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ENVI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent de l'environnement et du développement durable


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 12 avril 2005




Á 1105
V         Le président (M. Alan Tonks (York-Sud—Weston, Lib.))
V         L'hon. David Emerson (ministre de l'Industrie)

Á 1110
V         Le président
V         M. Lee Richardson (Calgary-Centre, PCC)
V         L'hon. David Emerson

Á 1115
V         M. Lee Richardson
V         L'hon. David Emerson

Á 1120
V         M. Lee Richardson
V         Le président
V         M. Jeff Watson (Essex, PCC)
V         L'hon. David Emerson
V         M. Jeff Watson
V         L'hon. David Emerson
V         M. Jeff Watson
V         L'hon. David Emerson
V         Le président
V         M. Jeff Watson
V         Le président
V         M. Bernard Bigras (Rosemont—La Petite-Patrie, BQ)

Á 1125
V         L'hon. David Emerson
V         M. Bernard Bigras
V         L'hon. David Emerson

Á 1130
V         M. Bernard Bigras
V         L'hon. David Emerson
V         Le président
V         M. Christian Simard (Beauport—Limoilou, BQ)
V         L'hon. David Emerson

Á 1135
V         Le président
V         Mme Yasmin Ratansi (Don Valley-Est, Lib.)
V         L'hon. David Emerson
V         Mme Yasmin Ratansi

Á 1140
V         L'hon. David Emerson
V         Le président
V         M. David McGuinty (Ottawa-Sud, Lib.)
V         Le président
V         M. David McGuinty
V         L'hon. David Emerson

Á 1145
V         Le président
V         M. Nathan Cullen (Skeena—Bulkley Valley, NPD)
V         L'hon. David Emerson
V         M. Nathan Cullen

Á 1150
V         L'hon. David Emerson
V         M. Nathan Cullen
V         L'hon. David Emerson
V         M. Nathan Cullen
V         L'hon. David Emerson
V         M. Nathan Cullen

Á 1155
V         L'hon. David Emerson
V         M. Nathan Cullen
V         Le président
V         M. Jeff Watson
V         L'hon. David Emerson
V         M. Jeff Watson
V         L'hon. David Emerson
V         M. Jeff Watson
V         L'hon. David Emerson

 1200
V         M. Jeff Watson
V         L'hon. David Emerson
V         M. Jeff Watson
V         L'hon. David Emerson
V         Le président
V         M. Jeff Watson
V         Le président
V         L'hon. David Emerson
V         Le président
V         Chef Phil Fontaine (chef national, Assemblée des Premières Nations)

 1205
V         Le président
V         Chef Phil Fontaine

 1210

 1215

 1220
V         Le président
V         M. Lee Richardson

 1225
V         Chef Phil Fontaine
V         M. Lee Richardson
V         Mme Peigi Wilson (Assemblée des Premières Nations)

 1230
V         M. Lee Richardson
V         Le président
V         M. Bernard Bigras

 1235
V         Chef Phil Fontaine
V         M. Bernard Bigras
V         Chef Phil Fontaine

 1240
V         Le président
V         M. Bernard Bigras
V         Mme Peigi Wilson
V         Le président
V         M. Bernard Bigras
V         Chef Phil Fontaine

 1245
V         Le président
V         M. Russ Powers (Ancaster—Dundas—Flamborough—Westdale, Lib.)
V         Chef Phil Fontaine

 1250
V         Mme Peigi Wilson
V         M. Russ Powers
V         Mme Peigi Wilson
V         M. Russ Powers
V         Mme Peigi Wilson

 1255
V         M. Russ Powers
V         Le président
V         M. Nathan Cullen
V         Chef Phil Fontaine
V         M. Nathan Cullen

· 1300
V         Chef Phil Fontaine
V         M. Nathan Cullen
V         Chef Phil Fontaine

· 1305
V         Mme Peigi Wilson
V         Le président

· 1310
V         Chef Phil Fontaine
V         Le président
V         Chef Phil Fontaine

· 1315
V         Le président
V         Le président
V         M. Bob Mills (Red Deer, PCC)
V         Le président
V         M. Bob Mills

· 1320
V         Le président
V         M. Bob Mills
V         Le président
V         M. Bernard Bigras
V         Le président
V         Le président
V         Le président










CANADA

Comité permanent de l'environnement et du développement durable


NUMÉRO 032 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 12 avril 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

Á  +(1105)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Alan Tonks (York-Sud—Weston, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs, membres du comité. Bienvenue au ministre Emerson et à M. David Fransen.

    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous étudions la mise en oeuvre, au Canada, du protocole de Kyoto—Partie II—Un approvisionnement énergétique utilisant moins de carbone. Il s'agit de la 32e séance du comité. Merci aux membres du comité d'être ici; nous pouvons commencer maintenant.

    Nous entendrons aujourd'hui l'honorable David Emerson, ministre de l'Industrie, qui est accompagné de M. David Fransen, sous-ministre adjoint, secteur Politique. Bienvenue à vous deux.

    Pour votre information, M. Phil Fontaine, chef national de l'Assemblée des Premières nations, arrivera à midi. Alors, nous allons poursuivre.

    Monsieur Emerson, voici comment procède le comité : nous avons environ 10 minutes pour les présentations, puis 10 minutes sont accordées à chaque parti pour les questions et réponses. Nous avons ensuite une période de questions et réponses de cinq minutes. Nous essayerons d'avancer autant que nous le pourrons d'ici midi.

    Bienvenue encore une fois et merci d'être ici. Le président peut vous céder la parole pour que vous puissiez faire une déclaration, ou nous pouvons passer immédiatement aux questions, selon votre préférence.

+-

    L'hon. David Emerson (ministre de l'Industrie): Merci beaucoup, monsieur le président. C'est un plaisir d'être ici. Je ne ferai pas une longue déclaration. Nous savons que le gouvernement présentera son plan sur les changements climatiques demain, alors les détails de ce plan seront annoncés demain.

    Je peux vous parler brièvement du rôle que j'ai joué à cet égard. Vous avez fait remarquer que je préside le Comité spécial sur l'environnement et le développement durable, où le gouvernement a beaucoup discuté du changement climatique. Je suis le ministre de l'Industrie, et il est donc naturel que j'apporte une perspective industrielle et économique au débat, bien qu'à titre de président, je me dois d'être neutre, tout comme vous, monsieur le président.

    Si on regarde ce que j'ai fait par le passé, il est possible que le premier ministre m'ait nommé président de ce comité, notamment parce que j'ai travaillé tant dans le secteur public que dans le secteur privé. Dans ce dernier, j'ai acquis beaucoup d'expérience sur le terrain en ce qui a trait aux questions environnementales et aux défis que les entreprises doivent relever pour se conformer aux normes environnementales et se transformer afin de respecter des normes toujours plus élevées.

    C'est dans l'industrie forestière que j'ai connu ces défis, dans une industrie qui a été perçue comme le paria de l'environnement pendant longtemps et qui l'est encore dans certaines parties du pays et du monde. Toutefois, j'ai aussi participé à la transformation de cette industrie, où il a fallu changer fondamentalement les façons de faire, que ce soit la gestion des forêts et le respect des normes environnementales, ou encore la gestion des scieries et notre approche face aux clients, puisque ces derniers sont devenus sensibles aux pratiques environnementales des entreprises, et le sont d'ailleurs de plus en plus.

    Je viens donc d'un milieu qui, à mon avis, a su démontrer que l'environnementalisme et l'atteinte de normes environnementales plus élevées peuvent aller de pair et peuvent, en fait, nous amener à devenir plus efficaces, plus compétitifs et plus prospères sur le marché.

    Voilà ce que vise la stratégie du gouvernement en matière de changements climatiques : élaborer un cadre prospectif qui donnera aux entreprises, aux gouvernements, aux individus et aux organisations de toutes sortes les outils et les incitatifs nécessaires pour qu'ils prennent des décisions qui permettront de rehausser la compétitivité de l'économie tout en améliorant toujours l'environnement.

    Voilà un thème fondamental que j'ai mis de l'avant et que le gouvernement met de l'avant, et qui sera détaillé demain, lorsque le ministre Dion, le ministre Efford et moi-même allons publier le document sur les changements climatiques pour le gouvernement.

    Cela dit, monsieur le président—j'aimerais vous considérer comme mon client—, je serai ravi de répondre à vos questions et de suivre les membres du comité dans la direction qu'ils voudront prendre. Je vais répondre aussi ouvertement et franchement que possible.

Á  +-(1110)  

+-

    Le président: Merci, monsieur le ministre.

    Nous allons passer à la période de questions, en commençant avec M. Richardson.

+-

    M. Lee Richardson (Calgary-Centre, PCC): Merci, monsieur le président.

    Merci, monsieur le ministre, de votre présence.

    Comme ces annonces seront faites demain, votre visite prend une tournure un peu particulière si l'on songe à ce qui peut être dit. Je peux comprendre que vous disiez d'attendre à demain.

    J'aimerais vous poser quelques questions générales concernant les difficultés que vous avez peut-être rencontrées lors des délibérations de votre comité, en particulier avec le ministre de l'Environnement, parce que je crois que bon nombre de joueurs des secteurs industriel et manufacturier au pays se fient sur vous pour défendre leurs intérêts à mesure que nous avançons avec un plan de mise en oeuvre du protocole de Kyoto.

    Notre comité a entendu des représentants de l'industrie, et il a souvent été question de l'affaiblissement éventuel de notre compétitivité économique, plus particulièrement en faveur de notre plus important partenaire commercial, les États-Unis, qui n'est pas signataire du protocole de Kyoto. Pouvez-vous nous faire part de vos réflexions générales à ce sujet et nous dire si vous croyez que certains secteurs de l'économie canadienne seront plus touchés que d'autres? Est-ce que nous serons moins concurrentiels parce que notre plus important partenaire commercial ne participe pas au protocole de Kyoto?

+-

    L'hon. David Emerson: Je crois que ce sont les grands émetteurs finaux qui sont les plus touchés ou qui pourraient être les plus touchés par le plan sur les changements climatiques. Le secteur de l'automobile l'est aussi, mais dans une moindre mesure. Je dirais que le ministre Dion a fait valoir très clairement, depuis le début, que si nous pouvons engager un secteur de façon plus signifiante et plus importante—c'est-à-dire comprendre ses besoins ainsi que son cycle de planification et de remplacement des immobilisations—, si nous pouvons être plus clairs et plus efficaces dans la façon de réglementer et de traiter l'industrie, il n'y a aucune raison de croire que nous allons miner la compétitivité des entreprises canadiennes à court terme, et encore moins à long terme.

    À mon sens, nous avons beaucoup consulté et avons tenu compte de la grande majorité des inquiétudes qui ont été soulevées. Lorsque le plan sera dévoilé et que nous procéderons à des consultations encore plus poussées sur la mise en oeuvre du plan, vous constaterez que notre compétitivité n'est aucunement menacée. En fait, nous donnons à l'industrie l'occasion de devenir plus compétitive et peut-être, dans certains cas, d'accélérer le remplacement des immobilisations et devenir plus efficace, et non pas l'inverse.

    Je reviens, pour vous donner un exemple très concret, à l'époque où je travaillais dans l'industrie forestière. Cette industrie n'était pas très concurrentielle il y a quelques années au Canada. Sa performance sur le plan environnemental laissait à désirer. Elle était perçue comme un secteur en déclin, dont les immobilisations et la technologie étaient désuets. Les protectionnistes l'attaquaient. Le secteur était ni dynamique, ni compétitif et il ne faisait pas partie des perspectives économiques du Canada. Or, lorsque nous avons décidé de transformer l'industrie et de le faire avec un souci de l'environnement, nous avons constaté que nous devenions plus compétitifs, à tel point qu'aujourd'hui, si vous comparez la compétitivité de l'industrie canadienne et celle de l'industrie américaine, notre industrie forestière occupe le premier rang. C'est l'un des rares secteurs où nous sommes plus compétitifs que les Américains.

    Je suis convaincu que notre approche dans ce domaine ne sera pas perçue comme une menace à la compétitivité de l'industrie canadienne, et que ce devrait être plutôt l'inverse.

Á  +-(1115)  

+-

    M. Lee Richardson: Je vous remercie de votre réponse et je crois que votre exemple est bien choisi. Le problème, c'est le court terme par rapport au long terme, et c'est difficile de parler de manière théorique et hypothétique, en sachant que votre rapport sera publié dès demain. Je ne veux pas vous mettre sur la sellette, parce que nous n'aurons pas de réponse de toute façon.

    À mon sens, certaines industries ne pourront pas survivre à court terme si on leur demande d'atteindre une certaine norme. Je suis d'accord avec vous, tout comme bon nombre des représentants de l'industrie que le comité a rencontrés. Ils nous ont dit qu'ils voulaient adopter de meilleures pratiques environnementales et contribuer aux efforts, mais que c'est une question de temps, de fonctionnement, et qu'il faut être en mesure de remplacer l'équipement pour pouvoir atteindre la prochaine étape où l'équipement devient plus efficace.

    J'aimerais avoir une idée de ce à quoi nous pouvons nous attendre. D'après les discussions que nous avons eues, j'ai cru comprendre que c'est vous qui avez suggéré que nous mettions l'accent sur des incitatifs plutôt que sur des mesures punitives à l'égard des grands émetteurs. Je crains qu'ils ne puissent survivre. Nous poursuivons tous le même objectif : nous voulons réduire nos émissions, mais nous ne voulons pas détruire notre économie au passage.

+-

    L'hon. David Emerson: Je crois que nous avons pris bien soin de reconnaître que certaines industries et certains segments de toute industrie sont plus ou moins disposés à se transformer, peu importe l'échéancier. À l'heure actuelle, comme vous le savez probablement, nous excluons les émissions des procédés industriels des grands émetteurs finaux. Nous reconnaissons que les émissions liées à la nature chimique d'un processus de fabrication, par exemple, ne peuvent changer rapidement. Il faut viser ici une transformation technologique à plus long terme, à mesure que les nouvelles technologies deviennent disponibles.

    Nous mettons l'accent sur les secteurs où nous savons que la transformation est possible et viable dans un échéancier raisonnable. Comme vous le dites, je crois fermement qu'il faut utiliser, autant que possible, des incitatifs. Je crois aussi qu'il est très important d'agir maintenant, alors que l'économie est relativement vigoureuse. Nous aimerions tous croire que le nirvana économique va toujours durer, parce que les choses vont bien depuis quelques années. Or, nous savons tous que c'est impossible. Il y aura des périodes plus difficiles, lorsque la demande et les prix, en particulier dans le secteur des produits de base, vont fléchir. C'est maintenant le temps d'agir, alors que les profits sont élevés, d'utiliser les taxes et d'autres formes de mesures d'encouragement et de travailler de concert avec l'industrie pour qu'elle remplace ses équipements et qu'elle prenne quelques longueurs d'avance en prévision de ces périodes qui ne seront pas aussi faciles.

Á  +-(1120)  

+-

    M. Lee Richardson: C'est tout pour l'instant. Merci, monsieur le ministre.

+-

    Le président: Monsieur Watson, voulez-vous ajouter quelque chose? Il reste encore trois minutes.

+-

    M. Jeff Watson (Essex, PCC): D'accord, merci.

    Merci au ministre d'être ici aujourd'hui.

    J'ai essayé de faire concorder les chiffres et les engagements pris, et l'annonce de demain m'aidera peut-être dans ce sens. Je ne suis pas certain. Lorsque vous parlez des exclusions qui visent les grands émetteurs finaux, seulement 5,3 mégatonnes sont prévues dans le protocole d'entente que vous venez de signer avec l'industrie de l'automobile. J'ai des problèmes de calcul. Je crois que je vais vous poser la question directement. Allons-nous respecter l'engagement pris dans le cadre du protocole de Kyoto d'ici la période de référence de 2010—et non 2012? Allons-nous être en mesure d'atteindre notre objectif original d'ici 2010? Voilà la première question.

