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ENVI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent de l'environnement et du développement durable


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 2 novembre 2004




¿ 0910
V         Le président (M. Alan Tonks (York-Sud—Weston, Lib.))
V         Le très hon. Herb Gray (président, Section canadienne, Commission mixte internationale)

¿ 0915

¿ 0920

¿ 0925

¿ 0930
V         Le président
V         Le très hon. Herb Gray
V         Le président
V         M. Bob Mills (Red Deer, PCC)
V         Le très hon. Herb Gray

¿ 0935
V         M. Bob Mills
V         Le très hon. Herb Gray
V         M. Bob Mills
V         Le très hon. Herb Gray
V         M. Bob Mills
V         Le président
V         M. Bernard Bigras (Rosemont—La Petite-Patrie, BQ)

¿ 0940
V         Le très hon. Herb Gray
V         M. Bernard Bigras
V         Le très hon. Herb Gray
V         M. Bernard Bigras
V         Le très hon. Herb Gray
V         M. Bernard Bigras
V         Le très hon. Herb Gray

¿ 0945
V         M. Bernard Bigras
V         Le très hon. Herb Gray
V         M. Bernard Bigras
V         Le président
V         Mme Yasmin Ratansi (Don Valley-Est, Lib.)
V         Le président
V         M. Christian Simard (Beauport—Limoilou, BQ)
V         Le très hon. Herb Gray
V         M. Christian Simard
V         Le très hon. Herb Gray

¿ 0950
V         M. Michael Vechsler (conseiller juridique, Commission mixte internationale)
V         Le très hon. Herb Gray
V         M. Christian Simard
V         Le très hon. Herb Gray
V         Le président
V         Mme Yasmin Ratansi
V         Le très hon. Herb Gray
V         Mme Yasmin Ratansi
V         Le très hon. Herb Gray

¿ 0955
V         Mme Yasmin Ratansi
V         Le président
V         M. Francis Scarpaleggia (Lac-Saint-Louis, Lib.)
V         Le très hon. Herb Gray
V         M. Francis Scarpaleggia
V         Right Hon. Herb Gray
V         M. Francis Scarpaleggia
V         Le très hon. Herb Gray

À 1000
V         M. Michael Vechsler
V         Le très hon. Herb Gray
V         M. Francis Scarpaleggia
V         Le très hon. Herb Gray
V         Le président
V         M. Lee Richardson (Calgary-Centre, PCC)
V         Le très hon. Herb Gray
V         M. Lee Richardson
V         Le très hon. Herb Gray
V         M. Lee Richardson
V         Le très hon. Herb Gray

À 1005
V         Le président
V         L'hon. Bryon Wilfert (Richmond Hill, Lib.)
V         M. Joe Comartin (Windsor—Tecumseh, NPD)
V         Le président
V         Le greffier du comité (M. Eugene Morawski)
V         Le président
V         M. Joe Comartin
V         Le très hon. Herb Gray
V         M. Michael Vechsler
V         M. Joe Comartin
V         Le très hon. Herb Gray

À 1010
V         M. Joe Comartin
V         Le très hon. Herb Gray
V         M. Michael Vechsler
V         M. Joe Comartin
V         Le très hon. Herb Gray

À 1015
V         M. Michael Vechsler
V         M. Joe Comartin
V         Le très hon. Herb Gray
V         Le président
V         M. Joe Comartin
V         Le très hon. Herb Gray
V         M. Joe Comartin
V         Le très hon. Herb Gray
V         Le président
V         L'hon. Denis Paradis (Brome—Missisquoi, Lib.)
V         Le très hon. Herb Gray
V         L'hon. Denis Paradis

À 1020
V         Le très hon. Herb Gray
V         L'hon. Denis Paradis
V         Le très hon. Herb Gray
V         L'hon. Denis Paradis

À 1025
V         Le très hon. Herb Gray
V         Le président
V         M. Jeff Watson (Essex, PCC)
V         Le très hon. Herb Gray
V         M. Jeff Watson
V         Le très hon. Herb Gray
V         M. Jeff Watson
V         Le très hon. Herb Gray
V         M. Jeff Watson
V         Le très hon. Herb Gray
V         M. Jeff Watson

À 1030
V         Le très hon. Herb Gray
V         M. Jeff Watson
V         Le président
V         M. David McGuinty (Ottawa-Sud, Lib.)
V         Le très hon. Herb Gray

À 1035
V         Le président
V         M. Brian Jean (Fort McMurray—Athabasca, PCC)
V         Le très hon. Herb Gray
V         M. Brian Jean
V         Le très hon. Herb Gray
V         M. Brian Jean
V         Le très hon. Herb Gray
V         M. Michael Vechsler
V         M. Brian Jean
V         M. Michael Vechsler
V         M. Brian Jean
V         Le très hon. Herb Gray

À 1040
V         M. Murray Clamen (secrétaire, Section canadienne, Commission mixte internationale)
V         M. Brian Jean
V         Le très hon. Herb Gray
V         M. Michael Vechsler
V         M. Brian Jean
V         Le très hon. Herb Gray
V         M. Brian Jean
V         Le très hon. Herb Gray
V         Le président
V         M. Joe Comartin

À 1045
V         Le très hon. Herb Gray
V         M. Joe Comartin
V         Le très hon. Herb Gray
V         M. Murray Clamen
V         Le très hon. Herb Gray
V         M. Joe Comartin
V         Le très hon. Herb Gray
V         M. Murray Clamen
V         Le très hon. Herb Gray
V         M. Murray Clamen
V         M. Joe Comartin
V         Le très hon. Herb Gray
V         M. Murray Clamen
V         M. Joe Comartin
V         Le très hon. Herb Gray
V         M. Joe Comartin
V         Le président
V         L'hon. Denis Paradis

À 1050
V         Le très hon. Herb Gray
V         Le président
V         M. Christian Simard

À 1055
V         Le très hon. Herb Gray
V         Le président
V         M. Brian Jean
V         M. Murray Clamen
V         M. Brian Jean
V         M. Murray Clamen
V         M. Brian Jean
V         Le très hon. Herb Gray
V         M. Brian Jean

Á 1100
V         Le très hon. Herb Gray
V         M. Brian Jean
V         Le très hon. Herb Gray
V         M. Brian Jean
V         Le président
V         M. Joe Comartin
V         Le président










CANADA

Comité permanent de l'environnement et du développement durable


NUMÉRO 004 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 2 novembre 2004

[Enregistrement électronique]

*   *   *

¿  +(0910)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Alan Tonks (York-Sud—Weston, Lib.)): La séance est ouverte. Membres du comité, témoins, mesdames et messieurs, bonjour.

    Nous tenons à souhaiter la bienvenue ce matin à l'honorable Herb Gray et à ses collègues. À tout point de vue, ce titre est bien mérité et très approprié.

    Comme vous le savez, monsieur Gray, nous examinons les répercussions de l'Annexe 2001. Nous essayons de mieux comprendre les principes sur lesquels elle est fondée et le comité serait très heureux d'entendre le point de vue de la Commission mixte internationale et de nos représentants canadiens. Nous vous invitons à faire la lumière sur cette question.

+-

    Le très hon. Herb Gray (président, Section canadienne, Commission mixte internationale): Je suis très heureux d'être ici pour vous parler du point de vue de la Commission mixte internationale concernant les propositions pour la mise en application de l'Annexe 2001 à la Charte des Grands Lacs. Toutefois, je ne peux le faire que dans la mesure où la Commission s'est prononcée sur ces questions.

    J'étais présent jeudi dernier et j'ai entendu la plus grande partie de ce qui s'est dit—je ne pouvais rester jusqu'à la fin de la réunion. Je n'ai pas l'intention de répéter toute l'information qui a été présentée par les fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères et du ministère de l'Environnement.

    Comme vous le savez, en 1909, le Traité des eaux limitrophes a été signé par le Canada et les États-Unis pour établir un moyen permanent pour prévenir et résoudre les différends concernant l'utilisation de l'eau le long de leur frontière commune. Le Traité des eaux limitrophes établit des principes convenus pour gérer les eaux transfrontalières canado-américaines et crée la Commission mixte internationale pour exécuter un certain nombre de fonctions décrites dans le Traité.

    Il est important de noter que la Commission est formée de six commissaires—trois commissaires canadiens nommés par le cabinet fédéral agissant à titre de gouverneur en conseil et trois commissaires nommés par le président des États-Unis et confirmés par le Sénat des États-Unis.

    Toutefois, une fois nommés, les commissaires ne sont plus des représentants de leur pays respectif et tous les commissaires doivent faire une déclaration solennelle par écrit par laquelle ils s'engagent à remplir fidèlement et impartialement les devoirs qui leur sont imposés par le Traité.

    La Commission peut prendre des décisions par vote majoritaire, mais, dans la pratique, elle prend ses décisions par consensus, et non par vote. En 93 ans d'histoire, il n'est arrivé qu'à deux reprises que la Commission ait été partagée selon la nationalité. Alors, les commissaires travaillent pour établir un consensus sur la décision portant sur la question qui lui a été soumise, précisée dans un document, que tous signent.

    Je comparais devant le comité conformément à votre demande en qualité de président canadien de la CMI; par conséquent, je ne peux parler de la question à l'étude que dans la mesure où tous les commissaires, dans leur totalité, sont parvenus à une décision par consensus sur cette question. Mes observations seront fondées sur les rapports que la Commission a publiés au cours des dernières années sur la protection des eaux des Grands Lacs.

    Premièrement, il y a eu notre rapport 2000, qui a été mis à jour par notre rapport 2004, un examen des recommandations du rapport précédent. La Commission n'a pas adopté un point de vue comme tel sur les propositions visant la mise en application de l'Annexe 2001 autre que ce que nous avons dit dans notre rapport du mois d'août 2004, qui mettait à jour et réaffirmait les recommandations présentées dans le rapport publié en l'an 2000.

    En vertu du Traité des eaux limitrophes, la Commission a deux fonctions principales. L'une est de réaliser des études et de présenter des rapports à la demande formelle des gouvernements fédéraux canadien et américain. Ces demandes formelles sont appelées « renvois ou référés ». Les rapports sont adressés aux deux gouvernements et sont également rendus publics.

    La deuxième fonction est d'émettre des ordonnances en réponse à des demandes présentées à la Commission par l'intermédiaire du gouvernement fédéral du pays où le projet aura lieu. Si la CMI rend une ordonnance approuvant la demande, elle le fait habituellement en imposant des conditions, et si tel est le cas, elle supervise la mise en application de l'ordonnance et le respect des conditions qui en découlent par le biais d'un conseil de contrôle binational.

    Bien que le Traité permette à l'un ou l'autre des gouvernements de présenter un renvoi à la Commission, les renvois ont toujours été présentés par les deux gouvernements. Cela signifie que les deux gouvernements ont la même obligation de répondre au rapport et aux recommandations qui en découlent et d'envisager d'y donner suite.

    Le Traité des eaux limitrophes précise expressément dans l'article IX, dans le cas des renvois présentés en vertu du Traité, que les rapports de la Commission ne seront pas considérés comme des décisions formelles concernant les questions soumises et concernant soit les faits soit le droit touchant la question renvoyée à la Commission. En d'autres mots, il ne s'agit pas d'une sentence arbitrale exécutoire. Dans ces cas, les rapports de la Commission sont une question de recherche des faits, d'information scientifique et de recommandations.

    Nous savons que les eaux des Grands Lacs sont essentielles pour la santé et le mieux-être de l'écosystème des Grands Lacs et pour les quelque 40 millions de personnes des deux côtés de la frontière qui comptent sur les lacs pour leur eau potable, leur alimentation, leur travail et leurs loisirs.

    Les gouvernements du Canada et des États-Unis se sont engagés, dans le cadre de l'Accord relatif à la qualité de l'eau dans les Grands Lacs, à rétablir et à préserver l'intégrité de cette source unique, vitale et—comme l'a constaté la Commission et j'y reviendrai dans une minute—quasiment non renouvelable.

    En outre, les gouvernements des États des Grands Lacs et ceux de l'Ontario et du Québec ont pris des engagements similaires dans le cadre de la Charte des Grands Lacs et de l'Annexe 2001.

    Dans son rapport de l'an 2000, la Commission a conclu que les Grands Lacs ne constituent pas un réservoir assez vaste pour un monde de plus en plus assoiffé. Le rapport note que bien que les Grands Lacs contiennent environ 20 p. 100 de l'eau douce de la surface de la terre, seulement 1 p. 100 de cette eau est renouvelé chaque année par les précipitations sous forme de neige et de pluie.

    La Commission a conclu que l'extraction de l'eau du bassin réduit la résilience du système et sa capacité de s'adapter à des contraintes imprévisibles, par exemple les changements climatiques. La Commission a donc recommandé aux gouvernements d'adopter un certain nombre de mesures précises pour s'assurer que l'extraction de l'eau du bassin ne porte pas atteinte à l'intégrité de l'écosystème du bassin des Grands Lacs et que les applications de consommation de l'eau dans ce bassin soient traitées de manière séparée et différente. Je vais discuter de ces mesures dans une minute ou deux.

    Les deux gouvernements ont demandé à la Commission d'examiner les recommandations présentées dans son Rapport 2000 à la lumière des faits nouveaux qui se sont produits depuis la publication du rapport. Nous l'avons fait dans le rapport publié cette année le 30 août. Bien qu'on n'ait pas déposé, pour l'instant, de propositions actives pour les activités de dérivation des eaux en dehors du bassin des Grands Lacs, sauf dans les collectivités installées sur la rive du bassin, la situation pourrait évoluer. En outre, parce que la demande exprimée pour l'eau afin de répondre aux besoins de ces collectivités augmente et à cause des impératifs éventuels de dérivation des eaux vers d'autres parties du continent, il est urgent que les deux gouvernements fédéraux appliquent les recommandations du Rapport 2000 de la Commission et que les États et les provinces des Grands Lacs mettent en oeuvre l'Annexe 2001 de manière à respecter ces recommandations, et je vais les décrire dans un instant.

