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Je suis heureuse d'être ici.
Je voudrais d'abord dire que je suis une admiratrice de longue date du programme pour l'autonomie des anciens combattants. Dans le cadre de l'une de mes fonctions, à savoir présidente sortante de l'Association internationale de gérontologie et de gériatrie, à de nombreuses reprises et dans de nombreux pays, j'ai pris la parole avec énormément de fierté pour décrire les activités de soins continus dans notre pays, en attirant particulièrement l'attention sur le PAAC, qui a constamment été à l'avant-garde dans ce domaine au fil des années.
Je suis ici à plusieurs titres, mais pour ce qui est de mes recherches, je suis probablement surtout connue à titre de gérontologue environnementale. Ma spécialité est le logement pour personnes âgées, l'accueil et les soins dispensés aux personnes souffrant de démence, et tout l'aspect environnement bâti, et je m'intéresse aussi aux projets de l'OMS pour des villes accueillantes pour les aînés.
Aujourd'hui, je voudrais vous parler brièvement de mes récents travaux de recherche sur ce que nous pouvons faire pour rendre les hôpitaux plus accueillants pour les aînés. Cet aspect est particulièrement important. Nous devons nous rappeler que la plupart des anciens combattants sont en mesure de demeurer dans leur collectivité parce que lorsqu'ils tombent malade ou ont un accident, ils peuvent se rendre à l'hôpital pour y obtenir les soins nécessaires. Dans une moindre mesure, cela s'applique également à ceux qui s'occupent de ces anciens combattants, leurs épouses âgées, leurs filles, etc.
Ce que bien des gens ignorent, c'est que, malheureusement, un nombre appréciable de personnes âgées qui vont à l'hôpital après avoir subi une insuffisance cardiaque congestive, autrement dit une crise cardiaque, ou après avoir fait une chute, perdent leur fonctionnalité et leur autonomie pendant qu'ils sont à l'hôpital. La situation qui en résulte peut être beaucoup plus grave que le problème pour lequel ils ont été hospitalisés. Les maladies iatrogéniques sont l'une des raisons de cet état de fait, en particulier les maladies qui résultent d'un traitement ou d'une procédure médicale quelconque. Souvent, c'est l'action conjuguée de plusieurs médicaments ou encore une prescription erronée. Mais il y a aussi d'autres causes. Il y a en effet des croyances désuètes et des stéréotypes au sujet de ce que l'on peut ou ne peut pas réparer chez les personnes âgées, les traitements et les procédures auxquels elles peuvent survivre et qui peuvent leur être bénéfiques.
Nous apprenons de plus en plus que l'âge à lui seul n'est pas une variable explicative permettant de déterminer qui devrait être admissible à une greffe du coeur ou à un pontage. Si l'on remonte 10, 20 ou 30 ans en arrière, beaucoup d'interventions qui sont courantes aujourd'hui — remplacement du genou ou de la hanche, opérations de triple et quadruple pontages — étaient considérées comme des opérations beaucoup trop lourdes pour que les personnes âgées puissent y survivre. Nous savons aujourd'hui qu'en fait, beaucoup de ces procédures peuvent être faites avec succès et peuvent donner une meilleure qualité de vie aux aînés. Il y a encore dans la profession médicale des gens, des infirmières et des médecins, qui ne sont pas aussi conscients qu'ils le devraient de la résilience des personnes âgées. Nous devons donc augmenter le nombre de nos gériatres et infirmières gériatriques, enfin tous les professionnels de la santé qui travaillent auprès des personnes âgées.
Les personnes âgées sont elles-mêmes en partie responsables du déconditionnement qui se produit quand elles sont hospitalisées. Elles s'imaginent qu'elles doivent garder le lit, tandis que c'est le contraire qui est vrai. Plus vite elles peuvent se remettre sur pied et reprendre leurs activités courantes, plus grande est la possibilité qu'elles pourront retourner à la maison et reprendre leur vie autonome.
Il est également important de reconnaître que l'environnement physique des hôpitaux peut constituer pour les personnes âgées un obstacle ou une aide. Nous avons fait des études en Colombie-Britannique dans les hôpitaux de soins actifs et nous nous sommes penchés sur la conception des hôpitaux. Nous nous sommes entretenus avec le personnel, et les employés nous ont décrit les problèmes qu'ils percevaient. Ensuite, nous avons rencontré des aînés qui avaient tous plus de 75 ans et qui habitaient encore à la maison. Ces gens-là n'étaient pas malades, mais c'était des gens âgés plutôt fragiles.