+-

    L'hon. David Emerson: Je crois que tout le monde ici sait que les chiffres sont très incertains et que même en temps normal les prévisions changent d'une année à l'autre, voire d'un mois à l'autre. Quand des incitatifs et des programmes sont mis en place pour encourager la transformation technologique afin de produire des effets positifs sur l'environnement, personne ne sait exactement combien voudront profiter de ces mesures ou quelle sera leur efficacité. Il y aura toujours de l'incertitude.

    À mon avis, le cadre des politiques, des incitatifs et des règlements qui sera mis en place nous permettra de respecter les engagements pris dans le cadre du protocole de Kyoto. Cela dit, nous reconnaissons que l'achat de certains crédits vérifiables sur la scène internationale pourra jouer un rôle important à la fin de la première période de Kyoto. Nous croyons que nous pouvons beaucoup compter sur les initiatives canadiennes et les réductions des gaz à effet de serre au Canada avant d'acheter de tels crédits, et nous croyons que nous pouvons acheter des crédits d'émissions vérifiables sur la scène internationale d'une façon qui soit économiquement profitable pour le pays, mais une telle mesure pourrait avoir lieu plus tard dans le processus.

+-

    M. Jeff Watson: Permettez-moi de vous poser la prochaine question, parce que vous ne dites pas avec certitude que nous allons atteindre nos objectifs. Avec la conférence qui aura lieu à Montréal l'automne prochain, la question qui se pose est la suivante : allons-nous reporter certains de nos engagements à la phase post-Kyoto, à la prochaine période de référence—comme le feront probablement d'autres pays qui ont des objectifs contraignants dans le cadre du protocole de Kyoto? Est-ce la stratégie du gouvernement actuel? Est-ce là ce que nous prévoyons faire à Montréal l'automne prochain?

+-

    L'hon. David Emerson: Il est clair que le gouvernement a la ferme intention de respecter les engagements pris dans le cadre du protocole de Kyoto. Il n'est aucunement question pour l'instant d'en reporter une partie à la prochaine période.

+-

    M. Jeff Watson: Si je comprends bien, le Japon est plus près de ses objectifs que ce que nous prévoyons atteindre, mais il les dépasse tout de même de 6 ou 7 p. 100. Les Japonais envisagent déjà, ou en discutent—du moins, il a été annoncé publiquement qu'ils vont envisager la possibilité—de reporter certains de leurs engagements à la prochaine étape. Je ne peux concevoir que nous ne fassions pas la même chose. Si je suis la stratégie du gouvernement, qui accorde des exemptions ici et là et qui espère encourager le comportement souhaité, nous aurions dû commencer il y a cinq ou sept ans, lorsque nous avons signé l'accord, ou bien il va falloir reporter certains de ces engagements à la prochaine période de référence.

+-

    L'hon. David Emerson: Il ne fait aucun doute à ce sujet : les diverses initiatives et mesures d'encouragement que nous mettons en place donneront lieu à une réponse beaucoup plus importante que ce que nous avons observé par le passé.

    Je dois dire, même si je n'étais pas ici, que ces progrès ont commencé il y a quelques années. Nous n'avons pas atteint les objectifs que nous avions espéré atteindre lorsque certaines initiatives ont été lancées il y a quelques années, mais nous faisons des progrès. Je crois que nous serons en mesure de respecter nos engagements.

+-

    Le président: Monsieur Watson, je suis désolé de vous interrompre, mais c'est maintenant au tour de M. Bigras.

+-

    M. Jeff Watson: Merci, monsieur le président.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Bigras.

[Français]

+-

    M. Bernard Bigras (Rosemont—La Petite-Patrie, BQ): Merci, monsieur le président.

    Monsieur le ministre, je vous souhaite la bienvenue.

    J'aimerais revenir sur l'approche privilégiée jusqu'à maintenant par le gouvernement fédéral face aux différents secteurs industriels que vous représentez. Jusqu'à maintenant, il s'agit d'une approche volontaire. J'aimerais prendre comme exemple un secteur industriel que vous connaissez probablement fort bien, le secteur de l'acier.

    Votre gouvernement a signé un accord volontaire avec ce secteur industriel prévoyant un engagement en vertu du Protocole de Kyoto. Par contre, une disposition de cette entente prévoit que si le secteur industriel présente au gouvernement des études qui font la démonstration que la compétitivité de l'industrie est en péril, le secteur industriel de l'acier pourra ne pas tenir ses engagements de réduction de gaz à effet de serre. C'est ce que le gouvernement a signé avec le secteur de l'acier.

    Croyez-vous que cette approche, qui permet, suite à une démonstration du secteur industriel, de se soustraire à ses engagements en vertu du Protocole de Kyoto, soit la voie à suivre? Ne s'agit-il pas justement d'un échappatoire pour les secteurs industriels, qui pourront se retirer du Protocole de Kyoto lorsqu'ils démontreront, sur la base d'une étude qu'ils auront eux-mêmes confectionnée, que leur compétitivité peut être compromise?

Á  +-(1125)  

[Traduction]

+-

    L'hon. David Emerson: Concernant les ententes avec le secteur de l'acier, c'est le ministre Efford qui pourrait en parler plus en détail. Toutefois, je dirais que de façon générale, lorsque nous concluons un accord volontaire, comme ce fut le cas avec le secteur de l'automobile, nous exigeons un engagement très ferme et des objectifs provisoires qui peuvent être surveillés et validés, et nous nous réservons le droit de réglementer en tout temps. Concernant les détails de l'accord conclu avec le secteur de l'acier, je crois qu'il serait préférable d'aborder cette question avec M. Efford, mais nous sommes déterminés à respecter nos engagements et à intervenir avec une réglementation, s'il le faut.

[Français]

+-

    M. Bernard Bigras: Monsieur le président, je crois qu'il sera difficile d'obtenir des réponses à nos questions aujourd'hui. J'ai l'impression que le ministre va refiler à M. Efford toutes les questions portant sur les ententes et les négociations avec les secteurs industriels. C'est ce que je comprends de la présentation de M. Emerson.

    Je vais lui poser une autre question.

    Je ne sais pas si le ministre connaît le principe et le concept d'éco-conditionnalité. Cela veut dire que lorsque le gouvernement subventionne un secteur en particulier, il pose des conditions sur le plan environnemental. Je vais donner un exemple au ministre.

    Comment peut-il expliquer que son gouvernement ait fourni une aide à l'entreprise Ford, tout en n'exigeant pas de celle-ci qu'elle adopte des normes de fabrication de ses véhicules plus contraignantes? Ne serait-il pas plus juste qu'Industrie Canada fixe des règles contraignantes lorsque son ministère accorde une aide à un secteur bien particulier, ce qui ferait en sorte que le Protocole de Kyoto serait respecté?

    En bout ligne, on revient à cela et à la critique de la commissaire à l'environnement et au développement durable. C'est souvent l'évaluation stratégique environnementale qui n'est pas respectée par les ministères.

    Croit-il que l'aide gouvernementale de son ministère doit aussi respecter des critères environnementaux, ce qu'on appelle l'éco-conditionnalité? Où en est-il au plan de l'application de l'évaluation stratégique environnementale? Quels moyens avez-vous utilisés pour respecter cette évaluation environnementale stratégique au sein de votre ministère?

[Traduction]

+-

    L'hon. David Emerson: Je peux vous dire que toute l'aide que nous fournissons au secteur de l'automobile—à Ford, à GM—est conditionnelle à ce que les entreprises prestataires apportent des améliorations environnementales à leurs procédés de fabrication et à leurs usines. Cette aide s'assortit donc d'un critère d'amélioration environnementale.

    Vous allez reconnaître que la source fondamentale des émissions dans le secteur automobile, ce sont les véhicules conduits ici, au Canada, et vendus ici, au Canada. Nous axons nos efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre sur l'amélioration du rendement environnemental des véhicules vendus au Canada et utilisés au Canada. Je suis convaincu que nous allons atteindre l'objectif de réduction de 5,3 mégatonnes que l'industrie automobile s'est engagée à respecter.

    Pour ce qui est des plans environnementaux d'Industrie Canada, nous maintenons toujours ces engagements.

Á  +-(1130)  

[Français]

+-

    M. Bernard Bigras: Le ministre peut-il nous dire si on a posé des conditions environnementales avant que l'aide ne soit accordée à ces deux entreprises dont il vient de parler?

    Peut-il nous dire quelles conditions concrètes visant à améliorer l'efficacité énergétique des véhicules il a imposées à l'industrie en retour de l'aide qu'Ottawa a fournie à ce secteur industriel?

    Vous m'avez dit que des règles environnementales ont été respectées. Bien sûr, je comprends, mais qu'est-ce que votre ministère a imposé concrètement à ces deux entreprises afin d'améliorer de 25 p. 100 l'efficacité des véhicules? À mon avis, l'atteinte de cet objectif devrait constituer une condition lorsque vous accordez une aide financière.

[Traduction]

+-

    L'hon. David Emerson: Nous avons décidé de demander à toutes les entreprises qui vendent des véhicules au Canada, et pas seulement à celles qui investissent au Canada, de s'engager à améliorer le rendement du carburant de leurs véhicules. Nous n'estimions pas sage de viser celles qui investissent au Canada sans viser aussi leurs concurrents, dont beaucoup n'engagent pas autant d'investissements ici. Nous avons traité notre engagement à réduire les émissions provenant des véhicules séparément de nos efforts pour attirer l'investissement dans l'Industrie automobile du Canada.

    Bien honnêtement, je pense que les choses vont beaucoup mieux au Canada que pendant longtemps; nous réussissons à attirer plus d'investissements dans l'automobile au Canada. Une bonne partie de cet investissement vise les procédés de production écologiques et peu nocifs pour l'environnement; les entreprises s'engagent aussi à améliorer l'efficacité de leurs véhicules.

+-

    Le président: Monsieur Simard, il reste quelques minutes.

[Français]

+-

    M. Christian Simard (Beauport—Limoilou, BQ): Monsieur le ministre, j'aurais aimé recevoir un texte accompagnant votre présentation. C'est plus intéressant pour nous d'avoir un bilan et c'est l'occasion pour vous d'en faire un.

    Je m'aperçois par votre réponse que vous séparez clairement le développement économique de la protection de l'environnement. Vous subventionnez le développement industriel et, en même temps, vous espérez des mesures volontaires pour respecter le Protocole de Kyoto. Dans l'information que nous avons, il n'y a pas beaucoup d'indicateurs.

    Est-ce que je me trompe en disant que vous n'avez pas d'indicateurs sur le plan industriel, sur le plan canadien, pas d'indicateurs verts qui situent l'industrie canadienne par rapport à la protection de l'environnement, par exemple, ou par rapport aux pays de l'OCDE? Le Canada est-il un dernier de classe, dans la moyenne? Obtient-il de justesse la note de passage ou est-il plutôt parmi les leaders?

    J'ai l'impression qu'on n'a même pas de bulletin. On n'a aucun résultat, rien de concret qui nous situe. On dépense énormément d'argent, on fait beaucoup de promotion, mais qu'est-ce que cela donne en bout de ligne? Avez-vous des bilans de cela? Avez vous des indicateurs précis et concrets à Industrie Canada?

[Traduction]

+-

    L'hon. David Emerson: Nous nous penchons sur les indicateurs, et notre stratégie à l'avenir comportera des mesures pour mettre de l'ordre dans les recherches sur le sujet et faire en sorte que nous ayons des normes que nous pouvons faire appliquer beaucoup plus rigoureusement et dont nous pouvons faire un meilleur suivi. Cela va faire partie de nos engagements à l'avenir.

    D'après ce que nous pouvons voir, notre objectif de réduction des gaz à effet de serre est plus élevé que ce que nous prévoyions il y a à peine deux ans. La réduction nécessaire est passée à un chiffre de l'ordre de 270 mégatonnes si nous voulons réduire nos émission de 6 p. 100 par rapport aux concentrations de 1990. Nous estimons tout de même faire bonne figure. Les mesures d'intensité du rendement environnemental qu'a atteintes le Canada sont considérablement plus élevées que celles de la plupart des grandes économies industrialisées.

Á  +-(1135)  

+-

    Le président: Je vais devoir vous interrompre. Votre temps est écoulé, mais il y aura un second tour.

    Nous allons passer à Mme Ratansi, puis à M. McGuinty.

+-

    Mme Yasmin Ratansi (Don Valley-Est, Lib.): Merci d'être ici, monsieur le ministre.

    J'ai eu le privilège d'être invitée par le département de l'énergie des États-unis, par l'ambassade américaine, à participer des consultations pancanadiennes, parce que les États-Unis se rendent compte que leur appétit insatiable en matière d'énergie ne sera pas viable à long terme, donc ils envisagent des solutions de rechange. Surprise, surprise, ils observent le Canada pour voir ce que nous faisons et nous montrent ce qu'ils font dans le domaine des énergies de remplacement, dont les énergies vertes. Ils veulent apprendre; ils veulent coopérer.

    Je vois dans votre stratégie que vous essayez de maintenir notre caractère concurrentiel tout en protégeant l'environnement et que vous avez certains objectifs en tête, dont les cartes routières technologiques et l'innovation dans les conceptions architecturales. Vous dites offrir des outils et des incitatifs aux différents secteurs. Pouvez-vous me donner des exemples d'outils et d'industries et de leur rendement par rapport à d'autres, si vous effectuez des analyses comparatives internationales? Comment déterminez-vous quelle industrie, par exemple, se verra offrir des outils?

    Y a-t-il des industries en déclin qui ne pourront pas être assez concurrentielles et respecter à long terme les objectifs de Kyoto? De même, est-ce que cela donnera leur envol à d'autres industries?

    Merci.

+-

    L'hon. David Emerson: Merci beaucoup.

    Si l'on prend les industries de l'environnement canadiennes en particulier, nous sommes parmi les leaders mondiaux pour diverses écoindustries d'énergie propre. Pour les piles à hydrogène, par exemple, nous sommes un chef de file mondial.

    Nous le devons en grande partie aux interventions du gouvernement du Canada et à l'appui qu'il a fourni au fil des ans, par Partenariat technologique Canada, divers incitatifs fiscaux, les divers programmes d'aide de la Fondation canadienne pour l'innovation et les divers programmes de recherche que nous avons financés.

    Nous sommes donc un leader, et je pense que le Canada aura de grands avantages à en tirer dans l'avenir. En fait, nos industries de l'environnement peuvent croître et prospérer beaucoup en tant qu'exportateurs, tout simplement, de même qu'en tant qu'entreprises pouvant aider le reste de l'économie à accroître de beaucoup son efficacité énergétique, à améliorer son rendement environnemental et à accroître sa compétitivité en même temps.

    Si vous regardez les initiatives qu'a présentées M. Goodale dans son budget, vous verrez que certains nouveaux incitatifs fiscaux, dont la déduction pour amortissement accéléré, vont devenir très importants. Étant donné mon expérience dans l'industrie, je sais qu'il y a des possibilités énormes pour que les industries utilisent des technologies beaucoup plus écologiques, dont des méthodes de rétention et de recyclage de la chaleur pour chauffer d'autres édifices de la collectivité, créer de l'électricité, faire cuire des choses et alimenter des procédés industriels. Il y a des débouchés immenses, et les incitatifs qui pousseront les entreprises à investir dans ces technologies leur permettront aussi d'être plus rentables.

    Bref, je pense que vous allez voir des industries que vous auriez cru en déclin... J'entends parler des industries en déclin tout le temps. L'industrie forestière était en déclin; l'industrie textile est en déclin. Je n'y crois pas.

    Je pense qu'il y a des industries qui se transforment. Peut-être n'ont-elles pas la même ampleur qu'il y a dix ou vingt ans, mais elles se transforment. Elles investissent dans la technologie, elles trouvent le créneau dans lequel elles peuvent concurrencer efficacement à l'échelle internationale et elles foncent vers l'avenir. Je pense que c'est ce que vous allez voir.

