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HESA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la santé


NUMÉRO 032 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 29 mai 2008

[Enregistrement électronique]

(1000)

[Traduction]

    Bonjour, mesdames et messieurs. Je souhaite la bienvenue au Comité de la santé et à nos témoins. Nous sommes heureux de vous compter parmi nous ce matin. Je tiens également à souhaiter la bienvenue à tous ceux qui prennent place à la tribune.
    J'aimerais prendre quelques instants pour vous lire quelque chose qui a été porté à ma connaissance. Je dois préciser, chers collègues, qu'en tant que membre élu du Parlement, représentante des électeurs dans la circonscription de Kildonan—St. Paul et présidente du comité, je suis extrêmement fière du service offert aux Canadiens par le comité et des travaux importants qu'il accomplit. Nous sommes un rouage, petit certes, mais d'une importance capitale dans le processus démocratique ayant permis au Canada de devenir l'une des grandes nations du monde.
    Il est arrivé quelque chose que je n'aurais jamais vu dans ma carrière de représentante élue au Canada, et j'en suis profondément troublée. Pour la première fois de mémoire d'homme, l'intimidation physique et les menaces de violence ont miné notre processus démocratique. Je tenais à informer le comité de ce qui s'est passé ici ce matin.
    L'un des témoins qui devaient comparaître aujourd'hui a fait l'objet d'intimidation dans son propre lieu de travail, où il y a eu une protestation. Le témoin en question, un médecin spécialisé dans le traitement des toxicomanies qui a traité plus de 7 000 personnes au cours des 18 dernières années, a été dérangé par une manifestation mardi dernier alors que son bureau a été pris d'assaut. Le College of Physicians and Surgeons of British Columbia et son conseiller juridique, craignant pour sa santé et sa sécurité, lui ont recommandé de ne pas venir témoigner devant notre comité.
    Le 27 mai, le médecin a indiqué par écrit qu'une vingtaine de personnes en colère, des toxicomanes selon leurs feuillets, avaient érigé une ligne de piquetage et l'accusaient de n'écouter personne et de ne pas assez sortir de son « petit monde ».
    Il a également expliqué que le personnel de sa pharmacie et de son bureau et ses patients ont dit que les manifestants tenaient des propos odieux et vulgaires à leur endroit en exhibant leur feuillet au visage des gens qui entraient dans le bâtiment et en sortaient, causant le mécontentement des patients obligés de franchir la ligne de piquetage et de subir leur hargne. Il a précisé que certains de ces patients sont des personnes d'âge moyen, et que les patients âgés étaient très intimidés et offusqués.
    Le médecin a dit, et je cite:
Par la présente, je demande à ne pas être tenu de témoigner en personne jeudi matin. Si je le fais, je crains fort d'avoir à subir non seulement une ligne de piquetage et des calomnies vicieuses, mais également des agressions physiques au travail ou ailleurs.
Ces gens, sans doute des toxicomanes, pourraient s'en prendre à moi de nouveau, y compris de manière physique, je crois, ou encore à mes biens pour arriver à leurs fins, c'est-à-dire pour s'assurer que personne ne leur fait obstacle.
Cela démontre assurément qu'il est impossible d'amorcer une discussion sensée sur Insite. Quiconque s'oppose à Insite se fait dénigrer et attaquer sur la place publique.
Le fait qu'on ait érigé une ligne de piquetage dans mon bureau aujourd'hui et que j'aie fait l'objet de critiques et de diffamations simplement parce que j'ai exprimé mon opinion professionnelle montre bien qui sont les véritables idéologues dans cette affaire et pourquoi si peu de gens sont disposés à exprimer leurs doutes au sujet d'Insite. Les discussions objectives sur le bien-fondé d'Insite n'ont pas leur place, parce que bon nombre des promoteurs du projet s'en prennent à ceux qui s'y opposent pour étouffer le débat.
Cela n'a rien de scientifique. C'est de l'intimidation.
    Malheureusement, comme le Dr Donald Hedges avait l'intention de livrer son témoignage par vidéoconférence, sa déclaration n'a pas été traduite. J'ai cependant entre les mains le texte intégral de sa déclaration en anglais, et je le confierai à la greffière pour le faire traduire.
    J'espère parler au nom de tous les membres du Comité de la santé en présentant mes excuses au Dr Hedges pour la situation difficile où il se trouve, et en espérant de ne plus jamais perdre de témoins à cause de menaces et d'intimidation.
    Je voulais porter le sujet à l'attention du comité aujourd'hui. Je sais qu'il est consternant pour tous les membres d'apprendre que ce médecin a subi des menaces et de l'intimidation parce qu'il voulait livrer un témoignage devant le comité.
(1005)
    Mesdames et messieurs, je vous remercie.

[Français]

    Madame la présidente, j'invoque le Règlement.
    Pourquoi faites-vous cette déclaration avant d'entendre les témoins? C'est comme si vous vouliez déjà imprimer l'idéologie des conservateurs.

[Traduction]

    Merci, madame Gagnon.
    J'ai fait cette déclaration...

[Français]

    Je suis un peu déçue de votre attitude, madame la présidente. Quand vous parlez au nom du comité, vous devriez nous demander ce que nous en pensons. Vous avez décidé de votre propre chef de faire cette déclaration. Nous aurions aimé en être avertis avant, pour que nous puissions exprimer notre vision de la situation. Nous ne pouvons pas dire que nous sommes inquiets ou que nous désapprouvons. Nous n'étions même pas au courant de cette déclaration. Avant même d'entendre les témoins, on semble alarmiste parce que vous avez déclaré qu'un témoin invité aurait reçu des menaces. Vous laissez l'impression que les toxicomanes qui vont au site Insite pourraient être dangereux pour la population. C'est du moins ce que j'ai entendu de l'interprétation. Je suis un peu déçue de votre comportement de ce matin.
    Merci.

[Traduction]

    Eh bien, c'est regrettable, mais en tant que présidente du comité, je dois dire que lorsque nous invitons des témoins à comparaître, madame Gagnon... Le Dr Hedges aurait dû pouvoir venir témoigner. Il a informé la greffière qu'il craignait d'être victime d'actes de violence physique et d'intimidation et qu'il ne pouvait pas venir.
