ENVI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de l'environnement et du développement durable
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 24 novembre 2005
¹ | 1540 |
Le président (M. Alan Tonks (York-Sud—Weston, Lib.)) |
M. Alan Latourelle (directeur général, Agence Parcs Canada) |
¹ | 1545 |
¹ | 1550 |
¹ | 1555 |
Le président |
M. Timothy Feher (directeur général, Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada) |
Mme Alison Woodley (spécialiste en matière de conservation du Nord, Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada) |
º | 1600 |
º | 1605 |
Le président |
Le grand chef Herb Norwegian (le grand chef, Premières nations du Deh Cho) |
º | 1610 |
Le président |
M. Lee Richardson (Calgary-Centre, PCC) |
º | 1615 |
M. Alan Latourelle |
M. Lee Richardson |
M. Alan Latourelle |
M. Lee Richardson |
M. Brian Jean (Fort McMurray—Athabasca, PCC) |
M. Harvey Locke (conseiller principal en matière de conservation, Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada) |
º | 1620 |
Mme Alison Woodley |
M. Harvey Locke |
M. Brian Jean |
M. Harvey Locke |
M. Brian Jean |
M. Harvey Locke |
M. Brian Jean |
M. Harvey Locke |
M. Brian Jean |
M. Harvey Locke |
Le grand chef Herb Norwegian |
º | 1625 |
M. Brian Jean |
Le grand chef Herb Norwegian |
Le président |
M. Bernard Bigras (Rosemont—La Petite-Patrie, BQ) |
M. Alan Latourelle |
M. Bernard Bigras |
Le grand chef Herb Norwegian |
M. Bernard Bigras |
M. Alan Latourelle |
º | 1630 |
M. Bernard Bigras |
M. Alan Latourelle |
M. Bernard Bigras |
Le président |
M. Bernard Bigras |
Le président |
M. Harvey Locke |
M. Bernard Bigras |
M. Alan Latourelle |
M. Bernard Bigras |
Le président |
M. Russ Powers (Ancaster—Dundas—Flamborough—Westdale, Lib.) |
º | 1635 |
M. Alan Latourelle |
M. Russ Powers |
M. Alan Latourelle |
M. Russ Powers |
Mme Alison Woodley |
º | 1640 |
M. Russ Powers |
Le président |
M. Harvey Locke |
M. Russ Powers |
Le président |
M. Jeff Watson (Essex, PCC) |
M. Alan Latourelle |
M. Jeff Watson |
M. Alan Latourelle |
º | 1645 |
M. Jeff Watson |
M. Alan Latourelle |
M. Jeff Watson |
M. Alan Latourelle |
M. Harvey Locke |
M. Jeff Watson |
M. Alan Latourelle |
M. Jeff Watson |
M. Harvey Locke |
M. Jeff Watson |
M. Alan Latourelle |
M. Jeff Watson |
M. Alan Latourelle |
M. Jeff Watson |
M. Alan Latourelle |
M. Jeff Watson |
M. Alan Latourelle |
M. Jeff Watson |
M. Alan Latourelle |
M. Jeff Watson |
Le président |
M. Russ Powers |
Mme Alison Woodley |
º | 1650 |
M. Russ Powers |
M. Harvey Locke |
º | 1655 |
Mme Alison Woodley |
M. Harvey Locke |
Le président |
M. Brian Jean |
Mme Alison Woodley |
M. Brian Jean |
Mme Alison Woodley |
M. Brian Jean |
Mme Alison Woodley |
M. Brian Jean |
Mme Alison Woodley |
M. Brian Jean |
Mme Alison Woodley |
M. Brian Jean |
Mme Alison Woodley |
M. Brian Jean |
Le grand chef Herb Norwegian |
M. Brian Jean |
M. Alan Latourelle |
M. Brian Jean |
M. Alan Latourelle |
M. Brian Jean |
» | 1700 |
M. Alan Latourelle |
M. Brian Jean |
Le grand chef Herb Norwegian |
M. Harvey Locke |
Le grand chef Herb Norwegian |
Le président |
M. Russ Powers |
Le grand chef Herb Norwegian |
M. Russ Powers |
Le grand chef Herb Norwegian |
» | 1705 |
Le président |
» | 1710 |
M. Bernard Bigras |
M. Russ Powers |
Le président |
M. Bernard Bigras |
Le président |
CANADA
Comité permanent de l'environnement et du développement durable |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le jeudi 24 novembre 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
¹ (1540)
[Traduction]
Le président (M. Alan Tonks (York-Sud—Weston, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs, membres du comité. Le moment choisi pour la réunion est particulièrement intéressant vu ce qui se passe à la Chambre. La question à l'étude l'est elle aussi et nous sommes heureux d'accueillir des représentants de Parcs Canada.
Il s'agit de la 62e séance du comité. On pourrait penser qu'il y en a eu plus ou moins, mais c'est la 62e. Nous tenons une vidéoconférence avec l'Université de Western Ontario. Conformément au Règlement, nous étudions l'expansion des parcs nationaux Nahanni et Lacs-Waterton.
Nos témoins sont Alan Latourelle, directeur général de l'Agence Parcs Canada et Kevin McNamee, directeur, Établissement des parcs; Timothy Feher, directeur général de la Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada; Alison Woodley, spécialiste en matière de conservation du nord ainsi que — par vidéoconférence — Harvey Locke, conseiller principal en matière de conservation. Représentant les premières nations du Deh Cho, nous accueillons également le Grand Chef Herb Norwegian.
Bienvenue à tous. Je remercie les membres du comité de leur ponctualité; je sais que d'autres réunions sont en cours.
Sans plus attendre, nous allons donner la parole à M. Latourelle. Nous aviserons ensuite pour déterminer qui prendra la parole après vous. Nous passerons aux questions le plus rapidement possible.
Vous êtes déjà venu ici, je crois, si bien que vous connaissez l'usage. Il y aura dix minutes de questions pour chaque parti, puis nous procéderons à des tours de cinq minutes.
Grand Chef Norwegian et monsieur Locke, pouvez-vous nous entendre? Vous nous entendez bien? Très bien, merci.
Monsieur Latourelle.
[Français]
M. Alan Latourelle (directeur général, Agence Parcs Canada): Mesdames, monsieur le président, messieurs, merci de m'avoir demandé de présenter la perspective de Parcs Canada relativement à l'agrandissement proposé de la réserve de parc national du Canada Nahanni.
L'agrandissement de Nahanni est l'un des buts indiqués dans le Plan d'action du gouvernement pour protéger le patrimoine naturel du Canada annoncé en octobre 2002, et qui préconisait la création de dix nouveaux parcs nationaux et de cinq nouvelles aires marines nationales de conservation, ainsi que l'agrandissement de trois parcs nationaux existants.
Les terres et les eaux que protègent la réserve de parc national Nahanni ont une importance nationale et internationale, mais ce patrimoine mondial demeure toutefois incomplet. Depuis 1984, le gouvernement canadien, par l'entremise de Parcs Canada, manifeste l'intérêt d'agrandir Nahanni. Les scientifiques, les premières nations Deh Cho, ainsi que les Canadiens et les Canadiennes nous ont incités à prendre des mesures pour mieux protéger ce bassin hydrographique, indispensable au maintien des eaux et de la faune associées à Nahanni.
[Traduction]
Cet après-midi, je voudrais vous parler rapidement de la réserve de Parc national Nahanni, de la raison de son agrandissement et du processus que nous avons adopté.
Je tiens à souligner à l'intention du comité que Parcs Canada s'est engagé à collaborer avec les premières nations dont le territoire traditionnel se trouve dans le secteur retenu pour l'agrandissement et qu'il procédera à de nombreuses consultations à ce sujet. À la fin, le Parlement aura cependant le dernier mot en ce qui concerne le projet d'agrandissement.
Le Parlement a établi officiellement la réserve de Parc national du Canada Nahanni en 1976 afin de la protéger en tant que 26e parc national du Canada en vertu de la Loi sur les parcs nationaux du Canada. Nahanni a été aménagé en tant que réserve de parc national parce que le Canada a accepté de négocier une revendication territoriale dans la région. La réserve obtiendra le statut de parc national uniquement lorsqu'un accord aura été conclu avec les premières nations du Dehcho.
La réserve de Parc national Nahanni revêt une importance mondiale. En 1978, elle a été la première aire naturelle ajoutée à la liste des sites du patrimoine mondial de l'UNESCO. En fait, elle a devancé les îles Galapagos et le parc national Yellowstone. Par conséquent, aux yeux des habitants de la planète, Nahanni est véritablement un endroit exceptionnel. Au Canada, seulement 13 aires naturelles ont été désignées sites du patrimoine mondial, dont huit sont des parcs nationaux.
Cette désignation prestigieuse a été accordée à Nahanni en raison de ses processus géologiques toujours actifs et de ses phénomènes naturels remarquables. Pour l'UNESCO, Nahanni est particulière parce qu'elle constitue une aire naturelle inexploitée. La présence de trois canyons fluviaux aux parois de 1 000 mètres de haut, perpendiculaires aux chaînes de montagne, la spectaculaire chute Virginia avec sa cascade de 90 mètres, les sources thermales, les dolines, les butes de tuf calcaire des sources thermales de Rabbit Kettle et la topographie karstique composent un ensemble unique au monde.
¹ (1545)
[Français]
Nous trouvons aussi à Nahanni 700 espèces de plantes différentes. La réserve offre un habitat sauvage pour les gros carnivores comme les ours noirs, les grizzlis et les loups. Les ongulés comme le mouflon de Dall, la chèvre de montagne, le caribou des bois et l'orignal, ainsi que 180 espèces d'oiseaux y ont un habitat qui leur permet de croître. Toutes ces formes de vie évoluant dans un remarquable paysage actif font de cette région un véritable trésor national.
Nous avons la responsabilité nationale de protéger l'intégrité écologique de la réserve de parc national, pour l'agrément et l'enrichissement des connaissances des parcs nationaux des Canadiens et des Canadiennes.
[Traduction]
Jusqu'ici, je vous ai parlé uniquement de l'importance écologique de la réserve de Parc national Nahanni. Bien avant la découverte de Nahanni par les planificateurs de Parcs Canada ou les amateurs de canots du sud du Canada, les Dénés étaient présents depuis des millénaires sur les terres de la réserve de parc. Bien avant la propagation des légendes sur les vallées hantées et l'or perdu, la tribu naha, un peuple des montagnes, et plus tard les Dénés des montagnes parcouraient la région et exploitaient la Nahanni et ses richesses.
Afin de concrétiser l'agrandissement de la réserve de Parc national Nahanni en amont du bassin hydrographique de la rivière Nahanni Sud, il faudra solliciter et obtenir l'appui et la collaboration des premières nations du Dehcho ainsi que des Dénés du Sahtu vivant au nord-ouest. Le bassin hydrographique de la Nahanni a une superficie de 39 000 kilomètres carrés et couvre les territoires du Sahtu et du Dehcho.
