérieusement ce que le professeur Patterson a à vous dire au sujet des données scientifiques avant d'aller de l'avant. Les initiatives futures doivent clairement viser à régler le problème des véritables polluants, et non celui du dioxyde de carbone qui n'est certainement pas un polluant. Kyoto est une erreur scientifique et un échec politique, et ce programme risque d'être une catastrophe financière. J'hésite à le dire, mais j'ai personnellement l'impression que Kyoto est motivé uniquement par des considérations politiques.
Le gouvernement du Canada a refusé d'écouter les experts les plus éminents de notre pays en la matière, mais vous en avez un aujourd'hui devant vous pour vous parler un peu des données scientifiques. J'ai donc le très grand plaisir de vous présenter mon ami et associé, M. Tim Patterson.
M. Tim Patterson (témoin expert, Université Carleton, Friends of Science Society): Monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner à votre comité aujourd'hui et j'espère que mon intervention d'aujourd'hui vous amènera à inviter de nombreux autres experts scientifiques non gouvernementaux.
Toute politique gouvernementale sur le changement climatique doit s'appuyer sur les données climatologiques les plus récentes et les plus fiables. Sinon, nous risquons de gaspiller l'argent des contribuables dans des plans que la réalité ne justifie absolument pas.
Non seulement je suis conseiller de Friends of Science et je travaille à l'Université Carleton en tant que professeur de géologie, mais je suis aussi ce qu'on appelle un paléoclimatologue. Autrement dit, j'examine les données des sédiments des océans et des lacs, tels que les fossiles et les isotopes, pour essayer de voir les variations naturelles du climat depuis deux millions d'années. Mes travaux sont financés par le Conseil de recherche en sciences naturelles et en génie et par la Fondation canadienne pour les sciences du climat et de l'atmosphère. Je dirige aussi au Canada le programme international des Corrélations géologiques de l'UNESCO, qui porte sur le changement du niveau des mers.
Depuis un demi-million d'années, il y a eu plus de 33 importants épisodes d'avancé et de recul des glaces. La prochaine ère glacière devrait débuter au cours des deux prochains millénaires. Même dans des temps récents, nous avons connu des périodes de froid catastrophiques, comme le Petit Âge glacière où la Tamise a gelé à Londres et où la famine et l'insalubrité ont tué des millions de personnes dans le monde. Il y a eu aussi des périodes plus chaudes que celles d'aujourd'hui, par exemple la période chaude médiévale où les Vikings pratiquaient l'agriculture au Groenland et naviguaient sur des mers actuellement recouvertes de glace.
Globalement, il vaut mieux pour les sociétés humaines que le climat soit chaud plutôt que froid. D'après les données paléoclimatiques que j'ai pu recueillir comme d'autres chercheurs, il est évident que le climat a toujours varié. En fait, c'est la seule constante quand on parle de climat : il change constamment. Il est hors de question de vouloir enrayer ce phénomène naturel.
La climatologie est un vaste domaine qui évolue rapidement, je le souligne. Bien des choses que nous pensions pouvoir tenir comme certaines il y a à peine quelques années se révèlent maintenant hautement douteuses ou erronées. Il n'est pas exagéré de dire que depuis la présentation du Protocole de Kyoto il y a huit ans, la climatologie a subi une véritable révolution. Ce n'est pas étonnant, puisque le monde industrialisé a consacré environ 30 milliards de dollars à la recherche climatologique durant cette période. Si nous avions su au milieu des année 1990 ce que nous savons aujourd'hui à propos du changement climatique, il n'y aurait pas de Protocole de Kyoto parce que nous aurions constaté qu'il n'avait pas de raison d'être.
Je vais vous présenter aujourd'hui quelques-uns des événements récents au Canada qui illustrent cet argument. Stephen McIntyre, un analyste, et Ross McKitrick, qui est professeur à l'Université de Guelph, ont découvert des erreurs mathématiques monumentales dans une importante étude de 1998 qui prétendait prouver que le récent réchauffement de la planète était inhabituel. Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, le GIEC, a fait de cette étude l'un des fondements de son argumentation. Et maintenant que ce fondement a disparu, Environnement Canada, entre autres, continue de se servir de ce graphique comme s'il était toujours valable, alors que c'est faux.
La figure 1 de la brochure illustre parfaitement cet argument. La ligne en bleue est une des principales preuves sur lesquelles le GIEC s'appuie pour prétendre que le réchauffement du XXe siècle est un phénomène sans précédent au cours du dernier millénaire. C'est ce qu'on appelle le « graphique en bâton de hockey ». Le manche du bâton est censé représenter les températures relativement plus faibles au cours des 900 premières années de la période, et la lame du bâton représenterait la montée brutale de la température au cours du siècle dernier. La ligne en rouge de la figure 1 représente le résultat qu'on obtient quand on applique correctement les données et la méthodologie utilisées pour réaliser ce graphique en bâton de hockey. Comme vous le voyez, il y a une énorme différence entre ces deux courbes avant environ l'année 1500 de notre ère.
Ni McKitrick ni McIntyre, ni qui que ce soit d'autre qui comprend la climatologie n'accepte l'idée qu'il ait pu y avoir des températures aussi élevées au cours du XVe siècle, et leur dénonciation des graves erreurs de ce graphique en bâton de hockey a été un événement d'une importance cruciale, mais notre gouvernement a délibérément choisi de ne pas en tenir compte.
De même, les recherches d'experts en variations climatiques extrêmes tels que M. Mandhav Khandekar ont été écartées, alors qu'elles ont été publiées dans des ouvrages spécialisés. M. Khandekar a montré que les phénomènes extrêmes ne progressaient pas au Canada et qu'il était très peu probable que de tels phénomènes se produisent ou s'intensifient au cours des 25 prochaines années. Des événements comme les sécheresses, les inondations ou les ouragans sont des menaces importantes et nous pouvons prendre de nombreuses mesures pour nous y préparer, mais ce ne sont pas les humains qui provoquent ces cataclysmes et Kyoto ne servira absolument pas à les empêcher.
Á (1150)
Le Canada a la chance d'avoir un des plus éminents chercheurs en paléoclimatologie au monde, à l'Université d'Ottawa, en la personne du professeur de géologie Jan Veizer. Depuis plusieurs années, il fait oeuvre de véritable pionnier dans la recherche sur les phénomènes climatiques à long terme. M. Veizer a démontré que les fluctuations de présence du dioxyde de carbone dans l'atmosphère—le gaz auquel le Canada doit le plus s'attaquer en vertu de Kyoto—influent très peu sur les variations à long terme de la température de la Terre comparativement à d'autres causes naturelles.
Je vous invite à vous reporter à la figure 2 de la brochure. La ligne épaisse en bleue en haut du tableau représente les fluctuations du dioxyde de carbone, le CO2, dans l'atmosphère et la fine ligne noire au bas du graphique est une représentation des températures constatées par M. Veizer en remontant le temps géologique. Comme vous le constatez, il n'y a pas de corrélation significative entre les niveaux de dioxyde de carbone et la température de la Terre. En fait, à une époque où les niveaux de CO2 étaient dix fois plus élevés que maintenant, il y a environ 450 millions d'années, notre planète subissait la période de froid la plus intense qu'elle ait connue depuis un demi-milliard d'années.
Étant donné ces preuves, comment peut-on encore croire que les augmentations relativement faibles de niveaux de CO2 qui sont représentées à la figure 3 de la brochure sont la principale cause du modeste réchauffement du siècle dernier?
À quoi est dû le changement climatique? Mes recherches, et celles de bien d'autres chercheurs de ce domaine, montrent qu'il y a eu de tout temps une bonne corrélation entre la température de la Terre et des phénomènes célestes naturels tels que les changements d'intensité du soleil. Cela n'a pas de quoi surprendre; après tout, le soleil et les étoiles sont la source de la quasi-totalité de l'énergie que reçoit notre planète. Le fait que le soleil soit maintenant plus intense qu'il ne l'a été au cours des 8 000 ans passés devrait normalement avoir des répercussions importantes sur notre climat.
Dans nos recherches, nous démontrons une excellente corrélation entre les fluctuations régulières de l'intensité du soleil et les températures relevées sur la Terre. Des centaines d'autres études vont dans le même sens. Dans le domaine de la justice, il existe un mécanisme pour réouvrir un procès quand de nouvelles preuves apparaissent. Dans le domaine scientifique, c'est aussi la norme : on remet en question les idées, on les réexamine, on les modifie et on rejette les anciennes théories quand de nouvelles informations solides apparaissent.
Si le gouvernement du Canada veut appuyer sa politique climatique sur des faits scientifiques réels, il doit accepter de faire évoluer ses décisions stratégiques en fonction de l'évolution de la climatologie, sinon ses politiques n'auront plus aucun rapport avec la science et nous risquons de gaspiller des milliards de dollars en allant complètement dans le mauvais sens.
Tant que nous ne comprenons pas nettement mieux les données scientifiques de base, le gouvernement devrait annuler tous les crédits destinés à enrayer le changement climatique, objectif qui est une absurdité, parce que la seule constante du climat, c'est son changement. Nous devrions au contraire nous préparer aux prochains phénomènes naturels qui se produiront tout en continuant à financer des recherches qui nous permettront un jour de mieux comprendre le système climatique extrêmement complexe de notre planète.
Je vous remercie, monsieur le président et mesdames et messieurs les députés, et j'ai hâte de répondre maintenant à vos questions.
