ENVI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de l'environnement et du développement durable
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 17 février 2005
Á | 1110 |
Le président (M. Alan Tonks (York-Sud—Weston, Lib.)) |
M. David Runnalls (président, Institut international pour le développement durable) |
Á | 1115 |
Á | 1120 |
Le président |
M. John Bennett (directeur, Campagne concernant l'énergie et l'atmosphère, Club Sierra du Canada (Chapitre de la C.-B.)) |
Á | 1125 |
Á | 1130 |
Le président |
M. Jack Cogen (président, Natsource) |
Á | 1135 |
Á | 1140 |
Á | 1145 |
Le président |
M. Lee Richardson (Calgary-Centre, PCC) |
M. John Bennett |
Á | 1150 |
Le président |
M. David Runnalls |
M. Lee Richardson |
M. David Runnalls |
M. Lee Richardson |
M. John Bennett |
M. Lee Richardson |
M. David Runnalls |
M. Lee Richardson |
M. Jack Cogen |
Á | 1155 |
M. Lee Richardson |
M. Jack Cogen |
M. David Runnalls |
Le président |
M. Christian Simard (Beauport—Limoilou, BQ) |
 | 1200 |
M. John Bennett |
M. Christian Simard |
M. John Bennett |
M. Christian Simard |
M. John Bennett |
M. Christian Simard |
M. John Bennett |
M. Christian Simard |
 | 1205 |
M. Doug Russell (directeur général, Natsource) |
M. Jack Cogen |
M. Christian Simard |
M. David Runnalls |
Le président |
M. David McGuinty (Ottawa-Sud, Lib.) |
 | 1210 |
Le président |
M. David Runnalls |
 | 1215 |
Le président |
M. John Bennett |
 | 1220 |
Le président |
M. Doug Russell |
Le président |
M. Brian Jean (Fort McMurray—Athabasca, PCC) |
 | 1225 |
M. John Bennett |
M. Brian Jean |
M. John Bennett |
M. Brian Jean |
M. John Bennett |
Le président |
M. David Runnalls |
 | 1230 |
M. Brian Jean |
M. David Runnalls |
M. Brian Jean |
M. David Runnalls |
M. Brian Jean |
Le président |
M. David McGuinty |
Le président |
M. David Runnalls |
Le président |
M. Jack Cogen |
 | 1235 |
Le président |
M. David McGuinty |
M. John Bennett |
M. David McGuinty |
Le président |
M. Christian Simard |
 | 1240 |
Le président |
M. John Bennett |
Le président |
M. Christian Simard |
M. John Bennett |
 | 1245 |
Le président |
M. David McGuinty |
M. Doug Russell |
M. David McGuinty |
M. John Bennett |
 | 1250 |
Le président |
M. Bob Mills (Red Deer, PCC) |
Le président |
M. Doug Russell |
 | 1255 |
M. Bob Mills |
Le président |
M. John Bennett |
Le président |
M. David Runnalls |
· | 1300 |
Le président |
CANADA
Comité permanent de l'environnement et du développement durable |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le jeudi 17 février 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
Á (1110)
[Traduction]
Le président (M. Alan Tonks (York-Sud—Weston, Lib.)): Bonjour aux membres du comité.
À nos témoins, bienvenue. Aux gens qui nous regardent, merci de vous être joints à nous.
À l'ordre du jour aujourd'hui nous avons, conformément à l'article 108(2) du Règlement, une étude sur la mise en oeuvre au Canada du Protocole de Kyoto—Partie I—Préparer la voie : La situation actuelle. La situation actuelle est un état de fait depuis un moment.
Nous accueillons aujourd'hui les représentants de l'Institut international pour le développement durable, David Runnalls; du Club Sierra du Canada, chapitre de la Colombie-Britannique, John Bennett, directeur de la campagne concernant l'énergie et l'atmosphère; et de Natsource, Jack Cogen, président, et Doug Russell, directeur général. Bienvenue à tous et merci d'être parmi nous aujourd'hui.
Nous pouvons procéder dans n'importe quel ordre mais je suggérerais que nous gardions celui indiqué dans l'ordre du jour. D'habitude, nous accordons environ 10 minutes à chacun des groupes qui témoignent et nous nous efforçons de rester dans ces temps, à une minute près. Nous accordons ensuite la parole aux partis, selon un ordre préétabli; ils disposent de 10 minutes pour poser des questions et entamer un dialogue dans le cadre d'une période de questions et de réponses. Voici donc comment nous nous organisons.
Sans plus tarder, peut-être que nous pourrions commencer par l'Institut international pour le développement durable et David Runnalls. À vous la parole.
M. David Runnalls (président, Institut international pour le développement durable): Merci beaucoup, monsieur le président. Je vous remercie, vous et les membres du comité, de me donner l'occasion de comparaître devant vous ce matin. Comme vous le savez, on parle beaucoup de Kyoto dans les nouvelles, et pas seulement à cause de son entrée en vigueur hier.
Je voudrais parler ce matin de trois choses, si possible : premièrement, ce qu'on appelle les mécanismes de Kyoto; deuxièmement, l'engagement du Canada auprès des pays en développement en matière de lutte contre le changement climatique; et, troisièmement, notre rôle potentiel dans l'élaboration d'un régime après Kyoto. Il peut sembler un peu absurde de parler de ce qui se passera après Kyoto, en 2012, mais il est déjà temps de s'en préoccuper.
Pour commencer, je voudrais rappeler que, quand le Canada a souscrit à sa cible dans le cadre du Protocole de Kyoto, soit une réduction de 6 p. 100 par rapport aux niveaux de 1990, il l'a fait uniquement à condition de pouvoir acquérir des crédits de réduction grâce à des investissements à faible coût sur les marchés étrangers. J'ai toujours trouvé assez ironique que le système, que Jack va vous décrire dans une minute, conçu pour répondre aux exigences du Canada et des États-Unis, fasse en fait le bonheur de l'Europe, qui se hâte à présent de mettre en oeuvre un système d'échange d'émissions. Lors des négociations sur le Protocole de Kyoto, les plus ardents partisans des mécanismes de Kyoto étaient des industries et des provinces axées sur l'énergie, et leur principal opposant, l'UE. Il est intéressant de constater comme la situation a été renversée.
À mon sens, monsieur le président, les mécanismes de Kyoto, s'ils sont bien conçus et mis en oeuvre, peuvent procurer au Canada quatre avantages : premièrement, ils réduiront sensiblement ce qu'il en coûtera au Canada pour atteindre l'objectif souscrit à Kyoto; deuxièmement, ils signaleront que le Canada entend vraiment être un acteur important sur le marché mondial croissant du carbone; troisièmement, ils fourniront aux technologies canadiennes propres des possibilités de financement; et, quatrièmement, ils fourniront au Canada une occasion de faire preuve de leadership au plan international.
Il existe, pour simplifier, deux types de mécanismes, dont nos collègues parleront nul doute plus tard.
Premièrement, il y a les mécanismes basés sur des projets. Citons d'abord le mécanisme pour un développement propre, qui donne à des pays comme le Canada la possibilité d'atteindre leur objectif en investissant dans la réduction des émissions dans les pays en voie de développement. Ce sont des crédits à présent disponibles et des projets que l'on peut à présent lancer.
Deuxièmement, il y a la mise en oeuvre conjointe : ce mécanisme, basé sur des projets, permet des investissements destinés à réduire les émissions de gaz à effet de serre dans un autre pays ayant souscrit à un objectif de limitation des émissions à Kyoto. Il s'agit ici essentiellement de l'Union soviétique et de l'Europe de l'Est.
Pour attrayants qu'ils soient en théorie, ces deux mécanismes ont néanmoins de la difficulté à démarrer. J'ai été encouragé par la tâche que le premier ministre a confiée, hier, à la table ronde nationale : conseiller le gouvernement sur la façon dont le Canada pourrait expédier les mécanismes d'approbation dans le mécanisme de développement propre.
Comme nous avons tardé à élaborer même l'ébauche d'un plan, monsieur le président, j'estime que nous devrons acheter entre 80 et 100 millions de tonnes par an d'émissions sur le marché international. Du fait des coûts de transaction liés aux mécanismes basés sur des projets, une bonne part des achats devra porter sur ce que l'on appelle des droits d'émissions.
Or c'est une question qui soulève une controverse. Pourquoi? Parce qu'il pourrait s'agir d'achats d'« air chaud ». En théorie, rien n'empêcherait un pays comme le Canada d'atteindre pleinement ses objectifs tout simplement en achetant des crédits excédentaires d'un pays comme la Russie, qui en dispose en quantités énormes étant donné son objectif modeste et ses difficultés économiques constantes depuis le renversement de l'Union soviétique. Heureusement, personne ne prône l'achat d'« air chaud ». J'ai d'ailleurs entendu le ministre des Finances s'engager devant vous, l'autre jour, à ce que le Canada n'effectue pas ce type d'achats.
Donc, où en sommes-nous? Nous devons procéder à des achats internationaux pour atteindre notre objectif, mais nous avons décidé de ne pas acheter d'« air chaud » et les crédits disponibles au titre du mécanisme de développement propre seront limités.
Ceci étant, le Canada doit s'attacher tout particulièrement à trouver des façons plus novatrices de faire des achats internationaux. À mon sens, monsieur le président, il doit s'engager dans des « Initiatives d'éco-investissement », des GIS. Laissez-moi expliquer brièvement ce que j'entends par là.
Á (1115)
En réaction aux préoccupations exprimées au sujet de ces transactions d'air chaud, il y a environ quatre ans, la Russie a lancé le concept des initiatives d'éco-investissement. C'est une idée relativement simple. Les revenus tirés de l'échange international de droits d'émissions pourraient être affectés à des fins environnementales dans les pays vendeurs, et les pays acheteurs pourraient aussi s'en servir pour faire la promotion de technologies visant à contrer les effets du changement climatique—ce qui est important pour le Canada.
Comme il s'agit d'une forme d'échange de droits d'émissions, les initiatives GIS n'auraient pas à être assujetties aux coûts de transaction élevés des deux autres mécanismes. Administrée efficacement, une initiative GIS pourrait faire en sorte que les revenus tirés de la vente de permis d'émissions ne soient pas utilisés à mauvais escient mais plutôt affectés à des projets ayant des retombées positives à long terme. Elle peut aussi servir à promouvoir et à diffuser des technologies visant à contrer les effets du changement climatique.
Dans le cadre d'une initiative GIS, le Canada effectuerait un achat international à la condition que les revenus réalisés, par l'Ukraine par exemple, soient affectés à une utilisation spécifique. Les flux financiers pourraient aller à des projets générant des réductions additionnelles des émissions ou à des projets dont il a été clairement prouvé qu'ils ont aidé à développer la capacité de l'Ukraine à s'attaquer au problème du changement climatique et contribué à réaliser des objectifs locaux de développement durable, ainsi qu'à promouvoir les valeurs et les intérêts du Canada.
Dans ma région, nous souhaitons fortement appuyer le nouveau gouvernement ukrainien du président Victor Ioutchenko, comme en atteste le nombre de Canadiens de l'Ouest, de descendance ukrainienne, aller en Ukraine en tant qu'observateurs des élections.
À titre d'exemple, mentionnons que le principal partisan de la ratification du Protocole de Kyoto en Russie n'était pas le ministère de l'Environnement mais celui de l'énergie. Pourquoi? Parce qu'en Russie, comme en Ukraine, le secteur de l'industrie est entravé par un sous-investissement chronique, une technologie défaillante et de mauvaises pratiques de fonctionnement. Dans l'ancienne Union soviétique, par exemple, les pipelines fuient comme des passoires.
Or, qui selon vous sait réparer les pipelines qui fuient? Des compagnies regroupées essentiellement dans un rayon de 90 à 100 kilomètres de Calgary. C'est l'occasion ou jamais de lancer des projets de construction qui se traduiraient pour le Canada par des crédits à un prix raisonnable, qui fourniraient des emplois au Canada pour des sociétés canadiennes et qui permettraient aux sociétés canadiennes spécialisées dans la technologie de l'énergie de se positionner sur le marché d'une région qui sera le plus gros exportateur mondial de pétrole dans la décennie qui vient.
Nous ne sommes d'ailleurs pas les seuls à nous en être avisés. C'est pourquoi le Japon, le Danemark et les Pays-Bas seront des acheteurs nets de crédits. Quant à l'UE et au Japon, ils ont déjà entamé des négociations avec la Russie, l'Ukraine, la Bulgarie et la Roumanie, en vue de conclure des accords de GIS.
À mon avis, votre comité devrait recommander, au ministère des Finances notamment, la participation de toute urgence du Canada à ces discussions.
Dans un deuxième temps, monsieur le président, je voudrais parler du régime s'appliquant après 2012. Cela peut paraître un avenir lointain mais, quand on parle à des gens du secteur de l'énergie, un horizon de sept ou huit ans n'a rien d'inhabituel. Comme vous le savez, le régime de Kyoto ne s'applique pas pour le moment aux pays en voie de développement, qui n'ont pas souscrit d'engagement, pas plus que les États-Unis. Le Canada doit investir dans les principaux pays émetteurs, comme la Chine, l'Inde et la Russie, afin qu'ils puissent constater, sur le terrain, que des mesures durables qui réduisent les émissions de gaz à effet de serre peuvent être bénéfiques pour l'économie.
Les négociations sur la structure et les objectifs d'une deuxième période d'engagement pourraient commencer dès novembre, à Montréal, où nous prévoyons d'accueillir la prochaine conférence des Parties. En démontrant aux pays non parties ainsi qu'aux pays en développement l'engagement des pays industrialisés à atteindre leurs objectifs de réduction, le Canada peut montrer qu'il est possible de réduire les émissions de gaz à effet de serre tout en maintenant la croissance économique et mettre en place les marchés du carbone ainsi que les instruments et les incitatifs nécessaires pour faire la démonstration des avantages de participer.
Le Canada aura une occasion de jeter les bases d'un engagement efficace des pays en développement clés en mars, quand le Royaume-Uni accueillera une réunion de ministres de l'Énergie et de l'Environnement d'une vingtaine de pays. Le premier ministre Blair a fait du changement climatique un dossier prioritaire durant sa présidence du G-8, se fixant comme objectif, entre autres, l'engagement des États-Unis et de pays en développement clés. Il est capital, à mon sens, que le Canada donne à cet égard son plein appui au premier ministre Blair.
Á (1120)
J'aimerais aussi, avant de conclure, souligner qu'il reste impératif d'aider les pays en voie de développement à s'attaquer au problème du changement climatique. Il est prévu que les membres les plus vulnérables de notre communauté mondiale subiront les pires effets du changement climatique. On l'a déjà constaté chez les Dénés et les Inuits du Canada; on le constatera bientôt pour les habitants de petits États insulaires ainsi que pour ceux de l'Afrique subsaharienne.
Le domaine où le Canada a fait constamment bonne figure au cours des 10 dernières années de négociation a été celui du soutien financier et de l'appui en matière de renforcement des capacités aux pays en voie de développement. Hélas, cet acquis est maintenant en péril. Le Fonds canadien de développement pour le changement climatique disparaît à la fin de mars et ce sans qu'il y ait encore de plan précis en vue de son remplacement. Le FCDCC a contribué de façon insigne à démontrer aux pays en développement l'engagement du Canada dans le dossier du changement climatique et j'exhorte le comité à prévoir son remplacement. C'est d'autant plus urgent que nous avons proposé d'accueillir la prochaine réunion du Fonds d'action pour le changement climatique.
