:
Bonjour, mesdames et messieurs.
Je voudrais souhaiter la bienvenue aux professionnels médicaux qui se joignent à nous aujourd'hui. Nous accueillons les représentants de l'Association médicale canadienne, de la Fédération des Ordres de médecins du Canada, du ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels de l'Ontario et du groupe Canadian Men in Nursing.
Bienvenue à vous tous. Nous sommes ravis de pouvoir vous accueillir ce matin. Nous allons bientôt entendre vos exposés liminaires.
Mais, avant de faire cela, je voudrais rappeler aux membres qu'il faut prévoir environ 15 minutes, à la fin de la réunion, pour traiter la motion de Mme Wasylycia-Leis. Nous avons également un budget à examiner concernant les témoins futurs. Certains de nos témoins viennent de très loin, et il importe donc que nous traitions cette question dès aujourd'hui.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, je vous souhaite la bienvenue à cette cinquième réunion du comité sur la surveillance post-commercialisation des produits pharmaceutiques délivrés sur ordonnance ou sans ordonnance.
Je rappelle à nos témoins que chaque organisme disposera de 10 minutes pour faire un exposé liminaire. Je vous conseille de me regarder de temps à autre, car s'il le faut, je vais vous couper la parole, alors que je n'aime pas le faire. Je voudrais simplement m'assurer que chacun aura l'occasion de prendre la parole, et que tous les membres autour de la table pourront vous poser des questions. Nous allons entendre tous vos exposés avant d'ouvrir la période des questions.
Nous allons commencer par le Dr John Haggie, président de l'Association médicale canadienne.
Bonjour, mesdames et messieurs. Au nom de l'Association médicale canadienne et des plus de 67 000 médecins dans toutes les régions du pays qui sont nos membres, je vous remercie de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui de participer à l'étude du comité sur la surveillance post-commercialisation des médicaments délivrés sur ordonnance.
En plus d'être le président du Groupe de travail du Conseil d'administration de l'AMC sur les enjeux pharmaceutiques, je suis médecin praticien d'Appleton, à Terre-Neuve; ainsi je suis également en mesure d'aborder les aspects cliniques de cette question.
Selon l'AMC, afin de permettre de surveiller l'innocuité et l'efficacité des médicaments utilisés au Canada, un système robuste de surveillance post-commercialisation doit nécessairement comprendre des mécanismes efficaces de collecte de données sur la sécurité des médicaments, de même qu'un système de signalement simple, complet et convivial; une capacité d'analyse rigoureuse des données recueillies afin de cerner les menaces importantes à la sécurité des médicaments; et un système de communications produisant de l'information utile, distribuée aux prestateurs de soins de santé et au public de façon opportune et facile à comprendre.
Le système actuel de surveillance post-commercialisation aura besoin d'améliorations considérables afin d'atteindre ces objectifs. Dans notre mémoire détaillé, l'Association médicale canadienne fait des recommandations qui devraient favoriser la santé et la sécurité optimales des patients tout en répondant aux besoins en matière d'information des professionnels de la santé et du public.
L'AMC recommande que Santé Canada ait les outils — y compris le pouvoir de réglementation, lui permettant d'imposer des études post-commercialisation sur les médicaments nouvellement approuvés si des essais cliniques indiquent des risques possibles pour la santé des utilisateurs, d'obliger les fabricants à divulguer de l'information si Santé Canada le juge utile à la prise de décision dans l'intérêt de la sécurité des patients, et d'agir si la recherche post-commercialisation révèle de nouveaux problèmes de sécurité. Il pourrait s'agir à ce moment-là d'obliger les fabricants à modifier les étiquettes de leurs produits ou à les retirer du marché.
Cependant, ces pouvoirs accrus seront parfaitement inutiles à moins que Santé Canada n'ait des ressources supplémentaires lui permettant d'analyser et d'évaluer les données qu'il reçoit. En l'absence de ressources additionnelles, l'augmentation du nombre de déclarations d'EIM ne fera qu'alourdir la somme de travail qui s'accumule sur le pupitre des analystes.
En 2007, un regroupement de centres de recherche canadiens a produit un document, soit un plan d'activités pour un réseau sur l'innocuité et l'efficacité des médicaments, où l'on proposait de créer un réseau intégré complet de centres d'excellence, afin d'appuyer l'évaluation de l'innocuité et de l'efficacité des médicaments au Canada. Le comité devrait examiner ce concept et recommander qu'il soit retenu.
S'agissant du signalement des effets indésirables, il importe de souligner que ce n'est qu'un moyen parmi d'autres de recueillir des données sur l'innocuité des médicaments. Le gouvernement devrait également envisager des études post-commercialisation plus structurées afin de faire augmenter le nombre de déclarations spontanées. L'AMC reconnaît qu'un problème de sous-déclaration des effets indésirables existe à la fois au Canada et dans le monde entier. Ainsi nous sommes favorables à toute mesure permettant de renforcer la capacité canadienne de déclaration des EIM.
Il pourrait s'agir, entre autres, d'un système de déclaration convivial, d'une capacité de suivi améliorée, de l'établissement de liens avec des systèmes internationaux de surveillance post-homologation, de la sollicitation active de déclarations d'EIM de la part de tous les prestateurs de soins de santé, et de l'établissement de certaines limites sur les éléments de déclaration. Il n'y a aucune raison de demander que l'on signale les effets secondaires de certains médicaments qui sont déjà connus. Les effets dont Santé Canada a le plus besoin d'être informé sont ceux qui sont inattendus ou que produisent des médicaments nouvellement homologués. Il faudrait également intégrer le mécanisme de déclaration des EIM directement dans le dossier médical électronique.
Notre liste ne comprend pas la déclaration obligatoire des effets indésirables des médicaments. À notre avis, si l'on crée un système intégré, efficient et efficace de surveillance post-commercialisation, les médecins y participeront activement. Si on les oblige à participer avant que le système ne soit en place, il en découlera aliénation, frustration et échec. D'ailleurs, nous insistons sur le fait que le signalement des effets indésirables par les prestateurs de soins de santé seulement ne correspond pas à un système de surveillance rigoureux.
La surveillance post-commercialisation ne peut fonctionner dans le vide. À notre avis, le gouvernement doit prendre d'autres mesures afin de favoriser l'innocuité et l'efficacité des médicaments. Un système de surveillance efficace suppose l'accès à des données en temps réel. Ainsi l'AMC recommande vivement que les gouvernements investissent dans des technologies auxiliaires qui augmenteraient de beaucoup la capacité des médecins de signaler aux autorités les effets indésirables des médicaments.
Il importe également de s'assurer que les nouveaux médicaments d'ordonnance, notamment ceux qui présentent des améliorations notables par rapport aux produits déjà sur le marché, soit mis aussi rapidement que possible à la disposition des personnes qui pourraient en bénéficier. Cependant, l'amélioration du système de surveillance post-commercialisation ne soit pas servir de prétexte pour baisser les normes applicables à l'examen préhomologation.
L'AMC favorise l'adoption d'une approche axée sur les risques pour l'évaluation de l'innocuité des médicaments, de même que des exigences réglementaires qui sont plus rigoureuses pour les produits présentant davantage de risques et moins rigoureuses pour ceux qui présentent moins de risques. Il est essentiel que les professionnels de la santé et le public aient accès à tous les renseignements — tant positifs que négatifs — au sujet des nouveaux produits. Santé Canada devrait mettre les résultats de toutes les études cliniques à la disposition des professionnels de la santé et du public. Toutefois, les médecins sont d'avis que la publicité directe aux consommateurs au sujet des médicaments d'ordonnance gonfle le marché des médicaments qui pourraient être risqués et ne donne pas aux consommateurs suffisamment de renseignements pour leur permettre de faire des choix appropriés. Nous recommandons donc que la publicité directe aux consommateurs visant un produit spécifique ne soit pas permise au Canada et que l'on élimine les échappatoires qui permettent actuellement un volume limité de promotion de médicaments de marque.