Á (1155)
Le président: Merci beaucoup, monsieur Patterson et monsieur Simpson.
Je dois dire que vous nous donnez matière à contre... je ne devrais pas dire « contre-interrogatoire », mais en tout cas matière à réfléchir plus profondément à la question, et nous vous remercions de ce point de vue. Il sera intéressant dans le souci d'équilibre de nos délibérations d'approfondir les arguments présentés par tous les témoins.
Sans plus tarder, je vais maintenant donner la parole au premier intervenant, M. Mills.
Nous avons un format fixe. Il y a d'abord 10 minutes de questions pour chacun des partis, et ensuite nous alternerons avec des questions de cinq minutes. Je vais essayer pour l'instant de m'en tenir à 10 minutes pour chacun des partis.
Monsieur Mills, vous avez la parole.
M. Bob Mills (Red Deer, PCC): Merci, monsieur le président.
Je remercie nos témoins d'être venus aujourd'hui.
Messieurs Simpson et Patterson, je comprends fort bien votre exaspération. J'ai vécu exactement la même chose. J'ai essayé d'assister à 14 des assemblées de consultation publique, mais bien entendu, on m'en interdit l'accès parce que j'étais contre Kyoto. Ce processus de consultation publique a été jusqu'à présent tout à fait unilatéral. Il est surprenant de voir ce qu'un gouvernement minoritaire peut faire pour un pays et sa démocratie.
Cela étant dit, je voudrais vous demander de répondre relativement brièvement à mes questions, si c'est possible, parce que j'en ai énormément à poser.
Pour commencer, depuis le tout début, Kyoto a prévu comme objectif 6 p. 100 de moins que les niveaux de 1990, ce qui semble ne pas tenir compte du fait que notre pays est énorme, que notre territoire est extrêmement étendu, que nous n'avons pas d'infrastructure de transport et que nous n'avons pas une très grosse population. Tout cela doit entrer en ligne de compte si l'on veut atteindre un objectif, et en l'occurrence cet objectif est totalement impossible à atteindre pour une économie basée sur les ressources, et ainsi de suite.
Je dois mettre en doute l'affirmation selon laquelle un pays pauvre ne peut pas s'occuper de son environnement. Je suis toujours abasourdi lorsque les groupes environnementaux semblent penser que la plupart des Canadiens aimeraient vivre dans des cavernes au lieu de bénéficier de l'économie moderne qui est la nôtre, tout en ayant les moyens de s'occuper de leur environnement.
Je me demande si ces objectifs sont bien réalistes, voire s'il est bien réaliste aussi de tenter de les atteindre parce qu'à mon sens, Kyoto a une connotation fortement eurocentrique et représente un véritable cauchemar bureaucratique. Ayant personnellement assisté à cette réunion, je pense pouvoir dire cela en me basant sur des faits.
Ma deuxième question sera celle-ci : Le CO2 est-il vraiment un déchet toxique, un gaz dangereux? C'est ce que nous semblons dire, que le CO2 est dangereux. Mes études en biologie m'ont toujours amené à penser que le CO2 , la base de la photosynthèse, est un élément nécessaire à toute la vie sur Terre et donc extrêmement utile. Pensez-vous que le CO2 soit un produit dangereux dans notre environnement? J'imagine qu'en disant cela, je m'adresse davantage à un auditoire non scientifique.
En troisième lieu, j'aimerais vous demander ceci : Ne serait-il pas préférable de mettre au point des technologies ici même au Canada? Laissons nos entreprises mettre au point des technologies qui nous permettront vraiment de faire une différence pour l'environnement, et que nous pourrons ensuite transférer aux pays en développement comme l'Inde et la Chine, afin de pouvoir vraiment faire une grosse différence. Ici aussi, le Canada a très très peu d'influence en ce qui concerne les changements planétaires.
Voici maintenant ce que j'aimerais demander à nos scientifiques. Il est très difficile d'intéresser les Canadiens aux sciences. Il est beaucoup plus facile de regarder le ciel qui nous tombe sur la tête et de jouer les alarmistes en parcourant le pays pour dire que les gens vont se noyer, que les ours polaires vont mourir. Comment faire de la vulgarisation scientifique à un niveau qui soit compréhensible pour les Canadiens? Comment devons-nous nous y prendre?
Par ailleurs, qu'est-ce que les gens pensent de Kyoto au Canada? Si vous leur poser la question à Toronto, ils vous diront qu'il s'agit du smog. Nous pouvons réduire les épisodes de smog en signant l'Accord de Kyoto. Nous pouvons arriver à ne plus devoir bouillir l'eau que nous consommons, à vivre dans un environnement sain, si nous allons dans le sens de l'Accord de Kyoto.
Voilà donc tout un tas de questions. Peut-être pourriez-vous tenter d'y répondre en commençant par celui d'entre vous qui voudrait le faire d'une façon générale. Je pense que vous avez compris où je voulais en venir.
Ici encore, le comité est là pour réunir des éléments probants concernant Kyoto et arriver à une position équilibrée. Comme vous, je crains énormément de voir le Canada dépenser des milliards de dollars dans des programmes qui, en définitive, feront peu de différence, que ce soit pour le Canada ou pour le reste du monde.
 (1200)
Le président: Voilà donc une palette très variée de questions. Qui d'entre vous voudrait commencer à répondre à certaines des questions posées par M. Mills?
Monsieur Patterson, allez-y.
M. Tim Patterson: Je ne suis pas prêt à parler de l'accord de Kyoto en tant que tel. Je ne suis pas expert dans ce domaine. Je suis paléoclimatologue, mais je voudrais vous parler de deux choses qui concernent la science, la première étant l'affirmation selon laquelle le dioxyde de carbone est un gaz nocif. C'est tout à fait ridicule. Le dioxyde de carbone est un aliment pour les plantes et c'est aussi une composante naturelle de l'atmosphère.
Ce que l'humanité produit probablement le plus chaque année, c'est une augmentation nette d'environ trois gigatonnes par rapport à un flux total d'environ 740 gigatonnes. Voilà l'ordre de grandeur de l'augmentation, et celle-ci est due à l'influence anthropique, c'est-à-dire produite par l'homme. Mais si on prend l'échelle géologique, on constate que lorsque les concentrations de CO2 augmentent, c'est généralement à la suite d'une augmentation de la température moyenne parce que, comme vous venez de le mentionner, le CO2 est absorbé par la végétation et cela reflète donc une activité biologique.
Voilà la réponse simple concernant le CO2. On ne saurait comparer de quelque façon que ce soit ce gaz à quelque chose de toxique. D'ailleurs, nous en respirons alors même que nous sommes ici. Voilà donc la première réponse.
La seconde partie de ma réponse concernerait la vulgarisation scientifique. Je suis moi-même éducateur et c'est quelque chose qui me pose beaucoup de difficulté. Chaque année, je donne un cours sur les changements climatiques à l'Université Carleton. J'enseigne cette matière actuellement et j'ai environ 350 étudiants. Ce sont des étudiants de niveau universitaire et je suis abasourdi par l'incompréhension dont ils font preuve à l'endroit de certains des éléments les plus fondamentaux du climat.
À la fin du semestre, je me sens conforté à l'idée que je les ai amenés à un certain niveau, un niveau qui leur permet de comprendre l'essentiel de certaines des grandes questions. Ils ne comprennent pas Kyoto, ils ne comprennent pas ce que Kyoto sous-tend et, en particulier, ils ne comprennent pas la science des changements climatiques. C'est pour cette raison que, chaque fois que je le peux, j'essaie de donner des conférences publiques à caractère général sur le climat, c'est un exemple que je vous donne, afin de mettre les gens un peu plus au courant pour qu'ils puissent se faire une opinion éclairée de la chose sans être influencés à l'excès par certains organismes dont les visées sont bien connues.
Voilà à peu près tout ce que je pourrais vous dire pour l'instant sur l'aspect scientifique.
Le président: Je vous remercie.
Au tour de M. Guilbeault.
M. Steven Guilbeault: Pour revenir à la science, dire que des organismes comme la NASA et le Pentagone , lequel par exemple a publié au mois d'avril...
Une fuite a révélé qu'une étude du Pentagone affirmait que les changements climatiques représentaient une menace bien plus grave que le terrorisme pour la sécurité des États-Unis. Dire que le centre Hadley, Environnement Canada et les 122 pays qui ont ratifié l'accord de Kyoto sont tous victimes d'une hallucination collective serait un peu exagéré.
Quant à vivre dans une caverne, je ne suis pas particulièrement ouvert à l'idée. Vous connaissez peut être un peu les pays scandinaves dont le niveau de vie est très semblable au nôtre. Les Scandinaves vivent dans un climat froid. Ils ont comme nous des industries lourdes—je parle par exemple de la Norvège—mais leur consommation énergique est essentiellement le tiers de la nôtre. Il ne s'agit donc pas de vivre dans des cavernes, mais plutôt de faire preuve d'efficience. Et pour être franc avec vous cette efficience serait non seulement bonne pour l'économie, elle serait également bonne pour l'environnement.
Cela vous rassurera probablement de savoir que je suis un spécialiste des sciences sociales. J'ai publié dans des revues scientifiques approuvées par des collègues un certain nombre d'articles consacrés à la question des changements climatiques, et comme Morag l'a déjà signalé, les milieux scientifiques internationaux s'entendent sur la question des changements climatiques. Effectivement, il y a encore des gens qui contestent cela, mais la très grande majorité des scientifiques qui travaillent sur cette question disent que c'est effectivement ce qui se passe.
Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, le GIEC, a procédé à l'examen scientifique international de tout ce qui est publié au sujet des changements climatiques. Je n'ai pas les chiffres du rapport d'évaluation de 2001, mais en 1995, ce groupe a analysé 20 000 articles scientifiques concernant les changements climatiques, et c'est de cette façon qu'il a pu tirer les conclusions qu'il a tirées en 1995, ainsi que celles qu'il a publiées en 2001.
Je pense que personne n'a dit que le CO2était un gaz toxique, même si plusieurs parlements du monde, dont celui du Québec, ont affirmé qu'il fallait considérer ce gaz comme un polluant. Mais si vous regardez la définition classique de l'effet d'un polluant sur l'environnement, effectivement on peut dire que ce gaz est un polluant. Mais, c'est certain, personne ne va dire que c'est un gaz toxique.
Je suis d'accord avec vous pour dire que le plan de mise en oeuvre de l'accord de Kyoto devrait être axé sur la mise au point de nouvelles technologies et leur mise en oeuvre ici au Canada, plutôt que sur l'achat de crédits à l'étranger. Cela étant dit, je pense qu'il faut bien admettre qu'étant donné tout le temps que nous avons perdu ces dernières années, il va bien falloir acheter certains crédits à l'étranger, mais il faut aussi que nous ayons la garantie que ces crédits concernent des projets valables—et il y en a dans lesquels nous pourrions investir. Chaque jour qui passe, des compagnies canadiennes investissent à l'étranger, et il faut faire en sorte que ces investissements aillent à des projets valables.
 (1205)
Le président: Je vous remercie.
Monsieur Ribaux, il nous reste une minute pour cet échange de vue.
M. Sidney Ribaux: Très bien. En deux mots, nous pourrions parler pendant très longtemps encore de l'objectif de l'accord de Kyoto, mais pour la plupart des mesures que nous proposons, réduire les émissions de CO 2présenterait d'énormes avantages associés qui eux-mêmes en vaudraient bien la peine si l'on songe à la pollution de l'air dans les villes ainsi qu'aux embouteillages qui coûtent aux villes comme Montréal et Toronto des centaines de millions de dollars par an.
Sur le plan de la technologie, je suis plus ou moins d'accord avec vous. Nous devons utiliser l'accord de Kyoto pour mettre au point des technologies prometteuses pour l'avenir, par exemple dans les domaines de l'énergie éolienne et de l'énergie géothermique. Il faudrait que nous investissions dans ces nouvelles formes d'énergies au lieu de financer les technologies existantes qui se sont révélées extrêmement polluantes pour toutes sortes de raisons, et notamment en ce qui concerne les changements climatiques—je pense ici à l'industrie pétrolière et à l'énergie nucléaire par exemple.
Le président: Je vous remercie, monsieur Ribaux.
Nous allons maintenant passer au prochain intervenant, mais je dois vous rappeler encore une fois que, même si le temps d'intervention est écoulé, s'il vous reste quelque chose à ajouter, vous pouvez toujours le faire lorsque vous répondrez aux questions des autres députés.
La parole est maintenant à M. Bigras.
[Français]
M. Bernard Bigras (Rosemont—La Petite-Patrie, BQ): Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais aborder la question de la carotte et du bâton. Je parlerai moins de la carotte, parce que cela me semble être une évidence, mais j'aimerais qu'on discute du bâton. À mon avis, on est obligés d'en discuter, parce que l'approche volontaire à laquelle on a eu recours jusqu'à maintenant a été un véritable échec. À mon avis, le débat doit être déplacé vers la réglementation, mais encore faut-il savoir quel type de réglementation on veut adopter au Canada, plus particulièrement au regard des grands émetteurs industriels et des 55 mégatonnes.
Jusqu'à présent, l'approche utilisée par le gouvernement fédéral aborde la question de l'intensité des émissions de gaz à effet de serre pour les grands émetteurs industriels, donc le rapport entre les émissions et la production, plutôt que la quantité absolue d'émissions par secteur industriel.
Deuxièmement, on tient compte de 2010. On dit qu'on va faire une évaluation des émissions de gaz à effet de serre par secteur industriel projetées jusqu'en 2010, et qu'on réduira ces émissions de 15 p. 100 par secteur industriel. Dans la mesure où l'on peut s'entendre sur une réglementation comme voie à privilégier, que pensez-vous des deux notions dont j'ai parlé, soit l'intensité des émissions de gaz à effet de serre comme base pour le calcul d'une répartition sectorielle et le choix de l'année 2010? N'est-ce pas tout simplement un encouragement à polluer, qui fait en sorte que certaines entreprises, comme celles du secteur manufacturier québécois, qui a réduit ses émissions de gaz à effet de serre de 7 p. 100 depuis 1990, pourraient se voir pénalisées?
 (1210)
M. Steven Guilbeault: Merci, monsieur Bigras.
En ce qui concerne la question de la réduction de l'intensité des émissions par opposition aux réductions absolues, nous sommes tout à fait d'accord avec vous. C'est une très mauvaise approche qui a été introduite dans le programme des grands émetteurs que celle de fonctionner à partir de l'intensité des émissions, vu qu'il n'est nullement garanti que nous atteindrons des réductions d'émissions totales, ce qui était l'objectif de Kyoto, de toute évidence.
Il faut bien comprendre qu'on nous fait miroiter la catastrophe économique, comme on l'a d'ailleurs fait à l'époque du débat sur la ratification du Protocole de Kyoto et sa mise en oeuvre au Canada, notamment dans le secteur du pétrole et du gaz. Cependant, si ma mémoire est bonne, c'est M. George Anderson , sous-ministre au ministère des Ressources naturelles, qui a avoué devant ce même comité que l'impact des mesures prévues sur le secteur du pétrole représenterait une augmentation de 23 à 25 ¢ le baril de pétrole. C'est une augmentation par baril et non par litre, alors qu'il y a des variations de plusieurs dollars par semaine sur les marchés internationaux, parfois même plus. Cela ne semble pas embêter l'industrie, alors qu'une augmentation de 23 à 25 ¢ le baril entraînerait une catastrophe économique. J'ai un peu de difficulté à croire cela.
La période de référence est une question très importante aussi. Il faut bien comprendre qu'en décidant d'adopter 2010 plutôt que 1990, par exemple, on inviterait les gens à polluer beaucoup d'ici 2010 afin qu'il y ait un plafond d'émissions maximal. Ainsi, les réductions seraient beaucoup plus faciles que si on utilisait 1990 comme année de base, alors que c'est celle qu'on utilise déjà dans le Protocole de Kyoto. Le choix de l'année 1990 permettrait de reconnaître les efforts déjà faits dans plusieurs secteurs de l'industrie canadienne, en Ontario par exemple. On parlait aussi du secteur manufacturier québécois, mais ce qui est vrai au Québec l'est dans plusieurs secteurs manufacturiers au Canada. On pense aux pâtes et papiers, qui ont beaucoup réduit la consommation d'énergie pour la production à l'échelle du Canada. On pense aussi au secteur de l'aluminium. Si on choisit 2010 plutôt que 1990, tous les efforts déjà déployés par ces industries seront pratiquement effacés et non reconnus par le plan fédéral.
Le président: Monsieur Simard.
M. Christian Simard (Beauport—Limoilou, BQ): Je crois qu'il faut redire que nous avons raté des objectifs. Nous avons engagé 3,7 milliards de dollars, je crois, et nous accusons un retard de 28 p. 100 dans l'atteinte des objectifs. Je crois que l'heure est grave, parce que cela signifie une action assez radicale. Nous serons obligés de faire de façon plus directe ce que nous aurions pu faire par étape.
Le ministre des Finances est venu ici nous dire que les Canadiens voulaient un développement économique et une protection de l'environnement très rapides, et que le gouvernement allait leur offrir les deux.
Maintenant, il y a des choix difficiles à faire, et nous sommes à la veille d'un budget. Pouvez-vous nous dire quelles mesures fiscales seraient importantes dans ce budget, et nous dire aussi pourquoi, selon vous, ces mesures fiscales, qui ne coûtent pas cher à un gouvernement, ne sont pas appliquées de façon urgente conformément au Protocole de Kyoto? Comment interprétez-vous le fait qu'on n'en tire pas parti?
M. Steven Guilbeault: Merci, monsieur Simard.
Présentement, le système fiscal canadien a tendance à encourager les activités qui génèrent beaucoup de gaz à effet de serre et à décourager celles qui en produisent peu ou pas. Il est vrai que le gouvernement fédéral a mis en place un crédit à la production d'énergie éolienne qui est, soit dit en passant, à peu près le tiers du crédit à la production d'énergie éolienne qui est offert aux États-Unis sous l'administration de M. Bush. George W. Bush offre un crédit à la production d'énergie éolienne trois fois plus généreux que celui qui existe au Canada. Pourtant, il est considéré rétrograde en matière d'environnement. Il l'est, mais je pense que cela illustre qu'on a beaucoup de retard à ce niveau au Canada.