C'est tout ce que j'avais à dire, monsieur le président. Je me ferais un plaisir de répondre à vos questions.
Le président: Merci, monsieur Runnalls. Vous êtes remarquablement ponctuel. Et nous avons pu suivre ce que vous disiez dans le mémoire qui avait été transmis aux membres du comité.
Peut-être pourrions-nous maintenant passer au Club Sierra du Canada et à son directeur, M. John Bennett.
John, merci d'être venu.
M. John Bennett (directeur, Campagne concernant l'énergie et l'atmosphère, Club Sierra du Canada (Chapitre de la C.-B.)): Laissez-moi commencer par une petite correction : je ne représente pas seulement le chapitre de Colombie-Britannique du Club Sierra du Canada, mais le Club dans son ensemble, le chapitre de Colombie-Britannique en faisant évidemment partie.
Je voudrais aussi transmettre les regrets d'Elizabeth May, qui aurait beaucoup voulu être des nôtres ce soir, mais qui n'a pas pu se libérer.
Je voudrais également signaler que je représente le Climate Action Network du Canada qui compte plus de 100 organismes, de toute taille, situés dans toutes les provinces et dans deux des territoires du Canada, et qui travaille depuis seize ans à une évolution positive des mesures visant le changement climatique. Nous avons d'ailleurs l'intention de continuer nos efforts.
Personnellement, il y a près de trois décennies que je me consacre aux questions d'énergie au Canada et, notamment, au changement climatique, durant ces six dernières années, à Ottawa. Sur quoi vont porter mes remarques aujourd'hui? Sur trois domaines : les subventions iniques que le Canada accorde aux technologies les plus dangereuses et les plus polluantes; quelques mots sur le plan actuel; et, enfin, les voitures et la réglementation les concernant.
Tout d'abord, imaginez que nous sommes en 1938 et que je prends la parole dans cette salle. Je vous affirme que, dans les six années à venir, nous ferons passer nos forces armées, dotées d'un effectif de 5 000 soldats et de quelques navires, à plus d'un million de soldats pleinement armées et équipées. J'ajoute que ces tenues et cet équipement seront entièrement fabriqués au Canada, grâce à une refonte complète de l'ensemble de notre secteur industriel. Et je promets que, dans les dix ans suivant ceci, nous serons complètement rentrés dans nos frais. Me croiriez-vous? Sans doute pas. Pour impossible que cela puisse paraître à bien des gens, c'est pourtant ce qui s'est passé pendant la Seconde Guerre mondiale.
Les Canadiens ont constaté à l'époque l'existence d'un problème à l'échelle mondiale. Ils ont décidé d'y remédier parce que c'était la bonne chose à faire. Ils ont trouvé des façons de lutter, et ils l'ont fait avec brio. Aujourd'hui, on ne cesse d'entendre que nous sommes incapables de réduire nos émissions de gaz à effet de serre, et je me demande toujours comment nos aïeux ont pu réorienter l'ensemble de leur économie du jour au lendemain, en réaction à un problème pressant, alors que nous ne pouvons le faire. Étaient-ils plus malins? Sans ordinateur, sans technologie avancée, ils se sont débrouillés. Nous, non.
Pour en revenir aux subventions, le Climate Action Network a publié il y a quelques semaines un rapport chiffrant à 1,4 milliard de dollars par an les subventions attribuées au secteur canadien du pétrole et du gaz. Depuis 1996, elles totalisent huit milliards, gracieusement remis à l'une des industries les plus riches et les plus florissantes que nous ayons. Comparez cela aux trois milliards de dollars ou un peu plus annoncés pour Kyoto—somme n'ayant d'ailleurs pas été entièrement dépensée. On parle de réduire les émissions, mais on paie un secteur pour les augmenter.
J'ai apporté avec moi aujourd'hui quelques articles sur les résultats récents du secteur du pétrole et du gaz. Selon le Globe and Mail, Shell a engrangé l'an dernier 1,29 milliard de dollars de profits, Suncor, un milliard, et Imperial Oil, plus de deux milliards. Et il s'agit seulement de l'année dernière. N'empêche que nous faisons cadeau à ces industries de subventions se chiffrant à 1,4 milliard de dollars. Quand un Canadien ou une Canadienne qui a bénéficié de l'aide sociale trouve un travail et gagne bien sa vie, ses prestations sont supprimées. Pourquoi ne pas en faire autant pour les industries polluantes?
Toujours dans le Globe and Mail, celui d'hier ou d'avant-hier, on parle de la réduction dans la croissance des émissions que l'on demande au secteur du pétrole et du gaz d'effectuer. Dans le cadre du plan de Kyoto qui existe actuellement, les émissions du secteur du pétrole et du gaz augmenteront de près de 30 p. 100 dans les cinq ou six années à venir. Dans le secteur des sables bitumineux, l'augmentation sera de l'ordre de 300 p. 100, et la réduction demandée coûterait seulement 25 cents le baril. Notez d'ailleurs qu'on dispose déjà de la technologie permettant d'effectuer les investissements nécessaires pour réduire les émissions et atteindre les cibles fixées sans nuire au profit du secteur. Et pourtant le secteur multiplie ses démarches à l'encontre de Kyoto et ses efforts pour que les contraintes imposées au secteur du pétrole et du gaz soient réduites.
Parlons maintenant des subventions allant à l'industrie nucléaire. C'est un secteur qui a nul doute sollicité votre attention en parlant d'une renaissance. Or, le gouvernement fédéral a consacré à l'industrie nucléaire 17 milliards de dollars au cours des 40 dernières années, la subvention actuelle se chiffrant entre 100 et 200 millions de dollars par an. C'est pourtant un secteur qui n'a pas produit pour le Canada un seul nouveau watt d'électricité en quinze ans, un secteur qui a en fait contribué à la déliquescence de l'ensemble du système ontarien et à la faillite du plus gros fournisseur de services publics de l'Amérique du Nord.
L'Ontario doit à présent 20 milliards de dollars de ce qu'on appelle une dette restante et c'est une conséquence directe de la foi placée dans l'énergie nucléaire. Et pourtant, au Canada, on continue d'investir dans le secteur à hauteur de 100 millions de dollars par an.
Á (1125)
Par contraste, précisons que nous avons alloué à l'industrie éolienne, qui fournit à présent près de 500 mégawatts, 225 millions de dollars sur cinq ans. En d'autres termes, nous consacrons encore 5 $ à l'énergie nucléaire qui ne produit rien contre 1 $ à l'énergie éolienne, qui nous fournit de l'électricité.
Dans un contexte où on s'efforce de réduire les émissions de gaz à effet de serre, il convient d'éliminer ce type de subventions néfastes. Nous devrions dépenser utilement notre argent, ce qui m'amène, naturellement, au plan actuel, à propos duquel j'ai essentiellement trois commentaires.
Tout d'abord, le plan actuel est borné dans son approche. Il envisage des ajustements mineurs plutôt qu'un changement radical. Il ignore le potentiel de gestion de la demande. Le Climate Action Network du Canada et la David Suzuki Foundation ont publié en 2002 un rapport qui indique que, en faisant de la gestion de la demande la pièce maîtresse de notre campagne de réduction des émissions et en commençant en 2002, nous aurions pu non seulement atteindre les cibles fixées dans le cadre du Protocole de Kyoto, mais les dépasser de 40 mégatonnes—tout cela sans avoir recours à l'achat de crédits d'énergie à l'étranger parce que, quand on travaille sur Kyoto, les gaspillages d'énergie sont un fruit qui ne demande qu'à être cueilli. Au Canada, nous gaspillons environ la moitié de l'énergie que nous produisons, et si nous commencions à consacrer aux économies et à l'efficacité énergétiques les sommes que nous investissons présentement dans de nouvelles installations de production d'énergie, nous constaterions que c'est beaucoup plus rentable, que l'on rentre dans ses frais beaucoup plus rapidement et que cela vaut beaucoup mieux pour la santé publique et pour le porte-monnaie des Canadiennes et des Canadiens.
Ensuite, le plan actuel passe entièrement sous silence la cogénération. Le potentiel de production d'électricité venant de la cogénération se chiffre pourtant entre 4 000 et 10 000 mégawatts. La cogénération, je vous le rappelle, permet à des usines, voire à des édifices, de produire de l'électricité au lieu de produire seulement de la chaleur. Il existe déjà une technologie, conçue au Canada, qui permettrait à toutes les arénas du pays de produire assez d'électricité pour satisfaire leurs propres besoins, ainsi que ceux des habitants du voisinage. Tout grand édifice se chauffant au gaz naturel pourrait devenir un producteur d'énergie, sans augmentation des émissions. Et pourtant le plan actuel ne parle aucunement de cogénération ni des moyens de la mettre en place.
Enfin, le plan actuel se prive entièrement de l'atout que constitue la réglementation. Si vous allez aujourd'hui à Sears acheter un de leurs réfrigérateurs, sans même opter pour le modèle le plus écoénergétique, il consommera au moins 55 p. 100 moins d'énergie qu'un réfrigérateur acheté en 1990. C'est un changement qui n'est pas le fruit de mesures volontaires adoptées par le secteur à la suite de négociations, mais d'une réglementation qui a obligé à fabriquer des réfrigérateurs plus efficaces.
Et le changement n'a rien coûté, parce que la technologie est constamment actualisée. Dans la conception d'un nouveau modèle, ajouter l'écoénergie à une gamme de couleurs attrayantes et aux dimensions appropriées pour une cuisine ne coûte en fait pas grand-chose. Au contraire, cela a économisé aux habitants du pays des sommes considérables.
Elizabeth May, la directrice générale de notre association, a récemment acheté un nouveau réfrigérateur pour chez elle. Eh bien, l'efficacité des nouveaux modèles par rapport aux anciens est telle qu'elle a atteint d'un coup la cible de réduction d'une tonne de ses émissions. Au Canada, il n'existe pourtant aucune mesure pour inciter les particuliers à acheter un équipement plus efficace.
La question de la réglementation m'amène à mon dernier point : les voitures, domaine auquel j'ai personnellement consacré l'essentiel des deux dernières années. Nous demandons à l'industrie automobile d'utiliser une technologie qui a fait ses preuves, afin d'atteindre une cible de 25 p. 100 de réduction des émissions, chiffre insuffisant pour répondre aux exigences de Kyoto ou au besoin à long terme. Qui plus est, nous prions l'industrie de le faire volontairement.
Les journaux d'aujourd'hui font écho aux déclarations de M. Efford devant la Chambre hier, comme quoi l'industrie automobile avait volontairement respecté 14 accords, dans le cadre des quelque 20 dernières années. En tout bien tout honneur, il aurait pu préciser au passage que son secteur était tenu de respecter ces 14 accords au titre de la loi CAFE aux États-Unis, l'EPA imposant des amendes de 5 000 $ par voiture aux sociétés qui ne satisfont pas ces cibles. C'est la raison pour laquelle nous avons aujourd'hui des véhicules deux fois plus efficaces qu'en 1970, grâce à une loi adoptée par les États-Unis à la fin des années 1970. Le Canada veut aller plus loin? Il n'y parviendra pas sans imposer une réglementation.
Á (1130)
Si l'industrie automobile fait cela de façon volontaire, pourquoi, alors que quatre ans se sont déjà écoulés, ne savons-nous pas ce qu'ils font? Et s'il s'agit simplement d'une économie de carburant de 25 p. 100 supplémentaire, pourquoi les négociations se tiennent-elles en secret? Qu'y a-t-il de secret dans ces négociations, qui a rapport avec ce problème? Soit ils acceptent volontairement cet objectif de 25 p. 100, soit ils ne l'acceptent pas. Il faut savoir que cette norme est aujourd'hui tout à fait faisable, d'un point de vue technique. Il n'y a aucune raison pour laquelle nous ne trouvons pas ces voitures sur les routes aujourd'hui.
En fait, je suppose qu'il existe une raison. C'est parce que le Canada et les États-Unis ont refusé de faire ce qu'ils auraient dû faire depuis le début, c'est-à-dire de continuer à améliorer les normes d'efficacité auxquelles les constructeurs automobiles devraient se conformer. À moins que le régime en place exige ces normes, les constructeurs automobiles se serviront d'échappatoire, comme ils l'ont fait pour les véhicules utilitaires légers, de sorte que maintenant, au lieu d'avoir un parc de véhicules composé pour la plupart de voitures de tourisme, nous avons un parc de véhicules partagé de façon égale entre les véhicules de tourisme et les véhicules utilitaires légers. On pourrait dire que c'est une échappatoire, une sorte de boucle par laquelle ils ont fait passer un camion.
Nous avons besoin de réglementation. Je recommanderais très vivement, et je vous demande de recommander, que les règlements constituent la base d'un nouveau projet Kyoto : des règlements qui se basent sur la technologie disponible, sur ce qui est faisable, mais également des règlements qui comprennent des sanctions, des règles et l'obligation de rapports, de sorte que nous puissions voir des progrès, que nous puissions nous assurer que des progrès soient faits. C'est la seule façon.
Lorsque nous passons notre permis de conduire, on nous dit à tous que ce permis est un privilège, et non pas un droit. Lorsque nous réussissons ce permis de conduire, nous acceptons de manière volontaire de ne pas faire d'excès de vitesse, de ne pas laisser notre voiture trop longtemps dans un stationnement, de ne pas passer au rouge. Si nous le faisons, nous payons une amende. Pourquoi ce genre de règles ne s'appliquent-t-elles pas au secteur de l'industrie automobile?
Merci beaucoup, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Bennett.
Nous allons maintenant laisser la parole à M. Cogen, président de Natsource.
M. Jack Cogen (président, Natsource): Merci, monsieur le président et honorables députés de ce comité.
Merci de me donner ce matin l'occasion de parler du marché international des crédits de réduction d'émissions de gaz à effet de serre et du rôle que les droits d'échange d'émissions jouera dans l'accomplissement de résultats environnementaux réels et tangibles au coût le plus bas possible. Le marché du carbone ou GES ou gaz à effet de serre a augmenté de manière significative au cours des deux dernières années. On s'attend à ce que sa croissance continue, à mesure que les nations font plus d'effort pour mettre en oeuvre les dispositions requises en vertu du Protocole de Kyoto et remplissent leurs obligations de réduction d'émissions.
Point Carbon, l'une des sources d'information de l'industrie, a publié hier un article expliquant que leur analyse donnait pour estimation que le marché international du gaz à effet de serre serait, dès 2010, de 16 milliards d'euros, pour vous donner une idée de ce que les gens pensent.