Les Canadiens ont droit à de l'information impartiale et exacte sur les médicaments d'ordonnance et d'autres thérapies afin de pouvoir prendre des décisions éclairées. Le gouvernement fédéral devrait donc élaborer et financer un programme intégré permettant de produire des renseignements exacts et impartiaux sur les médicaments d'ordonnance à l'intention tant des patients que des professionnels de la santé. L'AMC est prête à collaborer avec d'autres intervenants clés pour répondre à ce besoin dans le cadre d'un programme intégré de promotion de l'établissement optimal d'ordonnances et de surveillance des pharmacothérapies par les professionnels de la santé. Un tel programme devrait reposer, non pas sur des sanctions, mais plutôt sur l'éducation, y compris les détails théoriques objectifs, afin de garantir que l'information que reçoivent les professionnels de la santé est exacte et impartiale; faire appel aux technologies de l'information et aux outils de pratique; être organisé et mis en oeuvre avec la participation d'organisations de professionnels et de patients; et inclure des stratégies visant à améliorer la connaissance que les patients ont des régimes de pharmacothérapie et à les amener à mieux s'y conformer.
L'Association médicale canadienne élaborera sa vision d'un programme d'établissement optimal d'ordonnances et commencera à en appliquer des éléments au cours de la prochaine année. L'AMC félicite à la fois le comité permanent et Santé Canada de leur intention de mettre en place un système robuste de surveillance post-commercialisation au Canada. Les médecins du Canada sont prêts à collaborer avec les gouvernements, les professionnels de la santé et le public pour renforcer le système afin de garantir que les médicaments d'ordonnance que les Canadiens reçoivent sont sécuritaires et efficaces.
Je vous remercie.
:
Madame la présidente et membres du comité, je vous remercie de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui de présenter le point de vue de la Fédération sur la question importante de la surveillance post-commercialisation. Je m'appelle Douglas Anderson, et je suis le président désigné de la Fédération des ordres de médecins du Canada, soit la FOMC. Je suis également le registraire adjoint de l'Ordre des médecins et chirurgiens de l'Ontario.
Je me présente devant vous aujourd'hui au nom de la FOMC et de ses 13 membres, c'est-à-dire les ordres de médecins des provinces et territoires du Canada. Il s'agit d'organismes constitués par une loi provinciale ou territoriale dont le mandat consiste à défendre l'intérêt public, à établir et à maintenir les normes et l'honneur de la profession, à établir des règles visant la conduite professionnelle de ses membres, à déterminer les qualités requises pour s'inscrire comme médecin et obtenir un permis d'exercice de la médecine, et à déterminer et à évaluer les compétences et la conduite nécessaires pour maintenir son inscription et son permis d'exercice de la médecine.
Je voudrais aborder deux questions concernant la surveillance post-commercialisation : premièrement, les rôles respectifs de Santé Canada et des ordres de médecins qui sont nos membres; et, deuxièmement, les responsabilités des médecins praticiens.
Le processus consistant à surveiller l'innocuité, l'efficacité et la qualité des produits pharmaceutiques, soit délivrés sur ordonnance, soit vendus sans ordonnance, après qu'ils sont mis sur le marché, est complexe. Cela suppose la surveillance et l'inspection des produits, la déclaration des effets indésirables des médicaments, avec des rapports de suivi, la communication aux professionnels et au public des risques pour la santé que présentent les produits, et les vérifications et enquêtes de conformité. Les ordres de médecins appliquent diverses politiques relatives aux médicaments et à l'activité de prescription. Par exemple, l'Ordre des médecins et chirurgiens de l'Ontario, dont je suis l'employé, applique des politiques précises dans ce domaine. Étant donné que mon temps de parole est limité, je ne vais pas vous les lire maintenant.
En général, ces politiques portent sur des questions cliniques, administratives ou de prescription : par exemple, les indications cliniques visant certains médicaments, les procédures de bureau appropriées pour la gestion des médicaments, les mesures à prendre pour éviter les erreurs médicales, etc.
Un autre de nos membres, l'Ordre des médecins et chirurgiens de la Colombie-Britannique, a créé un programme d'examen visant à évaluer la prescription de médicaments psychotropes et de stupéfiants par les médecins, à déterminer si certains patients s'adressent à plusieurs médecins différents pour obtenir des drogues toxicomanogènes et à évaluer le traitement de la douleur chronique d'origine non maligne grâce à l'usage approprié des stupéfiants. L'Ordre des médecins et chirurgiens de la Colombie-Britannique a accès à des données détaillées sur la prescription de médicaments par les médecins qui ne sont pas disponibles dans d'autres provinces. B.C. PharmaNet est un réseau provincial qui relie toutes les pharmacies de la province à un ensemble central de systèmes de données. Ainsi PharmaNet soutient l'activité de prescription des médicaments, la surveillance des médicaments et le traitement des demandes de remboursement.
Toute tentative de la part du gouvernement fédéral pour collaborer avec les gouvernements provinciaux et territoriaux afin d'établir ce genre de programme dans l'ensemble du pays serait vivement appuyée par la FOMC et ses membres.
Il convient de noter que ces politiques et programmes n'abordent pas directement la question de l'innocuité, de l'efficacité et de la qualité des médicaments délivrés sur ordonnance ou vendus sans ordonnance, une fois qu'ils ont été mis sur le marché. Nous sommes d'accord pour dire qu'il importe que les médecins signalent les effets indésirables des médicaments. Selon la FOMC et ses membres, Santé Canada est le mieux placé pour coordonner toute cette activité. Je vais revenir sur cet élément un peu plus tard.
Le rôle des ordres de médecins peut en être un de facilitation, en ce sens que ces derniers peuvent communiquer des renseignements appropriés par l'entremise de leurs publications ou de leurs sites Web respectifs. Nous en avons déjà plusieurs exemples au Canada. Même ce rôle présente certaines difficultés pour nos membres. Les ordres de médecins reçoivent fréquemment des bulletins d'information de Santé Canada qui décrivent les rappels de médicaments, des problèmes liés aux effets indésirables des médicaments et des avertissements concernant des agents précis, etc.
Or les ordres de médecins ne sont pas sûrs de comprendre ce que Santé Canada voudrait qu'ils fassent de cette information. Il est évidemment possible d'afficher ces renseignements sur un site Web avec un lien au site de Santé Canada, ou de les mettre en relief dans un bulletin d'information. Cependant, l'information communiquée par Santé Canada aux 13 ordres de médecins provinciaux et territoriaux n'est pas nécessairement transmise à tous les médecins praticiens, et ce pour diverses raisons, y compris le problème du coût, du mandat législatif et de la rapidité de diffusion de l'information par le biais de nos publications. Nous ne pouvons assumer la responsabilité de confirmer que les médecins praticiens ont pris connaissance des documents produits par Santé Canada, les ont lus et les ont compris.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, la FOMC et ses membres sont convaincus de l'importance du signalement des effets indésirables des médicaments. Plusieurs d'entre eux en ont justement fait la promotion auprès des médecins praticiens par différents moyens, y compris leurs publications — par exemple, les bulletins d'information et les sites Web.
Selon nous, un système de déclaration qui encourage le signalement des effets indésirables, plutôt que de pénaliser ceux qui ne les signalent pas, serait certainement plus utile à long terme. Normalement, un système de déclaration obligatoire devrait être accompagné de moyens de surveillance et de conformité. De l'avis de la FOMC, cela serait impossible en vertu de la structure fédérale-provinciale-territoriale actuelle du secteur des soins. Les ordres de médecins n'ont absolument aucun moyen de savoir qu'il y a eu non-conformité, si ce n'est par la procédure d'instruction de plaintes déjà établies. Si un ordre de médecins provincial ou territorial reçoit une plainte au sujet d'un médecin qui n'a pas signalé un effet indésirable grave, cette plainte, comme toutes les autres plaintes, sera traitée selon la procédure régulière.