    Vous allez voir que chaque industrie va se transformer à sa façon. Je pense qu'il n'y en a pas une qui pourrait... Il serait difficile d'en trouver une qu'on pourrait légitimement qualifier d'industrie en déclin, qui ne sera plus là dans dix ans. Elle sera différente, mais elle sera toujours là.

+-

    Mme Yasmin Ratansi: Vous dites donc que quiconque sait tirer partie du changement qui s'opère va être capable de survivre aussi longtemps qu'il le fait.

    Il y a des entreprises comme BIOCAP Canada, qui se considèrent comme des entreprises citoyennes et qui déploient beaucoup d'efforts pour devenir plus respectueuses de l'environnement, donc le fait de respecter l'environnement n'empêche pas une entreprise d'être concurrentielle.

Á  +-(1140)  

+-

    L'hon. David Emerson: Absolument, et c'est le cas de grandes entreprises dans l'économie canadienne d'aujourd'hui, comme Suncor et diverses banques. Diverses grandes entreprises, de même que de petites entreprises, se font une grande fierté de respecter les normes environnementales.

    De fait, dans bien des secteurs, le marché montre aux entreprises qu'elles doivent prouver qu'elles respectent des normes environnementales élevées pour que leurs produits soient achetés, donc c'est en train de devenir une force du marché. Non seulement les entreprises le font-elles par souci de responsabilité sociale, mais elles le font parce que le marché le leur dicte.

+-

    Le président: Monsieur McGuinty, voulez-vous prendre le relais?

+-

    M. David McGuinty (Ottawa-Sud, Lib.): Merci, monsieur le président. Combien nous reste-t-il de temps?

+-

    Le président: Vous avez environ quatre minutes.

+-

    M. David McGuinty: Monsieur le ministre, merci beaucoup d'être avec nous ce matin. Merci aussi à vos collègues.

    Je tiens aussi à vous remercier de rappeler aux membres du comité que votre ministère est un chef de file mondial dans le développement des indicateurs d'éco-efficacité dont a parlé M. Simard un peu plus tôt. En fait, Industrie Canada est le chef de file des pays de l'OCDE pour son travail sur les indicateurs d'éco-efficacité, particulièrement dans les domaines de l'intensité énergétique et de l'intensité hydraulique. M. Simard voudra peut-être jeter un coup d'oeil à l'analyse de l'OCDE sur le travail du Canada, qui est considéré comme un chef de file.

    J'aimerais aussi vous remercier encore une fois de rappeler au comité le travail que nous effectuons sur l'approvisionnement écologique. La notion d'éco-conditionnalité occupe une place prépondérante dans toutes nos réformes de l'approvisionnement écologique à Travaux publics. Qu'il s'agisse des normes générales de nos édifices ou de l'emplacement des établissements fédéraux sur les lignes de transport, monsieur le président, le gouvernement l'applique rigoureusement.

    Cela dit, j'aimerais vous poser une question sur le système, monsieur le ministre. Vous avez eu le privilège, du moins de mon point de vue, de présider le Comité spécial sur le changement climatique. En fait, l'ancien chef du Parti conservateur du Canada a indiqué dans son programme il y a quelques années qu'il faudrait que divers ministères soient fusionnés en un seul pour mieux gérer la notion du développement durable.

    Vous venez tout juste d'avoir le privilège de présider un comité regroupant quatre ou cinq des principaux ministères concernés, afin d'établir un plan qui sera publié demain. Pouvez-vous nous aider à comprendre la valeur de cet exercice? Est-ce que cela a bien fonctionné? Notre comité devrait-il envisager d'examiner si ce processus devrait être rendu plus ou moins permanent? Était-ce nécessaire pour tenter de concilier ces intérêts concurrents, selon toute apparence, entre les ministères et diverses parties de la société canadienne? C'est la question que je voulais vous poser. Pouvez-vous nous parler de ce processus? A-t-il porté fruit?

+-

    L'hon. David Emerson: C'est une question perspicace.

    La plupart des gens le savent, et je l'ai observé, le gouvernement du Canada a beaucoup de tentacules. Il y a beaucoup de ministères différents; le gouvernement est très fragmenté. Comme je l'ai observé depuis que je suis dans ce milieu, on est toujours tenté de recommander des réorganisations du gouvernement ou des réorganisations des ministères afin de se débarrasser de cette fragmentation. Mais en fait, je pense que toute réorganisation comporte ses lacunes. Il y a toujours des questions sur les limites entre ce qui relève de l'environnement et non des ressources naturelles; entre ce que qui relève des ressources naturelles et ce qui doit relever de l'industrie. Il y a donc toujours des problèmes de balisage.

    Le problème auquel les gouvernements sont confrontés aujourd'hui, et il va aller en s'intensifiant, est le problème même que le secteur privé a connu pendant 10 ou 20 ans : comment une grande organisation complexe peut-elle adopter un comportement efficace et uniforme d'un bout à l'autre de l'organisation, pour que toutes ses parties connaissent sa stratégie, que le comportement de toutes ses parties soit conforme à cette stratégie et que les décisions soient prises rapidement?

    Le comité spécial a été l'un des mécanismes utilisés pour rassembler les voix et intérêts disparates du gouvernement du Canada. Cela a bien fonctionné. Vous avez pu suivre l'évolution de nos travaux dans les médias. Il y a eu des fuites dans les médias presque toutes les semaines, donc tout le monde connaît maintenant les frictions et des mésententes qui règnent.

    Pour être honnête avec vous, ces mésententes sont légitimes et valables, puisqu'il est normal que les différentes parties d'une organisation en aient, étant donné que leur mandat et leur philosophie sont axés sur leurs objectifs respectifs, qui diffèrent parfois beaucoup. Certaines parties du gouvernement sont prêtes à prendre plus de risques économiques pour effectuer une transformation environnementale; certaines parties du gouvernement ne sont prêtes à prendre aucun risque économique, donc il y a des tensions naturelles. Ce comité a été très utile pour rassembler tous ces intérêts et ces perspectives différents. Je pense qu'il a vraiment porté fruit.

Á  +-(1145)  

+-

    Le président: Nous allons devoir mettre un terme à cette intervention et céder la parole à M. Cullen.

    Monsieur Cullen, allez-y.

+-

    M. Nathan Cullen (Skeena—Bulkley Valley, NPD): Merci, monsieur le président.

    Merci, monsieur le ministre, d'être avec nous aujourd'hui.

    J'aimerais revenir à ce que vous venez tout juste de dire, sur votre expérience dans le secteur privé, puis maintenant dans la sphère publique. Concernant le risque économique dont vous venez de parler, j'aimerais avoir une précision sur une observation que vous avez faite sur le secteur forestier. On a peut-être dit qu'il s'agissait d'une industrie en déclin, que cette notion existe ou non, mais il est évident qu'il s'agissait d'une industrie inefficace, particulièrement en ce qui concerne l'environnement et l'utilisation de l'énergie. Par le biais d'une immense controverse, je dirais, vous avez été poussés—le secteur a été poussé—à devenir plus viables sur le plan de l'environnement, plus efficaces. Est-ce que j'ai bien compris ce que vous avez dit sur l'effort du mouvement environnemental—nous allons utiliser ce terme—pour vous pousser vers l'avant?

+-

    L'hon. David Emerson: C'est une bonne observation. Mon expérience du passé m'a permis de reconnaître la grande valeur du mouvement environnemental, parce que l'on voyait que l'industrie forestière était très à l'aise avec le statu quo historique, qui n'était pas très écologique, pour ainsi dire. Le mouvement environnemental a lancé diverses campagnes sur le marché, avec les institutions financières, avec les médias, et a créé une véritable crise sur la qualité marchande des produits forestiers issus de forêts qu'on disait ne pas être aménagées de façon durable pour l'environnement.

    À cette époque, les écologistes ont exercé d'énormes pressions, mais cela me fait penser à une autre question de nature plus générale, mais qui nécessite toute notre attention. Au moment même où les écologistes exhortaient l'industrie forestière à rehausser ses normes et où les gouvernements exigeaient une réglementation environnementale accrue sur les forêts, nous étions confrontés à une menace protectionniste de la part des Américains. Il y avait donc la menace combinée du marché et des écologistes et celle du protectionnisme américain, et cela a véritablement mené l'industrie forestière à l'agonie.

    L'industrie forestière s'est relevée, et je n'ai pas encore réussi à trouver de réponse satisfaisante à la question de savoir s'il faut s'approcher de l'agonie pour faire la transformation qui nous permet véritablement de revenir plus fort et de façon plus durable sur le plan environnemental. Je pense qu'on peut effectuer cette transformation si les gouvernements l'encadrent mais parfois, il faut peut-être s'approcher de l'agonie pour renaître de ses cendres fort et vainqueur.

+-

    M. Nathan Cullen: C'est ce qu'on appelle l'effet du phénix.

    Pour continuer dans la même veine, vous avez parlé des règlements gouvernementaux, et je ne comprends pas bien la résistance aux règlements. D'après les fuites et les divers rapports que nous recevons sur le plan qui sortira demain, il y en a un peu.

    Prenons l'exemple d'un cas particulier dans votre ancien secteur et dans ma circonscription, celui des fours wigwams, qui ont toutes sortes d'effets indésirables en raison des particules qu'ils émettent et de leur contribution au réchauffement de la planète. L'industrie semble incapable de favoriser la rétention de l'énergie, mais on lui permet à répétition d'éviter les règlements, alors qu'il y a des incitatifs en place, donc je ne comprends pas pourquoi il y a tant de résistance. Vous avez parlé de l'expérience de la foresterie; il doit bien y avoir eu combinaison des incitatifs proposés—par le marché et le gouvernement—et des règlements nécessaires pour que l'industrie comprenne que nous sommes sérieux, qu'elle doit protéger l'habitat du saumon, par exemple, parce que la loi l'exige. Pourtant, lorsqu'on essaie de conclure un accord sur l'automobile, personne n'ose même mentionner que nous avons des règlements qui seront là et qu'il suffit de les utiliser. Pourquoi hésiter à utiliser ces règlements s'ils ont déjà été si efficaces?

Á  +-(1150)  

+-

    L'hon. David Emerson: Vous posez-là une question fort intéressante.

    Nous avons réussi à conclure 14 accords volontaires avec le secteur de l'automobile. Nous sommes convaincus que les constructeurs de véhicules automobiles vont respecter leurs engagements de façon honorable. Nous allons leur imposer des règlements s'ils s'écartent des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

    Je voudrais revenir à l'exemple que vous avez donné, car les fours wigwams constituent effectivement un gros problème dans votre région. Comme vous le savez, on pourrait utiliser les déchets de bois brûlés dans les fours wigwams pour produire de la chaleur et de l'électricité. Or, si on ne le fait pas et si les choses traînent en longueur, ce n'est pas en raison de la réglementation, mais parce que la Colombie-Britannique n'offre pas suffisamment d'incitatifs pour encourager la construction d'usines de cogénération, étant donné que l'électricité produite par celles-ci peut être vendue au réseau à un prix raisonnable.

    Donc, les incitatifs que nous créons vont favoriser les investissements de ce genre.

+-

    M. Nathan Cullen: Merci de la réponse. Nous pourrons en rediscuter plus tard, privément.

    J'ai demandé aux ministre des Finances, de l'environnement et des ressources naturelles de nous donner une idée de la rentabilité des investissements qui ont été effectués jusqu'à maintenant—dans quelle mesure ces investissements nous ont permis de réduire la pollution. On a laissé entendre que des investissements de près de 4 milliards de dollars avaient été réalisés, alors que les dépenses réelles, elles, atteignent près de 2 milliards de dollars. Le montant varie, selon que l'on pose la question à telle ou telle personne.

    Encore une fois, je vois mal comment des actionnaires accepteraient qu'on leur dise, voici notre plan, sans cibles et dates précises pour ce qui est des résultats que l'entreprise espère obtenir. Or, on a beaucoup parlé du fait que le plan qui va être dévoilé demain ne contient ni cibles ni dates précises. Comment voulez-vous que les Canadiens croient en l'efficacité de ce plan si le gouvernement est incapable de me dire, alors que j'ai posé la question à trois ministres, dans quelle mesure la pollution a été réduite?

    Les preuves recueillies montrent que la pollution continue d'augmenter au fil des ans—peu importe que l'on ait signé et ratifié l'accord de Kyoto, la pollution continue de croître. Voilà que nous prévoyons, demain, déposer un plan qui, vraisemblablement, ne contient toujours pas de cibles, de dates précises ou de mécanismes nous permettant de déterminer dans quelle mesure les investissements, qu'ils soient de 5, 10 ou 20 milliards de dollars, vont effectivement permettre de réduire la pollution.

+-

    L'hon. David Emerson: Je ne veux pas revenir sur ce qui a été fait dans le passé. Je regarde vers l'avenir. Le plan qui va être dévoilé demain va comprendre, et c'est là un élément fondamental, un suivi quantitatif et une évaluation de l'efficacité des diverses mesures qui sont prises, c'est-à-dire celles qui sont les plus rentables, de même qu'un mécanisme de transfert de fonds, comme on en trouverait dans n'importe quelle entreprise, entre les programmes et les initiatives qui donnent des résultats et sont rentables et ceux qui ne le sont pas. Il s'agit là d'un aspect fondamental du plan, et vous allez pouvoir nous demander des comptes.

+-

    M. Nathan Cullen: Si j'ai bien compris, un an après la mise en oeuvre du plan, je vais pouvoir reposer la question aux ministres, et ils vont me répondre : voici ce que nous avons dépensé jusqu'à maintenant, voici les réductions qui ont été réalisées et voici les changements que nous allons effectuer au niveau des investissements. C'est bien ce que vous dites?

+-

    L'hon. David Emerson: Vous allez pouvoir leur poser la question, mais il ne faut pas perdre de vue qu'il s'agit d'un plan de mise en oeuvre à moyen terme, et que les investissements qui ont été planifiés vont être bonifiés de façon considérable au fil du temps. Mais cela dit, vous allez pouvoir poser cette question.

+-

    M. Nathan Cullen: J'aimerais parler brièvement des transports. Comme vous le savez, l'établissement d'un corridor de transport vers le nord m'intéresse au plus haut point. Quelle importance doit-on accorder aux transports, aux investissements dans le transport, notamment dans nos installations portuaires, eu égard à Kyoto? Est-ce que le gouvernement envisage d'améliorer nos systèmes de transport à l'interne et outre-mer en investissant davantage dans ceux-ci?

Á  +-(1155)  

+-

    L'hon. David Emerson: Oui. Nous devrions, en fait, accorder plus d'attention à cette question. Prenons l'exemple de Prince Rupert, du corridor de transport qui mène à Prince Rupert et au port, aux possibilités que nous avons de desservir l'Asie. Il est clair que ce corridor et les investissements qui y seront consacrés vont nous permettre d'approvisionner certains marchés très importants de manière plus efficace, et aussi plus rapidement. Nous allons consommer moins de combustibles fossiles quand nous allons livrer du bois, des pâtes et papiers ou du charbon au Japon ou en Chine. Ce facteur est important. Je mentirais si je disais qu'il joue un rôle déterminant dans le processus décisionnel, mais il reste que ce facteur est important.

+-

    M. Nathan Cullen: Merci.

    Merci, monsieur le président.

+-

    Le président: Monsieur Watson.

+-

    M. Jeff Watson: Merci, monsieur le président.

    Monsieur le ministre, je voudrais revenir au secteur de l'automobile. Vous avez parlé des améliorations que vous avez cherché à apporter au processus environnemental grâce aux fonds investis par le gouvernement fédéral dans l'industrie. Vous avez laissé entendre que c'est au chapitre des émissions de gaz d'échappement, du rendement du carburant, ainsi de suite, que les progrès les plus notables seront enregistrés. Or, 20 p. 100 des véhicules produits au Canada sont utilisés ici. Les autres, soit 80 p. 100, sont exportés aux États-Unis. Le protocole d'entente conclu avec le secteur canadien de l'automobile prévoit seulement une réduction de 5,3 mégatonnes, ce qui ne contribue pas vraiment à solutionner le problème sur nos routes.