Ce matin je voudrais vous présenter trois points clés. Premièrement, le marché des émissions de gaz à effet de serre est en pleine croissance et va continuer de croître. Deuxièmement, les gouvernements ont été des acheteurs actifs dans ce marché et leur participation va également s'accroître. Le secteur privé peut offrir une expertise importante de ce marché, pour s'assurer que les gouvernements obtiennent la valeur maximale pour leur argent. Le secteur privé dispose d'une expertise pour ce qui est de l'évaluation des projets pour ce qui est des contrats et de l'utilisation de techniques de gestion de risque, qui avantageront les gouvernements au cours de leurs efforts. Troisièmement, Natsource, ma société, croit au pouvoir des marchés de réduire les coûts de cette normalisation et a illustré cet engagement en dépensant des millions de dollars, afin de construire une expertise canadienne du développement de l'un des premiers fonds au monde dans le secteur privé pour cette normalisation, qui devrait être lancé au cours des 60 prochains jours.
Avant de poursuivre je vais dire, comme je suppose tout témoin le dit, que ce que je défends est quelque chose dans lequel j'ai un intérêt personnel et qui m'apportera des profits. Je souhaite vous avertir dès le début, que je ne suis pas un observateur neutre de ceci, pas du tout.
Je pense qu'on a distribué des documents pour mon exposé, quelques diapositives. Si vous me permettez, je ferai référence à certaines de ces diapositives à mesure que j'avance dans mon exposé, et je commencerai avec la diapositive numéro trois, qui comprend une série d'encadrés.
Cette diapositive montre que la plupart des pays développés qui ont ratifié le Protocole de Kyoto se sont engagés, ou ont l'intention de s'engager, dans ce marché. L'Union européenne est la plus avancée, car elle a mis en oeuvre la phase I de son système d'échange, au début de cette année. Les Pays-Bas, le Danemark, l'Autriche, l'Espagne, l'Italie, la Suède, la Norvège, la Finlande et d'autres ont tous commencé à faire des efforts pour acheter des réductions, et cela constitue un facteur de leurs stratégies de Kyoto.
Le marché international du carbone a doublé de 2002 à 2003. Selon moi, et même si les chiffres n'ont pas encore été publiés, ce marché a doublé de nouveau entre 2003 et 2004 et va continuer sa tendance exponentielle en 2005. Ces chiffres sont conservateurs, dans la mesure où nous ne connaissons pas tous les marchés d'échange et dans la mesure où nous avons exclu de nos données d'autres marchés que nous ne pouvons confirmer.
Pour qu'un marché puisse fonctionner, il faut de l'offre et de la demande. Nous estimons qu'en ce qui concerne la demande il y a approximativement trois milliards de tonnes de demandes pour la période Kyoto allant de 2008 à 2012 entre le Canada, le Japon et l'Europe. Selon les tendances d'émission actuelles et en l'absence de mesures officielles supplémentaires, on s'attend à ce que le Japon soit en deçà de sa cible d'approximativement 1 milliard de tonnes, que l'Europe soit 800 millions de tonnes en deçà de sa cible et que le Canada soit 1,2 milliard de tonnes en deçà de sa cible.
Nous estimons également que l'offre, sous forme de réductions d'émissions dans les projets de conformité à Kyoto, dans les pays en voie de développement, et que les initiatives d'éco-investissement en Europe de l'Est et dans l'ex-l'Union soviétique, pourraient combler cette demande. Cependant, comme tous les marchés, ces forces évolueront de façon imprévisible.
Le 15 février, M. Dion a déclaré que le Canada allait acheter uniquement des crédits écologiques, ceux qui correspondent à des réductions véritables de gaz à effet de serre. Cette position est la même que celle d'autres pays. Peu veulent acheter des crédits russes qui ne sont pas écologiques. La concurrence pour les réductions d'émissions est liée directement à des projets qui pourraient croître à long terme.
La disponibilité de l'offre dépendra de facteurs tels que le processus d'approbation du conseil de direction du MDP, ainsi que les signaux de prix fournis aux initiateurs de projet. Une fois encore, cette dynamique est inconnue. À l'heure actuelle, nous savons que la plupart des firmes n'ont pas participé au marché afin d'être conformes aux demandes de réduction, et les prix pourraient augmenter lorsqu'ils le feront. Ceci étant donné, nous croyons que le Canada pourra gérer le risque de prix, s'il s'engage dans ce marché prochainement.
Á (1135)
La diapositive numéro cinq vous montre un tableau des prix pratiqués en Europe la semaine dernière. Les réductions d'émissions par projet des pays en voie de développement, qui sont indiqués par les initiales CER, vont de 240 $ à 880 $CAN. Les émissions par projet des pays en voie de développement et des pays avec économie de transition sont légèrement plus chères et s'échangent dans une plage plus faible, allant de 640 $ à 960 $.
Pour comparaison, les quotas d'émissions de l'Union européenne émis par les gouvernements, indiqués par EUA sur le tableau, s'échangent à des prix plus élevés et dans une plage plus étroite. Ils se trouvent entre 1 135 $ et 1 185 $. C'est parce qu'il existe moins de risque lorsque vous achetez des quotas d'émissions, qui sont en fait des réductions créées par des projets. Il n'y a pas de faute dans la prestation. Il s'agit en fait de l'outil de conformité dont l'industrie a besoin, pour qu'il puisse payer une prime précise pour cela.
En fait, quand j'étais en route ce matin, et que je consultais mon BlackBerry—je suis, comme tous les gens que je connais aujourd'hui, un accroc du BlackBerry—le marché des quotas européens a brisé la barrière des résistances et a en fait terminé aujourd'hui à une valeur approximative de 780 €. Vous pouvez calculer ce que cela représente en dollars canadiens, mais cela sort de la plage indiquée, et cela semble dire que les prix montent en ce moment.
Pour ce qui est d'autres développements clés, Natsource qui est l'un des fournisseurs de services de transactions, a aidé la Banque mondiale à évaluer le marché du carbone au cours des quatre dernières années. Les diapositives 8 à 12 donnent un résumé du rapport le plus récent, pour la période allant jusqu'à avril 2004.
Outre la croissance rapide du marché, dont j'ai parlé plus tôt, je soulignerais ce qui suit : La diapositive 10 indique que les réductions d'émissions provenant de projets sont réelles et proviennent du déploiement de tout un éventail de technologies, dont nombre sont des technologies fournies au marché mondial par des firmes canadiennes. La moitié des réductions proviennent de projets lancés dans le secteur de l'électricité, qui crée des économies d'énergie, une réduction de la pollution de l'air au niveau local et des occasions d'exportations améliorées pour les fournisseurs de technologie. En réalité, il y a deux jours nous avons signé une déclaration d'intention avec une firme canadienne qui travaille pour capturer le méthane dans un projet de gaz d'enfouissement au Brésil. C'est manifestement une technologie canadienne qui est utilisée là et elle est utilisée par un promoteur canadien.
La diapositive 11 indique que la majorité des réductions d'émissions vendues à partir des pays en voie de développement sont créées en Asie et en Amérique latine, de marchés d'importance pour le Canada. L'Amérique latine est la première en ce qui concerne le nombre de projets courants. Le marché asiatique est caractérisé par un nombre inférieur de projets de réduction d'émissions très importants, requérant des modifications au processus industriel, et affectant principalement la destruction des HFC-23 et de l'oxyde nitreux.
La diapositive 12 indique que le Japon, mené par son secteur privé, est en train de devenir l'acheteur le plus important, représentant plus de 40 p. 100 des achats en 2004. Le gouvernement des Pays-Bas, qui, en 1998, s'est engagé à satisfaire 50 p. 100 de son obligation envers Kyoto, en achetant des crédits internationaux, représente 23 p. 100 du marché, alors que le Fonds du carbone de la Banque mondiale, achetant principalement pour les gouvernements, représente 24 p. 100 du marché. Les firmes canadiennes, dont les achats de 1996 à 2002 représentaient 33 p. 100 du volume échangé, bien que cela ait été dans un marché international plus étroit, sont tombées à 13 p. 100 du marché en 2003 et tomberont, selon nos estimations, à 3 p. 100 en 2004. Les firmes canadiennes n'achètent pas beaucoup, car elles attendent les décisions qui doivent être prises en ce qui concerne le programme d'échanges pour les émetteurs finaux importants.
Je voudrais maintenant vous parler d'une question qui vous cause à vous, décideurs du gouvernement, des difficultés : il s'agit des achats du gouvernement en ce qui concerne les crédits de réduction d'émissions. En 2003, Natsource a été mandatée par l'International Emissions Trading Association, l'Agence internationale de l'énergie et l'Electric Power Research Institute, afin d'examiner le rôle que les gouvernements nationaux vont sans doute jouer dans le marché international des droits d'émissions.
Nous avons conclu tout d'abord que les gouvernements nationaux seront des acheteurs importants et peuvent représenter de 45 à 75 p. 100 de tous les achats, au cours de la période d'engagement envers Kyoto.
Deuxièmement, les gouvernements auront plus tendance à agir comme des acheteurs pour la normalisation, que les participants au marché de façon permanente. C'est-à-dire, les gouvernements considéreront leurs situations nationales respectives, achèteront ce dont ils auront besoin pour se conformer à leur engagement envers Kyoto et retireront ces réductions d'émissions contre leur compte national. Il y aura peu ou pas d'échanges secondaires de ces crédits de droits d'émission.
Troisièmement, le comportement et les politiques du gouvernement en regard de ces achats de crédits de droits d'émission et de leur utilisation auront une influence sur les coûts de normalisation du secteur gouvernemental et du secteur privé. C'est-à-dire, dans la mesure où vous achetez sous condition—l'obligation d'une participation canadienne, l'obligation d'éco...[Note de la rédaction : Inaudible].... ou quelle que soit la façon dont vous voulez cibler le secteur—manifestement, vous allez faire monter vos coûts totaux de normalisation, parce que vous réduisez la demande disponible pour faire face à ces coûts.
Á (1140)
Les méthodes choisies par les gouvernements pour effectuer ces achats affectent également le marché et les prix que le contribuable devra payer pour ces réductions. Par exemple, au début du processus d'achat du gouvernement néerlandais, il a été décidé d'utiliser les procédures d'achat gouvernemental normal. Une bureaucratie a été mise en place, des soumissions ont été proposées et les achats ont été faits, ce qui a donné pour résultat que le gouvernement néerlandais a payé les prix les plus élevés de l'époque pour ses réductions d'émissions de GES.
Des expériences semblables ont eu lieu dans d'autres pays. En outre, les gouvernements ont très peu d'expérience en ce qui concerne l'évaluation et la quantification du risque que les projets de réduction d'émissions pourraient donner par tonne par rapport à ce qui a été inscrit dans les contrats. Le marché du charbon a mûri depuis et il existe maintenant un certain nombre d'outils d'achat du secteur privé que les gouvernements peuvent utiliser, pour mieux obtenir les bons prix et s'assurer que les tonnes sont effectivement livrées.
Enfin, et je conclurai sur ce point, Natsource croit en la capacité des marchés à offrir des réductions d'émissions pour la normalisation, de bonne qualité et de façon rentable. Pour illustrer notre engagement, Natsource a investi un peu plus de 2 millions de dollars pour développer un fonds de normalisation des GES. Nous nous sommes tournés vers les experts canadiens, et avons développé ce fonds avec huit sociétés canadiennes et nous nous sommes institués en société à Calgary dans le but d'aider les firmes canadiennes à se conformer aux règlements en cours au coût le plus bas possible. Notre investisseur d'attache est une firme canadienne. Nous allons annoncer la première transaction de ce groupe d'acheteurs au cours des deux prochaines semaines, touchons du bois, parce que je suis un peu superstitieux.
Ironiquement, à cause en grande partie de l'incertitude qui plane sur l'entrée en vigueur ou non du Protocole de Kyoto et sur la conception du programme des grands émetteurs finaux, les firmes canadiennes sont pour la plupart restées des observatrices. En conséquence, cette première transaction mettra en avant surtout les entités japonaises et européennes. Nous espérons que le nouveau projet canadien va stimuler l'intérêt du secteur privé canadien et du gouvernement canadien à cette solution faite au Canada, pour participer à la croissance du marché international. Des neuf entités canadiennes participant à la conception, une seule est entrée dans le groupe, et, bien que le travail ait été payé et effectué au Canada, les bénéfices s'en iront à des firmes japonaises et européennes.
Merci de votre attention, monsieur le président.
Moi-même, ainsi que mon collègue Doug Russell, qui est le directeur général de notre bureau d'Ottawa, nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.
Á (1145)
Le président: Merci, monsieur Cogen. Nous comprenons que vous allez bientôt devoir vous en aller, ainsi nous apprécions le fait que M. Russell reste ici pour répondre aux questions.
Je remercie tous les témoins. Il s'agit d'un domaine très complexe, qui nécessite bien des discussions. Vos exposés sont extrêmement utiles au comité et j'en suis sûr, au public qui nous écoute. Nous apprécions les commentaires que vous avez tous faits.
Nous allons maintenant procéder par ordre.
Monsieur Richardson, vous aimeriez peut-être commencer, s'il vous plaît.
M. Lee Richardson (Calgary-Centre, PCC): Merci, monsieur le président.
Je dois dire que la première chose qui m'a interpellé de la discussion de ce matin se trouvait dans vos remarques préliminaires, et là je m'adresse à M. Runnalls, et vous avez dit que le Canada a accepté de signer le Protocole de Kyoto seulement parce qu'il pourrait acquérir des crédits de réduction par l'intermédiaire d'investissements à faible coût, en dehors de ses frontières. J'imagine donc que cela n'est pas nouveau. Nous savons tous que c'était la seule façon qui nous permettait d'obtenir des crédits.
Nous avons entendu dire à la Chambre et dans les médias au cours des derniers jours, tout particulièrement parce que c'était hier l'anniversaire de Kyoto, que peu de progrès avaient été faits et qu'il n'y a pas de plan défini reconnu par quiconque. J'aimerais demander à tous les témoins aujourd'hui s'il y a quelque chose que nous ne voyons pas ou si vous, vous avez détecté un plan. Existe-t-il un plan pour obtenir ces crédits, et si c'est le cas, pourriez-vous identifier un progrès quelconque en ce qui concerne l'atteinte de ces résultats?
M. John Bennett: Le problème est que nous avons deux plans, il y avait un plan en 2000 et un autre, en 2002. Le plan c'est problématique, ce n'est pas encore fini. On nous dit qu'on va le terminer et nous espérons que ce sera le cas.
Le problème, c'est que le gouvernement a été trop timide dans ses deux premières versions du plan pour atteindre la cible. Si le Canada a commencé à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de façon dynamique en 1998, après qu'il soit revenu de Kyoto, il n'y a pas de raison que nous ne puissions pas parler de crédits. Nous avons été forcés d'accepter le fait qu'il puisse y avoir des achats de crédits, mais nous sommes aussi pour le concept, à savoir d'aider les pays en voie de développement à se développer d'une manière plus propre que ce que nous avons fait nous. Nous soutenons le fait que le Canada a une responsabilité envers le reste du monde, puisque nous avons contribué plus que notre part d'émissions de gaz à effet de serre.
Manifestement, le plan avance, mais ce ne sera jamais assez. Il ne sera jamais suffisamment bon. Nous n'avons jamais eu un plan pour la Seconde Guerre mondiale qui soit suffisamment bon. Nous avons continué de l'améliorer et nous avons essayé plus fort encore. C'est la façon dont nous approchons ces choses, de manière coopérative plutôt que de manière combative. Ce qui ne va pas dans l'approche actuelle du gouvernement, c'est qu'il cherche à faire les choses dans les coulisses. Lorsque vous concoctez des plans secrets, tout ce que vous faites, c'est de créer la suspicion et des discussions au sujet de choses que les gens ne connaissent pas.