Dès 1977, on savait que la superficie de la réserve était inadéquate. En fait, au moment d'examiner et d'approuver la mise en candidature de la réserve de parc national Nahanni au titre de site du patrimoine mondial, le Comité du patrimoine mondial avait déclaré qu'il serait souhaitable d'intégrer tout le bassin hydrographique en amont du site du patrimoine mondial.
En 1977, en réponse aux appels lancés par la population, le ministre responsable des parcs nationaux a demandé à Parcs Canada d'envisager d'agrandir la réserve de parc national Nahanni afin d'inclure une plus grande partie du cours supérieur de la Nahanni Sud, de même que le terrain karstique d'importance internationale. Plusieurs études ont été faites en ce sens.
Entre 1983 et 1987, Parcs Canada a mené une première série de consultations sur la possibilité d'étendre les limites dans le cadre du processus d'élaboration du premier plan directeur de la réserve du parc, sans toutefois en discuter avec les premières nations du Dehcho à cette époque. Peu de progrès ont été faits en raison de la lenteur du processus de revendications territoriales des Dénés et des Métis de la grande région.
En janvier 2000, une délégation des premières nations du Dehcho a rencontré mon prédécesseur et a proposé que la réserve de parc national Nahanni soit agrandie pour inclure une partie ou la totalité du bassin hydrographique de la Nahanni Sud. Finalement, en 2003, la ministre responsable de Parcs Canada et le Grand Chef des premières nations du Dehcho ont signé un protocole d'entente dans lequel les deux parties s'engageaient à collaborer dans le but d'établir les nouvelles limites de la réserve de parc national du Canada Nahanni et à mener des consultations à ce sujet avant septembre 2006.
Laissez-moi maintenant vous expliquer pourquoi il y a lieu d'étendre les limites de la réserve de parc.
[Français]
Tout d'abord, dans sa configuration actuelle, la réserve de parc ne protège qu'un étroit corridor riverain et ne comprend qu'un seul sous-bassin hydrographique complet.
Deuxièmement, c'est l'isolement relatif et le caractère sauvage du grand bassin hydrographique à l'extérieur de la réserve de parc qui ont permis d'en assurer la protection. Cependant, étant donné les activités actuelles et proposées à l'intérieur du bassin hydrographique, comme l'exploitation minière, le développement et la construction de routes, la santé écologique est de plus en plus menacée.
[Traduction]
Troisièmement, l'un des principaux buts du parc national consiste à représenter la région naturelle des monts MacKenzie du réseau des parcs nationaux. Le fait d'inclure un certain nombre d'éléments représentatifs aiderait considérablement la réserve du parc à mieux représenter cette région naturelle et à maintenir son intégrité écologique.
Par exemple, l'ajout du chaînon Ragged nous permettra de protéger les aires de mise bas et de rut du caribou des bois, un habitat important du grizzli et plusieurs sous-bassins hydrographiques intacts. Si nous ajoutons le plateau Tlogotsho, nous pourrons protéger le territoire du mouflon de Dall et le plus vaste habitat connu d'automne et d'hiver de l'orignal de la région. Nous avons également appris que la ceinture karstique de la Nahanni serait unique au monde. Rapidement, disons que les paysages karstiques sont façonnés par la dissolution de roches solubles comme le calcaire sous l'action de la pluie, ce qui produit des sources, cavernes, tours et arches ainsi que des canyons.
Quatrièmement, la réserve de parc national joue un rôle majeur dans la conservation de l'habitat faunique. Certains sous-bassins hydrographiques, des habitats essentiels et des corridors de déplacement des animaux sont exclus des limites actuelles et leur absence, tout particulièrement leur développement s'ils demeurent à l'extérieur du parc, pourrait nuire à la santé écologique de ce dernier.
J'aimerais maintenant, monsieur le président, préciser les intérêts de Parcs Canada dans la région de Nahanni — notre intérêt global et notre principale préoccupation ont trait à la protection de l'intégrité écologique de l'ensemble du bassin hydrographique de la Nahanni ou ce que les premières nations du Dehcho appellent Naha Dehe. C'est la clé du maintien des valeurs naturelles et culturelles de ce paysage.
Grâce à la conservation de l'ensemble du bassin hydrographique, nous parviendrons à garder intactes pour les générations futures les caractéristiques spectaculaires et la faune qui rendent Nahanni unique au monde. De plus, notre intérêt est de collaborer avec les premières nations, dont celles du Dehcho et du Sahtu, en vue de réaliser cet objectif de conservation.
Notre objectif premier est d'étendre les limites de la réserve de parc national afin de protéger les éléments clés de la Nahanni, que j'ai décrits il y a quelques instants. Cette vision, élaborée conjointement avec des aînés, des dirigeants locaux, des organismes gouvernementaux, des chercheurs scientifiques et d'autres groupes d'intérêts, préconise la protection d'un bassin hydrographique en milieu sauvage, d'éléments particuliers et de populations fauniques viables, de même que la poursuite des activités traditionnelles d'exploitation à des fins de subsistance.
L'aspect définitif des limites dépendra des résultats des travaux du groupe de travail mixte Parcs Canada-Dehcho qui a été mis sur pied en vertu du protocole d'entente, des résultats de l'évaluation en cours des ressources minérales et énergétiques et des consultations avec les principaux intervenants, les communautés des premières nations et les autres Canadiens.
Parallèlement, nous devons respecter les tenures et les permis existants, soit en les prenant en compte dans le tracé des limites, soit en les rachetant conformément au principe de la vente de gré à gré.
J'aimerais aussi signaler au comité que le parcs national constitue un volet essentiel du processus de Dehcho, lequel déterminera les conditions d'établissement du parc.
Dans le cadre du processus de Dehcho, la partie du bassin hydrographique située dans ce territoire fait en outre l'objet de mesures de protection provisoires. Les terres mises en réserve et celles qui forment le parc existant protègent les deux tiers de l'ensemble du bassin hydrographique de toute nouvelle activité d'exploration ou d'aménagement. Cela n'a aucun effet sur les activités traditionnelles, ni sur les pourvoyeurs. Des représentants de Parcs Canada continuent de rencontrer les dirigeants du Sahtu concernant la possibilité de mettre des terres en réserve afin d'assurer provisoirement la protection du bassin hydrographique à l'intérieur de leur territoire traditionnel.
En conclusion, monsieur le président, j'aimerais dire ce qui suit:
L'agrandissement ne pourra se faire dans le cadre du processus de Dehc ho et qu'à la condition qu'une entente soit conclue avec les premières nations du Sahtu en ce qui concerne leur partie du bassin hydrographique. Dans les cas où il existe des intérêts privés ou commerciaux, comme des mines, Parcs Canada ne procède à aucune expropriation. Nous nous conformons au principe de la vente de gré à gré, mais uniquement si nous en avons à la fois le besoin, l'intérêt et les moyens.
Les consultations publiques sur l'agrandissement débuteront dès que la Commission géologique du Canada aura terminé l'évaluation des ressources minérales et énergétiques, et que celle-ci aura été examinée par le ministère des Affaires indiennes, Ressources naturelles, Parcs Canada, ainsi que par le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. Les données écologiques et économiques seront diffusées dans le cadre des consultations.
¹ (1550)
Enfin, comme je l'ai déjà dit, c'est le Parlement qui aura le dernier mot sur l'expansion de la réserve du parc national Nahanni, tout comme sur les modifications aux frontières qui devront être présentées aux deux Chambres.
Ce n'est manifestement pas à Parcs Canada de décider de façon unilatérale de l'expansion. Parcs Canada présentera au gouvernement un rapport sur l'expansion, notamment sur les résultats des consultations. Le gouvernement soumettra ensuite une proposition à la Chambre des communes et au Sénat, si bien que l'expansion proposée pourra faire l'objet d'un débat.
En conclusion, le gouvernement du Canada a bien l'intention d'étendre les limites de la réserve du parc national Nahanni, mais uniquement dans le respect du processus prévu, qui comprend une évaluation des ressources minérales, des consultations publiques et la conclusion d'ententes de gestion participative avec les premières nations.
Merci beaucoup.
¹ (1555)
Le président: Merci, monsieur Latourelle.
Monsieur Latourelle, je crois savoir que vous devrez partir vers 16h30, alors le moment venu, vous n'aurez qu'à vous éclipser et le comité comprendra.
Nous allons maintenant donner la parole à M. Feher, et puis ce sera au tour de Mme Woodley et du Grand chef Herb Norwegian.
M. Timothy Feher (directeur général, Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada): Je vous remercie, monsieur le président, de me donner l'occasion de prendre la parole devant le comité aujourd'hui, et je tiens à remercier également les membres du comité.
Je m'appelle Timothy Feher, je suis directeur général national de la Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada.
La Société est depuis 1963 le porte-parole de la population canadienne en matière de protection des sites naturels. À notre avis, ces sites reflètent vraiment notre identité canadienne, et comme nous le disons à la réserve de parc Nahanni, il y a certaines choses qu'il faut s'assurer de préserver pour toujours.
La Société compte 20 000 membres répartis dans 13 sections d'un bout à l'autre du Canada, et le travail que nous faisons dans le dossier Nahanni est coordonné par notre section des territoires du nord-ouest. Nous sommes honorés d'être plusieurs à venir témoigner devant vous aujourd'hui. Bien entendu, nous sommes très honorés que le Grand chef des premières nations Dehcho, Herb Norwegian, se joindra à nous depuis London, de même que notre conseiller stratégique, Harvey Locke.
Je vais tout d'abord donner la parole à notre spécialiste de la conservation dans le Nord qui connaît bien la région de Nahanni et le Nord canadien, Alison Woodley.
Mme Alison Woodley (spécialiste en matière de conservation du Nord, Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada): Merci.
[Français]
Monsieur le président, membres du comité, je vous remercie sincèrement de nous donner la chance de vous présenter nos idées sur ces occasions importantes pour la conservation de la nature au Canada.
L'expansion des parcs nationaux Nahanni et des Lacs-Waterton sont des priorités extrêmement importantes pour la Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada.
[Traduction]
Mes propos porteront surtout cet après-midi sur l'agrandissement de la réserve de parc Nahanni. Je ne parlerai pas du parc national Lacs-Waterton, si ce n'est pour dire que le Canada a à mon avis une occasion extraordinaire de créer le chaînon manquant en faisant du parc Lacs-Waterton le premier parc du monde à être consacré à la paix internationale. La Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada tient énormément à l'agrandissement de la réserve de parc, et mon collègue Harvey Locke, qui se joint à nous depuis London aujourd'hui, sera heureux de répondre aux questions au sujet de cette initiative une fois que notre exposé sera terminé. Mes propos vont donc porter sur le parc Nahanni.
La vision que nous avons pour cette réserve de parc s'inspire de la vision qu'en ont les premières nations Dehcho de la région, à savoir que la réserve de parc naturel devrait être élargie afin de protéger tout le bassin hydrographique de la Nahanni Sud, y compris les terres karstiques . Le territoire en question correspond par ailleurs au secteur d'intérêt défini dans l'entente entre les Dehcho et Parcs Canada comme étant celui qui pourrait être englobé dans l'agrandissement de la réserve de parc. Le cadre de politique, la position des premières nations locales et la position de la Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada, qui est un organisme de conservation national, coïncident de façon remarquable pour ce qui est du secteur Nahanni, si bien que c'est là une occasion extraordinaire à notre avis de faire progresser les efforts en matière de conservation.