    J'invoque le Règlement.
    Madame la présidente, nous accueillons des témoins qui viennent de loin. Je crois que vous avez fait valoir votre point de vue; nous devrions peut-être passer à autre chose et écouter leur témoignage.
    Vous avez raison, monsieur Martin. Merci.
    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et aux motions adoptées par le comité les 8 et 13 mai, je vous souhaite la bienvenue à cette séance d'information sur les programmes de réduction des méfaits au Canada. Nous sommes très heureux de vous compter parmi nous, et nous avons bien hâte d'entendre vos exposés, en particulier ceux qui traitent du centre d'injection sécuritaire à Vancouver.
    J'aimerais prendre une minute pour passer en revue l'horaire de la séance d'aujourd'hui. Jusqu'à environ 10 h 40, nous entendrons les exposés des témoins qui sont présents. De 10 h 45 à 10 h 55, nous entendrons ceux des témoins qui participent par vidéoconférence. De 10 h 55 à 11 h 45, ce sera la période de questions des députés. Enfin, de 11 h 50 à 13 heures, le ministre de la Santé prendra la parole.
    Je tiens à souhaiter la bienvenue à tous les témoins présents aujourd'hui. Je vous remercie de vous être déplacés depuis la Colombie-Britannique. C'est un long voyage.
    Nous accueillons M. Thomas Kerr, chercheur scientifique pour le B.C. Centre for Excellence in HIV/AIDS; M. Scott Thompson, inspecteur pour le Vancouver Police Department; M. Donald MacPherson, coordonnateur de la politique sur les drogues à la ville de Vancouver; Mme Liz Evans, directrice exécutive de la PHS Community Services Society; M. Philip Owen, ancien maire de Vancouver; Mme Heather Hay, directrice régionale de la Vancouver Coastal Health; et M. Colin Mangham, directeur de la recherche pour le Drug Prevention Network of Canada.
    Commençons par M. Thompson.
    Je dois préciser que vous disposez de cinq minutes chacun pour présenter votre exposé. Nous passerons aux questions après avoir entendu tous les témoins.
    Allez-y, monsieur Thompson.
(1010)
    Bonjour, et merci de me donner la chance de prendre la parole au nom du chef de police Jim Chu et du Vancouver Police Department, ou VPD.
    Je suis Scott Thompson, inspecteur. Je travaille pour les forces de la police depuis 28 ans, maintenant dans la police de Vancouver et auparavant comme membre de la Gendarmerie royale du Canada. En 2003, j'ai fait partie de l'équipe de projet de la Vancouver Coastal Health pour le site d'injection supervisé, ou SIS. Pendant l'année, j'ai rédigé les plans du VPD pour le site. Ces plans portaient sur les services policiers et les aspects opérationnels. J'ai également élaboré les trousses d'orientation du SIS et je les ai distribuées aux membres du VPD et au personnel de la Vancouver Coastal Health.
    Par la suite, j'ai travaillé sur le terrain dans le Downtown Eastside pendant la première année d'existence du site d'injection supervisé. Je suis présentement en charge de la Section des services à la jeunesse du VPD, de même que des portefeuilles de la politique antidrogue et de la santé mentale.
    Pour le VPD, l'histoire du SIS a commencé au début de l'année 2002. À l'époque, Philip Owen était maire de la ville et président du Vancouver Police Board. Le VPD a étudié la possibilité d'un SIS dans le cadre d'un processus de gestion facilité et il a tiré deux conclusions: en premier lieu, notre expertise relève du domaine du maintien de l'ordre et de la sécurité publique et non pas de la santé et de la recherche sur la santé, et nous devrions toujours faire preuve de prudence lorsque nous décidons d'appuyer ou de contester les initiatives de santé publique ou les recherches sur le sujet, étant donné que ce n'est pas notre spécialité; en second lieu, peu importe si nous sommes en accord ou en désaccord avec l'idée d'un SIS, nous devions participer au processus.
    Comme vous le savez sans doute, au terme des élections municipales tenues à la fin de 2002 à Vancouver, Larry Campbell, maintenant sénateur, était devenu maire. L'enjeu principal entourant ces élections concernait le SIS, et le maire Campbell et d'autres intervenants ont enclenché le processus pour que le projet se concrétise.
    Lorsqu'une exemption a été demandée en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances pour la recherche médicale au SIS, Santé Canada a voulu que le VPD précise sa position dans ce dossier. Nous avons répondu que, si un toxicomane ne commet pas d'actes répréhensibles, illégaux, dangereux ou violents dans la rue ou s'il fait l'objet d'un mandat d'arrestation non exécuté, il est improbable que la police de Vancouver lui interdise l'accès au site d'injection supervisé.
    Tout juste avant l'ouverture du SIS, dans le plan d'activités du VPD, on expliquait ceci aux policiers de Vancouver:
[Traduction] Les membres du service de police exercent un vaste pouvoir discrétionnaire lorsqu'il est question de consommation et de possession de drogues à Vancouver. Ce pouvoir leur permet, par exemple, de procéder à la saisie de la drogue ou encore à l'arrestation et à l'inculpation de la personne, et repose uniquement sur le policier qui travaille dans la rue.
Lorsqu'un consommateur de drogues injectables est pris sur le fait dans un rayon équivalant à quatre pâtés de maisons du SIS... on recommande à nos membres d'orienter le toxicomane vers le SIS pour lui éviter d'avoir à traiter de nouveau avec la police.
    La trousse d'orientation à l'intention du personnel du SIS précise que toutes les initiatives en matière de santé doivent être fondamentalement légales, principe intégré par la suite à la politique antidrogue du VPD.
    Selon moi, au cours des cinq dernières années, les membres de la police de Vancouver se sont acquittés de leurs fonctions de manière exemplaire en ce qui concerne le site d'injection supervisé, ce qui reflète les traditions les plus nobles d'un service de police neutre, impartial et professionnel au sein d'une société libre et démocratique.