Comme je l'ai dit plus tôt, au cours des années 1990, nos émissions ont beaucoup augmenté. Si elles avaient été stabilisées pendant les années 1990, nous ne serions qu'à 6 p. 100 de l'objectif du Protocole de Kyoto. Nous sommes à 28 p. 100, peut-être même plus, de cet objectif. Il y a donc un coup de barre à donner, et cela doit se faire. On doit cesser de financer les activités polluantes à l'aide des deniers de l'État, et on doit encourager massivement les activités non polluantes du point de vue des émissions de gaz à effets de serre. Comme Sidney l'a dit, et il est très important de le mentionner, quand on s'attaque aux émissions de gaz à effet de serre, on s'attaque aussi à la source de plusieurs autres polluants, notamment les oxydes d'azote et les oxydes de soufre.
Je suis d'accord avec mes collègues sur le fait qu'il faut réduire progressivement et même éliminer les subventions du gouvernement fédéral aux combustibles fossiles--qui n'en ont de toute évidence pas besoin, au prix où se vend le baril présentement--et qu'il faut encourager massivement l'introduction des énergies renouvelables, mais aussi le transport en commun. Parmi les pays de l'OCDE, le Canada est celui qui investit le moins dans le transport en commun. Il y a également un coup de barre à donner à cet égard. C'est très clair pour nous qu'on doit cesser de financer des activités qui polluent et qu'on doit financer leur contraire.
 (1215)
[Traduction]
Le président: Monsieur Bigras, il vous reste une minute et demie.
[Français]
M. Bernard Bigras: J'ai encore une question. On a appris qu'on réduirait les objectifs pour les grands émetteurs industriels de 55 à 35 mégatonnes environ. Inévitablement, si on veut atteindre l'objectif du Protocole de Kyoto, il faudra aller chercher des crédits pour ces mégatonnes ailleurs. Il semble que le gouvernement fédéral veuille aller les chercher à l'étranger.
Dans le plan original de novembre 2002, on disait que le gouvernement canadien souhaitait allait chercher des crédits pour 12 mégatonnes d'émissions sur le plan international. N'y a-t-il pas des limites à tenter d'aller chercher des mégatonnes à l'étranger, alors que nous pouvons, de toute évidence, réduire à la source les émissions de gaz à effet de serre sur notre territoire? Y a-t-il des limites à aller chercher des crédits d'émissions à l'étranger?
Le président: Monsieur Guilbeault, une réponse courte, s'il vous plaît.
M. Steven Guilbeault: Il n'y a pas de limite prévue par le Protocole de Kyoto. Évidemment, le problème est que cela pourrait être perçu comme une fuite de capitaux. Je suis d'accord avec votre collègue du Parti conservateur: on financerait ailleurs des réductions d'émissions et le développement technologique, alors que nous stagnerions avec une technologie désuète et polluante. Je ne crois pas que ce soit une stratégie de développement économique sensée.
[Traduction]
Le président: Je vous remercie.
Nous allons maintenant entendre les questions de M. McGuinty.
M. David McGuinty (Ottawa-Sud, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je remercie également nos témoins d'être venus aujourd'hui.
Cette réunion me rappelle un peu un forum que j'avais convoqué ici avec les membres du comité, à l'occasion duquel la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie du conseil consultatif du premier ministre avait ainsi organisé un forum national sur les changements climatiques. Ce forum avait invité 29 experts pour parler du point de vue économique, du point de vue scientifique, de la politique de l'État, du point de vue du droit international et ainsi de suite. Nous avions demandé à chacun des témoins qui étaient venus prendre la parole de parler des limites de leur discipline et, simultanément, de nous faire part de ce qu'ils savaient et aussi de ce qu'ils ne savaient pas.
Alors il s'agit soit d'une résultante naturelle des différences entre les disciplines, soit une différence de méthodologies scientifiques ou encore d'un problème épistémologique, je n'en sais rien, mais là aussi, nous avions eu une série d'exposés qui ne parlaient nullement des limites des disciplines en question, ce qui avait laissé les membres du comité sur leur faim.
Je voudrais revenir sur quelque chose dont a parlé M. Simpson au sujet de la chance unique que nous avons de pouvoir entendre des opinions divergentes. Personnellement, je ne suis pas d'accord. Cela fait plus de dix ans que le gouvernement entend des opinions et des avis différents et divergents dans ce dossier. Ce n'est pas la première fois. C'est peut-être la première fois que des opinions de ce genre sont exprimées devant notre comité, je n'en sais rien monsieur le président, vous êtes ici depuis plus longtemps que moi. Mais je ne pense pas que le comité ou le gouvernement veuille jouer les censeurs. Je ne pense pas que cela ait jamais été le cas. Cela ne veut pas dire pour autant que le débat sur les changements climatiques ne fait pas l'objet d'actes de censure de la part de tous les camps en présence. Je pense que c'est encore le cas, et c'est une retombée très regrettable qui fait qu'il nous est de plus en plus difficile de terrasser une fois pour toute pour cet animal énorme qu'est le changement du climat.
Je voudrais également revenir sur certaines choses qu'on trouve dans le document de la Friends of Science Society, un document que j'ai trouvé fort bien fait et fort bien tourné.
Ce qui m'a frappé le plus, c'est le sixième paragraphe de la première page où l'on peut lire qu'aucune décision stratégique ne devrait être prise sur la base du savoir scientifique actuel, qui est incomplet. J'ai beaucoup aimé que ce document parle d'un savoir « incomplet » et non pas d'un savoir « incertain », parce que le Protocole de Kyoto dit lui-même expressément que le savoir scientifique n'est pas complet. Et justement, j'aimerais demander à nos témoins si une science peut jamais être complète. Elle ne l'est pas.
Nous avons posé cette question, la science est-elle complète ou incomplète, aux 30 membres de l'Ordre du Canada qui étaient réunis à l'occasion de notre forum national à cette table ronde. Ils ne savaient rigoureusement rien au sujet des changements climatiques, et d'ailleurs on les avait choisis précisément pour cette raison-là. Ce n'était pas des écologistes ou des anti-environnementalistes, et tous les anciens politiciens avaient été d'emblée exclus. On leur avait donc donné le privilège de venir entendre tous ces experts.
Au bout du compte, dans l'impossibilité d'arriver à un consensus sur la question de la science, ils ont dit aux Canadiens, dans leur déclaration, que nous devions prendre une assurance quelconque. Ce qu'il faut faire, c'est suivre la science et investir massivement dans celle-ci. Il faut faire des changements de cap en cours de route lorsque nous découvrons quelque chose de nouveau, et il est donc important que nous soyons au courant des nouvelles découvertes. Mais en même temps, cet échantillonnage par défaut de la société canadienne avait affirmé vouloir que le gouvernement progresse dans le sens du protocole, qu'une quelconque assurance soit prise, ce qui permettrait de profiter des retombées secondaires comme une meilleure qualité de l'air et une plus grande éco-efficacité, le genre de choses que les gens seraient naturellement enclins à vouloir de toute façon.
Voilà donc la réflexion que je voudrais livrer pour commencer à nos témoins en leur demandant ce qu'ils en pensent.
Ce qui m'a également frappé, c'est l'exposé de la Fondation David Suzuki qui parlait, à l'appui de l'une de ses recommandations, des travaux effectués par l'Institut Pembina.
Malheureusement, je n'ai pas encore vu le rapport de cette étude et peut-être d'ailleurs devrions-nous nous en procurer un exemplaire, monsieur le président.
Mais il y a actuellement un débat sur la question de savoir quelle est la science ou quelle est l'analyse qui est plus robuste que toutes les autres. Mais cela ne répond pas du tout aux interrogations des Canadiens, des députés et des membres du comité qui essaient de découvrir la vérité. Je ne sais pas au juste ce qu'affirme cette étude, j'aimerais en savoir davantage, mais j'aimerais également savoir ce que les autres intervenants de notre société ont à dire à propos de cette étude et aussi si l'État subventionne l'industrie des combustibles fossiles. Je ne sais pas si c'est le cas.
Je voudrais maintenant demander à nos témoins de répondre à cela.
Je vous remercie.
 (1220)
Le président: Merci, monsieur McGuinty.
Je pense que nous allons recevoir la semaine prochaine les représentants de l'Institut Pembina.
Vous avez donc entendu les questions et peut-être, monsieur Simpson, voudriez-vous ouvrir la voie.
M. Charles Simpson: Effectivement, monsieur le président, je vous remercie.
Pour commencer, je vous remercie beaucoup pour les bons mots que vous avez eus au sujet de notre exposé scientifique.
Ce que nous affirmons, c'est qu'il faut faire quelque chose pour les problèmes environnementaux, qu'il faut faire quelque chose pour contrer la pollution, mais nous pouvons montrer de façon probante que le CO2 n'est pas un polluant, et qu'en nous employant à réduire les émissions de CO2, nous passons à côté de la possibilité de nous attaquer aux véritables polluants que sont les NOx et les SOx, c'est ainsi qu'on les appelle, ainsi que les particules en suspension.
Puisque c'est en l'occurrence la première fois qu'on peut parler de science, nous pouvons pour commencer vous montrer qu'on nous a empêchés d'assister à des réunions censées s'adresser aux parties prenantes et, en second lieu, lorsque nous avons accès à ce genre de tribune, on nous empêche d'y prendre la parole.
Si je pouvais poser une question, j'aimerais savoir en quoi le fait d'acheter des crédits à la Russie améliorera la situation de la pollution au Canada.
 (1225)
Le président: Eh bien, monsieur Simpson, vous introduisez ici une perspective et une procédure bien différentes, et je me demandais si nous ne pourrions pas laisser cela de côté pour l'instant.