    Ma première question est la suivante : pourquoi n'a-t-on jamais envisagé d'adopter une norme continentale en vue d'améliorer, selon un échéancier bien précis, le rendement du carburant des véhicules non seulement au Canada, mais à l'échelle du continent, norme qui nous permettrait de combler le désavantage concurrentiel qui existe par rapport à l'Union européenne et aux constructeurs asiatiques? Voilà pour la première question. Pourquoi n'a-t-on jamais adopté de norme continentale? Cette mesure ne serait-elle pas plus efficace que la règle de 20 p. 100?

+-

    L'hon. David Emerson: La question est intéressante. Les discussions entre le premier ministre, le président Bush et le président Fox du Mexique ont abouti à l'établissement d'un partenariat en matière de sécurité et de commerce. Le volet commerce englobe un examen des incompatibilités qui existent au niveau des règlements touchant certains secteurs. L'industrie de l'automobile est l'un des secteurs visés. Nous comptons rencontrer les représentants de l'industrie canadienne de l'automobile et les divers intervenants qui font partie du partenariat pour le secteur canadien de l'automobile. Nous allons nous pencher sur cette question dans le cadre de cette initiative.

+-

    M. Jeff Watson: Le fait est que si nous voulons réduire les émissions de gaz d'échappement au Canada, nous allons devoir nous attaquer aux véhicules qui sont fabriqués aux États-Unis et vendus au Canada. Il aurait fallu s'occuper de ce problème avant de conclure ce partenariat. Nous aurions pu le régler il y a plusieurs années de cela.

    J'aimerais parler du rôle du secteur de l'automobile dans la stratégie post-Kyoto. Buzz Hargrove a jonglé avec l'idée, et j'ai eu l'occasion de discuter avec lui—le caucus de l'automobile du Parti conservateur aussi—, de la question des émissions de gaz d'échappement, entre autres. Ce qu'il demande essentiellement, et vous le savez sans doute déjà , c'est un échéancier d'objectifs réalisables qui ont été négociés avec le secteur de l'automobile.

    Avez-vous entrepris des négociations en vue d'établir un échéancier post-Kyoto avec le secteur de l'automobile? Envisagez-vous d'entreprendre de telles négociations, ou allons-nous encore une fois conclure à la onzième heure une entente qui encourage l'industrie à réduire encore davantage ses émissions de gaz à effet de serre?

+-

    L'hon. David Emerson: Nous comptons, en fait, consulter le secteur de l'automobile par l'entremise du CPSCA, et discuter avec lui de la stratégie post-Kyoto, des émissions de gaz à effet de serre, des enjeux environnementaux. Nous avons l'intention de négocier...

+-

    M. Jeff Watson: Allez-vous établir un plan assorti d'objectifs et de dates précises de réalisation? Est-ce que cela fait partie de la stratégie du gouvernement?

+-

    L'hon. David Emerson: L'accord actuel contient des objectifs provisoires dont nous entendons suivre la réalisation. Pour ce qui est de la période post-Kyoto, après 2012, nous allons nous pencher sur des questions encore plus fondamentales qui feront l'objet d'un plan où seront définis les échéanciers, les objectifs mesurables, les résultats attendus, ainsi de suite.

  +-(1200)  

+-

    M. Jeff Watson: Concernant les incitatifs fiscaux, qui constituent la pièce maîtresse de la stratégie de mise en oeuvre de l'accord de Kyoto... Prenons l'exemple des programmes d'enseignement postsecondaire. Nous avons des budgets qui prévoient le versement de centaines de millions de dollars pour améliorer l'accessibilité à l'enseignement postsecondaire. Or, ces budgets sont sous-utilisés. Autrement dit, une partie seulement des fonds sont utilisés.

    Est-ce que votre ministère, par exemple, sait dans quelle mesure les entreprises se prévalent des incitatifs fiscaux qui leur sont destinés pour changer leur comportement? Autrement dit, que pouvons-nous attendre des nouveaux incitatifs fiscaux qui sont offerts dans le cadre de l'accord de Kyoto? Dans quelle mesure les entreprises vont-elles s'en prévaloir pour changer leur comportement? Existe-t-il des données historiques susceptibles de nous montrer ce à quoi nous pouvons nous attendre cette fois-ci?

+-

    L'hon. David Emerson: Les crédits d'impôt, les déductions pour amortissement accéléré, ainsi de suite, sont jugés efficaces lorsque les entreprises réalisent des profits et paient des impôts; ils sont jugés peu efficaces lorsque les entreprises affichent de moins bons résultats. Il est inutile d'accorder des déductions fiscales à une industrie qui ne réalise pas de profits. Si elle se trouve dans un cycle conjoncturel favorable, elle va se trouver en meilleure posture que si elle se trouve dans un cycle conjoncturel défavorable.

+-

    M. Jeff Watson: Permettez-moi de reformuler la question.

    Avez-vous des chiffres qui indiquent dans quelle mesure les entreprises se prévalent des incitatifs fiscaux en période de prospérité économique?

+-

    L'hon. David Emerson: Il y a, dans le budget, des chiffres qui laissent entendre... En fait, le coût des incitatifs fiscaux nous donne une idée du nombre d'entreprises qui s'en prévalent. Celui-ci devrait se situer entre 150 et 200 millions au cours des cinq prochaines années. Il y a donc des entreprises qui utilisent les incitatifs.

+-

    Le président: Monsieur Watson, je vais devoir vous interrompre. Votre temps est écoulé.

+-

    M. Jeff Watson: Merci, monsieur le président.

+-

    Le président: Chers collègues, j'aimerais avoir votre avis.

    Nous devons entendre le chef Fontaine, qui est ici. Nous avions prévu consacrer une heure au ministre. Cette heure est maintenant écoulée. Puis-je proposer qu'on entende maintenant le témoignage du chef Fontaine? Êtes-vous d'accord?

    Merci beaucoup.

    Merci, monsieur le ministre, d'avoir comparu devant le comité.

+-

    L'hon. David Emerson: C'est moi qui vous remercie.

+-

    Le président: Nous sommes heureux de vous avoir rencontré. Et monsieur Franen, merci beaucoup.

    Nous allons demander au chef Fontaine de s'avancer.

    Chef Fontaine, merci d'être venu. Votre comparution arrive à point nommé, étant donné que le plan d'action sur le changement climatique doit être déposé demain. Comme nous le savons, l'accord de Kyoto et les enjeux environnementaux sont des questions qui intéressent tous les intervenants, et les Premières nations notamment. Votre présence ici est donc fort opportune. Encore une fois, merci d'être venu.

    Habituellement, nous prévoyons plus ou moins dix minutes pour l'exposé, et dix minutes pour les questions et réponses. Nous avons ensuite des tours de cinq minutes, si le temps le permet.

    Bienvenue. Je vais vous céder la parole, au cas où vous auriez une déclaration à faire. Nous passerons ensuite aux questions.

    Merci.

+-

    Chef Phil Fontaine (chef national, Assemblée des Premières Nations): Merci beaucoup, monsieur le président.

    D'abord, je tiens à remercier le comité de nous donner l'occasion de comparaître devant lui. Nous sommes conscients du travail important que vous êtes en train d'effectuer, et aussi des nombreux défis auxquels vous êtes confrontés, alors que vous devez vous assurer que nous agissons dans l'intérêt de tous les Canadiens et, pour ce qui est de notre responsabilité, des Premières nations.

    Je suis accompagné de Peigi Wilson, qui s'occupe du dossier de l'environnement pour le compte de l'Assemblée des Premières nations.

    J'ai préparé un mémoire qui risque de prendre plus de 10 minutes. Je vais essayer d'aller aussi loin que je peux, compte tenu du temps qui m'est alloué. Vous vous chargerez de lire le reste. Je ne pourrai pas en faire toute la lecture.

  +-(1205)  

+-

    Le président: Ne vous inquiétez pas. Le comité sait faire preuve de souplesse.

+-

    Chef Phil Fontaine: Merci.

    Je suis heureux de vous rencontrer.

    Mon exposé sera axé sur trois thèmes : les besoins et les intérêts uniques des Premières nations à l'égard de cette question; les différentes façons dont les Premières nations peuvent aider le Canada à respecter ses obligations en vertu du Protocole de Kyoto, y compris ce dont nous avons besoin pour y arriver; et la création de scénarios gagnants pour le Canada et les Premières nations. Je compte également aborder les points suivants : la réduction de la demande en énergie des Premières nations, la réussite des plans existants relatifs aux changements climatiques en réponse aux besoins des Premières nations; la participation des Premières nations à la création de sources d'énergie de remplacement et à l'élaboration de techniques de piégeage du carbone.

    Enfin, je proposerai des suggestions pour aller de l'avant. Bien que je sois conscient du fait que le comité concentre ses efforts sur la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto et qu'il soit, par conséquent, davantage préoccupé par les questions touchant l'efficacité énergétique et l'énergie renouvelable que par les incidences et les mesures d'adaptation, je soulignerai dans mes propos les liens existants entre ces deux questions, et j'insisterai sur l'adoption d'une approche globale à l'égard des changements climatiques.

    Qui sont les Premières nations et l'Assemblée des Premières nations, l'APN? Nous représentons 633 Premières nations qui comptent plus de 750 000  membres vivant dans les réserves et hors réserve. Nous favorisons une approche inclusive à l'égard de nos membres qui vivent dans l'ensemble du pays. Aussi, nous avons en place des conseils officiels qui veillent à ce que les voix des femmes, des jeunes et des aînés sont entendues dans toutes nos discussions et délibérations. L'APN agit à titre de tribune nationale déléguée dont le mandat est d'encourager l'adoption et l'harmonisation de mesures efficaces, collectives et concertées et d'assurer la réalisation des aspirations des Premières nations.

    Les chefs de l'APN se réunissent tous les ans, et selon les besoins, en vue d'établir une politique nationale par voie de résolutions. Nos dirigeants sont élus par les membres, et définissent les orientations de l'organisation nationale en tenant compte des exigences des membres. De cette façon, l'Assemblée des Premières nations rend des comptes à ses membre et à ses collectivités. Nos collectivités varient grandement : certaines ont moins de 100 habitants, et d'autres, plus de 10 000. Certaines collectivités sont établies tout près de villes dans certaines des régions les plus peuplées du Canada, tandis que d'autres sont situées dans des régions éloignées et ne sont accessibles que par voie aérienne. Quatre-vingt pour cent de nos collectivités sont situées dans la forêt boréale.

    La population des Premières nations est le segment le plus jeune et celui qui connaît la croissance la plus rapide au Canada. Selon les données du recensement de 2001, l'âge moyen de la population des Premières nations est de 23,5 ans, comparativement à 37,7 ans pour la population non autochtone. Nos jeunes gens représentent l'avenir de cette nation. Notre avenir est également le vôtre. Or, nous sommes également les plus pauvres et les moins scolarisés, et nous avons une espérance de vie moins élevée que celle des autres groupes au Canada. Les taux de suicide et de violence dans nos collectivités sont alarmants. Un jeune de huit ans s'est suicidé, récemment, à God's Lake, dans le nord du Manitoba. Il avait un frère de 11 ans qui lui aussi s'est suicidé. Voilà la réalité avec laquelle nous devons composer—8 et 11 ans. J'ai moi aussi des petits-enfants. J'ai une petite-fille de 8 ans, et un petit-fils de 12 ans. La situation est inquiétante.

    Les membres des Premières nations continuent de suivre un mode de vie traditionnel—du moins, je devrais dire qu'un grand nombre de nos membres continuent de suivre un mode de vie traditionnel—qui est menacé par les changements climatiques. Nos traditions sont différentes de celles des autres Canadiens et Canadiennes. Nous avons tendance à vivre plus près de la terre, étant donné que nous sommes tributaires de celle-ci pour notre alimentation, nos produits médicinaux et notre inspiration spirituelle et culturelle. Nos structures sociales traditionnelles ont toujours été axées sur la relation que nous avons avec la terre. Les pratiques environnementales insoutenables ou irresponsables sont problématiques pour l'univers dans son ensemble, mais leurs effets se font sentir plus rapidement et de façon plus profonde au sein des collectivités des Premières nations. Par exemple, la perte d'un troupeau de caribous, une composante principale du régime alimentaire des Premières nations dans le Nord québécois, constitue une menace pour la sécurité alimentaire des Premières nations, mais un problème mineur pour les non-Autochtones.

  +-(1210)  

    La perte d'aliments s'accompagne de pertes au niveau de l'autosuffisance, des occasions de poursuivre notre mode de vie traditionnel et de partager nos traditions avec la génération montante. Notre mode de vie est menacé alors que nous perdons des occasions sur le plan de l'expression de la culture et de l'enrichissement en raison des répercussions du changement climatique sur les types de peuplement, sur les sources d'aliments et de produits médicinaux ainsi que sur les sites spirituels.

    Cela a pour effet d'aggraver les pressions sévères sur le plan social, économique et culturel à l'égard des Premières nations alors que nous luttons déjà avec les changements profonds qui nous ont affectés. La perte d'occasions d'exprimer notre culture déclenche à son tour des problèmes sociaux qui nous font perdre espoir en l'avenir. Par conséquent, la dégradation environnementale a souvent un effet plus direct et plus néfaste sur les peuples des Premières nations. Notre santé est également menacée en raison des répercussions du changement climatique, plus particulièrement en ce qui a trait au déclin de la diversité d'aliments traditionnels et de produits médicinaux fabriqués à l'aide de végétaux.

    L'épidémie de diabète en est une preuve. Il est devenu de plus en plus évident que la santé de l'environnement est un déterminant clé de la santé humaine. Le bien-être collectif et les possibilités de subsistance spirituelle sont également des déterminants de santé importants. Les Premières nations font face à de nombreux défis à cet égard, dont plusieurs diffèrent de ceux que doit relever la collectivité non autochtone.

    Nous sommes heureux que le gouvernement fédéral ait reconnu le lien existant entre les gaz à effet de serre et la santé humaine dans ses modifications proposées à la Loi canadienne sur la protection de l'environnement de 1999. Nous en sommes encore à examiner la modification proposée en ce qui a trait aux termes « toxique selon la LCPE ». Nous encourageons le gouvernement fédéral à poursuivre sur sa lancée pour ce qui est de s'attaquer aux répercussions sur la santé humaine dues à la dégradation environnementale. Notre espérance de vie est déjà moins élevée que celle des non-Autochtones vivant au Canada, et nos coûts de santé connaissent une hausse vertigineuse.

    Les Premières nations ne font pas seulement face à des défis plus pressants en raison du changement climatique, elles ont aussi la capacité la plus faible d'y faire face. Les Premières nations sont parmi les plus pauvres au Canada—je le répète—, et en tant que groupe, elles ont la capacité la plus faible de s'ajuster aux pressions qui l'attendent en raison du changement climatique. Nous avons la capacité la plus faible en matière d'accès au capital, les niveaux de scolarisation les plus faibles et l'assiette territoriale la plus petite pour nous aider à affronter fructueusement les ralentissements économiques.

    Cela constitue un facteur critique dans l'élaboration d'une politique économique et budgétaire efficace pour réagir aux changements climatiques. Des incitatifs fiscaux—tels que des remboursements de la TPS ou de la taxe de vente provinciale pour les principaux appareils ménagers évalués à l'aide des critères ENERGY STAR—susciteront très peu de réactions auprès des Premières nations. Nous sommes non seulement exemptés de ces taxes pour des articles achetés à des fins d'usage dans les réserves, mais nous disposons d'une faible capacité d'acheter de tels articles au départ.