La Société est devenue le défenseur du territoire Nahanni dans les années 1960, lorsque nous avons lancé un mouvement populaire pour lutter contre un projet de développement hydroélectrique qui aurait entraîné l'érection d'un barrage sur les chutes Virginia, cette cascade spectaculaire d'une valeur symbolique incroyable qui se déverse au coeur même de la réserve de parc national Nahanni. Et c'est ainsi qu'en 1972, après la visite de Pierre Trudeau, on a créé la réserve de parc national Nahanni afin d'éloigner la menace de développement hydroélectrique et de protéger les trois couloirs qui longent la Nahanni Sud.
Comme l'a déjà expliqué M. Latourelle, les Nations Unies ont emboîté le pas au Canada en reconnaissant en 1978 l'importance mondiale du site Nahanni et en l'inscrivant sur la première liste des sites du patrimoine mondial. Le site Nahanni a d'ailleurs été le premier à être désigné comme site naturel du patrimoine mondial. Fait intéressant, l'IUCN, ou Union mondiale pour la nature, qui est chargée de conseiller les Nations Unies sur le patrimoine mondial, avait recommandé à l'époque au Comité du patrimoine mondial que tout le bassin hydrographique de la Nahanni Sud soit désigné site du patrimoine mondial. Cela ne s'est pas fait à l'époque, mais nous avons maintenant l'occasion, après ce délai important, de mener à bien ce projet.
En tant que signataire de la Convention sur le patrimoine mondial, le Canada s'est engagé à prendre toutes les mesures possibles afin de protéger le patrimoine mondial pour les générations futures de toute la communauté internationale.
Le moment est on ne peut plus indiqué pour que le Canada fasse preuve d'un leadership fort en matière de patrimoine mondial, puisque, pas plus tard que le mois dernier, le Canada a été élu au Comité du patrimoine mondial, ce comité de 21 pays qui surveille l'application de la convention. En prenant des mesures énergiques pour protéger notre part du patrimoine mondial, le Canada montrerait qu'il est disposé à jouer un rôle de leader à ce comité et à prêcher par l'exemple.
Je voudrais maintenant vous parler un petit peu du travail de la Société sur ce dossier. Ce qui nous démarque en tant qu'organisme, c'est le travail de mobilisation que nous faisons auprès de la population afin de protéger les sites naturels du Canada. Nous sommes actuellement en plein milieu d'une tournée pancanadienne appelée Nahanni Forever qui nous amènera dans 17 villes. C'est pour cette raison que M. Locke et le Grand chef Norwegian se trouvent à London à l'heure actuelle, la tournée Nahanni Forever devant faire escale à l'Université de Western Ontario.
Des personnalités canadiennes bien connues, comme Justin Trudeau, Cathy Jones de This Hour Has 22 Minutes, Sarah Harmer, lauréate d'un prix Juno, le Dr David Schindler, qui est peut-être le biologiste qui a reçu le plus de prix au Canada, et bien d'autres ont participé aux manifestations qui ont eu lieu dans les différentes régions du pays.
Dans la documentation que j'ai fait parvenir à vos bureaux la semaine dernière, j'ai inclus certains des articles sur la tournée qui ont paru dans les divers médias jusqu'à maintenant, notamment l'article sur le lancement de la tournée à Toronto qui a fait la une du Globe and Mail. Mais ce qui me donne le plus de satisfaction dans tout ce travail de sensibilisation, c'est de voir comme les Canadiens se sentent inspirés par ce que nous racontons au sujet du site Nahanni.
Les téléphones n'arrêtent pas de sonner depuis que la tournée a débuté: ce sont des Canadiens qui demandent ce qu'ils peuvent faire pour aider à protéger ce lieu unique; qui veulent nous raconter comme le fait d'avoir descendu la Nahanni Sud a changé leur vie; ce sont des avocats, des enseignants, des artistes, des photographes, des scientifiques qui veulent tous faire leur part.
º (1600)
Hier, j'ai reçu un appel d'un chef scout qui avait assisté à notre manifestation à l'Université McMaster et qui voulait que nous lui envoyions des images du site Nahanni pour qu'il puisse s'en servir comme étude de cas pour les scouts désireux d'obtenir leur badge de conservation.
Le site Nahanni touche vraiment les Canadiens jusque dans leur for intérieur.
Parcs Canada a pris des initiatives très positives en vue d'agrandir la réserve de parc national Nahanni. Il reste à savoir, et il s'agit là d'une question qui devra être décidée par le gouvernement du Canada dans son ensemble, quelles seront les nouvelles limites du parc?
Comme l'a dit M. Latourelle, les limites fixées en 1972 incluaient les chutes Virginia et les canyons en aval, mais 15 p. 100 seulement du bassin hydrographique y était englobé. Les habitats d'une foule d'espèces sauvages n'y étaient pas inclus — les caribous des bois, le grizzly, la chèvre de montagne, le mouflon de Dall, etc. Toutes ces espèces ont un habitat beaucoup plus vaste que le territoire qui est protégé à l'intérieur du parc national et qui s'étend d'ailleurs bien au-delà des limites du parc. De toute évidence, les limites actuelles ne sont pas suffisantes pour beaucoup d'espèces sauvages, et le parc doit absolument être élargi pour les protéger.
Deuxièmement, l'élargissement doit se faire de manière à protéger l'eau propre. Tant que l'activité industrielle, notamment l'exploitation minière, qui a des répercussions importantes sur la qualité de l'eau, se poursuivra dans les terres en amont de la réserve de parc national Nahanni, nous ne pourrons pas assurer la qualité de l'eau dans le site Nahanni pour les générations futures. Cela pourrait toutefois se faire si tout le bassin hydrographique était protégé.
Il y a un autre secteur qui n'a pas été inclus dans le territoire du parc lorsqu'il a été créé: il s'agit des époustouflantes terres karstiques Nahanni qui incluent des formations de calcaire d'un intérêt mondial. Fait intéressant, ces terres karstiques donnent l'impression de ne pas faire partie du bassin hydrographique Nahanni, mais une bonne partie de l'eau qui y coule rejoint les eaux souterraines qui se déversent dans la Nahanni Sud. Il est donc particulièrement important d'inclure ces terres dans les nouvelles limites du parc parce que leurs eaux finissent par se déverser dans le bassin hydrographique de la Nahanni Sud.
Toutes ces valeurs d'importance capitale doivent être mieux protégées dans le site Nahanni. Il convient alors de se demander quelles sont les obstacles à la protection complète du bassin hydrographique?
L'exploitation minière est le principal obstacle, le projet de mine à Prairie Creek étant particulièrement inquiétant pour nous. À notre avis, il ne faudrait pas donner le feu vert à l'ouverture de cette mine en plein coeur du bassin hydrographique Nahanni. Le mine se trouverait à 32 kilomètres à peine en amont de la limite actuelle du parc national. Elle se trouverait juste à côté de Prairie Creek, comme vous pouvez le voir dans les photographies que j'ai incluses dans la documentation.
On voit dans la brochure une photographie du site minier. Vous trouverez une description très complète et détaillée du projet de Prairie Creek dans l'article paru dans l'Edmonton Journal le mois dernier et qui se trouve dans la documentation que je vous ai envoyée la semaine dernière. Je vous encourage à lire cet article pour savoir exactement quel est l'historique du site et connaître les détails du projet.
Aux yeux de la Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada, la mine Prairie Creek représente une menace importante pour l'intégrité écologique du territoire actuellement compris dans le parc ainsi que du territoire qu'il est proposé d'y inclure. Nous avons de sérieuses réserves au sujet des répercussions de la mine sur la qualité de l'eau, étant donné son emplacement. Ainsi, il y a 40 tonnes de cyanure, de même que d'autres produits chimiques, qui sont entreposés depuis 20 ans à quelques centaines de mètres du ruisseau. Voilà qui présente un danger manifeste pour le territoire actuel, pour le territoire agrandi proposé et pour l'intégrité écologique du bassin hydrographique.
Pour que la mine puisse être exploitée, il faudrait aménager une route pour le transport du minerai. Le tracé de la route passerait au plein milieu des fragiles terres karstiques du site Nahanni, dont les eaux souterraines pourraient ainsi être contaminées.
Cette mine, comme d'ailleurs l'activité minière en général dans les terres Nahanni, est d'autant plus risquée à cause de l'instabilité naturelle de la région. Deux des plus importants tremblements de terre survenus récemment au Canada se sont produits dans la région Nahanni en 1985; ils ont atteint 6,5 et 6,9 sur l'échelle de Richter. Nous n'en avons pas entendu parler parce que la région comporte très peu . C'était pourtant des événements importants.
Des crues éclair se sont produites dans les ruisseaux avoisinants dont le lit est parallèle à celui du ruisseau Prairie. À cause de l'instabilité naturelle de la région, tout ouvrage d'infrastructure humaine, telle une mine, est vulnérable. Le risque de catastrophe se trouve accru. Nous sommes persuadés que l'exploitation de cette mine ne devrait pas être autorisée, puisque le risque est trop élevé pour cette région que le Canada a promis au monde entier qu'il allait protéger.
Alors, que doit faire le gouvernement canadien? Le Canada a une décision à prendre. S'il autorise l'exploitation de la mine, les valeurs naturelles de classe mondiale du bassin hydrographique de la Nahanni Sud s'en trouveraient dégradées. En protégeant le bassin hydrographique dans son ensemble, il protégerait ces valeurs ainsi que la culture Dehcho. Nous vous demandons, en tant que membres du Comité de l'environnement, de vous joindre à nous pour réclamer que l'agrandissement de la réserve de parc national Nahanni permette de protéger tout le bassin hydrographique.
Voilà qui termine mon exposé.
º (1605)
Je voudrais présenter le Grand chef Norwegian, si vous le permettez.
Le président: Bien sûr, madame Woodley.
Merci.
Grand chef, soyez le bienvenu et merci d'être là pour discuter avec nous.
Le grand chef Herb Norwegian (le grand chef, Premières nations du Deh Cho): Merci de me permettre de venir dans ce coin du pays pour parler d'un sujet qui est vraiment délicat chez nous.
Le Parc national Nahanni nous préoccupe énormément depuis une dizaine d'années. Au fil des ans, nous avons cherché de concert avec le Canada à protéger une bonne partie de notre territoire. Le territoire Dehcho se trouve en plein milieu de la vallée du McKenzie, et un des gros défis avec lesquels nous devons composer maintenant, c'est le projet de pipeline dans la vallée du McKenzie. Vous avez ainsi une idée de l'endroit où se trouve notre territoire.