Nous avons installé les personnes âgées dans deux chambres d'hôpital différentes. L'une était une chambre d'hôpital traditionnelle. La deuxième était la même chambre au départ, mais nous y avions apporté des modifications. Nous avons constaté que cela faisait une différence et aidait les personnes âgées à mieux comprendre et mémoriser les instructions qu'on leur donnait à leur sortie de l'hôpital et que cela les aidait aussi à se déplacer de façon plus sécuritaire dans la chambre. Nous leur avons demandé de sortir du lit, d'aller jusqu'à la toilette, de s'asseoir, de se relever, de se rendre jusqu'au lavabo et de faire semblant de se laver les mains, de se brosser les dents et de se peigner — enfin des gestes que la plupart d'entre nous faisons inconsciemment et que les gens qui sont hospitalisés doivent pouvoir recommencer à faire le plus vite possible.
Les modifications que nous avons apportées à la chambre ont été faites par étapes. La première a consisté à rabaisser le plafond et ajouter des tuiles acoustiques pour insonoriser. Deuxièmement, nous avons installé un parquet caoutchouté. La troisième modification a consisté à modifier les commandes d'éclairage pour que le patient puisse commander l'éclairage à sa guise. Souvent, quand une personne âgée — n'importe quelle personne, en fait — est hospitalisée et alitée, il faut une dextérité manuelle considérable pour atteindre l'interrupteur d'éclairage qui est situé derrière le lit. Nous nous sommes rendus compte que bien des gens en étaient incapables et qu'il arrivait qu'ils tombent du lit et se brisent la hanche pour une raison aussi banale. Mais il suffit d'aller dans une quincaillerie et d'acheter une télécommande très bon marché qui permet de commander l'éclairage à distance.
Nous avons également constaté qu'en permettant à la personne âgée elle-même de commander le relèvement ou l'abaissement du lit, cela lui facilitait de beaucoup la tâche et l'aidait à descendre du lit sans trébucher et sans se blesser.
Une autre modification très simple que nous avons faite a consisté à installer dans la salle de bain un dispositif de détection du mouvement pour allumer automatiquement la lumière. Ainsi, une personne qui ouvre la porte et entre dans la salle de bain avec une marchette n'a pas à lever le bras pour actionner l'interrupteur, et peut donc tenir fermement sa marchette en tout temps.
Il y a donc une foule de solutions très simples qui peuvent rendre les hôpitaux beaucoup plus sûrs et aider les personnes âgées à conserver une plus grande autonomie pendant leur convalescence, ce qui influe énormément sur la suite des événements, après leur retour à la maison. Ce ne sont que de petits exemples.
L'étude a été menée dans un hôpital communautaire, mais j'attire votre attention là-dessus parce que je sais que beaucoup d'anciens combattants devenus trop frêles se retrouvent dans des hôpitaux pour anciens combattants. Je suis prête à parier que vos hôpitaux ne sont guère mieux que les hôpitaux communautaires sur le plan de la conception des locaux. Et tout cela peut être fait, ce sont des modifications qui s'imposent.
Il y a une série d'études que nous n'avons pas encore faites, mais qu'il faut faire; il s'agit de rendre les hôpitaux plus sûrs pour les gens qui souffrent de démence. La bonne nouvelle est qu'il y a de plus en plus de gens qui vivent vieux. La mauvaise nouvelle, c'est qu'à partir de 85 ans, la probabilité de souffrir de démence augmente considérablement. Mais les gens qui en souffrent, s'ils tombent malade physiquement, doivent quand même être hospitalisés et il faut assurer leur sécurité.
Beaucoup d'adaptations du même genre peuvent être apportées aux domiciles des personnes âgées à un coût relativement minime. Quand on songe à ce qu'il en coûte si une personne tombe et se blesse grièvement, l'adaptation vaut largement ce qu'elle coûte. La Société canadienne d'hypothèques et de logement, par l'entremise de ses divers programmes au fil des années, a rendu possible de financer ce type de modifications. Ces programmes doivent être reconduits, étoffés, améliorés et renforcés, à la fois pour les anciens combattants et pour tous les autres intéressés.