Nous aimerions voir plus d'ouverture dans la façon de concocter ces plans et de les mettre à jour au fur et à mesure. Le processus de 1998 à 2000 est extrêmement ouvert, le processus national sur le changement climatique. On m'a souvent cité jusqu'en 2002, car je suis allé à plus de 100 réunions gouvernementales, ce que j'ai fait, pour participer au développement de ce plan. À la suite de la publication du plan en 2000, je n'ai pas reçu une seule invitation à venir parler des détails du plan, aucune. On nous a appelés quelques fois, et on nous a dit ce qui se passait pour ce qui est des grands émetteurs finaux, mais on ne nous a jamais dit si l'on pensait réduire la cible pour ces gens-là jusqu'à ce que la chose soit publiée après Noël.
Le secret est le problème de ce plan, c'est pas le fait qu'il n'existe pas. Nous n'avons pas besoin d'un processus secret pour décider de ces choses. Ce sont des choses publiques. Allons-nous aider les gens à rénover leur maison, à rénover les édifices ou leur permettre d'obtenir de bonnes voitures? Pourquoi avons-nous besoin de faire ces choses en secret?
Á (1150)
Le président: M. Runnalls a la parole.
M. David Runnalls: Pourrais-je simplement répondre à votre première remarque, monsieur Richardson?
M. Lee Richardson: Oui, merci.
M. David Runnalls: Tous ces instruments découlant de Kyoto, et particulièrement l'échange de droits d'émissions, les Européens les ont acceptés à reculons. Les Européens les ont acceptés, parce qu'à ce stade-là, ils avaient l'impression que les États-Unis n'allaient pas ratifier le Protocole de Kyoto. Les États-Unis et le Canada ont insisté sur la disponibilité de ce genre d'instruments, comme faisant partie du Protocole de Kyoto, en fait comme une condition préalable afin de rester à la table des négociations.
Cela ne devrait surprendre personne qui a participé au processus, de savoir que l'échange des droits d'émissions était une partie très importante du processus de Kyoto. Comme il me semble avoir été mentionné au début, un incroyable volte-face a eu lieu, parce que les Européens étaient absolument opposés à cela depuis le 1er janvier, et maintenant nous avons l'Union européenne qui possède un système d'échange des droits d'émissions, touchant 12 000 installations différentes en Europe de l'Ouest, et, comme je le disais, les Européens au départ étaient tout à fait opposés à cela. Tout le monde le savait, particulièrement les décideurs au gouvernement canadien, depuis 1997, que l'échange de droits d'émissions serait un important...
M. Lee Richardson: Oui. Vous avez dit dans votre exposé qu'en fait, le système était conçu pour accommoder le Canada et les États-Unis. Il existe un conflit, dans la mesure où nous espérions...puis alors, M. Bennett vient de suggérer que le Canada aurait pu atteindre les objectifs, s'ils avaient commencé en 1998, sans acheter de crédits.
Était-ce ce que vous disiez, monsieur Bennett?
M. John Bennett: Absolument.
M. Lee Richardson: Pensez-vous que ce soit le cas, monsieur Runnalls? Est-ce qu'on aurait pu atteindre nos buts sans acheter à l'étranger...?
M. David Runnalls: Oui, nous serions certainement beaucoup plus près de notre but que nous ne le sommes à l'heure actuelle. Mais c'est la tyrannie des chiffres qui vient s'en mêler, parce que tout cela est une affaire de taux de remplacement d'immobilisations. Si vous faites affaire dans le secteur de l'électricité, par exemple, plus vous prenez de temps à prendre une décision, et plus c'est difficile de changer les choses dans votre secteur de l'industrie. J'imagine que nous aurions pu soit atteindre nos buts dans l'utilisation de ces outils découlant de Kyoto, soit s'en approcher de très près.
M. Lee Richardson: Très bien, merci.
Je suis curieux au sujet de ces tableaux et de ces graphiques concernant les prix et de tous ces éléments concernant les échanges d'argent. Nous avons posé des questions l'autre jour et nous avons eu, de la part de groupes écologiques divers, des réponses en ce qui concerne la déduction possible sur un baril, pour faire face au coût de l'achat des crédits de droits d'émission. Il a été suggéré que ce chiffre était de 25 cents, et ce chiffre se basait sur un prix de 15 $ la tonne. Vos chiffres d'aujourd'hui n'ont pas atteint ce niveau. Comment se fait-il que nous atteignions ces cibles? Est-ce simplement une question d'offre et de demande? D'où proviennent ces chiffres? Comment ces groupes en sont-ils arrivés à ce chiffre de 15 $ la tonne? Pour moi tout cela ressemble à une combine à la Ponzi.
M. Jack Cogen: Ce n'est pas mon domaine de spécialisation, mais il existe de nombreuses études universitaires sur les modèles d'offre et de demande, du moins dans le cadre des concepts des technologies connues et du coût différentiel de la réduction de pollution dans divers secteurs industriels, pour le calcul du prix. La façon dont le marché fonctionne en réalité est selon l'offre et la demande, et cela est extrêmement simple. Vous pouvez laisser de côté les modèles ainsi que l'orientation à laquelle vous pensez. La question est de savoir si vous avez un acheteur prêt à acheter et un vendeur prêt à vendre, qui peuvent s'entendre sur un prix.
Les prix du marché des provisions en Europe à l'heure actuelle, qui sont limités à d'autres choses, correspondent réellement à la différence de prix entre l'exploitation d'une centrale électrique au charbon et d'une centrale électrique au gaz. Vous pouvez facilement calculer le prix en trouvant le prix actuel du gaz naturel, celui du charbon et celui de l'électricité. Cela fait partie de la répartition. C'est ce qui vous sert à allumer. Si vous utilisez beaucoup de gaz, vous utiliserez moins de provisions. Si le charbon coûte beaucoup moins cher pour l'exploitation, vous allez en brûler plus et vous aurez besoin de plus de provisions. C'est la dynamique européenne.
Dans le monde des projets et du MDP, le prix est déterminé par le risque associé à ce projet. Un projet de méthane d'enfouissement en Bolivie, en Afrique du Sud ou dans ces coins-là, comporte énormément de risques. Entre les risques du pays, les risques du crédit dans lesquels s'engage le promoteur et la technologie, il y a énormément de choses qui entrent en ligne de compte et toutes ces choses servent à calculer un prix raisonnable.
Ceci dit, dans les projets, des millions de tonnes changent de main et les prix peuvent être excellents. Des prix sont certainement aussi bas que 2 $ la tonne et ils vont beaucoup plus haut. Tout dépend vraiment du risque associé à la participation à ce type de projet.
Á (1155)
M. Lee Richardson: Est-ce que l'un d'entre vous peut me donner un exemple, juste pour éclaircir la question, de l'un de ces investissements dans la réduction d'émissions dans des pays en voie de développement? Il me semble que vous en avez parlé comme des investissements verts, par rapport à simplement l'achat d'air chaud. Savons-nous si des sociétés canadiennes se trouvent en Ukraine ou ailleurs? Cela me semble être la nouvelle tendance qui se profile pour la semaine prochaine.
M. Jack Cogen: Oui, il y a deux autres choses, pas de l'air chaud, mais comment vous faites un projet de réduction, et ça je peux en parler, mais je crois que David peut mieux parler du concept d'investissement vert.
M. David Runnalls: Il faut être prudent quand on fait des distinctions. Le monde de Kyoto est un monde étrange. Pour le Protocole de Kyoto, l'Ukraine est dans la même catégorie que le Canada. Elle n'est pas considérée comme un pays en développement. Une cible a été fixée et elle a l'obligation de l'atteindre.
Les pays où l'on pourra faire intervenir le mécanisme de développement propre—le mécanisme qui vise les pays en développement—sont essentiellement des pays non industrialisés. En d'autres termes, il s'agit de tous les pays en dehors de l'Europe, de l'Amérique du Nord, du Japon, de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande. Sont visés les pays riches en voie de développement comme le Brésil et le Mexique, mais également la Chine, le Tchad, le Kenya, etc. Les projets faisant intervenir le MDP ne peuvent être menés à bien que dans ces pays en développement.
Une gamme de projets ont été mis à l'essai. Jack a parlé de toute la question de la recapture des décharges. Mon institut a participé à un projet au Chili, par exemple. Ce projet vise à améliorer l'efficacité du réseau de transport à Santiago au Chili pour essentiellement épargner de l'énergie et réduire les émissions. Il y a eu des projets de modernisation de centrales électriques, par exemple.
Le mécanisme de développement propre comporte une difficulté notamment—et Jack pourrait vous en parler bien plus que moi—à savoir, que le processus d'approbation est très fastidieux. Au niveau international, il y a un conseil exécutif qui doit approuver chaque projet. Jusqu'à présent, il a été très difficile d'obtenir l'aval pour ces projets.
Le président: Excusez-moi, monsieur Richardson, mais il va falloir mettre un terme à ce dialogue. Bien entendu, il y aura un autre tour.
La parole est à M. Simard.
[Français]
M. Christian Simard (Beauport—Limoilou, BQ): Bonjour. D'entrée de jeu, j'aimerais faire une entente avec les témoins. Je vais poser des questions assez courtes auxquelles je voudrais obtenir des réponses assez courtes, afin de pouvoir utiliser au maximum le temps qui m'est imparti.
J'ai d'abord une petite observation à faire. J'avoue que j'ai un sentiment de tristesse et de colère, en tant que Québécois et même au nom de l'ensemble des Canadiens et des Canadiennes, des Québécoises et des Québécois, face à l'inaction du Canada. L'échec de l'approche actuelle et l'état de la progression du Canada vers l'atteinte des objectifs de Kyoto me remplissent de gêne, de honte et de colère. C'est pour moi assez dramatique.
Vous avez dit, monsieur Bennett, que cela prendrait peut-être un effort comme celui qui a été fait lors de la Seconde Guerre mondiale. Vous avez dit qu'on a accordé 1,4 milliard de dollars de subventions aux pétrolières ou aux grands émetteurs. J'aimerais que vous soyez plus précis. J'avais l'impression, d'après votre présentation, que vous alliez nous dire qu'on investit davantage pour favoriser l'émission de gaz à effet de serre que pour lutter contre celle-ci. Est-ce vrai?
Avez-vous détaillé les subventions accordées aux pétrolières comparativement à celles qui ont été accordées pour réduire les émissions de gaz à effet de serre?
 (1200)
[Traduction]
M. John Bennett: Absolument, c'est tout à fait cela. Nous dépensons plus de deniers publics pour appuyer les pollueurs que pour réduire les émissions de gaz à effet de serre au Canada.
[Français]
M. Christian Simard: Le projet de loi C-48 a accordé des dégrèvements fiscaux à l'industrie pétrolière. Est-ce que vous savez s'il y a eu une évaluation environnementale de l'impact de ces subventions sur l'atteinte des objectifs de Kyoto?
[Traduction]
M. John Bennett: Le projet de loi de l'année dernière a fait grimper les subventions versées au secteur du pétrole et du gaz d'environ 265 millions de dollars par année. En réduisant le taux d'imposition de ce secteur, nous lui donnons 265 millions de dollars supplémentaires. Bien sûr, ces industries sont extrêmement rentables.
[Français]
M. Christian Simard: Tout à l'heure, vous avez mentionné aussi que le ministre de l'Environnement, M. Dion, a dit hier qu'il y avait eu 14 ententes avec l'industrie de l'automobile. À ma connaissance, il n'y a pas d'entente au Canada avec l'industrie de l'automobile. Il y en a avec seulement deux secteurs industriels: les pâtes et papier et, je crois, l'acier. Je n'ai pas très bien compris la partie de votre présentation qui portait sur ces 14 ententes avec l'industrie de l'automobile et qui avaient permis de faire avancer les choses. Vous avez dit qu'il y avait un genre de fraude intellectuelle ou, à tout le moins, de demi-vérité là-dedans.
J'aimerais que vous précisiez ce que vous vouliez dire.
[Traduction]
M. John Bennett: C'est le ministre Efford qui s'est prononcé hier.
En 1981, le Parlement a adopté la Loi sur les normes de consommation de carburant des véhicules automobiles, qui donnait à l'époque au ministre des Transports le pouvoir de prendre des règlements en ce qui concerne la consommation de carburant des véhicules automobiles, des voitures et des camions légers. L'industrie du pétrole a pressenti le gouvernement en annonçant que si la loi n'était pas proclamée—autrement dit elle n'entrait pas en vigueur—elle allait veiller volontairement à ce que le parc de voitures vendues au Canada respecte les mêmes normes d'économie de carburant que le parc vendu aux États-Unis. Cet accord a été renouvelé à plusieurs reprises depuis 1981. Toutefois, la seule raison pour laquelle cela a tenu est le fait que l'accord n'est pas volontaire aux États-Unis, car ces normes sont imposées par la loi et d'énormes amendes, environ 5 000 $ US par voiture, peuvent être imposées à une compagnie qui dépasse la cible. Par conséquent, ces compagnies se sont conformées au Canada et aux États-Unis.
[Français]
M. Christian Simard: Donc, comme c'est un règlement en vigueur aux États-Unis et que nous importons beaucoup de véhicules des États-Unis, son effet s'est fait sentir jusque chez nous, mais ce n'est pas l'effet des mesures volontaires. Est-ce que j'ai bien compris?
[Traduction]
M. John Bennett: Absolument. Si nous nous orientons vers des exigences plus strictes au Canada qu'aux États-Unis, il faudra un règlement pour que cela soit réalisé.
[Français]
M. Christian Simard: Je m'adresse maintenant à M. Cogen. Je sais que vous avez un intérêt là-dedans et que pour vous, le fait que le Canada n'ait pas respecté les objectifs de réduction représente une occasion d'affaires énorme. Mais vous avez l'honnêteté de nous le dire. Il y a là un potentiel, un marché incroyable. À la page 4 de votre document, il est écrit: « Au-dessus de 3 milliards de tonnes de demande en 2008-2012 ». C'est votre marché.
Je n'ai pas les chiffres sur la population du Japon, mais nous savons que notre pays est beaucoup moins peuplé que le Japon. Or, on parle d'un milliard de tonnes de demande sur le marché mondial. En Europe, où se trouvent plusieurs pays froids, plusieurs pays où les distances à parcourir sont longues, comme dans l'Ouest canadien-- je dis cela à l'intention de mes collègues conservateurs--, la demande sera de 800 millions de tonnes seulement. Au Canada, pour seulement 30 millions d'habitants, on devra acheter 1,2 milliard de tonnes sur le marché.
Si je comprends bien, vous n'avez pas beaucoup d'espoir de voir se réaliser un plan d'action domestique au Canada. Si on fait le calcul, cela veut dire 240 tonnes par année, sur cinq années, pour l'application du plan. Or, notre plan prévoit une réduction de 260 tonnes par année. On peut dire 300 tonnes, si on veut vraiment respecter la norme de 6 p. 100 en bas de 90. Donc, vous prévoyez un échec du marché domestique, puisque que vos prévisions se situent à 1,2 milliard de tonnes, soit l'équivalent de tout le Japon ou encore 400 millions de tonnes de plus que tous les pays d'Europe réunis. C'est ce genre de constat qui me remplit de honte.
