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Bonjour, mesdames et messieurs. C'est un plaisir de vous voir tous ici ce matin.
Aujourd'hui, nous entendrons des témoins du secteur des produits pharmaceutiques; il sera question de la surveillance post-commercialisation des médicaments d'ordonnance et en vente libre.
À la fin de la séance, nous aurons deux points à aborder. Il y aura d'abord la motion de Mme Judy Wasylycia-Leis, à 12 h 45. Nous avons également une autre question à aborder. Mais comme nos témoins sont déjà ici ce matin, nous voulons profiter le plus possible de leur compétence et de leur présence, et du temps que les membres du comité auront pour leur poser des questions.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, je vous souhaite la bienvenue à cette quatrième séance sur la surveillance post-commercialisation des produits pharmaceutiques, des médicaments d'ordonnance et en vente libre. Ce matin, notre groupe d'experts est composé de professionnels de la pharmacologie. Nous avons des représentants de la Société canadienne des pharmaciens d'hôpitaux, de l'Association des pharmaciens du Canada, de l'Ordre des pharmaciens du Québec et de l'Association nationale des organismes de réglementation de la pharmacie.
Je voudrais rappeler aux témoins qu'ils disposent de 10 minutes par organisation pour les exposés. Le comité entendra d'abord les exposés, puis passera aux questions.
Nous allons commencer par Mme Myrella Roy, directrice générale de la Société canadienne des pharmaciens d'hôpitaux. Bienvenue.
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Madame la présidente, honorables députés, mesdames et messieurs, merci de l'occasion qui m'est donnée de venir vous présenter un exposé aujourd'hui.
Je m'appelle Myrella Roy, je suis la directrice exécutive de la Société canadienne des pharmaciens d'hôpitaux. Avant d'accepter ce poste, j'ai travaillé pendant 17 ans comme pharmacienne d'hôpital et gestionnaire clinique à l'Hôpital d'Ottawa. La Société est la voie nationale des pharmaciens d'hôpitaux au Canada. Nous sommes une organisation sans but lucratif qui s'est engagée à faire progresser l'utilisation sûre et efficace des médicaments et les soins aux patients dans les hôpitaux et dans d'autres établissements de soins de santé.
Aujourd'hui, je voudrais présenter au comité le point de vue des 3 000 membres que nous comptons partout au pays sur la question de la surveillance post-commercialisation des produits pharmaceutiques au Canada, tant pour ce qui est des médicaments d'ordonnance et en vente libre. En particulier, je voudrais parler de la proposition dans le cadre du plan d'action national sur l'innocuité des aliments et des produits de consommation visant à imposer aux hôpitaux l'obligation de déclarer tout effet indésirable grave de produits de santé réglementés par le gouvernement fédéral.
Comme vous le savez, le plan d'action propose une nouvelle approche qui aide à prévenir les problèmes au départ, cible les risques les plus élevés et intervient rapidement pour protéger la population. Ce sont là des objectifs nobles, en effet, mais nous craignons que le fait de rendre obligatoire la déclaration de tout effet indésirable pourrait faire en sorte qu'il devienne plus difficile, non pas plus facile, de déterminer les risques les plus élevés et d'intervenir rapidement pour protéger la population.
Je voudrais également vous faire part d'une proposition sur la façon d'atteindre ces objectifs par rapport aux médicaments et aux soins aux patients. Permettez-moi tout d'abord de vous dire très clairement que la Société canadienne des pharmaciens d'hôpitaux appuie fermement les mesures visant à améliorer la sécurité des patients au Canada et nous reconnaissons la nécessité de faire en sorte qu'un plus grand nombre de réactions indésirables aux médicaments soient signalées. Nous félicitons Santé Canada des efforts récents pour faire en sorte que la déclaration en ligne soit possible, et nous nous réjouissons qu'il y ait des bureaux locaux et régionaux qui aient été ajoutés pour faciliter la tâche aux consommateurs et aux professionnels de la santé.
Nous craignons cependant que le fait de rendre obligatoire la déclaration de tous les effets indésirables graves créera une avalanche de données et qu'il sera encore plus difficile et qu'il faudra encore plus de temps pour chercher et trouver l'information essentielle dans cette banque de données. Le temps et les efforts supplémentaires au bout du compte pourraient contribuer très peu à l'ensemble des connaissances sur les médicaments et les effets indésirables. C'est parce qu'une bonne partie des nouvelles données proviendront des effets indésirables à des médicaments qui sont en fait bien connus et prévus. Les pharmaciens et les médecins connaissent ces effets graves et les anticipent car ils font partie des effets thérapeutiques du médicament. Nous savons, par exemple, que les patients qui reçoivent du warfarin, un anticoagulant très courant, peuvent avoir un risque accru de saignement grave, ou que les patients qui reçoivent de la chimiothérapie peuvent avoir une numération globulaire peu élevée.
Par le passé, ces réactions indésirables anticipées et les admissions à l'hôpital qui en résultaient n'étaient pas signalées, ce qui aide à expliquer pourquoi moins de 2 p. 100 des réactions indésirables menant à l'hospitalisation sont signalées à Santé Canada. Le fait de rendre obligatoire la déclaration de tous ces effets indésirables anticipés créera non seulement une avalanche de nouvelles données, mais imposera un fardeau considérable aux pharmaciens, aux médecins, aux infirmiers et infirmières et autres professionnels de la santé qui travaillent dans les hôpitaux et les établissements de soins de santé au Canada. Étant donné qu'il y a pénurie des professionnels de la santé et que ces derniers ont une charge de travail élevée, il n'est pas surprenant que les sondages révèlent que le travail nécessaire pour signaler les effets indésirables est considérée comme un obstacle. L'obligation de déclarer tous les effets indésirables graves doit tenir compte de la réalité, c'est-à-dire la pénurie de professionnels de soins de santé au Canada et les charges de travail qui ne cessent de croître.
Le plus grand risque qu'il y a à créer autant de nouvelles données à partir des effets indésirables que nous connaissons et que nous anticipons, c'est que l'information la plus valable sera perdue ou diluée par des quantités excessives d'information que nous connaissons déjà. La Société estime plutôt que le programme de déclaration devrait cibler les nouvelles réactions indésirables des produits existants et les effets indésirables graves des nouveaux produits. En mettant l'accent sur ces deux types de nouveaux effets indésirables, les professionnels de la santé et les consommateurs auront de l'information de qualité qu'ils pourront utiliser et ça nous permettra de déterminer les nouveaux risques et d'intervenir plus rapidement.
Au lieu d'adopter un nouveau programme de déclaration obligatoire, nous appuyons l'amélioration des programmes déjà en place afin d'inclure la déclaration des nouveaux effets indésirables graves. Il sera sans doute très difficile de diagnostiquer ces effets indésirables et leurs causes, puisqu'il peut y avoir un certain nombre de conditions actives qui sont traitées avec différents médicaments. Il peut par ailleurs être difficile de déceler si les symptômes sont liés aux médicaments ou à la maladie qui est traitée. C'est pour cette raison que nous recommandons une approche visant à mettre en place une équipe multidisciplinaire pour évaluer chaque cas, une équipe comprenant des pharmaciens, des médecins et des infirmiers et infirmières.