Depuis quelques années, nous négocions avec le Canada afin d'en arriver à un accord sur les terres et la gouvernance. Un des grands enjeux pour nous est la protection du bassin hydrographique de la Nahanni Sud. Nous avons déployé beaucoup d'efforts au fil des ans pour protéger ce bassin hydrographique.
Il y a environ six ans de cela, nous nous sommes réunis pour discuter de ce que nous devrions faire afin de le protéger. Des Ainés, des groupes environnementaux, des représentants du parc et des dirigeants ont participé à une excellente conférence de 4 jours où ils ont discuté du parc. À l'issue de la conférence, il avait été décidé que le parc existant, qui comprend d'étroites bandes de terre de chaque côté de la rivière, ne suffisait pas pour protéger la Nahanni Sud.
Nous avons alors dessiné une carte et tracé le périmètre qui engloberait tout le bassin hydrographique. Nous avons expliqué aux anciens que, pour protéger vraiment le site, il faudrait que le parc soit agrandi de beaucoup. Nous avons constaté que, en repoussant les limites du parc pour qu'il englobe tout le bassin hydrographique, le parc occuperait un territoire sept fois plus grand que celui qu'il occupe à l'heure actuelle.
Nos gens n'en revenaient pas, et ils ont dit que l'eau était un sujet délicat pour eux. Dans le secteur de la Nahanni Sud, les gens vivent en aval de deux mines exploitées. Ils s'inquiétaient beaucoup du fait que, si jamais il y avait une catastrophe, il pourrait en résulter des glissements de terrain et le blocage des principaux affluents. Cela pourrait très bien se produire à la mine Prairie Creek. Tôt ou tard, cela finira par se produire; c'est une bombe à retardement. Les Ainés ont été très clairs là-dessus. Ils ont dit que l'eau est sacrée pour eux et ils veulent que tout le bassin hydrographique soit protégé.
Nous négocions avec le Canada depuis un certain nombre d'années. Nous avons réussi à nous entendre sur la protection d'environ 80 p. 100 du bassin hydrographique, mais il reste encore des zones non protégées. Il faut absolument que le Canada se rallie à notre cause afin que nous puissions protéger complètement tout le bassin hydrographique.
Comme Alison l'a signalé, nous avons négocié et signé une entente de cogestion avec Parcs Canada il y a deux ans. Nous sommes très heureux de pouvoir gérer de concert avec Parcs Canada cette magnifique région.
Mais nous voulons mener les choses encore plus loin. Nous voulons que le Canada interdise l'activité minière dans la région, et il faut faire progresser ce dossier. Ces derniers jours, je me suis entretenu avec de nombreuses personnes de diverses régions de l'Ontario. On s'entend généralement pour dire que le Canada doit être partie prenante et qu'il doit poser des gestes concrets afin de nous aider à protéger cette région des plus sacrées.
Ce serait la réalisation du rêve de toute une vie pour beaucoup d'entre nous, surtout pour des gens comme Elsie Marcellais et Jonas Marcellais, des Ainés qui ont été parmi les premiers à piloter ce dossier. L'autre jour, nous avons fait nos derniers adieux à un Ainé, Leon Sassi, qui nous a aidé à mettre ce rêve à portée de la main.
Nous avons donc fait du bon travail. Nous avons l'appui des Ainés, et nos dirigeants n'attendent que le signal pour se mettre à l'oeuvre. Il y a aussi Alan Latourelle et son équipe de Parcs Canada de même que les gens de la Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada qui ont fait de l'excellent travail.
Enfin, ces derniers jours, nous avons eu droit à un accueil incroyable dans le cadre de notre tournée pancanadienne.
º (1610)
Je croyais être le seul à connaître l'existence de la Nahanni, car je n'y avais vu que quelques personnes qui faisaient de l'aviron ou de la randonnée pédestre. Mais quand je suis arrivée dans le sud de l'Ontario et que je me suis mis à expliquer d'où je venais et à décrire ma région, je me suis rendu compte que beaucoup de gens y sont déjà allés et que beaucoup d'autres ont déjà lu quelque chose au sujet de la région ou ont déjà vu des images de la région. Quand je prend la parole lors d'une conférence, je parle de la dimension naturelle et de la dimension spirituelle de la région. C'est une région vraiment incroyable.
Des gens comme vous doivent vraiment aller sur place et voir la région de leurs propres yeux pour y croire. C'est tout simplement spectaculaire. C'est vraiment tout un honneur pour moi de savoir que je viens d'une région comme celle-là.
Je tiens à vous remercier encore une fois, monsieur le président, de me donner ainsi le temps de parler de cette région qui nous tient tellement à coeur.
Merci.
Le président: Merci, grand chef.
Nous disions justement que nous aimerions nous rendre à Fort McMurray, et le comité y a consenti. Peut-être que nous pourrions accepter votre invitation et aller faire un aller-retour à Nahanni, mais il faudra attendre encore au moins un mois et demi, malheureusement.
Nous allons passer maintenant à la première personne sur la liste. C'est M. Richardson qui va commencer.
M. Lee Richardson (Calgary-Centre, PCC): Merci, monsieur le président.
Merci à vous tous de votre présence et je tiens à remercier tout particulièrement les représentants de la Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada, que nous ne voyons pas aussi souvent que nos collègues de Parcs Canada. Je vous sais gré de l'exposé que vous avez fait aujourd'hui sur cette question d'une importance capitale.
Je vais commencer par M. Latourelle, parce que je sais que vous devez partir, même si je veux revenir après aux représentants de la Société.
Pouvez-vous me dire brièvement quel est l'état de l'étude de faisabilité sur l'agrandissement de la réserve de parc, et quel est l'échéancier prévu? Plus précisément, j'aimerais savoir ce que Parcs Canada pense de la réouverture de la mine Prairie Creek et de la route d'accès hivernal. Sera-t-il possible d'assurer l'intégrité écologique du nouveau parc agrandi malgré la présence d'une mine de zinc active et d'une route d'accès?
º (1615)
M. Alan Latourelle: Pour ce qui est de savoir où nous en sommes, nous sommes en train de terminer nos études écologiques et nous travaillons en même temps en collaboration avec la commission géologique du Canada, qui achève les évaluations des ressources minérales et énergétiques. Le travail devrait être terminé d'ici le début de 2006, après quoi nous lancerions une série de consultations publiques en 2006, étant entendu que nous travaillerions en collaboration avec les premières nations Dehcho. L'objectif ultime est donc d'en arriver à une entente avec les premières nations Dehcho sur l'agrandissement de la réserve du parc d'ici à 2008.
Pour ce qui est de la mine, je voudrais d'abord parler du cadre législatif qui régit notre activité, car je crois qu'e c'est essentiel pour comprendre l'enjeu. Le processus d'expansion des parcs existants ou de création de nouveaux parcs au Canada ne comporte aucun droit d'expropriation. Lorsqu'il y a des activités d'exploitation minière ou forestière ou d'autres activités dans le territoire avoisinant un parc, ou bien nous travaillons avec les entreprises afin de les amener à certaines normes de leadership environnementales, ou bien nous achetons l'entreprise. Ainsi, il y a différents scénarios qui s'offrent à nous dans le cas de la mine, mais nous ne pouvons pas tout simplement recourir à l'expropriation.
Si nous avions des intérêts financiers et si nous avions les fonds nécessaires pour la racheter ce serait une possibilité. Pour l'instant, nous n'avons toutefois pas envisagé ce scénario à cause du coût.
Nous travaillons avec les promoteurs, de même qu'avec les organismes chargés du processus d'approbation, comme certains des conseils d'examen du projet de la vallée du Mackenzie; nous leur offrons notre expertise et nos connaissances relativement aux éventuelles répercussions sur la réserve de parc national.
M. Lee Richardson: Je vous écoutais parler des possibilités d'expropriation, et de l'absence de ces dernières dans les cas qui nous concernent. Sont-ils propriétaires de ces terres, peuvent-ils procéder à une exploitation commerciale, et existe-t-il d'autres développements commerciaux dans la zone de conservation proposée?
M. Alan Latourelle: Il y a deux mines: Canadian Zinc et une autre. Il y a également de grands pourvoyeurs qui ont des intérêts commerciaux. Alors que nous négocions de nouveaux élargissements aux parcs nationaux, nous devrons parfois composer avec les intérêts miniers, mais dans le passé nous avons déjà travaillé avec succès avec d'autres entreprises et avons trouvé des solutions acceptables pour tous les intéressés. Même l'activité minière et l'exploration, dans certains endroits... Par exemple, Shell Canada a cédé ses droits en Colombie-Britannique dans certaines parties de Gwaii Haanas, qui est la région où on a proposé la création d'une aire marine nationale de conservation. Nous travaillons avec les industries du pétrole et du gaz. Dans certains endroits, comme en Colombie-Britannique, ils ont volontairement cédé leurs droits.
M. Lee Richardson: Merci.
Je dois dire que je suis très encouragé. Grand Chef Norwegian, j'espère que vous nous avez invités à visiter la réserve de parc Nahanni. Je suis sûr que nous avons tous, y compris en particulier notre critique en matière d'environnement, M. Mills, un grand intérêt pour Nahanni et son élargissement. Je suis désolé qu'il n'ait pas pu être des nôtres aujourd'hui et il m'a demandé de vous présenter ses excuses. Je sais que vous lui parlez régulièrement.
Je m'en tiendrai là pour cette ronde de questions afin de donner du temps à M. Jean; je poserai d'autres questions par la suite.
M. Brian Jean (Fort McMurray—Athabasca, PCC): Merci.
Merci encore une fois d'être ici aujourd'hui.
Je me demande pourquoi ces régions ont été exclues du parc à l'origine. Je ne sais pas qui peut répondre à cette question, mais il est évident que certaines régions spécifiques ont été exclues. Vous en avez parlé, madame Woodley, et je me demande pourquoi. Est-ce qu'il y a des raisons précises pour lesquelles on a exclu ces régions?
M. Harvey Locke (conseiller principal en matière de conservation, Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada): Voulez-vous que j'aborde cette question?
º (1620)
Mme Alison Woodley: Bien sûr, monsieur Locke.
M. Harvey Locke: La seule façon de comprendre les limites actuelles du parc national Nahanni est de se rendre compte qu'il a été conçu de façon à empêcher le développement hydroélectrique. Il s'agit d'une frontière très atypique qui suit l'endroit où les rivières Flat et Nahanni auraient perdu du volume si un barrage hydroélectrique avait été construit. Si vous regardez la brochure, vous verrez que c'est un parc qui a été conçu en fonction d'une rivière.
À l'époque où le parc a été créé, le Service canadien de la faune a fait des évaluations et a conclu qu'une frontière beaucoup plus typique était requise, car ce serait mieux pour la nature. D'après ce que nous en savons, et en nous basant sur notre mémoire institutionnelle, je suppose, la première délimitation du parc n'était qu'un premier pas, et qu'à l'avenir d'autres mesures seraient prises pour empêcher la menace immédiate de se concrétiser.