Nous proposons par conséquent un système de déclaration simple pour les médecins, système qui serait éventuellement relié au dossier médical électronique. Comme nous sommes encore à l'étape préalable à la mise en oeuvre du DME et du dossier de santé électronique, ou DSE, il serait utile de créer une zone particulière de sorte que l'on puisse facilement communiquer les effets indésirables d'un médicament directement à Santé Canada. Si l'outil retenu est intuitif, opportun et facile à utiliser, cette déclaration pourrait être faite dans le cadre des visites régulières du patient chez le médecin.
Un mécanisme de déclaration n'est efficace que si l'usage final de l'information fournie est optimal. Ainsi il importe de prévoir un contrôle crédible et opportun de cette information. Cette tâche devrait relever de la responsabilité de Santé Canada.
Je vous en donne un exemple : un médecin signale des effets indésirables modérés par l'entremise du DME. Comme les responsables appropriés de Santé Canada contrôlent toutes les déclarations communiquées au ministère, ils remarquent qu'il s'agit de la 100e déclaration à ce sujet qui leur a été communiquée au cours de la dernière année. En ce moment-là, l'activité de contrôle passe à l'étape suivante, puisqu'on transmet une demande de renseignements supplémentaires aux 100 médecins concernés. Comme cette activité suppose un investissement de temps important de la part du médecin, Santé Canada aurait intérêt à collaborer avec ses homologues provinciaux et territoriaux afin de prévoir une rémunération appropriée pour cette activité.
De l'avis des ordres de médecins du Canada, un système de déclaration des effets indésirables des médicaments devrait également constituer un outil d'apprentissage pour les fournisseurs de soins, les médecins et d'autres. Une fois qu'une déclaration d'EIM a été communiquée à Santé Canada, il serait utile qu'il y ait échange électronique de renseignements entre Santé Canada et le professionnel de la santé. Un exemple de renseignements utiles pouvant être fournis par Santé Canada serait des données sur les tendances observées, le nombre de déclarations d'EIM reçues au sujet d'un médicament particulier et la nature des déclarations, de même que des propositions de solutions. Les prestateurs de soins sont plus susceptibles de faire l'effort de remplir la déclaration et de la communiquer aux autorités s'ils savent qu'ils vont recevoir des renseignements utiles en temps opportun leur permettant d'assurer les meilleurs soins possible à leurs patients.
Ce serait également bien utile et instructif pour le médecin qui a communiqué sa déclaration au ministère de recevoir des renseignements au sujet du résultat final : le profil pharmaceutique ou la dose recommandée ont-ils été modifiés? De plus, un accusé de réception, envoyé au médecin qui communique ces renseignements fort précieux aux autorités, est toujours apprécié.
Une fois qu'on aura instauré un système simple et opportun s'appuyant sur de solides principes éducatifs, la FOMC et les ordres de médecins qui en sont membres se feront un plaisir de promouvoir son utilisation auprès des médecins praticiens dans l'ensemble du Canada.
Je vous remercie de m'avoir écouté et je suis maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.
:
Bonjour, madame la présidente et membres du comité. Je représente aujourd'hui le Dr Bonita Porter, coroner en chef de l'Ontario, qui a malheureusement eu un empêchement et n'a donc pas pu être présente aujourd'hui.
Ce matin, je voudrais donner aux membres du comité un bref aperçu des enquêtes sur les décès au Canada et en Ontario en particulier — la situation qui m'est la plus familière — en vous expliquant en quoi consiste notre rôle par rapport au signalement des effets indésirables des médicaments, et en vous faisant éventuellement quelques proposition que nous soumettons à l'examen du comité.
Au Canada, nous avons différents mécanismes permettant de faire enquête sur les décès. Nous avons des médecins coroners, comme en Ontario; des coroners non professionnels, comme en Colombie-Britannique et dans d'autres provinces; et nous avons également des médecins légistes, comme à Terre-Neuve, en Alberta et dans d'autres provinces. Le Dr Haggie mène ses activités dans le cadre d'un de ces régimes. Aux Territoires du Nord-Ouest, au Nunavut et au Yukon, ils ont des coroners non professionnels, et ce tout simplement en raison d'un manque de ressources et de spécialistes dans ces régions et des grandes distances qu'il faut parcourir.
Cependant, tous les systèmes liés au travail du coroner ou du médecin légiste visent le même objectif. Il y a un certain nombre de questions obligatoires auxquelles il faut répondre lorsqu'on fait enquête sur un décès, l'activité doit soutenir le système de justice pénale et, enfin, il faut protéger la sécurité du public.
À notre bureau en Ontario, nous enquêtons sur 20 000 décès par rapport aux 80 000 qui se produisent chaque année dans la province. Ces enquêtes sont menées par environ 300 coroners, qui sont tous des médecins praticiens en Ontario et ont un travail à plein temps ailleurs, sauf quelqu'un comme moi : je représente l'un des neuf coroners régionaux qui relèvent directement du coroner en chef de la province.
Sur les 20 000 décès qui font l'objet d'une enquête chaque année, environ 15 000 correspondent à des décès naturels, et c'est dans cette catégorie de décès que nous observons la majorité des événements iatrogènes médicamenteux. Au cours des années, ce n'est pas chez nous, selon moi, qu'il y a eu la majorité des signalements, et je pense que la situation est semblable dans d'autres provinces. Divers facteurs expliquent cet état de faits, dont bon nombre sont liés aux difficultés que rencontrent les médecins praticiens en général.
Je précise, à titre d'information, qu'au cours des cinq dernières années, 176 événements iatrogènes médicamenteux ont été signalés aux autorités qui étaient associés au décès sans avoir été la cause directe du décès. Ce sont ce que nous appelons des facteurs contributifs importants, sans pour autant être la cause réelle du décès. Au cours de cette période de cinq ans, il a été établi dans 18 cas que l'effet indésirable du médicament était la cause même du décès. Or j'ai l'impression que ce chiffre correspond à une sous-représentation importante du nombre réel de cas de ce genre. Il convient à mon sens que le comité en soit conscient et cette situation révèle bien la nécessité d'améliorer les mécanismes permettant de signaler aux autorités ce genre d'événements.
Dans l'exercice de nos fonctions de coroner, nous entretenons des relations avec des organismes comme le vôtre, évidemment, le Parlement du Canada et d'autres ministères ontariens, tels que le ministère de la Santé et des Soins de longue durée et le ministère du Travail. Nous avons récemment dialogué avec les responsables de Santé Canada et avons reçu la visite de Mme Pepper, représentant le programme Canada Vigilance, qui nous a parlé de la nécessité d'entretenir des relations suivies avec eux. Nous sommes tout à fait favorables à cette idée et nous souhaitons justement entretenir des relations plus étroites avec Santé Canada dans ce domaine.
Depuis 2001, la consigne officielle donnée aux coroners par le coroner en chef consiste à s'assurer de signaler tous les événements iatrogènes médicamenteux. Ainsi nous avons récemment restructuré notre système d'information sur les enquêtes, qui est un système exhaustif et informatisé, de façon à pouvoir saisir des données plus exactes sur le genre d'effets indésirables qui a été observé; par conséquent, nous consignons toujours la présence d'un effet indésirable, que nous définissons comme étant une « réaction nuisible ou involontaire à un médicament administré à des doses thérapeutiques, prophylactiques ou diagnostiques » et qui « conduit directement au décès ». Dans ce genre de situation, il s'agirait de ce qu'on appelle le facteur de décès ou la cause principale du décès.
Cependant, nous suivons également ce que nous appelons les facteurs contributifs. Pour nous, il s'agirait d'un événement iatrogène médicamenteux grave qui contribue au décès mais qui n'en est pas la cause directe. C'est ainsi que nous définissons ce terme; notre définition est différente de celle de Santé Canada. La façon la plus apte de les décrire serait de dire que ces facteurs correspondent à l'iceberg alors que le petit nombre de cas où la réaction conduit au décès constituent la partie immergée de l'iceberg. Quoi qu'il en soit, les deux sont bien importants.