Nous appuyons par ailleurs fermement un programme de sensibilisation et d'éducation élargi à l'intention des professionnels de la santé et des étudiants, visant à réduire et à éliminer bon nombre des obstacles à la déclaration par manque de motivation qui ne seront pas nécessairement éliminés avec le nouveau plan d'action. La déclaration obligatoire n'élimine pas les obstacles au niveau de la motivation qui empêchent à l'heure actuelle les professionnels de la santé de déclarer les effets indésirables, notamment la crainte de réactions négatives, la remise en question de l'objectif et de l'utilité de la déclaration ou le désir de publier ces conclusions indépendamment. Nous avons bonne confiance qu'une campagne d'éducation mettant l'accent sur la déclaration des nouveaux effets indésirables graves s'avérera plus efficace à long terme qu'un programme de déclaration obligatoire.
Enfin, il est nécessaire d'améliorer la recherche d'information à partir de la base de données actuelle de Santé Canada sur les effets indésirables, MedEffet. Les consommateurs et les professionnels de la santé doivent avoir un meilleur accès à l'information contenue dans la base de données. Ils ont besoin de cette information dans un format qui leur permette de prendre des décisions éclairées. À l'heure actuelle, il est possible de faire une recherche dans la base de données selon le médicament, mais il faut regarder chaque médicament individuellement pour avoir accès aux détails de chacun des rapports. Il est donc beaucoup plus difficile d'évaluer ainsi les effets secondaires d'un médicament.
Bref, la Société canadienne des pharmaciens d'hôpitaux appuie fermement les objectifs du plan d'action national sur l'innocuité des aliments et des produits de consommation. À bien des égards, ces objectifs correspondent à la mission et à la vision de la Société. Nous craignons cependant qu'en adoptant un programme de déclaration obligatoire de tous les effets indésirables graves dans les hôpitaux canadiens, il sera plus difficile, non pas plus facile, d'atteindre ces objectifs. Nous demandons plutôt une approche qui met davantage l'accent sur l'information que nous pouvons utiliser : les nouveaux effets indésirables à des médicaments existants et les effets indésirables des nouveaux médicaments. Cette approche permettra de mieux utiliser les programmes et les bases de données actuelles et de mieux utiliser également le temps précieux des pharmaciens d'hôpitaux au Canada et, lorsque combinée à une approche multidisciplinaire de l'évaluation, elle générera de l'information de meilleure qualité grâce à laquelle nous pouvons protéger les Canadiens.
Je vous remercie de l'occasion qui m'a été donnée de vous présenter nos préoccupations et les solutions que nous proposons. Je serai heureuse de répondre à toute question que vous aimeriez me poser.
[Français]
Je vous invite à poser vos questions dans la langue officielle de votre choix.
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Merci, madame la présidente.
Bonjour à tous.
Je suis le directeur général de l'Association des pharmaciens du Canada et je suis accompagné ce matin de Denis Villeneuve. Denis est notre membre du conseil d'administration du Québec; il est pharmacien communautaire et il pratique dans la ville de Québec.
J'aimerais vous remercier de l'occasion qui m'est offerte de m'adresser aujourd'hui au comité permanent.
L'Association des pharmaciens du Canada a été fondée en 1907. Nous avons célébré notre centenaire l'année dernière. Notre association représente les intérêts des 30 000 pharmaciens et pharmaciennes du Canada. Nous ne représentons pas les pharmacies, ni l'industrie pharmaceutique.
Comme nous le savons, les produits pharmaceutiques jouent un rôle de plus en plus important dans notre système de santé. Depuis plus de 10 ans, les médicaments représentent la deuxième dépense en soins de santé, qui a atteint la somme de 26,9 milliards de dollars au cours de la dernière année. Comme de plus en plus de Canadiens et Canadiennes bénéficient de traitements médicamenteux, leur sécurité et les effets indésirables qu'ils peuvent entraîner sont sans cesse préoccupants.
Je vais maintenant donner la parole à mon collègue, M. Villeneuve.
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Tout d'abord, merci de nous avoir invités et de me permettre, comme pharmacien communautaire oeuvrant dans le domaine pharmaceutique depuis 30 ans, de vous faire part de mes considérations.
Notre association appuie de toute évidence sans réserve toutes les mesures qui visent à accroître la sécurité des patients, qu'il s'agisse du suivi étroit des traitements, de la surveillance, de la recherche et, évidemment, de la déclaration des effets indésirables. Pour les professionnels, pour les pharmaciens et pour moi, en tant que pharmacien communautaire, la sécurité des patients est prioritaire. En fait, c'est la priorité de tous les intervenants dans la chaîne des soins de santé, du début du traitement jusqu'à l'atteinte des résultats souhaités.
Seul un programme solide et fiable peut garantir une utilisation sûre et efficace des médicaments. Un tel programme doit comporter un système de détection hâtive des effets indésirables des médicaments, un système de surveillance postcommercialisation et des programmes de formation des professionnels de la santé.
J'ai préparé pour vous un graphique pour vous expliquer la complexité du processus, qui commence à partir du moment où on découvre un problème, que ce soit par un professionnel de la santé, un médecin, un pharmacien ou un patient. Vous pouvez constater que ce processus est complexe et peut engendrer des erreurs ou l'apparition d'effets indésirables. Il ne faut jamais oublier que c'est le patient qui est au centre de ce processus.
On commence par relever le problème et on instaure le traitement en tenant compte de l'analyse du dossier et de la situation du patient. Ensuite, on applique ce qu'on appelle un plan de soins et des objectifs de traitement. On transmet l'information au patient, qui doit effectuer un suivi, de toute évidence, de l'efficacité du traitement ou de l'apparition d'effets indésirables. Ce patient se trouve ensuite à gérer le traitement et à informer les professionnels de ce qui se passe. C'est un cycle qui recommence : le patient est satisfait ou a des effets indésirables.
Que ce soit des médicaments en vente libre ou des médicaments prescrits qui sont en cause, plusieurs personnes participent à ce processus, entre autres le patient.
Il y a beaucoup d'effets indésirables. D'après les statistiques, de 37 à 68 p. 100 des effets indésirables pourraient être évités. Mais pour ce faire, il faut prendre de bonnes décisions à chaque étape du processus que je viens de vous décrire brièvement. De plus, on demande aux professionnels de la santé de prendre des décisions rapides en se fondant sur de l'information parfois limitée.
Vous savez que les patients ne bénéficient pas d'un grand soutien présentement pour tout ce qui touche le processus décisionnel, mais on leur demande d'assumer, dans le contexte qui nous réunit ici, une part de plus en plus importante de leurs soins et de ceux des membres de leur famille.
Pour aider les professionnels et les patients à prendre de meilleures décisions, on pense qu'on doit avoir facilement accès à toutes sortes d'outils : de la formation continue, des ressources d'information et toute la gamme d'outils d'intervention auprès du patient.
Avant d'en arriver à nos recommandations, j'aimerais dire un mot sur le concept de déclaration obligatoire des effets indésirables des médicaments confondu, selon nous, avec des étapes visant à améliorer la sécurité des médicaments.