Le problème c'est que nous avons attendu 30 ans pour ce suivi, qui ne s'est pas produit. Et maintenant nous devons composer avec un problème grave, soit la proposition de construire la mine Prairie Creek. C'est un projet qui avait été abandonné à un certain moment, mais qu'on vient de ressusciter, et qui comprend la construction d'une voie d'accès à travers une région que vous voulez inclure dans le parc. Voilà ce qui rend cette question urgente. À notre avis, le Canada doit trancher dès que possible: il doit décider si la région va être totalement protégée ou si elle sera dégradée par le projet de construction de la mine.
M. Brian Jean: Excusez mon ignorance, mais j'aimerais également savoir si les rivières coulent du nord vers le sud en direction est. Est-ce exact?
M. Harvey Locke: De façon générale, oui. Elles ont leur source au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest à l'ouest, et à l'est en direction du Mackenzie, à un angle du nord-ouest au sud-est.
M. Brian Jean: C'est ainsi que les choses semblent se passer. Mais je suis curieux. Avons-nous contrôler un moyen d'enrayer les effets polluants qui viendraient de l'Alaska?
M. Harvey Locke: Il n'y a rien en amont du bassin hydrographique de la Nahanni Sud sauf la ligne de partage des eaux. Puisque l'Alaska est très loin, il n'y a aucun risque. Aucune activité en Alaska présenterait un danger pour le bassin hydrographique de la Nahanni Sud. En fait, le Yukon se trouve entre la réserve Nahanni et l'Alaska.
M. Brian Jean: Si nous étendions les limites du parc, est-ce que cela affecterait la région naturelle qui se trouve à l'extérieur de la zone que nous contrôlons?
M. Harvey Locke: Heureusement, la qualité de l'air et les éléments qui voyagent, mais pas par voie terrestre, ne représentent pas vraiment un grand problème dans cette partie du monde. Ce n'est pas comme dans la Sud de l'Ontario, qui reçoit les émissions des centrales alimentées au charbon de la vallée de l'Ohio, ou autre. La région qui nous concerne est un environnement très sain, très naturel et également très grand, dont le paysage est resté vierge jusqu'à présent.
M. Brian Jean: J'habite à Fort McMurray, où coule la Clearwater, qui est également une rivière patrimoniale. Je sais qu'il est très difficile de protéger cette région, surtout à ce stade-ci, étant donné la lixivation qui s'y produit, mais c'est encourageant de voir un projet comme celui-ci.
Vous avez parlé de deux mines et de quelques pourvoyeurs. Les pourvoyeurs auraient un impact minime sur l'environnement dans cette région en particulier, du moins c'est ce que je pense,selon leurs activités. Sauf les mines, y aurait-il d'autres graves menaces à la région?
M. Harvey Locke: Non. Fort heureusement, ce n'est pas un problème très complexe. Il y a une ancienne mine qui nous a causé certains problèmes, mais son exploitation est presque terminée et doit être recyclée. Nous avons maintenant cette nouvelle proposition. Nous pouvons maintenant nettoyer les dégâts causés et empêcher qu'une autre menace ne se produise. J'imagine qu'il serait possible de s'entendre à l'amiable avec les guides de pourvoirie afin de les encourager à partir. Après cela, il ne resterait pas grand-chose à faire.
Nous avons cependant une préoccupation — et le grand chef Norwegian en a parlé; il est encore possible d'obtenir des concessions minières à certains endroits. Même à l'heure actuelle, le gouvernement n'a pas complètement protégé une région alors qu'il procède à des études. Nous craignons que les choses s'aggravent et que la situation puisse se détériorer.
Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet, grand chef?
Le grand chef Herb Norwegian: C'est un endroit fragile. Je crois que nous parlons de Prairie Creek. Il s'agit d'une mine située dans une vallée de quelque 50 à 60 kilomètres de long. La mine se trouve au coeur de cette zone écologiquement fragile. Au fil des ans, nous avons connu des situations passablement dangereuses dans ce coin-là, à cause de tremblements de terre et, bien entendu, les chutes de neige.
Dans les années à venir, un éboulement de terrain pourrait facilement bloquer l'entrée de Prairie Creek, et on se retrouverait avec un lac de 50 kilomètres de long qui inonderait complètement la mine qui se situe au niveau de l'eau. C'est quelque chose qui nous préoccupe énormément.
C'est une bombe à retardement. Tôt ou tard, quelque chose va se produire. Les crues de ces rivières là sont très fréquentes à cause d'éboulements de terre et de roche. C'est une région assez aride. Il nous faut examiner la situation et tenter d'agir immédiatement.
º (1625)
M. Brian Jean: Quel pourcentage de la population Nahanni serait touchée?
Le grand chef Herb Norwegian: Une centaine de personnes de la collectivité de Nahanni vivent en aval, près de l'embouchure de la Nahanni Sud, qui se déverse ensuite dans la Liard. On arrive ensuite à la grande collectivité de Fort Simpson qui compte entre 1 200 et 1 400 habitants. En suivant le Mackenzie, on arrive à Wrigley, où il y a encore 150 personnes, Tulita, Norman Wells, Good Hope, Inuvik, Tuktoyaktuk, et toutes les autres collectivités. Il y aurait donc une réaction en chaîne. Tôt ou tard, cela risque de se produire.
Le président: Merci, monsieur Jean.
Vous avez la parole, monsieur Bigras.
[Français]
M. Bernard Bigras (Rosemont—La Petite-Patrie, BQ): Merci, monsieur le président.
Je n'ai que quelques questions à poser. La première s'adresse à M. Latourelle. Vous excuserez mon ignorance, mais j'aimerais que vous nous expliquiez l'impact du passage de réserve de parc national à parc national. C'est la première fois que je vois un cas comme celui-là. Quel impact y aura-t-il sur la classification des aires protégées? Y a-t-il eu des précédents et sont-ils nombreux?
M. Alan Latourelle: Dans plusieurs endroits au Canada, on a établi des réserves de parc national. La seule différence est qu'on établit une réserve au lieu d'un parc national si le processus des revendications territoriales n'a pas été complété. Lorsqu'il y a entente sur les revendications territoriales, on peut changer une réserve en un parc national. Pour qu'il y ait une réserve de parc national, il faut que les droits des communautés autochtones ne soient pas affectés, comme c'est le cas ici.
M. Bernard Bigras: Ma prochaine question s'adresse au grand chef. Cette nouvelle gestion aura-t-elle des impacts sur vos activités traditionnelles, et quels seront ces impacts?
[Traduction]
Le grand chef Herb Norwegian: Merci. C'est une bonne question.
Nous avons une entente de cogestion avec Parcs Canada; nous y travaillons depuis à peu près quatre ans. À l'heure actuelle nous avons une entente en vue d'une gestion participative du parc. Nous pouvons poursuivre nos activités traditionnelles de chasse et de trappage. La récolte pourra continuer, parce que nous estimons que nous faisons partie du cycle faunique dans le parc, à titre de carnivores, et nous contribuons donc à équilibrer tout le système au sein du bassin hydrographique.
Les premières nations continueront de chasser, trapper, et de pouvoir faire leurs récoltes. Ce sera l'élément clé pour les premières nations. La possibilité de poursuivre leurs activités traditionnelles représente la pierre angulaire de cette entente.
[Français]
M. Bernard Bigras: En ce qui a trait à l'agrandissement du parc national du Canada des Lacs-Waterton, je constate qu'il y a des demandes d'études de faisabilité. Il semble y avoir un consensus, sauf de la part du gouvernement provincial. Pouvez-vous nous dire quel est l'état d'avancement de ce projet et ce qui achoppe dans les pourparlers avec la Colombie-Britannique?
M. Alan Latourelle: Lorsque nous faisons des expansions de parc nationaux, nous nous assurons d'avoir la collaboration et le soutien du gouvernement provincial. Dans ce cas, en Colombie-Britannique, nous avons signé une entente Canada—Colombie-Britannique pour la création de certains parcs et la création d'aires marines nationales de conservation. Cependant, le gouvernement de la Colombie-Britannique n'était pas prêt à soutenir des études de faisabilité pour l'expansion du parc national du Canada des Lacs-Waterton. Parcs Canada ne fait pas d'études de faisabilité sans le soutien de la province.
º (1630)
M. Bernard Bigras: Quelles sont les raisons évoquées par la Colombie-Britannique?
M. Alan Latourelle: C'est une décision de son gouvernement. Il ne nous a pas fait part du raisonnement qui l'a mené à prendre cette décision. Cette décision a été prise par son cabinet.
M. Bernard Bigras: D'accord.
En ce qui a trait à l'exploitation minière, la Commission mixte internationale a-t-elle été saisie de la question? A-t-elle donné des avis? Croyez-vous que la CMI devrait jouer un rôle plus important à cause de répercussions négatives sur l'environnement au sud de la frontière?
Le président: À qui cette question s'adresse-t-elle?
M. Bernard Bigras: Elle s'adresse à tout le monde.
[Traduction]
Le président: Qui peut répondre?
[Français]
M. Harvey Locke: C'est mon lieu, j'y travaille beaucoup, et j'essaierai de répondre.
La Commission mixte internationale a fait une grande étude sur une mine de charbon proposée il y a 20 ans au bord de la rivière Flathead, qui coule du Canada vers les États-Unis. La commission a indiqué qu'une mine à cet endroit pouvait poser un problème. Elle voulait une étude détaillée sur la manière dont l'écosystème fonctionne des deux cotés de la frontière. Cette étude n'a jamais été faite et, à notre avis, il serait bien de mener maintenant une vaste étude sur toutes les mines proposées puisque, à cause du prix du charbon qui est très élevé actuellement, on a un... [Note de la rédaction: Difficultés techniques] ... beaucoup de mines et aussi de méthane dérivé du charbon et proposer plusieurs lieux.
Une étude sur les carnivores indique que cette région est la plus importante en Amérique du Nord pour les grizzlis et toutes les espèces de carnivores du continent. L'eau a aussi une grande valeur parce que la rivière Flathead est la... [Note de la rédaction: Difficultés techniques] ... des États-Unis. À notre avis, la gestion actuelle de la région par le gouvernement de Colombie-Britannique n'est pas suffisante pour sauvegarder les grandes richesses de la région. Selon nous, il faut une grande étude, et l'implication de la Commission mixte internationale serait une très bonne façon d'y arriver.
M. Bernard Bigras: Que pense Parcs Canada de cela?
M. Alan Latourelle: Je ne peux parler pour tous les programmes du gouvernement, ni de la perspective du programme de Parcs Canada. Nous travaillons avec différents intervenants, dans ce cas-ci avec les provinces ou les territoires, et nous ne pouvons avoir d'influence que dans la mesure où nous avons du soutien. Nous pouvons faire des études de faisabilité. C'est ce que nous proposons quand nous avons le soutien de la province. Dans ce cas-ci, nous ne l'avons pas. Nous sommes encore très intéressés par cet endroit et son importance écologique, mais nous respectons les droits des provinces. En bout de ligne, ce sont leurs terres.
M. Bernard Bigras: Merci.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Bigras.
Monsieur Powers.