Est-ce que je me trompe?
 (1205)
[Traduction]
M. Doug Russell (directeur général, Natsource): Peut-être puis-je apporter des explications ici.
Cela est vrai en l'absence de tout plan canadien. En d'autres termes, nous avons demandé quel était l'écart que le Canada devait combler pour atteindre les objectifs. En l'absence de plan majeur mis en oeuvre au Canada, ce serait la situation. Ce serait l'écart qu'il faut combler.
Nous ne disons pas qu'il faut que cela se fasse totalement sur le marché international, pas du tout. Nous disons qu'une approche équilibrée dans un éventuel plan canadien va faire intervenir des mesures nationales et internationales. Les mesures internationales vont dépendre des résultats obtenus à l'échelle nationale et dans une grande mesure, cela est tributaire du moment où les choses vont démarrer.
M. Jack Cogen: J'ajoute qu'il y a des facteurs de distorsion à cet égard. Le Japon est un pays beaucoup plus petit, et il est plus efficace sur le plan énergétique—forcément— et il bénéficie d'un programme nucléaire beaucoup plus musclé. En Europe, si l'on peut atteindre les objectifs du plan, c'est que cela est facilité par la montée de certains pays, l'unification de l'Allemagne, l'accès de l'Allemagne de l'Est... L'effet est presque le même que de rallier la Russie. Le point de départ est une base industrielle inférieure par rapport aux chiffres qui ont été établis. Cela entraîne des distorsions. La Grande-Bretagne a procédé à une transformation majeure, passant du charbon au gaz naturel, ce qui a réduit considérablement les gaz à effet de serre pour ce pays.
Par comparaison au Canada, le Japon et l'Europe ont pris des mesures considérables qui ont influé sur la demande de façon très positive.
[Français]
M. Christian Simard: Merci.
Monsieur Runnalls, si j'ai bien compris ce qui se trouve dans votre document, vous estimez que les mécanismes de Kyoto pour pallier le fait qu'on ne pourra pas atteindre l'objectif de 240 tonnes--certains croient qu'il s'agit plutôt de plus de 300 tonnes par année...
Je m'adresse à celui de vous ou de M. Cogen qui pourra répondre à ma question. Si nous sommes les derniers à entrer dans le marché des droits échangeables, ne serons-nous pas condamnés alors à acheter énormément de tonnes au plus bas prix, c'est-à-dire de l'air chaud de la Russie, car il faut beaucoup de temps pour réaliser des projets dans le Tiers-Monde? L'Europe a pris beaucoup d'avance, et cet achat coûte plus cher. Le fait que nous soyons aussi loin derrière et tellement en retard dans la mise en place--je me fie au graphique qui illustre que nous comptons seulement pour 3 p. 100 dans le marché actuellement--ne nous condamnera-t-il pas à acheter de l'air chaud et à ne pas aider à assurer une réduction réelle dans les pays du Tiers-Monde parce qu'on sera arrivés trop tard dans le marché et que le coût pour ce type de projet sera trop élevé et difficile à réaliser?
[Traduction]
M. David Runnalls: C'est la question qui suscite un vif intérêt en ce moment. Comme l'a dit Jack, il s'agit d'un marché et on ne peut pas prévoir comment il va évoluer. Je dirais que ce n'est pas la peine de le faire.
Pour optimiser l'argent des contribuables, il faudrait acheter de l'air chaud à l'Union soviétique et à l'Europe de l'Est. Sur le plan politique, c'est inacceptable à mon avis et je ne pense pas que cela réduise de quelque façon que ce soit les émissions de CO2. Nous prétendons qu'il sera possible de marchander avec l'Union soviétique pour obtenir en contrepartie une véritable réduction de leurs émissions de CO2.
Cela va certainement coûter plus cher que d'acheter de l'air chaud. Si nous allions encore plus loin et que nous soumettions un tel marché à l'achat de technologie canadienne ou de biens et services canadiens, cela coûterait encore plus cher, comme Jack l'a dit tout à l'heure. Autrement dit, il y aura un écart entre la solution la moins coûteuse, c'est-à-dire acheter de l'air chaud, et ces initiatives d'éco-investissement. Nous pourrons prendre la mesure de cet écart quand nous saurons à quel rythme les choses vont démarrer, mais ce n'est pas prévisible pour l'instant, tant que nous n'entrerons pas sur le marché et ne commencerons pas à acheter.
Le président: Monsieur Simard, je vous interromps. Votre temps est écoulé. Merci.
La parole est à M. McGuinty.
M. David McGuinty (Ottawa-Sud, Lib.): Merci, monsieur le président. Bonjour à tous nos témoins. Merci d'être venus.
Je vais me reporter à des remarques que chacun d'entre vous a faites et, monsieur le président, je vais poser trois séries de questions à nos trois témoins. Je vais commencer par M. Runnalls.
Monsieur , je vous demande d'éclairer ma lanterne et, par le fait même, celle des autres membres du comité. Pouvez-vous nous expliquer les choses dans une perspective d'aide au développement international? Vous avez parlé du rôle persistant que le Canada joue en matière de changement climatique. J'ai une expérience de plus de 10 ans dans les pays en développement, sur le terrain, où je m'occupais par exemple d'immunisation des enfants ou d'approvisionnement en eau potable, et pendant tout ce temps, nous n'avons jamais entendu parler du changement climatique. Pouvez-vous nous aider à comprendre ce qui est véritablement important en développement international actuellement? Est-ce le changement climatique ou, par exemple, l'eau potable?
Je vous pose cette question.
En outre, pouvez-vous nous dire si cet accord peut être mis en oeuvre? Quels pays vont pouvoir se targuer de l'avoir respecté et mis en oeuvre? Après 2012, envisage-t-on de revoir la possibilité de mettre ce protocole en oeuvre? Quelles conséquences cela aura-t-il pour le Canada?
Monsieur Bennett, nous essayons de trouver dans le rapport Pembina des évaluations et des faits objectifs en ce qui concerne les prétendues subventions au secteur du pétrole et du gaz. En tant que député, je trouve ça extrêmement frustrant car les points de vue sont divergents quant à savoir si oui ou non, il s'agit de subventions. Si une équipe entièrement objective d'économistes du ministère des Finances vous accompagnait aujourd'hui, serait-elle d'accord sur votre jugement en ce qui concerne les subventions au secteur du pétrole et du gaz? Dans la négative, pourquoi?
En outre, vous avez parlé de la nécessité de règlements, ce que d'aucuns appelleraient le marteau d'une réglementation. Les Canadiens sont dans la confusion, à mon avis, car ils ne savent pas si les mesures volontaires ne sont pas tout simplement une échappatoire pour les grands industriels qui, ainsi, en seraient quittes. Je ne voudrais pas qu'après avoir pris connaissance de nos délibérations, ils en tirent cette conclusion, car nous savons que c'est parce que les États-Unis ont recours de plus en plus aux instruments économiques que nous élaborons un régime de commerce international, au nom de l'efficacité. Nous savons que les Européens, de plus en plus, trouvent une solution à leurs problèmes environnementaux en procédant secteur industriel par secteur industriel et en ayant recours à des éco-conventions qui, à toutes fins pratiques, sont des accords volontaires assortis de toutes sortes de mesures de transparence, de consultations, etc., et cela sans faire intervenir le marteau de la réglementation.
Monsieur Russell et monsieur Cogen, pouvez-nous nous aider à comprendre ce qui va se passer quand le Canada va commencer à mettre en oeuvre l'accord de Kyoto et quel sera l'impact? Aucun pays ne peut se considérer comme une île, certainement pas un pays dont 85 p. 100 du commerce se fait avec un pays qui s'appelle les États-Unis d'Amérique. J'ai déjà soulevé cette question en comité. Il y a peu de discussions centrées sur nos liens au sein de l'ALENA. Ne devrait-on pas chercher une solution au changement climatique dans le cadre de l'ALENA, tout en étant de bons citoyens respectueux de Kyoto, de bons citoyens internationaux adhérant à Kyoto? Dans quelle mesure devrait-on accentuer le contexte de l'ALENA étant donné les liens physiques, économiques et autres qui régissent notre façon de faire ici?
 (1210)
Le président: Monsieur McGuinty.
Nous pouvons peut-être commencer par M. Runnalls avec la première question sur votre façon de voir les priorités internationales—eau potable, changement climatique, etc.
M. David Runnalls: L'examen est prévu pour cette année. La communauté internationale s'est entendue en l'an 2000 sur les objectifs de développement pour le millénaire, qui sont fort sensés. Parmi ces objectifs figurent l'allégement de la pauvreté et l'approvisionnement en eau potable. Ce sont les vrais moteurs de l'initiative de développement à l'heure actuelle.
Néanmoins, je soutiens que ces objectifs ne sont pas sans lien avec le changement climatique, car nous constatons maintenant que les principales victimes du changement climatique seront les habitants des pays les plus pauvres, qui sont plus vulnérables à toute variation. En effet, ces pays ont une agriculture précaire. En outre, comme le tsunami vient de nous le démontrer, les pays côtiers seront les plus touchés par le changement climatique. Toutefois, il est inutile de traiter des mesures de lutte contre le changement climatique lors des discussions avec les pays en voie de développement; cela ne donne aucun résultat. En revanche, si nous parvenons à élaborer des stratégies de développement qui ont pour objet d'accroître l'approvisionnement en eau potable et d'éradiquer le sida tout en rendant les pays en voie de développement plus résistants face au changement climatique et en les aidant à moderniser leurs économies afin de réduire leurs émissions, alors le dialogue avec ces pays peut être fructueux.
J'aurais un autre point à ajouter brièvement, monsieur le président. Pour ce qui est du changement climatique, ce serait une erreur de croire que les pays en voie de développement constituent un bloc homogène. En fait, 15 pays produisent 80 p. 100 de toutes les émissions du monde entier. Ainsi, les responsables de la politique canadienne seront confrontés à un défi de taille : mettre en pratique les objectifs du millénaire en matière de développement dans les pays les plus pauvres du monde, comme dans les pays africains, tout en élaborant des politiques concernant la Chine, l'Inde, le Brésil, le Mexique, le Nigeria et l'Égypte, qui connaissent une croissance rapide, qui bientôt ne seront plus des pays en voie de développement et qui contribuent au changement climatique plus que tous les autres pays en développement. Par conséquent, si l'examen de notre politique étrangère se concrétise, nous devrons nous interroger sur les relations du Canada avec ces superpuissances économiques qui émergent, car ces questions ne correspondront plus à notre stratégie actuelle d'aide internationale.
En ce qui concerne votre deuxième question, je vous dirai rapidement que la conformité est un point qui sera soulevé très fréquemment. Selon moi, et je ne devrais peut-être pas le dire, lorsque nous atteindrons la fin de la période prévue par le Protocole de Kyoto, un certain nombre de pays n'auront pas atteint leurs objectifs dans une certaine mesure. Je crois que la communauté internationale nous jugera, et jugera les autres États, en fonction des efforts que nous aurons déployés, de la concordance entre les résultats que nous aurons obtenus et les objectifs du Protocole de Kyoto. Par conséquent, si, en 2012, il nous manque encore 150 à 200 millions de tonnes de réduction pour atteindre notre objectif, alors il y aura de graves répercussions, à tout le moins, sur notre réputation internationale. En revanche, si nous avons raté notre objectif de 10 à 20 millions de tonnes de réduction, alors la communauté internationale estimera que nous avons déployé un effort substantiel.
Les résultats obtenus par divers pays sont assez ambigus à l'heure actuelle. Il reste encore deux ans avant le début de la période d'engagement. Je crois que des pressions seront exercées, bien entendu, monsieur McGuinty, afin qu'il y ait des pénalités réelles si les pays ne se conforment pas au protocole, s'il y a un pays qui rate son objectif de peu et un autre qui est très loin d'atteindre son objectif. La pression exercée par les États parties sur la scène politique internationale fera en sorte que les contrevenants devront être punis car les autres auront déployé d'énormes efforts.
 (1215)
Le président: Monsieur Bennett, pouvez-vous nous donner de plus amples explications sur les autres instruments qui existent, outre les subventions, les pactes, etc.?
M. John Bennett: Il est possible qu'il existe des divergences relatives à l'interprétation de certains éléments du rapport de l'Institut Pembina. Il est vrai qu'au cours des années 90, un certain nombre de subventions directes ont été éliminées, mais, de façon générale, elles ont été remplacées par d'autres types de crédits d'impôt. Par exemple, si vous êtes dentiste et que vous investissez dans un puits de pétrole, cet investissement peut être considéré comme étant accréditif et déductible de votre revenu de dentiste. Si vous investissez dans une éolienne, c'est impossible car on considère qu'il s'agit d'une subvention, ce qui équivaut à réserver un traitement spécial à cette industrie.
Il sera question de la définition d'une subvention. En effet, le document que je vous ferai parvenir aborde cette question en vue de déterminer ce qu'est au juste une subvention. La subvention traditionnelle, qui consiste pour le gouvernement à envoyer un chèque à la fin de l'année, n'existe plus en tant que telle, mais l'industrie gazière et pétrolière reçoit un traitement de faveur, afin qu'elle jouisse d'avantages dont ne dispose pas une entreprise qui produit de l'énergie éolienne, par exemple. Par conséquent, nos arguments portent sur l'inégalité de traitement entre l'industrie gazière et pétrolière et les autres secteurs.
Je crois que la plupart des enjeux dont nous discutons découlent du succès des mesures prises pour lutter contre les pluies acides aux États-Unis. En effet, nos voisins ont mis sur pied le premier mécanisme d'échange des émissions, ce qui a grandement contribué à la réduction des pluies acides en Amérique du Nord. Cette réussite s'est avérée l'argument principal des Américains en faveur d'un mécanisme d'échange des émissions sous l'égide du Protocole de Kyoto. Toutefois, ce succès n'aurait pas été possible sans l'adoption de règlements qui obligeaient les secteurs industriels dépendant du charbon aux États-Unis à trouver une solution.
Selon le modèle de réglementation que nous prônons, le gouvernement ne fait que fixer les objectifs. Il ne s'agit pas du modèle traditionnel de réglementation selon lequel le gouvernement détermine le résultat que les entreprises doivent obtenir tout en disant aux compagnies quelles technologies existent et en leur envoyant un inspecteur qui leur impose certains appareils techniques très précis sous peine de sanctions. Il n'est pas du tout question ici de ce genre de réglementation. Nous proposons plutôt que le gouvernement fixe des objectifs et laisse aux entreprises le soin de trouver la meilleure façon d'atteindre ces objectifs. Ce qui nous intéresse, c'est le résultat et non les moyens utilisés pour y parvenir. C'est la bonne façon de procéder.