L'Association des pharmaciens du Canada appuie sans hésiter toute mesure visant à améliorer la sécurité des patients. Notre association a été l'une des organisations fondatrices de l'Institut canadien pour la sécurité des patients, et nous appuyons sans hésiter la nécessité d'augmenter le nombre de déclarations des effets indésirables des médicaments Nous craignons par contre que l'on accorde trop d'importance à la déclaration obligatoire des EIM et qu'elle soit perçue comme une solution magique. Nous pensons qu'une approche à plusieurs facettes est préférable.
En ce qui concerne le fait de rendre obligatoire la déclaration des effets indésirables graves des médicaments, nous nous demandons si toutes les autres avenues ont véritablement été explorées. Il est tout aussi important d'améliorer la qualité et la pertinence des déclarations des EIM que leur nombre. C'est peut-être même encore plus important puisque des rapports de qualité supérieure permettent des analyses de qualité supérieure.
Nous croyons que des déclarations obligatoires n'amélioreront pas nécessairement la qualité des déclarations des EIM, mais qu'ils en augmenteront simplement la quantité. Elles pourraient même compromettre l'efficacité du système en haussant le nombre de déclarations cliniquement non pertinentes.
Un autre point préoccupant dans un système de déclaration obligatoire est celui de la mise en place et du fonctionnement d'un tel système. Lorsqu'on utilise le mot « obligatoire », il est souvent associé à application de la loi. Nous nous demandons si Santé Canada sera en mesure de consacrer et de maintenir des ressources suffisantes pour s'assurer de la conformité de l'analyse des déclarations obligatoires des effets indésirables des médicaments.
Nous craignons aussi qu'une telle décision impose un fardeau important aux fournisseurs de soins de santé déjà débordés. En fait, il n'existe aucune preuve qui démontre une amélioration de la sécurité des patients dans les pays où la déclaration des EIM est obligatoire. Nous nous demandons pourquoi les déclarations obligatoires ont été isolées du reste des discussions, alors que nous croyons beaucoup à une approche plus intégrée des réformes du système d'innocuité des médicaments au Canada. Avant de lancer un programme dont la réussite reste à prouver, on devrait examiner d'autres possibilités viables, voire plus efficaces.
Avec ces commentaires présents à l'esprit, nous aimerions présenter les recommandations suivantes.
Nous devons établir des programmes d'éducation et de formation destinés aux professionnels de la santé et axés sur l'utilisation adéquate d'un système de déclaration des EIM et en faire une promotion dynamique. On doit inciter les fournisseurs de soins de santé à participer volontairement à la déclaration des EIM. L'expérience internationale a démontré que l'on obtient une participation significative quand les personnes concernées n'y sont pas contraintes. Pour connaître du succès, un système de déclaration des EIM doit être convivial et s'inscrire dans la pratique chargée du fournisseur de soins de santé. Ce système permettra aussi de faire une analyse d'expert efficace des données de qualité recueillies pour être mieux en mesure de reconnaître les dangers et les tendances.
Nous croyons que le gouvernement doit investir dans une recherche novatrice reliée à des méthodes de détection, d'évaluation et de déclaration des effets indésirables des médicaments et appuyer une prise de décision de qualité dans le cadre des processus de prescription et d'utilisation des médicaments. Cela est essentiel pour l'efficacité et la sécurité à long terme. On doit se concentrer particulièrement sur le rôle des consommateurs en ce qui concerne les médicaments en vente libre et les produits naturels.
Le gouvernement fédéral, par le truchement de Santé Canada, doit investir dans un système de déclaration électronique des EIM qui intégrera les formulaires de déclaration aux logiciels utilisés par les professionnels de la santé au point d'intervention. On doit intégrer ces systèmes électroniques dans les pharmacies, les bureaux des prescripteurs et les hôpitaux. Ils doivent essentiellement faire partie de tout développement futur du dossier électronique de santé.
Sur une autre note, nous croyons que le gouvernement fédéral doit financer entièrement le plan d'activités pour l'innocuité et l'efficacité des médicaments au Canada, un projet qui a été élaboré dans le cadre de la stratégie pharmaceutique nationale. Nous devons soutenir l'expansion du réseau des centres d'excellence proposée dans ce rapport.
On doit par ailleurs soutenir les pharmaciens pour qu'ils jouent un rôle plus important visant à assurer la qualité de l'utilisation des médicaments et à déclarer les effets indésirables des médicaments. Les pharmaciens sont les seuls professionnels de la santé diplômés universitaires qui se consacrent exclusivement aux médicaments et à leur utilisation. Une meilleure intégration de leurs connaissances et de leur capacité dans le système de soins de santé contribuera de façon importante à résoudre un grand nombre des problèmes d'utilisation des médicaments au Canada.
Notre dernière recommandation est que l'industrie pharmaceutique doit compter comme partenaire dans l'établissement de programmes et de procédures visant à garantir l'utilisation sécuritaire et efficace des médicaments. L'industrie pharmaceutique détient un grand nombre de données qui, si on les combine aux données sur les EIM de Santé Canada, contribueront à aider les décideurs et fournisseurs de soins de santé à prendre des mesures pour garantir l'utilisation sécuritaire et efficace des médicaments. L'industrie dispose de méthodes très efficaces pour recueillir et diffuser l'information qui peut servir à l'avantage de tous les Canadiens.
Au nom de l'Association des pharmaciens du Canada, je vous remercie de nous avoir permis de présenter aujourd'hui notre point de vue sur cet important sujet.
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Madame la présidente, distingués membres du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes, permettez-moi d'abord de me présenter. Je suis Claude Gagnon, pharmacien, et je suis président de l'Ordre des pharmaciens. Mme Manon Lambert est la directrice générale et la secrétaire de l'ordre.
Nous tenons à remercier les membres du Comité permanent de la santé de l'occasion qui nous est offerte de partager certains éléments de réflexion sur le sujet de la surveillance postcommercialisation.
L'Ordre des pharmaciens du Québec a pour mission de veiller à la protection du public en assurant la qualité des soins et des services pharmaceutiques offerts à la population, et en faisant la promotion de l'usage approprié des médicaments au sein de la société. Afin d'assurer son mandat de protection du public et ainsi remplir sa mission, l'Ordre des pharmaciens du Québec délivre des permis d'exercice, guide les pharmaciens dans l'exercice de leur profession, veille au maintien et évalue la compétence des membres, reçoit et traite les plaintes du public, contrôle l'exercice illégal de la pharmacie et intervient publiquement sur des questions reliées à l'usage des médicaments.
L'Ordre des pharmaciens du Québec compte près de 7 000 membres exerçant dans divers milieux de pratique, mais principalement en milieu privé — pharmacies communautaires — et dans les établissements de santé.
Comme bon nombre d'organismes fédéraux, dont Santé Canada, la raison d'être de l'Ordre des pharmaciens du Québec est d'abord et avant tout la protection du public.