M. Charles Simpson: Certainement.
Le président: M. McGuinty a posé ses questions à la cantonade, et nous pourrions peut-être permettre aux autres témoins de lui répondre.
Madame Carter.
Mme Morag Carter: Je vous remercie.
En ce qui concerne les limites de la discipline, à l'instar de Steven, je suis spécialiste en sciences sociales et je travaille dans un milieu de travail dont les membres représentent une diversité scientifique aussi marquée qu'intéressante.
À mon avis, l'un des éléments qui est vraiment intéressant lorsqu'on parle des changements climatiques, c'est précisément l'une des choses qui ont été évoquées le matin par MM. Patterson et Simpson, en l'occurrence c'est un domaine qui est ouvert à une palette très large de points de vue, de différences et de disciplines lorsqu'il s'agit d'évaluer la science du climat. Si nous laissions cette science uniquement aux spécialistes de l'atmosphère par exemple, je pense que ce serait incompréhensible. Il faut absolument faire intervenir une palette vraiment intéressante de points de vue.
Quand la science suffira-t-elle, si tant est qu'elle puisse jamais être suffisante?
À mon avis, lorsqu'on dispose de toute une série d'éléments probants qui commencent à prouver que l'inaction produira pour nous des conséquences très graves—économiques, financières, environnementales et sociales—nous avons impérativement le devoir et l'obligation d'agir. Mais cela ne veut pas dire pour autant qu'il faille considérer que chaque nouveau rapport soit une preuve absolue dans un sens ou dans l'autre. Je pense que nous tous—vous comme nous—avons le devoir d'évaluer la validité de ce dossier de preuves et d'agir avec prudence et circonspection.
Le président: Monsieur McGuinty, malheureusement votre temps d'intervention pour ce tour-ci est écoulé.
Pour le tour suivant, je vais donner la parole d'abord à M. Cullen parce que c'est son nom qui figure sur la liste.
Nous revenons donc à M. Cullen. Vos questions, je vous prie.
M. Nathan Cullen (Skeena—Bulkley Valley, NPD): Merci, monsieur le président. Merci également à nos témoins d'être venus nous rencontrer aujourd'hui.
J'aimerais d'abord faire une observation.
Dans ses commentaires d'aujourd'hui, Friends of Science laisse entendre qu'il y a eu quelque chose de louche, presque une conspiration, dans la façon dont le gouvernement fédéral a agi au cours des dix dernières années, y compris à l'échelle internationale.
J'hésite énormément à me rallier à une théorie de complot quelconque pour expliquer pourquoi la question des changements climatiques provoque une telle polarisation. Même les publications de vulgarisation, dont le National Geographic, qui a consacré récemment tout un numéro à cette question, ont pris plusieurs années avant de se prononcer. On y a examiné toute une gamme de domaines et on en a conclu que les choses vont très mal...
Je ne vais pas prendre de temps pour poser des questions ou obtenir des réponses au sujet de votre témoignage, bien que je sois assez curieux de savoir comment on a pu en arriver à ne pas tenir compte de connaissances scientifiques aussi importantes, tant au Canada qu'à l'étranger, à tel point que bon nombre de scientifiques, qui par nature ont tendance à dire le contraire les uns des autres, ont réussi à s'entendre—des scientifiques qui sont des experts de la recherche et qui ont publié de nombreux ouvrages.
Mes questions porteront plutôt sur ce concept de la carotte et du bâton, que M. Guilbeault... que ce gouvernement libéral semble tant hésiter à utiliser envers l'industrie. Le gouvernement semble hésiter beaucoup à imposer des règlements, selon les secteurs. Dans bon nombre de cas, il préfère compter sur les mesures volontaires que les entreprises voudront bien adopter. On l'a constaté déjà il y a bien des années dans le dossier de l'amiante ou du plomb dans l'essence à moteur. Là aussi, il y avait de la résistance et on prédisait une catastrophe.
J'aimerais que vous me parliez de l'importance de s'orienter vers des règlements exécutoires et un cadre réglementaire. Prenons plus particulièrement le cas des gaz d'échappement. Quelle est l'importance de cette orientation dans les plans, quels qu'ils soient, que le gouvernement pourrait adopter?
Le président: Monsieur Guilbeault.
M. Steven Guilbeault: Merci, monsieur Cullen.
Il est essentiel que nous obligions les constructeurs d'automobiles du Canada à produire des véhicules plus efficaces et moins polluants, non seulement dans le cadre de notre stratégie de mise en oeuvre de l'accord de Kyoto, mais aussi dans le cadre d'une stratégie générale nationale de lutte contre la pollution atmosphérique.
Les constructeurs d'automobiles canadiens se défendent en disant qu'ils seraient les seuls sur la planète à fabriquer de tels véhicules et qu'ils ne peuvent produire des véhicules uniquement pour nous. Eh bien, c'est parfait, ils n'auront pas à le faire. L'Oregon a adopté les normes de la Californie. La Californie s'est bien sûr alignée sur ses propres normes. Un certain nombre d'autres États américains s'engagent également dans cette direction, dont New York.
On sait que les gens voyagent de plus en plus et qu'il y a à chaque année un nombre croissant de véhicules sur les routes... l'efficacité énergétique moyenne des automobiles est demeurée stable depuis la fin des années soixante-dix. Si l'on tient compte de l'incroyable évolution technologique qu'a connue le secteur de l'automobile, cette statistique est renversante. Nous aurions très bien pu...
Oui, il en coûterait plus cher pour acheter ces véhicules efficaces. Il y a d'ailleurs un débat à ce sujet en Californie. Il en coûterait de 1 000 $ à 3 000 $ de plus pour acheter ces véhicules efficaces. Si l'on tient compte de ce que le Canadien moyen parcourt environ 16 000 kilomètres par année, ces frais sont recouvrés si rapidement que ce n'est pas un problème.
À vrai dire, notre approche à ce sujet, comme dans d'autres secteurs, a consisté à négocier des mesures volontaires avec les fabricants d'automobiles. Eh bien, cela ne marche pas. Nous n'obtenons pas de résultat. Nous ne ferons pas de progrès tant que le gouvernement ne dira pas aux constructeurs d'automobiles au Canada que nous pouvons négocier, mais qu'ils peuvent compter sur le fait qu'en cas d'échec des négociations, le gouvernement fédéral va légiférer.
Sinon, nous n'en sortirons jamais.
 (1230)
Le président: Quelqu'un d'autre souhaite intervenir?
Madame Carter.
Mme Morag Carter: Merci.
Il ne faut pas oublier non plus que la Chambre a adopté une loi en 1982. Mais elle n'a jamais été proclamée. Elle n'a jamais été proclamée parce que le secteur de l'automobile a exercé de fortes pressions afin de négocier des ententes de mesures volontaires conformes à l'esprit de la mesure législative.
Eh bien, nous nous retrouvons 20 ans plus tard exactement dans la même situation. Le drame, c'est que si on avait pris les mesures nécessaires en 1982, lorsqu'il existait un pacte de l'automobile, lorsqu'il existait une infrastructure nationale robuste pour appuyer le secteur de l'automobile, nous ne serions pas pris en otage comme nous le sommes maintenant en raison des pressions qu'exercent le secteur de l'automobile.
Le président: Monsieur Cullen.
M. Nathan Cullen: On dit de plus en plus que l'énergie est au coeur de l'accord de Kyoto, la façon dont l'énergie est produite et utilisée, ainsi que la façon dont les marchandises et les personnes sont transportées au Canada. L'un de vous a-t-il examiné quels effets aurait cet aplanissement des règles qui a été réclamé? J'ai entendu parler de « subventions »; les secteurs du pétrole, du gaz et du charbon, plus particulièrement, ont prédit des catastrophes si on éliminait les subventions à une partie importante de l'économie de l'Ouest, c'est-à-dire l'extraction de ces combustibles. Est-ce qu'on a examiné la possibilité de mettre tous ces secteurs sur un même pied et de traiter l'énergie éolienne de la même façon que le pétrole et le gaz? Quel effet cela aurait-il pour l'économie canadienne? C'est une question qui préoccupe énormément bon nombre de nos députés de l'Ouest.
Le président: Madame Carter.
Mme Morag Carter: Je crois que personne ne s'est penchée sur cette question en particulier. Le rapport Pembina a été déposé la semaine dernière, et c'est peut être pourquoi les membres du comité n'ont pas eu l'occasion de le lire. On y révèle qu'environ 8,3 milliards de dollars ont été dépensés en subventions aux secteurs du gaz et du pétrole. Je comprends qu'il est difficile du point de vue politique d'éliminer les subventions accordées aux secteurs du gaz et du pétrole, tant dans l'Ouest du pays que sur la côte Est.
Mais comme Steven l'a déjà mentionné, il pourrait être très important, entre autres, d'investir des sommes considérables dans les technologies renouvelables. Les incitatifs à la production d'énergie éolienne sont moins importants au Canada qu'aux États-Unis. Il y a aussi un certain nombre d'autres technologies qui commencent à se faire connaître et qui ne reçoivent pas le même soutien fédéral que l'énergie éolienne. C'est entre autres le cas de l'énergie géothermique et de l'énergie solaire. Il serait extraordinaire de mettre en place, par exemple, des mesures d'incitation à la production d'énergie renouvelable semblables à celles qui existent pour l'énergie éolienne.
 (1235)
Le président: Monsieur Guilbeault, suivi de M. Ribaux.