    Cela m'amène à parler de la position de la police de Vancouver et des messages importants que je dois vous transmettre aujourd'hui. Ces messages sont les suivants.
    Premièrement, le VPD est du même avis que l'Association canadienne des chefs de police, qui affirme que les drogues illicites sont néfastes. La forte incidence de la dépendance aux drogues illicites à Vancouver contribue à un taux anormalement élevé d'infractions contre les biens.
    Deuxièmement, au moment de l'ouverture du site d'injection supervisé, le VPD s'est prononcé en faveur de toute mesure légale susceptible d'atténuer le problème de la drogue dans le Downtown Eastside de Vancouver. Nous appuyons officiellement le SIS comme projet de recherche.
    Troisièmement, l'intérêt et le mandat principaux du VPD à l'égard du SIS se concentrent et se concentreront toujours sur la sécurité publique et non la santé publique.
    Quatrièmement, nous sommes d'avis, en tant que service de police axé sur la sécurité publique, qu'il serait inapproprié de la part de la police de Vancouver d'émettre son opinion sur le bien-fondé du SIS du point de vue médical.
    Cinquièmement, nous sommes en train d'examiner les diverses études visant le SIS et les liens établis avec le crime et le désordre. Nous croyons que d'autres recherches doivent être effectuées, dans un premier temps, pour déterminer si le SIS et d'autres services peuvent faciliter et maintenir le cycle de la dépendance, et s'ils nuisent aux toxicomanes qui cherchent à se faire soigner.
    Dans un deuxième temps, ces recherches doivent permettre d'évaluer dans quelle mesure l'établissement d'un SIS au même endroit que d'autres services nuit à la réputation du quartier et à sa capacité de se rebâtir et de prospérer.
(1015)
     Troisièmement, les chercheurs devront établir si le SIS et les services regroupés dans le quartier facilitent l'entrée dans le cycle de la dépendance et en favorisent le développement et la persistance.
    Quatrièmement, ils doivent se demander si le SIS, l'accès aux services et l'accès facile aux drogues dans ce quartier attirent des personnes vulnérables qui habitaient ailleurs dans la région ou au pays.
    Enfin, ils devront déterminer si le SIS et la centralisation des services accroissent la concentration géographique de toxicomanes dans une zone restreinte, ce qui peut accroître ou non la probabilité de transmission de maladies.
     En conclusion, la police de Vancouver ne participera pas activement aux débats sur les avantages du site d'injection supervisé sur le plan médical. Nous recommandons cependant vivement que des recherches supplémentaires soient menées sur les questions que nous avons mentionnées.
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup pour vos observations, inspecteur Thompson.
    La parole est maintenant à M. Donald MacPherson.
    Merci de me permettre de faire part de mes opinions au comité aujourd'hui.
    Je vais vous présenter des informations contextuelles sur les enjeux qui nous préoccupent relativement à la réduction des méfaits et au site d'injection de Vancouver.
     C'est un honneur et un privilège de pouvoir témoigner devant ce comité.
    Je travaille pour la Ville de Vancouver depuis 20 ans, et mon travail m'a très souvent amené à collaborer avec tout un éventail de personnes, d'organisations non gouvernementales, de hauts fonctionnaires et de représentants du secteur privé, afin de trouver des solutions aux problèmes que constituent, à Vancouver, l'utilisation de drogues injectables, les dépendances et les troubles de santé mentale.
    Je vais d'abord faire des observations concernant la réduction des méfaits dans une perspective plus globale.
    J'ai assisté, il y a quelques semaines, à la 19e conférence internationale sur la réduction des méfaits liés aux drogues, qui s'est tenue à Barcelone, en Espagne, du 10 au 14 mai. Au cours de cette conférence, on a fait le point sur la réduction des méfaits à l'échelle internationale, et des rapports ont été présentés par des représentants de différents endroits du monde ainsi que par le directeur exécutif de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime.
     Avant les années 1970, l'utilisation de drogues injectables était essentiellement signalée dans des pays d'Amérique du Nord et d'Europe de l'Ouest. En 1992, 80 pays avaient déclaré que certains de leurs citoyens faisaient usage de drogues injectables. En 1995, ce chiffre était passé à 121, et aujourd'hui, en 2008, il s'établit à 158. L'utilisation de drogues injectables est de plus en plus répandue dans le monde et elle contribue largement à la pandémie internationale de VIH et à d'autres problèmes de santé, sans parler des coûts des soins de santé à l'échelle mondiale.
    Des discussions et des débats sur la réduction des méfaits ont également lieu ailleurs dans le monde. Cette question ne préoccupe pas seulement le Canada. Depuis le début des années 1970, beaucoup de travaux de recherche ont été consacrés aux interventions visant à réduire les méfaits dans le monde entier, et on a démontré clairement que ces interventions sont efficaces pour réduire la transmission des maladies, pour protéger la santé des personnes et des collectivités et pour permettre l'établissement de rapports positifs entre les populations marginalisées et le réseau de la santé.
    La preuve de l'efficacité de la réduction des méfaits est suffisamment étayée pour que d'importantes organisations gouvernementales et non gouvernementales estiment qu'il s'agit d'une composante essentielle d'une approche sanitaire globale visant l'utilisation problématique des drogues. Parmi ces organisations, il y a, entres autres, le Programme commun des Nations Unies sur le VIH-sida, ou l'ONUSIDA, l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, le Fonds des Nations Unies pour l'enfance, c'est-à-dire l'UNICEF, l'Organisation mondiale de la Santé, la Banque mondiale, les National Institutes of Health et l'Institute of Medicine des National Academies des États-Unis, et la Croix-Rouge internationale.
     Actuellement, 82 pays du monde soutiennent ouvertement l'élaboration de mesures de réduction des méfaits, y compris des programmes d'échange de seringues et des services d'approche. Ce que je veux dire, c'est que la menace du VIH-sida à l'échelle mondiale a forcé les gouvernements à réviser les stratégies adoptées pour faire face à l'utilisation problématique des drogues, de même que les manières d'équilibrer les stratégies relatives, d'une part, à l'utilisation problématique des drogues et aux problèmes de dépendance ou de toxicomanie et, d'autre part, à la transmission du VIH-sida et d'autres maladies transmissibles par le sang entre les citoyens qui font usage de drogues.