C'est pourquoi nous profitons de l'occasion qui nous est donnée ce matin pour offrir nos réflexions sur le sujet aux autorités fédérales dans le cadre des travaux de ce comité. Bien que nous soyons conscients que nous ne nous adressons pas directement à des officiels de Santé Canada, les résultats de vos travaux étant susceptibles d'influencer les politiques et procédures au niveau fédéral, certains des commentaires émis aujourd'hui s'adresseront donc à l'appareil fédéral en général.
La surveillance postcommercialisation et la pharmacovigilance, en général, des produits de santé vendus avec ou sans ordonnance sont au coeur de la profession de pharmacien au Québec et au Canada. Notre plage d'intervention étant assez courte. Nous limiterons nos interventions à quelques principaux points de discussion sur ce sujet, notamment: l'expertise du pharmacien en matière de surveillance pharmacothérapeutique; la nécessité d'un processus de surveillance dont l'intégrité et la transparence sont au-dessus de tout soupçon; une communication adéquate entre professionnels et organisations; un travail d'approbation efficace en précommercialisation.
Notre système de santé est présentement confronté à des défis sans précédent tant au chapitre des ressources matérielles qu'au chapitre des ressources organisationnelles et humaines. Il est difficile d'imaginer des changements à une façon de faire sans qu'il y ait une augmentation des dépenses. Certaines des réflexions présentées ici s'accompagneront donc nécessairement du constat qu'il est nécessaire d'investir des fonds pour améliorer le système. Le résultat en sera une capacité améliorée du Canada pour faire face aux défis du XXIe siècle en la matière.
La prestation des services de santé est assurée par des professionnels, lesquels ont développé au cours des années des compétences multiples, mais qui ne sont pas toujours utilisées de façon optimale. C'est le cas en particulier des pharmaciens, dont nous répétons constamment qu'ils sont parmi les professionnels de la santé les plus sous-utilisés, et ce, malgré leur accessibilité, leur disponibilité et leurs compétences uniques en pharmacothérapie.
Au Québec, la Loi sur la pharmacie énumère six activités réservées aux pharmaciens. Au sein de celles-ci figure l'exercice de la surveillance de la thérapie médicamenteuse. Cette surveillance ne s'exerce pas seulement en regard de l'efficacité de la thérapie, mais aussi de son innocuité. En effet, les effets secondaires, attendus ou non, comptent pour une part non négligeable des thérapies interrompues ou modifiées.
Plusieurs professionnels de la santé ont le réflexe de se demander si tel symptôme ou problème de santé peut être soulagé par un médicament. Par contre, peu de professionnels, sinon aucun autre que le pharmacien, ont le réflexe de se demander si un médicament ne serait pas plutôt à l'origine de ce même symptôme ou problème de santé. La formation et les compétences du pharmacien en ce domaine sont indéniables. Il faut apprendre à encore mieux les utiliser et, en revanche, mieux faire connaître les organismes réglementaires aux pharmaciens. Nous y reviendrons.
Au cours des dernières années, l'industrie pharmaceutique a vécu sa part de situations problématiques qui ont, avouons-le, miné un peu sinon beaucoup sa crédibilité. On a qu'à penser au retrait du Vioxx pour constater les effets sur la population d'une telle décision. Pour la société, les mêmes questions surgissent à chaque situation similaire. Que savait vraiment le fabricant sur le produit? Depuis combien de temps le savait-il? On pourrait aussi se poser certaines questions en regard de l'organisme chargé de l'autorisation de mise en marché du produit et de celui responsable de sa surveillance postcommercialisation, soit Santé Canada. Dans un cas comme celui du Vioxx, il est facile de constater au minimum l'apparence d'un conflit entre les intérêts liés à la sécurité du public et ceux liés à la rentabilité d'une compagnie. Dans ces situations, il faut aussi s'assurer que l'organisme de réglementation chargé de veiller aux intérêts et à la sécurité de la population agisse toujours de manière rapide et transparente.
Santé Canada approuve la mise en marché d'un produit de bonne foi, en se basant sur les informations fournies par la fabricant. Dans ce contexte, ce même organisme doit constamment faire face au dilemme de permettre l'accès dans les meilleurs délais à de nouvelles thérapies novatrices, dans le respect de la sécurité des utilisateurs. Inversement, devant l'éventualité évidente de risques pour la santé de la population, l'organisme en question doit agir avec la même célérité pour exiger le retrait d'un produit de santé comportant pour son utilisateur des risques trop importants en regard des avantages conférés.
Le gouvernement fédéral doit prendre les moyens nécessaires afin d'assurer l'intégrité totale et la transparence de la part de son organisme de surveillance.
Lorsque Santé Canada reçoit des informations sur des effets indésirables, il les consigne et tente de déterminer si l'événement est relié aux médicaments. La coopération du fabricant est alors sollicitée, plus dans un esprit de partenariat que d'affrontement. Nous sommes à l'âge des partenariats. Tellement qu'un nombre important, peut-être la majorité, des communications adressées aux professionnels de la santé sont émises par les fabricants et non pas par Santé Canada. Par ses actions, le fabricant démontre son apparente volonté de participer activement au processus de surveillance post-thérapeutique. Peut-être que Santé Canada n'a pas les ressources pour le faire lui-même. Peut-être que des considérations juridiques contribuent à expliquer ce mode de communication.
Quoi qu'il en soit, si tout se fait efficacement et rapidement dans le meilleur intérêt de la sécurité du public, la fin justifie peut-être les moyens. Certaines situations nous font par contre réfléchir. En novembre 2006, Santé Canada autorise la mise en marché du lumiracoxib, le Prexige, anti-inflammatoire non stéroïdien pour le traitement de courte et de longue durée des signes et des symptômes de l'arthrose du genou chez les adultes. Il étend ensuite l'indication à l'arthrose générale chez l'adulte, en juillet 2007.
Notons que la FDA n'a jamais autorisé la mise en marché de ce médicament sur le territoire américain. Notons aussi que le lumiracoxib fait partie de la même famille que le rofécoxib, anciennement le Vioxx.
En août 2007, la Therapeutic Goods Administration de l'Australie, l'équivalent de Santé Canada, retire du marché l'anti-inflammatoire Prexige en raison d'effets secondaires hépatiques graves observés chez certains patients. À la suite de l'annonce australienne, Santé Canada publie, le 15 août 2007, un avis public à propos de nouvelles données de sécurité sur le Prexige. Dans cet avis, Santé Canada mentionne qu'il procédera à l'analyse des données disponibles et qu'une mise à jour sera communiquée aux Canadiens et aux professionnels de la santé du Canada, y compris toute recommandation éventuelle concernant l'usage du produit.
N'aurait-il pas été sage d'aviser aussi les professionnels?
Par la suite, le 3 octobre 2007, Santé Canada avise la population et les professionnels qu'il retire l'autorisation de mise en marché du produit à la suite de l'examen de nouvelles données d'innocuité obtenues de Novartis après l'annonce du gouvernement australien du retrait du produit dans ce pays.
Santé Canada mentionne que les avis des autres pays peuvent servir de signal d'alerte dans le cas de nouveaux médicaments sur lesquels peu de données existent. Entre-temps, près de deux mois ont passé durant lesquels un produit jugé dangereux, retiré du marché dans au moins un autre pays industrialisé, est peut-être encore utilisé par les Canadiens. Rappelons qu'il s'agit d'un produit de la même classe thérapeutique que le Vioxx, probablement l'exemple le plus fracassant de retrait du marché d'un médicament ces dernières années.