    Le plan de mise en oeuvre de Kyoto doit répondre aux besoins et aux circonstances uniques inhérentes aux Premières nations. Nous détenons également des droits différents de ceux des non-Autochtones au Canada. C'est en raison de notre relation unique avec la Couronne. Ces droits sont constitutionnellement protégés et fournissent la meilleure protection juridique pour les terres. Bien que nous puissions débattre ce qui est inclus dans cet ensemble de droits, celui-ci comprend à tout le moins le droit à la chasse et à la pêche ainsi que celui de se rassembler au sein de nos territoires traditionnels.

    Nous jouissons également des mêmes droits que les Canadiens et les Canadiennes non autochtones au chapitre de la liberté de religion et de l'expression culturelle, bien que nous puissions les invoquer de façon différente de nos voisins non autochtones. Notre capacité d'invoquer nos droits et d'en jouir est affectée par le changement climatique. Par exemple, le changement climatique provoque une perte de la biodiversité dont nous dépendons pour assurer notre santé et notre bien-être. Cette perte crée à son tour un stress additionnel au sein de nos collectivités, ce qui se traduit par une dégradation croissante de l'harmonie sociale. Ne pas s'attaquer aux causes du changement climatique constitue une omission à protéger nos droits.

    Comment pouvons-nous aider? Les Premières nations sont vivement intéressées à apporter leur soutien dans la lutte internationale pour contrer le réchauffement climatique. Pour nous, c'est une question de survie. Nous voulons travailler en collaboration avec le gouvernement, l'industrie et le public afin de relever ce défi. Nous avons beaucoup à offrir. Nous avons vécu dans ce territoire depuis des temps immémoriaux. Nous détenons un savoir composé de connaissances recueillies au fil des siècles, un savoir qui nous a été transmis par nos ancêtres, d'une génération à l'autre.

  +-(1215)  

    Nous connaissons ce territoire intimement—l'environnement, la géographie, les végétaux et les animaux. Nous savons comment ce territoire réagit en période de stress. Combiner notre savoir à l'expertise des scientifiques non autochtones nous permettra à tous de mieux comprendre les forces en jeu.

    Beaucoup de choses au sujet des incidences possibles du changement climatique demeurent inconnues. On peut améliorer la modélisation mathématique en y intégrant le savoir des Premières nations. Nous voulons travailler avec la collectivité non autochtone afin de partager notre expérience et notre compréhension.

    Bien sûr, il faut reconnaître le besoin pour la collectivité de protéger et de contrôler ce savoir, afin de garantir les droits et les intérêts des Premières nations.

    Notre savoir traditionnel peut aussi contribuer à l'élaboration d'une politique et de programmes efficaces, particulièrement ceux qui visent à promouvoir le développement durable. Le fait d'apporter notre perspective unique à l'égard des enjeux dont il est question, peut faciliter une plus grande compréhension et éventuellement suggérer de nouvelles approches. Cependant, afin d'aider, nous devons être inclus.

    Les Premières nations n'ont pas été invitées à participer au processus de préparation du plan fédéral de Kyoto. Le fait de m'avoir donné cette occasion de m'adresser au comité parlementaire est un pas dans la bonne direction. Nous devons toutefois en faire plus. Nous devons participer à l'élaboration des politiques, à la recherche ainsi qu'à l'analyse scientifique et économique.

    Le premier ministre actuel parle du besoin de changement transformateur et il a promis de réserver des sièges à la table pour les collectivités autochtones. Un siège à la table signifie que les Premières nations doivent être en mesure de traiter avec les provinces et le gouvernement fédéral en tant que partenaires égaux, de nation à nation et de gouvernement à gouvernement.

    Le changement transformateur veut dire accepter et investir dans la composante la plus importante pour le développement d'une responsabilisation concrète, d'une cohésion sociale et de la croissance économique—et j'entends par là l'autonomie gouvernementale.

    Nos perspectives et intérêts uniques doivent être reconnus et intégrés à la législation, aux politiques, aux programmes, à l'analyse scientifique ainsi qu'aux programmes d'éducation et de formation et ce, à l'aide d'un dialogue et d'une consultation bien informés et exécutés dans le respect et en temps opportun. Il faut nous inclure, à titre de partenaires égaux, de gouvernement à gouvernement, aux travaux de l'ensemble des organismes décisionnels réguliers et spéciaux qui ont le pouvoir d'influer sur nos intérêts.

    Le premier ministre s'est engagé auprès des Premières nations à ne plus élaborer de politiques sans nous mettre à contribution. Il faut nous inclure, et nous sommes prêts à partager nos conseils et notre expérience.

    Énormément d'argent a déjà été dépensé par le gouvernement, mais les Premières nations n'en profitent pas ou se voient accorder trop peu d'importance pour le rôle qu'elles peuvent jouer. Nous devons nous assurer que les programmes répondent aux besoins des Premières nations et qu'ils sont administrés par l'entremise d'institutions de ces dernières.

    Il existe un nombre assez important de ministères et d'organismes publics responsables des diverses questions ayant trait à l'environnement, au changement climatique et au développement énergétique et économique, dont notamment le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, Environnement Canada, l'Agence canadienne d'évaluation environnementale, Ressources naturelles Canada et la Société d'hypothèques et de logement.

    Il faut coordonner les travaux réalisés par ces derniers afin de s'assurer que les préoccupations et les questions qui touchent les Premières nations sont prises en charge de manière adéquate avec un minimum de bureaucratie.

    Ce cadre doit tenir compte des priorités intergouvernementales. Il faut examiner les politiques fédérales pour s'assurer qu'elles ne contiennent aucun élément dissuasif pour les Premières nations par rapport à la réalisation d'initiatives ayant trait à l'efficacité énergétique et à l'énergie renouvelable.

    Parallèlement, nous pouvons nous tourner vers les Premières nations en ce qui a trait à l'innovation et au leadership. Les Premières nations et d'autres peuples autochtones vivent des répercussions importantes en raison du changement climatique, et ils seront parmi les premiers à prendre des mesures d'adaptation à cet égard. Nous sommes à l'avant-garde à ce chapitre.

    Les gouvernements non autochtones et les particuliers doivent saisir l'occasion qui est offerte à l'ensemble des Canadiens et des Canadiennes de s'instruire au sujet de l'atténuation des changements climatiques et de l'adaptation à ces derniers, grâce aux expériences, aux mesures d'intervention et à la résistance des Premières nations.

    Le premier ministre affirme partager notre engagement par rapport à la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto et à la lutte contre la pauvreté et les conditions sociales défavorables dans nos collectivités. Ces objectifs communs peuvent être réalisés à l'aide de partenariats entre les Premières nations et le gouvernement. C'est une solution où tout le monde est gagnant.

  +-(1220)  

    Le Protocole de Kyoto constitue une excellente occasion de s’attaquer aux priorités des Premières nations tout en travaillant à l’atteinte des objectifs de Kyoto. Le fait de répondre aux intérêts des Premières nations et de les inviter à participer au processus décisionnel, aidera le Canada à obtenir de meilleurs résultats que s’il nous laisse de côté. Dans toute crise, il existe des occasions à saisir et cela inclut le changement climatique.

    Un plan de mise en oeuvre pour le Protocole de Kyoto, qui tient compte des besoins et des intérêts uniques des Premières nations et qui nous inclut au moment de la planification et de la mise en oeuvre, peut s’avérer bénéfique pour le Canada et les Premières nations. En tant que consommateurs d’énergie, les Premières nations peuvent faire leur part pour réduire la demande globale d’énergie. Afin d’élaborer des programmes et des politiques efficaces, les décideurs doivent toutefois comprendre les circonstances particulières qui s’appliquent aux Premières nations.

    Par exemple, la situation du logement des Premières nations est lamentable. C’est une vraie honte nationale. Non seulement beaucoup de nos maisons sont insalubres pour nous, elles sont également insalubres pour l’environnement. Des cabanes recouvertes de papier goudronné, avec des fenêtres faites de feuilles de plastique et des trous dans les murs bouchés à l’aide de papier journal et de vieux vêtements, entraînent des pertes de chaleur dans l’atmosphère. Les maisons inefficaces sur le plan énergétique accentuent la demande en énergie et font donc augmenter les émissions de gaz à effet de serre. Il est évident que le fait d’améliorer la qualité du logement réduira notre demande globale en énergie et réduira les gaz à effet de serre.

    Les sources d’énergie utilisées dans les collectivités des Premières nations peuvent être examinées à la lumière des réductions de gaz à effet de serre qui s’y rattachent. Par exemple, de nombreuses maisons dans les collectivités éloignées sont chauffées au bois à l’aide de petits poêles à bois qui sont inefficaces sur le plan énergétique et qui sont une source d’émission de gaz à effet de serre. Le bois et les autres sources d’énergie tirées de la biomasse constituent un approvisionnement en énergie renouvelable; il fait alors du sens de continuer à s’alimenter à partir de cette source pour répondre à nos besoins énergétiques. Des programmes pour faciliter l’accès des Premières nations à des poêles à bois étanches à l’air ou à des systèmes fonctionnant à l’énergie tirée de la biomasse seraient appropriés.

    Les collectivités des Premières nations qui sont situées hors réseau dépendent de génératrices fonctionnant au diesel pour leurs besoins énergétiques. La livraison du carburant se fait à coût très élevé, souvent sur des routes d’hiver qui deviennent de moins en moins sûres en raison du changement climatique. Remplacer ces génératrices par des options énergétiques renouvelables et éprouvées, peut aider à réduire la quantité d’émissions de gaz à effet de serre de ces collectivités et cela apporte l’avantage supplémentaire de créer un approvisionnement énergétique fiable.Ces avantages profiteront à l’ensemble du Canada et à tous les Canadiens.

    La grande majorité des membres des Premières nations vivent dans la forêt boréale, une forêt qui est un puits important de gaz à effet de serre. Le fait de protéger la forêt boréale protège les membres des Premières nations, leurs traditions et leur économie. Cela protège également la biodiversité et permet de contrebalancer les émissions de gaz à effet de serre. Les Premières nations ont des liens inhérents avec la forêt boréale. Nos activités traditionnelles dépendent d’un écosystème forestier intact. La forêt abrite nos produits médicinaux traditionnels, notre alimentation traditionnelle sous forme d’animaux sauvages, d’oiseaux et de petits fruits, nos sites sacrés, nos activités spirituelles, culturelles et récréatives et les possibilités sur le plan économique. La forêt est essentielle à notre bien-être. À mesure que les répercussions du changement climatique s’aggraveront, les Premières nations seront mises à l’épreuve et subiront des pertes probables sur le plan du savoir traditionnel, des activités traditionnelles et de la culture traditionnelle.

    Les co-bénéfices nationaux obtenus par le fait de récompenser les Premières nations pour la gérance durable de la forêt boréale, y compris des paiements pour les puits forestiers, s’avéreront plus économiques et préférables à l’achat des crédits pour le carbone à l’échelle internationale. C’est une approche où tout le monde gagne. Nous pouvons examiner certains exemples où des travaux sont déjà en cours. La nation des Cris de Little Red River et les Premières nations innues travaillent à la gérance des forêts dans leurs territoires traditionnels en vue d’accroître le stockage de carbone au moyen d’une approche combinée de gestion durable efficace, de protection des réserves d’espèces sauvages importantes et de la plantation de nouveaux arbres dans les zones déboisées.

    Le déboisement et la mauvaise gestion forestière sont responsables de 25 p. 100 des émissions totales de gaz à effet de serre à l’échelle mondiale. Le fait d’appuyer une bonne gérance forestière est un facteur important dans la lutte contre le changement climatique.

    Nous devons examiner des solutions à long terme pour les Premières nations. Nous devons nous assurer que des solutions ayant trait à l’efficacité énergétique et à l’énergie renouvelable font partie du plan. Nous détenons des intérêts économiques dans l’industrie de l’énergie, y compris le pétrole et le gaz naturel. Bien que nous cherchions des possibilités économiques pour nous permettre de répondre aux besoins immédiats de nos collectivités, nous savons très bien que les possibilités à court terme ne correspondent pas nécessairement à nos intérêts à long terme. Nous voulons nous assurer d’une participation au sein du secteur de l’énergie qui soit durable pour les générations futures.

    Nos stratégies devraient inciter et promouvoir la participation des jeunes des Premières nations à relever le défi du changement climatique et à accroître les occasions d’emploi et les possibilités économiques là où elles peuvent être créées. Nos jeunes représentent le présent et l’avenir. Nous devons bâtir une capacité au sein des collectivités des Premières nations à l’aide de l’éducation, de la formation et du développement des compétences, particulièrement pour les jeunes. Il faut élaborer une telle capacité en tenant compte de la durabilité et en visant la stabilité financière adéquate à long terme.

    S’assurer que les questions urgentes et imminentes qui attendent les Premières nations sont prises en charge, permettra aux collectivités d’élaborer des stratégies à long terme pour le développement durable. Nos collectivités ont besoin d'une infrastructure, et nous devons en faire plus afin de garantir aux collectivités des Premières nations un accès à des approvisionnements énergétiques sûrs et durables. Le fait d’appuyer la mise en oeuvre de technologies avancées sur le plan écologique—même si elles peuvent coûter plus cher à l’heure actuelle—permettra de réduire les répercussions du changement climatique et d’économiser sur des coûts ultérieurs d’améliorations éconergétiques. Le gouvernement peut investir dans les entreprises canadiennes agissant à titre de fournisseurs de produits technologiques avancés sur le plan écologique pour les Premières nations. Cela aidera à soutenir les nouvelles entreprises de ce secteur.

    Dans le cadre de ce plan, le gouvernement devrait élaborer un programme pour soutenir l’entrepreneuriat au sein des Premières nations. Nous pouvons créer des possibilités d’emploi et appuyer les entreprises grâce à des initiatives telles que le développement énergétique durable, des nouveaux logements à haut rendement énergétique et l’infrastructure, ainsi qu’un programme de réaménagement des logements des Premières nations visant à créer des logements sains et éconergétiques. En fait, plus d’une Première nation participent déjà à des projets relatifs à l’énergie de remplacement. Ces projets aident non seulement les Premières nations, mais ils contribuent également à réduire la quantité globale d’émissions de gaz à effet de serre au Canada. Et nous constatons encore une fois l’avantage supplémentaire qu’apporte le fait de bâtir une économie robuste et viable pour les Premières nations qui, à son tour, profite à l’économie nationale.

    Le gouvernement fédéral peut appuyer les initiatives des Premières nations visant à promouvoir l’énergie renouvelable et l’efficacité énergétique, ainsi qu’examiner le potentiel de développement économique que représente le Protocole de Kyoto pour les collectivités des Premières nations. Les programmes doivent rejoindre les collectivités des Premières nations et être en mesure d’appuyer le renforcement des capacités aux niveaux local et régional. Nous devons examiner comment les solutions peuvent créer des possibilités de développement économique et de l’emploi dans nos collectivités.

    Nous sommes au courant d’au moins 22 projets actuels qui, au sein des Premières nations, appuient l’énergie renouvelable et l’efficacité énergétique. Dans le sud de l’Alberta par exemple, la nation Piikani exploite l’énergie éolienne, une source d’énergie de remplacement, pour produire une électricité non polluante. Ce projet offre des possibilités de développement économique et de création d’emplois, tout en respectant les éléments traditionnels faisant partie de la culture des membres de la nation Piikani. Nous pouvons donner de nombreux autres exemples, y compris le programme d’habitations durables du territoire mohawk de Kahnawake; le projet de récupération de la chaleur résiduelle de la Première nation de Fort Severn; le plan du Conseil tribal de Island Lake afin de distribuer des poêles à bois à haute efficacité énergétique et le projet de chauffage des locaux à la Première nation du Lac Seul.