M. Steven Guilbeault: Il y a deux choses dont il faut tenir compte. Ce que nous préconisons, c'est une approche progressive. Il n'est pas question de causer un bouleversement massif dans un secteur de l'économie du Canada. Ce n'est pas ce que nous réclamons. Nous pourrions envisager des mesures comme celles élaborées par la CPE pour permettre une transition équitable. S'il y a des emplois perdus dans certains secteurs, donnons de la formation aux travailleurs touchés afin qu'ils puissent travailler dans d'autres secteurs.
Je me souviens qu'en 2002, à l'époque où l'on débattait la question de savoir si le Canada devrait ratifier ou non l'accord de Kyoto, Industrie Canada avait publié une étude montrant que, selon les différents scénarios de mise en oeuvre de l'accord de Kyoto, le secteur de l'énergie renouvelable du Canada pourrait afficher des recettes annuelles de sept à hui milliards de dollars si l'accord de Kyoto était mis en oeuvre convenablement. Il existe donc un potentiel certain de création d'emplois. Il existe aussi un potentiel de créer de la richesse. Il faut simplement appliquer l'accord convenablement.
Le président: Monsieur Ribaux. Il reste une minute.
M. Sidney Ribaux: Ce que nous proposons, c'est de modifier progressivement l'utilisation de l'argent du gouvernement. Par exemple, le Canada produit des trains et des autobus. À l'heure actuelle, nous produisons la moitié de tous les autobus urbains utilisés en Amérique du Nord, ce qui signifie que nous occupons la moitié du marché. Le transport en commun représente 40 000 emplois. Ce qu'il faut, c'est s'orienter vers ce type d'emploi, dans ce type d'économie, plutôt que de continuer dans notre orientation actuelle.
Le président: Il nous reste du temps pour une dernière question. Elle devra être brève, monsieur Cullen.
M. Nathan Cullen: On dit souvent que la pollution est causée par l'inefficacité d'un système, que ce soit l'inefficacité d'une machine ou de toute l'économie. On se plaint souvent du manque de productivité du Canada. Je me plains maintenant de ce que Georges Bush n'a pas prononcé de discours au Parlement, et qu'il n'a donc pas pu signaler à quel point les progrès réalisés dans le domaine de l'énergie éolienne aux États-Unis sont supérieurs aux nôtres. Les Canadiens en auraient sans doute été frappés.
Des représentants de l'Association minière du Canada et d'autres groupes ont communiqué avec moi. Ces groupes ont fait de grands efforts pour réduire leurs émissions gazeuses et en on retiré de bons bénéfices économiques. Ils ont déclaré que ces mesures étaient très avantageuses pour leurs entreprises. Et pourtant, les choses étant ce qu'elles sont maintenant, ils ne seront aucunement récompensés du travail qu'ils ont déjà réalisé. Il en coûtera plus cher à un certain nombre de ces entreprises minières pour réaliser d'autres progrès.
Vos organismes ont-il examiné l'idée des droits acquis, le fait pour le gouvernement de reconnaître les améliorations qui ont été apportées, d'en féliciter les auteurs et d'appliquer ces réductions aux objectifs fixés aux grands émetteurs finaux? C'est de cela que nous parlons généralement. Certains éléments du secteur minier sont un bon exemple.
Le président: Votre réponse devra être brève, monsieur Guilbeault.
M. Steven Guilbeault: Je crois qu'ils essaient d'avoir le beurre et l'argent du beurre. C'est bien l'expression consacrée? C'est un peu ce que disait M. Bigras tout à l'heure. Si nous utilisions l'année 1990 comme année de référence, ces efforts pourraient être reconnus, mais ces entreprises ou ces secteurs réclament qu'on utilise l'année 2010 comme année de référence pour mesurer l'intensité de la réduction des émissions, ce qui a pour effet d'annuler tous les efforts qu'ils ont déployés.
S'ils adoptaient l'approche dont nous avons parlé tout à l'heure, tous ces efforts seraient reconnus, mais puisqu'ils réclament l'année 2010 comme année de référence, ces efforts ne sont plus pris en compte.
Le président: Merci, monsieur Guilbeault et monsieur Cullen.
Nous allons maintenant faire un tour de questions et de réponses de cinq minutes. Nous allons revenir au début de la liste, avec M. Richardson.
M. Lee Richardson (Calgary-Centre, PCC): Merci, monsieur le président. Merci à nos témoins.
Ce que je trouve fascinant, dans ces audiences, se sont les similarités. Ce qui nous intéresse—ce qui m'intéresse, surtout en tant que néophyte—c'est de mieux comprendre les postulats de base qui s'appliquent à ce domaine. Par exemple, j'ai remarqué aujourd'hui que trois de nos quatre témoins ont répété le postulat de base de l'accord de Kyoto, c'est-à-dire que les émissions attribuables aux activités humaines contribuent au réchauffement de la planète, et que ce réchauffement se produit à un rythme rapide et menaçant. M. Cullen—je suis désolé qu'il ne soit pas avec nous pour l'instant—a même laissé entendre qu'il y a une sorte de théorie du complot si l'on pense différemment.
Il est important de poser des questions dans le même ordre d'idées que ce que disait M. McGuinty tout à l'heure, au sujet de ce groupe d'experts, car c'est ce que nous voulons savoir. Ce que nous voulons, ce sont des opinions d'experts et des données rigoureuses, pas seulement une répétition du point de vue d'autres personnes, car comme l'a dit Ronald Bailey, je crois, lorsqu'une idée devient généralement acceptée, les preuves et les anecdotes qui la confirment sont également acceptées et publiées, y compris par les médias. Il a également dit qu'il est beaucoup plus difficile de se faire entendre quand on va à l'encontre de l'opinion générale.
Nous ne voulons pas entendre simplement l'opinion générale—c'est important pour nous—nous voulons connaître également sur quoi cette opinion se fonde: d'où elle vient et sur quoi elle se fonde. Nous ne mettons pas en doute la sincérité des opinions et des préoccupations, mais il incombe aussi à notre comité de bien comprendre sur quoi se fondent ces opinions et de savoir quelles sont les lettres de créance de ceux qui les expriment.
Aujourd'hui, nous avons entendu que l'on met en doute les connaissances scientifiques qui sous-tendent ce dossier. Je parle de la science physique et non de la science sociale. Les lettres de créance semblent évidentes. Puis-je demander à nos premiers témoins quelles sont les lettres de créance qui leur ont permis de nous présenter ces renseignements aujourd'hui?
 (1240)
Le président: Monsieur Simpson.
M. Lee Richardson: Non, j'ai posé la question aux premiers témoins.
Le président: Oh, je vois. Désolé. Très bien, demandons à M. Guilbeault de répondre.
M. Steven Guilbeault: Comme je l'ai déjà dit, je suis un spécialiste des sciences sociales, mais j'ai fait mention de la NASA—vous en avez peut être entendu parler—d'Environnement Canada, du groupe d'Experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, du Pentagone, du Centre de météorologie britannique, du Centre météorologique de Chine, du Centre météorologique du Japon, du Centre météorologique européen, du Centre météorologique d'Allemagne... Un très grand nombre d'organisations mondiales—entre autres le Centre météorologique mondial—reconnaissent qu'il y a un changement climatique, qu'il est en train de se produire et qu'il est en grande partie due à l'activité humaine. Si vous voulez me questionner sur mes lettres de créance, vous pouvez aussi le faire sur les leurs.
M. Lee Richardson: Je ne voulais pas dire que je mettais en doute ces lettres de créance; je voulais simplement savoir qu'elles sont ces lettres de créance.
Mais vous avez soulevé cette question et je crois que toutes ces opinions ont déjà été exprimées. On a établi le postulat que les émissions de CO2sont la cause du changement climatique. Ce n'est que tout récemment que ces opinions ont été mises en doute.
Je sais qu'une fois qu'on s'est attaché à une opinion, il est difficile de faire marche arrière, que ce soit pour sauver la face ou autrement, mais il est raisonnable, à mon avis de poser des questions sur cela. C'est tout ce que je demande—êtes-vous convaincu qu'il ne soit pas nécessaire de revoir ces postulats? Compte tenu de vos antécédents, n'y a-t-il aucun doute dans votre esprit qu'il faille revoir le postulat fondamental de l'accord de Kyoto?
M. Steven Guilbeault: Ce n'est pas ce que je dis. Je dis que les changements climatiques font l'objet d'un débat scientifique constant. À l'heure actuelle, il y a consensus sur le fait que ce changement climatique est en train de se produire, que nous en sommes la cause, et que par conséquent, nous devrions élaborer des politiques pour corriger la situation, ce qui, comme d'autres l'ont signalé, nous permettra également de régler d'autres problèmes écologiques.
Je ne dis pas que nous devrions cesser le débat ou qu'on devrait empêcher les gens d'exprimer d'autres points de vue. Ce que je dis, c'est qu'il y a un consensus international sur cette question dont j'ai déjà parlée. Je ne dis pas qu'il faille cesser... Il ne faut pas empêcher ceux qui pensent autrement d'exprimer leur opinion. En fait, j'ai lu bon nombre d'articles du Prof. Patterson dans diverses publications canadiennes, mais surtout dans les journaux. Il arrive manifestement à exprimer son opinion, tout comme j'exprime la mienne et c'est là qu'en est actuellement le débat.
Le président: Monsieur Patterson, avez-vous une observation à ce sujet?