    L'ONU elle-même révise actuellement son approche, et cela me ramène aux propos tenus plus tôt ce mois-ci à Barcelone par Antonio Maria Costa, le directeur exécutif de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime. M. Costa a clairement affirmé que le principe fondamental qui doit régir les interventions en matière de contrôle des drogues est la santé publique mais que, dans le contexte des traités internationaux, le principe de la santé publique a, au fil du temps, cédé le pas à la sécurité publique et aux mesures d'application de la loi qui sont essentielles à celle-ci.
     Sur la scène mondiale, les discours sur le contrôle international des drogues était axé sur la mobilisation de la communauté internationale pour faire respecter l'interdiction de certaines substances. Je cite Costa:
Cela a eu une conséquence imprévue, la demande de drogues illégales et les problèmes de santé publique connexes n'ayant pas reçu l'attention de la communauté internationale qu'ils auraient obtenue s'ils avaient été présentés en détail dans la Convention unique sur les stupéfiants de 1961.
    Prononcés par le chef de l'ONUDC, ces mots sont lourds de sens. Heureusement, la situation se transforme sur la scène internationale, et on commence à mettre davantage l'accent sur le droit des populations marginalisées de toxicomanes à des soins de santé appropriés.
     À Vancouver, ce que nous tentons de faire, avec l'élaboration de la stratégie antidrogue en quatre volets, c'est d'exprimer clairement l'importance de la réduction des méfaits dans l'élaboration d'une approche globale qui compte également, parmi ses composantes essentielles, le traitement des toxicomanes, la prévention et la surveillance policière. Le site d'injection supervisé n'est qu'un élément de nos efforts pour mettre sur pied une approche globale face à ce problème. Les habitants de Vancouver sont largement favorables à la mise en œuvre intégrale de la stratégie antidrogue en quatre volets, ce qui comprend le site d'injection supervisé.
     Dans l'optique de la Ville de Vancouver, nous sommes satisfaits de la quantité impressionnante de travaux de recherche menés jusqu'à présent sur le projet du site d'injection, de la supervision de ce projet par notre autorité locale en matière de santé — la Vancouver Coastal Health —, de la collaboration de la police de Vancouver à la mise en œuvre de protocoles de surveillance policière pour le projet, et de l'importance de la mobilisation communautaire que l'on a observée tout au long du projet.
(1020)
    Étant donné que, depuis le début des années 1990, plus de 2 000 personnes sont mortes à Vancouver seulement, et que de nombreuses autres ont contracté le VIH, l'hépatite C ou des maladies secondaires en s'injectant des drogues, nous considérons que le projet du site d'injection est un élément important parmi les efforts collectifs que nous déployons pour que ces personnes obtiennent des services de santé, pour sauver des vies et pour protéger la collectivité. Nous travaillons d'arrache-pied au niveau local, à Vancouver, pour surmonter les grandes difficultés auxquelles nous sommes confrontés.
    Pour l'instant, je recommande vivement au comité d'essayer de voir comment on pourrait aller au-delà de ce débat sur la réduction des méfaits ou les sites d'injection, puisqu'il nous coûte un temps précieux, qu'il nous demande de l'énergie et, ce qui est encore plus important, que des Canadiens meurent pendant qu'il se poursuit. J'invite le comité à examiner les données scientifiques relatives aux différentes interventions et à trouver comment toutes les parties peuvent collaborer ensemble afin de diriger efficacement la mise en œuvre d'une stratégie vraiment globale concernant l'utilisation problématique des drogues, stratégie qui reconnaîtrait et traduirait le droit de tous les Canadiens — y compris ceux qui consomment des drogues et leurs familles — à un accès à des soins de santé de première qualité.
    Je vous remercie.
    Merci, monsieur MacPherson.
    Nous allons maintenant entendre Mme Liz Evans.
    Je vous remercie beaucoup de me permettre de vous parler aujourd'hui de ce que je considère comme un dossier capital pour le Canada.
    Quand j'étais jeune, je n'ai jamais été consciente qu'il y avait des gens aux prises avec des dépendances graves, ces gens mêmes que je rencontre maintenant dans l'exercice de mes fonctions d'infirmière dans le quartier Downtown Eastside de Vancouver. Quand j'étais jeune, ces gens-là n'existaient pas. Aucune de ces personnes ne fréquentait les mêmes établissements de santé, les mêmes écoles, les mêmes cabinets de dentiste, les mêmes parcs ou les mêmes piscines publiques que moi. Mais au cours des 17 dernières années, j'ai fait la connaissance de centaines de personnes, dont un grand nombre de Canadiens, qui n'ont jamais fréquenté ces lieux.
    Je crois que le Canada a besoin d'une politique sur les drogues exhaustive et fondée sur des faits démontrés afin de pouvoir réellement « voir » ceux qui souffrent de dépendance; une politique qui tienne bien compte des rôles de la prévention, du traitement, de l'application de la loi et de la réduction des méfaits; une politique qui soit humaine et qui donne la primauté à des politiques de santé publique avisées; une politique qui reconnaisse que la mort n'apporte aucun espoir.
    Malheureusement, il y a 17 ans, quand je suis arrivée dans le Downtown Eastside, j'étais déconnectée de la réalité, comme de nombreux décideurs responsables de ce dossier. Mais je ne m'en suis pas rendu compte. Je croyais que je comprenais la situation, mais les gens que j'ai rencontrés m'ont appris que les choses étaient beaucoup plus compliquées que je le pensais, qu'il n'existait pas de solutions idéales, mais plutôt un grand nombre de personnes qui avaient toutes leur histoire personnelle, dans la « vraie vie ».