Nous pouvons décider de prendre diverses mesures en réponse à une situation où l'effet indésirable d'un médicament a causé un décès. Nous pourrions décider de mener une enquête médicolégale. Les enquêtes médicolégales sont relativement peu courantes en Ontario maintenant, pour diverses raisons. Autrefois il y en avait des centaines mais, à l'heure actuelle, entre 50 et 70 enquêtes médicolégales sont menées chaque année, dont la grande majorité sont obligatoires.
Il est également possible d'opter pour ce qu'on appelle une étude du coroner régional, c'est-à-dire une étude officielle menée un peu comme en comité où le prestataire de soins de santé ou l'établissement concerné est invité à discuter de ce qui est arrivé, et cette démarche devrait normalement déboucher sur des conclusions et des recommandations permettant d'atteindre notre objectif commun, soit la protection du public et la prévention de décès semblables à l'avenir.
Nous pourrions également décider de renvoyer le dossier à un de nos comités d'experts, et un de ces comités est le Comité d'examen de la sécurité des patients, que je préside. Ce comité est composé de représentants de diverses disciplines. L'Institut pour l'utilisation sécuritaire des médicaments du Canada est représenté par M. David U. Il compte également un certain nombre de médecins spécialisés, de même que des spécialistes des soins infirmiers et de la sécurité des systèmes; nous examinons en profondeur tous les dossiers et nous préparons par la suite un rapport qui est distribué à toutes les parties concernées, y compris les prestateurs de soins et, bien entendu, les plus proches parents du défunt.
Cette information est souvent diffusée par d'autres moyens — par exemple, la revue Dialogue de l'Ordre des médecins et chirurgiens de l'Ontario, ou encore le Journal de l'Association médicale canadienne, etc. — l'idée étant de renseigner les praticiens et tous ceux qui devraient être informés du problème.
D'après ce que nous avons observé au comité, environ un tiers des cas que nous examinons sont liés à l'utilisation d'un médicament. C'est donc une question d'actualité et bien importante en ce qui nous concerne, comme pour vous.
Je voudrais simplement dire en terminant que nous sommes tout à fait disposés à participer au signalement des EIM, en collaboration avec Santé Canada, afin de réaliser notre objectif commun, qui consiste à améliorer la sécurité du public canadien.
:
Honorables membres du comité, bonjour. C'est avec plaisir et honneur que je prends la parole ici devant vous sur la question de la surveillance post-commercialisation des produits pharmaceutiques.
Je m'appelle James D'Astolfo, et je suis le président fondateur du groupe Canadian Men in Nursing.
Notre organisme représente les hommes qui exercent la profession d'infirmier, et nous comptons parmi nos membres tant des infirmiers diplômés que des étudiants en sciences infirmières. Notre mission est de donner une voix aux infirmiers, afin de soutenir et de raffermir l'image de la profession. Nous nous proposons de remplir cette mission en renseignant le grand public, les étudiants et les autres intervenants au sujet de la profession infirmière, en collaborant avec les gouvernements, les organisations et les autres professionnels de la santé, et en exerçant notre leadership ici comme à l'étranger. Il fait aussi partie du mandat de notre organisation de faire en sorte que les enjeux de la santé soient entendus tant par les gouvernements que par les autres organisations.
Je vais partager mon temps de parole aujourd'hui avec M. Irfan Aslam, vice-président et directeur des Finances du groupe Canadian Men in Nursing.
Les infirmiers et infirmières jouent un rôle actif dans la manipulation sûre et efficace des médicaments prescrits ou en vente libre et ils offrent des services d'administration, d'éducation et de soutien aux patients et à leurs familles dans la collectivité, au domicile des patients, de même que dans les établissements de soins de courte ou de longue durée. Nous présentons une suite de recommandations que nous aimerions voir adoptées par le comité dans le cadre de son plan de renouveau.
Voici donc nos recommandations relatives à la sécurité des consommateurs. La sécurité des consommateurs est un important aspect de la manipulation des médicaments prescrits ou non, et joue un rôle essentiel dans le maintien de la sécurité des Canadiens, qui est une préoccupation prioritaire.
Notre première recommandation consiste à fournir aux intervenants de première ligne, notamment aux infirmiers et infirmières, des renseignements sur les changements apportés aux produits pharmaceutiques.
Notre deuxième recommandation consiste à fournir des ressources et une formation continue aux infirmiers et infirmières afin de prévenir les erreurs médicamenteuses dans les établissements de soins de courte et de longue durée. Le California Institute for Health Systems Performance affirme dans son rapport de 2001 que, parmi les moyens d'améliorer la qualité du milieu de travail, la promotion de la formation continue est un élément important.
Les codes à barres et autres auxiliaires, les ateliers de formation et d'autres services internes ont aussi un rôle à jouer dans la réduction des erreurs médicamenteuses. Le code à barres est l'un des systèmes qui ont été utilisés pour prévenir les erreurs médicamenteuses. Il s'agit de munir le patient d'un bracelet d'identification portant un code à barres qui est lié à ses antécédents médicaux. Un scanner relié à des dossiers médicaux informatisés permettrait d'établir qu'il s'agit bien du bon médicament. Selon une étude de la FDA, un tel système de codes à barres réduirait les erreurs médicamenteuses de 50 p. 100 et permettrait de réaliser des économies considérables.
Notre troisième recommandation consiste à faire en sorte que les étiquettes des médicaments indiquent tant le nom générique que la marque de commerce du produit, et que les indications sur la prise du médicament soient incluses et données tant au consommateur qu'au professionnel de la santé. Il faudrait également que ces consignes soient traduites dans différentes langues pour garantir qu'elles soient comprises et suivies et qu'elles soient offertes dans les pharmacies du Canada.
Des modes d'emploi de médicaments sont utilisés par la Food and Drug Administration aux États-Unis pour aider les patients à éviter les effets indésirables graves, renseigner les patients sur les effets secondaires du produit, ou expliquer comment l'utiliser pour en obtenir le bénéfice maximum.
La quatrième recommandation est celle-ci : le Canada est un pays fort diversifié où vivent de nombreuses communautés culturelles utilisant non seulement des médicaments prescrits ou en vente libre, mais aussi des produits naturels et des plantes médicinales. Certains pensent que les plantes médicinales sont sans danger, mais selon les estimations, environ le tiers de nos médicaments — et notamment la digitaline, la morphine, l'atropine et divers autres agents chimiothérapeutiques viennent des plantes. Les plantes médicinales peuvent donc avoir des effets très puissants.
Les plantes médicinales peuvent également altérer les fonctions corporelles; par conséquent, lorsqu'elles sont conjuguées à des médicaments, des interactions sont possibles. Voilà pourquoi le comité devrait songer à inclure les interactions entre herbes médicinales et produits pharmaceutiques au Programme canadien de surveillance des effets indésirables des médicaments.
:
Je m'appelle Irfan Aslam, et je vais vous présenter une autre recommandation.
La cinquième recommandation consiste à faire en sorte que les Canadiens soient informés des produits pharmaceutiques approuvés ou non approuvés au moyen d'un système à accès libre, indiquant les raisons qui ont justifié l'approbation ou le refus d'approbation, ainsi que les données probantes, pour que le consommateur et son soignant puissent faire un choix éclairé d'utilisation ultérieure.
Comme l'a mentionné le représentant de l'Association médicale canadienne, les données sur les effets cliniques devraient également être mises à la disposition de chercheurs qui se livrent à des études de même qu'à Santé Canada. En regroupant en un seul lieu toutes les données disponibles, on verrait mieux quels renseignements supplémentaires sont nécessaires. À ce moment-là, il serait possible de prendre des mesures afin de garantir l'innocuité du médicament.
La recommandation six consiste à fournir aux intervenants des données probantes de façon efficace. Comme nous vivons à l'ère de l'information, la meilleure façon d'y parvenir, me semble-t-il, consiste à élaborer un outil d'apprentissage électronique qui favorise l'éducation pharmaceutique. Il s'agirait d'un outil de cyberapprentissage sur le Web à l'intention des patients et des professionnels de la santé. On expliquerait la façon correcte de prendre les médicaments, certaines choses à faire ou à ne pas faire, et il y aurait des liens à des sites du gouvernement ou à d'autres programmes de soutien communautaires, permettant ainsi aux patients et aux professionnels de la santé de se renseigner sur les médicaments.