    Plus spécifiquement, la Commission recommande dans son rapport d'août 2004 que le résultat du processus de l'Annexe 2001 comporte une norme et un régime de gestion conformes aux recommandations de son Rapport 2000. Jusqu'à ce que ce processus soit terminé, on ne pourra pas savoir si l'Annexe 2001 et les mesures adoptées à ce titre donneront effet aux recommandations du Rapport 2000 de la Commission, ni dans quelle mesure ces recommandations seront appliquées.

    Le Rapport 2000 recommande spécifiquement ce qui suit dans le cas des prélèvements dans le bassin :

    Sans préjudice à l'autorité du gouvernement fédéral des États-Unis et du Canada, les gouvernements des États des Grands Lacs, de l'Ontario et du Québec ne devraient pas autoriser la mise en oeuvre d'une proposition d'extraction d'eau dans le bassin des Grands Lacs à moins que le promoteur puisse démontrer qu'elle ne menace aucunement l'intégrité de l'écosystème du bassin des Grands Lacs et : a. qu'il n'y a pas de solution de rechange pratique à cette extraction; b. que les effets cumulatifs éventuels du prélèvement proposé ont fait l'objet d'un examen exhaustif, qui a pris en compte la possibilité que des propositions similaires soient présentées dans un avenir prévisible; c. que des méthodes de conservation efficaces seront mises en place dans les secteurs où l'eau sera acheminée; d. que de saines pratiques de planification seront appliquées relativement à l'extraction proposée; et e. qu'il n'y a pas de perte nette dans la zone de prélèvement ou, à tout le moins, que la perte ne dépasse pas 5 p. 100 (soit la perte moyenne due à toutes les activités de consommation dans le bassin des Grands Lacs); que l'eau extraite est restituée dans une condition qui, grâce à la meilleure technologie existante, protège la qualité de la ressource et empêche l'introduction d'espèces exotiques envahissantes dans les Grands Lacs.

    Dans la mise à jour de 2004, la Commission fait observer qu'aucune proposition visant à dériver les eaux hors du bassin des Grands Lacs n'a été approuvée depuis la publication de son Rapport 2000. Le rapport poursuit ainsi :

En décembre 2002, le gouvernement du Canada a adopté le projet de loi C-6 qui modifiait la Loi du Traité des eaux limitrophes internationales et le nouveau Règlement sur les eaux limitrophes internationales connexe. Cette loi et ce règlement interdisent, entre autres, les nouvelles activités d'extraction par méthode de dérivation des eaux limitrophes canadiennes dans le bassin des Grands Lacs et du Saint-Laurent. Les extractions par n'importe quelle autre méthode excédant 50 000 litres par jour sont également interdites.

    Vous observerez que l'énoncé d'impact de la réglementation dit que cela correspond approximativement à la capacité d'un camion-citerne.

    Il existe certaines exceptions pour : les produits usinés renfermant de l'eau, dont l'eau potable et les autres boissons en bouteilles et en conditionnements, l'eau utilisée dans les moyens de transport, dont les navires, les aéronefs et les trains, comme ballasts pour leur fonctionnement ou pour les personnes, les animaux ou les biens transportés; ou l'eau utilisée dans les projets non commerciaux à court terme pour la lutte contre les incendies ou pour des raisons humanitaires.

¿  +-(0915)  

    Cette interdiction relative à l'extraction de l'eau du bassin vise exclusivement les eaux canadiennes limitrophes au sens où ce terme est défini dans le Traité des eaux limitrophes.

    Comme nous le savons, en 1999, l'Ontario a adopté le Water Taking and Transfer Regulation, qui interdit généralement le transfert de l'eau hors du secteur ontarien du bassin des Grands Lacs et du Saint-Laurent. Depuis 1999, le Québec interdit lui aussi, en règle générale, le transfert, hors de son territoire, de l'eau puisée dans cette province. Et la recommandation I, sur les « Prélèvements », se termine par ces mots : « Aucun élément de la présente recommandation ne modifie les droits ou obligations prévus dans le Traité des eaux limitrophes ».

    Dans le Rapport 2000, il y avait une recommandation II, « Activités majeures de consommation nouvelle ou accrue », qui se lit comme suit :

Pour éviter de mettre en danger l'intégrité de l'écosystème du bassin des Grands Lacs, et sans préjudice à l'autorité du gouvernement fédéral du Canada et des États-Unis, les gouvernements des États des Grands Lacs, de l'Ontario et du Québec ne devraient pas autoriser les projets majeurs de consommation nouvelle ou accrue d'eau provenant des Grands Lacs à moins que :

a. les effets cumulatifs éventuels de la consommation proposée aient fait l'objet d'un examen exhaustif, qui a pris en compte la possibilité que des propositions similaires soient présentées dans un avenir prévisible;

b. des méthodes de conservation efficace soient mises en place dans les secteurs où l'eau sera acheminée;

c. de saines pratiques de planification soient appliquées relativement à la consommation proposée.

    « Dans le cadre de la mise en oeuvre de la présente recommandation, poursuit le rapport, les gouvernements des États et des provinces devraient s'assurer que la qualité de l'eau restituée au bassin est conforme aux objectifs de l'Accord relatif à la qualité de l'eau dans les Grands Lacs ». Cette partie se termine également avec des mots semblables à ceux de la recommandation portant sur les prélèvements, à savoir qu'aucun élément de la présente recommandation ne modifie les droits ou obligations prévus dans le Traité des eaux limitrophes.

    Enfin, dans son Rapport 2000, la Commission a dit au sujet des prélèvements et des activités de consommation ce qui suit :

S'il y a lieu, les gouvernements du Canada et des États-Unis peuvent renvoyer à la Commission mixte internationale, conformément à l'article IX du Traité des eaux limitrophes, tout différend transfrontalier au sujet des utilisations susmentionnées, que les gouvernements compétents ne peuvent résoudre.

    Brièvement, au sujet des mesures prises par le gouvernement des États-Unis, la Commission a noté que l'article 504 de la Water Resources Development Act of 2000, qui modifiait la loi de 1986, précisait, entre autres, que le Congrès a pour objectif politique : d'interdire toute dérivation de l'eau des Grands Lacs par un État, un organisme fédéral ou une entreprise privée pour s'en servir en dehors du bassin des Grands Lacs, sauf si cette dérivation est approuvée par le gouverneur de chacun des États des Grands Lacs.

    Et, comme vous le savez, le 18  juin 2001, les États des Grands Lacs et les gouvernements de l'Ontario et du Québec ont conclu en connaissance de cause, un accord, l'Annexe de la Charte des Grands Lacs de 1985, qui établissait les principes de la gestion des ressources en eau des Grands Lacs. L'Annexe 2001 oblige les États des Grands Lacs et les gouvernements de l'Ontario et du Québec :

... à élaborer et à mettre en oeuvre une nouvelle norme commune d'économie des ressources et à l'appliquer aux nouvelles propositions d'extraction de l'eau du bassin des Grands Lacs. Cette norme portera également sur les projets d'accroissement de l'extraction des eaux existantes et d'augmentation de la capacité d'extraction des eaux existantes dans le bassin des Grands Lacs.

    Nous savons qu'en juillet, le Conseil des gouverneurs des Grands Lacs, représentant les huit États des Grands Lacs, ainsi que les gouvernements de l'Ontario et du Québec, ont publié un projet de proposition pour la mise en oeuvre de l'Annexe 2001 pour une période d'observation du public de 90 jours. Nous savons qu'il y a également un projet d'entente qui a été rendu public auquel ne seraient partie que les huit États des Grands Lacs et le gouvernement fédéral des États-Unis. D'après l'information donnée par les fonctionnaires à votre réunion de jeudi dernier, un projet définitif ne sera pas présenté avant 2005. Alors, je ne peux pas faire d'observations encore, à titre de président de la CMI pour le Canada, quant à savoir si la Commission croit que les projets de proposition visant la mise en oeuvre de l'Annexe 2001 sont conformes ou non à nos recommandations de l'an 2000, parce que, comme je l'ai dit, la Commission est encore en train de faire l'étude de cette question.

    Cependant, dans notre mise à jour 2004, nous avons dit ce qui suit :

La Commission fait observer que le résultat du processus de l' Annexe 2001 devrait comporter une norme et un régime de gestion conformes aux recommandations de son Rapport 2000. Jusqu'à ce que ce processus ne soit pas achevé, on ne pourra pas savoir si l'Annexe 2001 et les mesures adoptées à ce titre donneront effet aux recommandations du Rapport 2000 de la Commission, ni dans quelle mesure ces recommandations seront appliquées.

¿  +-(0920)  

    Enfin, certaines autres questions liées à ces rapports ont été soulevées à la réunion du comité de jeudi dernier et sur lesquelles la CMI a fait des observations, et pour aider le comité, je vais en parler brièvement.

    Premièrement, la commission a affirmé dans son examen des recommandations du Rapport 2000, ce qui suit :

Dans son Rapport 2000, la Commission a conclu que les obligations existantes dans le cadre du droit commercial international n'empêchent pas le Canada et les États-Unis de prendre des mesures pour protéger leurs ressources en eau et pour préserver l'intégrité de l'écosystème du bassin des Grands Lacs. Le gouvernement du Canada et celui des États-Unis sont favorables à cette conclusion...

    De plus, dans l'examen, on affirme que : « Ce qui est tout aussi important, c'est que la Commission continue d'entériner sans réserve le principe de base adopté dans son Rapport 2000 et selon lequel les normes de consommation des eaux, selon lesquelles les utilisateurs du bassin et ceux qui sont hors du bassin ne sont pas sur un pied d'égalité, sont logiques. »

    Ensuite, la Commission poursuit en disant—et j'en ai parlé également, mais je vais vous donner quelques détails additionnels :

La Commission comprend qu'à l'heure actuelle la demande exprimée pour les eaux dérivées réside du côté américain de la frontière dans les collectivités beaucoup plus proches de la ligne de partage des eaux du bassin, par exemple... Lowell, Indiana. Effectivement, la Commission sait qu'un nombre croissant de propositions est déposé pour permettre aux collectivités qui chevauchent la ligne de partage des eaux de surface du bassin des Grands Lacs ou qui sont installées en périphérie d'utiliser les eaux des Grands Lacs. La Commission s'inquiète en particulier de l'appauvrissement de la nappe phréatique dans ces collectivités, ce qui n'est pas viable et pourrait avoir pour effet de réduire la qualité des eaux, d'assécher les effluents et de détruire l'habitat. En particulier, le pompage massif des eaux souterraines dans le sud-est du Wisconsin a eu l'effet de réduire l'écoulement vers le lac Michigan et dans certaines régions, d'inverser le sens de l'écoulement.

... la Commission continue de les inviter à s'assurer que ce nouveau régime

    ... tout nouveau régime faisant intervenir des mesures pour répondre à ces impératifs de manière équitable et durable pour les collectivités qui vivent à proximité du bassin...

... respecte les recommandations de son Rapport 2000. En outre, le gouvernement fédéral et les gouvernements des États et des provinces devraient travailler de concert pour recenser et caractériser la nappe souterraine.

    En ce qui concerne la conservation, la Commission a constaté :

... qu'il reste à accomplir beaucoup de travail à tous les paliers de gouvernement pour mettre en oeuvre les mesures d'économie de l'eau exposées dans son Rapport 2000. Voilà pourquoi la Commission encourage les intéressés à appliquer le plus rapidement possible ces recommandations. À tous les paliers, les gouvernements devraient aussi encourager l'élaboration et la mise en oeuvre de politiques portant par exemple sur l'installation de compteurs d'eau et la tarification favorisant la conservation, de même que de technologies permettant de réduire l'utilisation et la perte de l'eau à la condition de protéger les familles à faible revenu.

    Enfin, j'aimerais donner la citation suivante du Rapport 2004 :

Depuis de nombreuses années, les gouvernements ont demandé à maintes reprises à la Commission de donner des conseils sur la protection des eaux du bassin des Grands Lacs contre l'utilisation et la dérivation non viables. Bien que la connaissance de l'écosystème se soit perfectionnée et que les politiques et les pratiques s'améliorent, des inquiétudes vives subsistent et il reste encore beaucoup de travail à accomplir pour gérer durablement ces ressources dans l'intérêt des générations d'aujourd'hui et de demain.

    Ceci dit, j'aimerais parler de la question du niveau des lacs et de notre étude sur le lac Ontario et le fleuve Saint-Laurent. Cette étude n'est pas, en soi, une étude sur le niveau de l'eau; il s'agit d'un examen des ordonnances de la CMI pour la régularisation du réseau du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent. Cette étude comporte effectivement une évaluation des répercussions sur le niveau de l'eau du plan de débit affecté actuel, ainsi que de plans nouveaux en voie d'élaboration dans le cadre d'une étude sur l'environnement et de tous les intérêts dans le bassin. Cela se fait à partir de scénarios d'apport historique en eau et de scénarios liés aux changements climatiques élaborés à partir de modèles climatiques d'importance en 2002 et 2003.

¿  +-(0925)  

    Je dois signaler que l'étude n'est pas terminée. Elle en est à la quatrième année d'une période de cinq ans, mais il y a des rapports intérimaires.

    Les niveaux d'eau autour des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent sont mesurés de façon permanente par des organismes qui collaborent avec la Commission mixte internationale dans les deux pays. Toutefois, les niveaux ont toujours été variables et ont été exceptionnellement bas dans les années 30 et au milieu des années 60. Des niveaux élevés ont été enregistrés entre les années 70 et 90.

    Dans les lacs Supérieur, Michigan et Huron, les niveaux ont été au-dessous de la moyenne au cours des six dernières années, depuis 1998. Ils sont un peu remontés, mais restent encore au-dessous de la normale.