    Un jour, j'ai rencontré Mary. Enfant, elle avait été placée dans une famille d'accueil, qui l'enfermait dans une chambre pendant des heures. Elle était sous-alimentée, avait été abusée sexuellement et avait une énorme cicatrice en travers de la gorge, ayant tenté de s'enlever la vie à l'âge de 13 ans. À 15 ans, elle était devenue alcoolique et avait développé une dépendance à des drogues en comprimés, et à l'âge de 16 ans, elle consommait de l'héroïne et de la cocaïne. Pour assouvir sa dépendance, elle s'est prostituée. Elle a été violée et, comme bien d'autres, elle a cru qu'elle méritait ce qui lui arrivait, que tout était de sa faute. Pour Mary, la prévention a échoué. Les campagnes publicitaires coûteuses et mal orientées, ainsi que leur message « Dites non aux drogues », n'ont été d'aucun effet sur Mary, à l'époque où elle était petite et où elle n'avait personne à qui parler de sa souffrance. C'est d'une présence qu'elle avait besoin. La prévention est essentielle, mais elle doit être basée sur des faits concrets et adaptée aux circonstances.
    Quand j'étais jeune, mon père, qui était médecin, a toujours soutenu que la toxicomanie était une tragédie. Mais ce qu'il croyait par-dessus tout, c'est que les toxicomanes avaient raté leur vie. Leur dépendance était non seulement un échec, mais elle traduisait d'une certaine façon leur dépravation, ce qui rendait raisonnable et nécessaire l'approche fondée sur la justice pénale.
    À travers les aléas de sa dépendance et de ses activités de prostituée, Mary a été arrêtée des centaines de fois. Elle se considérait comme une criminelle. Ses expériences avec les autorités policières n'ont fait que renforcer la haine qu'elle éprouvait envers elle-même. Les autorités policières n'ont pas réussi à infléchir la dépendance de Mary pendant ses années de toxicomanie. L'application de la loi a eu une incidence sur la vie de Mary, mais elle ne pouvait pas la sauver. Les autorités policières ne pouvaient pas suffire devant les complexités de sa vie et de ses besoins en matière de santé.
    À titre d'infirmière, je croyais naïvement que la solution était le traitement. Je croyais que l'aide était à portée de main, et que les gens avaient besoin de quelqu'un comme moi, de quelqu'un qui se dévouerait à leur cause. Je croyais que des services de santé seraient disponibles pour ces gens quand ils le voudraient, qu'ils n'avaient qu'à le demander.
    Après avoir vu Mary et des centaines de personnes dans la même situation tenter, sans y parvenir à long terme, d'accéder à un programme de désintoxication et de rétablissement, j'ai réalisé que les choses n'étaient pas aussi simples. Les obstacles sont nombreux, et si vous vivez dans la rue, l'accès à un programme de désintoxication et de traitement est comparable à l'escalade du mont Everest. Dans le cas de Mary, le traitement a échoué. Les programmes de traitement ont échoué parce que ces traitements doivent impérativement devenir accessibles et qu'ils doivent être coordonnés avec d'autres stratégies. En tant qu'intervention isolée, le traitement est inefficace.
    À présent, j'ai compris que la clé de voûte qu'il manquait était une politique de réduction des méfaits. La première étape de la réduction des méfaits est de comprendre la personne dans le contexte de sa vie et de sa souffrance, de ses aptitudes, de ses craintes et de ses forces. Il faut commencer par comprendre la situation actuelle de la personne, et que cela constitue notre point de départ.
    À cause de sa dépendance, Mary n'a pu bénéficier de services de counseling. Elle n'a pas pu trouver de logement sécuritaire parce qu'elle était toxicomane. Elle a contracté le VIH parce qu'elle a échangé des aiguilles pendant des années et elle s'est souvent retrouvée sans abri, à cause de sa dépendance encore une fois. Dans l'optique de la réduction des méfaits, tout cela est inacceptable. Nous avons regardé Mary mourir du sida, tout comme des centaines d'autres personnes qui se sont retrouvées dans la même situation.
    Dans le cas de Mary, les programmes de réduction des méfaits ont finalement échoué parce qu'ils ne recevaient pas un soutien et un financement suffisants. En conséquence, Mary et des centaines d'autres personnes ont contracté le VIH parce qu'elles réutilisaient les mêmes aiguilles contaminées, à une époque où les programmes d'échange d'aiguilles n'étaient pas subventionnés. L'idée qu'il y a sous les initiatives de réduction des méfaits est que l'on doit travailler à l'amélioration de la vie des toxicomanes marginalisés, et non les ignorer.
    À mesure que nous assemblons les pièces de ce casse-tête, le rôle d'Insite, le site d'injection supervisé, se clarifie dans mon esprit. Insite est le lien crucial qui relie les marginaux à l'aide dont ils ont désespérément besoin. Il est l'intermédiaire entre les gens et les services de traitement. Il reconnaît les problèmes auxquels font face les toxicomanes confinés à la rue, et il leur offre une aide véritable, une aide pour qu'ils puissent conserver la santé et rester en vie.
    Depuis l'ouverture d'Insite, plus d'un million d'injections ont été effectuées au site, à l'écart des rues et des commerces locaux. Aucune des « Mary » qui ont fait un arrêt respiratoire après s'être injectée de la drogue au site n'est morte, parce qu'une infirmière était sur les lieux.
    Comme toutes les personnes présentes dans cette salle, je voudrais que ce problème n'existe pas, mais il ne disparaîtra pas si je m'enfouis la tête dans le sable.
(1025)
    La politique sur les drogues du Canada doit manifester de la sagesse et de la maturité; elle ne doit pas être fondée sur la peur et la haine. Autrement, des milliers de personnes vont souffrir, le VIH va se répandre, les actes de violence vont se multiplier, des milliers de morts inutiles vont continuer de survenir à travers le pays — et ces morts seront celles de citoyens que nous ne voudrions pas voir disparaître: des enfants, des sœurs, des frères, des mères et des cousins qui auraient très bien pu être nous-mêmes et qui ont été auprès de nous pendant tout ce temps.
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup, madame Evans.
    La parole est maintenant à M. Philip Owen.
    Je vous remercie de me donner l'occasion de vous parler aujourd'hui des drogues illégales, et plus particulièrement de la réduction des méfaits et d'Insite, le site d'injection supervisé de Vancouver. Il est difficile de couvrir tous les aspects de ce vaste sujet en cinq minutes, mais je vais faire de mon mieux.