La recommandation suivante concerne le signalement des effets indésirables. À l'heure actuelle, les professionnels de la santé ne sont pas tenus de signaler les événements iatrogènes médicamenteux aux autorités. Mais, il serait possible de changer cette façon de faire. Par contre, il ne conviendrait d'opérer ce changement qu'une fois que les autres éléments du système de surveillance post-commercialisation seraient déjà en place. Quand tous les éléments du système seront bien établis, de sorte que les professionnels de la santé bénéficient du soutien nécessaire, vous voudrez peut-être envisager de rendre obligatoire le signalement des effets indésirables aux autorités, mais il ne convient pas de le faire pour le moment.
La recommandation suivante concerne les moyens de contrôle, de surveillance et de recherche. Nous estimons qu'il faudrait rehausser la surveillance des médicaments vendus sans ordonnance — ce qu'on appelle les médicaments en vente libre. Pour régler ce problème, on pourrait envisager de procéder à une surveillance évènementielle. Selon le British Medical Journal, de nombreux chercheurs et professionnels de la santé en Angleterre ont dit avoir trouvé que la surveillance évènementielle des médicaments prescrits ajoutait un élément utile à la pharmacovigilance des produits délivrés sur ordonnance en Angleterre. De nombreuses pharmacies ont créé un lien électronique entre le dossier informatisé médicamenteuses du patient et le système aux points de vente. Grâce à ce lien, il serait possible de procéder à la collecte systématique de données sur la consommation de médicaments en vente libre, et nous estimons qu'il pourrait s'agir là d'un outil intéressant pour surveiller la consommation de médicaments en vente libre.
Grâce à toutes ces recommandations, de même que celles faites par d'autres collègues, il vous sera peut-être possible d'élaborer le meilleur programme de surveillance post-commercialisation des produits pharmaceutiques. Il reste qu'un tel programme sera inutile si vous n'avez pas suffisamment de personnel pour le mettre en oeuvre. Donc, notre dernière recommandation consiste à recruter plus de professionnels de la santé — des médecins, des infirmiers et des infirmières et du personnel à Santé Canada — afin d'analyser les données que renferment les déclarations. Voilà qui garantirait la bonne mise en oeuvre d'un programme de surveillance post-commercialisation des produits pharmaceutiques.
Nous tenons à vous remercier du temps que vous nous avez consacré aujourd'hui, et nous espérons que vous jugerez utile de retenir certaines de nos recommandations pour votre plan de renouveau. Nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions aujourd'hui ou plus tard.
Encore une fois, nous tenons à remercier le comité pour son invitation.
:
Merci, madame la présidente. J'ai une petite question à poser, et ce sera ensuite à Susan de finir. Si vous voulez bien répondre à nos questions ensemble, ce serait bien apprécié.
D'abord, je voudrais savoir si vous estimez que, pour bien vous acquitter de vos tâches, et pour assurer la sécurité des patients, il convient de consigner le diagnostic sur l'ordonnance proprement dite, dans l'espoir que nous pourrons un jour transmettre les ordonnances en ligne.
S'agissant maintenant de la préoccupation de M. Anderson concernant la possibilité que les médecins n'aient pas nécessairement lu la communication, à l'ère électronique, il est tout à fait possible de transmettre un message et de le marquer comme lu. Ne pensez-vous pas que Santé Canada ou quelqu'un d'autre devrait au moins avoir la capacité de parler directement aux médecins? Je sais pertinemment que, pendant la crise du SRAS, nous aurions été bien contents qu'il en soit ainsi.
De plus, si l'on a l'impression de rencontrer plusieurs problèmes simultanément, ne serait-il pas approprié de transmettre une alerte aux intéressés, en leur disant: rappelez-vous que Vioxx ne convient que pour les patients souffrant de problèmes gastriques; ce n'est pas un médicament d'application générale. Peut-être aurions-nous pu ainsi éviter certaines difficultés.
Voilà les éléments qui m'intéressent pour ce qui est d'employer la technologie en vue de faire le nécessaire pour la population canadienne.
Susan, c'est à vous.
:
Merci. Ma question est d'un tout autre ordre.
Monsieur McCallum, vous disiez qu'il y a une différence entre votre définition « d'effet indésirable » et celle de Santé Canada et vous avez également mentionné que vous parlez de « facteur contributif » et de « cause du décès ».
Il me semble que vous devriez nous en dire davantage à ce sujet, parce que cela semble être très important pour ce qui est de maximiser l'apport de données pertinentes et de prévenir ainsi les décès dus aux effets indésirables des médicaments.
S'il nous reste assez de temps, je voudrais que les représentants du Canadian Men in Nursing Group répondent à la question que voici: étant donné que le signalement des effets indésirables d'un médicament est facultatif, plutôt qu'obligatoire, à quel moment ou dans quelles circonstances estimez-vous que, en tant que professionnels de la santé, il convient de signaler volontairement les effets indésirables d'un médicament aux autorités? En d'autres termes, existe-t-il une norme ou un critère courant?
De plus — toujours s'il reste assez de temps — pourriez-vous me dire si les médecins discutent de ces questions avec vous? Quel est votre rôle dans ce contexte et dépendez-vous des médecins pour faire état volontairement des effets indésirables des médicaments aux autorités canadiennes? Quelle est la relation entre vous et eux pour ce qui est de signaler les réactions indésirables aux autorités?
Je suis content que vous n'ayez posé la question, parce que j'ai l'impression de vous avoir induite en erreur. Il n'y a pas de différence importante entre nos définitions, telles que nous les avons formulées, et celles de Santé Canada. Le libellé peut être légèrement différent, mais l'intention est tout à fait semblable.
Permettez-moi donc de vous lire la définition que nous employons, par rapport à celle du ministère — histoire de vous rassurer. Selon la définition du règlement sur les aliments et drogues, une réaction indésirable à un médicament est une « réaction nocive et non intentionnelle à une drogue qui survient lorsque la drogue est utilisée selon des doses normales ou selon des doses expérimentales, aux fins du diagnostic, du traitement ou de la prévention d'une maladie ou de la modification d'une fonction organique ». Voilà la définition employée par Santé Canada.
Notre définition est celle-ci: « Une réaction nocive et non intentionnelle à un médicament administré à doses thérapeutique, prophylactique ou diagnostique. Présence de morbidité ou de préjudice important pour le patient, sans que cela soit la cause directe du décès ». Voilà notre définition d'un facteur contributif.
Nous suivons les facteurs contributifs, de même que les facteurs ayant conduit au décès parce qu'il est important d'avoir un tableau tridimensionnel de ce qui est arrivé à la personne qui est décédée. Donc, le facteur contributif est sublétal — c'est-à-dire que la consommation du médicament n'a pas entraîné le décès — alors que s'il s'agit d'un facteur ayant conduit au décès, on estime que c'est le médicament lui-même qui constitue la cause du décès.
Donc, nos définitions ne sont pas tellement différentes, mais le point d'arrivée est tout de même différent. Évidemment, Santé Canada s'intéresse à tous les effets indésirables des médicaments. Quant à nous, nous nous intéressons à la population que nous desservons.
:
Étant donné que mes collègues essaient de s'organiser pour entendre l'interprétation, je vais commencer.
Je présume que vous parlez de l'usage non prévu de médicaments.
[Français]
En somme, vous parlez de l'usage non prévu des médicaments.
Il y a quelques semaines, à l'occasion d'une rencontre avec Santé Canada, j'ai été étonnée d'apprendre que, dans le cas de certains médicaments et dans certaines populations, comme la population pédiatrique, l'usage non prévu dépassait l'usage prévu. Les chiffres sont quand même imposants. C'est vrai que ça passe outre à la réglementation, mais au fond, la médecine évolue constamment et l'usage non prévu des médicaments a quand même de bons effets assez importants.
