:
Bonjour. Je m'appelle Helen Gough, et je tiens à vous remercier de me permettre de témoigner devant vous aujourd'hui.
Si je m'adresse à vous aujourd'hui, c'est d'abord à titre de conjointe d'un militaire et ensuite, en ma qualité d'ergothérapeute. Mes opinions peuvent être différentes de celles de l'Association canadienne des ergothérapeutes, du ministère de la Défense, des Forces canadiennes ou d'Anciens combattants Canada. Je vais présenter un exposé de 10 à 15 minutes, et j'espère que vos questions porteront sur mes déclarations d'aujourd'hui.
[Français]
Je vais vous faire part, en me basant sur l'expérience que j'ai acquise par mon implication personnelle et professionnelle dans ces organisations, de quelques recommandations pour améliorer les services offerts aux anciens combattants.
[Traduction]
Je félicite le comité de ses efforts. Plus particulièrement, je tiens à remercier Ron Cannan de son soutien aux anciens combattants, surtout dans la région de l'Okanagan.
Le travail de votre comité, son rapport final et ses recommandations auront beaucoup d'importance pour les familles de militaires. Les services d'Anciens Combattants Canada doivent tenir compte des diverses situations dans lesquelles les anciens combattants se retrouvent. En se penchant sur le programme pour l'autonomie des anciens combattants et sur les préoccupations en matière de soins de santé des anciens combattants, jeunes comme âgés, le comité permanent touche à un point essentiel de la culture des Forces canadienne.
La compréhension de cette culture est la clé pour une intégration réussie des services de soins de santé et pour une juste appréciation de la problématique particulière que représentent les soins de santé offerts aux anciens combattants et à leurs familles. Cette culture des Forces canadiennes comprend — et les professionnels de la santé devraient le comprendre — la vie et le travail dans un milieu militaire, les blessures mentales et physiques particulières aux anciens combattants, les expériences liées aux affectations, la chaîne de commandements et la cohésion au sein des unités, ainsi que les programmes et les critères d'Anciens Combattants Canada, pour n'en nommer que quelques éléments.
Comme Anciens Combattants Canada l'a sans doute déjà indiqué, l'expression « anciens combattants » peut s'appliquer à diverses catégories différentes de membres des Forces canadiennes. Pour ma part, je définis cette appellation par quatre catégories : premièrement, les anciens combattants de la force régulière ou de la force de réserve des Forces canadiennes ayant servi le Canada à l'étranger, catégorie à laquelle appartient mon merveilleux mari, qui m'accompagne aujourd'hui; deuxièmement, les anciens combattants en voie d'être libérés ou de prendre leur retraite; troisièmement, les anciens combattants en voie d'être libérés pour raison médicale en rapport avec un problème de santé physique ou mental; et pour terminer, les anciens combattants âgés, c'est-à-dire ceux à qui j'offre quotidiennement des services.
Chaque catégorie d'anciens combattants requiert des services différents de la part d'Anciens Combattants Canada et des Forces canadiennes. Chaque catégorie possède ses propres cultures et climats organisationnels, ses valeurs et son ethos. En outre, chaque catégorie est soumise à des facteurs de stress sur la santé qui exigent le recours à des programmes et à des services spécifiques et bien adaptés. La famille militaire réagira mieux aux méthodes qui sont adaptées à la situation actuelle des anciens combattants. J'estime qu'il existe pour cela des méthodes concrètes.
Bien que chaque catégorie ait des besoins particuliers, une caractéristique leur est commune. Tous ces anciens combattants s'éloignent ou se sont éloignés des centres où sont offerts les services des Forces canadiennes. Que le déplacement soit dû à une nouvelle affectation par les Forces canadiennes — une situation que j'ai déjà vécue quatre fois déjà —, à une libération pour raison médicale ou à une retraite volontaire, chaque réinstallation loin des ressources habituelles pose des problèmes particuliers. En créant un lien entre les Forces canadiennes, Anciens Combattants Canada et les programmes de soins de santé communautaires, on assure aux anciens combattants et à leurs familles un accès constant à des professionnels de la santé qui connaissent la culture des Forces canadiennes et leur situation familiale particulière.
Il existe actuellement un certain nombre de programmes innovateurs et de bonnes prestations dont les anciens combattants et leurs familles peuvent bénéficier. Il est clair qu'Anciens Combattants Canada a écouté les recommandations faites par les familles de militaires, les membres des forces armées et les chercheurs. Anciens Combattants Canada et les Forces canadiennes peuvent s'enorgueillir de l'éventail de professionnels de la santé dont ils disposent et de leurs efforts pour promouvoir des services fondés sur de bonnes recherches et des principes scientifiques, des services qui sont tous axés sur leur clientèle. Je suis en mesure de vous en donner de nombreux exemples, puisque par l'entremise d'Anciens Combattants Canada, j'exerce l'ergothérapie auprès d'anciens combattants âgés qui vivent dans leur maison aussi longtemps et de façon aussi autonome que possible.