    Je dois dire que bien que cette étude sur les lacs de la région inférieure soit menée, il n'y a pas d'étude similaire sur les lacs Supérieur et Huron en cours. La Commission a présenté un projet d'une telle étude aux deux gouvernements nationaux. À ce jour, ils n'ont pas offert le financement nécessaire.

    Donc, comme je l'ai dit, la Commission mixte internationale n'a pas encore déterminé si les avant-projets actuels visant à mettre en oeuvre l'Annexe 2001 sont conformes à notre rapport 2000. Il est probable que la Commission ne fasse pas une telle comparaison du moins jusqu'à ce qu'elle voit la version finale de la mise en oeuvre de l'Annexe probablement vers la fin de 2005 et vraisemblablement avant que les avant-projets ne soient soumis aux États riverains des Grands Lacs, aux assemblées législatives provinciales et au Congrès américain pour approbation.

    Toutefois, je termine par une suggestion pour le comité en espérant ne pas être présomptueux. Le comité, avec l'aide du service de recherche de la Bibliothèque du Parlement et des bureaux de recherche des caucus, pourrait comparer les avant-projets actuels visant la mise en oeuvre de l'Annexe 2001 aux recommandations présentées par la Commission mixte internationale dans son rapport 2000; vous pouvez aussi attendre jusqu'en 2005 pour la version finale des avant-projets et avant qu'ils ne fassent l'objet d'un vote des assemblées législatives des États riverains des Grands Lacs et du Congrès.

    Je me souviens que les fonctionnaires, présents à l'audience de jeudi dernier, ont déclaré qu'ils attendaient des déclarations du gouvernement fédéral canadien au mois de novembre, soit un peu plus tard ce mois-ci.

    Voilà qui conclut ma déclaration; j'invite le comité à me poser des questions et à faire des commentaires.

¿  +-(0930)  

[Français]

    Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions et à vos commentaires en anglais et en français. Merci, monsieur le président.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Gray.

    Est-ce que vos deux collègues veulent ajouter quelque chose?

+-

    Le très hon. Herb Gray: Je préférerai qu'ils ne le fassent pas sauf si je leur demande, mais je vais vous les présenter.

    Michael Vechsler est conseiller juridique à la Commission, il fait partie du personnel de la Commission.

    M. Clamen est le secrétaire—ou en fait, le commissaire—de la Section canadienne de la Commission mixte internationale. Il a un homologue aux États-Unis.

    Il y a une commission, mais deux organismes pour des raisons administratives, nos bureaux à Ottawa et à Washington collaborent avec notre bureau des Grands Lacs situé à Windsor.

+-

    Le président: Bien. Merci, monsieur Gray.

    Bienvenue à tous les deux.

    Monsieur le ministre, nous allons commencer par vous.

+-

    M. Bob Mills (Red Deer, PCC): Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Gray. Vous avez passé de nombreuses années ici.

    Je pense qu'il y a vraiment deux choses. Tout d'abord, les Grands Lacs sont un sujet de préoccupation pour un nombre considérable de Canadiens à travers le pays. Les Grands Lacs sont une ressource énorme. Comme vous l'avez mentionné, quelque 40 millions de personnes dans les deux pays dépendent des Grands Lacs.

    Il y a deux choses que je voudrais savoir. Premièrement, en examinant l'Annexe 2001 et en la comparant au Traité des eaux limitrophes, la légalité du document, un certain nombre de gens se demandent s'il existait des contradictions. Est-ce un processus naturel dans l'élaboration de cet accord entre eux?

    Je pense que le deuxième et plus important problème, c'est probablement—et vous y avez fait allusion—que les huit gouverneurs doivent demander au Congrès son approbation si une décision est prise un peu plus tard cette année. Je me demande pourquoi les deux provinces ne demandent pas au gouvernement fédéral le même genre d'approbation, d'examen et d'étude approfondie. Je pense que vous avez dit que ce n'est pas la procédure, c'est certainement ce que j'ai cru comprendre.

+-

    Le très hon. Herb Gray: Merci.

    En ce qui concerne la comparaison entre l'Annexe 2001 et le Traité des eaux limitrophes, c'est un sujet dont je ne crois pas pouvoir parler pour l'instant, car la Commission n'a pas de consensus public.

    En ce qui concerne les huit gouverneurs qui doivent se rendre au Congrès et la raison pour laquelle les deux provinces ne demandent pas au gouvernement fédéral le même genre d'approbation, je crois comprendre que c'est parce que—mes fonctionnaires pourront me corriger—les propositions de mise en oeuvre de l'Annexe 2001 sont en fait deux documents. L'un est un accord de bonne foi entre les huit États riverains des Grands Lacs et l'Ontario et le Québec. Le deuxième document est une entente conclue entre les huit États riverains des Grands Lacs et le gouvernement fédéral américain dans le cadre de la loi fédérale américaine; un document séparé qui, une fois adopté par les huit États et le Congrès américain sera exécutoire et équivalent, à mon avis, à notre projet de loi C-6.

    Autrement dit, plutôt que d'avoir un seul statut fédéral, le gouvernement américain utilise son processus pour demander une entente officielle faite par délégations de pouvoirs, signée par les États américains riverains des Grands Lacs, adoptée par leurs assemblées législatives et bien sûr par le Congrès américain. Donc, nous avons affaire à deux documents et votre question se rapporte à un processus fédéral américain.

    En ce qui concerne ce que les gouvernements de l'Ontario et du Québec veulent faire, il faudra le leur demander, mais je ferai remarquer que les gouvernements de l'Ontario et du Québec ont changé depuis le début des travaux sur les avant-projets visant la mise en oeuvre de l'Annexe 2001. Ont-ils la même position que les deux précédents gouvernements? Je ne m'aventurerai pas à le dire.

¿  +-(0935)  

+-

    M. Bob Mills: Donc, si les deux gouvernements provinciaux ne concluent pas un accord avec les huit gouverneurs—c'est seulement une supposition—et que leur Congrès n'adopte pas cet accord, etc., de quel recours dispose le gouvernement fédéral? Que peut faire le gouvernement fédéral dans ce cas?

+-

    Le très hon. Herb Gray: C'est une question d'interprétation des relations internationales et de la loi constitutionnelle, je ne crois pas avoir les qualifications pour m'y aventurer, mais je me risque à dire qu'avant que cela fasse l'objet d'un vote, le gouvernement fédéral canadien ferait connaître au gouvernement américain son point de vue sur la façon dont cette mesure affecterait le Canada et quels en seraient les atouts ou les inconvénients.

+-

    M. Bob Mills: Je pense que c'est le facteur décisif. Ce qui préoccupe les citoyens qui vivent autour des Grands Lacs, c'est le fait que les Américains contrôleront entièrement la situation et les Canadiens n'auront pas le rôle qu'ils devraient. Il y aura, en quelque sorte, huit voix contre deux, comment peut-on gagner dans ce cas?

    Je voudrais croire que la Commission mixte internationale... je ne suis pas sûr au sujet d'autres accords internationaux, mais certainement la Commission mixte internationale serait celle qui brandira le glaive pour défendre les citoyens canadiens. Pourtant, je ne suis pas sûr que cela se passera.

+-

    Le très hon. Herb Gray: Comme je l'ai expliqué dans ma déclaration préliminaire, n'oubliez pas que la Commission est un organisme canado-américain mis sur pied en vertu d'un traité. Elle ne fait pas rapport et ne doit pas rendre de compte à un ministère ou ministre de l'un ou l'autre pays. Elle fonctionne dans le cadre de travail délimité par les traités. C'est une institution binationale unique, mais indépendante et il y a un nombre égal de commissaires canadiens et américains.

    Je trouve qu'il est très intéressant qu'au cours des ans—les États-Unis n'aient pas un plus grand nombre de commissaires que le Canada en dépit de la différence de population, de l'économie, etc. En outre, les décisions sont prises par consensus plutôt que par vote.

    Je ferai remarquer qu'il y a un rôle à jouer ici pour le gouvernement fédéral canadien. J'ai entendu les fonctionnaires dire au comité que le gouvernement fédéral canadien fera connaître sa position ce mois-ci. Vous pouvez peut-être leur demander de revenir et de vous faire part de leur point de vue.

    Je veux souligner aussi que c'est le Département d'État américain qui a demandé publiquement aux gouverneurs des États riverains des Grands Lacs d'ajouter, à leurs avant-projets, un texte confirmant que ces mesures sont sujettes au Traité des eaux limitrophes. Je trouve intéressant que le Département d'État américain a déjà fait officiellement cette demande, c'est-à-dire que sur cette question importante il y ait un changement ou un ajout de texte.

+-

    M. Bob Mills: Merci.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Bigras.

[Français]

+-

    M. Bernard Bigras (Rosemont—La Petite-Patrie, BQ): Merci, monsieur le président.

    Monsieur Gray, bienvenue au comité. C'est toujours avec plaisir que nous vous recevons.

    J'ai bien compris que ce qui était fondamental dans cet accord, pour vous, était de voir si l'Annexe 2001 répondait aux recommandations du rapport de 2000. D'ailleurs, votre présentation est bien résumée dans le rapport d'août 2004, au premier paragraphe de la page 8:

Jusqu’à ce que ce processus ne soit pas achevé, on ne pourra pas savoir sil’Annexe 2001 et les mesures adoptées à ce titre donneront effet aux recommandations duRapport 2000 de la Commission...

    J'ai également compris que vous suggériez au comité ainsi qu'à la Bibliothèque du Parlement de faire une analyse pour voir si l'Annexe 2001 répondait à vos recommandations. Je voudrais savoir si vous avez fait une analyse quelconque pour déterminer si l'Annexe 2001 répondait aux recommandations, particulièrement aux recommandations 1 et 2 de votre rapport. Avez-vous fait une analyse quelconque?

¿  +-(0940)  

+-

    Le très hon. Herb Gray: C'est le travail que nous faisons actuellement. Nos cadres, comme M. Vechsler et son homologue à Washington, travaillent à préparer un document consensuel pour les commissaires. Nous-mêmes avons commencé notre étude. Nous devons continuer notre travail car nous ne l'avons pas fini.

    Je regrette de ne pas pouvoir vous permettre de tirer profit maintenant de notre travail. Cependant, j'ai pensé qu'il serait utile pour moi de comparaître devant vous en dépit de l'impossibilité actuelle de répondre spécifiquement à vos questions.

+-

    M. Bernard Bigras: D'accord.

    Monsieur le président, j'ai ici le compte rendu d'une réunion de direction tenue le 21 septembre 2004 à Ennis, en Irlande. Un des principaux points à l'ordre du jour de cette rencontre était

l'envoi d'une lettre au Conseil des gouverneurs des Grands Lacs, avec copie au Département d'État des États-Unis et au ministère des Affaires étrangères du Canada, afin d'avertir le Conseil que [la commission] ne sera pas en mesure d'étudier entièrement la proposition relative à l'Annexe de 2001 avant sa réunion en personne qui aura lieu enoctobre.

    Un deuxième point--et je vous lis entièrement le compte rendu de la rencontre--était que la commission

mandate son personnel pour élaborer un document de consensus préliminaire à la réunion semestrielle d'octobre, document qui examinera les points de convergence et les incohérences avec les recommandations du rapport de la Commission ainsi que les questions posées par le Conseil des gouverneurs des Grands Lacs, afin que la question soit discutée en détail lors de sa réunion semestrielle du mois d'octobre.

    Nous sommes maintenant au mois de novembre.

    Je suis convaincu que la Bibliothèque du Parlement va faire cette comparaison entre les recommandations du rapport et l'Annexe 2001. Étant donné que nous vous transmettrons notre analyse, pouvez-vous, en toute transparence, nous faire part du contenu du document de consensus préliminaire ainsi que de l'objet des discussions qui se sont tenues à la rencontre d'octobre?

+-

    Le très hon. Herb Gray: Malheureusement, il a été impossible de terminer un tel document. Des cadres comme M. Vechsler continuent d'en discuter avec leurs homologues américains dans leurs bureaux à Washington. Nous avons estimé que c'était impossible en octobre. C'était trop tôt pour que les commissaires en arrivent à un consensus sur ces questions. Il arrive assez souvent que nous fixions une date aux commissaires pour finir un travail et que, pour différentes raisons, il leur soit impossible de le faire.

    Nous avons pensé que ce serait possible. Malheureusement, et je m'en excuse devant le comité, nous ne sommes pas arrivés à ce consensus au mois d'octobre.

+-

    M. Bernard Bigras: Vous nous dites qu'aucun rapport préliminaire n'existe à la Commission mixte internationale. Vous nous l'assurez. Il n'existe aucun document préliminaire qui étudie les points de convergence ou autres à la Commission mixte internationale.

+-

    Le très hon. Herb Gray: S'il y a des documents préparés par les cadres, ils ne représentent pas l'opinion de la commission. L'opinion de la commission est seulement établie par vote ou par consensus. Les décisions de la commission sont toujours les décisions prises par les commissaires.

+-

    M. Bernard Bigras: Premièrement, vous serait-il possible de déposer au comité la lettre qui a été envoyée aux différents membres du Conseil des gouverneurs? Deuxièmement, lorsqu'on discutera de ce document préliminaire à la réunion de direction, sera-t-il possible d'en déposer une copie au Comité permanent de l'environnement et du développement durable?

+-

    Le très hon. Herb Gray: Malheureusement, ce ne sera pas possible parce qu'il ne s'agit pas d'un document de la commission s'il n'y a pas un consensus des commissaires à cet égard. Par contre, je pourrai interroger M. Vechsler sur la lettre au Conseil des gouverneurs.

[Traduction]

    Monsieur Vechsler, avons-nous envoyé des lettres aux gouverneurs?

[Français]

    Mes cadres me disent que nous avons discuté de la possibilité d'envoyer une telle lettre, mais que la lettre n'a pas été envoyée.

¿  +-(0945)  

+-

    M. Bernard Bigras: La lettre n'a pas été envoyée? Pourtant, le bureau de direction a approuvé une décision dont on avait discuté, si je ne me trompe pas, lors d'une autre rencontre. Ce n'était pas la première fois que vous discutiez de la question. Comment se fait-il que cette lettre n'ait pas été envoyée alors qu'elle a été approuvée par le bureau de direction?