    En mai 2001, soit il y a sept ans, le conseil municipal de Vancouver a adopté à l'unanimité un document de 85 pages intitulé A Framework for Action. Ce document décrit une approche en quatre volets pour faire face au problème de la toxicomanie à Vancouver, et il met l'accent sur la prévention, les services de traitement, l'application de la loi et, par-dessus tout, la réduction des méfaits. Ce sont là les quatre volets.
    Ce document est toujours en vigueur, on en reconnaît toujours la valeur et, parmi tous ceux qui l'ont lu ou commenté, personne n'a demandé que l'on supprime telle partie ou telle autre, ou n'a dit que telle affirmation ou telle supposition était erronée. Je vous rappelle que c'est un document de 85 pages, et c'est le fondement de notre réussite, à Vancouver.
    Tous les programmes et toutes les installations et initiatives pour la réduction des méfaits sont essentiels; ils ont prouvé qu'ils avaient leur raison d'être et qu'ils étaient efficaces. Le site d'injection supervisé — j'insiste sur ce point — n'est qu'un outil parmi d'autres dans l'éventail des mesures qui découlent de la réforme de notre politique sur les drogues. Les gens croient à tort que tout tourne autour du site d'injection supervisé. Je vais parler dans quelques minutes des nombreuses autres composantes essentielles.
    La réduction des méfaits et les sites d'injection supervisés sont efficaces par rapport à ce qu'ils coûtent, et ils permettent de sauver des vies. Ils améliorent la santé publique et sont favorables à l'ordre public. Or, quel est le plus important problème avec lequel nos villes sont aux prises aujourd'hui? La santé et l'ordre publics. Pensez à tout l'argent qui circule et qui tombe entre les mauvaises mains. Nous devons aller chercher les toxicomanes, puis mettre au point une stratégie de retrait. Voilà l'objectif: secourir ces personnes.
    Les toxicomanes commencent à consommer des drogues pour différentes raisons, et toute une gamme de services sont donc nécessaires pour qu'ils puissent changer leur mode de vie. Les toxicomanes sont malades. Or, nous disposons d'un système de santé national. Nous devons réfléchir à cela: c'est une question qui touche la santé, et plus particulièrement la santé publique, de même que l'ordre public. Les toxicomanes sont malades; cela ne fait aucun doute.
    L'objectif de la réforme de la politique sur les drogues est l'abstinence. On entend sans cesse que toutes ces interventions ont pour but d'autoriser et d'encourager la consommation de drogues, mais ce n'est pas du tout de cela qu'il s'agit. L'objectif est de secourir les toxicomanes, de leur donner accès au système de santé et de créer un programme orienté sur l'abstinence, à l'intention des consommateurs de drogues.
    La lutte contre le trafic de stupéfiants a échoué au Canada comme aux États-Unis. C'est indiscutable. Je n'ai pas le temps d'en faire la démonstration, mais c'est bien le cas. Nous n'avons plus les moyens de la poursuivre. L'incarcération systématique ne nous permettra pas de régler le problème. Les personnes qui ont mené cette lutte — et j'insiste là-dessus — croient que l'incarcération systématique est une solution efficace, mais ce n'est pas le cas. Il faut écouter ce que les maires ont à dire. Nous devons empêcher que surviennent d'autres morts, d'autres maladies, d'autres crimes et d'autres souffrances.
    En juin 2007, 220 maires de villes américaines se sont réunis à Los Angeles dans le cadre de leur réunion annuelle. Rocky Anderson, le maire de Salt Lake City, capitale des mormons, a déposé une motion au cours de cette convention, en présence des maires des autres villes. Cette motion affirmait que la lutte contre le trafic de stupéfiants avait échoué. Et quel a été le résultat du vote? Deux cent vingt voix contre zéro. Chacun des maires présents était d'avis que la lutte contre le trafic de stupéfiants avait échoué. Il faut donc aborder la question selon la perspective des municipalités pour comprendre ce qui se passe réellement et pour se brancher sur la réalité.
    Nous devons nous demander si la législation sur les stupéfiants actuellement en vigueur est efficace. Et la réponse est non. Est-ce qu'elle fonctionne? Non. Est-ce qu'elle a du sens? Non, pas du tout.
    À l'heure actuelle, il existe plus de 100 sites d'injection supervisés, répartis dans plus de 50 villes du monde entier. Je pourrais vous parler des discussions que j'ai eues avec le maire de Francfort, en Allemagne, et avec le maire de Sydney, en Australie. J'ai assisté à cinq conférences internationales en Europe. J'ai été à Kaboul en Afghanistan, à New York, à de nombreux endroits aux États-Unis, à l'université de Stanford et dans diverses villes canadiennes. J'ai visité un grand nombre de ces sites d'injection supervisés.
    Au Canada, les médias insistent sur le fait qu'il n'y a pas d'autres sites de ce genre en Amérique du Nord, d'où on conclut qu'il est unique. Il y a pourtant des sites similaires en Suisse depuis plus de 20 ans, et ils obtiennent beaucoup de succès. Il serait par ailleurs impossible de fermer celui de Francfort, en Allemagne, ou celui de Sydney, en Australie.
(1030)
     Jusqu'à quel point la situation devra-t-elle empirer avant que nous entamions une réforme de notre politique de lutte contre la toxicomanie? Comme je l'ai dit plus tôt, il est de mise d'élaborer une stratégie de sortie axée sur l'abstinence.
     Le troisième point important est l'engagement...
    Désolée, monsieur Owen. Nous avons du temps réservé aux questions. Vous avez maintenant dépassé votre temps; je vous serais donc reconnaissante de réserver vos commentaires pour la période de questions.
    Merci.
    Passons maintenant à Mme Hay.
    Madame Hay, allez-y.
    Merci de me donner l'occasion de témoigner devant vous aujourd'hui. Je représente Vancouver Coastal Health.
     Je suis infirmière depuis 35 ans, et j'ai de l'expérience à la haute direction en matière de soins de santé. Je dirige depuis maintenant 11 ans l'intervention en santé publique dans la crise qui touche le downtown eastside.