L'accord européen conclu avec l'industrie automobile a fait l'objet d'au moins deux études jusqu'à maintenant. Ces rapports ont révélé que d'importants progrès avaient été accomplis en ce qui concerne le premier objectif. Les deux études concluent que l'accord n'a pas contribué à l'atteinte de cet objectif. Des progrès ont été marqués seulement lorsque l'Union européenne a montré à l'industrie automobile les règlements qu'elle comptait adopter s'il n'y avait pas d'entente. Il y a trois semaines, le Parlement européen a adopté une résolution exhortant la Commission européenne à mettre ces règlements en vigueur.
En outre, il existe une école de pensée selon laquelle la réglementation est plus coûteuse pour les gouvernements. En revanche, imaginez les sommes d'argent qui ont été dépensées pour négocier avec les fabricants automobiles pendant quatre ans. Il faut investir des sommes faramineuses dans la recherche pour maintenir un dialogue avec ces entreprises. D'ailleurs, certaines des études européennes suggèrent que cela coûte aussi cher que d'adopter des règlements.
Pour ces raisons, nous exhortons le gouvernement à adopter des règlements. Si l'industrie souhaite qu'un mécanisme d'échange des émissions soit créé pour l'aider à atteindre son objectif, alors que l'industrie le fasse, mais il faut que des règlements soient adoptés. Nous réglementons tous les autres secteurs, alors pourquoi cette industrie ne ferait-elle pas aussi l'objet de réglementation?
 (1220)
Le président: Je cède la parole à M. Russell au sujet de l'ALENA.
M. Doug Russell: En ce qui concerne l'ALENA, je pourrais vous répondre rapidement en vous disant que le Canada se trouve dans une position tout à fait unique et inévitable, c'est-à-dire qu'il doit se conformer aux deux accords. En effet, nous avons signé et ratifié le Protocole de Kyoto, et nous devons le respecter et tenter d'atteindre nos objectifs. D'autre part, nous sommes un important partenaire commercial des États-Unis. Il existe plusieurs possibilités de coopérer avec les États-Unis et le Mexique sans exercer des pressions en vertu du Protocole de Kyoto.
Le gouvernement américain joue un rôle très important dans les États du nord-est des États-Unis, par exemple, lorsqu'il s'agit d'établir un système d'échange de plafond pour répondre aux initiatives entreprises par ces États. Il existe un mouvement actuellement aux États-Unis qui préconise l'adoption de mesures sur les multi-polluants. Le Canada doit surveiller de près toutes ces initiatives afin d'ajuster ses politiques en conséquence et de faire en sorte que nos deux pays s'appuient mutuellement.
En outre, avant d'en arriver à une approche pour l'ensemble des pays de l'ALENA, il faudra procéder par étape et s'appuyer sur les résultats partiels obtenus au fil du temps. Il est certain que les États-Unis ne semblent pas vouloir s'intéresser au changement climatique comme d'autres pays le font. Néanmoins, il existe des possibilités de collaboration entre le Canada et le Mexique en vertu du Protocole de Kyoto qui doivent être envisagées dans le domaine des mécanismes écologiques de développement.
En fait, je vous répondrai qu'il reste probablement beaucoup de chemin à parcourir avant d'en arriver à une entente formelle à cet égard, mais il existe quelques domaines pour lesquels il serait possible de convenir d'une approche qui nous aiderait à atteindre nos objectifs en vertu du Protocole de Kyoto, qui serait avantageuse pour tous les pays concernés et qui contribuerait à l'amélioration de nos relations commerciales et écologiques avec nos partenaires de l'ALENA.
Le président: Merci beaucoup, monsieur McGuinty. Votre temps de parole est écoulé.
Les députés qui sont assis de chaque côté de la table ont la parole pendant cinq minutes à tour de rôle. Ceux d'entre vous qui ont déjà témoigné devant notre comité connaissent notre façon de procéder.
Je cède la parole à M. Jean.
M. Brian Jean (Fort McMurray—Athabasca, PCC): Merci, monsieur le président.
Je suis également extrêmement mécontent du manque de réaction de notre gouvernement au cours des 15 dernières années pour mettre ce mécanisme en place, monsieur Bennett, et je suis plutôt furieux et mécontent car je crois que nous devrions nous montrer plus positifs.
Je suis également furieux à cause des observations que j'entends continuellement au sujet du problème de l'industrie gazière et pétrolière. Sincèrement, je crois que cette industrie sert de bouc émissaire selon la tendance actuelle, car, selon moi, et je suis originaire du nord de l'Alberta et j'ai été témoin de la croissance énorme du secteur des sables bitumineux, si nous n'avions pas les ressources naturelles dont nous disposons, y compris le gaz et le pétrole, nous aurions connu la stagnation économique au cours des 10 dernières années et aurions presque été une république de bananes dix ans plus tard.
En outre, comme l'a dit M. Cogen, je crois qu'une partie du problème tient à l'incertitude qui entoure le Protocole de Kyoto et à la position du gouvernement, ou plutôt au fait qu'il n'ait pas de position sur le sujet et qu'il n'ait rien fait au cours des 15 dernières années. Ainsi, nous devons aujourd'hui mettre en oeuvre ce traité sans qu'aucune mesure préalable n'ait été prise, essentiellement.
Monsieur Bennett, vous avez indiqué que nous vivons actuellement dans une économie mondiale, et cela ne fait aucun doute. Je suis d'accord avec vous, et je crois que le Canada constitue une seule économie et que nous sommes un État pancanadien.
Êtes-vous d'accord avec l'idée voulant qu'il s'agisse avant tout d'établir un équilibre entre l'économie et l'environnement et que nous devons déterminer quels sont les secteurs d'activité économique qui ont le moins de répercussions sur l'environnement pour chaque dollar dépensé, et que nous devons faire en sorte d'utiliser les ressources et les outils qui fournissent à nos investissements le meilleur rendement par rapport aux répercussions sur l'environnement. Êtes-vous d'accord avec cette hypothèse?
 (1225)
M. John Bennett: Je suis essentiellement d'accord avec votre énoncé, mais j'aimerais également souligner que le plan de mise en oeuvre de Kyoto, dans sa version actuelle, n'exige pas que l'industrie pétrolière cesse de croître. En fait, le plan permet à ses émissions de croître de 30 p. 100. Il ne s'agit donc pas de freiner toute expansion prévue dans le nord à l'heure actuelle. Néanmoins, l'industrie pétrolière a lutté bec et ongles contre l'imposition de toute forme de contrôle sur ses émissions de gaz à effet de serre, bien qu'on ait imposé à cette industrie un fardeau beaucoup plus léger que celui imposé aux autres secteurs. Ainsi, à cause des arrangements conclus avec les entreprises pétrolières, les autres secteurs industriels au Canada auront plus de difficulté à atteindre leur objectif.
M. Brian Jean: Mais soyons justes, monsieur Bennett, vous-même avez lutté bec et ongles dans l'autre camp pour arrêter tout... Il est normal que chacun défende sa position. Mais, encore une fois, n'êtes-vous pas d'accord avec l'idée voulant que nous devons investir dans les industries qui fournissent le meilleur rendement et qui créent le moins de dommages environnementaux?
M. John Bennett: Absolument, et c'est pourquoi j'ai suggéré que nous cessions de donner 1,4 milliard de dollars à l'industrie pétrolière, qui se débrouille très bien sans ce financement. L'industrie pétrolière n'a pas besoin de l'argent des contribuables.
M. Brian Jean: Monsieur Bennett, je ne veux pas me lancer dans une discussion houleuse, mais vous parlez ici d'une industrie qui fournit 25 milliards de dollars par année aux contribuables directement, c'est-à-dire au gouvernement de l'Alberta, par exemple, et au gouvernement fédéral en versements égaux. Nous parlons ici d'une industrie qui reçoit dix milliards de dollars pour construire une usine et qui ne pourra démarrer ses activités sans l'intervention du gouvernement, comme cela a été le cas des sables bitumineux du Canada en 1966. Cette initiative n'aurait pas pu voir le jour et nous n'aurions pas les sables bitumineux que nous avons aujourd'hui sans l'intervention du gouvernement. Mais je vais m'arrêter là.
M. John Bennett: Mais c'est exactement ce que je veux dire. Nous avons décidé qu'il fallait réduire nos émissions de gaz à effet de serre, alors nous disons aux entreprises de nouvelles technologies qu'elles doivent apporter leur contribution. Mais nous ne leur fournissons pas les mêmes mesures de soutien que nous avons offertes à d'autres secteurs énergétiques, comme les combustibles fossiles, l'énergie nucléaire ou l'hydro-électricité. Ces secteurs ont tous été subventionnés par le gouvernement, sinon ils n'existeraient pas.
J'aimerais également vous rappeler que pendant environ 25 ans, le prix du pétrole albertain a été plus élevé que celui du pétrole provenant du reste de la planète, mais les autres provinces canadiennes ont acheté le pétrole de l'Alberta afin d'appuyer cette industrie, et cela ne me pose aucun problème. Mais, ce que j'ai de la difficulté à admettre, c'est que nous constatons maintenant qu'il existe un énorme problème mondial qui aura des répercussions directes sur les Canadiens, qui a déjà des répercussions directes sur les Canadiens, et pourtant nous continuons à privilégier une façon de faire et nous faisons fi des autres possibilités. C'est là où le système ne fonctionne pas.
Oui, nous pourrions tirer 25 milliards de dollars des formes d'énergie de remplacement si nous investissions 1,4 milliard de dollars chaque année dans ce secteur.
Le président: M. Runnalls aimerait également vous répondre, monsieur Jean.
M. David Runnalls: Voilà notamment pourquoi je me réjouis de l'arrivée d'un plan, en espérant qu'il nous arrive réellement. Cela fait déjà 30 ans que je suis dans le domaine, et j'ai assisté à de grands revirements de la politique sur l'environnement en Europe de l'Ouest, aux États-Unis et au Canada. Chaque fois, ce revirement était accompagné d'un tas de chiffres qui prédisaient la faillite d'un secteur ou d'un autre de l'économie. Pour ma part, j'ai l'impression qu'une fois que nous aurons démarré, les ingénieurs du secteur pétrolier trouveront des tas de façons de rendre économique le changement dans leurs procédés.
Je crois que vous avez vu dans le Globe and Mail d'il y a deux jours une lettre provenant de la Petroleum Technology Alliance of Canada, alliance financée, sauf erreur, principalement par les compagnies pétrolières. Dans cette lettre, le directeur de la PTAC affirmait qu'à son avis, l'industrie pétrolière canadienne pourrait réduire ses émissions de 29 mégatonnes en moins de quatre ans et augmenter ainsi sa rentabilité; il disait également que certains de ces investissements se rentabilisaient en seulement quatre mois!
Il existera deux types d'entreprises. Il y aura d'abord celles qui considéreront tout changement comme un désastre, puis les autres, comme Shell et BP, qui l'interpréteront comme un défi. L'avenir est au contrôle des émissions de carbone. Il nous faudra vivre dans ce monde. Plus nous nous adapterons rapidement, plus nous réagirons rapidement, et plus notre technologie excellera, et plus nous devancerons les Exxon, Mobil et les autres qui traînent.
Nous allons certainement constater qu'il se formera trois groupes dans l'industrie pétrolière du Canada : il y aura d'abord les trois ou quatre grandes entreprises qui profiteront de la situation en réduisant considérablement leurs émissions et en faisant place à la nouvelle technologie; puis, il y aura celles qui continueront à traînasser; et enfin, celles qui seront entre les deux.
Les chiffres que l'on nous montre actuellement me laissent très dubitatif, car j'ai une certaine expérience de la situation. J'ai vu ce qui s'est passé lors de l'échange des droits d'émissions de dioxyde de soufre aux États-Unis. J'ai vu l'effet qu'a eu la Clean Air Act. J'ai vu ce qu'ont donné les diverses lois britanniques lorsque j'étais à Londres. Il se trouve que les dirigeants des pétrolières surestiment considérablement le coût de la conformité aux lois, parce qu'ils hésitent à se présenter devant leurs actionnaires pour avouer qu'ils ont sous-estimé de 50 p. 100 le coût de l'adaptation. Par conséquent, ils préfèrent surestimer ces coûts du simple au double, ce qui les fait passer pour des dirigeants hors pair le jour où ils annoncent qu'ils ont réussi à contenir les coûts.
 (1230)
M. Brian Jean: Mais, monsieur Runnalls, nous n'avons pas de plan, et nous ne savons pas combien nous dépenserons. C'est le problème auquel toutes les compagnies font face.
M. David Runnalls: C'est vrai. Le milieu des affaires déteste l'incertitude, et cela fait huit ans que celle-ci persiste.
M. Brian Jean: Je dirais plutôt 15.
M. David Runnalls: Vous avez raison, mais l'incertitude est l'ennemi absolu dans les circonstances.
M. Brian Jean: Pardon, messieurs, mais comme je dois limiter mes questions, j'aimerais que vous répondiez à celles-ci.
Le président: Malheureusement, je dois vous interrompre car votre temps est écoulé. Mais nous aurons suffisamment de temps pour revenir aux questions supplémentaires.
Monsieur McGuinty.
Nous reviendrons ensuite à M. Simard.
M. David McGuinty: Merci, monsieur le président.
J'ai deux questions rapides.
Monsieur Runnalls, sauf erreur, vous avez été membre pendant longtemps du Conseil commercial Canada-Chine en Chine, à titre de délégué du gouvernement canadien. Pouvez-vous expliquer au comité où en sont les Chinois sur le plan de l'énergie nucléaire, puisque l'on sait que des feux souterrains ont fait rage dans les houillères chinoises et ont contribué à libérer des quantités énormes de gaz à effet de serre dans l'atmosphère là-bas.
Je m'adresse maintenant à tous nos témoins : le premier ministre du Royaume-Uni, M. Blair, dont M. Runnalls a parlé dans son petit document, a décidé il y a plusieurs années de reformuler l'enjeu du changement climatique et d'en faire un enjeu énergétique. D'après ce que j'ai lu dans les journaux britanniques et des discussions que nous avons eues avec le haut-commissariat à Ottawa, M. Blair a décidé d'agir ainsi parce que les citoyens britanniques ne comprenaient pas ce qu'était le changement climatique.
Étant donné que 86 p. 100 de tous les gaz à effet de serre du Canada proviennent de l'exploitation, de la transformation et de la consommation des combustibles fossiles, et étant donné que les Canadiens comprennent peut-être plus facilement les questions énergétiques que le phénomène complexe du changement climatique, que l'on associe souvent à tort à l'appauvrissement de la couche d'ozone et aux feux de forêt de même qu'à toutes sortes d'autres phénomènes physiques et naturels, il est facile de comprendre pourquoi les Canadiens sont réticents à suivre les délibérations entourant ce dossier et pourquoi ils ont du mal à s'y retrouver. Si nous et vous devions reformuler le dossier en en faisant une question d'énergie—et je parle ici de la façon dont nous conduisons nos voitures, dont nous nous chauffons et dont nous utilisons l'énergie—ne serait-il pas plus facile pour nous de nous faire comprendre que si nous continuons à parler de méthane, d'équivalents CO2, de gaz carbonique et de changement climatique?
Le président: Monsieur Runnalls.