+-

    Le très hon. Herb Gray: Aucune lettre n'a été envoyée aux gouverneurs. Il arrive parfois que nous changions de position d'une réunion de commissaires à l'autre, étant donné que nous travaillons par consensus, comme le caucus d'un parti ou un comité du Cabinet.

+-

    M. Bernard Bigras: Merci beaucoup, monsieur le président.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci, monsieur Bigras.

    Madame Ratansi.

+-

    Mme Yasmin Ratansi (Don Valley-Est, Lib.): Ma question...

+-

    Le président: Oh, je vous prie de m'excuser. Voulez-vous utiliser le reste du temps, Christian?

[Français]

+-

    M. Christian Simard (Beauport—Limoilou, BQ): Oui, monsieur le président.

    Bonjour, monsieur Gray. Avez-vous bien dit que l'accord de 2001, quand il sera mis en oeuvre, sera comme un pouvoir délégué du gouvernement fédéral américain et aura le même pouvoir que la Commission mixte internationale? Il aura donc sa vie propre. Cela signifie qu'on ne pourra pas en appeler à la Commission mixte internationale s'il y a, par exemple, violation du Traité relatif aux eaux limitrophes, parce que dans l'accord de 2001, le Département d'État américain a demandé le respect du Traité relatif aux eaux limitrophes. Est-ce vrai qu'il n'y aura pas forcément de possibilité d'appel à la commission, ou si je me trompe?

+-

    Le très hon. Herb Gray: Nous n'avons pas encore pris de décision à cet égard. C'est une des questions que nous considérons, c'est une possibilité. Je dois vous indiquer que le Département d'État, au nom du gouvernement fédéral des États-Unis, a demandé au comité de travail des gouverneurs d'inclure des phrases dans le document indiquant clairement que l'accord entre les gouverneurs n'aurait pas une importance plus grande que le Traité relatif aux eaux limitrophes.

    Finalement, nous sommes en train d'examiner cette question. Personnellement, je suis heureux que le Département d'État ait fait cette demande aux gouverneurs. J'attends avec un grand intérêt le document qui sera publié ce mois-ci par le gouvernement fédéral.

+-

    M. Christian Simard: Vers la fin des années 1980, j'ai participé à un comité consultatif de la Commission mixte internationale. À l'époque, il s'agissait du renvoi sur les inondations. On s'est rendu compte qu'on ne connaissait absolument pas l'état physique des eaux des Grands Lacs. On ne savait pas comment cela fonctionnait vraiment.

    Comment sera-t-il possible, sur le plan du contrôle, de suivre l'eau? Je parle de la traçabilité. Comment pourrons-nous véritablement suivre l'accord de 2001 et vérifier dans les faits s'il contrevient ou non au Traité relatif aux eaux limitrophes? Ne s'agit-il pas d'une grande porte ouverte à n'importe quoi, étant donné que nous n'aurons aucun point de comparaison, avant ou après?

+-

    Le très hon. Herb Gray: On doit prendre des mesures qui nous donneront un droit de regard sur ces questions. Une des questions que nous devons considérer, et vous aussi, est celle de savoir si l'accord entre les États et les provinces a été conclu de bonne foi, et si les États ont suffisamment d'agences de contrôle et de révision.

    Comme vous l'avez indiqué, il y a des questions scientifiques très importantes et très intéressantes, mais il y a aussi des questions d'affaires. Si on permet une dérivation de l'eau, quel sera l'effet cumulatif? Peut-être que M. Vechsler voudra ajouter quelque chose.

[Traduction]

    Monsieur Vechsler, voulez-vous ajouter quelque chose?

¿  +-(0950)  

+-

    M. Michael Vechsler (conseiller juridique, Commission mixte internationale): Non, pas vraiment.

[Français]

+-

    Le très hon. Herb Gray: D'accord. Merci.

+-

    M. Christian Simard: Il y a aussi l'effet sur la qualité de l'eau.

+-

    Le très hon. Herb Gray: Oui. C'est pourquoi la commission, dans son rapport de 2000, a dit qu'on devait répondre aux critères de l'Accord relatif à la qualité de l'eau dans les Grands Lacs entre les États-Unis et le Canada.

[Traduction]

+-

    Le président: Madame Ratansi.

+-

    Mme Yasmin Ratansi: Monsieur Gray, merci à vous et à votre équipe d'être venus et d'avoir fait un exposé aussi exhaustif.

    Je n'ai pas eu l'occasion de lire ce rapport donc je ne sais pas à quel type de régime vous êtres soumis.

    Ma question se rapporte au projet de loi C-6. Un membre du comité a déclaré jeudi, qu'à son avis, le projet de loi C-6 n'interdit pas la dérivation ou le prélèvement massif des eaux des Grands Lacs et donne au ministre le droit d'accorder des licences en vertu de cette loi.

    En tant que membre du Cabinet et du gouvernement qui a proposé ce projet de loi, pouvez-vous clarifier cela? Est-ce ainsi que vous le percevez? Est-ce que cette interprétation est correcte?

+-

    Le très hon. Herb Gray: Je crois que le projet de loi C-6 a été adopté par le Parlement et promulgué juste à la fin de ma période au Cabinet, après mon départ, mais je serais heureux de faire un commentaire.

    Une fois de plus, vous voudriez peut-être entendre directement les représentants du ministère des Affaires étrangères et du ministère de l'Environnement. Dans ce projet de loi, je dirais qu'on devrait lire trois paragraphes ensemble : les paragraphes 11(1), 12(1) et, en particulier, 13(1) qui, à mon avis, va plus loin que ce que nous avons dit dans notre rapport 2000. Il stipule :

Malgré l'article 11, nul ne peut utiliser ou dériver des eaux limitrophes d'un bassin hydrographique en les captant et en les transférant à l'extérieur du bassin.

    Si vous lisez leur déclaration d'analyse d'impact publiée en même temps que la réglementation et qui énonce les intentions du gouvernement. Il m'a semblé, en la lisant—je ne vous donne que mon avis personnel—que le gouvernement souhaitait qu'il n'y ait pas d'utilisation ou de dérivation des eaux limitrophes—évidemment, il s'agirait d'eaux limitrophes canadiennes—d'un bassin hydrographique en les captant et en les transférant à l'extérieur du bassin.

    Au fait, ce projet de loi ne se rapporte pas seulement aux eaux limitrophes des Grands Lacs. Il inclut toutes les eaux limitrophes stipulées par la réglementation, la rivière St. Croix par exemple et d'autres énumérées ici. Je ne fais que le remarquer.

    Je dois être clair à ce sujet. Vous me demandez une interprétation juridique. Je vous fais part de la lecture que j'en ai faite et ma compréhension des intentions du gouvernement, particulièrement celles qui sont confirmées par la déclaration d'analyse d'impact. Mais vous voudriez peut-être demander aux fonctionnaires des ministères fédéraux pertinents, peut-être à un conseiller juridique, je devrais dire au service juridique, du gouvernement fédéral, du ministère des Affaires étrangères de comparaître et de répondre à vos questions particulières sur ce sujet.

+-

    Mme Yasmin Ratansi: Mais, en tant que membre de la Commission mixte internationale, qu'en pensez-vous? Est-ce votre avis personnel ou bien est -ce le point de vue de la Commission mixte internationale?

+-

    Le très hon. Herb Gray: Tout ce que je peux dire c'est que notre rapport 2004 mentionne le projet de loi C-6. Le rapport 2004 dit que le projet de loi C-6 visait à interdire tout prélèvement d'un bassin. Je peux seulement citer ce que je vous ai lu de notre rapport 2004.

¿  +-(0955)  

+-

    Mme Yasmin Ratansi: Je vous remercie.

+-

    Le président: Monsieur Scarpaleggia.

+-

    M. Francis Scarpaleggia (Lac-Saint-Louis, Lib.): Bienvenue, monsieur Gray.

    Ma première question se rapporte au rôle de la Commission mixte internationale. J'essaie de bien comprendre. Ce n'est pas un arbitre en tant que tel, c'est un organisme qui coordonne la recherche et fait des recommandations. Est-ce bien cela?

+-

    Le très hon. Herb Gray: Oui, mais bien plus que cela si les gouvernements canadien et américain le lui demandent. Dans ses rapports, elle ne fournit pas seulement des renseignements, elle fait état de recommandations spécifiques, même si en vertu de l'article 9 elle n'a pas l'autorité d'exécuter des décisions arbitrales.

    En outre, si elle émet une ordonnance d'approbation avec des conditions au sujet d'une structure ayant fait l'objet d'une demande d'approbation, ces ordonnances d'approbation et de conditions sont exécutoires.

+-

    M. Francis Scarpaleggia: Elles sont exécutoires.

+-

    Right Hon. Herb Gray: Donc, cela se rapporte au pouvoir de construire une structure sur, au-dessus ou au-dessous d'une eau limitrophe et qui peut avoir des effets sur les niveaux ou les débits dans l'autre pays et la façon dont l'eau est répartie pour diverses utilisations. Ces ordonnances sont exécutoires.

+-

    M. Francis Scarpaleggia: Il me semble que vous venez d'écrire tout un système de freins et de contrepoids contre une mauvaise utilisation ou une dérivation dangereuse des eaux des Grands Lacs. Vous avez dit que dans l'accord—c'est en tout cas ce que j'ai cru comprendre—vous mentionnez tout accord avec les États et les provinces devra être conforme à l'Accord relatif à la qualité de l'eau dans les Grands Lacs. Il devra être conforme au Traité des eaux limitrophes. Il devra être conforme à la politique et les normes du Congrès américain, etc.

    Pensez-vous qu'il y ait suffisamment de freins et de contrepoids dans le système, en plus du fait que la Commission mixte internationale soit très écoutée quand elle fait des recommandations? Pensez-vous qu'il ait suffisamment de freins et de contrepoids dans le système pour empêcher une dérivation dangereuse des eaux? C'était ma deuxième question.

    Ma troisième question : si un projet de dérivation est approuvé et qu'au cours des ans, on se rend compte qu'il ne donne pas les résultats escomptés et qu'en fait il menace l'écosystème, quelles mesures correctrices peuvent être prises? Supposons que le système est tel qu'un état d'inertie serait créé et donc que la situation s'aggraverait de plus en plus—quel serait le remède?

+-

    Le très hon. Herb Gray: Il se peut que je vous demande de me rappeler certaines de vos questions, mais je vais commencer par la dernière.

    Dès qu'une dérivation est approuvée, on ne peut plus récupérer l'eau. L'eau a disparu et le système de prélèvement continue à fonctionner. C'est la raison pour laquelle ce que nous appelons le principe de précaution est si important et constitue l'un des principes fondamentaux du travail de la Commission mixte internationale. Cela signifie que si on est pas sûr de l'absence de tout danger, il est préférable de ne pas prendre une décision qui pourrait engendrer une situation dangereuse.

    C'est la raison pour laquelle la Commission dit qu'il faut appliquer le principe de précaution pour mettre en place un régime afin qu'il n'y ait aucune dérivation à moins que les conditions que nous avons établies—et je vous ai lu cela—sont présentes. Je dirais que le concept du principe de précaution permet d'éviter beaucoup de dérivations.

    En fait, je pense que le projet de loi C-6 du gouvernement fédéral va plus loin que notre rapport 2000. Je veux dire, si vous y réfléchissez une seconde, qu'il y a des dérivations dans les Grands Lacs de... Quels sont les noms de ces lacs?

À  +-(1000)  

+-

    M. Michael Vechsler: Long Lac et Ogoki.

+-

    Le très hon. Herb Gray: Long Lac et Ogoki et le lac Supérieur. L'eau qui vient des Grands Lacs s'écoule par le canal sanitaire et navigable de Chicago en direction Est du Mississipi. Il n'est pas réaliste de dire que nous allons couper un jour l'eau qui se déverse du canal sanitaire et navigable de Chicago. Tout comme il n'est pas réaliste de dire que nous allons refouler la dérivation de l'Ogoki.

    C'est la raison pour laquelle je pense que le comité pourrait conclure qu'il devra être extrêmement prudent dans les travaux qu'il va entreprendre, car il peut-être très difficile, sinon impossible, de revenir sur une décision prise dans ce genre de problème. Vous pourrez peut-être arrêter la dérivation ou interdire aux navires-citernes de prendre de l'eau, mais il vous sera impossible de récupérer l'eau qui s'est écoulée à l'extérieur du bassin.

+-

    M. Francis Scarpaleggia: Je sais que le principe de précaution est de plus en plus intégré aux lois au Canada, et de toute évidence, la CMI est guidée par le principe de précaution. Est-il aussi profondément ancré au Congrès américain et dans le régime politique américain, en ce qui a trait aux lois environnementales, etc., selon vous?

+-

    Le très hon. Herb Gray: Je regrette, mais je ne suis pas assez renseigné pour pouvoir répondre à votre question.

+-

    Le président: Les dix minutes du groupe libéral sont écoulées.

    Il se peut que j'aie fait une erreur. J'apprends sur le tas, ici.

    Monsieur Comartin, j'ai privé M. Mills et ses collègues de quatre minutes auxquelles ils avaient droit. Avec votre consentement et la permission du comité, puis-je laisser la parole à M. Richardson et lui accorder les quatre minutes restantes, avant de passer aux 10 minutes auxquelles a droit le NPD?

    Merci, monsieur Comartin.

    Monsieur Richardson.

+-

    M. Lee Richardson (Calgary-Centre, PCC): Merci, monsieur le président.

    J'aimerais avoir un tableau d'ensemble de la CMI. Vous avez été appelé un chien de garde sans crocs. Vous considérez-vous, vous-même, comme un chien de garde? Est-ce que cela fait partie de votre rôle? Est-ce que vous voyez la CMI comme un chien de garde qui défend les intérêts canadiens?