Pourquoi Santé Canada a-t-il besoin d'analyser bien des données durant deux mois avant de stopper, ne serait-ce que temporairement, la commercialisation d'un produit? Le même jour, soit le 3 octobre 2007, Santé Canada, par l'entremise de la sous-ministre adjointe, Mme Meena Ballantyne, publie un projet de règlement 1540 ayant pour but d'ajouter cinq nouveaux ingrédients médicinaux à la partie I de l'annexe F du Règlement sur les aliments et drogues. Parmi les nouveaux ingrédients à ajouter à l'annexe F, on retrouve, vous l'aurez deviné, le Prexige.
Voici ce que le projet de règlement 1540 mentionne au sujet de ce produit:
Le lumiracoxyb est un anti-inflammatoire non stéroïdien utilisé dans le traitement de la douleur et de l'inflammation liées à des affections telles que l'arthrose du genou chez les adultes. Un traitement par le lumiracoxib nécessite des instructions individualisées ou la supervision direction d'un praticien surtout chez les patients atteints d'une maladie du coeur ou du foie. Le patient devra peut-être prendre d'autres médicaments et être suivi au moyen d'analyses de laboratoire régulières. Le lumiracoxib peut provoquer des effets indésirables ou graves aux doses thérapeutiques normales.
Au Canada, à la suite d'un événement tel un écrasement d'avion, il n'appartient pas au fabricant de faire enquête ni même au ministère des Transports. Le Bureau de la sécurité des transports relève directement du Parlement par l'intermédiaire du Conseil privé de la Reine pour le Canada et il est indépendant des autres organismes gouvernementaux et des ministères. Pour favoriser la confiance du public à l'endroit du déroulement des enquêtes, l'organisme d'enquête doit non seulement être objectif, indépendant et libre de tout conflit d'intérêts, mais aussi être perçu comme tel.
Ne serait-il pas temps de considérer la création d'un tel type d'agence pour encadrer de manière transparente la surveillance postcommercialisation des médicaments? Les conditions permettant la communication d'information portant sur les effets indésirables d'un produit de santé se doivent d'être claires, optimales et bidirectionnelles.
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L'Association nationale des organismes de réglementation de la pharmacie est très honorée de comparaître aujourd'hui devant votre comité.
Notre organisme représente la plupart des autorités provinciales et territoriales de réglementation de la pharmacie. Au cours de mon exposé, je vais aborder le rôle des autorités de réglementation de la pharmacie; les outils de réglementation employés actuellement, en particulier en ce qui concerne la déclaration des effets indésirables; les défis posés par la déclaration obligatoire des EIM; enfin, les perspectives offertes par les partenariats.
La Loi sur les aliments et drogues, la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et leurs règlements d'application définissent les modalités de la fabrication, de la publicité, de l'étiquetage et de la vente des médicaments délivrés sur ordonnance. Cette législation informe les pharmaciens et autres professionnels de la santé de leurs responsabilités en ce qui concerne l'obtention, la vente et l'enregistrement de la vente des médicaments délivrés sur ordonnance.
Néanmoins, la pratique de la pharmacie relève de la compétence des provinces et des territoires. Les autorités territoriales conservent la responsabilité de réglementer la profession. En revanche, dans les provinces, la profession se réglemente elle-même, l'autorité de réglementation étant déléguée par la législation provinciale aux membres de la profession, dont le rôle fondamental reste la protection du public.
Les autorités de réglementation de la pharmacie réglementent les personnes, les endroits et les choses. Elles réglementent la pratique des pharmaciens, le fonctionnement des pharmacies et les modalités de vente des médicaments délivrés sans ordonnance. La réglementation des pharmaciens prend essentiellement trois formes qui sont définies dans la loi : l'enregistrement ou la façon d'obtenir une licence ou d'accéder à la pratique, le traitement des plaintes et l'évaluation continue de la compétence.
En plus des lois et des règlements provinciaux, les autres outils de réglementation comportent les normes de pratique, les règlements administratifs et les codes d'éthique. L'ensemble de ces outils constitue un régime cohérent qui définit parfaitement ce que l'on attend des pharmaciens dans l'exercice de leurs fonctions. Tout manquement à ces fonctions peut donner lieu à des plaintes formulées à l'encontre d'un pharmacien. Les plaintes sont étudiées par l'autorité de réglementation et si des preuves suffisantes sont réunies, le pharmacien sera tenu de comparaître devant un jury de ses pairs pour répondre de ce qui lui est reproché.
On s'attend d'un pharmacien en exercice qu'il déclare les effets indésirables des médicaments qu'il vend. En Colombie-Britannique, la déclaration des effets indésirables est obligatoire, conformément à un règlement approuvé par le gouvernement provincial. Le paragraphe 44(4) du règlement stipule : « Lorsqu'un effet indésirable, selon la définition des Lignes directrices concernant la notification des effets indésirables des médicaments commercialisés, direction générale de la protection de la santé à Santé Canada, est constaté, le pharmacien doit le notifier au médecin du patient, l'inscrire au dossier du patient et le déclarer au Centre régional de déclaration des effets indésirables de la Colombie-Britannique ».
En Alberta, la norme de pratique no 4 stipule : « Si un pharmacien constate qu'un patient présente ou risque de présenter un problème causé par un médicament, il doit prendre toutes les mesures appropriées. » L'article 4.2 précise : « Les mesures appropriées peuvent comprendre les éléments suivants : et comprend g) la déclaration d'un effet indésirable au Programme canadien de surveillance des effets indésirables des médicaments.
La norme ontarienne de pratique no 1.7 stipule : « Le pharmacien explique et signale les effets indésirables imprévus au médecin prescripteur et, éventuellement, aux autres professionnels de la santé, et se conforme aux programmes officiels de signalement des effets indésirables ».
Les autres provinces ont intégré le signalement des effets indésirables dans leurs normes de pratique, leurs lignes directrices ou leurs politiques à l'usage des professionnels, ou à défaut, elles font référence aux Lignes directrices concernant la notification des effets indésirables des médicaments commercialisés de Santé Canada. En résumé, il existe déjà des outils de réglementation qui invitent les pharmaciens à déclarer les effets indésirables.
La déclaration des effets indésirables est un élément clé du programme global de surveillance post-commercialisation sur l'utilisation des médicaments destinés à l'être humain. Pourtant, on estime que la déclaration n'intervient que dans une faible proportion, inférieure à 10 p. 100, des cas d'effets indésirables. Il existe déjà des outils réglementaires qui obligent les pharmaciens à déclarer le cas échéant les effets indésirables. Pourtant, il semble que ni la présence, ni l'absence d'outils réglementaires ne soit déterminante pour la concrétisation de la déclaration d'un effet indésirable, ce qui indique qu'il reste encore des défis à relever et que la déclaration obligatoire ne semble pas apporter de solution fiable.