    Vancouver Coastal Health offre une vaste gamme de services de soins de santé. Notre budget de fonctionnement s'élève à environ 2,4 milliards de dollars, et nous offrons des services à plus du quart de la population de la Colombie-Britannique. Nous investissons plus de 110 millions de dollars chaque année dans le traitement de personnes souffrant de problèmes de santé mentale et de toxicomanie. Pour chaque dollar investi dans la réduction des méfaits, quatre dollars le sont dans les traitements.
    L'objectif de nos services en matière de problèmes de santé mentale et de toxicomanie est d'abord et avant tout de sauver des vies, ensuite de prévenir la consommation de substances nocives et, enfin, d'aider les gens à mettre un terme à la consommation de toute substance.
    Je suis ici aujourd'hui pour récapituler brièvement les faits et pour vous parler d'une situation d'urgence en matière de santé publique qui a été annoncée en septembre 1997 et qui s'est installée dans le quartier le plus pauvre du pays. C'est un quartier où il y a une très grande population autochtone et où l'accès aux médecins de famille est 10 fois moins important que dans tout autre quartier du Canada. De plus, le taux de mortalité y est 14 fois plus élevé que dans le reste de la province. Dans cet endroit, les gens vivent dans des chambres d'hôtel pour une personne sans lavabos ni toilettes. On y compte également 4 600 consommateurs de drogues injectables. Il y a 10 ans, le quartier était frappé par plusieurs épidémies — hépatite A, B et C, tuberculose transmissible et aussi des morts par surdose — qui découlaient toutes de la consommation à grande échelle de drogues injectables.
    Voilà le contexte dans lequel le site d'injection supervisé a été créé. Il s'agissait d'une intervention en santé publique à une urgence sanitaire dans un quartier qui tenait d'une zone sinistrée du Tiers-Monde. Il n'était pas possible de mettre un frein au fléau en utilisant les soins de santé traditionnels; un éventail complet de services de soins de santé novateurs était nécessaire.
    Le site d'injection supervisé, qui porte le nom d'Insite, fait partie de la solution. En juin 2000, le conseil d'administration de Vancouver Coastal Health a voté en faveur de l'appui au site d'injection supervisé, partie essentielle de notre ensemble de soins de santé. La décision était le fruit d'une vaste consultation et de recherches exhaustives qui nous ont porté à croire qu'il y avait une demande au sein de la population pour la mise sur pied de sites d'injection sûrs à Vancouver. Le site d'injection aiderait Vancouver Coastal Health à respecter son mandat en matière de soins de santé, c'est-à-dire fournir les soins de santé adéquats et nécessaires à toutes les personnes qu'il sert. Le site d'injection supervisé faciliterait le contact avec les consommateurs de drogues injectables à haut risque, nous donnerait les moyens de réduire la propagation de maladies et le nombre de décès, et permettrait aux clients d'avoir accès à des services de soins de santé et à d'autres services sociaux.
    Le site d'injection supervisé est géré par Vancouver Coastal Health en partenariat avec la Portland Hotel Society. Insite est un endroit propre où les toxicomanes peuvent s'injecter des drogues sous la supervision d'une infirmière et où ils peuvent obtenir du matériel d'injection propre et des conseils à cet égard, ce qui aide à réduire le risque de transmission de maladies infectieuses transmises par le sang comme le VIH-sida et l'hépatite C. À Insite, les gens peuvent faire soigner leurs blessures infectées et recevoir des traitements contre la tuberculose, être vaccinés contre la pneumonie et la grippe et accéder à du counselling en matière de toxicomanie et à des traitements sur demande.
    Il est possible que les clients du site d'injection supervisé ne choisissent pas d'utiliser immédiatement tous les services de soins de santé qui y sont offerts. Cependant, si une personne visite régulièrement l'établissement de soins et y entretient des relations de confiance avec les fournisseurs de soins de santé, elle sera plus susceptible d'aller en désintoxication, de solliciter les services de counselling en matière de toxicomanie ou de suivre un traitement.
    L'expérience directe de Vancouver Coastal Health dans le traitement des personnes marginalisées souffrant de toxicomanie chronique a montré que peu de gens entreprennent un sevrage du jour au lendemain. Peu de personnes vulnérables et marginalisées se consacreront totalement à un traitement ou à des soins. Peu de gens réussissent à améliorer leur situation sans aide ni soutien.
    Insite est un point d'accès facile aux services de traitement. Pour beaucoup de personnes, Insite permet de passer de la toxicomanie chronique au sevrage, de la maladie au rétablissement.
     Vancouver Coastal Health a récemment ouvert Onsite, qui est situé directement au-dessus d'Insite. Les clients d'Insite peuvent donc obtenir des traitements sur demande sans attendre. Onsite offre des logements de transition, de la désintoxication à domicile, un programme de traitement de jour, des soins infirmiers, des séances individuelles de counselling et de l'aide aux clients d'Insite qui sont sans abri et qui veulent arrêter de consommer des drogues.
    En plus d'Insite et d'Onsite, au cours des cinq dernières années, Vancouver Coastal Health a ouvert quatre autres centres de premier point de contact offrant des services de soins de santé. Ils sont destinés aux personnes pour qui, en raison de leur vie chaotique et de leurs problèmes complexes de santé mentale et de toxicomanie, il est pratiquement impossible d'avoir accès à des services traditionnels de soins de santé.
(1035)
    Nous participons actuellement à la mise sur pied d'un centre de traitement résidentiel à long terme de 100 lits destinés aux clients d'Insite qui souffrent à la fois de problèmes de santé mentale et de toxicomanie. Il ne fait aucun doute que les personnes qui vivent dans le downtown eastside de Vancouver ont des besoins complexes en matière de soins de santé, et aucune intervention ne peut à elle seule transformer cette collectivité...
    Madame Hay, je dois vous interrompre.
    Merci beaucoup.
    Madame Hay, vous aurez la possibilité de répondre à des questions. Je vous ai donné du temps supplémentaire.
    Désolée, je n'entends pas très bien.
    Oh, je suis désolée. J'essaie simplement d'être équitable.
    Merci.
    Monsieur Mangham.