+-

    Le très hon. Herb Gray: La CMI n'est pas un organe canadien, ni même américain.

+-

    M. Lee Richardson: Je n'ai pas voulu dire qu'elle l'était, monsieur. Je vous ai demandé si vous considériez la CMI comme étant un chien de garde qui défend les intérêts canadiens.

+-

    Le très hon. Herb Gray: Je pense que la CMI est le chien de garde qui défend les intérêts des habitants des deux pays lorsqu'il s'agit des étendues d'eau qui marquent la frontière entre les deux pays. Elle doit s'efforcer de défendre les intérêts des populations des deux côtés de la frontière. C'est pourquoi, au contraire de la plupart des organes internationaux, une fois les commissaires désignés, ils doivent signer une déclaration supplémentaire pour dire qu'ils ne sont pas là pour représenter leur gouvernement, mais plutôt à titre impartial, pour servir les intérêts des populations, comme l'exige le traité. C'est une structure assez peu courante, mais c'est ce qui a été négocié en 1909. Les deux pays ont estimé que le traité a résisté aux épreuves du temps pendant un siècle.

    Je pense que le traité n'a jamais été modifié, sauf à une occasion, et c'était pour changer des dispositions spécifiques concernant la répartition des eaux de la rivière Niagara. Il existe une entente à part qui modifie le traité original. Mais le corps même du traité doit avoir résisté à l'épreuve du temps, puisque aucun des gouvernements n'a proposé à l'autre de le modifier depuis 1909. Au contraire de la plupart des traités, je trouve—je ne suis que profane en la matière, mais un profane intéressé—que le libellé est beaucoup moins complexe et technique que dans la plupart des traités. Et il y a quelque chose, là-dedans, qui est remarquable pour l'année 1909 : il dit qu'aucun des pays ne peut polluer les eaux de l'autre aux dépens de la santé et de la sécurité de l'autre.

+-

    M. Lee Richardson: Je vous remercie.

    À ce propos—je suppose qu'on en a déjà parlé—je pense que nous, à ce comité, cherchions à avoir une espèce d'assurance, ou l'impression qu'il peut exister, au sein de la Commission mixte internationale, un pouvoir ou un mécanisme de résolution des conflits pouvant atténuer l'inquiétude que nous inspiraient les effets délétères de l'annexe 2001, ou des mesures que pourraient adopter unilatéralement les gouverneurs américains, par exemple. Si nous exprimions cette inquiétude, pourrions-nous obtenir certaine assurance de la Commission mixte internationale que vous pourriez contrer de quelconques mesures qu'auraient adoptées unilatéralement les Américains, qui pourraient avoir des effets délétères sur les intérêts ou les eaux du Canada?

+-

    Le très hon. Herb Gray: Le traité prévoit un mécanisme de résolution des conflits, que doit appliquer la CMI, mais ce mécanisme doit être déclenché par une demande émanant des deux gouvernements. C'est ainsi qu'est libellé le traité.

    Deuxièmement, le traité ne crée pas la CMI comme un organe pouvant contrer les décisions de l'autre pays, ni celles de groupes infranationaux, à moins qu'un article dont je n'ai pas encore parlé soit appliqué. C'est l'article X. Si l'article X est appliqué et que le conflit est déféré à la Commission, en vertu de cet article  X, alors, les décisions qui sont prises ont qualité de décisions arbitrales; elles sont de caractère exécutoire, et non pas consultatif. Cependant, l'article X ne peut être invoqué à moins que le Sénat américain en convienne. C'est ainsi que c'est écrit, je pense.

    D'après ce que j'ai lu de l'histoire, au dernier moment, pour que le traité puisse être adopté, certains mots y ont été intégrés, à l'article X, au sujet du Sénat américain. En conséquence, il n'y a jamais eu de recours à l'article X. Si cela devait arriver, les décisions prises en vertu de cet article ne seraient pas seulement de caractère consultatif, elles auraient force de décisions arbitrales, des décisions prises par un conseil d'arbitrage.

À  +-(1005)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Richardson.

    Je vais laisser la parole à M. Comartin, mais avant cela, monsieur Wilfert, vous vouliez faire un rappel au Règlement?

+-

    L'hon. Bryon Wilfert (Richmond Hill, Lib.): Non, je voulais seulement faire ajouter mon nom à la liste. Mais je voudrais que vous sachiez qu'avant la fin de la séance, il se peut que je doive m'absenter pour m'occuper d'un projet de loi.

    Je vous remercie.

    Le président: Monsieur  Comartin.

+-

    M. Joe Comartin (Windsor—Tecumseh, NPD): Merci, monsieur le président.

    Monsieur Gray et autres fonctionnaires, je vous remercie d'être venus.

    La semaine dernière, nous avons reçu une déclaration du Département d'État, que faisaient des représentants du ministère des Affaires étrangères. Il a aussi été fait mention d'une lettre qu'avait envoyée le procureur général du Michigan, exprimant ses préoccupations à l'égard de l'annexe, sinon son opposition. Je n'en ai rien reçu. J'ai posé la question à M. Cullen, qui n'a rien reçu lui non plus.

    Une voix: Personne n'a rien reçu.

    M. Joe Comartin: Il aurait, en fait, été utile d'avoir la déclaration du Département d'État ici aujourd'hui. Donc, si nous pouvions l'obtenir aussitôt que possible...

+-

    Le président: Le greffier en a pris note.

    Monsieur le greffier, pourriez-vous nous dire où cela en est?

+-

    Le greffier du comité (M. Eugene Morawski): J'ai reçu hier du Département certains documents qui ont été envoyés par voie électronique. Je ne sais pas si c'était sensé faire partie de l'ensemble. Je les ai reçus tard hier.

+-

    Le président: Nous allons vérifier cela, et nous vous les distribuerons sans faute pour le prochain tour.

+-

    M. Joe Comartin: Je vous remercie.

    Je voudrais revenir sur la question de M. Bigras au sujet de la nature, actuellement, de la position au sein de la CMI.

    Si je comprends la situation, certains de vos fonctionnaires auraient fait au moins une analyse préliminaire de l'annexe et de la nature des conditions qui seraient imposées pour que le Conseil permette la dérivation de l'eau, et une comparaison aurait été faite avec la liste que vous nous avez remise plus tôt aujourd'hui. Je comprends bien qu'il faille que cela reste au sein de la Commission, mais je me demande si les conclusions de cette analyse seront transmises au ministère fédéral de l'Environnement au Canada, ou au ministère des Affaires étrangères avant qu'ils nous fassent part de leurs observations—et ils nous ont dit que ce sera d'ici à la fin du mois ou au début de décembre. Est-ce que cela leur sera transmis?

+-

    Le très hon. Herb Gray: Une fois que les commissaires seront prêts à diffuser un rapport, ils en transmettront l'ébauche aux ministères pertinents des deux pays, dans le but uniquement de voir si nous faisons des erreurs sur les faits ou des erreurs scientifiques. Nous n'assumons aucune de leurs observations. Ce que nous donnerions aux gouvernements, c'est une ébauche de notre rapport en tant que commission, dans le but seulement de déterminer à l'avance si nous avons fait des erreurs quant aux faits, ou une erreur technique.

    Je pense que c'est bien cela, monsieur Vechsler.

+-

    M. Michael Vechsler: Oui, c'est bien cela.

+-

    M. Joe Comartin: Je suppose qu'au rythme où vont les travaux de la Commission, ce sera après la fin du mois.

+-

    Le très hon. Herb Gray: Je pense qu'il faudrait reconnaître que, comme je l'ai dit, nous fonctionnons par consensus. Je crois que vous savez, d'après vos discussions à votre caucus—ou celles que vous avez eues au Cabinet, ou entendues du Cabinet—qu'il arrive qu'il faille plus de temps qu'on pourrait le penser pour parvenir à un consensus. Nous avons constaté, avec un siècle d'expérience fructueuse, que c'est ainsi qu'il faut faire les choses.

À  +-(1010)  

+-

    M. Joe Comartin: Permettez-moi d'exprimer mes préoccupations, monsieur Gray. Ce n'est pas que j'aie toujours admiré sans réserve la CMI, mais le fait est que la CMI a toujours mieux protégé les Grands Lacs, selon moi, et a toujours réagi de façon plus appropriée et plus rapide que le ministère des Affaires étrangères relativement à divers enjeux. Alors disons que je vais en rester là et me contenter d'encourager la Commission à travailler avec toute la célérité possible pour communiquer vos conclusions au gouvernement, du moins de ce côté-ci de la frontière.

    Permettez-moi de passer à autre chose—à ma plus grande préoccupation en ce qui concerne l'emploi, au bout du compte, qui sera fait de l'entente et, plus précisément, du Pacte.

    Monsieur Vechsler, c'est peut-être vous qui devrez répondre à cela, mais je ne peux pas voir comment, à un moment donné, nous pourrions éviter d'avoir un conflit entre une décision du Conseil et une décision de la CMI, si une demande est faite, qui est déférée à la CMI. J'ai fait une analyse des différences entre les critères, elles sont vastes. C'est-à-dire que tout le monde que j'ai consulté, des groupes de défense de l'environnement qui ont fait l'analyse à la fois de la position de la CMI sur la dérivation de l'eau et la position de l'Annexe sur le sujet, disent que les critères de l'Annexe sont extrêmement permissifs comparativement à la CMI.

    Permettez-vous d'en faire l'hypothèse un instant; ne prenez pas position.

    Si c'était le cas, qu'arriverait-il si le Conseil, à un moment donné, recommandait et autorisait la dérivation de l'eau, et la question était déférée à la CMI, qui alors s'y opposerait. Qu'arriverait-il?

+-

    Le très hon. Herb Gray: Je vais demander à M. Vechsler de m'aider.

    Si la conclusion de la CMI est différente de la décision du Conseil des ministres, je pense que sa décision est présentée sous forme d'un rapport aux deux gouvernements. Pour ajouter du poids aux recommandations, le rapport est aussi publié. Nous ne remettons pas de rapports secrets aux gouvernements. C'est alors qu'il incombe au gouvernement du Canada d'intervenir, en faisant jouer ses liens avec les autorités américaines ou, de plus en plus, par un contact direct, par le biais des consulats ou des ambassades, avec les gouverneurs et les législateurs américains.

    Il nous faut reconnaître que nous avons affaire—si on parle des Grands Lacs—à une étendue d'eau, mais à deux gouvernements souverains, huit gouvernements infranationaux aux États-Unis, deux gouvernements infranationaux au Canada. Les lignes qu'ont tracé les humains sur la carte ne correspondent pas à celles dont nous a dotés Mère nature. C'est donc un défi constant. Dans les deux pays, nous composons avec des gouvernements fédéraux, etc.

    J'aimerais demander à M. Vechsler de nous aider, ici.

+-

    M. Michael Vechsler: La seule chose que je voudrais ajouter, c'est que je pense qu'il est important de ne pas oublier que le pouvoir de la Commission lui vient toujours du traité qui, dans le fond, est un élément de la relation internationale entre les deux pays, et au bout du compte, il faut s'appuyer sur le droit international tel qu'il est appliqué entre le Canada et les États-Unis pour savoir si la Commission a de l'autorité ou non dans un cas particulier.

+-

    M. Joe Comartin: Mais à moins que l'article X du traité soit invoqué, et je suppose que sa mention, dans une demande particulière... Par exemple, Waukesha demande la dérivation, le Conseil agrée, la CMI en est saisie, et elle s'y oppose. Cette demande et ce renvoi ne sont pas prévus à l'article X. Il faudrait invoquer ultérieurement cet article. C'est bien cela?

+-

    Le très hon. Herb Gray: D'après ce que je comprends, il faut invoquer l'article X dès le départ, c'est-à-dire que le renvoi à la Commission doit précisément indiquer « nous faisons cela en vertu de l'article X ». Maintenant, pour que cela fonctionne et que la décision soit de nature arbitrale, le Sénat américain doit l'approuver. Si vous pensez que c'est ainsi que la clause aurait dû être libellée dès le départ, il faudra que vous vous adressiez à des gens disparus depuis près de 100 ans. Ce qui était intéressant, c'est qu'il y a eu un recours en appel d'une décision arbitrale prise en vertu de l'article 10 devant le Tribunal international de La Haye.

    Voulez-vous ajouter quelque chose, monsieur Vechsler?

À  +-(1015)  

+-

    M. Michael Vechsler: La seule autre chose que j'aimerais ajouter, c'est que si la situation devait tomber sous l'article 3 ou l'article 4, si c'était une situation exigeant un ordre ou une approbation bilatérale en vertu de l'un ou l'autre de ces articles... si le gouvernement du lieu du projet décidait d'en saisir la Commission en vertu de l'article 3 ou de l'article 4, alors, bien évidemment, il y aurait un ordre, et alors la décision de la Commission aurait force exécutoire. Mais c'est une situation assez particulière.

+-

    M. Joe Comartin: Oui. Est-ce qu'il y a jamais eu recours à cet article X?

+-

    Le très hon. Herb Gray: Non, pas que je sache. Je ne le pense pas.

    Le savez-vous?

+-

    Le président: Une minute.

+-

    M. Joe Comartin: Je suis sûr de ne pas avoir déjà écoulé mes dix minutes. C'est M. Gray qui en a profité.

+-

    Le très hon. Herb Gray: C'est vrai. Vous pouvez déduire ce temps de celui qui m'est alloué.

+-

    M. Joe Comartin: Monsieur Gray, la déclaration que nous avons eue du Département d'État la semaine dernière, très franchement, m'a quelque peu rassuré. Peut-être est-il injuste de vous le demander, mais je vais quand même vous poser la question.

    J'aurais été plus à l'aise s'il y avait eu dans cette déclaration une mention particulière du rôle continu de la CMI et de sa suprématie sur le Conseil. Sans vous demander de prendre position pour le compte de la Commission, est-ce que ce serait plus rassurant pour le Canadien moyen aussi?