On a constaté que la déclaration des effets indésirables posait de nombreux problèmes, qui ont été en grande partie évoqués dans le document de travail de 2005 de Santé Canada intitulé « Concevoir un système de déclaration obligatoire des effets indésirables graves ». Il s'agit notamment du manque de formation pour reconnaître les effets indésirables, du manque de sensibilisation quant à l'existence et aux avantages du système de déclaration, du temps et des efforts qu'exige une déclaration et du manque de connaissances concernant les modalités de présentation de la déclaration. Je ne suis pas certaine que la mise en oeuvre d'un régime obligatoire de déclaration des effets indésirables permette de résoudre tous ces problèmes.
Un autre défi dont on ne parle pas dans le document de travail, c'est l'absence de données globales et fiables qui permettent d'évaluer si un effet indésirable s'est produit. On a fait beaucoup de progrès pour créer et mettre en oeuvre un dossier de santé électronique pancanadien. Inforoute santé du Canada s'est donné pour objectif que 50 p. 100 des Canadiens aient leur dossier de santé électronique à la disposition des professionnels de la santé d'ici 2010. Cependant, jusqu'à ce que les professionnels de la santé puissent avoir accès au dossier de santé électronique de tous les Canadiens, l'ampleur et la qualité de l'information qui est requise ne donnera peut-être pas les résultats souhaités avec la déclaration des effets indésirables des médicaments.
L'applicabilité de cette mesure est un autre problème et nous amène à nous demander qui est responsable en bout de ligne. Les organismes de réglementation de la pharmacie ont le pouvoir de faire des vérifications de pratiques et des visites sur place pour surveiller les détenteurs du permis d'exercice de l'ordre professionnel des pharmaciens et les pharmacies munies de licence. Cependant, toutes les pharmacies d'hôpitaux ne sont pas détentrices d'une licence délivrée par l'organisme de réglementation de la pharmacie de chaque province.
Par ailleurs, il s'agit d'une activité à forte intensité des ressources pour l'organisme de réglementation de la pharmacie, qui compte presque exclusivement sur les droits perçus lors de l'octroi de licences et de permis aux pharmaciens et aux pharmacies comme source de revenu annuelle.
Enfin, si un règlement fédéral imposait la déclaration obligatoire des effets indésirables, il faudrait alors se demander à qui aurait il incomberait de surveiller et de faire respecter le règlement.
L'Association nationale des organismes de réglementation de la pharmacie appuie la déclaration des effets indésirables comme faisant partie d'un système de surveillance post-commercialisation global qui permet d'examiner de près les expériences dans le monde réel en vue de déterminer les effets indésirables des médicaments dans les populations à l'extérieur des essais cliniques, afin de protéger la population canadienne contre tout préjudice. Cependant, notre association estime que le fait de rendre obligatoire la déclaration des effets indésirables et d'accroître le fardeau de la réglementation permettra d'atteindre cet objectif. Il conviendrait peut-être davantage d'adopter une approche fondée sur des systèmes avec d'autres partenaires et intervenants qui contribuent à surveiller et à déclarer dans le but commun de promouvoir des résultats de qualité en matière de santé.
Il doit donc y avoir un changement de culture important, grâce à l'éducation et à la communication, pour sensibiliser davantage à l'importance de déclarer les effets indésirables et à la clarté de l'information à laquelle on s'attend. La mise au point améliorée de solutions technologiques de pointe faciles à utiliser encouragera l'incorporation dans la pratique quotidienne de la déclaration des effets indésirables. Des mécanismes de déclaration et d'analyse des données efficaces afin de s'assurer que les professionnels de la santé ont accès à l'information de façon opportune servira à renforcer la pratique de la déclaration.
Nous devons réfléchir au rôle du gouvernement fédéral, des gouvernements provinciaux et territoriaux, des organismes de réglementation professionnels, et des professionnels de la santé ainsi que des intervenants comme l'industrie, l'Institut canadien pour la sécurité des patients, l'Institut pour l'utilisation sécuritaire des médicaments du Canada et les universitaires. Si on peut se concentrer sur cet aspect et si toutes les parties intéressées sont disposées à faire de cette question une priorité, il est certain que le nombre de déclarations d'effets indésirables va continuer à augmenter, comme cela a été le cas par le passé, sans qu'il soit nécessaire de rendre la déclaration obligatoire.
Je vous remercie.
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Ce que vous nous dites aujourd'hui est très intéressant. De notre côté, nous voulons comprendre comment fonctionne le système et quelle est l'implication du ministère de la Santé.
Monsieur Gagnon, vous avez parlé de sujets qui, pour moi, sont inquiétants. On constate qu'il y a sur le marché des médicaments dont les effets indésirables sont connus. Vous avez nommé le Vioxx. Vous avez dit, notamment, qu'il faudrait peut-être retirer certains produits du marché, compte tenu des données provenant de pays qui les ont déjà retirés. Le Gardasil a causé la mort de cinq personnes. Je ne sais pas si c'est en Belgique, mais c'est en Europe.
L'autre jour, j'ai demandé à quelqu'un de Santé Canada si, étant donné les cinq décès survenus en Europe, il ne devrait pas y avoir un moratoire concernant ce produit, si on pouvait se servir de ces données. On m'a dit que ce n'était pas du ressort de Santé Canada mais de l'Agence de la santé publique du Canada. Déjà là, c'est compliqué. On dit à Santé Canada que ce n'est pas la responsabilité du ministère parce qu'il s'agit d'une vaccination du domaine de la santé publique, mais pourtant, c'est Santé Canada qui a approuvé et mis en marché ce produit.
Vous dites qu'on devrait retirer le produit, mais faudrait-il que ce soit immédiat? Quel genre de tests pourrait-on effectuer? Je sais qu'en Europe, on est en train d'analyser les effets du produit et les raisons pour lesquelles il aurait peut-être causé la mort.
Je pose la question à M. Gagnon, mais d'autres témoins peuvent m'éclairer à ce sujet. Pour notre part, nous allons devoir recommander des orientations, en ce qui concerne Santé Canada, et c'est une des questions qui est en cause.
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Permettez-moi de répondre. J'ai omis une partie de mon discours. C'est justement là où je voulais en arriver.
Je ne voudrais pas qu'on perde la confiance du système, tant celle des professionnels que de la population en général. Lorsqu'un met un produit en vente dans nos pharmacies, c'est parce qu'on pense qu'il respecte les normes de protection du public. Évidemment, on sait qu'il y a des effets indésirables, mais ils ne sont pas majeurs; ils sont censés être mineurs et acceptables. D'ailleurs, les patients en sont informés.
Ce qui est grave, c'est que des produits qui risquent d'entraîner la mort chez certaines personnes puissent passer une certaine barrière qu'on n'imagine pas. On se dit que les tests faits à l'avance par la compagnie devraient pouvoir détecter ce genre de choses. La mise en marché est peut-être accélérée actuellement. On demande une surveillance postcommercialisation pour détecter les problèmes. Cependant, je trouve anormal qu'on attende qu'il y ait des décès avant d'agir, peu importe à quel endroit ils surviennent sur le continent. Quand il y a eu un, deux ou trois cas de mortalité, une lumière rouge devrait s'allumer et on devrait suspendre temporairement la vente de ce médicament jusqu'à ce qu'on ait la réponse. C'est à la compagnie de fournir cela, ce n'est pas la population qui doit en faire les frais. C'est à cet égard qu'on veut sensibiliser les gens.