M. Tim Patterson: Permettez-moi de parler un peu de cette question d'un consensus.
Quand vous lisez des articles scientifiques, ce n'est pas comme lire un journal. Il n'existe pas ce consensus dont vous parlez. Il faut consulter les travaux de différents types de chercheurs. M. Guilbeault se décrit comme spécialiste des sciences sociales. Son travail consiste probablement à observer l'évolution actuel du climat. Il n'examine pas les variations naturelles sur de très longues périodes. Il faut tenir compte des différents types de recherche qui se font, qu'il s'agisse d'examiner les tendances climatiques à long terme ou de simplement observer le climat. Mais si vous lisez la littérature scientifique, vous constaterez que le débat est beaucoup plus étendu qu'on pourrait le croire lorsqu'on siège dans un comité comme le vôtre.
Le président: Merci, professeur Patterson.
Nous allons maintenant entendre M. Cullen, suivi de M. McGrath.
 (1245)
L'hon. Roy Cullen (Etobicoke-Nord): Merci beaucoup, monsieur le président. Je m'appelle Roy Cullen et je viens d'Etobicoke Nord. Il y a maintenant deux Cullen au Parlement.
Je suis désolé d'avoir raté vos exposés. Je vais commencer par... monsieur Simpson, j'ai raté votre exposé, mais j'ai lu votre mémoire. Vous dites quelque chose d'intéressant au sujet des gaz que nous devons éliminer. Pour ma part, je trouve que les gaz à effet de serre posent un problème et que nous devons prendre des mesures pour les éliminer.
Toutefois, votre argument est intéressant. Je sais que le gouvernement de l'Ontario a mis en place il y a quelque temps des mesures qui ont obligé les sociétés de camionnage, entre autres, à augmenter l'efficacité énergétique de leurs moteurs. D'après ce que m'ont dit des camionneurs, cela signifie que les véhicules seront plus polluants parce qu'ils émettront plus de certains gaz nocifs.
Je vis à Toronto et je trouve que la qualité de l'air est une question préoccupante. J'ai l'impression que nous devons travailler sur tous les fronts, mais les objectifs de nos politiques peuvent parfois être en conflit, ou nous devons du moins comprendre que quand nous nous attaquons aux émissions d'un gaz, cela peut avoir des conséquences inattendues auxquelles nous devons réfléchir.
L'un des gaz qui m'intéresse beaucoup est le méthane. Nous ne parlons pas suffisamment du méthane. Nous ne faisons pas suffisant de choses pour lutter contre les émissions de ce gaz. Si j'ai bien compris, le méthane fait partie des gaz à effet de serre et il est environ 20 fois plus dangereux que le CO2. L'une des raisons pour lesquelles nous émettons autant de méthane, c'est que nous enfouissons les déchets. Compte tenu de tous les déchets qui sont dans les sites d'enfouissement, à moins qu'il y ait un système pour recueillir le méthane qui est produit, comme c'est parfois le cas, ce gaz est libéré dans l'atmosphère. C'est un problème 20 fois plus grave que celui du CO2.
Pourriez-vous me dire pourquoi nous n'avons pas été en mesure de traiter plus efficacement les déchets solides municipaux et qu'est-ce que nous devrions faire à ce sujet?
Deuxièmement, on parle de modification fiscale, du secteur de l'énergie non renouvelable vers le secteur de l'énergie renouvelable. Nous ne savons pas ce qui figurera dans le budget, mais j'espère qu'il y aura des mesures à ce sujet.
Les sociétés de production d'énergie canadienne, les sociétés pétrolières et gazières, sont en train de se définir autrement. Elles sont maintenant des sociétés de production d'énergie. Si elles sont des sociétés de production d'énergie plutôt que des sociétés gazières ou pétrolières, c'est qu'elles essaient de mettre au point des sources d'énergie renouvelable. C'est ce que vous réclamez, je crois, un transfert des incitatifs fiscaux des producteurs d'énergie non renouvelable vers les producteurs d'énergie renouvelable. Il me semble que les sociétés productrices d'énergie, bien qu'elles pourraient...
L'un des problèmes, à mon avis, c'est la mise en valeur des sables bitumineux. Certains pourraient faire valoir que nous ne devrions pas les mettre en valeur, mais à court et à moyen terme, nous le devrions peut-être; par conséquent, si l'on veut équilibrer l'économie, il faudrait des politiques fiscales pour appuyer cette activité ou du moins la rendre plus économique à court et moyen terme. J'aimerais également qu'il y ait un virage fiscal en faveur du secteur de l'énergie renouvelable.
Je fais ces observations pour que ceux qui veulent y réagir puissent le faire.
Le président: Monsieur Simpson, voulez-vous commencer? Il faudra maintenant limiter les réponses à deux minutes.
M. Charles Simpson: Oui, merci. Je n'aurai pas besoin de deux minutes.
Le secteur du gaz et du pétrole de l'Alberta—le secteur de la production énergétique—est probablement le secteur de ce genre le plus propre au monde en ce qui a trait entre autres au contrôle des émissions. Le gouvernement de l'Alberta a énormément de mérite quant aux initiatives qu'il a prises pour lutter contre les vrais polluants.
Comme je l'ai dit, nous pensons qu'il faut lutter contre les vrais polluants, pas contre le CO2. Au cas où je n'aurai pas l'occasion de reprendre la parole, notre organisation vous offre de comparaître de nouveau devant le comité pour présenter une explication scientifique plus détaillée de notre raisonnement.
Le président: Merci. Il reste du temps pour une réponse. La question portait sur les déchets municipaux, le méthane et le virage fiscal.
Monsieur Guilbeault. Il reste une minute.
M. Steven Guilbeault: Je trouve qu'Albert Einstein nous serait actuellement d'une grande utilité. Il a dit que les problèmes graves auxquels nous sommes confrontés ne peuvent pas être résolus à un niveau de réflexion identique à celui qui les a suscités. C'est exactement le cas avec le changement climatique.
Pourquoi ne recueille-t-on pas tout le méthane qui est libéré par nos sites d'enfouissement? Je n'en sais rien. Dans la plupart des cas, c'est une mesure économique ou du moins presque rentable. Toronto réduira de cette façon ses émissions de gaz à effet de serre de quelques 20 p. 100.
Mais à mon avis, l'accord de Kyoto devrait nous obliger à revoir tout ce que nous faisons et à trouver des moyens innovateurs d'améliorer notre santé et nos conditions de vie sans nuire à la planète. C'est de cela qu'il est question.
Le gouvernement fédéral peut jouer un rôle très important dans ce domaine en étant un chef de file, en montrant la voie. Malheureusement, cela n'a pas été le cas jusqu'à présent. Nous acceptons de ratifier l'accord de Kyoto, mais parallèlement, nous ne voulons pas mettre en place de mesures qui obligeraient un secteur de l'économie à réduire ses émissions. Nous tenons un double discours, et c'est un problème.
 (1250)
Le président: Merci, monsieur Guilbeault.
Monsieur Simard a la parole.
[Français]
M. Christian Simard: Messieurs Guilbeault et Ribaux, madame Carter, on s'aperçoit que ceux qui veulent la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto ne groupent pas leur tir. On dirait qu'au niveau de la stratégie, ils demandent beaucoup de choses différentes et vont dans plusieurs directions. Il me semble que dans une telle situation, c'est facile pour un politicien de s'en tirer. Le ministre Goodale est venu nous dire que son ministère n'était aucunement responsable--il a finalement admis qu'à la limite, il l'était à la marge--du fait qu'on n'avait pas atteint les objectifs de Kyoto jusqu'à maintenant. C'est quand même assez grave qu'un ministre des Finances dise cela.
Que devrait-on faire pour forcer le ministre des Finances à agir? Quelle stratégie devrait-on adopter pour faire en sorte qu'on effectue des changements au niveau de la fiscalité au Québec et particulièrement au Canada? La Coalition du budget vert nous a dit qu'elle aurait pu recommander une taxe sur le carbone, mais qu'elle ne l'avait pas fait. C'est un peu curieux, mais on dirait qu'il existe une espèce de défaitisme: on est découragé et on croit que cela ne passera jamais. J'ai l'impression qu'avec ce gouvernement, on s'habitue à ce qui est immoral ou à l'absence de résultats. Finalement, on devient complaisant face à ce gouvernement.
Quelle stratégie allez-vous adopter pour obtenir du ministre des Finances qu'il assume ses responsabilités et celles de ce gouvernement, et qu'il utilise le budget de manière à favoriser l'atteinte des objectifs de Kyoto?
[Traduction]
Le président: Monsieur Guilbeault.
[Français]
M. Steven Guilbeault: Merci, monsieur Simard.
Je pense que même au sein du gouvernement fédéral, on reconnaît que l'approche adoptée dans ce dossier en 1992 ne fonctionne pas. Les fonctionnaires fédéraux admettent maintenant que les approches que nous prônons, celles de la carotte et du bâton, sont bonnes, mais il y a aussi toute la question de la fiscalité. Le gouvernement fédéral sait maintenant qu'il va devoir mettre en oeuvre ce genre de choses.