+-

    Le très hon. Herb Gray: J'ai ici un dossier avec le libellé; peut-être M. Veschler peut-il le feuilleter.

    Je ne voudrais pas laisser entendre que ce qu'a demandé le gouvernement américain aux gouverneurs serait le dernier mot sur le sujet, ou que c'est le libellé idéal. De mon point de vue de président de la CMI, je pense que c'est quelque chose de constructif, et c'est conforme à ce que nous avons dit dans notre rapport de l'année 2000, soit que tout ce qui a trait à l'extraction ou aux emplois pour la consommation ne vise pas à soustraire quoi que ce soit à l'autorité de la CMI. Donc, ce que je dis, c'est que la demande du gouvernement américain aux gouverneurs est quelque chose de constructif, mais je ne voudrais pas donner à penser que c'est le dernier mot sur le sujet.

+-

    Le président: Merci.

    Malheureusement, les dix minutes englobent les questions et les réponses. Nous avons maintenant écoulé les périodes de dix minutes prévues par le règlement de procédure. Nous arrivons maintenant à l'échange libre.

    Les personnes dont les noms suivent ont manifesté leur désir de poser des questions : MM. Paradis, McGuinty, Watson et Jean.

    Monsieur M. Paradis, je vous cède la parole.

[Français]

+-

    L'hon. Denis Paradis (Brome—Missisquoi, Lib.): Merci, monsieur le président.

+-

    Le très hon. Herb Gray: Monsieur le président, j'aimerais ajouter un point à la réponse que j'ai donnée à M. Comartin.

[Traduction]

    Dans son rapport de 2000 sur les abus de consommation et les extractions, la Commission recommandait—et c'est ce que je dis—que :

S'il y a lieu, les gouvernements du Canada et des États-Unis peuvent renvoyer à laCommission mixte internationale, conformément à l'article IX du Traité des eaux limitrophes,tout différend transfrontalier au sujet des utilisations susmentionnées que les gouvernementscompétents ne peuvent résoudre.

    Cela n'exclut pas le recours à l'article X, ou ce que disait M. Vechsler, de manière limitée, à l'article III.

    Pardonnez-moi de vous avoir interrompu.

[Français]

+-

    L'hon. Denis Paradis: Merci, monsieur le président. Je souhaite la bienvenue à M. Gray et aux autres membres de l'équipe de la Commission mixte internationale.

    Bien sûr, tout le monde s'entend sur l'importance de l'eau et sur le fait que c'est peut-être la plus grande richesse naturelle du Canada. On voit quel est aujourd'hui le prix du pétrole. Je pense que dans 15 ou 20 ans, l'eau sera aussi devenue une denrée extrêmement rare à l'échelle de la planète.

    Il semble assez clair que le Traité relatif aux eaux limitrophes ne permet pas les détournements s'ils influencent le débit ou le niveau naturel de l'eau, et que la Commission mixte internationale a un rôle à jouer dans cela. Deuxièmement, avec C-6, le gouvernement du Canada est intervenu à cet égard en prohibant les prélèvements et les dérivations d'eau. Je pense que c'est le voeu non seulement du gouvernement fédéral canadien mais aussi des provinces de l'Ontario et du Québec.

    Par contre, parallèlement à cela, deux provinces ainsi que huit États signent des accords. La question que je me pose concerne l'interaction entre le gouvernement fédéral et les deux provinces. Du côté canadien, tout le monde s'entend: pas de prélèvements ni de dérivations d'eau. Mais où est la concertation du côté canadien? Où est la coopération entre les provinces et le gouvernement canadien? Si nous sommes divisés dans la présentation que nous faisons aux Américains--nous connaissons tous l'expression « diviser pour régner »--, si les provinces ont une approche et que le gouvernement fédéral en a une autre, et que la Commission mixte est au milieu de tout cela, j'ai l'impression qu'à plus ou moins long terme, nous serons tous perdants. Que faudrait-il faire, d'après vous, pour qu'il y ait un peu plus de concertation et de coopération au niveau fédéral-provincial, du côté canadien?

    Deuxièmement, si nous n'étions pas divisés de notre côté et que nous avions une approche claire et concertée par rapport à cela, quel rôle votre commission pourrait-elle jouer pour inviter et inciter les États-Unis à adopter une approche aussi claire et simple que celle que nous pourrions avoir du côté canadien, tout en limitant la discussion sur tout ce qui s'appelle prélèvements et dérivations d'eau?

À  +-(1020)  

+-

    Le très hon. Herb Gray: Tout d'abord, il y a des instruments de coopération entre le gouvernement fédéral et les gouvernements du Québec et de l'Ontario, et il y a un accord entre le gouvernement fédéral et celui de l'Ontario qui s'appelle l'Accord Canada-Ontario et dont le but est de faciliter l'amélioration de la qualité de l'eau des Grands Lacs. Il y a aussi un accord semblable sur le fleuve Saint-Laurent, dont je ne me rappelle pas le nom exact.

[Traduction]

    Vous rappelez-vous de son titre exact? Est-ce que c'était l'Accord entre le Québec et le gouvernement fédéral?

[Français]

    En tout cas, il y a des liens de coopération entre les deux gouvernements par l'entremise de ministères comme ceux de l'Environnement et des Ressources naturelles. Il y a aussi au moins deux accords entre le fédéral, la province de l'Ontario et le gouvernement du Québec.

+-

    L'hon. Denis Paradis: Monsieur le président, va pour la qualité de l'eau, mais qu'en est-il des dérivations ou des prélèvements massifs? C'est à cet égard que je suis très inquiet.

+-

    Le très hon. Herb Gray: D'accord. Quand il y a eu une controverse sur les dérivations et les prélèvements au cours des années 1997 et 1998, le gouvernement a soulevé cette question auprès des deux gouvernements provinciaux. C'est pourquoi les deux gouvernements ont mis en vigueur leurs propres projets de loi et règlements pour interdire de tels prélèvements et dérivations. M. McGuinty peut peut-être nous informer ou confirmer ce que j'ai dit, à savoir qu'il y a au Québec et en Ontario des règlements et des lois pour empêcher de tels prélèvements et dérivations. Ai-je répondu à toutes vos questions?

+-

    L'hon. Denis Paradis: Souhaiteriez-vous une plus grande coopération entre nos divers paliers de gouvernement quant aux problèmes de dérivations et de prélèvements massifs? Je sais que notre loi fédérale C-6 existe et qu'on a demandé aux provinces d'agir de la même façon pour empêcher les prélèvements massifs sur leur territoire, mais souhaiteriez-vous qu'on fasse un front commun, qu'on intègre tout cela et qu'on adopte une position commune sur les dérivations et les prélèvements face aux États-Unis?

À  +-(1025)  

+-

    Le très hon. Herb Gray: Je pense qu'en ce moment, une telle coopération existe. Si vous parlez d'un front commun sur l'accord de l'Annexe 2001, je pense que c'est une chose qu'au moins le gouvernement de la province de l'Ontario prend en considération. Cependant, si on parle de la situation actuelle, il y a une bonne coopération, selon ce qu'on me dit. J'ai peut-être tort, mais selon ce qu'on me dit, il y a une coopération en vue d'empêcher de tels prélèvements et dérivations sur les territoires provinciaux.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci, monsieur Gray.

    Nous allons maintenant aller en alternance d'un côté à l'autre du parquet, d'après ce que me dit le greffier. D'après l'ordre que j'ai ici, M. Watson serait le prochain intervenant, puis MM. Watson, McGuinty, Jean et Comartin—en alternance—puis M. Simard.

    Monsieur Watson, vous avez la parole.

+-

    M. Jeff Watson (Essex, PCC): Merci, monsieur le président.

    Je remercie M. Gray d'être ici.

    Eh bien, cinq minutes, je pense qu'il me faudrait encore deux heures de plus pour comprendre tout cela. Pardonnez-moi, je n'ai pas l'esprit très analytique. Mon mode de pensée est nettement plus global. Il m'est beaucoup plus facile de comprendre ce qui est plus général. Il me faudrait sonder plusieurs choses ici avec vous, si c'est possible. J'ai besoin de mieux comprendre.

    La Commission mixte internationale, avez-vous dit, peut être un arbitre si les gouvernements des États-Unis et du Canada le lui demandent tous deux. Qu'arrive-t-il si un seul gouvernement demande à la CMI d'intervenir? Tout d'abord, est-ce qu'un seul gouvernement peut le faire?

+-

    Le très hon. Herb Gray: Oui, un seul gouvernement peut faire un renvoi. L'approche a toujours été, la convention, que les renvois sont toujours faits par les deux gouvernements. Je pense que la raison à cela est très simple. Si un seul gouvernement fait un renvoi et qu'il en découle un rapport consultatif, il est plus probable que le rapport sera pris sérieusement par l'autre gouvernement s'il a demandé lui-même le renvoi à la CMI.

    Alors je ne suis pas au courant de cas de renvoi émanant d'un seul gouvernement, bien que le traité le permette clairement. Je pense que la pratique voulant que les deux gouvernements conviennent d'un renvoi et de sa formulation a contribué à donner plus de poids aux recommandations de la Commission qu'elles n'en auraient eu autrement.

+-

    M. Jeff Watson: D'accord.

    C'est un aspect qu'il est important d'approfondir. En ce qui concerne le témoignage de M. Fawcett, la semaine dernière, quand le Québec et l'Ontario et le gouvernement fédéral ont été mécontents du processus entamé relativement au Pacte, leur démarche a consisté à demander à consulter le gouvernement américain, en vue de quoi ils sont en train de préparer, apparemment, leurs commentaires. Ensuite, ils saisiraient très probablement la CMI de la question.

    Je n'ai pas entendu de réponse à la question pour savoir s'il peut y avoir une décision ayant force exécutoire si un seul pays fait un renvoi à la CMI? Y a-t-il des mesures que peut prendre la CMI qui auraient force exécutoire pour l'autre partie aussi?

+-

    Le très hon. Herb Gray: Ce serait possible, je pense. Vous avez employé le terme « arbitre ». Si le renvoi a été fait en vertu de l'article X, pour que cela puisse prendre effet, il faut l'approbation du Sénat américain, et aussi, bien entendu, du Cabinet canadien. Je le répète, c'est un aspect fascinant du traité, mais vous pouvez voir pourquoi on n'y a jamais eu recours. Peut-être aurait-il fallu le faire, mais cela n'a pas été le cas.

+-

    M. Jeff Watson: Peut-être puis-je passer à un autre ordre d'idée.

    On craint un peu que le Pacte crée une nouvelle norme d'approbation des dérivations, pouvant contourner la CMI. Est-ce que vous avez l'impression qu'un mécanisme unilatéral est en train d'être créé, ici, pour contourner l'autorité de la CMI sur ce plan?

+-

    Le très hon. Herb Gray: Puisque je m'exprime en ma qualité de président canadien de la CMI, je ne peux que dire que nous étudions la question.

+-

    M. Jeff Watson: Personne ne semble avoir de réponse à cette question.

+-

    Le très hon. Herb Gray: Peut-être le gouvernement canadien nous coiffera-t-il au poteau en présentant ses commentaires là-dessus avant la fin du mois.

+-

    M. Jeff Watson: Il y a un autre élément de conflit intéressant. Je serai bref, parce que je sais que le temps va me manquer.

    Je change d'ordre d'idée encore, pour parler de la différence des avis juridiques. Nous avons pu approfondir un peu cela la semaine dernière. Le Council of Great Lakes Governors dit qu'il ne peut pas faire de distinction entre l'extraction dans le bassin et hors du bassin. Leur avis juridique diffère de celui de la Commission mixte internationale sur la distinction entre les transferts dans le bassin et hors du bassin. Pourriez-vous expliquer la différence entre les avis juridiques des gouverneurs et de la CMI?

À  +-(1030)  

+-

    Le très hon. Herb Gray: Tout d'abord, j'aimerais faire remarquer que les avis juridiques ne sont pas des décisions judiciaires. Ensuite, comme vous le dira M. Comartin, un avocat-conseil émérite, vous pouvez parfois obtenir autant d'opinions sur un sujet qu'il y a d'avocats prêts à se prononcer.

    En effet, la commission a approuvé l'avis qu'elle a reçu des avocats des gouvernements canadien et américain sur des questions comme l'application de l'ALENA, etc. Je ne m'estime pas qualifié pour analyser les deux ensembles d'opinions, mais je vous renvoie à ce que la commission a dit en acceptant les opinions qui lui ont été fournies officiellement par les gouvernements canadien et américain relativement à la non-applicabilité des dispositions de l'ALENA ou de l'Organisation mondiale du commerce, à la condition que l'eau soit réglementée à son état naturel.

    Je me rends compte que ce n'est pas précisément ce que vous me demandez, mais cela pourrait vous aider à voir l'approche que les gouvernements adoptent relativement à ces questions juridiques.

+-

    M. Jeff Watson: Très bien, merci.

+-

    Le président: Merci, monsieur Watson.

    Monsieur McGuinty.

+-

    M. David McGuinty (Ottawa-Sud, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Monsieur Gray, je suis heureux de vous revoir. Merci d'être venu avec vos collègues.

    Je voulais revenir à quelques-unes de vos remarques liminaires, où vous avez fait allusion à quelque chose qui ressort tout simplement à toutes les deux pages de votre rapport de 2000 et encore plus clairement à l'examen d'août 2004 du rapport, et qui a trait à un certain nombre des défis systémiques dont vous avez parlé, à savoir l'état de la science, l'état de la recherche. Cela reprend ce que mon collègue, M. Paradis, a mentionné au sujet d'une collaboration possible entre le gouvernement du Canada, les gouvernements de l'Ontario et du Québec, et les gouvernements aux États-Unis, soit le gouvernement fédéral et les gouvernements d'État.