Je crois que cela nous ramène à la question précédente, qui est celle de la communication. Il faut établir une communication rapide entre les gens qui font les ordonnances, ceux qui les utilisent et Santé Canada, afin de trouver un moyen de marier tous les résultats qu'on a et d'en arriver effectivement à un système qui offre le plus de bénéfices aux patients.
Cela passe un peu outre à votre question, mais c'est un sujet très difficile.
:
Je pense que tout le monde me regarde.
Vous avez soulevé un ou deux points très importants. Premièrement, les erreurs médicamenteuses. D'autres pays ont justement observé — et il en va de même pour le rapport de Baker et Norton — que les erreurs médicamenteuses constituent un problème de taille.
Mais, pour le moment, je voudrais me concentrer sur le point soulevé au départ par Mme Gagnon, à savoir l'usage non prévu des médicaments.
Selon moi, il convient de tenir compte de plusieurs facteurs. Premièrement, l'étiquette du produit est liée au permis délivré au fabricant du produit. Souvent ces permis prévoient une utilisation très étroite du produit. Par exemple, certains produits anti-arthrite ou anti-inflammatoires qui sont actuellement disponibles sur le marché devraient, selon les indications sur l'étiquette, être utilisés uniquement pour des problèmes d'arthrite au genou. Si vous décidez de prescrire ce médicament à quelqu'un dont le problème d'arthrite se situe au niveau de la hanche, on peut dire que c'est un usage non prévu. Du point de vue pharmacologique, il devient extrêmement difficile de justifier, en se fondant sur les données scientifiques, qu'un médicament marche bien pour le genou, mais non pour la hanche. Pour vous dire la vérité, j'estime qu'il s'agit d'une simple astuce de marketing, car cela permet au fabricant de modifier l'étiquette par la suite, de sorte que le brevet continue d'être valable à compter de la date de l'émission de la nouvelle étiquette. Voilà donc un premier élément dont il faut tenir compte en ce qui concerne l'étiquette du produit.
Deuxièmement, il faut bien se rendre compte que la médecine est un art en plus d'être une science. Dans le cadre des négociations entre le médecin et son patient, il est possible qu'il semble approprié de prescrire un médicament dans telle situation qu'on ne prescrirait pas dans telle autre situation. En théorie, il s'agit d'un usage non prévu du médicament. Or avec le temps, ces autres utilisations deviennent courantes.
Selon moi, si les pédiatres tendent à prescrire des médicaments pour des usages non prévus sur l'étiquette, c'est parce que, lors de la commercialisation initiale du produit, l'étiquette indique normalement qu'il est destiné uniquement aux adultes; or il n'existe pas de médicaments comparables pour les enfants. Donc, dans une situation comme celle-là, allez-vous traiter le malade ou non? Vous devez vous dire: en théorie, cet usage n'est pas prévu, mais en tant que pédiatre ou chirurgien pédiatre expérimenté, je n'ai pas de raison de croire que la pharmacologie des enfants serait différente de celle des adultes dans ce cas précis; en conséquence, j'ai accès à une option qui n'existerait pas autrement. Certains produits qui sont maintenant disponibles sur le marché étaient prévus au départ comme agent anti-tumeur mais sont couramment utilisés chez les enfants pour traiter la polyarthrite rhumatoïde, par exemple. Si c'est le cas à l'heure actuelle, c'est parce que certains experts ont commencé à prescrire ces médicaments, au cas par cas, pour des usages non prévus au départ.
Donc, il faut donner une certaine marge de manoeuvre au clinicien. Et certains des problèmes actuels concernent peut-être davantage l'étiquette que l'usage qu'on fait du produit.
:
Vous avez raison; il existe une grande lacune au niveau des connaissances. La grande majorité des renseignements que reçoit le praticien moyen au sujet des agents pharmaceutiques lui est transmise directement par l'industrie pharmaceutique, pour de simples raisons de facilité et de commodité. Voilà ce que font les compagnies pharmaceutiques. C'est ça leur façon de faire.
Selon notre proposition, on s'écarterait de ce modèle en faveur de la communication de renseignements impartiaux et objectifs — ayant été analysés par des experts — au médecin qui voudrait prescrire un médicament pour traiter un problème clinique. Nous assurons une excellente formation aux étudiants de premier cycle qui étudient la pharmacologie, de même qu'aux résidents se spécialisant dans la médecine interne et aux médecins spécialisés dans différents domaines de la pharmacologie. Il suffirait d'adapter légèrement ces ressources pédagogiques et de les mettre à la disposition de médecins qui exercent leur métier depuis une vingtaine d'années et n'ont jamais passé la porte d'une école de médecine au cours de cette période.
Donc, les ressources existent; il s'agit de savoir comment en faire profiter les praticiens. C'est possible de donner de la formation. Même si cela ne fait pas partie de notre mandat en tant qu'association, l'éducation permanente est une grande priorité pour nos membres. Le Dr Shortt qui m'accompagne aujourd'hui est notre nouveau directeur et secrétaire adjoint du transfert des connaissances, et c'est justement le mandat qu'il aura à remplir au cours des prochaines années.
Pour ce qui est des ordonnances préparées au jour le jour au cabinet du médecin, il faudrait prévoir l'accès en temps réel, par l'entremise d'une base de données électroniques, à un outil simple, incorporé dans les dossiers électroniques, comme ceux de la compagnie Agilent. Si vous préparez une ordonnance électronique pour un patient âgé de moins de trois ans ou de plus de 80 ans, alors que le médicament prescrit n'est pas approprié… vous savez, il y a des outils tels que la liste Beers. Cette dernière énumère les médicaments qui ne conviennent pas aux personnes âgées, par exemple, et cette information est actualisée.
Donc, en incorporant cette simple liste, si jamais vous prescriviez un médicament pour un patient âgé de plus de 80 ans qui figure sur cette liste, le système vous le ferait savoir en vous disant: « Vous devez réexaminer votre décision. Y a-t-il un médicament plus approprié que vous pouvez prescrire? ». Peut-être que le système vous afficherait même la liste des médicaments plus appropriés.
Ce sont des outils d'aide à la décision. L'industrie pharmaceutique, ou plutôt les pharmaciens, ont réalisé énormément de progrès pour ce qui est de mettre ce réseau à la disposition de leurs membres, à l'étape de l'exécution de l'ordonnance, étape à laquelle il est justement tout à fait approprié et facile de le faire. Mais la grande majorité des cliniciens du Canada continuent à se servir d'un papier et d'un stylo. Tant qu'ils n'auront pas adopté un système semblable à celui des pharmaciens, et qui permettra de communiquer avec les pharmaciens, vous serez plus ou moins pris avec…
:
Merci, madame la présidente. Merci à vous tous pour vos exposés très informatifs.
Évidemment, je suis tentée de vous demander, surtout aux médecins et infirmiers ou infirmières parmi vous, ce que vous avez pensé du budget fédéral, qui n'a fait aucune mention de la pénurie de médecins et de personnel infirmier au Canada, mais je vais m'abstenir de le faire.
Par contre, en vous posant mes questions… je précise que vous devez vous sentir libres de ne pas aborder la question, si telle est votre préférence. Je vais néanmoins parler du budget fédéral dans le contexte de la surveillance post-commercialisation des médicaments. Ce budget prévoyait ce que je considère comme une somme dérisoire pour la sécurité des produits de santé et des aliments, soit 113 millions de dollars. Je ne sais même pas si ce montant comprend les produits pharmaceutiques. Je soulève la question dans le contexte de l'adéquation ou non de notre système pour ce qui est de garantir l'innocuité des produits.
À ce sujet, je voudrais revenir sur le mémoire de l'AMC, où vous faites valoir un excellent argument au sujet… j'aimerais justement vous citer ce passage, car à mon avis, il convient de répéter constamment ce message : « Il ne faudrait pas qu'un système plus robuste de surveillance post-commercialisation serve à justifier une baisse des normes d'homologation ».