M. Russ Powers (Ancaster—Dundas—Flamborough—Westdale, Lib.): Merci, monsieur le président.
Le personnel de la Bibliothèque du Parlement nous a brossé un tableau de la situation, et je vais commencer par vous poser certaines questions.
Il y a une entente entre le Canada, le district régional de Kootenay Est, et la nation Ktunaxa, en vue de donner suite à une proposition, et la Colombie-Britannique et l'État du Montana semblent avoir soit une entente parallèle ou bien une entente différente sur la même question. J'aimerais savoir, tout d'abord, pourquoi la Colombie-Britannique n'a pas choisi de participer? Je vais formuler quelques hypothèses, et vous pourrez me dire si je me trompe, mais veuillez tout d'abord m'expliquer pourquoi la Colombie-Britannique est exclue d'une affaire qui, de prime abord, paraît tout à fait logique.
º (1635)
M. Alan Latourelle: Il ne conviendrait pas que j'essaie de représenter la position du gouvernement de la Colombie-Britannique.
Voici un point de vue positif. Il ne faut pas oublier que c'est grâce à une entente avec la Colombie-Britannique que nous avons pu établir la réserve de Parc national du Canada des îles-Gulf. Nous avons convenu d'aller de l'avant pour créer deux aires marines nationales de conservation. Nous nous sommes aussi entendus pour entreprendre une étude de faisabilité qui se déroule actuellement dans la région d'Okanagan-Similkameen Sud. Donc, nous nous sommes entendus avec la Colombie-Britannique pour progresser dans quatre régions protégées, et l'une d'entre elles a été créée en tant que réserve de parc national.
Je ne suis pas en mesure de vous dire pourquoi la Colombie-Britannique n'a pas encore accepté notre offre d'effectuer une analyse de faisabilité.
M. Russ Powers: Le gouvernement provincial de la Colombie-Britannique signale la préparation actuellement d'un plan de gestion de la partie septentrionale des montagnes Rocheuses afin d'harmoniser les intérêts économiques, les besoins de la population de la région et les considérations écologiques. Ce plan toutefois, ne prévoit pas l'agrandissement du parc. Je pense qu'on peut lire entre les lignes car étant donné l'approche, les intentions sont claires et je vous encourage à conclure un partenariat avec ce gouvernement.
Quoi qu'il en soit, j'aimerais parler maintenant du bassin hydrographique. J'ai plusieurs années d'expérience en la matière et en tant que membres des organisations responsables de la conservation en Ontario... Comme vous le savez, il y en a 38 qui ont été constitués pour les fins de bassins, et je m'y connais un peu en la matière.
Le rapport que j'ai entre les mains est rédigé malheureusement en gris et en noir et je ne peux que me perdre en suppositions sur ce dont il est question: les limites originales ou actuelles du parc, l'agrandissement... S'agit-il de doubler la superficie, la tripler ou quoi? Ensuite je vous poserai mes questions au sujet du bassin hydrographique.
M. Alan Latourelle: Actuellement, le parc couvre environ 4 700 kilomètres carrés. Tout le bassin atteint près de 40 000 kilomètres carrés. Par comparaison, le Parc national Wood Buffalo dans les Territoires du Nord-Ouest et en Alberta couvre 44 000 kilomètres carrés, ce qui vous donne un ordre de grandeur.
M. Russ Powers: Madame Woodley, dans votre exposé, vous avez fait allusion à ce que j'appellerai les bassins souterrains, ce genre de choses. Sur la carte qu'on nous propose, cela est-il compris dans les 40 000...? La zone délimitée ici tient-elle compte des inquiétudes légitimes que vous avez à l'égard des véritables bassins?
Mme Alison Woodley: Oui. La zone envisagée pour l'agrandissement du parc englobe à la fois le basin sud de la Nahanni et le karst adjacent de la Nahanni, là où le drainage sous-jacent revêt une importance. En fait, cette zone fait actuellement l'objet d'une ordonnance intérimaire.
Ce qui nous inquiète cependant c'est l'éventuelle route d'accès qui passerait par là pour rejoindre la mine de Prairie Creek. Si on donnait le feu vert à la mine, cette route passerait tout près de ce karst unique et les régions karstiques sont très propices à la contamination de la nappe phréatique. Cette eau se déplace très rapidement et emprunte sous terre des directions que nous ne pouvons pas toujours prévoir, si bien que tout déversement éventuel de carburant ou de produits chimiques serait le potentiel d'une contamination si la route servant au transport du minerai devait subir un usage intensif, chose qui nous inquiète donc.
Si on agrandissait le parc et si en son milieu, demeurait une mine avec un chemin d'accès à travers des reliefs karstiques, la situation serait donc la suivante: un parc national d'importance mondiale comportant en son milieu un trou et un chemin servant au transport du minerai. Selon nous, ce n'est pas ce que la population du Canada souhaite dans cet environnement universellement unique.
º (1640)
M. Russ Powers: Derek Ford, qui était un de mes collègues à l'Université McMaster et moi-même avons repéré une zone karstique juste au-dessus de Hamilton. Elle fait maintenant partie d'une des régions de conservation. M. Ford a clairement identifié l'effet de radiation, si l'on peut dire, du karst.
Avec les meilleures intentions du monde, on déverse de l'eau à un endroit et on suppose qu'elle jaillira ailleurs, mais ce n'est pas le cas. Je pense que les arguments que vous présentez, non seulement la caractéristique unique du karst... Il n'y a pas beaucoup de zones de ce genre. Il faut la bonne combinaison de valeurs de sédimentation et lithologiques et d'autres facteurs. Quand on aura déterminé quelle est la zone karstique et comment on peut l'inclure, le Parc national Nahanni bénéficiera d'une autre caractéristique unique. Comme sans doute tous mes collègues ici, j'ai en entendu parler et j'ai vu des photographies mais il faut se rendre sur place pour en apprécier les caractéristiques.
Pour ce qui est des bassins hydrographiques, je suis convaincu que ce que l'on fait en amont a un effet néfaste non seulement le long du cours d'eau mais tout à fait en aval. Je pense que l'État du Montana et même la Colombie-Britannique ont mentionné l'effet néfaste potentiel qui pourrait se produire au-delà des frontières, avec des répercussions pour tout ce qui se trouve en aval.
Il me reste sans doute une minute pour que nos témoins répondent. De toute façon, j'y reviendrai plus tard au besoin.
Le président: Monsieur Locke.
M. Harvey Locke: D'accord. Les effets en aval au Montana préoccupent vivement nos amis américains à cause du bassin hydrographique Flathead. L'essentiel de tout cela n'a pas grand-chose à voir avec la proposition de parc national mais c'est plutôt le méthane que l'on peut tirer du bassin houiller qui se trouve en amont, pour lequel un projet se développe actuellement à grande vitesse.
Fait intéressant: la Flathead aux États-Unis est un cours d'eau très connu et au Canada, elle ne l'est pas. C'est une question de différence culturelle. La situation suscite beaucoup d'inquiétude. Voilà pourquoi les notes de séance qu'on vous a fournies contiennent des renseignements sur le sujet car cette rivière est un joyau culturel pour les Américains.
M. Russ Powers: D'accord.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Powers.
Monsieur Watson, avez-vous des questions?
M. Jeff Watson (Essex, PCC): Merci, monsieur le président.
Je remercie nos témoins également.
Permettez-moi de rassembler mes pensées. Je suis désolé d'avoir raté l'exposé. Vous avez sans doute parler à ce moment-là de l'étude de faisabilité. Pouvez-vous me dire à quel point en est cette étude concernant la réserve de parc national Nahanni? Quand s'attend-on à ce qu'elle soit terminée?
M. Alan Latourelle: J'espère que je peux vous donner la même réponse que tout à l'heure.
Actuellement, nous mettons un terme aux études écologiques. En même temps, la Commission géologique canadienne est en train de terminer ses évaluations en ressources minérales et énergétiques. Tout cela devrait être fini d'ici le début de 2006. À ce moment-là, nous avons l'intention de lancer un programme de consultation publique.
L'objectif est de conclure un accord avec les premières nations Dehcho d'ici 2008. C'est notre engagement en vertu du protocole d'entente que nous avons signé avec les premières nations Dehcho.
M. Jeff Watson: L'étude de faisabilité envisage-t-elle d'évaluer le coût d'un éventuel rachat des mines existantes de la région?
M. Alan Latourelle: L'étude de faisabilité porte sur les limites proposées d'agrandissement du parc national, les intérêts miniers et le potentiel minier, ainsi que sur les valeurs écologiques. Étant donné ces enjeux, nous saurons si l'intérêt est assez vif pour susciter une consultation publique. Il faut comprendre que c'est le processus de négociation entre le Canada et les premières nations Dehcho qui permettra d'aboutir aux limites définitives. Une recommandation sera ensuite soumise au gouvernement et au Parlement.
º (1645)
M. Jeff Watson: D'accord.
À quel moment dans le processus va-t-on discuter du coût de l'éventuel achat des mines?
M. Alan Latourelle: Il faut tout d'abord savoir quelles seront les limites définitives du parc et au cours des discussions portant sur ces dernières, nous devrons envisager certaines options.
M. Jeff Watson: On ne sait absolument pas combien cela coûterait?
M. Alan Latourelle: Non, pas pour l'instant.
M. Harvey Locke: Puis-je intervenir? Je pense que vous mettez le doigt sur le problème.
M. Jeff Watson: Allez-y. Je voudrais intervenir car cela soulève une question importante pour Parcs Canada. Est-il possible que les limites définitives de la réserve agrandie n'incluent pas les mines?
M. Alan Latourelle: Il y a un premier scénario que nous envisageons, soit la transaction gré à gré: le vendeur serait disposé à le faire et il y aurait un acheteur disposé à acheter, nous, par exemple, et l'exploitation de la mine serait abandonnée. C'est une possibilité. Ainsi, le complexe minier se trouverait à l'intérieur des limites. Selon la loi actuelle — nous devons nous y conformer — les limites pourraient s'étendre à une zone beaucoup plus vaste, à tout le bassin, mais la superficie du parc exclurait les intérêts commerciaux actuels qui s'y trouvent.
M. Jeff Watson: Cela poserait un problème.
Excusez-moi de vous avoir interrompu. Vous pouvez finir de répondre. Merci.
M. Harvey Locke: Je suis ravi que vous ayez posé cette question parce que, le cas échéant, cela poserait un problème. Nous sommes un petit peu moins inquiets que Parcs Canada parce que nous ne participons pas à la prise de décisions du gouvernement du Canada. Une décision sera prise et s'il y a un trou au centre du beignet, ce sera très problématique.
Il faut donc expulser la mine de là. Le gouvernement du Canada va devoir calculer ce qu'il en coûtera. Nous serions ravis que votre comité fasse cette recommandation. Il y a environ deux semaines, un éditorial du Edmonton Journal allait dans ce sens. Les premières nations Dehcho — et vous voyez que le grand chef à côté de moi fait un signe d'acquiescement — sont du même avis: prenons une décision en l'occurrence, calculons ce qu'il en coûtera d'expulser la mine, agrandissons le parc, tout cela pour le plus grand bien de la population canadienne. Voilà pourquoi nous étions si impatients de vous entendre traiter de cette question aujourd'hui.