    Tout d'abord, mes félicitations une fois de plus pour votre rapport de 2000. J'ai l'habitude de consulter à l'endos du rapport la liste des personnes qui y ont participé. Lorsque vous pensez à l'apport de nombreux intervenants, aux efforts considérables que vous avez déployés pour le diffuser dans le public, amorcer le dialogue et une consultation, je peux uniquement supposer en tant que membre de ce comité qu'il s'agit d'une solide indication de là où se trouverait la compréhension commune et de là où pourrait se trouver le terrain commun.

    Je vais essayer de trouver, compte tenu de notre très importante responsabilité mondiale d'intendance en tant que continent le plus riche de la planète, ce que nous pouvons faire pour accroître le sérieux avec lequel le gouvernement examine cela afin que nous puissions en fait nous appuyer sur la coopération que vous avez mentionnée dans votre réponse à M. Paradis. Vous avez dit plus tôt que deux nouveaux gouvernements avaient été élus au Québec et en Ontario depuis le début du processus de mise en oeuvre de l'annexe. C'est effectivement le cas. Est-il temps pour nous de revoir notre approche de la question de l'eau? Devrions-nous lancer un projet national d'eau pour le pays afin de donner suite à toutes les recommandations du rapport et toutes les importantes observations faites par la commission relativement à ses recommandations en 2000? Que devons-nous faire pour que cela paraisse sur l'écran radar?

+-

    Le très hon. Herb Gray: Je pense qu'une façon est de procéder par des audiences comme celle-ci, ouvertes au public et aux médias, et parfois télédiffusées. Vous avez un important rôle à jouer, de concert avec d'autres comités, comme celui des pêches et des océans. J'ai hâte de voir votre comité jouer ce genre de rôle.

    Ensuite, je devrais signaler que l'Accord relatif à la qualité de l'eau dans les Grands Lacs exige qu'à peu près aux six ans il y ait un examen complet de la part des deux gouvernements nationaux, les signataires. Ils ont l'intention, comme vous le savez peut-être de procéder à un examen très minutieux, en profondeur et transparent, et ils vont probablement demander officiellement à la CMI de réaliser la consultation publique. En ce moment, un comité d'orientation des deux gouvernements est en train de détailler cet examen. Donc, cela peut au moins jouer en partie un rôle pour ce qui est de ce dont vous parliez.

    En outre, vous pourriez demander aux représentants du ministère des Affaires étrangères et du ministère de l'Environnement et, disons, de l'ACDI de vous tenir au courant de ce qu'ils font sur la scène internationale. Il y a une réunion à peu près aux deux ans, le Forum mondial de l'eau, qui rassemble des groupes d'intervenants et des gouvernements pour discuter de ces questions. Comme vous le savez, L'ONU offre plusieurs programmes sur l'eau, sous l'égide de l'UNESCO et du Département des affaires économiques et sociales. En fait, l'ONU vient de créer un système de coordination virtuel de toutes les activités reliées à l'eau au sein de tous ses organismes, l'UN Water, dont vous aimeriez peut-être que l'on vous parle.

    Il s'agit d'un problème mondial et nous, au Canada, devons faire notre part en tant que citoyens du monde, si je peux m'exprimer ainsi. En même temps, nous devons être conscients de nos propres obligations en matière d'intendance, sans oublier—et cela peut sembler curieux, puisque nous sommes sur les bords de l'un des Grands Lacs—que les Grands Lacs ne sont pas une ressource renouvelable à jamais. Comme nous l'avons dit dans nos rapports de 2000 et de 2004, les appels concernant des mesures de conservation sont tout aussi importants pour les populations environnantes des Grands Lacs que pour celles du sud des É.-U. Et, en votre qualité de membre du comité et de député fédéral, je pense que vous pouvez contribuer de votre propre expérience professionnelle à cet égard.

À  +-(1035)  

+-

    Le président: Merci, monsieur McGuinty.

    Monsieur Jean.

+-

    M. Brian Jean (Fort McMurray—Athabasca, PCC): Merci, monsieur le président, et merci, messieurs, d'être venus.

    Plus je lis, plus je deviens craintif quant à notre avenir au Canada et dans le nord des É.-U. J'ai certainement beaucoup de questions, mais j'essaierai de les formuler afin que l'on puisse y répondre par oui ou non.

+-

    Le très hon. Herb Gray: Je m'excuse, mais je n'ai jamais réussi à répondre facilement par un oui ou un non. Je tenais à vous en avertir.

+-

    M. Brian Jean: Monsieur, vous devez avoir eu des antécédents en politique.

    Tout d'abord, est-ce que la CMI a compétence sur les autres tributaires qui se jettent dans les Grands Lacs? Je crois comprendre que ce n'est pas le cas—par exemple, la déviation du lac Algonquin et les autres lacs. Est-ce que la CMI a compétence pour interrompre tout projet de barrage qui mettrait un terme à l'alimentation.

+-

    Le très hon. Herb Gray: Je vais demander à M. Vechsler de nous aider à ce sujet.

    Vous devez examiner l'article préliminaire qui définit les eaux limitrophes. Disons, hypothétiquement—je m'excuse, monsieur Vechsler, je fais peut-être votre travail—, que se passerait-il si le gouvernement de l'Ontario voulait mettre un terme à la déviation du lac et de la rivière Nipigon au profit du lac Supérieur? La question est peut-être trop directe.

+-

    M. Brian Jean: C'est ma question.

+-

    Le très hon. Herb Gray: Nous voudrons peut-être réfléchir à quelques-unes de vos questions et vous fournir des réponses par écrit, si vous le voulez.

+-

    M. Michael Vechsler: Je pense que votre question comporte deux volets.

    Le premier est que l'article préliminaire, de toute évidence, indique que l'expression « eaux limitrophes » ne comprendrait pas les eaux des tributaires. Si vous parlez d'un ouvrage sur un tributaire du bassin des Grands Lacs, il semble que cela n'est pas assujetti aux eaux limitrophes.

+-

    M. Brian Jean: Donc, essentiellement, elle n'aurait aucune compétence pour prendre des mesures?

+-

    M. Michael Vechsler: Sauf en vertu de l'article IV. Il peut y avoir des situations, si vous refouliez l'eau, mais c'est peu probable. Donc, la réponse est en général oui, pour ce qui est de votre question, la Commission n'aurait pas compétence sur les tributaires.

+-

    M. Brian Jean: La prochaine de mes sept questions traite du fait qu'avec un prélèvement maximal de 5 p. 100 par année et un remplissage de 1 p. 100, il ne faut pas être un génie pour calculer qu'en 50 ans, le niveau des Grands Lacs pourrait avoir baissé de 30 ou 40 p. 100. Ne vous semble-t-il pas que nous devrions limiter la quantité que l'on peut prélever, en particulier à des fins commerciales, ou avoir des frais d'utilisation ou un système d'imposition pour le remplissage, ou encore financé un quelconque programme de conservation?

+-

    Le très hon. Herb Gray: Il y en a qui soutiendraient que s'il y a, comme vous dites, des frais d'utilisation, cela pourrait entraîner une marchandisation de l'eau et faire intervenir l'ALENA.

    Ensuite, la référence à 5 p. 100 n'était pas dans notre rapport de 2000, et ce n'est pas aussi fort que ce que le gouvernement du Canada a établi à l'article 13 du projet de loi C-6. Mais cette question m'a intéressé car je me suis joint à la Commission deux ans après la publication du rapport au sujet du 5 p. 100 et du 1 p. 100. Je pourrais peut-être demander à M. Clamen et à M. Vechsler de nous montrer la différence. Le 5 p. 100 correspond à l'accumulation, je pense, de la consommation en eau, et non pas aux déviations à l'extérieur du bassin.

À  +-(1040)  

+-

    M. Murray Clamen (secrétaire, Section canadienne, Commission mixte internationale): Essentiellement, le 5 p. 100 correspondait à une moyenne de la consommation par toutes les utilisations. Il y en a tout un éventail et il y a une différence entre une utilisation à des fins d'irrigation et une autre utilisation. La commission a examiné les données, et le 5 p. 100 semblait une consommation moyenne raisonnable.

+-

    M. Brian Jean: Mais c'est tout de même 5 p. 100 du total, d'après ce que je lis, de sorte que cela semble assez astronomique, pour ne pas mâcher les mots. Compte tenu de la consommation totale de l'eau, cela semble tout simplement un nombre très important, étant donné les ramifications.

    J'aurais deux autres petites questions, si vous me le permettez.

+-

    Le très hon. Herb Gray: Monsieur Vechsler, votre écriture est aussi mauvaise que la mienne. Pourriez-vous lire ceci, s'il vous plaît?

+-

    M. Michael Vechsler: Bien sûr. C'est 5 p. 100 de l'eau prélevée; ce n'est pas 5 p. 100 de la quantité totale d'eau dans les Grands Lacs.

+-

    M. Brian Jean: Le prélèvement de 50 000 gallons par jour dans les Grands Lacs, s'agit-il d'une moyenne sur une année? Par exemple, si une entreprise consomme 50 000 gallons par jour, est-ce calculé sur une base annuelle ou sur une base quotidienne?

+-

    Le très hon. Herb Gray: Je ne me souviens pas. Je crains de ne pas pouvoir répondre à votre question, quoiqu'un fait mentionné dans l'énoncé d'impact de réglementation qui m'a fasciné est que cela correspondait à un camion citerne. Quelle quantité pouvez-vous prendre cumulativement sur cette base est une question intéressante, mais vous devriez poser cette question, du moins à ce moment-ci, aux auteurs du projet de loi C-6.

+-

    M. Brian Jean: J'ai une dernière question. Le Michigan semble être le seul État à ne pas avoir de programme de conservation. Évidemment, le lac Michigan compte des rivières à débit inverse. A-t-on quantifié ce que cela signifie pour les Grands Lacs, avec les débits inverses des rivières souterraines, etc.?

+-

    Le très hon. Herb Gray: Je ne sais pas si cela se fait à la Commission, mais il est évident que nous estimions que ce que nous savions suffisait à susciter des inquiétudes, parce que cette eau, à un moment donné, se jetterait dans les Grands Lacs, et avec une forte consommation cela viderait les aquifères de l'autre côté de la ligne de partage—qui, en passant, passe très près des Grands Lacs; c'est fascinant d'examiner une carte à ce sujet. C'est un problème. Donc, il y a deux questions : prélever de l'eau des Grands Lacs pour les collectivités avoisinantes du bassin, qu'est-ce que cela signifie; et ensuite, en gardant à l'esprit ce qu'ils font de leur eau, qu'est-ce que cela a comme incidence sur le débit de l'eau dans les aquifères des Grands Lacs? C'est une question que nous soulevons et pour laquelle on doit faire beaucoup de recherches. Nous sommes prêts à dire, compte tenu de ce que nous savons déjà, que c'est une question dont il faut s'occuper.

+-

    Le président: Merci, monsieur Jean.

    J'ai maintenant un dilemme. Lorsque j'ai dit qui serait le prochain à prendre la parole... Je me mets maintenant à la place de M. Caccia, qui était ici à l'époque où j'avais l'habitude de penser que j'étais le prochain questionneur, et alors le nom d'une autre personne s'ajoutait à la liste au moment du chassé-croisé.

    J'avais dit que M.Comartin serait le prochain questionneur, mais nous étions de ce côté-ci de l'opposition et ensuite M. Paradis avait indiqué qu'il voulait poser une question. Techniquement, je devrais donner la parole à l'autre côté et demander à M. Paradis, mais je me demande, monsieur Paradis, si vous laisseriez la parole à M. Comartin, après quoi je reviendrais à vous. Est-ce que cela vous convient? Nous passerons ensuite à M. Simard.

    Monsieur Comartin.

+-

    M. Joe Comartin: Merci, monsieur le président, et merci, monsieur Paradis.

    J'ai quelques questions de fait, monsieur Gray. La CMI a-t-elle été en mesure de déterminer un nombre pour nous quant au nombre de citoyens du côté américain qui sont suffisamment près du bassin des Grands Lacs pour envisager une déviation rapide vers leurs collectivités, et y a-t-il des collectivités canadiennes qui pourraient faire de même, c'est-à-dire envisager de dévier l'eau des Grands Lacs?

À  +-(1045)  

+-

    Le très hon. Herb Gray: Je vais demander au personnel de m'aider.

    Tout dépend de ce à quoi vous pensez. Mon impression—parce que dans le cadre de mon travail je dois me rendre à Chicago à l'occasion—est que de l'autre côté de la ligne de partage... Dans la grande région de Chicago, il peut y avoir de très grandes banlieues, et il y a d'autres collectivités—vous avez mentionné Waukesha, au Wisconsin, etc.—et le nombre pourrait être important et en hausse. Je vais demander aux membres du personnel de m'aider pour savoir si nous avons quantifié cela.

    Vous pourriez voir cela, comment dirais-je, de façon subjective. Si vous vous rendez à Chicago, vous pouvez voir de quoi il s'agit.

+-

    M. Joe Comartin: Mais la commission n'a pas fait une analyse précise.

+-

    Le très hon. Herb Gray: Non, en réalité, nous ne l'avons pas fait.

+-

    M. Murray Clamen: Le rapport de 2000 comprend une carte qui illustre le potentiel..., mais nous n'avons pas vérifié le nombre de personnes qui vivent dans ces collectivités.

+-

    Le très hon. Herb Gray: Pour ce qui est des villes canadiennes, je ne pense pas qu'il y en ait qui soient suffisamment grandes à l'extérieur du bassin pour exercer des pressions. Cela dit, il peut y avoir des questions liées au mouvement de l'eau à l'intérieur du bassin, disons en Ontario du Lac Huron vers des collectivités à proximité du Lac Érié, mais si je me fie à l'horloge, je dirais que c'est une question que nous aborderons un autre jour.

+-

    M. Joe Comartin: Monsieur Gray, vous avez parlé de la CMI qui demande un soutien—des ressources financières—pour l'étude concernant le secteur supérieur des Grands Lacs. Savez-vous quel était le budget pour cette étude?