Je vous renvoie également au mémoire du groupe Canadian Men in Nursing, où on lit qu'il faut « faire en sorte que les Canadiens soient informés des produits pharmaceutiques approuvés ou non approuvés au moyen d'un système à accès libre… ».
Je voudrais aborder deux questions très importantes. Premièrement, j'aimerais recueillir vos opinions au sujet du système actuel d'approbation pré-commercialisation et ce qu'il faut faire, du point de vue de l'AMC, afin d'éviter d'encourager le gouvernement à opter pour un processus accéléré d'homologation des médicaments en faisant des recommandations qui suivent ce qu'on pourrait appeler le modèle de la transformation opérationnelle — c'est-à-dire de réagir aux pressions exercées par les grandes compagnies pharmaceutiques qui veulent faire homologuer les médicaments le plus rapidement possible sans qu'ils aient fait l'objet d'essais suffisamment complets. J'aimerais donc connaître votre réaction, et vous entendre sur les mesures qui s'imposent.
Deuxièmement, quel mécanisme convient-il d'établir afin de garantir la responsabilisation et la transparence pour ce qui est de renseignements communiqués au sujet des médicaments? Vous deux et les autres témoins en avaient tous parlé.
Nous avons déjà entendu diverses propositions. La première consiste à exiger que le gouvernement mette tout sur Internet, c'est-à-dire l'ensemble des études qui ont été menées, et les effets indésirables qui ont été observés par des chercheurs et d'autres à l'égard de chaque médicament, qui ait ou non été homologué, et aussi à mettre sur pied un conseil consultatif indépendant qui serait chargé de donner des conseils et d'évaluer la sécurité des médicaments d'ordonnance.
Voilà les deux questions que je voudrais vous poser dans un premier temps. À mon avis, vous avez tous raison de dire que, si nous mettons trop l'accent sur la déclaration obligatoire des EIM, nous allons finir par perdre de vue les véritables priorités. Je voudrais donc obtenir vos conseils à la fois sur le processus d'homologation pré-commercialisation et le genre de système transparent et sujet à contrôle que vous avez à l'esprit.
Est-ce que l'un d'entre vous voudrait commencer?
:
J'aimerais réagir au sujet de ce que vous avez dit concernant les renseignements actuellement disponibles.
Il est vrai qu'un volume important de renseignements est disponible sur Internet concernant différents médicaments, mais malheureusement, la majorité de ces renseignements ne s'appuient pas sur des données probantes. Bon nombre de mes patients vont aller sur Internet pour se renseigner sur différents médicaments. Leur état de santé et celui des membres de leurs familles est une préoccupation importante, évidemment, et après avoir lu telle chose sur un site Web et telle autre chose sur un autre site Web — qui dit exactement l'inverse — ils ne savent plus ce qu'il faut croire.
À mon avis, le gouvernement peut justement jouer un rôle très important à ce chapitre. Il serait possible d'avoir un seul système; on pourrait mettre les renseignements pertinents à la disposition du public sur le Web, et proposer le genre d'outil de cyberapprentissage que nous avons recommandé. Il s'agirait de renseignements complets sur les médicaments. À ce moment-là, les patients n'auraient pas à chercher de l'information qui, de toute façon, ne s'appuie pas sur des données probantes.
À l'ère des technologies de l'information, les renseignements sont partout, mais il nous faut promouvoir les renseignements appropriés qui aideront nos patients et permettront de répondre à leurs questions au sujet de leur état de santé. S'ils peuvent mettre la main sur ce genre d'information, ils sauront quelles questions il convient de poser ou à qui s'adresser pour obtenir d'autres informations.
Merci à vous tous de votre présence et de l'expertise que vous nous offrez.
J'écoutais Mme Gagnon qui posait une question au sujet du nombre de décès aux États-Unis. J'imagine que ce n'est pas aussi élevé ici, même si c'est assez grave au Canada. C'est justement pour cette raison que nous tenons des audiences afin de voir quelles améliorations s'imposent.
Par rapport aux questions les plus importantes que vous avez abordées pour la plupart — c'est-à-dire si la déclaration des EIM devrait être obligatoire ou facultative, s'il faut signaler aux autorités tous les effets indésirables, par opposition aux effets indésirables les plus graves, et qui doit avoir l'obligation de faire ces déclarations. Est-ce que tout le monde devrait y participer, à savoir les médecins praticiens, les infirmiers et les infirmières et les pharmaciens? Si je ne m'abuse, il n'y a que les compagnies pharmaceutiques qui soient tenues de faire de telles déclarations pour le moment. Maintenant, parlons de la possibilité que les hôpitaux soient également obligés de le faire.
Ensuite, il y a la question de savoir ce qui arrive quand quelqu'un meurt ou a une réaction indésirable très grave qui se solde par des poursuites en justice. À ce moment-là, tout le monde est attaqué: Santé Canada, la compagnie pharmaceutique et le docteur qui a prescrit le médicament en question. Mais, ils ne savent rien; personne ne sait quoi que ce soit. Je pense bien que vous avez cité l'exemple d'un médicament prescrit pour traiter le problème de la hanche alors que quelqu'un a pris ce médicament pour soigner son genou. Donc, il arrive souvent qu'on ne soit pas au courant.
D'ailleurs, ce serait utile que le comité ait les statistiques sur le nombre de poursuites intentées au Canada sur toutes ces différentes questions. Y a-t-il quelqu'un qui possède de telles statistiques? Même s'il n'y en a que pour l'Ontario, ce serait déjà utile.
Il peut y avoir toutes sortes de causes différentes. Il peut y avoir des erreurs sur l'ordonnance ou peut-être le médicament en question n'aurait-il jamais dû être homologué. Il peut arriver qu'un patient prenne une plus forte dose du médicament en question, ou une plus faible dose; autrement dit, le patient n'a pas suivi les conseils du médecin praticien. Il y a également des questions génétiques, et cela rejoint ce que disait le Dr Haggie concernant la possibilité qu'un médicament soit efficace pour soigner une partie du corps, mais inefficace pour une autre partie du corps. Existe-t-il des statistiques à ce sujet qui pourraient nous aider?
Quand ma mère est sortie de l'hôpital au début janvier, on lui a remis un petit bout de papier avec le nom de plus de 25 médicaments. Dans certains cas, elle devait continuer à les prendre, dans d'autres, elle devait cesser de les prendre, et dans d'autres cas encore, il s'agissait de nouveaux médicaments qu'elle devait commencer à prendre. Mais, il y avait une erreur, et je l'ai remarquée. Le pharmacien n'était pas au courant; elle se trouvait sur le petit bout de papier. Une fois qu'ils avaient saisi tous les renseignements dans l'ordinateur du pharmacien, ils se sont rendu compte qu'il pouvait y avoir une interaction médicamenteuse.
Donc, nous possédons déjà les outils nécessaires; le problème, c'est que nous ne communiquons pas les renseignements pertinents entre nous. Ma mère a plus d'un médecin — elle en a cinq. Donc, la possibilité de relier tous ces renseignements sera bien importante pour ce qui est de notre orientation future.
Pour répondre à votre observation au sujet de la gravité des effets indésirables des médicaments, nous avons cité l'exemple d'effets indésirables faibles ou modestes. Si quelqu'un à Santé Canada contrôle les rapports qui lui sont transmis par l'entremise du dossier médical électronique, il aura déjà un chiffre prédéterminé: si la gravité est telle, une déclaration suffit; si elle est différente, une centaine de déclarations pourrait suffire.
Il faut bien qu'il y ait des gens à l'autre bout qui fassent une analyse au moment de recevoir les déclarations. À ce moment-là, nous aurons réussi à créer un système utile, instructif et utilisé. C'est là que la notion d'obligation devient moins importante.
:
Le processus par lequel on signale un événement iatrogène médicamenteux aux autorités a toujours été assez lourd jusqu'à tout dernièrement. Depuis la création de MedEffet par Santé Canada, la situation s'est améliorée. Ceci dit, je dirais qu'environ 60 p. 100 de mes collègues ne sont sans doute pas au courant de son existence, même si ce programme est en vigueur depuis un moment.