Au sujet des logements des personnes âgées, nous avons coutume de parler des six A. Je sais que dans le programme pour anciens combattants, beaucoup de logement ont augmenté. En général, ils respectent le premier A, c'est-à-dire qu'ils sont abordables. Nous parlons ensuite d'accessibilité, et les gens entendent généralement accessible aux chaises roulantes, mais avec le vieillissement normal, beaucoup plus de gens subissent une atténuation sensorielle, de sorte qu'il faut se préoccuper de l'éclairage, du bruit ambiant, etc. Ensuite, les logements doivent être attrayants. Ils doivent être acceptables, c'est-à-dire que les gens doivent être intéressés à aller s'y installer. Et les gens doivent pouvoir vieillir chez eux, ce qui est l'expression à la mode ces temps-ci, c'est-à-dire que les gens doivent pouvoir rester dans un environnement familier pendant une période prolongée.
Pour que tout cela soit possible, il faut des solutions de rechange, de manière que si les gens n'arrivent pas à se débrouiller dans la maison familiale ou dans un logement conventionnel sans disposer d'une aide, ils peuvent déménager dans une résidence-services. Et si leur état se détériore, ceux qui en ont besoin doivent pouvoir se faire admettre dans une maison de santé.
Dans bien des régions du pays, les établissements de soins sont actuellement limités à ceux qui sont très très fragiles, et il y a donc un écart entre la vie autonome et le logement avec assistance, d'un côté, et l'établissement de soins à l'autre bout. Qu'arrive-t-il aux gens qui se trouvent entre les deux? Nous devons être sensibles à ce genre de difficultés. Ce sont des éléments de base.
Par ailleurs, il y a tout l'aspect conception. Il s'agit de faire en sorte qu'il soit possible pour ces gens de s'intégrer à la communauté dans laquelle ils vivent. Cela veut dire pouvoir sortir de chez eux et d'aller, sans risquer de se perdre, au magasin, à la banque, chez le médecin, et de vivre de façon autonome le plus longtemps possible, ce qui a des conséquences sur la manière de concevoir l'aménagement d'un quartier: les feux de circulation, les sens uniques, etc.
L'Organisation mondiale de la santé, de concert avec l'Agence de santé publique du Canada, vient tout juste de terminer un projet qui a été mené dans 33 villes autour du monde. Ce projet a maintenant une composante rurale et éloignée au Canada, dans le cadre de laquelle on examine comment améliorer les collectivités pour les rendre plus conviviales et permettre à nos personnes âgées d'y être fonctionnelles. Cela s'applique aux anciens combattants et à toutes les personnes âgées.
Je suppose que ce qui distingue les anciens combattants des autres personnes âgées, c'est qu'ils ont vécu des expériences spéciales dans le passé, lesquelles peuvent induire des changements de comportement. Nous savons que certaines personnes âgées sont à risque à cause de leur expérience antérieure; certaines semblent avoir acquis une plus grande résilience à cause de leur expérience passée.
Chose certaine, le message qui ressort clairement est l'hétérogénéité à la fois de votre communauté d'anciens combattants et de l'ensemble des personnes âgées. Il n'y a donc pas de solution unique applicable à tous. Les gérontologues parlent beaucoup en termes d'options, d'alternatives et d'un éventail très varié d'espaces de vie, de travail et de loisirs pour notre population âgée.
Voilà donc les principales questions que je voulais aborder.
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Beaucoup de gens peuvent rester à la maison s'ils peuvent obtenir... C'est ce que l'on appelait auparavant les services d'aide domestique, mais maintenant on appelle cela des aides de maintien à domicile, qui peuvent venir s'occuper des tâches domestiques, faire certains repas et aider les vieillards à prendre leur bain, les aider s'ils doivent aller à un rendez-vous.
Ce qui s'est passé dans bon nombre de provinces, notamment la mienne, c'est que beaucoup de ces services qui étaient devenus disponibles à un coût relativement minime pour ceux qui, en fonction de leur revenu, ne pouvaient plus se permettre de les payer de leur poche, ont maintenant été supprimés. Voilà pour l'aspect prévention.
Si l'on veut que les gens puissent rester dans leur propre maison, il faut que de tels services soient disponibles. Dans ce domaine, le programme pour l'autonomie des anciens combattants a joué un rôle de chef de file en rendant disponibles certains services d'aide à domicile.