+-

    Le très hon. Herb Gray: Il est intéressant de constater que l'étude concernant ce que l'on appelle le secteur inférieur des Grands Lacs fait l'objet d'un engagement quinquennal de la part des deux gouvernements pour 30 millions de dollars. À moins que M. Clamen ne me corrige, je supposerais que l'étude concernant le secteur supérieur s'étendrait sur la même période, environ cinq ans, et serait dotée de son propre personnel permanent, de commissions techniques, etc. Il pourrait s'agir du même montant, quoique nous avons soutenu devant le gouvernement que nous pourrions réaliser des économies si l'on utilisait la même structure administrative que celle qui est en place pour l'étude concernant le secteur inférieur. Elle ne coûterait pas nécessairement la même chose que l'étude qui entre maintenant dans son étape finale.

    Avez-vous des données qui pourraient nous aider à ce sujet?

+-

    M. Murray Clamen: Essentiellement, c'est ce que vous avez dit. C'est environ de 2 à 3 millions de dollars par année; mais il y a en fait deux options, la faire en trois ans ou en cinq ans, de sorte que la somme nécessaire pourrait aller de 6 à 9 millions de dollars et même atteindre 15 millions de dollars, en devises canadiennes, pour notre étude.

+-

    Le très hon. Herb Gray: Parlez-vous d'une somme provenant de chaque gouvernement, ou voulez-vous dire des deux gouvernements?

+-

    M. Murray Clamen: C'est de chaque gouvernement.

+-

    M. Joe Comartin: Aucun des deux gouvernements n'a indiqué s'il était prêt à...?

+-

    Le très hon. Herb Gray: Eh bien, aucun n'a refusé. Ils étudient encore la question.

    Ai-je raison?

+-

    M. Murray Clamen: Lors de notre dernière rencontre semestrielle, le gouvernement du Canada a manifesté un certain appui, mais il n'y a pas encore eu d'engagements financiers. Le gouvernement américain n'en a fourni aucun, grâce au Congrès américain.

+-

    M. Joe Comartin: Je sais que la CMI aimerait procéder à d'autres études pour obtenir des données scientifiques additionnelles pour que nous comprenions beaucoup mieux les mouvements d'eau dans les Grands Lacs, ce qui influe sur les niveaux et, en particulier à cette époque, à quoi nous pouvons vraisemblablement nous attendre du réchauffement de la planète et du changement climatique. Y a-t-il des études urgentes additionnelles, si je peux m'exprimer ainsi, que la CMI envisage de...

+-

    Le très hon. Herb Gray: J'aimerais rappeler aux membres du comité—et je suis sûr qu'ils le savent déjà—qu'aux termes de l'Accord sur la qualité de l'eau dans les Grands Lacs, divers conseils scientifiques nous font rapport. Il s'agit de conseils binationaux, présidés chacun par un Canadien et un Américain, composés de scientifiques détachés par les deux gouvernements et, parfois, par des universités. Nous disposons d'un conseil consultatif scientifique, d'un conseil sur la qualité de l'eau, d'un conseil sur la gestion de la recherche et, aux termes d'un autre accord, du Conseil consultatif international sur la qualité de l'atmosphère. Ils exécutent un programme de travail continu dans ces domaines et, s'ils disposaient de fonds additionnels, ces scientifiques seraient certes très heureux de nous dire ce qu'ils pourraient faire de plus.

+-

    M. Joe Comartin: Merci.

+-

    Le président: Monsieur Paradis.

[Français]

+-

    L'hon. Denis Paradis: Monsieur le président, plus ça va, plus je suis inquiet étant donné tout ce qu'on entend. Au palier fédéral, on a dit clairement non aux prélèvements massifs. En tout cas, je pense que C-6 est un non clair aux prélèvements massifs.

    Dans le document du 19 juillet 2004, qui est l'accord entre les huit États et les deux gouvernements provinciaux du Québec et de l'Ontario, on établit un peu partout des normes. À l'alinéa 100(1)c), par exemple, on parle de « créer un accord de coopération sur la gestion des prélèvements d'eau », et  à l'alinéa 100(1)d), de «  mettre sur pied des mécanismes communs et régionaux pour l’évaluation des demandes de prélèvement d’eau  ». Selon la définition, le demandeur est une personne qui soumet un projet de prélèvement d'eau. Il y a l'article 200 régissant les prélèvements d'eau du bassin des Grands Lacs. À l'article 201, on dit qu'il faut:

1. l’examen régional de la conformité avec la Norme d’une demande concernant une dérivation nouvelle ou augmentée de 1 million de gallons (3 800 mètres cubes) par jour ou plus...

2. l’examen régional de la conformité avec la Norme d’une demande de consommation nouvelle ou augmentée de 5 millions de gallons (19 000 mètres cubes) par jour ou plus...

    Moi, j'appelle cela de la dérivation et du prélèvement massif. D'un côté, le gouvernement fédéral dit qu'il ne doit pas y avoir de prélèvements massifs au Canada, et de l'autre, deux provinces signent un accord permettant les prélèvements massifs. Je suis très inquiet, monsieur le président.

    Monsieur le président de la Commission mixte internationale, n'y a-t-il pas lieu, quelque part dans ce document du 19 juillet, de dire que le Parlement du Canada a déjà adopté une loi pour empêcher les prélèvements massifs?

À  +-(1050)  

+-

    Le très hon. Herb Gray: Vous me demandez une opinion juridique. Bien que je sois avocat, je ne prétends pas être un expert sur ces questions. Je dois cependant vous faire remarquer que le projet de loi C-6 est un projet de loi fédéral et que je pense que cette loi aura préséance sur une loi provinciale quand il s'agira des eaux limitrophes du côté canadien du bassin. Le projet de loi C-6 est une série d'amendements à des lois, qui mettent en vigueur au Canada le Traité relatif aux eaux limitrophes de 1909. On parle d'un pouvoir du gouvernement fédéral qui est plus important qu'une loi provinciale dans ce domaine.

[Traduction]

    Mon avocat me dit que j'ai raison.

    Des voix: Ah, ah!

+-

    Le président: Merci, monsieur Paradis.

    Monsieur Simard.

[Français]

+-

    M. Christian Simard: Je voudrais répondre aux commentaires de M. Paradis et de M. McGuinty. Je crois qu'autant le Québec que l'Ontario n'ont pas intérêt à long terme à vider le Saint-Laurent, le lac Érié, le lac Huron et le lac Supérieur. Je pense qu'on est actuellement en discussion et en consultation sur l'Annexe 2001 et je ne crois pas qu'on doive encore une fois répéter qu'Ottawa knows best. Il doit y avoir coopération et échange d'information. C'est l'utilité de ce comité-là. Il me semble que les dérivations constituent peut-être le plus grand défi qui se pose à la Commission mixte internationale depuis 1909.

    Pour ce qui est de la qualité de l'eau des Grands Lacs, tout le monde est intéressé à avoir une eau potable de qualité, et les États ont échangé et fonctionné par consensus. Dans ce cas-ci, il y a un tel intérêt pour l'eau des Grands Lacs et les eaux limitrophes du côté américain qu'on risque de voir les limites de la Commission mixte internationale et du Traité relatif aux eaux limitrophes.

    Je fais une interprétation. J'ai l'impression que la difficulté qu'a votre commission à envoyer une simple lettre au Conseil des gouverneurs et la possibilité de se rencontrer au sujet d'un rapport entraînent des tensions internes très fortes au sein de la Commission mixte internationale. La volonté de la population américaine, qui est assoiffée, et la volonté de la population du Canada et du Québec de préserver ses eaux s'opposent, et cela m'inquiète énormément.

    Il y a une autre chose qui m'inquiète, et j'aimerais avoir votre opinion là-dessus. À partir du moment où l'eau puisée est embouteillée et commercialisée, est-ce que les dispositions du Traité relatif aux eaux limitrophes cessent de s'appliquer pour faire place à celles de l'ALENA? Avez-vous une opinion à ce sujet?

À  +-(1055)  

+-

    Le très hon. Herb Gray: La commission a déjà dit que quand on parle de l'eau dans son état naturel, on n'y a aucun droit de regard en vertu de l'ALENA ou même des traités sur le commerce international. C'est l'opinion des gouvernements des États-Unis et du Canada. Il n'y a aucune divergence d'opinion à ce sujet.

    Si on parle de l'eau déjà embouteillée, c'est autre chose. Il s'agit d'une marchandise. Toutefois, je ne pense pas qu'il soit possible d'embouteiller des quantités d'eau qui seraient équivalentes aux quantités qu'on perdrait lors de grandes dérivations, etc.

    Deuxièmement, je pense qu'il y a déjà une bonne coopération entre le gouvernement du Québec et le fédéral, et entre le gouvernement de l'Ontario et le fédéral. Je vois moi-même des fonctionnaires du gouvernement du Canada postés dans la ville de Québec travailler avec leurs homologues du ministère provincial de l'Environnement. Je vois la même chose à Toronto, où des fonctionnaires d'Environnement Canada de la région de l'Ontario travaillent avec leurs homologues du ministère de l'Environnement de l'Ontario. Comme l'a dit M. Paradis, il est toujours possible d'améliorer les choses. Pour être juste par rapport à cette question, je dois dire que je constate moi-même une coopération très intéressante, mais il y a toujours place pour de l'amélioration.

    J'espère avoir bien répondu à vos questions. Cependant, je dois répéter que nous n'avons pas décidé d'envoyer une lettre à tous les gouverneurs. Une fois que nous aurons notre consensus, nous en ferons part aux deux gouvernements nationaux dans une lettre. Évidemment, nous allons en envoyer des copies aux gouverneurs, mais nous communiquerons surtout avec les deux gouvernements nationaux.

[Traduction]

+-

    Le président: Les témoins et le comité suivants attendent.

    Monsieur Jean, pourriez-vous en finir avec votre question? Nous lèverons ensuite la séance.

+-

    M. Brian Jean: C'est très simple; ce n'est pas une question à laquelle on peut répondre par oui ou par non, monsieur, mais des études ont-elles été faites sur la consommation, une analyse entre le nord et le sud, entre nos voisins américains et nous sur la portion des Grands Lacs qu'ils utilisent pour leur consommation, que ce soit sur une base commerciale ou privée? Des études ont-elles été faites là-dessus?

+-

    M. Murray Clamen: Nous avons fait des études dans les Grands Lacs. Le rapport de 2000 sur la consommation en eau comporte des données.

+-

    M. Brian Jean: J'ai vu ça. Donne-t-il davantage de détails? Ces rapports sont-ils disponibles? Pourrais-je en obtenir un exemplaire?

+-

    M. Murray Clamen: Oui. Nous pouvons vous remettre des rapports plus détaillés.

+-

    M. Brian Jean: Si je pouvais en obtenir un exemplaire, ce serait parfait.

    J'ai une dernière question. Si l'eau, à son état naturel, était en fait considérée comme une marchandise, a-t-on étudié quelles en seraient les conséquences? Quelles en seraient les conséquences économiques pour le Canada?

    Bien entendu, le libre-échange aux termes de l'ALENA ne signifie pas nécessairement libre produit ou libre transport.

+-

    Le très hon. Herb Gray: Je regrette de ne pas être en mesure de faire de commentaire sur cette question à ce moment-ci car elle est d'ordre juridique. Il y en a qui prétendent que si la marchandise relevait de l'ALENA, des intérêts privés, par le biais des droits d'arbitrage du chapitre 11, pourraient contester la politique canadienne ou la politique américaine, etc., et le chapitre 11 deviendrait très controversé. L'Accord sur l'Organisation mondiale du commerce comporte peut-être des clauses semblables.

    Je tiens à dire et à répéter en terminant que la Commission a en effet accepté la position des deux gouvernements nationaux selon laquelle l'eau, sous sa forme naturelle, peut être réglementée par les deux gouvernement, réglementée différemment dans le bassin et hors du bassin, sans que n'entre en jeu soit l'ALENA ou l'Organisation internationale du commerce.

+-

    M. Brian Jean: Je voulais en fait savoir si des études avaient été effectuées à cet égard, en ce qui concerne les répercussions économiques de la définition elle-même.

Á  -(1100)  

+-

    Le très hon. Herb Gray: Je ne peux que dire—et j'aimerais que M. Vechsler m'aide à répondre—que cela dépend du projet. Le projet pourrait en comporter d'énormes. À mon avis, cela dépend de la nature du projet qui serait contesté aux termes, par exemple, du chapitre 11.

+-

    M. Brian Jean: Merci, monsieur.

+-

    Le très hon. Herb Gray: Très bien. Merci beaucoup.

+-

    M. Brian Jean: Merci, monsieur le président.

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Gray. Nous vous remercions d'avoir été des nôtres.

    Nous allons donner suite à certaines des suggestions, notamment un document de recherche combiné que nous pourrions peut-être remettre au personnel, conformément à ce que vous proposez.

    Chers collègues. J'ai quelques questions de régie interne. Tout d'abord, je ne veux pas paraître présomptueux, parce qu'il est difficile de savoir sous quel angle vous voulez aborder vos questions, mais quand quelqu'un a accès à un document ou à une lettre ou Dieu sait quoi pertinent pour les délibérations du comité, il serait utile que les autres membres du comité puissent y avoir accès. Je vous invite gentiment à garder cela à l'esprit; le greffier pourrait ensuite donner suite et le remettre à nos traducteurs.

    Deuxième chose. Nous obtiendrons les deux documents qu'a demandés M. Comartin. Le greffier en a pris note.

    Au programme de jeudi, nous avons deux mesures législatives à étudier. Le comité de direction s'est réuni. Nous disposons d'un projet de document concernant le cadre de Kyoto, que le comité avait demandé. Nous obtenons d'autres réponses du comité de direction. Nous espérons que cela sera au programme de la première réunion du comité après la relâche.

    Je crois que c'est tout pour le moment.

+-

    M. Joe Comartin: Allons-nous traiter de l'annexe jeudi?

-

    Le président: Non, pas jeudi.

    Merci beaucoup.

    La séance est levée.