Plusieurs produits sont actuellement en précommercialisation. Ils n'ont pas reçu leur licence et sont vendus illégalement, en théorie, puisqu'ils sont accessibles à la population. Cette année, 64 produits ont été retirés du marché. De ce nombre, soixante étaient contaminés par des bactéries, contenaient des métaux toxiques lourds et n'avaient pas fait l'objet de précommercialisation. La postcommercialisation, c'est bien beau, mais il faudrait aussi respecter les règles de précommercialisation. Un produit ne peut pas être vendu s'il n'a pas reçu toutes les lettres patentes nécessaires garantissant sa qualité à la population.
C'est le message qu'on veut surtout transmettre, et je pense qu'il est important que vous vous y arrêtiez.
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En tant que professionnels de la santé, on doit toujours faire l'équilibre entre les risques et les avantages.
Madame a dit plus tôt avoir été traitée pour le cancer. Habituellement, lorsqu'un patient souffre d'un cancer potentiellement mortel, le professionnel qui traite ce patient acceptera un niveau d'effets indésirables plus élevé et des risques potentiels de mortalité, car il s'agit d'une situation un peu désespérée.
Prenons l'exemple d'un anti-inflammatoire non stéroïdien, qui traite la douleur de certaines personnes qui souffrent d'arthrite rhumatoïde, une arthrite très débilitante. On accepte un niveau d'effets indésirables un peu plus élevé. Par contre, si on l'utilise pour guérir un tennis elbow, on ne veut peut-être pas que cela entraîne un problème hépatique et, éventuellement, une greffe hépatique. C'est en ce sens qu'il faut évaluer les données qu'on nous transmet. Ce n'est pas parce qu'un médicament a été retiré du marché dans un autre pays qu'il faut absolument le retirer ici, car le contexte d'utilisation n'est peut-être pas le même.
En tant que professionnels de la santé, c'est le genre d'information que nous aimerions obtenir pour ce qui est de la rétroaction. En fin de compte, c'est nous qui nous retrouvons devant le patient et qui devons le conseiller et lui indiquer les avantages et les risques auxquels il est confronté en prenant un médicament donné.
Le concept de l'homologation progressive est un concept attrayant, car je pense que nous savons d'après notre expérience et les médicaments dont nous avons parlé — Vioxx, Cisapride et il y a une longue liste de médicaments qui sont sur le marché depuis les vingt dernières années — que ce n'est qu'à l'usage que l'on peut réellement déterminer l'innocuité d'un médicament. Sur le plan conceptuel, il est très attrayant de mettre un médicament sur le marché le plus tôt possible, dès que nous estimons qu'il est raisonnablement sécuritaire, et d'en surveiller l'utilisation par 10 000, 20 000 ou 30 000 patients pour savoir s'il est vraiment sûr ou non.
Donc, je pense que nous devons sans doute nous orienter vers l'idée de l'homologation progressive. Le défi, à mon avis, consiste à nous assurer que les systèmes sont en place au niveau pratique afin de nous assurer de pouvoir recueillir efficacement toutes les données pertinentes pour être certains de pouvoir faire une bonne évaluation de l'innocuité des médicaments. Par ailleurs, en plus de tout cela, il est nécessaire de mettre en place des systèmes vraiment améliorés pour appuyer l'utilisation sûre et efficace des médicaments.
Nous venons tout juste de publier un livre qui a été écrit par un Canadien qui a gagné cette année la bourse d'études Harkness. Son livre s'intitule Safe and Effective. The Eight Essentials Elements of an Optimal Medication-Use System. Dans ce livre, on aborde la question de l'évaluation des médicaments avant la mise en marché, mais ce qui est encore plus important, c'est qu'on parle de ce qui est réellement nécessaire de faire dans la pratique pour avoir une utilisation sécuritaire des médicaments. Nous pourrons remettre un exemplaire de ce livre aux membres du comité.
Je pense que sur le plan conceptuel, l'homologation progressive est sans doute l'approche à adopter. Il reste cependant beaucoup de travail à faire pour mettre en place les systèmes qui permettraient d'appuyer réellement cela dans la pratique.
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Je suis content que vous n'ayez pas trouvé un passage qui dise exactement le contraire de ce que j'ai dit ce matin.
Nous savons que le développement est un lent processus. Du point de vue de la profession, je pense que nous reconnaissons que nous devons essayer d'apporter des changements et de mettre au point de meilleurs systèmes.
Notre association publie beaucoup d'information sur les médicaments et nous avons notamment transformé une grande partie de nos documents en format numérique. On peut y avoir accès en passant par un portail Web et ils sont disponibles en ligne aux professionnels de la santé au point de service. Donc, du point de vue de notre association, nous avons fait beaucoup pour améliorer la diffusion de l'information auprès des professionnels de la santé.
Par ailleurs, comme la plupart des associations représentées ici, nous avons commencé à établir des liens avec deux groupes — d'autres fournisseurs de soins de santé, dans notre cas les médecins en particulier, et aussi les groupes de patients — afin de mieux comprendre les problèmes éprouvés par les consommateurs. Nous avons fait des progrès pour ce qui est d'établir une approche davantage axée sur la collaboration.
Je pense que la question d'un organisme indépendant revient assez régulièrement. Je trouve que c'est une suggestion intéressante que nous devrons peut-être examiner de plus près.
Quant à nous, dans notre association, nous avons réclamé la création d'un centre national de gestion des médicaments qui examinerait l'innocuité et l'efficacité des médicaments et leur bonne utilisation et qui serait une organisation indépendante. Je pense que nous avons fait des progrès à cet égard, mais il reste évidemment beaucoup de travail à faire.
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Comme M. Tilson l'a dit, il y a quatre ans, le comité a laissé entendre que la déclaration obligatoire serait une bonne idée. Je pense qu'à ce moment-là, nous avons entendu la réaction à la fois des médecins et des pharmaciens: ils nous ont dit qu'ils étaient trop occupés et que cela n'aiderait pas beaucoup et qu'il faudrait en tout cas que le système soit convivial. Quatre ans plus tard, on signale encore 10 p. 100 des effets indésirables. Je ne pense donc pas que nous ayons fait du très bon travail pour ce qui est de changer la culture ou d'éduquer les gens sur tout cela, alors que ce devait être fait volontairement.
Par ailleurs, j'ai été un peu embrouillé la semaine dernière par le témoignage sur les rapports sur les incidents dans les hôpitaux, parce que mon expérience dans les hôpitaux m'a appris que le rapport d'incident est habituellement fait seulement si l'on a donné le mauvais médicament. Ce n'est pas nécessairement une réaction prévisible. Habituellement, une simple éruption cutanée ne débouche pas sur un rapport d'incident.