M. David Runnalls: Je répondrai d'abord à votre question sur la Chine.
Je crois que les Chinois vont s'engager dans toutes les voies de rechange possibles en matière énergétique. Ils viennent tout juste d'introduire une norme sur le portefeuille renouvelable à l'intention de l'industrie de l'électricité. Les Chinois vont s'engager à fond de train dans le nucléaire, et sont en train littéralement de construire des centaines de nouvelles centrales thermiques alimentées au charbon.
Je vous rappelle que cela représente possiblement un désastre pour la planète, mais je vous rappelle également que le Chinois moyen consomme moins de 10 p. 100 de toute l'énergie que consomme le Canadien moyen. Alors, il faut faire attention lorsqu'on parle d'équivalence. La façon dont nous traiterons le cas de la Chine et de l'Inde déterminera la façon dont nous allons contrer la menace que représente le changement climatique.
J'en arrive maintenant à la deuxième question de M. McGuinty. Mon institut tire son origine du rapport de la Commission mondiale sur l'environnement et le développement, la Commission Brundtland. Une des leçons qu'a tirées la Commission Brundtland, c'est qu'il ne fallait pas traiter les symptômes, mais plutôt traiter les causes. On disait dès ce moment-là que le changement climatique était une question de politique énergétique. Et c'est effectivement le cas, comme vous le dites vous-même. L'énergie est au coeur même de l'économie moderne, et elle produit la plupart des émissions. Or, la façon dont nous utilisons l'énergie et la transformons est la solution au problème du changement climatique.
Le président: Quelqu'un d'autre voudrait-il répondre?
Monsieur Cogen.
M. Jack Cogen: Les Républicains se sont engagés à fond dans les programmes américains de SO2 et des oxydes d'azote. Le terme utilisé... on l'a même utilisé aujourd'hui dans le cadre du changement climatique, lorsqu'on a parlé de pollution. On changera notre façon de voir les choses dès lors que l'on comprendra qu'il ne s'agit pas de pollution. En effet, le gaz carbonique n'est pas nécessairement un produit secondaire de la transformation des combustibles fossiles, puisque la transformation en elle-même ne produit pas de CO2. Il n'y a pas d'autre façon d'expliquer les choses. Ce n'est pas comme s'il était possible de le filtrer ou de s'en débarrasser d'une autre façon. Il s'agit plutôt d'une utilisation d'une source d'énergie. On a beau parler de méthane, ou d'oxyde de diazote, entre autres gaz, le problème fondamental vient de ce que notre économie est une économie fondée sur les combustibles fossiles. Voilà le problème.
 (1235)
Le président: Monsieur McGuinty, il vous reste une minute.
M. David McGuinty: Si nous devions reformuler le dossier pour en faire une question d'énergie et non pas une question de changement climatique, si nous cessions de montrer des cheminées aux nouvelles—ce qui porte à confusion, puisque les Canadiens font l'équation entre le changement climatique, d'une part, et, d'autre part, la pollution et la mauvaise qualité de l'air—ne réussirait-on pas plus facilement à convaincre l'industrie de profiter des énormes avantages économiques que cela représente? Comme vient de nous le rappeler M. Runnalls, cela fait maintenant plus de 30 ans que nous ne cessons de parler de réexaminer la politique énergétique dans un contexte national et de trouver de nouvelles formes d'énergie.
Cela me rappelle un discours que j'ai prononcé à une époque en Alberta devant le Canadian Club : j'ai demandé à l'auditoire pourquoi, puisque l'Alberta était le centre énergétique du Canada—tout le monde était évidemment d'accord avec moi—la compagnie Ballard Power, qui était la compagnie de recherche canadienne dominante dans le secteur des piles à combustible, était toujours établie à Vancouver. J'ai demandé pourquoi ce ne serait pas l'Alberta, à titre de capitale de l'énergie au Canada, qui mènerait la charge en vue de faciliter la transition depuis la dépendance envers les sources énergétiques de combustibles fossiles à d'autres sources d'énergie?
Quelqu'un veut-il répondre?
M. John Bennett: Cela fait des années que nous nous demandons quelle est la meilleure façon de parler de ce dossier. L'ennui, c'est que le changement climatique dépasse de loin la simple question énergétique : c'est plutôt une question de style de vie, de qualité de vie, de pollution, et on parle de 5 000 solutions plutôt que d'une seule. Il n'y a pas une seule façon de résoudre le problème, puisqu'il faut faire des milliers de petites choses différentes pour réussir à réduire les émissions.
À mon avis, faire l'équation entre le changement climatique et la pollution, c'est la façon de prendre le taureau par les cornes, puisqu'il s'agit bel et bien de pollution. En effet, on éjecte dans l'atmosphère des produits qui ne devraient pas y être. Les Canadiens ont peut-être de la difficulté à comprendre toutes les nuances—et à vrai dire, j'ai eu moi-même des difficultés à suivre mes associés lorsqu'ils vous ont expliqué plus tôt tous les tenants et les aboutissants des échanges de droits d'émission—mais les Canadiens savent que c'est un problème de combustion fossile et de pollution. Ils savent également que la solution, c'est de s'attaquer aux cheminées industrielles, aux tuyaux d'échappement et aux cheminées de maison.
L'ennui, c'est surtout que nous n'avons pas donné aux Canadiens suffisamment d'outils.
M. David McGuinty: Permettez-moi d'intervenir rapidement, puisqu'il y a à peine sept mois et demi, j'ai dû faire du porte à porte auprès de 27 000 ménages pour me faire élire. Monsieur Bennett, je vous assure que pour les Canadiens, ce n'est pas une question de pollution. Ils ne font pas l'équation entre changement climatique et pollution. D'ailleurs, la plupart des Canadiens ont l'impression que le trou dans la couche d'ozone laisse passer la chaleur dans l'atmosphère et que c'est ainsi que la planète se réchauffe.
Monsieur le président, c'est peut-être parce que j'ai fait tout ce porte à porte que je sais ce que les Canadiens pensent.
Le président: On pourra peut-être en arriver à ce genre de question plus tard.
Monsieur Simard, allez-y.
[Français]
M. Christian Simard: Monsieur le président, je vous remercie de faire respecter le droit de parole de chacun. C'est une question de justice envers les partis. M. McGuinty pourra faire ses commentaires à un autre moment.
Je remarque que le gouvernement manque totalement de volonté. J'ai l'impression qu'on récompense davantage ceux qui ont aidé à faire élire les gens au pouvoir--je pense au premier ministre--et qu'on est plus sensible à l'intérêt de certains lobbies qu'à sauver la planète et à prendre de véritables dispositions afin de protéger l'environnement.
Trois milliards de dollars ont été dépensés pour en arriver à une augmentation de 20 p. 100 des émissions. En 2005, c'est honteux. J'étais couvert de gêne lorsqu'on a annoncé qu'il y aurait une conférence internationale à Montréal malgré un si piètre bilan. Il y aura un effet boomerang extrêmement important pour ce gouvernement; tant pis pour lui. Il est déplorable que cela se produise au Québec, alors que le Québec a un bon bilan du point de vue du respect du Protocole de Kyoto.
Ce qui me choque particulièrement dans l'approche actuelle, c'est qu'il n'y a pas de transparence, pas de débat public, pas de débat sur une loi, pas d'utilisation d'instruments fiscaux. On passe complètement à côté et on va refiler à tous les Canadiens et à tous les Québécois la facture attribuable au non-respect d'une industrie pour l'environnement. Je pense principalement aux émetteurs finaux, les secteurs pétroliers et gaziers, qui sont responsables de plus de 50 p. 100 des émissions.
J'ai l'impression qu'on va prendre du retard au niveau technologique, même dans ces secteurs. La politique du Canada pour respecter le Protocole de Kyoto est donc totalement faussée.
Que pensez-vous de la proposition du Bloc québécois de demander une loi cadre, concernant Kyoto, de laquelle découleraient peut-être des mesures fiscales et des règlements? Il s'agirait d'adopter une loi qui contraindrait les émetteurs finaux et qui responsabiliserait les individus, ce qui est normal puisqu'il y a beaucoup de solutions. Que pensez-vous de la proposition que le Bloc québécois a rendue publique hier et qui consiste à adopter une loi cadre et à forcer des ententes avec les industries délinquantes?
 (1240)
[Traduction]
Le président: Monsieur Bennett, voulez-vous répondre?
M. John Bennett: Nous serions ravis qu'une loi soit adoptée. Cela fait déjà 15 ans que l'on débat de cet enjeu, et plusieurs premiers ministres ont dit successivement que les Canadiens devaient agir. Pourtant, pas une seule loi n'a été adoptée par le gouvernement fédéral, ni un seul règlement. Nous serions ravis de voir enfin des règlements!
Une loi sur le changement climatique pourrait aider à résoudre le problème de M. McGuinty, puisqu'elle permettrait à la population de comprendre l'importance du problème. Faute d'avoir des règlements qui sévissent contre les pollueurs, les Canadiens n'achèteront pas de plus petites voitures ni ne répareront leurs maisons, car ils ne comprennent pas quelle pourrait être leur contribution individuelle.
Il nous faut donc des règlements musclés qui obligent nos grandes industries rentables à réduire dans la mesure du possible leurs émissions. Nous ne leur avons même pas demandé ce qu'il leur était possible de faire; nous leur avons demandé uniquement de nous expliquer ce qu'elles pourraient éventuellement faire. Nous n'avons pas exploré toutes les possibilités. Nous pourrions aller beaucoup plus loin dans la réduction des émissions provenant de sources industrielles si nous appliquions des règlements et instaurions un véritable système d'échange de droits d'émission.
Or, le plan canadien d'échange de droits d'émission dénature complètement toute la notion de valeur marchande du carbone, puisqu'il utilise un système qui dépend de l'intensité plutôt qu'il n'impose un plafond. Le Canada devrait plutôt plafonner les émissions, revendre les permis à l'industrie, puis laisser celle-ci les échanger au meilleur prix qui soit. Mais en faisant ce qui est proposé, c'est -à-dire en donnant aux industries le droit de polluer et en leur permettant d'augmenter leurs émissions, on ne fait rien pour résoudre le problème. Au lieu de nous en tenir à des paroles, il nous faut plutôt agir et imposer des règlements qui nous montrent la voie.
Le président: Monsieur Simard, il vous reste encore quelques minutes, si vous voulez continuer.
[Français]
M. Christian Simard: Merci, monsieur le président.
Nous avons présentement une approche sectorielle plutôt qu'une approche territoriale, c'est-à-dire que nous y allons par secteur, ce qui ne rend pas toujours justice à des endroits où les émissions sont moins grandes.
Par exemple, les émissions de gaz à effet de serre au Québec ont augmenté de 5 p. 100. Durant la même période, en Alberta, les émissions ont augmenté de 30 p. 100. Au Québec, le bilan canadien pour les émissions par habitant était de 12,6 tonnes, comparativement à 70,9 tonnes en Alberta. Dans le programme Défi d'une tonne, on dit aux gens d'économiser l'électricité. Or, l'électricité produite au Québec provient d'une source renouvelable. On a donc l'impression qu'on applique la même règle à tout le monde, alors que le secteur industriel manufacturier au Québec a réduit ses émissions de gaz à effet de serre, ce qui n'est pas le cas pour le secteur industriel. On sent qu'il y a des communautés qui se sont prises en main qui ne sont pas respectées dans l'entente actuelle.
Que pensez-vous de cette approche, plutôt territoriale que sectorielle, qui n'a rien donné jusqu'à maintenant?
[Traduction]
M. John Bennett: Une des grandes difficultés que doit surmonter le Canada dans sa lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, c'est que le pays est une fédération et qu'il y a des problèmes de chevauchement de compétences, ce qui empêche de trouver des solutions faciles à nos problèmes. Mais il ne faut pas oublier que les avantages économiques obtenus par l'accroissement des émissions en Alberta ont profité à tous les Canadiens, et nous devons le reconnaître au moment de préparer le plan. Les instances de réglementation fédérales qui doivent prendre des décisions ont toute ma sympathie.
Le deuxième problème vient du fait que la plupart de tous les services publics de production d'électricité au Canada sont des services étatiques, en régie provinciale directe. Autrement dit, le gouvernement fédéral est en train d'essayer d'imposer des règlements aux provinces, ce qui pose d'énormes problèmes. Et je ne parle même pas des autres types de questions politiques qui surviennent, puisque les provinces défendent leurs droits et privilèges, que leurs raisons de le faire soient bonnes ou pas. Il faut donc, à mon avis, maintenir un plan d'attaque par secteur et se demander quelles sont les économies à réaliser partout.
Je le disais plus tôt : il y a 5 000 solutions au problème. Il est vrai que d'isoler votre maison et la plupart des maisons du Québec ne se traduirait pas nécessairement en une réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais cela se traduirait en un surplus d'énergie hydroélectrique que les Ontariens pourraient alors acheter, ce qui diminuerait leur recours aux chaudières au mazout et au gaz et d'autant leurs émissions. Voilà une occasion à saisir pour le Québec. Et pourtant, l'énergie du Québec ne peut être transmise en Ontario à cause d'une désynchronisation. Il faut donc que le gouvernement fédéral intervienne pour résoudre ce type de problème.
La façon de faire, c'est certainement de voir ce qu'il est possible de faire par secteur, et faire en sorte que nos actions n'auront pas pour effet d'augmenter les émissions ailleurs au Canada ou à l'extérieur du Canada.
 (1245)
Le président: Merci, messieurs Bennett et Simard.
M. McGuinty, qui sera suivi de M. Mills.
M. David McGuinty: Merci à nouveau, monsieur le président.
J'aimerais que M. Russell nous parle d'une question qui circule déjà depuis plusieurs années, à savoir les crédits pour mesures rapides. Vous savez que les entreprises craignent d'investir des ressources supplémentaires en vue de réduire leurs gaz à effet de serre, parce qu'elles attendent du gouvernement qu'il les rassure et confirme qu'on tiendra compte de leurs investissements initiaux au moment de la présentation d'un plan d'échange de droits d'émission ou d'un plan d'allocation du droit à émettre des gaz à effet de serre.
À votre avis, quelle devrait être la position du gouvernement du Canada là-dessus?
M. Doug Russell: Merci, monsieur McGuinty.
La question des crédits pour mesures hâtives a toujours été difficile pour le gouvernement. Toute cette question tourne autour des montants d'émissions dans une année de référence auxquels vous vous êtes engagés à retourner. Par exemple, une année donnée, une entreprise peut avoir eu de meilleurs résultats qu'une autre entreprise, du simple fait qu'elle n'en est pas au même point que l'autre dans le roulement de son capital, et ainsi de suite.
Certaines entreprises qui auraient déjà pris des mesures pourraient être désavantagées à cause du choix arbitraire de la date d'application des mesures et de la date de clôture. Mais il y en a quand même très peu. Si vous regardez le nombre d'entreprises qui sont dans cette situation au Canada aujourd'hui par rapport à 1990, il y en a peu, et on ne les trouve pas dans tous les secteurs. Il faut donc être en mesure de les identifier, et de rajuster l'allocation initiale, peu importe le type d'échange, le type de grand émetteur final ou le type de système de réglementation qui pourra être choisi.