On entend souvent des arguments de la part de ceux qui se demandent si nous pouvons vraiment nous permettre, compte tenu de notre population vieillissante, d'offrir certains de ces services préventifs. Je soutiens que nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas faire de prévention, parce que si les gens ont besoin de ces services et ne peuvent pas les obtenir, ils finiront par accaparer des services beaucoup plus coûteux de manière prématurée.
Quant au fait que des membres de la famille peuvent offrir de tels services, la grande majorité de ceux qui fournissent ces services, en particulier à vos anciens combattants, sont les conjoints, les épouses, qui ne sont pas tellement plus jeunes elles-mêmes et qui sont parfois très fragiles.
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Bon après-midi, madame Gutman, et merci beaucoup d'être venue aujourd'hui.
Vous avez abordé aujourd'hui des sujets que j'aimerais beaucoup approfondir davantage, mais je voudrais d'abord faire des observations, si vous le voulez bien. Il m'apparaît évident que vous vous intéressez à tous les Canadiens qui vieillissent, comme d'ailleurs nous tous autour de cette table, mais le mandat du comité est de se pencher sur les problèmes de santé et de vieillissement des anciens combattants. Cela fait partie du mandat de notre comité. Peut-être pourrez-vous un peu plus tard nous parler plus précisément des anciens combattants.
Vous avez dit quelque chose qui m'a paru très intéressant. Vous avez utilisé l'expression « conception physique des hôpitaux ». Je pense que la plupart d'entre nous peuvent plaider coupable, en ce sens que nous ne réfléchissons pas vraiment à la conception physique d'un hôpital, parce que si nous avons un peu de chance, nous éviterons tous d'y aller. Quand on est hospitalisé, parce qu'on y est obligé, on se sent habituellement assez mal en point de toute façon, et l'on arrive à un âge où certaines difficultés apparaissent, comme vous en avez parlé au sujet de l'acoustique dans la salle de bain, du nouveau parquet, etc. J'ai trouvé tout cela très intéressant.
Est-ce que vous conseillez les gouvernements provinciaux également? Cela fait-il partie de votre travail? C'est une première question, parce que les hôpitaux relèvent évidemment des gouvernements provinciaux. Donnez-vous des conseils aux autorités hospitalières?
Deuxièmement, je lis que la mission du Centre de recherche sur le vieillissement de Colombie-Britannique est « de renforcer globalement la capacité de recherche sur le vieillissement et de multiplier le financement en rassemblant des particuliers et des organisations qui s'intéressent à la recherche sur le vieillissement ». Avec quels genres de groupes et d'organisations travaillez-vous? Croyez-vous que la collaboration de ces groupes permet de mener des recherches plus complètes?
S'il reste du temps, j'aurai deux autres questions.
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Merci, monsieur le président.
Merci, madame Gutman, d'être venue. Vos propos sont très intéressants.
Je suis arrivé en retard parce que je m'entretenais avec une délégation de l'Association médicale canadienne, qui fait aujourd'hui une journée de lobbying sur la pénurie de médecins. Je ne sais pas si mes collègues ont également rencontré les délégués.
Vous avez mentionné l'importance de former un plus grand nombre de gériatres. L'un des points intéressants que les délégués ont soulevé, c'est que beaucoup d'étudiants accumulent des dettes pendant leurs études supérieures. D'après les chiffres qu'ils ont fournis, en moyenne, un étudiant en médecine a une dette de 158 000 $ à sa sortie de la faculté.
Par conséquent, quiconque envisage de devenir médecin de famille ou spécialiste se bute à des problèmes de liquidités. Quand on choisit une spécialité, si l'on a la capacité intellectuelle et les possibilités, on peut être tenté de choisir un domaine où les revenus sont plus élevés, permettant de rembourser sa dette plus rapidement.
Je m'aventure à dire que les gériatres n'ont peut-être pas les revenus les plus élevés. Vous avez évoqué le revenu. Nous sommes tous humains et, pour la plupart des gens, il est important de subvenir aux besoins de sa famille et d'avoir un certain niveau de vie. Les représentants de l'AMC me disaient donc qu'à leur avis, la dette étudiante devrait être une priorité nationale, qu'il fallait faire quelque chose pour que les étudiants en médecine puissent choisir une spécialisation en fonction de leurs intérêts, de ce qu'ils aiment et des besoins du marché, et non pas de leurs besoins d'argent.
Je me demande si vous avez des observations à faire sur le niveau général de rémunération des gériatres — je suis certain qu'ils gagnent moins — en comparaison des professionnels d'autres spécialités médicales.