    Les Premières nations doivent surmonter un certain nombre de défis en ce qui a trait à l’efficacité énergétique, dont le manque de capacité, les désavantages sur le plans économique, technique et social, une participation insuffisante à la planification et au processus décisionnel ainsi qu'un environnement présentant des défis sur le plan politique, réglementaire et juridictionnel. Les défis sur le plan de la capacité nécessitent une attention immédiate, mais on leur accorde souvent une priorité moins élevée en raison d’autres besoins urgents. La planification et le processus décisionnel constituent une question préoccupante à cause des restrictions imposées qui limitent la capacité des Premières nations de planifier à long terme. Durant l’élaboration et la mise en oeuvre de projets, des enveloppes de financement peuvent être accessibles seulement pour une courte période; la capacité d’accès à des programmes peut être compromise par des efforts limités sur le plan de la sensibilisation et une période de temps insuffisante pour demander un financement de programme; l’horizon de planification des collectivités peut être limité, et le soutien politique peut être irrégulier. De plus, les programmes ayant trait à l’énergie renouvelable et à l’efficacité énergétique sont divisés entre plusieurs ministères différents, et chaque ministère a ses propres priorités. Il existe un besoin d’intégrer les dépenses et les résultats gouvernementaux pour les initiatives qui ont les mêmes objectifs et activités.

    Les défis sur le plan économique sont attribuables au fait que peu de Premières nations ont la capacité d'engendrer leurs propres recettes. La capacité d’autofinancement de projets énergétiques représente un dur défi, étant donné que plusieurs Premières nations n’ont pas les ressources financières nécessaires ou les moyens d’acquérir de telles ressources. Le gouvernement doit également éliminer les subventions et les distorsions des prix favorisant les sources d’énergie non renouvelables, et créer des incitatifs ciblés pour l’énergie renouvelable et favorisant la concurrence du marché.

    Nous devons également trouver des technologies qui, en matière d’énergie renouvelable et d’efficacité énergétique, conviennent aux régions éloignées. Cela signifie que nous devons tenir compte des questions touchant l’installation, l’exploitation et l’entretien, et également tenir compte de l’accès, du climat et du terrain. En dernier lieu, nous devons nous occuper de la question de la perception du milieu selon laquelle les investissements dans les mesures d’économie de coûts réalisés au moyen de l’énergie renouvelable et de l’efficacité énergétique posent des risques incertains et inacceptables aux gouvernements et aux citoyens des Premières nations.

    Nombre de ces questions constituent des préoccupations pour l’ensemble des Canadiens et Canadiennes, et pas seulement pour les Premières nations. En vue de résoudre ces questions de façon adéquate, il faudra peut-être des programmes conçus spécialement pour les Premières nations. Le fait d’améliorer la situation des Premières nations apporte des avantages à l’ensemble du Canada, en réduisant les coûts de soins de santé, en favorisant une plus grande cohésion sociale et une plus grande harmonie ainsi qu'en améliorant l’environnement.

    Nous appuyons les projets de développement énergétique qui sont relativement discrets. Les Premières nations ont soulevé bien des préoccupations au sujet du développement de centrales nucléaires additionnelles et de projets hydroélectriques d’envergure. Ces méthodes peuvent produire moins d’émissions de gaz à effet de serre, mais elles ne sont pas neutres sur le plan environnemental. Et pour ce qui est des projets hydroélectriques d’envergure, ils ont souvent coûté très cher aux Premières nations. Ces dernières appuient les options ayant trait à l’énergie durable, car elles s’harmonisent à notre perspective environnementale globale et rejoignent nos responsabilités lorsqu'il s'agit d'assurer la conservation du territoire pour les générations à venir.

    En dernier lieu, je prends note que le Canada sera l’hôte de la onzième conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et de la première réunion des Parties au Protocole de Kyoto, à la fin de novembre à Montréal . C’est une chance unique pour le Canada de montrer ses efforts réalisés et de s'afficher en tant que chef de file dans la lutte mondiale menée contre le changement climatique. Nous souhaitons participer à part entière à cette importante réunion internationale. De façon plus particulière, le Canada peut montrer au reste du monde comment il est possible de maintenir un niveau de vie élevé et d’améliorer la qualité de vie des moins fortunés. Si nous faisons la bonne chose, ce sera une occasion pour le Canada de prouver au reste du monde qu’il est un pays qui apprécie à sa juste valeur les contributions réalisées par les membres des Premières nations et qu’il honore l’engagement pris dans sa propre Constitution de reconnaître et d’affirmer nos droits inhérents. Nous sommes intéressés à travailler avec le ministre Dion, qui agira à titre de président à la réunion, afin de montrer à la communauté internationale que nous poursuivons sur notre lancée, ensemble.

    En conclusion, l’Assemblée des Premières nations appuie le gouvernement fédéral dans les mesures qu’il met de l’avant pour lutter contre le changement climatique. Nous avons depuis longtemps exprimé des inquiétudes au sujet de l’effet de pratiques nuisibles à l’environnement et des conséquences de telles pratiques pour l’ensemble de la création. Nous voulons travailler avec le gouvernement afin de s’assurer que le plan canadien de mise en oeuvre du Protocole de Kyoto reconnaisse les circonstances uniques aux Premières nations. Nous devons adopter un concept qui fait partie de notre vision du monde depuis des temps immémoriaux : le concept du développement durable.

    Les préoccupations et les questions auxquelles font face les Premières nations sont nombreuses et diversifiées. Je vous demande avec instance d’inviter d’autres chefs des Premières nations à venir partager eux aussi leur point de vue. Je sais que nos membres et nos collectivités du Nord sont particulièrement intéressés à partager leur point de vue.

    J’aimerais vous remercier de m’avoir invité ici aujourd’hui. Je vous remercie de m’avoir écouté et je serais heureux de répondre à toutes vos questions.

    Meegwetch!

+-

    Le président: Merci, chef.

    Votre exposé exhaustif constitue un excellent prélude à nos questions. Je vous proposerais d'y répondre en précisant certains points. Nous commencerons par M. Richardson pour ensuite donner la parole aux autres membres du comité. Nous vous remercions de cette entrée en matière.

    Monsieur Richardson.

+-

    M. Lee Richardson: Merci, monsieur le président.

    Je vous remercie, chef, et je vous souhaite la bienvenue.

    Je veux vous poser quelques questions sur votre participation actuelle—et celle de l'Assemblée des Premières Nations—à l'examen du plan de mise en oeuvre du Protocole de Kyoto. Je veux également vous demander d'aborder le Programme d'action pour les collectivités autochtones et nordiques, qui remonte à quatre ou cinq ans, et le plus récent Programme sur le changement climatique visant les Autochtones et les habitants du Nord, programme dans le cadre duquel le gouvernement a accordé, je crois, environ 30 millions de dollars afin de sensibiliser et d'informer davantage la population sur l'utilisation et la production d'énergie dans les collectivités autochtones et du Nord.

    Je me demande si vous pouvez nous donner certaines précisions à propos de ce programme. Même si, à certains égards, un montant de 30 millions de dollars peut sembler être beaucoup d'argent, il n'en demeure pas moins que le territoire est assez immense dans le Nord. Comment cet argent est-il affecté? Quels résultats a-t-on pu obtenir? Vous pourriez peut-être nous brosser un tableau succinct sur la façon dont le tout fonctionne.

  +-(1225)  

+-

    Chef Phil Fontaine: Merci.

    Pour répondre à votre première question concernant notre rôle par rapport au Protocole de Kyoto et à toutes les initiatives connexes, j'ai essayé de faire valoir dans mon exposé nos préoccupations quant à l'absence du point de vue unique que nous représentons dans cet important dossier. J'ai souligné que nous avions pourtant beaucoup à offrir. Nos connaissances traditionnelles seraient d'une très grande utilité pour le processus de planification, mais nous n'avons pas eu droit à notre place à table. Ainsi, il n'a pas été question des intérêts des Premières nations dans le bilan national présenté à Calgary il y a quelques mois.

    Lorsque le Protocole de Kyoto a été négocié, le Centre autochtone de ressources environnementales (CARE) a été la seule organisation à pouvoir représenter cette perspective unique dont je vous ai parlé. Notre expertise est considérable. Par exemple, l'évaluation environnementale, le contrôle environnemental, la surveillance de l'environnement et la recherche figurent parmi les capacités du CARE. Ainsi, cette organisation a joué un rôle très important dans les initiatives de remise en valeur entreprises par Santé Canada pour les anciens sites de diesel.

    Bien que nous n'ayons pas pu participer à la plupart des discussions et des consultations qui ont été tenues, nous estimons que notre intégration à cette étape-ci contribuerait grandement à l'ensemble des efforts collectifs déjà entrepris.

    Je vais maintenant demander à Peigi Wilson de répondre directement à votre seconde question, monsieur Richardson.

+-

    M. Lee Richardson: Très bien. Merci, Chef.

    Avant de vous laisser répondre, madame Wilson, je voulais seulement préciser que vous aviez bien réussi dans votre exposé à faire valoir cet argument-là, et c'est la raison pour laquelle je voulais le faire ressortir à nouveau. Il y avait en fait deux volets à la question et je suppose que Mme Wilson répondra au second.

    Premièrement, vous avez parlé de la participation insuffisante des communautés autochtones et nordiques en général à la mise en oeuvre de l'initiative, mais il y a tout de même ce Programme d'action pour les collectivités autochtones et nordiques. Vous avez, par exemple, des objectifs de réduction de 1,2 mégatonne, ce qui démontre qu'un travail considérable a été accompli par les collectivités autochtones à ce chapitre. J'aimerais savoir comment les choses se déroulent. Croyez-vous que vous pourrez atteindre ces objectifs? Par ailleurs, et toujours en marge de la première question, dans quelle mesure avez-vous pu collaborer avec le gouvernement dans le cadre de son programme de mise en oeuvre du Protocole de Kyoto? S'agit-il de deux dossiers cheminant parallèlement ou y a-t-il coordination?

    Je vous invite à nous faire part de vos observations à ce sujet, madame Wilson, si c'est bien ce dont vous vouliez nous parler.

+-

    Mme Peigi Wilson (Assemblée des Premières Nations): Merci beaucoup pour vos questions.

    Tant les communautés autochtones que les collectivités non autochtones participent aux programmes mis de l'avant dans le Nord sous la direction du ministère des Affaires indiennes. Des organisations des Premières nations ainsi que des collectivités participent au programme PACAN—le Council of Yukon First Nations et la Nation Dene dans les Territoires du Nord-Ouest, principalement. Il est également évident que les Inuits ont un rôle à jouer.

    Ce sont les collectivités autochtones du Nord qui sont confrontées aux perturbation les plus rapides découlant du changement climatique. À cet égard, c'est un fait établi que les régions les plus septentrionales de la planète seront touchées davantage et plus tôt que les autres.

    Les collectivités autochtones ont eu un rôle à jouer dans bon nombre d'activités, tant à l'échelle internationale qu'au niveau national. Le chef du Council of Yukon First Nations a participé à la dixième Conférence des parties à la Convention sur les changements climatiques qui s'est tenue à Buenos Aires l'an dernier. Les Inuits ont également apporté leur contribution, par l'intermédiaire du Arctic Athabaskan Council et du Conseil de l'Arctique, pour faire valoir leurs intérêts relativement au changement climatique à l'échelle internationale. Au pays, ils ont entrepris des travaux de recherche et des études au sujet des répercussions du changement climatique au sein de leurs collectivités.

    Même si, comme vous l'avez mentionné, 30 millions de dollars représentent une somme considérable au regard de ces préoccupations, je m'empresse d'ajouter qu'il s'agit probablement d'une goutte d'eau dans l'océan par rapport à ce dont nous aurons besoin pour aider ces collectivités à s'adapter aux transformations qui les attendent.

    Les Premières nations du Nord se penchent actuellement sur les possibilités de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et de mettre en oeuvre des programmes d'énergie renouvelable et d'efficience énergétique. La majorité des efforts ont d'ailleurs été consacrés à ces initiatives. Il faut toutefois également s'intéresser aux répercussions du changement climatique et au soutien qu'il faut accorder à ces collectivités à cet égard, mais nous ne savons toujours pas quelles seront ces répercussions et quelles mesures seront nécessaires pour les aider à s'y adapter. Il est possible que certains de ces impacts soient tout simplement ingérables. Il se peut d'ailleurs fort bien qu'il se révèle impossible d'enrayer complètement les répercussions sur la faune et la biodiversité dans la région dont le chef national a parlé.

  +-(1230)  

+-

    M. Lee Richardson: Merci.

    Je ne sais pas si j'ai le temps pour une autre question rapide... Je tiens de toute façon à vous remercier grandement et à vous dire que je suis désolé que vous n'ayez pu participer auparavant. J'aurais aimé que nous puissions entendre votre point de vue plus tôt; votre présentation aurait ainsi pu avoir un impact plus considérable sur le programme de mise en oeuvre établi par le gouvernement.

    Je crois, monsieur le président, que je vais en rester là pour l'instant.

    Merci de votre présence.

+-

    Le président: Oui, nous avons vraiment dépassé le temps alloué, mais nous reviendrons à M. Watson.

    Monsieur Bigras, voulez-vous poser votre question?

[Français]

+-

    M. Bernard Bigras: Merci, monsieur le président.

    J'aimerais d'abord vous souhaiter la bienvenue.

    Je pense que M. Richardson et Mme Wilson nous mettent sur la bonne piste lorsqu'ils parlent de la nécessité d'adopter une politique d'adaptation. Ce qui a prévalu au cours des dernières années au gouvernement, c'était essentiellement un plan d'action en matière de changements climatiques. Celui-ci visait à réduire à la source les émissions de gaz à effet de serre. Malheureusement, ce fut un échec. Il ne faut pas se le cacher.

    Cependant, on n'a guère parlé — et c'est regrettable — de la nécessité d'adopter dès maintenant une politique d'adaptation aux changements climatiques. Le gouvernement canadien est très peu loquace quant à l'importance de s'adapter aux changements climatiques. Il faut préciser que dans une telle éventualité, les personnes vivant dans le Nord seraient les plus touchées.

    Le rapport présenté par Robert Corell au Conseil de l'Arctique le 24 novembre dernier démontre que les impacts des changements climatiques sur les populations du Nord sont vraiment catastrophiques. J'ai lu un rapport que vous connaissez peut-être. Il s'agit d'un document produit par le Consortium Ouranos, un organisme québécois. On y fait état des phénomènes suivants, qui ont été observés dans l'Arctique. Premièrement, des populations se déplacent à cause des dommages subis par les infrastructures. Deuxièmement, des problèmes d'ordre nutritionnel sévissent et ceux-ci sont liés aux impacts sur les écosystèmes. Troisièmement, le réchauffement climatique pourrait forcer le déplacement de certaines espèces animales et végétales. C'est inévitablement tout le mode de vie des personnes vivant dans le Nord qui risque d'être affecté par les changements climatiques.

    J'aimerais savoir quels éléments vous souhaiteriez voir inclus dans une politique canadienne d'adaptation aux changements climatiques. J'estime qu'à ce jour, celle-ci est inexistante. Je vous donne quelques exemples. Ne serait-il pas temps qu'on réalise et qu'on multiplie les études sur les conditions du pergélisol? Ne serait-il pas temps également qu'on améliore les réseaux de suivi consacrés aux changements climatiques pour être davantage en mesure d'évaluer l'impact des changements climatiques dans le Nord?

    Je sais qu'il y a quatre sites, dont un à Kuujjuaq. Ne faudrait-il pas revoir les normes relatives à la construction des habitations, compte tenu des conditions du pergélisol?

  +-(1235)  

[Traduction]

+-

    Chef Phil Fontaine: Nous allons répondre à cette question en deux étapes. Je traiterai des considérations générales par rapport au changement climatique, à l'adaptation et à l'innovation; je laisserai ensuite Peggy vous parler des aspects plus techniques.

    D'abord et avant tout, les Autochtones jouissent de droits ancestraux et de droits découlant de traités. Ces droits équivalent à des obligations pour tous les ordres de gouvernement, qu'il s'agisse du fédéral, des provinces ou des territoires. J'ai fait valoir que nous n'avons pas été consultés avant la conclusion du Protocole de Kyoto, si l'on fait exception de l'organisation environnementale autochtone qui a participé aux discussions. Nous voulons donc souligner à quel point il est essentiel que les Premières nations puissent contribuer de façon significative à l'élaboration des mesures, des approches et des rôles aux fins de la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto.