Dans tout type de règlement qui viserait à établir un système d'échange de droits d'émission, le plus difficile, c'est toujours de fixer l'allocation initiale. À long terme, le système même d'échange de droits d'émission est le fait qu'il soit possible de fixer un prix pour le carbone et permettre aux entreprises de regarder quelles sont leurs possibilités qui permettront d'éliminer ces coûts. D'ailleurs, cela s'est toujours avéré la méthode la moins coûteuse. Je répète toutefois que la difficulté, c'est toujours de surmonter le problème de l'allocation initiale. Il faut évidemment tenir compte des entreprises qui auront pris des mesures hâtives, mais j'ai l'impression que si vous regardez la situation de près, vous constaterez qu'il s'agit d'un nombre infime d'entre elles et que le problème s'aplanira de lui-même.
M. David McGuinty: Merci beaucoup de votre réponse, monsieur Russell.
Monsieur Bennett, laissez-moi revenir à vos commentaires. Dans la foulée des propos de mon collègues du Bloc québécois, monsieur Simard, je crois vous avoir entendu dire qu'il n'y avait pas eu suffisamment de consultations et que le gouvernement préparait sa politique en coulisses. Cela me semble un peu exagéré, puisque nos délibérations sont diffusées partout au Canada et seront rediffusées par CPAC et permettront aux Canadiens de suivre ouvertement les débats. Cela me semble également un peu exagéré étant donné que le Secrétariat du changement climatique a organisé plus de 16 tables de concertation—même si celles-ci ont donné des résultats discutables. La Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie est celle qui a conçu le nouveau système canadien d'échanges de droits d'émission, autour duquel votre organisation a joué un rôle central. Je pourrais vous donner d'autres exemples, et je dirais même que les ONGE, les groupes de consommateurs, les représentants de l'industrie ainsi que des ministères du gouvernement ont eu toutes sortes d'occasions de se prononcer.
Je pourrais peut-être vous poser une question. N'y aurait-il pas lieu de faire ici la distinction pour que les Canadiens comprennent que c'est une chose que d'être appelé à discuter d'une question, mais que c'en est une autre que d'avoir à prendre une décision et de mener la barque? S'agit-il ici de deux choses différentes?
M. John Bennett: En réalité, non. J'admets que la discussion est allée bon train jusqu'en 2002, mais elle a cessé dès lors que le gouvernement a décidé d'agir. Depuis l'annonce du plan en 2002, les programmes ont cessé de faire l'objet de discussions.
La réflexion nationale sur le changement climatique a généré beaucoup d'idées pour le gouvernement. Certaines d'entre elles se sont transformées en programmes, et d'autres pas. On n'a d'ailleurs jamais expliqué pourquoi telle idée avait été acceptée et telle autre pas. On n'a jamais eu l'occasion de discuter avec les fonctionnaires ou avec les élus de la façon dont tel programme fonctionnera. Autrement dit, on nous a laissés de côté, alors que nous aurions pu donner d'excellents conseils du côté des programmes.
Lors d'une rencontre avec deux sous-ministres adjoints et un directeur général du ministère des Ressources naturelles, je leur ai demandé pourquoi nous ne discutions pas de la possibilité de mettre sur pied un système de consultation qui nous aurait permis de les aider à préciser la façon dont ces programmes seraient exécutés. Ils m'ont seulement répondu que, si je le souhaitais, je pourrais communiquer avec différents gestionnaires des différents programmes. C'est ce que j'ai fait, et j'ai mené une soixantaine d'entrevues avec eux. Or, ils ne voulaient pas savoir ce que j'en pensais, mais voulaient surtout m'expliquer ce qu'ils s'apprêtaient à faire. J'ai alors constaté qu'ils reprenaient à leur compte des activités qui remontaient à 20 ou à 30 ans et qui n'avaient pas donné de résultat.
Vous voyez bien que l'exécution des programmes n'a fait l'objet d'aucune consultation. C'est de ce genre de consultation que je parle.
 (1250)
Le président: Monsieur Bennett, je vous remercie.
Merci, monsieur McGuinty.
Monsieur Mills, vous avez la parole.
M. Bob Mills (Red Deer, PCC): Merci, et merci à nos invités.
Comme j'ai toute une série de questions à poser, j'aimerais vous les poser en cascade et j'espère que vous pourrez y répondre de façon brève et précise.
D'abord, je me demande comment on fait le suivi des programmes d'énergie propre ou des programmes d'assainissement de l'air qu'on achète ailleurs dans le monde. Puisque nous avons déjà du mal à en assurer le suivi au Canada même, je me demande comment on pourrait le faire si ces programmes sont exécutés en Ukraine ou en Russie, par exemple.
Deuxièmement, j'ai assisté à la CdP 10, où j'ai écouté tous les pays, les uns après les autres. Deux choses ont attiré l'attention : d'abord, on a tiré à boulets rouges sur les États-Unis parce qu'ils n'en faisaient pas partie, et on a aussi tiré à boulets rouges sur le Canada parce que notre pays n'avait aucun plan ni espoir d'atteindre ses objectifs. J'ai aussi entendu les pays du G-8 affirmer qu'ils n'étaient aucunement intéressés à discuter de ce qui allait advenir au-delà de 2012 tant que tous les pays de l'annexe 1 n'atteindraient pas leurs objectifs. Nous avons évidemment entendu dire que très peu d'entre eux les atteindraient.
Troisièmement, quel serait à votre avis le prix du carbone si les États-Unis et la Chine adhéraient au mécanisme d'échange de droits? Quelles seraient les conséquences pour le prix?
En quatrième lieu, vous et moi, John, nous sommes opposés à quelques reprises, et j'ai entendu chaque fois de votre part plusieurs choses : d'abord, que les profits étaient à proscrire; ensuite, que notre niveau de vie importait peu; et enfin, qu'il fallait des règles du jeu équitables pour toutes les formes d'énergie. Je crois que nous pouvons sans doute nous entendre là-dessus. J'ai entendu que le PEN était sans doute une bonne chose, mais j'ai surtout entendu dire que le gaz et le pétrole étant à ce point pernicieux, chaque ville devrait peut-être se doter d'une centrale nucléaire. Voilà ce que vous êtes en train d'imposer aux Canadiens, et cet objectif pourrait bien devenir une réalité, étant donné que l'énergie nucléaire est propre et que nous ne devrions pas nous priver de l'énergie la plus propre qui soit. C'est peut-être ce que vous accomplirez.
De plus, puisque le CO2 est une substance toxique, ne diriez-vous pas qu'elle devrait être inscrite comme telle dans la LCPE?
Et voici enfin ma dernière question à laquelle vous voudrez bien répondre d'abord : combien coûterait l'achat sur le marché international de 100 mégatonnes de crédits de carbone? À combien cela se chiffrerait-il en dollars canadiens ou américains? Si le Canada avait déjà en main 300 mégatonnes et qu'il devait en acheter 100 autres sur le marché international, combien cela lui coûterait-il? On nous a déjà cité certains chiffres.
Vous voudrez peut-être répondre d'abord à cette dernière question, puis aux autres après.
Le président: Cela fait sept questions au total. M. Cogen voudra peut-être répondre à la dernière des questions de M. Mills, à savoir combien coûte 100 mégatonnes de crédits de carbone.
M. Doug Russell: J'aimerais être le premier à répondre à la dernière question, et puis ensuite à deux autres des questions de M. Mills.
D'abord, si l'un ou l'autre d'entre nous pouvait prédire le prix de n'importe quelle denrée sur le marché, nous ne serions certainement pas ici, car nous serions en train de nous prélasser dans notre richesse ailleurs. Il est très difficile de prédire les prix.
Vous parlez de 100 millions de tonnes par année, et un des graphiques que nous avons montrés plus tôt illustrait toute une gamme de prix différents dans le marché d'aujourd'hui. En termes absolus, il est très difficile d'établir ce qu'il en coûterait en réalité, puisqu'il faudrait commencer à acheter dès aujourd'hui et en profiter lorsque les prix seraient plus faibles. Il serait donc extrêmement difficile de déterminer avec exactitude ce qu'il en serait, mais prenons un prix moyen.
Le gouvernement a mentionné 15 $ la tonne environ, ce à quoi il s'est engagé. Faites le calcul vous-même pour déterminer à combien se chiffreraient 100 millions de tonnes à 15 $ la tonne. J'avancerai toutefois que le gouvernement canadien et l'industrie du Canada peuvent faire beaucoup mieux. Si vous proposiez actuellement une stratégie d'achat qui profiterait du fait que les prix sont plus faibles actuellement et qu'ils augmenteront probablement, il serait important que votre stratégie d'achat soit liée à plusieurs autres initiatives politiques pour que la manoeuvre soit la plus rentable possible.
Par exemple, si vous voulez aider l'exportation vers l'étranger de la technologie canadienne, votre programme d'achat pourrait être conçu de façon que le coût net de vos achats soit nul. Mais vous n'en savez rien, même si vous devez tenir compte de tous les facteurs. Autrement dit, ce n'est pas la même chose que d'annoncer que vous voulez acheter une tonne à 10 $ la tonne, par exemple. Vous devez tenir compte des autres éléments qui interviennent, et cela vous oblige à inscrire votre stratégie d'achat dans le plan global.
Revenons à votre première question, à savoir comment assurer le suivi des projets qui sont exécutés à l'étranger et dans d'autres secteurs. On ne s'entend peut-être pas sur les objectifs, entre autres choses, mais il y a un élément très positif dans Kyoto, à savoir qu'il instaure un processus international extrêmement rigoureux—peut-être trop au dire de certains—puisque chaque projet doit être surveillé, vérifié et examiné de façon indépendante, ce qui vous permet de savoir exactement ce que vous achetez et s'il s'agit d'une véritable réduction.
Enfin, vous vous êtes demandé ce qu'il arriverait si les États-Unis et la Chine adhéraient tous les deux au traité. Sachez d'abord que la Chine a déjà adhéré au Protocole de Kyoto. Par conséquent, le Canada et d'autres pays ainsi que d'autres industries peuvent investir dans des projets en Chine à un prix relativement modeste de façon à rapatrier ces crédits au Canada.
Si les États-Unis y avaient adhéré toutefois, la demande aurait été beaucoup plus forte sur ce marché—beaucoup plus que ne le montrait notre diapositive—, ce qui aurait entraîné dans une grande mesure un déséquilibre. Avec les États-Unis, la demande sur le marché serait beaucoup plus forte que l'offre, et les prix seraient beaucoup plus élevés. Par exemple, ils pourraient dépasser les 15 $ la tonne, mais je ne sais pas de combien. C'est difficile à dire. Un des modèles économiques prétendait qu'ils pourraient grimper jusqu'à 50 $ américains la tonne si les Américains adhéraient au protocole; mais ils n'y ont pas adhéré, et puisque l'on retire du tableau la demande des États-Unis, on s'attend à ce que les prix du marché soient plus faibles que ceux qui sont proposés par les modèles économiques.
 (1255)
M. Bob Mills: Monsieur le président, c'est manifestement une mine d'emplois administratifs.
Le président: Je voudrais entendre la réponse des deux autres témoins à la question de M. Mills, si possible.
Pourrait-on traiter le CO2 comme une substance toxique, en plus des autres?
M. John Bennett: Sans pouvoir citer la définition exacte, je crois que, au titre de la LCPE, une substance est toxique si elle a un effet nocif sur les hommes ou sur l'environnement. C'est une définition assez large qui pourrait s'appliquer au CO2 qui a effectivement un effet nocif sur les hommes et l'environnement, ce qui permettrait de le réglementer au titre de la LCPE.
Il faudrait plus de discussion pour s'assurer que c'est là la meilleure approche, mais il est manifestement nécessaire d'établir un cadre de réglementation de ces gaz. Pour l'instant, nous n'en avons pas. Sans ce cadre, l'incertitude règne, avec des discussions sans fin sur des détails.
La LCPE a le mérite d'exister. Le ministre de l'Environnement pourrait déclarer le CO2 toxique, ce qui donnerait au gouvernement fédéral le droit d'établir des réglementations pour les autos, pour les centrales électriques et pour le secteur des hydrocarbures. C'est nécessaire si nous voulons aller de l'avant et la LCPE est l'un des meilleurs outils dont nous disposions, parce qu'elle existe déjà. Nous n'aurions pas besoin d'introduire de nouvelles mesures législatives.
Le président: Monsieur Runnalls.
M. David Runnalls: Je n'ai pas d'opinion arrêtée en la matière, mais j'ai pris connaissance du point de vue de deux experts juridiques selon qui le CO2 pourrait être classé comme substance toxique au titre de la LCPE, le projet pouvant ensuite relever légalement et constitutionnellement d'Environnement Canada...
Laissez-moi répondre à l'autre question de M. Mills, si vous le voulez bien, quant au peu d'empressement des pays en voie de développement à parler de lutte contre le changement climatique tant que nous ne ferions rien de notre côté.
Vous avez parfaitement raison. Je ne pense pas que l'on fera beaucoup d'adeptes dans le reste du monde sans faire quelque chose de notre côté. Il y a eu trop d'accords internationaux où les riches se sont engagés à faire ceci à condition que les pays en voie de développement fassent cela. Après, nous nous sommes abstenus de faire ceci, mais eux se sont retrouvés coincés à faire cela. À mon sens, la prestation des pays riches est une condition préalable à l'adhésion du reste du monde dans la deuxième phase. Faute de quoi, ils y verront simplement un coup monté.
C'est déjà manifeste en Chine. À un moment, le Sénat américain a voté à 100 voix contre aucune de ne pas toucher à Kyoto tant que la Chine n'en serait pas signataire. C'est un fait qui est bien gravé dans la mémoire de tout Chinois auquel j'ai parlé.
Pour revenir très rapidement à ce qu'a dit M. McGuinty auparavant, je pense que les Chinois ont bien conscience des dangers. Ils ne savent peut-être pas exactement comment y remédier, mais ils sont loin d'être dans une ignorance totale. La Chine sait parfaitement que, d'ici dix ans au plus, elle devra accepter des engagements et s'occuper sérieusement de réduire ses émissions de CO2 . Elle manoeuvre actuellement dans ce sens, mais je ne pense pas qu'elle fera un mouvement décisif avant que les Américains n'agissent de leur côté. Ce sera, à mon sens, l'un des défis majeurs des négociations de la seconde phase de Kyoto.
· (1300)
Le président: Il va falloir à présent conclure notre réunion, car le temps est écoulé.
Au nom du comité, je voudrais remercier les témoins. Le régime d'échange de droits d'émission fait partie de l'architecture du Protocole de Kyoto, mais il suscite beaucoup d'incompréhension. Votre témoignage et les autres données que vous avez pu fournir seront d'un grand secours, non seulement au comité, mais aux personnes qui suivent les délibérations.
Après avoir entendu des témoins, nous comptons, dans un deuxième temps, envisager le plan pour Kyoto et faire certaines recommandations pour le rendre plus efficace. Ces recommandations découleront en partie du budget qui va bientôt être déposé. J'espère ne pas déformer les intentions du comité, qui souhaite mieux connaître la situation, les mécanismes, afin de pouvoir assumer en connaissance de cause sa responsabilité dans le processus et de pouvoir rendre des comptes.
Merci encore à tous d'être venus.
Nous en sommes maintenant au point où il faut conclure.
Merci beaucoup. La séance est levée.