Il existe cependant un manque d'uniformité dans les services de santé offerts dans les bases des Forces canadiennes par rapport à ceux qui sont offerts par Anciens Combattants Canada et par les services de soins communautaires. Il est possible d'assurer l'uniformité des soins de santé en coordonnant les efforts des bases des Forces canadiennes, d'Anciens Combattants Canada et des professionnels des soins de santé communautaires. La plupart des recommandations qui ont été faites ont déjà été mises en place. Il suffit simplement de les raccorder les unes aux autres.
Je vais vous donner deux exemples de problèmes qui ne sont pas corrigés aussi efficacement qu'ils le devraient.
Le premier exemple est celui qui vient normalement à l'esprit quand on parle de la réinsertion d'un soldat qui revient d'une affectation à l'étranger. Supposons qu'il s'agisse d'un sergent qui revient d'Afghanistan après avoir subi une commotion cérébrale sévère et une blessure à l'épaule après l'explosion d'une bombe artisanale qui a tué deux de ses jeunes subalternes. À son retour au pays, il bénéficie de soins de réadaptation offerts par une équipe de professionnels de la santé composée de personnel médical civil et militaire. Sa famille reçoit des services de councelling et bénéficie du centre pour adolescents, au centre de ressources pour les familles militaires.
Notre sergent traverse des périodes de dépression, il souffre de douleurs chroniques et il veut apporter des changements dans sa vie. Lui et sa famille décident qu'il serait souhaitable que le sergent soit libéré pour raisons médicales et que la famille se réinstalle dans une localité rurale du Nord du Manitoba, où le sergent a de la parenté.
Notre ancien combattant quitte la vie militaire et se réinstalle avec sa famille. Il continue d'avoir des problèmes de santé et il a de la difficulté à se trouver du travail. Au fil du temps, ses problèmes se transforment en anxiété; mais puisqu'il n'a pas subi d'examen mental ou physique à divers moments dans sa nouvelle localité, le sergent, sa femme et sa famille ne reçoivent que très peu de soutien.
Toujours de façon hypothétique, si la base militaire comptait un ergothérapeute militaire, ce dernier serait informé de la libération prochaine du soldat et de sa famille.
L'ergothérapeute militaire peut faire le premier pas pour aider le soldat dans sa transition en cherchant un ergothérapeute communautaire avant la libération du soldat. Il peut communiquer avec cet ergothérapeute communautaire, s'il n'existe pas de bureaux de district d'Anciens combattants Canada dans cette région. On fournit au soldat un manuel sur les services offerts par les Forces canadiennes et par Anciens combattants Canada, et le soldat et l'ergothérapeute peuvent communiquer par téléphone pour faire connaissance, ce qui améliore de façon démontrée la thérapie. Ces trois méthodes permettent de garantir l'uniformité et garantissent la compétence dans les soins de santé.
Un plan de thérapie après libération peut également être mis au point conjointement par l'ergothérapeute militaire et l'ergothérapeute communautaire. On peut dresser la liste de toutes les ressources auxquelles avaient recours le sergent et sa famille à la base des Forces canadiennes, et l'ergothérapeute communautaire peut dénicher des ressources semblables avant que la famille déménage, afin d'éliminer au maximum l'interruption dans les services.
L'ergothérapeute pourrait ensuite organiser une première rencontre avec la famille, au domicile de celle-ci, pour découvrir s'il existe d'autres besoins. L'ergothérapeute examine plus particulièrement les problèmes mentaux et physiques chroniques de l'ancien combattant et détermine comment ces problèmes nuisent à sa capacité d'obtenir un emploi, à reprendre ses fonctions de mari et de père, à gérer son hygiène personnelle et à s'occuper des tâches ménagères, dont le paiement des factures — toutes ces petites choses que nous tenons pour acquises. L'ergothérapeute veillera également à ce que l'ancien combattant ait des activités de loisirs.
L'ergothérapie s'attaque aux obstacles qui empêchent l'ancien combattant de s'adonner à de telles activités. L'ancien combattant peut faire l'objet d'examens périodiques dans sa nouvelle localité. On peut fixer des mesures de résultats pour veiller à la réussite de la thérapie offerte.