Par conséquent, si nous voulons vraiment instaurer une culture d'apprentissage dans ce domaine, et si nous n'avons que 10 p. 100 des données, qu'allons-nous faire? J'ignore si cela figure dans ce beau petit livre bleu, mais pour revenir sur le témoignage de Myrella, si l'on continue d'entendre toujours le même refrain, cela ne sert à rien. Et si l'on ne fait pas une ventilation des données... Ces données s'appliquent-elles seulement aux femmes? Les femmes sont-elles les seules à avoir du jus de pamplemousse pour déjeuner? Les femmes sont-elles les seules à prendre de l'échinacée? Nous pourrions en apprendre beaucoup si nous faisions des déclarations et épluchions toutes ces données.
Je trouve donc quelque peu frustrant que l'on ne progresse pas du tout dans ce dossier, pas même sur le plan de la convivialité pour les patients afin qu'ils puissent faire cela en ligne, de même que les pharmaciens. Doit-on donner un BlackBerry à tous les médecins du pays, avec un menu déroulant sur lequel ils peuvent cliquer « éruption cutanée, pas de changement »?
Comment allons-nous concevoir un système qui nous permettrait d'avoir 100 p. 100 des données ou même 85 p. 100 des données, au lieu de ce lamentable 10 p. 100 qui, à mon avis, ne nous permet pas d'apprendre quoi que ce soit.
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Ça s'est extrêmement bien passé. Nous avons mis le produit sur le marché il y a environ deux ou trois ans. Il s'agit d'un portail Web.
Comme vous le savez, nous publions un grand livre bleu, intitulé Le compendium des produits et spécialités pharmaceutiques. Il s'agit d'un recueil des monographies de produits de Santé Canada. Nous avons également publié un livre intitulé Choix thérapeutiques. Il s'agit d'une série de lignes directrices cliniques pour l'utilisation de médicaments pour certaines maladies. Le e-Therapeutics est en fait l'intégration des deux publications rendues disponibles en ligne.
Le système fonctionne. Il fonctionne d'ailleurs très bien.
Lorsqu'un médecin est en train de traiter une maladie spécifique et a besoin de renseignements, l'outil en question recommande les médicaments que l'on pourrait utiliser. Le médecin peut cliquer sur le médicament en question afin d'obtenir une monographie complète pour recueillir encore plus de renseignements. Le système est particulièrement utile car nous pouvons tous incorporer des conseils de Santé Canada directement dans le portail. Ainsi, par exemple, lorsque l'Australie nous a avisés des risques d'effets indésirables apathiques graves pour les médicaments anti-inflammatoires non stéroïdiens, une fois que Santé Canada a émis sa mise en garde, nous l'avons affichée sur notre site Web. Ainsi les médecins, les pharmaciens, les hôpitaux, les institutions inscrites à e-Therapeutics pouvaient recevoir directement cet avis.
L'intérêt a en fait été un peu plus lent que l'on y avait anticipé. Comme vous le savez, nous avons reçu un financement basé sur le fait qu'il s'agissait d'un modèle d'affaires durable. Nous sommes près d'atteindre cet objectif de durabilité, mais la mise en application est ralentie par les retards dans la mise en oeuvre des systèmes provinciaux de renseignements sur les médicaments. Quoi qu'il en soit, le système a été extrêmement bien reçu par les médecins praticiens.
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Si je peux me le permettre, je dirai à ce sujet qu'il faut aussi faire attention. Il ne faut pas dramatiser des situations sans raison, en ce sens qu'il n'est pas nécessaire de soumettre certains médicaments à la vente contrôlée, en autant que l'information soit bien donnée. Évidemment, il faut sensibiliser la population, il faut des campagnes de sensibilisation, il faut souligner l'importance de respecter les dosages. Ce n'est pas le produit qui est dangereux, c'est la quantité que l'on consomme. Qu'il s'agisse de n'importe quel médicament, si la personne ne suit pas les directives, si elle ne prend pas les doses recommandées, aucun n'est sans danger, qu'il soit en vente libre, rangé derrière le comptoir ou disponible sur ordonnance. C'est une chose que la population doit comprendre.
On a un message à livrer. On ne peut pas être négligents, il faut absolument que les gens reçoivent la bonne information, qu'ils soient conscientisés. Les effets secondaires font peur. Il faut que les gens soient conscients qu'ils existent, il faut qu'ils soient sensibilisés, mais il faut aussi qu'ils soient sécurisés. Ce qu'il est important de faire ressortir, c'est comment on peut donner du pouvoir.
Santé Canada reçoit l'information après coup, mais je pense qu'on se rend compte aujourd'hui que le ministère n'a pas l'autorité, donc qu'il n'a pas le pouvoir d'agir. Les compagnies, pour montrer leur bonne volonté, j'imagine, retirent le produit du marché avant même qu'il y ait une recommandation officielle. C'est probablement pourquoi le public est informé avant les professionnels. Je pense que Santé Canada devrait être le premier sensibilisé et immédiatement avertir les professionnels.
Les ordres professionnels, au Québec et probablement ailleurs dans d'autres provinces, ont affiché sur Internet de l'information à accès rapide. En plus, quand un produit est considéré dangereux, une télécopie est envoyée à tous les pharmaciens du Québec. Si on a l'information à temps, elle sera véhiculée à temps, mais pour cela il faut la recevoir. Effectivement, il n'y a pas de rétroaction. Je pense que c'est une des lacunes.
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Je ne tenais pas vraiment à lire la motion pour les besoins du compte rendu, mais je voulais expliquer sa raison d'être.
Il ne s'agit pas de contester ce que le gouvernement a fait ou n'a pas fait dans le dossier de la santé, mais de reconnaître qu'en vertu de la loi, nous sommes tenus de présenter des rapports annuels au Parlement. Ce rapport constitue un mécanisme extrêmement important de suivi et d'analyse lorsqu'on veut jauger l'efficacité du système. Toutefois, nous avons eu certaines difficultés à obtenir qu'on se penche sur le rapport — même au sein de notre comité. Je ne sais pas au juste comment vous vous êtes occupés de cela ces dernières années, mais lorsque j'ai commencé à faire partie du comité, il était souvent très difficile d'obtenir le rapport à temps puis d'interroger le ministre à son sujet devant notre groupe.
C'est pour cela que je propose cette motion et aussi parce qu'un des rapports de la vérificatrice générale a aussi souligné ce fait. Je tenais donc à rappeler les préoccupations de cette dernière, compte tenu du suivi insatisfaisant de la Loi canadienne sur la santé. Les observations sur cela se trouvent dans le rapport du vérificateur général de 2002. À l'époque, elle a dit, « Les progrès accomplis par Santé Canada en vue de combler les lacunes que nous avons relevées dans notre vérification de 1999 n'ont été que limités. Ainsi, la surveillance qu'effectue le ministère ne lui permet toujours pas d'évaluer dans quelle mesure les provinces et les territoires respectent la Loi canadienne sur la santé ». Nous ne disposons donc d'aucun moyen de résolution des différends, même si nous sommes en mesure de les cerner.
Je tiens donc à ce que celle-ci se concrétise, afin que le comité dispose d'un mécanisme très important qui permettra de savoir que la loi s'applique, et qui rendra possibles aussi de véritables échanges avec le ministre au sujet de tout problème lié à la santé, y compris tout problème de sous-financement du système de suivi.