De notre côté, nous allons continuer à exercer beaucoup de pression sur le gouvernement fédéral. Les Canadiens et les Canadiennes sont préoccupés par la question des changements climatiques et ont à coeur la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto. Un sondage Léger Marketing rendu public lundi par la Presse canadienne démontre que plus de 80 p. 100 des Canadiens, si ma mémoire est bonne, souhaitent la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto. À cet égard, on va au-delà des voeux pieux. Lors du sondage Léger Marketing, on disait aux gens qu'ils devaient prendre conscience du fait qu'ils allaient être mis à contribution. On leur disait qu'ils allaient devoir réduire leurs émissions et faire leur part. Pourtant, il y a 80 p. 100 des gens au Canada qui ont dit oui. Ils ont dit qu'il fallait mettre en place des mesures plus contraignantes et aller de l'avant. Dans certaines provinces, comme le Québec, l'appui à ce type de proposition est de l'ordre de 92 p. 100. Ce n'est pas l'unanimité, mais on s'en approche drôlement.
Je crois que le gouvernement fédéral n'a d'autre choix que celui-là.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Simard.
Mesdames et messieurs, notre temps est presque entièrement écoulé, et nous allons maintenant donner la parole aux députés inscrits qui n'ont pas encore pu poser de questions.
Je vous demande donc—bien humblement— d'être indulgents afin que M. Watson puisse poser les dernières questions. Quelqu'un s'y oppose-t-il? D'accord.
 (1255)
M. Nathan Cullen: Puis-je avoir 30 secondes?
Le président: D'accord, et nous terminerons par M. Watson.
Merci beaucoup.
Monsieur Cullen, puis monsieur Watson.
M. Nathan Cullen: J'ai une toute petite question, pour établir la crédibilité de nos groupes de témoins. Je sais qu'il y a eu une question à ce sujet précédemment.
Je ne connais pas suffisamment votre organisation pour juger de votre crédibilité, pour savoir d'où vient votre financement ou quels sont les antécédents de vos membres. Chacun a son parti pris. Je voudrais connaître le vôtre. Pourriez-vous présenter ces renseignements au comité, expliquer d'où vient votre financement et qui sont vos membres?
Merci.
Le président: D'accord, merci.
Monsieur Watson.
M. Jeff Watson (Essex, PCC): Je remercie le comité de m'accorder un peu de temps.
Les témoins que nous avons entendus aujourd'hui en ont vraiment mis plein les gencives à l'industrie automobile. Avant de devenir député, j'étais moi-même un travailleur de l'automobile et à ce titre, je voudrais vous expliquer un peu mieux à quoi ressemble vraiment l'industrie automobile et en quoi le fait de copier une mesure réglementaire en vigueur ailleurs et d'essayer de l'utiliser pour l'Ontario, par exemple, ne marche pas. Je parle ici de la norme américaine CAFE.
Nous avons parlé des normes concernant le rendement du carburant en Californie, en Orégon, et peut être aussi dans d'autres états du Nord-Est Américain, mais la réalité est que dans aucun de ces états, l'industrie automobile n'est pas aussi concentrée qu'en Ontario. Par conséquent, l'adoption de ce genre de norme représente pour eux un coût négligeable.
Cette norme propose d'accroître de 25 p. 100 le rendement du carburant pour tout le parc automobile. Mais la réalité est qu'au Canada, nous produisons des voitures pour les exporter aux États-Unis et, de manière générale, pas pour la consommation intérieure. Il y a quelques modèles qui font exception, par exemple chez Honda, Toyota et d'autres constructeurs, mais il faut bien reconnaître que nous assemblons de gros VUS, nous assemblons des camionnettes et, pour pouvoir continuer à les produire après l'adoption de la norme CAFE, il faudrait que nous assemblions des centaines de milliers d'unités de plus pour les petits modèles.
Voilà qui est bien beau, mais où les vendrons nous? Nous ne pouvons pas les vendre au Canada parce que les Canadiens conduisent déjà des petites voitures. C'est cela la réalité.
C'est donc bien beau de parler de réglementation, mais il faut admettre qu'on ne comprend pas vraiment ce que cela signifierait ici. Ces emplois sur la chaîne de montage paient 30 $ de l'heure, et il faut ajouter les dizaines de milliers d'emplois périphériques qui dépendent de cela et qui paient 17 $, 18 $, jusqu'à 28 $ l'heure. Il y aurait donc un coût à payer ici.
Par ailleurs, avec ces emplois, Centraide va chercher des millions de dollars pour financer des refuges pour femmes battues, des millions de dollars pour aider les personnes souffrant d'un handicap intellectuel... J'en ai toute une liste ici.
Ce que j'essaie de faire comprendre au comité, c'est qu'une idée qui semble très bonne en théorie mais qui est mal mise en pratique dans un pays comme le nôtre, avec un échéancier de sept ans alors même que la chaîne de production est déjà bien souvent bloquée par un produit pour une période de six à huit ans dans l'industrie automobile, ce qui fait qu'elle ne peut pas être adaptée à la situation locale, peut avoir des effets vraiment désastreux dans la pratique. Il y a un coût énorme à payer.
Vous êtes vous demandé ce que cela coûterait et vous êtes vous demandé si des mesures réglementaires comme celles-là vous semblent logiques et s'il faut continuer dans ce sens?
Le président: Merci, monsieur Watson.
Monsieur Guilbeault.
M. Steven Guilbeault: Merci, monsieur Watson.
Le Syndicat canadien de l'automobile ne serait pas d'accord avec vous puisqu'il a souscrit au programme néo-démocrate sur la voiture verte et il a un programme qui appelle une norme extrêmement rigoureuse pour la consommation d'essence des véhicules vendus au Canada. C'est un programme qui a été lancé, si je ne me trompe pas, il y a environ un an et demi ou deux ans; il nous ferait plaisir de fournir au comité ce document, qui a reçu l'appui du Syndicat canadien de l'automobile.
M. Jeff Watson: J'aimerais beaucoup voir cela. Je pense avoir compris. J'ai travaillé sur une chaîne de montage dans une usine de camions et, pendant la durée de trois conventions collectives, soit huit ans, nous ne parvenions pas à alimenter la chaîne. Ce qui se passait, c'est que les pièces nécessaires existaient déjà mais étaient envoyées à d'autres usines. Il avait été impossible de mettre en production à temps dans un créneau de huit ans, ce qui aurait permis de sauver l'usine qui était dans ma localité et qui m'aurait permis moi, ainsi qu'à mes voisins, de garder leur emploi. D'ailleurs, il y a toujours chez-nous 650 personnes qui ont été mises en chômage technique et qui, deux années plus tard n'ont toujours pas de travail.
J'aimerais vraiment en savoir plus long au sujet des échéanciers. Si nous nous en tenons à 2010, nous allons perdre énormément d'emplois industriels dans le secteur automobile en raison d'un règlement comme celui-là, comme la norme CAFE. Cela va faire disparaître un nombre énorme d'emplois.
Dans la même veine, j'aimerais savoir si le gouvernement devrait indemniser les constructeurs d'automobiles pour les milliards de dollars qu'ils ont déjà investis dans les modèles existants qui viennent d'être mis en production ou qui vont l'être bientôt, parce que maintenant nous allons leur demander d'adopter une technologie différente, ce qui va les obliger à recommencer la R et D à zéro? Faudrait-il un genre d'indemnisation ou plutôt repousser les échéances de manière à sauvegarder les emplois pendant la période de transition?
Le président: Monsieur Ribaux.
M. Sidney Ribaux: Très souvent, c'est vers l'industrie que nous nous tournons lorsque nous voulons innover. En ce qui concerne le rendement du carburant, l'industrie automobile a lamentablement échoué. Actuellement, le rendement du carburant est encore moins bon que ce qu'il était du temps du modèle T de Ford. L'accord de Kyoto a été signé en 1997. Je pense qu'il faut égaliser les règles du jeu dans l'industrie automobile et il faut que le gouvernement fédéral intervienne pour créer un incitatif pour toutes les compagnies, même celles qui ne sont pas basées en Amérique du Nord, afin que ces compagnies offrent aux consommateurs des véhicules qui consomment moins.
· (1300)
M. Jeff Watson: Et les consommateurs américains? Nous, nous achetons déjà des petites voitures qui consomment beaucoup moins. Comment vous y prendriez-vous?
M. Sidney Ribaux: Il faut mettre en place des mesures de transition pour l'emploi. Mais je pense également qu'il faudra finir par regarder cela du point de vue du Canada. Il faut se demander où les emplois vont disparaître et si nous allons finir par produire des véhicules qui consomment moins et de l'énergie éolienne. Peu importe que ces gens assemblent des voitures, des autocars ou des wagons, ils continueront à occuper des emplois très bien payés. Il faut donc des mesures de transition pour les collectivités en question, mais l'objectif à long terme doit néanmoins demeurer.
Le président: Merci beaucoup.
Pour la gouverne des membres du comité, nous sommes arrivés à la fin du créneau horaire réservé au comité et je vais donc devoir lever la séance.
Monsieur Jean a un rappel au Règlement.
M. Brian Jean (Fort McMurray—Athabasca, PCC): Il s'agit d'une question qui intéresse le comité. Nous pourrions peut être commencer par remercier nos invités.
Le président: Je remercie donc tous nos témoins d'être venus aujourd'hui. À en juger d'après les questions qui vous ont été posées, vous aurez pu constater, je pense, que le comité s'intéresse énormément à la question et ne manque pas non plus de moyens. Nous vous remercions pour ce que vous nous avez appris, ce qui nous a permis de mieux comprendre comment nous pourrions honorer les engagements que nous avons pris à Kyoto et poursuivre dans cette voie.
Nous allons saisir le comité directeur du rappel au Règlement de M. Jean.
Une motion d'ajournement a été présentée.
Des voix: D'accord.
Le président: Merci beaucoup.
La séance est levée.