Le vrai problème, c'est que la grande majorité des médecins de premier recours, qui sont sans doute à l'origine de la grande majorité des ordonnances au Canada, ne sont pas sûrs de savoir ce qu'ils sont censés signaler au ministère.
La liste des effets secondaires d'un médicament est présentée dans un document qu'on appelle le Compendium des produits et spécialités pharmaceutiques; c'est un livre volumineux dont l'obscur système d'indexation s'appuie à la fois sur le nom commercial et le nom générique. Pour cette raison, il faut environ quatre ou cinq minutes ne serait-ce que pour trouver la bonne page. Quand vous l'avez trouvée, les renseignements, imprimés en petits caractères — et, en vieillissant, cela peut devenir problématique — sont présentés de façon bien logique et ordonnée, mais ils ne sont tout simplement pas utilisables. Cela ne m'apprend guère plus sur la réaction éventuelle du patient au médicament en question que ce que je savais déjà — sans avoir lu la mention — si le médicament m'était familier. Pour vous dire la vérité, quand vous consultez tout ouvrage pour vous renseigner sur les effets secondaires…
Il y a quelques mois, un de mes patients s'est présenté avec ce qui me semblait être une réaction considérable à l'antibiotique que je lui avais prescrit. Il avait la jaunisse, et quand son état s'est aggravé, je me suis demandé si le médicament ne pourrait pas être en cause. J'ai donc consulté le CPSP, et après avoir passé 20 minutes à chercher des renseignements dans cet ouvrage, j'ai effectivement constaté que la jaunisse est un effet secondaire du médicament en question. J'ai donc interrompu l'administration de ce médicament, et l'état du patient s'est amélioré — et, pour ma part, j'avais appris quelque chose au sujet de ce produit.
Par contre, c'était un effet indésirable important, ce qui avait eu pour effet de prolonger la durée du séjour à l'hôpital pour le patient. Mais, si j'ai décidé d'interrompre ce traitement, c'est parce que cet effet était bien connu, bien documenté, et l'ouvrage en question permettait même de savoir quel pourcentage des gens risquent d'avoir une telle réaction. À ce moment-là, ma déclaration aurait-elle contribué à améliorer l'état des connaissances dans ce domaine, selon ce que j'avais compris du système? Pour moi, la réponse était non.
Par contre, si vous vouliez savoir tous les détails au sujet de tous les effets indésirables, peut-être auriez-vous conclu que j'avais eu tort de ne pas faire de déclaration, mais cet exemple est une autre illustration du manque de clarté qui existe à l'égard du système actuel. Je ne savais pas si ce serait utile ou non, si ce processus pouvait me poser problème, et dans quelle mesure ma déclaration serait réellement bénéfique. Si j'avais été convaincu qu'elle n'apporterait absolument rien à personne, je vous dis, en toute sincérité, qu'il n'aurait pas été question que je consacre à cette activité même les cinq minutes qu'il faut pour s'enregistrer sur l'Internet et remplir le formulaire, parce que j'avais d'autres chats à fouetter.
:
J'ai bien aimé vos observations.
J'avoue avoir du mal à voir clair dans les témoignages que nous avons reçus. Il n'est évidemment pas question d'imposer de nouvelles chinoiseries administratives à nos médecins de famille, si cette paperasserie n'est pas utile. Nous leur demandons d'ores et déjà — si nous présentons une demande au RPC ou si nous avons besoin de faire remplir des documents pour un sinistre — de remplir toutes sortes de formulaires qui ne contribuent pas nécessairement à améliorer notre état de santé, et qui nous font surtout perdre notre temps. Et cela me semble particulièrement problématique à une époque où nous manquons de professionnels de la santé.
Vous avez dit, me semble-t-il, que si ce système est bien structuré, il pourrait constituer un outil extrêmement utile de part et d'autre. Vous auriez accès à un système électronique qui vous aide à prescrire les médicaments, comme ce fut le cas pour le pharmacien qui s'est occupé de la mère de Mme Lefebvre. Cela vous aiderait à prescrire les médicaments, en vous facilitant la déclaration des effets indésirables sans que vous ne soyez obligé de vous demander si l'effet indésirable est significatif ou non. Dans le cas du patient qui avait la jaunisse que vous avez cité tout à l'heure, vous auriez pu signaler cela aux autorités. Il aurait suffit que vous tapiez deux fois sur une touche de votre clavier plutôt que d'avoir à passer une heure à dactylographier un rapport. Je pense que ce serait utile, à condition que l'information soit bien analysée.
Il me semble que, étant donné les initiatives qui ont été prises du côté d'InfoRoute Santé Canada, et tous les investissements qui sont faits dans ce domaine — nous possédons déjà un système de transmission de données numériques pour les factures des médecins de famille — il serait possible de concrétiser tout cela, et tel est certainement mon espoir.
Je vais y revenir dans quelques minutes, mais d'abord, je voudrais poser quelques questions d'éclaircissement au Dr McCallum. Vous nous dites qu'en Ontario, il y a eu 20 000 décès et que, sur ce nombre, 15 000 étaient considérés comme des décès naturels mais sur lesquels le bureau du coroner a été appelé à se prononcer. Certains de ces décès étaient liés à la consommation de médicaments. Vous dites que, dans certains cas, le médicament était la cause du décès, alors que pour les autres, c'était un simple facteur contributif. Pourriez-vous nous donner les chiffres précis pour chacune de ces deux catégories?
Mon accès électronique au dossier pharmacologique du patient passe par le téléphone et le télécopieur, si je ne peux pas obtenir ce renseignement du patient lui-même, et ce n'est pas toujours possible, car l'état du patient peut être tel qu'il n'est pas en mesure de vous donner des renseignements exacts à son sujet et il n'y a peut-être pas de soignant qui soit au courant de sa situation.
Pour les médecins, la source de renseignements la plus fiable est la pharmacie locale. Pour ma part, j'exerce dans une région assez rurale, et je dois faire, potentiellement, sept appels téléphoniques pour trouver la pharmacie qui a exécuté l'ordonnance. Le problème, c'est que le patient a pu traiter avec plus d'une pharmacie, si bien que je peux toujours ne pas avoir le renseignement qu'il me faut, mais généralement, leur pharmacie habituelle est liée aux autres.
C'est une réponse un peu facétieuse, mais je n'ai essentiellement aucun moyen électronique d'accéder rapidement à ce genre d'information.
:
Madame la présidente, j'aimerais exprimer notre inquiétude à ce sujet. En matière de santé, il y a la clause Québec sur l'interprétation de cette motion. On pourrait vouloir que le ministre de la Santé s'implique de façon directe en matière de santé dans les provinces. Je veux que ce soit écrit dans cette motion parce que ça concorde avec la position du ministre de la Santé du Québec, à savoir que rien ne doit être interprété d'une façon qui porterait atteinte aux compétences du Québec. C'est l'intention et le désir du gouvernement du Québec.
Je ne sais pas s'il s'agit de donner des directives aux provinces. Si c'est un échange d'information, ça ne me cause pas de problème. Quoi qu'il en soit, je pense que nous pourrions profiter de la venue du ministre pour élargir la portée de nos questions et ne pas nous limiter simplement à la Loi canadienne sur la santé. Nous pourrions lui poser des questions sur les maladies rares, par exemple, ou lui demander quelle est son impression de notre rapport. Cependant, que ce soit pour le régime d'assurance maladie ou celui de l'assurance médicaments, le Québec demeure le maître d'oeuvre de la planification, de l'organisation et de la gestion des services de santé sur son territoire.
La proposition nous est présentée par un député du Nouveau Parti démocratique que je respecte pour ses valeurs et sa contribution à la réflexion sur la santé et autres politiques. En revanche, sa propension à vouloir trop centraliser équivaut pour nous à un non-respect des compétences des provinces, surtout en matière de santé.
Je voulais apporter cette nuance pour que, dans le cas où nous adopterions ces dispositions ce matin, ce soit fait selon l'orientation que je viens de préciser. Merci.