M. Jeff Watson: De quelle somme Parcs Canada dispose-t-il pour un tel achat? Combien avez-vous sous la main?
M. Alan Latourelle: Pour l'agrandissement du parc, nous disposons d'environ 3,5 millions de dollars, auquel s'ajoute 1 million de dollars pour l'exploitation courante. En toute franchise, je ne sais pas ce qu'il en coûtera. Il y aura deux mines à acheter.
Comprenez-moi bien: nous ne sommes pas contre l'achat de la mine. S'agissant de l'agrandissement de parcs ou de nouveaux parcs, il faut se garder de ne pas négocier de bonne foi avec les intérêts commerciaux au risque de compromettre l'acquisition de nouveaux parcs ailleurs au Canada.
Souhaiterions-nous qu'il n'y ait pas de mine? Oui, manifestement. Je pense que nous ne pouvons pas toutefois nous installer unilatéralement et exproprier les mines.
M. Jeff Watson: Je ne préconise pas l'expropriation. Je voudrais savoir de combien d'argent on dispose pour acheter ces terres ou pour conclure un accord le cas échéant. J'imagine que la somme dépasserait sans doute le budget dont vous disposez.
M. Alan Latourelle: Je l'imagine aussi...
M. Jeff Watson: Y aurait-il un coût d'assainissement si la mine devait...
M. Alan Latourelle: Je suppose qu'il y aurait un énorme coût d'acquisition et un énorme coût d'assainissement. Je suppose que les deux mis ensemble dépasseraient le budget dont nous disposons pour l'agrandissement de dix parcs.
M. Jeff Watson: Dans les négociations, préconisez-vous que le pollueur ou le gouvernement fasse les frais de l'assainissement?
M. Alan Latourelle: Excusez-moi?
M. Jeff Watson: Votre agence, lors de la négociation de l'achat d'un tel site, préconise-t-elle que le pollueur ou le gouvernement paie la facture d'assainissement?
M. Alan Latourelle: Il n'appartient pas à Parcs Canada d'en décider.
M. Jeff Watson: J'ai terminé pour l'instant.
Le président: Merci, monsieur Watson.
Y a-t-il d'autres questions?
Monsieur Powers.
M. Russ Powers: Je voudrais revenir à la question des mines. Parlez-moi de la mine Cantung. Il est peut-être urgent d'exploiter la mine Prairie Creek et de construire la route problématique pour y donner accès, n'est-ce pas? Que pouvez-vous me dire de la mine Cantung? Nous parlerons ensuite de celle de Prairie Creek.
Mme Alison Woodley: La mine Cantung se trouve également dans le bassin. C'est une mine de tungstène qui est exploitée à l'occasion depuis le début des années 60. Selon la compagnie propriétaire, il ne lui reste que de deux à sept ans de vie économique.
La Société pour la protection des parcs et des sites nationaux du Canada estime que les dégâts sont déjà causés. Il ne servirait pas à grand-chose de lutter farouchement pour stopper les opérations actuellement. Nous avons travaillé activement auprès des organismes de réglementation pour les convaincre de demander que soit versée entièrement la réserve de sécurité pour pouvoir tenir la compagnie responsable de l'assainissement quand elle fermera la mine. Ainsi, nous préconiserions une clause de droits acquis en attendant que la mine ferme d'ici deux à sept ans. Après la fermeture, il y aurait assainissement et le site serait ajouté à la superficie du parc.
Comme je l'ai dit, les dégâts sont essentiellement faits. Il y a eu des problèmes assez graves. Il y a eu un déversement de 30 000 litres de carburant et la mine a été exploitée irrégulièrement. Tout récemment, la compagnie a cessé d'être protégée par la Loi sur les faillites et a repris l'exploitation. Le gouvernement a préparé plusieurs études sur les dégâts dont la mine serait responsable, et les a évalués à une somme de 10 millions à 43 millions de dollars, pour l'heure, et cela pose un problème car la compagnie n'a actuellement déposé de garantie que pour 4 millions de dollars.
Il y a donc des choses non réglées mais je le répète, les dégâts sont faits. Nous n'essayons pas de faire fermer la mine. Au contraire, la mine de Prairie Creek n'a jamais été exploitée de sorte que nous avons la possibilité de prévenir les dégâts.
º (1650)
M. Russ Powers: Comme M. Locke l'a dit tout à l'heure, les jours de cette mine sont comptés et on peut en envisager la fin de l'exploitation, ce qui ne signifie pas que l'assainissement va avoir été fait. Ainsi, pour la suite, vous proposez un plan de restauration de la propriété en question, n'est-ce pas?
Nous avons parlé de la mine Prairie Creek également. Il est difficile de la voir sur une carte. Où en est-on actuellement? Quelle sera sa taille? Peut-on envisager l'exploitation? J'essaie d'imaginer l'incidence éventuelle — ou plutôt, les conséquences si jamais elle est exploitée.
M. Harvey Locke: Alison, voulez-vous essayer de répondre à cela ou voulez-vous que j'essaie?
º (1655)
Mme Alison Woodley: Allez-y donc, si vous voulez bien.
M. Harvey Locke: D'accord.
La compagnie a bien sûr des projets, mais nous ne sommes pas au courant de tous ses projets. Elle prévoit notamment d'aménager une route qui traverserait les terres karstiques à partir de la grand' route qui se trouve de l'autre côté de la Liard. À l'heure actuelle, il n'y a pas de pont par exemple qui traverse la Liard, et il faut aménager une route. L'ancien sentier que l'on a emprunté pour transporter ce qui se trouve déjà sur le site suivait le lit des ruisseaux, mais dans le contexte actuel il est peu probable que la compagnie soit autorisée à faire de même, si bien qu'elle devra entreprendre d'importants travaux pour construire une route.
Il faut essayer de visualiser l'endroit. La mine se trouve au fond d'une gorge très serrée dans une étroite vallée, et il y a actuellement un bac de décantation des résidus et, entre le ruisseau et le bac, une berme qui n'est pas très large — le ruisseau est juste à côté. Il y a plusieurs bâtiments qui sont là depuis environ 25 ans. Pour ce qui est de l'historique de la mine, elle appartenait aux frères Hunt. Vous vous souvenez peut-être qu'il s'agissait d'un effort pour répondre à la demande d'argent à l'époque. La mine a fait faillite quand le cours de l'argent s'est effondré, et puis elle a été rachetée il y a quelques années par cette nouvelle entreprise, qui veut en extraire du plomb et du zinc. L'entreprise se propose d'enfouir les résidus de minerai sous terre. Nous nous inquiétons beaucoup notamment du drainage minier acide. Il y a également une quantité importante de mercure dans la zone.
L'idée est d'extraire des masses de substances minérales, si bien qu'il y aurait des conséquences importantes pour la région. Une récente étude de l'utilisation des alentours de la mine Prairie Creek par les grizzlis montre que la population de grizzlis circule beaucoup aux alentours de la mine désaffectée qui est un habitat très prisé dans cette région de la Nahanni Sud. La population de grizzlis serait bien sûr perturbée si la mine était de nouveau exploitée et que des camions circulent aux alentours.
Nous sommes également très inquiets de la possibilité de déversements. Comme l'a expliqué le grand chef, il s'agit d'une partie du monde qui est très active sur le plan sismique. Des inondations massives ont été causées par des éboulements de roches qui sont allées joncher le lit des ruisseaux et les bassins de drainage avoisinants. Nous ne nous inquiétons pas pour rien.
Vous avez parlé de Derek Ford, le spécialiste international des formations karstiques qui participe à la tournée avec nous. Il explique aux gens à qui il s'adresse dans les différents coins du pays que le plus important tremblement de terre qui se soit produit au Canada depuis qu'il vit ici, soit depuis près de 50 ans, est survenu à une cinquantaine de kilomètres de la région en cause. La région ne s'est toujours pas stabilisée du point de vue géologique et, quand nous pensons au risque que tout cela soit amené en aval, nous sommes d'avis que le risque est tout simplement trop grand. Il ne s'agit pas d'une région comme les autres.
Le président: Merci, monsieur Locke.
Je crois que M. Jean a aussi une question.
M. Brian Jean: Oui. Je suis trop curieux pour ne pas poser la question. Qu'est-il arrivé à la suite du déversement de 30 000 litres de carburant? Quelles ont été les conséquences pour l'environnement, et qui a été tenu responsable?
Mme Alison Woodley: Il s'agissait de la mine Cantung. Heureusement, cela s'est produit en hiver, si bien qu'on a pu, à notre connaissance, empêcher que le carburant ne se répande trop loin. Il a toutefois fallu un certain temps pour que les inspecteurs puissent se rendre sur les lieux et inspecter les dégats. Je ne crois pas qu'il y ait eu d'effets à long terme, notamment pour le parc en aval, mais il aurait pu y en avoir. Si le déversement s'était produit en été, par exemple, il aurait été bien plus difficile d'empêcher le carburant de se répandre. Il est bien plus facile de procéder au nettoyage quand le liquide est pris dans la neige que lorsqu'il est emporté par l'eau d'une rivière. Tout est plus lent dans ce cas là.
M. Brian Jean: À votre connaissance, il n'y a pas eu d'effet environnemental en aval de l'endroit où le déversement a eu lieu?
Mme Alison Woodley: Franchement, je ne pense pas qu'il y ait eu des études pour cet endroit-là. C'est un endroit très éloigné. Il a fallu quelques semaines pour que les inspecteurs y arrivent, et les études d'impact n'ont pas été faites.
M. Brian Jean: Donc, d'après les renseignements que vous avez, il pourrait y avoir un impact maintenant. Il pourrait y avoir des données empiriques qui indiquent qu'il y a eu un impact, mais à ce stade-ci, d'après vous, aucune étude n'a été faite.
Mme Alison Woodley: D'après ce que je sais, non.
M. Brian Jean: Cela me paraît bizarre.
Mme Alison Woodley: Il pourrait y avoir des rapports d'inspection que je n'ai pas encore vus, mais pour ce qui est d'une étude globale des impacts... Pour ce qui est de l'impact de toute la mine à l'extérieur du parc, nous savons qu'on a trouvé des résidus en aval de la mine. On s'inquiétait d'une infiltration provenant du bassin à résidus. Il y a des rapports d'inspection, mais je ne connais pas très bien la nature exacte des rapports sur cette mine.
M. Brian Jean: Est-ce qu'il y a des évaluations de l'eau continues, pour s'assurer de la qualité de l'eau qui provient de cet endroit?
Mme Alison Woodley: À Cantung?
M. Brian Jean: Oui.
Mme Alison Woodley: Comme j'ai déjà dit, je ne connais pas très bien les détails de la situation à la mine de Cantung.