Il existe déjà des services d'ergothérapie offerts à la population par des ergothérapeutes communautaires. Il faut cependant qu'une personne fasse la liaison entre l'ergothérapeute communautaire, l'ergothérapeute d'Anciens Combattants Canada et la famille avant que celle-ci parte de la base militaire. J'estime qu'Anciens combattants Canada et les Forces canadiennes sont bien placés pour s'acquitter de cette tâche.
Mon deuxième exemple porte sur la nécessité moins visible d'accorder aux soldats un soutien constant pour leur bien-être physique et mental, surtout lorsqu'ils s'éloignent des ressources des Forces canadiennes et qu'ils doivent régler au quotidien les problèmes de la vie militaire. En fait, il s'agit de mon cas.
Ma famille et moi vivons depuis près de dix ans avec l'homme qui m'accompagne les aventures et le stress qu'imposent les affectations, l'entraînement successif constant et les affectations fréquentes à des opérations sur des périodes relativement courtes. Il faut ajouter à cela le stress de la vie familiale normale, dont les problèmes habituels des adolescents, qui doivent se trouver un nouveau groupe de pairs en raison des affectations, et les résultats des fréquentes absences des parents, en plus des retrouvailles stressantes, de l'épuisement du parent qui prend en charge la famille, en plus des possibilités d'emplois ratées, comme je l'ai constaté en ma qualité de travailleuse sociale.
Dans les bases des Forces canadiennes, il existe des services de soutien constant. Ce sont d'excellents services. Le lien étroit entre les familles de militaires, les services de ressources aux familles militaires et les unités de soins de santé primaires de l'armée peut être très utile lorsqu'il est nécessaire.
Il en va tout autrement à l'extérieur des bases. Les familles de militaires sont isolées de ce soutien et ne savent plus vers qui se tourner. Ce problème est particulièrement important lorsque le militaire est affecté à l'étranger ou qu'il doit s'absenter pour des périodes d'entraînement. Ces problèmes sont encore accrus parce que la famille ne peut avoir recours à un agent de relations communautaires militaires, une personne qui comprend ce que vit la famille.
Les professionnels civils, aussi compétents soient-ils, ne peuvent pas vraiment comprendre les préoccupations propres aux conjoints de militaires ni la culture des Forces canadiennes en général. Souvent, les mesures recommandées ne sont pas pratiques ni réalistes dans un contexte militaire. Par exemple, avant que mon mari revienne au Canada, il a suivi des séances de counseling organisées à l'avance pendant qu'il était en congé de décompression à Chypre pour l'aider avec son problème d'hyper-vigilance et pour apaiser mon anxiété à propos de la réinsertion, et pour nous aider à réparer notre relation en raison des longues périodes de séparation que nous avons connues au cours des cinq dernières années. Ce conseiller était bien au courant des méthodes de soulagement des traumatismes et nous a également donné des stratégies de réinsertion. Cependant, mon mari et moi-même avons passé tant de temps à expliquer notre situation actuelle et la culture des Forces canadiennes que je me demande parfois si je n'ai pas fini par développer une meilleure compréhension des Forces canadiennes que de notre mariage et de notre relation.
Ce qui aurait été utile pour notre famille, et pour d'autres personnes dans une situation semblable, c'est d'avoir un clinicien de soins primaires faisant partie des Forces canadiennes pour nous diriger vers un professionnel de la santé dans la collectivité où nous devions déménager. Ce clinicien aurait pu suivre notre famille au fur et à mesure que nous traversions les diverses étapes de la réinstallation et de la réintégration. Au fur et à mesure que surgissent des problèmes de santé, nous serons beaucoup plus susceptibles de faire appel à un clinicien avec qui nous avons établi un rapport et qui comprend la situation. Je suis sûre que d'autres familles des Forces canadiennes qui déménagent souvent ou qui sont libérées de l'armée, seraient du même avis.
Je crois que des ergothérapeutes, établis de façon stratégique dans les bases des Forces canadiennes, pourraient être utiles dans ce genre de situation. Je considère qu'ils peuvent assurer un lien entre les Forces canadiennes, Anciens Combattants Canada et le secteur de la santé publique. Qu'il s'agisse de militaires libérés pour des raisons médicales, d'anciens combattants qui prennent leur retraite, ou de militaires qui sont affectés à l'extérieur de la garnison, je crois que tout le personnel militaire et leurs familles devraient avoir accès à ce service. Les ergothérapeutes peuvent jouer un rôle à cet égard et contribuer à combler cette lacune, puisqu'ils sont en mesure de détecter avec succès et de traiter tant les problèmes de santé mentale que physique que connaissent les militaires dans leur vie quotidienne — et ils peuvent les acheminer vers les services voulus au besoin.