    En bout de ligne, ce sont nos gouvernements qui assumeront la responsabilité de veiller à ce que les mesures prévues pour réaliser les objectifs de Kyoto soient effectivement mises en oeuvre. Il est extrêmement important que nous puissions participer à toutes les étapes du processus, car il est impossible de nous tenir responsables si nous sommes exclus des discussions et des négociations et, partant, de l'établissement de ce qui deviendra le plan d'action.

    Par exemple, nos citoyens auront des décisions à prendre quant à leurs responsabilités vis-à-vis l'atteinte des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et nous devrons nous poser les questions suivantes : « Allons-nous utiliser des énergies de substitution? Allons-nous utiliser des méthodes d'enfouissement plus efficaces de manière à utiliser le méthane, plutôt que de le libérer directement dans l'environnement? »

    Vous parlez notamment des normes de construction. Devraient-elles être différentes? Bien sûr que oui, parce que l'environnement est fragile dans le Nord et les normes applicables dans le Sud n'y fonctionnent tout simplement pas. Elles vont à l'encontre de nos meilleurs intérêts. Il faudra s'intéresser à la question du développement industriel et du genre d'initiatives que nous allons appuyer en ce sens. Nous n'allons pas soutenir les projets qui vont causer une détérioration de l'environnement, comme ce fut le cas trop souvent.

[Français]

+-

    M. Bernard Bigras: J'ai encore une brève question à poser. Estimez-vous avoir été consulté de façon suffisante en vue du plan qui sera annoncé demain? Parce que demain, l'annonce du plan sur la lutte contre les changements climatiques sera faite.

    Ma question s'adresse naturellement à M. Fontaine. Estimez-vous que le gouvernement canadien a mené des consultations suffisantes pour pouvoir dire demain que vous êtes partie prenante de ce plan d'action et que vous l'endossez?

[Traduction]

+-

    Chef Phil Fontaine: Si je n'ai pas été assez clair à ce sujet dans ma déclaration écrite, je vais essayer de l'être maintenant. Non, nous n'avons pas été consultés suffisamment. Nous n'étions même pas à la table de négociation. Nos collectivités n'ont pas vraiment eu la possibilité de contribuer aux plans qui ont été élaborés.

    Qui plus est, il faut une certaine capacité—que ne possèdent pas la plupart de nos collectivités—pour assurer la protection et la mise en valeur de notre environnement, et nous accusons un retard sur tout le monde à ce chapitre. Nous voulons absolument participer à l'ensemble des discussions et des négociations, mais il faut pour ce faire s'assurer que nous disposons des capacités suffisantes au sein de nos collectivités pour jouer un rôle concret dans ce processus important.

  +-(1240)  

+-

    Le président: Monsieur Bigras.

[Français]

+-

    M. Bernard Bigras: Je ne sais pas si Mme Wilson veut s'exprimer sur les questions plus techniques.

[Traduction]

+-

    Mme Peigi Wilson: J'ai seulement quelques brefs commentaires.

    Il faut se rappeler que les problèmes liés au changement climatique que nous allons connaître ne seront pas limités aux seules régions nordiques. Ils vont toucher tous les Canadiens. Pour l'élaboration des mécanismes d'adaptation, il est donc important de prendre en compte les répercussions pour l'ensemble du pays. Il faut peut-être s'attendre à des sécheresses dans les Prairies, prévoir des hivers plus froids dans l'Est—sûrement des tempêtes plus fortes—; il est donc important que nous ne pensions pas uniquement aux collectivités autochtones du Nord, mais que nous tenions compte de la situation dans toutes les régions du pays.

    Il faut aussi se rendre compte que la volonté d'adaptation n'est pas aussi forte qu'on le croirait. Il semble qu'on préfère plutôt réagir aux changements climatiques qui nous attendent. Nous avons toutefois besoin de certaines capacités à ce titre. Nos budgets et nos ressources locales nous offrent une marge de manoeuvre très mince pour réagir en période difficile. Pour nous donner la flexibilité voulue, nous devons pouvoir compter, comme le chef national l'a indiqué, sur des capacités accrues.

    Merci.

+-

    Le président: Monsieur Bigras, il vous reste une minute.

[Français]

+-

    M. Bernard Bigras: J'aimerais que vous nous parliez du potentiel de vos communautés dans la lutte contre les changements climatiques et du potentiel dont vos communautés disposent dans le cadre d'une stratégie de développement d'énergie renouvelable. Souhaitez-vous établir des partenariats? Je pense au potentiel éolien dans certaines de vos communautés. Estimez-vous que, par rapport à une stratégie canadienne de lutte contre les changements climatiques, vos communautés doivent être reconnues dans l'effort global canadien de lutte contre les changements climatiques? Étant donné le potentiel d'énergie renouvelable dont vous disposez, demandez-vous cette reconnaissance et exigez-vous votre juste contribution à la lutte contre les changements climatiques à venir? Cela pourrait se faire dans le cadre d'un partenariat établi d'égal à égal entre vos communautés et le gouvernement canadien.

[Traduction]

+-

    Chef Phil Fontaine: Nous avons essayé d'être très clairs à ce sujet. Les partenariats nous intéressent. Nous voulons collaborer avec les autres gouvernements : le fédéral, les provinces et les territoires. Nous voulons profiter de toutes les occasions pour contribuer réellement à cette importante initiative. J'ai signalé que 80 p. 100 des Autochtones vivent dans la forêt boréale. Lorsque vous parlez de changement climatique, vous parlez aussi bien sûr de forêt boréale; et lorsque vous parlez de forêt boréale, vous parlez également des Premières nations. Je veux bien faire valoir qu'à l'heure actuelle, nous ne disposons tout simplement pas des capacités suffisantes pour faire le nécessaire, c'est-à-dire pour préserver et protéger notre environnement. En fait, ce sont les territoires occupés par les Premières nations qui ont été les plus touchés par la détérioration de l'environnement au Canada. Nous n'avons pas été capables de rectifier le tir à cet égard et la situation demeurera inchangée tant que nous ne disposerons pas des capacités suffisantes.

    Dans ce contexte, il serait toutefois irresponsable de ma part de ne pas préciser que nous avons effectivement la capacité d'agir dans bon nombre de situations. Par exemple, nous sommes maintenant en mesure de convertir la biomasse en énergie. Nous disposons de cette technologie. Je connais très bien l'une des entreprises qui possèdent cette capacité; elle appartient à des Autochtones. Nous nous intéressons aussi à l'énergie éolienne. L'un des plus importants projets à ce chapitre est réalisé dans la collectivité autochtone de Peigan en Alberta. Je vous ai déjà parlé du Centre autochtone de ressources environnementales qui peut maintenant effectuer des contrôles, des évaluations et de la surveillance de l'environnement en plus de faire de la recherche. Ainsi, lorsqu'on nous a offert des occasions de développer des capacités, nous les avons exploitées au maximum. Par exemple, les jardins sur les toits de Winnipeg constituent un outil important pour la protection de l'environnement; c'est l'organisation autochtone dont je vous ai parlé qui a réalisé l'étude à cet égard, ce qui témoigne—partiellement, j'en conviens—des capacités dont jouissent les collectivités autochtones.

  +-(1245)  

+-

    Le président: Je vais devoir vous interrompre ici, monsieur Bigras.

    Merci pour ces exemples, Chef.

    C'est maintenant au tour de M. Powers de poser ses questions.

+-

    M. Russ Powers (Ancaster—Dundas—Flamborough—Westdale, Lib.): Merci, chef Fontaine et Mme Wilson pour votre présence.

    Je vais prendre un petit détour pour traiter non seulement de la portée environnementale, bien évidemment, mais aussi de la capacité de participation. Nous avons besoin de votre contribution pour pouvoir vous aider. Non seulement avez-vous droit à une place à table, mais vous l'avez méritée.

    Dans le passé, vous n'avez pas pu participer autant que vous l'auriez souhaité au processus de consultation en raison des obstacles qui se sont dressés devant vous, comme devant vos représentants. Par exemple, lors des discussions à la table ronde nationale, vos représentants n'ont pas toujours été les mêmes—en raison des exigences auxquelles vous êtes confrontées—ce qui a causé une certaine discontinuité dans votre contribution. C'est l'un des éléments qui est entré en jeu. Je le répète, non seulement devriez-vous avoir la possibilité de participer à ces discussions dès le départ, mais c'est un droit que vous avez pleinement mérité. De quelle aide avez-vous besoin pour optimiser cette participation? Les exemples de difficultés à contourner ne manquent pas—je viens de parler de la difficulté à assurer une uniformité dans la représentation—si nous voulons nous assurer votre pleine contribution dès le début du processus. Pouvez-vous m'aider un peu en ce sens de manière à ce que nous puissions mieux vous appuyer?

+-

    Chef Phil Fontaine: Je vais vous donner deux exemples de dossiers où la contribution de nos collectivités apparaît essentielle.

    Comme nous le savons tous, il y a eu de nombreuses discussions au sujet du projet de pipeline dans les Territoires du Nord-Ouest. Ce pipeline traverserait des écosystèmes assez fragiles et d'importants efforts ont été consentis pour effectuer les évaluations environnementales requises. Comme il s'agit de territoires des Premières nations, je ne comprends absolument pas pourquoi les gouvernements et les institutions autochtones ne reçoivent pas le soutien nécessaire pour se donner la capacité requise afin que nous effectuions nous-mêmes ce travail d'évaluation environnementale.

    Si on n'appuie pas nos efforts en ce sens, la plus grande partie du travail sera réalisée par des gens du Sud. C'est comme ça que les choses se passent dans le Nord depuis des siècles. Et c'est inacceptable; nous devons nous asseoir avec le gouvernement fédéral, celui du territoire et ceux des provinces qui sont touchées dans le Sud—l'Alberta, par exemple—pour trouver une façon mieux appropriée et plus efficace de réaliser ce genre de travail.

    Je vais vous donner un autre exemple aux fins du compte rendu. Je vous ai déjà souligné que 80 p. 100 de nos collectivités vivent dans la forêt boréale. Par conséquent, c'est à nous que devraient revenir les crédits de carbone que peut procurer la forêt boréale. Nous sommes prêts à négocier proactivement avec les gouvernements nos droits de propriété sur ces crédits de carbone. Nous devons avoir voix au chapitre relativement aux décisions prises pour ce qui est des règles applicables à la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto. Cela est particulièrement vrai dans le cas du traitement des forêts canadiennes et des règles applicables à la génération de carbone dans les forêts et à l'aménagement des forêts—par exemple, il faut se demander si la forêt boréale marginale sera considérée ou non comme une forêt aménagée—ainsi que des méthodes qui sont utilisées pour favoriser le stockage de carbone dans les forêts.

    C'est l'industrie qui est responsable des principales émissions de gaz à effet de serre d'origine humaine. C'est avec ces grands émetteurs industriels que nous devrons négocier la vente de nos crédits de carbone en vue de la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto en 2008. Cette perspective économique peut être intéressante si elle est gérée efficacement et de manière appropriée, c'est-à-dire avec la contribution des collectivités autochtones par l'intermédiaire de leurs gouvernements.

  +-(1250)  

+-

    Mme Peigi Wilson: Si vous le permettez, j'aimerais seulement faire valoir quelques points auxquels notre chef national ne manquera pas de souscrire.

    Pour nous donner la capacité de réagir de façon durable, il est certes très utile que l'on mette à la disposition des Autochtones les ressources nécessaires pour leur permettre de contribuer. Mais pour assurer notre engagement permanent dans le domaine de l'environnement, nous souhaiterions notamment pouvoir compter sur notre propre source de revenus en ayant, par exemple, accès à des ressources dont nous pourrions participer à la gestion durable. Grâce aux revenus ainsi générés, les collectivités autochtones auraient la possibilité de contribuer de façon plus efficace à ces initiatives. Nous aurions aussi des fonds à investir dans l'éducation, la formation, la recherche, la cueillette de données et la participation aux différentes initiatives mises de l'avant.

    Notre chef national vous a certes donné un bon exemple de ces sources de revenu en parlant de la forêt et de la vente des crédits de carbone. C'est un secteur qui offre des perspectives économiques fort intéressantes pour les collectivités autochtones. Il est bien certain que nous voulons inciter le gouvernement à bien explorer toutes les possibilités à ce chapitre.

    Par ailleurs, nous avons aussi besoin de temps—du temps pour examiner la documentation, pour recueillir les données nécessaires—et nous devons aussi avoir accès à l'information. Nous devons avoir accès à des résultats de recherches portant exclusivement sur les Autochtones, préférablement à des données plus générales portant sur l'ensemble du pays, de manière à bien comprendre ce qui se passe dans nos collectivités.

    C'était donc là quelques autres suggestions.

+-

    M. Russ Powers: Je suis persuadé que vous voulez jouer un rôle actif. Je veux maintenant vous demander, de manière à mieux saisir le contexte, si vous recevez effectivement des invitations à participer ou si vous n'êtes absolument pas pris en compte dans ce processus.

+-

    Mme Peigi Wilson: En toute franchise, il arrive souvent qu'on ne pense à nous qu'après coup. Par exemple, ce n'est que vendredi dernier que nous avons eu la possibilité de prendre connaissance du plan de mise en oeuvre du protocole de Kyoto. Ce fut notre première et notre seule intervention à ce chapitre auprès du gouvernement fédéral.

+-

    M. Russ Powers: Je veux maintenant parler de l'un des éléments que nous étudions aujourd'hui, soit le Programme sur le changement climatique visant les Autochtones et les habitants du Nord, qui a maintenant donné naissance au Programme d'action pour les collectivités autochtones et nordiques. Dans quelle mesure avez-vous pu participé à l'élaboration de ces programmes? Votre rôle a-t-il été suffisant ou, sinon, en quoi pourriez-vous contribuer à la suite du processus?

+-

    Mme Peigi Wilson: Nous avons pu apporter une contribution dans la mesure où on nous l'a permis. Les Premières nations ont eu la possibilité d'amorcer un certain travail. Les collectivités nordiques peuvent maintenant servir d'exemples pour celles du Sud, car elles ont commencé à chercher des solutions à ces questions. En effet, les collectivités autochtones du Nord participent à un certain nombre de projets touchant les énergies renouvelables et l'efficience énergétique, y compris les projets de production d'énergie à partir de la biomasse et de mini-centrales hydroélectriques.

    Le processus de participation s'amorce. Je le répète : les collectivités du Sud peuvent s'en inspirer pour déterminer comment elles vont entreprendre leur engagement en ce sens. Il en reste beaucoup à faire et les efforts devront être coordonnés dans l'ensemble du gouvernement fédéral. Comme le chef l'a mentionné, le dossier concerne plusieurs ministères ayant chacun des responsabilités différentes. Il est souvent difficile pour une Première nation de savoir à quel ministère s'adresser, de déterminer quel projet s'applique ou quel fonds doit être utilisé. Les processus de rédaction des propositions et de mise en valeur des dossiers posent souvent d'importantes difficultés aux collectivités autochtones. Nous ne disposons pas nécessairement des capacités voulues pour rédiger une proposition, sans compter tout le reste du travail qui s'ensuit.

    C'était donc quelques-unes des autres difficultés auxquelles nous sommes confrontés.

    Merci.

  +-(1255)  

+-

    M. Russ Powers: Merci, madame Wilson.

+-

    Le président: Nous passons maintenant à M. Cullen.

    Merci, monsieur Powers.

+-

    M. Nathan Cullen: Merci, monsieur le président.

    Merci, chef Fontaine et madame Wilson, pour votre présence.

    Je dois dire que les dernières observations que vous avez formulées m'ont particulièrement frappé. Elles m'amènent à m'interroger très sérieusement quant à la validité du plan qui sera rendu public demain, celui-là même dont vous avec pris connaissance vendredi et que nous n'avons même pas encore vu.