M. Brian Jean: Le chef sait-il si ce déversement de carburant a eu des impacts depuis qu'il habite dans la région?
Le grand chef Herb Norwegian: Il faut comprendre que cette région est très montagneuse, et que le gravier sur lequel repose la mine a une épaisseur d'environ 40 à 45 pieds. Donc, s'il y a un déversement de carburant de cette nature, le carburant disparaîtra rapidement parce qu'il pénétrera rapidement jusqu'au substrat rocheux. Ce qui arrive alors, c'est qu'il coule sur le substrat rocheux pour arriver là où il veut aller. C'est donc assez dangereux. Une fois qu'on a un déversement de carburant de cette importance, il est presque impossible de faire le nettoyage. Le carburant disparaît — il suit le bassin de surcreusement et prend sa propre direction. Qui sait où il va. Il pourrait finir dans un autre tributaire l'année prochaine.
Pendant les deux dernières années, le peuple de la bande de Nahanni Butte qui a voyagé jusqu'à la frontière du parc se plaignaient constamment d'une coloration dans l'eau. On voit les effets arc-en-ciel du déversement de carburant dans les tourbillons en aval des structures de la rivière. C'est quelque chose qu'on commence à voir maintenant, mais le déversement s'est produit il y a déjà quelques années. Avec le temps, le carburant se retrouve dans la rivière. C'est ce que nous commençons à voir.
M. Brian Jean: À votre connaissance, y a-t-il eu des études concernant ce déversement?
M. Alan Latourelle: Je ne suis pas sûr concernant ce déversement en particulier, puisque je ne suis pas au courant de tous les détails opérationnels ici. Mais nous avons des systèmes de surveillance de la qualité de l'eau, pas nécessairement liés à cet incident-là, mais dans le territoire de la réserve de parc national.
M. Brian Jean: Vous faites donc déjà et depuis un certain temps des évaluations de la qualité de l'eau?
M. Alan Latourelle: Nous surveillons la qualité de l'eau dans plusieurs des parcs nationaux du système.
M. Brian Jean: Je vous demanderais de nous fournir les données concernant la rivière Nahanni, si possible, mais pas seulement les données les plus récentes, pour nous donner une idée de l'évolution de la situation depuis cinq ans afin que nous puissions porter un jugement éclairé sur le sujet.
Mes dernières questions portent sur l'opposition que vous avez peut-être rencontrée de la part de ceux qui habitent sur le territoire. Je ne suis pas certain, mais j'imagine qu'il y a peut-être des trappeurs et bien sûr des pourvoiries, etc. Est-ce que les Autochtones qui vivent là s'opposent à cette idée de permettre à ces gens de rester jusqu'à la fin de leur bail ou jusqu'à la fin de leur concession de piégeage?
» (1700)
M. Alan Latourelle: Dans le cas des exploitations commerciales — les pourvoiries, par exemple — il faudra arriver à une solution quelconque. Si le territoire élargi comprend tout le bassin hydrographique, nous tâcherons de créer une situation de vendeur consentant, acheteur consentant. Ce serait de loin notre option préférée.
M. Brian Jean: J'aimerais juste demander au chef de nous dire s'il s'oppose à ce que les trappeurs et les pourvoiries restent sur le territoire, ou si le fait que leur bail ne soit pas résilié aurait un impact quelconque.
Le grand chef Herb Norwegian: Je pense que les trappeurs et les chasseurs de la région s'inquiètent assez de ce qui s'y passe. Notre peuple s'est réuni pour discuter de cette question sérieuse, mais je dirais qu'il n'y a que quelques personnes qui s'y opposent. Le lendemain, quand on leur a donné des renseignements au sujet du projet, ils l'ont accueilli assez favorablement. Ça c'est démarré tout seul. Jusqu'ici, tout le monde s'entend assez bien et le projet jouit d'un bon appui.
M. Harvey Locke: Je pense qu'il vous demande aussi si vous voulez que les guides-pourvoyeurs restent ou qu'ils soient rachetés.
Le grand chef Herb Norwegian: Quant aux pourvoyeurs de la chasse au gros gibier, j'entends des histoires d'horreur selon lesquelles ces derniers prennent des mouflons d'Amérique, des mouflons de Dall, des orignaux et des caribous. Beaucoup de ces animaux qu'ils prennent sont des animaux reproducteurs, donc cela nous préoccupe. Cela fait dix ou douze ans que l'on a ce genre d'inquiétude. Chaque fois que l'on voit les responsables des ressources renouvelables qui font des contrôles, ils nous disent combien d'animaux ont été pris. Nous trouvons cela époustouflant.
Cette chasse au gros gibier n'est pas en train de diminuer. Il y a constamment des chasseurs qui y vont et qui ressortent avec des bois. Que devient cette viande sauvage? Quand j'étais chef local, il y a quelques années, je leur ai posé des questions parce qu'ils prenaient une centaine de mouflons de Dall dans cette région. Nous leur avons demandé ce qu'ils faisaient de la viande. Ils ont transporté des tonnes et des tonnes de viande sauvage dans les collectivités et les y ont distribuées. Je pense qu'il y avait environ deux Twin Otter remplis de mouflons et de caribous. Mais qu'est-ce qu'ils faisaient de cette viande l'année précédente? C'est le genre de pratiques qui soulèvent beaucoup d'inquiétudes.
J'estime, nous estimons, qu'il faut exclure ces pourvoyeurs de chasse au gros gibier. Ils ne font rien pour la collectivité ni pour la population locale. Donc les mines et les pourvoyeurs doivent être bannis de la région.
Le président: Merci.
Avez-vous une dernière question, monsieur Powers?
M. Russ Powers: Mes dernières questions portent toujours sur l'activité minière.
L'agrandissement du parc est devenu une priorité en 2002. C'est sûr que depuis le début, il y a une trentaine d'années, on souhaitait agrandir le parc un jour, mais quand est-ce devenu...?
Je me sens mal à l'aise par rapport à la Canadian Zinc Corporation. Je ne sais pas si elle envisage une activité rentable ou si elle cherche à faciliter un rachat. J'ai des doutes quant à ses motifs.
Le grand chef Herb Norwegian: Voulez-vous que je réponde?
M. Russ Powers: Il s'agit probablement d'une question rhétorique, mais j'aimerais bien avoir une réponse si vous voulez bien.
Le grand chef Herb Norwegian: Tout ça a commencé quand on a entamé nos négociations avec le Canada. Nous avons rassemblé nos gens il y a à peu près quatre ou cinq ans pour parler de Prairie Creek. À l'époque, ce n'était qu'un semblant de mine qui ne faisait pas grand-chose. On a commencé à discuter de l'agrandissement du parc et à s'assurer que tout le bassin hydrographique soit protégé. C'est aussi à ce moment-là que l'on a négocié la mise en réserve des terres au moyen d'un décret du conseil et à peu près 80 p. 100 du bassin a été mis en réserve. Évidemment, le Canada étant le Canada, les négociateurs ne voulaient absolument pas écarter la possibilité d'inclure la mine, si bien qu'elle s'est retrouvée enclavée dans le bassin.
Dans les deux années qui ont suivi, les représentants de la mine ont insisté auprès des habitants de Nahanni Butte pour négocier avec eux une coentreprise. Au début, les habitants étaient pour, puis ils ont eu vent des horreurs qui se pratiquaient à la mine. Il y a à peu près deux ans, les habitants ont mis fin à la coentreprise.
J'ai les mêmes doutes que vous. Ces types sont sans doute en train de se frotter les mains et essaient de mettre le pied dans la porte et de dégoter une bonne affaire, bien conscients que le Canada va sans doute racheter leur participation. C'est une petite affaire à la noix. Ils sont là pour mettre en route la mine et quand ils auront obtenu tous les papiers et un chemin praticable en tout temps, j'imagine qu'ils voudront se faire racheter par une grande compagnie. Évidemment, ils se remplissent les poches et font monter les enchères. Pour moi, il ne faut pas entrer dans le jeu. Forçons-les à abattre le jeu et rachetons-les au prix que cela vaut, pas au prix que ça leur coûte. Commençons par le plus petit dénominateur commun, leur prix le plus bas, et voyons où ça mène. Il ne faut pas leur donner ce qu'ils pensent valoir.
» (1705)
Le président: Je m'adresse aux membres du comité et aux téléspectateurs. L'immense beauté de la Nahanni illustre bien l'urgence de la situation.
Grand chef, nous avons beaucoup de respect pour le rôle que votre peuple et Parcs Canada jouent ensemble dans ce partenariat. Au nom du comité, nous voulons l'assurance, de Parcs Canada en particulier, que le comité sera tenu informé de la démarche décrite ici. Ce qui est en jeu, c'est le passé et le présent des trappeurs et des pourvoyeurs ainsi que de la mine.
Il faut je crois nous en remettre à Parcs Canada qui, avec vous, grand chef, essaie de trouver une solution à ces activités envahissantes qui viennent troubler la vision que nous avons tous. Le comité va ordonner — si c'est le terme juste — à Parcs Canada, en collaboration avec vous, monsieur Feher, de la SPPSNC, et tous les autres, de nous informer de temps à autre du cours des choses. Quand je dis « de temps à autre », je veux dire dans les six prochains mois.
Merci d'être venu, grand chef Norwegian.
Monsieur Locke, merci à vous d'avoir participé à cette vidéoconférence. Je pense que cela a assez bien marché.
Je remercie également Parcs Canada d'être venu.
Mesdames et messieurs les membres du comité, mon instinct me dit que nous sommes à court de temps pour la préparation du rapport. Ce n'était pas un rapport; il s'agissait d'observations relatives au rapport.
Il y a deux façons de procéder et j'aimerais connaître votre avis. La première serait de discuter de la réponse préparée par notre attaché de recherche et lui demander de rédiger une lettre de transmission au ministre au sujet des préoccupations qui ont été exprimées concernant les réponses que nous avons reçues du Ministère.
On pourrait procéder ainsi ou mettre cette réponse de côté jusqu'à la prochaine séance. Il est évident que le comité ne va pas siéger à nouveau dans sa forme actuelle — je ne pense pas trop m'avancer en disant cela. Nous estimons qu'il s'agit d'une question urgente, mais c'est au prochain comité de déposer le rapport et de s'en occuper.
J'aimerais avoir ce que vous en pensez.
» (1710)
M. Bernard Bigras: Aucun commentaire.
M. Russ Powers: Que préféreriez-vous?
Le président: Je crois qu'il serait préférable de déposer le rapport et il sera examiné d'ici deux mois quand la Chambre reprendra. Je ne crois pas que la réponse risque de changer. Le temps fera bien les choses.
Bon, je crois qu'il y a consensus.
Merci beaucoup, et bonne chance.
Monsieur Bigras.
[Français]
M. Bernard Bigras: J'aimerais vous remercier du travail que vous avez accompli au cours des dernières semaines et des derniers mois, depuis que vous êtes à la présidence. Mon collègue vous a remercié quelques jours trop tôt, mais j'aimerais me joindre à l'ensemble de mes collègues pour vous remercier du travail que vous avez accompli.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Bigras. j'apprécie vos commentaires, et je vais vous dire que c'était un plaisir de travailler avec vous. Merci, et bonne chance dans les semaines à venir.
La séance est levée.