Cela n'a rien de nouveau. Il existe des exemples de diverses organisations au Canada et à l'étranger qui reconnaissent le rôle et l'utilité des ergothérapeutes auprès des anciens combattants. Ces exemples ne correspondent pas à l'opinion caractéristique et plus traditionnelle du travail des ergothérapeutes au ministère des Anciens Combattants, comme le service que j'offre aux anciens combattants.
Par exemple, l'Armée américaine a des ergothérapeutes qui font partie des Forces. Ces ergothérapeutes ont établi une mission et une vision solide et peuvent être déployés outre-mer — y compris en Irak — en tant que membres d'équipe de gestion du stress au combat. Dans les garnisons, ces ergothérapeutes de l'Armée assurent des services de réadaptation mentale et physique.
Au Royaume-Uni, les ergothérapeutes jouent un rôle clé dans les services de trauma aigu, et s'occupent de la planification des libérations au Royal Centre for Defence Medicine pour les membres du personnel militaire qui ont été blessés. À l'heure actuelle, les ergothérapeutes préconisent en fait que l'on enrôle dans l'armée des ergothérapeutes, étant donné qu'ils reconnaissent la nécessité pour les ergothérapeutes de comprendre la culture de ce milieu.
À Montréal, le Centre national pour traumatismes de stress opérationnel emploie un ergothérapeute qui est affecté à la définition du rôle de première ligne des ergothérapeutes au sein de la clinique pour traumatismes liés au stress opérationnel. Comme vous le savez, cette clinique répond aux besoins des membres des Forces canadiennes régulières, des membres en voie d'être libérés et des anciens combattants de la réserve.
Dans l'Okanagan, l'équipe de réadaptation du ministère des Anciens Combattants compte un ergothérapeute qui offre des consultations au côté d'autres professionnels de la santé, sur les services appropriés à l'intention des anciens combattants blessés.
Par ailleurs, l'Association nationale des ergothérapeutes a établi des plans pour entamer le dialogue avec le ministère de la Défense nationale afin d'effectuer une évaluation des besoins sur une base des Forces canadiennes et, nous l'espérons, au sein des centres de ressources à l'intention des familles de militaires, dont vous avez entendu des représentants ici il y a quelques semaines.
Dans votre rapport au Parlement, je vous demanderais de prendre en considération les recommandations suivantes.
La première, c'est qu'Anciens Combattants Canada établisse un lien clair entre les Forces canadiennes et le secteur canadien de la santé en aidant les anciens combattants qui ne disposent plus de mesures de soutien offertes par la base des Forces canadiennes lorsqu'ils se réinstallent dans la collectivité.
Il pourrait s'agir entre autres de créer un manuel complet de service à l'intention des employés et des professionnels de la santé qui travaillent avec ou pour le ministère des Affaires des anciens combattants, et les magasins de fournitures médicales, les médecins et les pharmaciens qui offrent des services aux anciens combattants qui ne font pas encore partie du programme pour l'autonomie des anciens combattants.
La deuxième recommandation serait que le ministère des Affaires des anciens combattants reconnaisse les diverses aptitudes des ergothérapeutes qui aident divers anciens combattants qui souffrent de limites mentales et physiques et qui se réinstallent dans la collectivité, et de nommer une personne pour désigner un ergothérapeute communautaire avant la réinstallation d'un ancien combattant qui est libéré.
Ces deux recommandations, qui permettraient de réaliser des économies par rapport à l'utilisation des services d'une tierce partie — même si je le dis à contrecoeur étant donné que je suis une tierce partie — sont déjà en vigueur. Il faut simplement coordonner l'information et les intervenants clés.
Ces recommandations permettront de répondre aux besoins des anciens combattants canadiens et de leurs familles, comme l'indique la directive principale du ministère des Affaires des anciens combattants.
Ces recommandations offriront aux anciens combattants les services de cliniciens en santé mentale et physique qui leur apportent un soutien constant et qui comprennent leur culture et établiront un lien clair entre les Forces canadiennes et les programmes du ministère des Affaires des anciens combattants.
La création du manuel même fournira aux professionnels de la santé un message cohérent et bien établi concernant les programmes disponibles par l'entremise du ministère et fournira aux cliniciens des listes de traitements fondés sur des preuves, propres à chaque profession de la santé.
Je tiens à nouveau à rappeler au comité que je m'exprime à titre d'ergothérapeute indépendante et de conjointe de militaire. C'est un honneur pour moi d'avoir pu prendre la parole devant vous aujourd'hui.
[Français]
Je vous remercie de votre attention.
[Traduction]
J'espère que je pourrai fournir au comité des stratégies concrètes et tangibles qui aideront à élaborer un programme que j'utilise dans ma vie professionnelle quotidienne et que j'utiliserai personnellement à l'avenir.
Je vous remercie. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.