    Je me souviens de l'entrée en fonction du premier ministre actuel à la Chambre des communes. Si mon souvenir est exact, il y a eu une cérémonie de purification. Les ambitions et les espoirs quant au traitement accordé aux Premières nations étaient très élevés; ces attentes ont été appuyées, et même parfois un peu trop, par quantité de grands discours sur la nécessité d'obtenir leur contribution de façon significative au moyen des consultations et des aménagements dont nous avons tant parlé. Mais voilà que votre témoignage d'aujourd'hui relativement au manque de consultation et au fait qu'on ne pense à vous qu'après coup, comme l'a indiqué Mme Wilson, m'amène à penser que le plan, quelle que soit la forme qu'il prendra, a perdu une certaine crédibilité au regard de ces deux perspectives diamétralement opposées. D'une part, on s'engage à intégrer les Premières nations au processus de planification et, d'autre part, vous nous dites que la consultation a été insuffisante pour un plan comme celui du protocole de Kyoto, avec toutes les possibilités de financement et tout le sérieux qui y sont associés.

    Je me demande si vous pourriez nous entretenir un moment du récent jugement concernant les Haïdas qui exige encore une fois du gouvernement qu'il défende l'honneur de la Couronne pour ce qui est notamment de la gestion des ressources au Canada. C'est un point de vue que les tribunaux ont défendu de bien des façons différentes au fil des ans. Y a-t-il des liens avec ce que nous observons dans des dossiers comme celui du plan associé au changement climatique? Ces deux dossiers sont-ils interreliés ou s'agit-il de questions distinctes?

+-

    Chef Phil Fontaine: Monsieur le président, nous croyons que tout est interrelié. Par exemple, l'éducation est reliée aux débouchés économiques, lesquels sont reliés au logement, qui lui est lié à la santé. L'interdépendance est manifeste.

    Nous sommes particulièrement préoccupés par l'environnement, la protection environnementale et, en ce qui concerne le Protocole de Kyoto, nous sommes inquiets de notre absence des discussions importantes, et ce, malgré le jugement de la Cour suprême à propos des Haida. Dans la décision Delgamuukw, on demande au gouvernement de garantir la tenue de véritables consultations. Les tribunaux se sont prononcés très clairement sur la question. À présent, c'est au gouvernement de s'assurer que l'on applique ces décisions. Dire que nous sommes déçus serait trop faible. En fait, nous sommes très inquiets.

+-

    M. Nathan Cullen: Delgamuukw vient de ma circonscription. Les Haida, les Nisga'a, les Haisla, les Wet'suwet'en et beaucoup d'autres nations constituent une grande partie de la population que je représente.

    En ce qui concerne la forêt boréale, dont vous avez parlé à quelques reprises, particulièrement par rapport à la présence des Premières nations dans les forêts qui seront utilisées comme des sources de crédits pour le Canada, j'aimerais que vous nous donniez des explications sur vos propos. Je plaide au nom de l'industrie pour avoir des garanties puisqu'il n'y a aucun plan ni aucun progrès. L'industrie a donc une marge de manoeuvre très limitée. Elle ne sait pas à combien s'élèveront les coûts ni jusqu'où iront les réductions. Puisqu'il n'y a pas de plan, elle est préoccupée.

    Vous avez fait un lien entre les crédits de carbone et la forêt boréale. Pourriez-vous nous en dire davantage? Cela intéressera sûrement le comité.

·  +-(1300)  

+-

    Chef Phil Fontaine: Pour vous donner une réponse complète, j'aborderai un aspect de la question et Peigi vous parlera du reste.

    Je traiterai des débouchés économiques pour les Premières nations découlant de la mise en vigueur du Protocole de Kyoto. Pour qu'ils se concrétisent, il faut une vraie planification et des garanties claires du gouvernement quant à la mise en oeuvre de ces plans.

    Selon nous, il faut une stratégie d'expansion des marchés centrée sur les Premières nations, sur le changement climatique et sur ce dont M. Richardson parlait plus tôt—les partenariats. Par exemple, en matière de débouchés dans l'industrie forestière, le gouvernement fédéral n'a pas encore déterminé si les 100 millions d'hectares de forêt boréale, qui ne sont essentiellement accessibles qu'aux Premières nations, deviendront des forêts gérées, comme ce que j'ai décrit plus tôt. Le cas échéant, les décisions de gestion pour sauvegarder les forêts plutôt que pour les exploiter pourraient avoir d'importantes retombées économiques pour notre population. Les Premières nations recevraient des crédits de carbone pour les forêts; du coup, elles abattraient beaucoup moins d'arbres et vendraient ces crédits aux grands émetteurs industriels.

    Le conseil qui a été donné à l'Assemblée des Premières nations—nous faisons ici référence à la Saskatchewan—est que si le carbone est évalué à 5 $ la tonne, la valeur normale prévue, une Première nation ayant droit à des crédits de carbone pour environ 200 000 hectares de forêt marginale pourrait donc toucher un revenu de 25 millions de dollars sur 45 ans si elle choisit de vendre ces crédits plutôt que de couper les arbres. C'est un débouché économique important.

    Ensuite, les Premières nations, comme propriétaires—protectrices, créatrices—des forêts qui sont des puits de carbone pourraient établir des partenariats avec des entreprises et replanter des forêts sur les terres ravagées, entre autres, par l'exploitation minière, la coupe à blanc et les mauvaises pratiques agricoles.

+-

    M. Nathan Cullen: Madame Wilson, avant que vous ne répondiez, je voudrais dire que je suis de moins en moins sûr de la forme que prendra ce plan.

    Je crois que ce pourrait être une excellente source de revenus, en particulier pour les collectivités isolées et celles qui sont désespérément pauvres. Il y en a quelques-unes dans ma région. Je vois comment cela pourrait se faire, mais j'ai beaucoup de difficulté à imaginer comment les espoirs, les suppositions ou les vérités dont vous parlez en ce qui concerne l'accès des Premières nations à ces crédits pourraient se concrétiser étant donné le manque de consultation de la part du gouvernement fédéral pour l'élaboration de ce plan.

    Des discussions ont-elles eu lieu, et si ce n'est pas le cas, quelle sera désormais la marche à suivre? Y a-t-il matière à litige? Il me semble que le gouvernement a semé un peu plus le doute quant à savoir à qui ces crédits de carbone reviennent vraiment, car votre témoignage d'aujourd'hui a révélé qu'ils appartiennent en fait aux Premières nations qui habitent dans ces régions, et que celles-ci en feront ce que bon leur semble. Est-ce bien ce qu'a dit le gouvernement fédéral, et sinon, qu'est-ce qu'on fait maintenant? Si on va de l'avant, on risque de se retrouver dans une situation litigieuse.

+-

    Chef Phil Fontaine: Tout d'abord, nous ne sommes pas intéressés à nous tourner vers les tribunaux pour régler de telles affaires. Nous croyons qu'il s'agit de questions d'ordre intergouvernemental qui doivent être résolues dans le cadre d'un processus politique intergouvernemental. Nous formons des gouvernements à part entière, et nous pensons que c'est à ce niveau que les décisions doivent se prendre. Si nous nous y engageons, nous pourrons régler ces questions de façon équitable.

    Nous ne faisons appel aux tribunaux qu'en dernier recours. Nous avons été obligés de le faire en de nombreuses occasions car les deux ordres de gouvernement ne sont pas prêts à faire participer les gouvernements des Premières nations aux discussions et aux décisions entourant ces questions fondamentales. Pour nous, c'est vraiment un problème.

    Voulez-vous ajouter quelque chose?

·  +-(1305)  

+-

    Mme Peigi Wilson: Merci.

    Je voudrais aussi souligner qu'il y a plusieurs autres avantages à garder en tête alors que nous entamons la discussion sur les échanges de crédits de carbone qui vise à déterminer si oui ou non la forêt boréale sera considérée comme un moyen de remédier au changement climatique—c'en est aussi un pour régler les problèmes de perte de la biodiversité et des espaces sauvages.

    Ces éléments sont très importants pour les communautés des Premières nations car c'est sur ces territoires que repose leur économie traditionnelle. Si le ralentissement des affaires vous préoccupe, il est important que vous gardiez en tête celui que connaîtront les collectivités des Premières nations si l'économie traditionnelle disparaît. Nous avons la chance d'exploiter les produits forestiers non ligneux de la forêt boréale, si celle-ci demeure intacte.

    En ce qui concerne la façon dont tout ceci fonctionnera, il y a encore place à la discussion. Jusqu'à maintenant, le gouvernement fédéral ne nous a fourni aucune indication concernant les plans entourant les échanges de crédits de carbone. Nous aimerions vraiment poursuivre cette discussion.

    Dans l'intérêt des affaires, il est impératif que nous commencions à nous rendre compte collectivement que la stabilité des entreprises est menacée par le changement climatique et que si nous ne redressons pas la situation, les coûts à long terme pour les entreprises seront très élevés. Tout semble indiquer que les solutions à court terme seront totalement inadéquates.

    Je crois qu'il est important que nous parlions avec le secteur des assurances pour savoir ce qu'il pense du changement climatique. Il s'inquiète beaucoup de ce qui l'attend.

    Je pense que nous devons voir les choses d'un point de vue global, comme l'a mentionné le chef national. Quelles sont les occasions qui s'offrent à nous, les Canadiens—les Premières nations et les collectivités non autochtones—, dans la recherche d'une solution gagnant-gagnant?

    La protection de la forêt boréale, comme je le soulignais, assurera la prospérité des collectivités des Premières nations, mais nous permettra aussi de perpétuer nos traditions, de continuer à développer et à transmettre nos connaissances ancestrales—autre chose qui intéresse les gens—, d'exploiter la forêt non ligneuse, mais aussi d'atteindre certains des autres objectifs que s'est fixé le gouvernement : la protection de la biodiversité et des espaces sauvages. Il y a de réelles possibilités à explorer.

+-

    Le président: Monsieur Cullen, je vais devoir vous interrompre.

    En ce qui concerne les crédits d'émissions, des témoins de l'industrie nous ont dit qu'ils ne savaient pas très bien s'il y aurait une évaluation rétroactive des entreprises qui utilisent déjà ces technologies. Comment celle-ci se compare-t-elle avec le système de crédit d'émissions? Y aura-t-il un système national? De nombreuses questions demeurent sans réponse.

    Pour en revenir aux propos de M. Cullen en réaction au témoignage du grand chef, je dirais qu'il faudra s'attaquer à ces questions pendant la deuxième phase de nos délibérations sur le Protocole de Kyoto.

    Pour prendre un exemple précis, le grand chef a dit que les communautés qu'il représente n'ont pas été autant consultées qu'elles l'auraient souhaité. Je voudrais proposer que le comité, une fois son étude du plan d'action contre le changement climatique terminée, s'interroge sur la façon de procéder.

    Je crois que le grand chef peut se réjouir d'être ici aujourd'hui. Il a eu aussi l'occasion, grâce à de très bonnes questions ciblées, d'aborder des thèmes qui lui tiennent à coeur. Nous ferons sûrement à nouveau appel au chef, à titre de représentant des Premières nations, pour continuer à étudier le Protocole de Kyoto. La suite du processus, espérons-le, nous donnera l'occasion de le faire.

    Le président a maintenant besoin de votre avis. Le tour de table de 10 minutes est terminé. Sommes-nous d'accord pour conclure maintenant? Le chef veut peut-être faire une déclaration finale. Ensuite, nous pourrions passer au prochain point à l'ordre du jour. Ai-je votre consentement? Je crois que oui.

    Grand chef, vous pouvez prendre une ou deux minutes pour résumer.

·  +-(1310)  

+-

    Chef Phil Fontaine: Merci, monsieur le président.

    Encore une fois, au nom de l'Assemblée des Premières nations, Peigi et moi voudrions vous remercier de nous avoir donné l'occasion d'être ici ce matin pour vous présenter notre point de vue sur ce dossier crucial d'un intérêt vital pour tous les Canadiens, y compris les Autochtones.

    Nous nous réjouissons que vous ayez posé des questions réfléchies et très importantes, ce qui nous conduira à approfondir certains des sujets abordés et, le cas échéant, à alimenter notre position. Celle-ci, j'aimerais le souligner, évolue sans cesse, tout comme vos intérêts. Dans un avenir rapproché, nous espérons être en mesure de vous présenter une position comprenant des propositions et des recommandations qui seront certainement utiles à toutes les parties concernées.

    Merci beaucoup.

+-

    Le président: Merci, grand chef.

    Je pourrais ajouter, grand chef, qu'ayant été témoin de votre habileté sur la patinoire de Penetanguishene, je crois que les libéraux auraient bien besoin de vous pour faire face à l'opposition, mais vous auriez alors à faire des choix que nous ne voulons pas vous imposer.

    Merci d'être venu. Nous vous en sommes grandement reconnaissants.

+-

    Chef Phil Fontaine: Merci.

·  +-(1315)  

+-

    Le président: Chers membres, voulez-vous prendre cinq minutes?

    D'accord, faisons une pause de cinq minutes.

·  +-(1312)  


·  +-(1318)  

+-

    Le président: Chers membres du comité, d'après l'ordre du jour, nous avons la motion de M. Mills, adoptée lors de la dernière séance, ainsi que le rapport. Nous avons maintenant ce document sous les yeux et nous pourrions laisser la parole à M. Mills qui souhaite s'exprimer là-dessus. Nous allons procéder de la façon habituelle.

    Monsieur Mills.

+-

    M. Bob Mills (Red Deer, PCC): Monsieur le président, je vous remercie de me donner cette occasion.

    En bref, je ne vois pas beaucoup d'erreurs dans ce qui est écrit ici. Tout me semble assez conforme à ce qui a été décidé. Le seul problème se trouve à la dernière page, où on peut lire :

Bien que le Comité préférerait voir d'autres solutions, il demeure ouvert à ce qu'on se serve de la LCPE ou d'un projet de loi distinct pour cette réglementation.

    Je propose la suppression des mots  « ce qu'on se serve de la LCPE ou d' ». Vous pouvez laisser « il demeure ouvert à un projet de loi distinct ».

+-

    Le président: Donc, nous supprimerions seulement « ce qu'on se serve de la LCPE ou d' » à la dernière page.

+-

    M. Bob Mills: C'est exact.

·  -(1320)  

+-

    Le président: On lirait alors « demeure ouvert à un projet de loi distinct ».

+-

    M. Bob Mills: Que ces mots soient là ou non ne me dérange pas. Vous pouvez les supprimer ou les conserver, c'est comme vous voulez, mais il faut retirer la LCPE.

+-

    Le président: Monsieur Bigras.

[Français]

+-

    M. Bernard Bigras: Monsieur le président, la semaine dernière, je m'étais peu prononcé et je souhaitais que nous n'adoptions pas rapidement ce rapport. Mais après l'avoir lu au cours de la fin de semaine, je dois vous dire que je suis d'accord, entre autres sur la recommandation inscrite à la dernière page. L'esprit même du rapport me convient. Tout comme mon collègue M. Mills, j'enlèverais la référence à la Loi canadienne sur la protection de l'environnement pour la réglementation. Le 14 février dernier, le Bloc a clairement dit qu'il fallait une réglementation sur les grands émetteurs industriels, une réglementation qui franchirait toutes les étapes de l'examen public et parlementaire. On préfère nettement une réglementation distincte, mais on tient à en arriver à une réglementation.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci, monsieur Bigras.

    (La motion est adoptée [voir le Procès-verbal].)

+-

    Le président: Chers membres du comité, je vous remercie pour votre indulgence. Je crois qu'on a fait du très bon travail. Je comprends alors que le rapport est adopté tel que modifié.

    Des voix: Oui.

    Le président: Dois-je en faire rapport à la Chambre?

    Des voix: Oui.

-

    Le président: Merci.

    La séance est levée.