    Je suis heureux d'être ici, mais j'ai une certaine appréhension parce que je suis le seul qui n'est pas entièrement en faveur de toute cette philosophie. Mais c'est bien connu. Même si, d'une certaine façon, j'ai subi un traitement semblable, au moins, ma vie n'a pas encore été menacée.
    Je veux aborder la question dans un contexte plus large et souligner quelques points à l'intention du comité, particulièrement de ceux qui n'ont pas encore d'opinion sur la question et pour les représentants élus qui doivent établir des politiques sur les drogues après consultation de la population. Je m'adresse à vous.
    J'ai rédigé l'un des trois documents universitaires qui disent tous essentiellement la même chose. J'étais embarrassé en tant que professionnel et diplômé de la UBC de constater qu'on utilisait une science de pacotille et qu'on faisait un usage abusif des données. On a permis que cette information sorte dans les médias sans qu'elle soit corrigée. Dans les médias, on faisait des déclarations très positives et élogieuses sans présenter de preuves.
    L'information la plus éloquente que j'ai trouvée et qui n'a pas été reprise par les médias, c'est que seulement un petit pourcentage des toxicomanes utilisent Insite. Les consommateurs de cocaïne ne s'y rendent pas. Une proportion plus petite encore de toxicomanes utilisent le site pour la majorité de leurs injections. Comme je l'ai expliqué à CNN, on investit beaucoup pour pas grand-chose.
    Pourquoi alors est-ce qu'on s'accroche à ce concept? Je crois que c'est parce qu'on n'a jamais voulu que ça soit uniquement un essai. En 2000, au cours d'une réunion de Santé Canada à Mont-Tremblant, au Québec, on a affirmé ceci: « Pour réduire les méfaits chez les utilisateurs de drogues injectables dans l'avenir, on a besoin de sites d'injection sécuritaires et de programmes de maintien. » En science, c'est ce qu'on appelle tirer des conclusions et s'arranger pour que le reste concorde.
    Les personnes qui s'occupent d'Insite n'en diront jamais rien de négatif. Je crois que ça fait partie d'un tout qui a eu des effets négatifs sur les traitements et la prévention.
    Dans les travaux que j'ai faits, j'ai constaté que la création d'Insite et l'application de la philosophie qui s'y rattache, soit la réduction des méfaits, a eu principalement pour effet de causer des lacunes dans la prévention visant à réduire le nombre de cas de toxicomanie. Peu importe ce que les autres diront, aucune prévention n'est faite à cet égard. Le programme auquel on travaille à Vancouver est un programme de réduction des méfaits et il est destiné aux élèves du secondaire.
    Je n'ai entendu que des critiques sur la prévention primaire. L'un des dirigeants a affirmé que lorsqu'on utilise la prévention, les toxicomanes se sentent anormaux, tandis qu'avec la réduction des méfaits, ils se sentent respectés. Cette affirmation, comme bien d'autres, est très trompeuse.
    Il n'y a eu ni augmentation ni amélioration des traitements à Vancouver. Certaines personnes ne sont pas ici aujourd'hui parce qu'elles seraient victimes d'intimidation et perdraient leur financement. C'est ce qu'elles m'ont dit. Ces personnes ont affirmé qu'on leur a enjoint d'arrêter de demander plus de lits de traitement, sans quoi elles perdraient leur financement. Les coûts, fixés à 40 $ par jour par client, n'ont pas changé en 40 ans. « Vous les reconnaîtrez à leurs fruits. » Je ne comprends pas pourquoi les traitements stagnent, sinon qu'on n'y apporte pas vraiment d'importance.
    L'initiative se heurte à l'application de la loi. Vous entendrez bientôt des gens réclamer qu'on change les lois sur les drogues. Ces deux éléments sont interreliés. On en entend parler aujourd'hui. Parmi ceux qui défendent publiquement la réforme des politiques qui vise à régir et à légaliser les drogues, il y a beaucoup de décideurs et de conseillers provenant des gouvernements provinciaux et fédéral. C'est assez évident qu'ils veulent modifier les lois sur les drogues.
    J'aimerais dire à M. Owen, avec tout le respect que je lui dois, que l'application des lois, les traitements et la prévention fonctionnent si on les utilise adéquatement. C'est par l'imposition de sanctions qu'on a en grande partie fait appliquer les lois. Le taux de consommation de drogues illégales ne représente qu'une infime fraction de celui de la consommation de drogues légales. De plus, il en coûte moins de la moitié, même si on comprend les coûts liés à l'application de la loi. Pourquoi voudrions-nous changer la situation?
    Autrement dit, les partisans d'Insite et de philosophie dont il découle affirment qu'on peut contrôler les résultats dans une population libre sans faire en sorte que les gens arrêtent de consommer des drogues. Dans ce dossier, on m'a traité de tous les noms. Il y a une grande intolérance à l'égard des autres opinions, et ça m'attriste. Je crois qu'en examinant la situation de plus près, vous vous rendrez compte que beaucoup de personnes qui s'impliquent dans Insite font partie d'un mouvement plus large. Il y a des gens dans cette salle qui ont reçu des prix du Lindesmith Center et des Soros Foundations pour le travail qu'ils ont effectué dans la réforme des politiques sur les drogues et qui ont dit publiquement que les lois sur les drogues étaient comme le mur de Berlin.
    Ces personnes m'ont traité et ont traité des gens comme moi d'idéologues et se sont proclamés des scientifiques. Ils ont droit à leur opinion, mais les défenseurs d'Insite affirment fréquemment qu'ils respectent la science, que l'idéologie du gouvernement est hypocrite et fausse et qu'il en est de même de l'établissement unilatéral de politiques.
(1040)
    Je demande au comité, particulièrement aux représentants élus, de faire en sorte qu'on arrête de permettre à des groupes d'activistes, peu importe le nom qu'ils se donnent, de dicter les politiques canadiennes sur les drogues. Ce sont les Canadiens...
    La présidente: Monsieur Mangham, je dois vous interrompre maintenant. Toutes mes excuses.
    Dr Colin Mangham: ...et les représentants élus qui doivent établir les politiques sur les drogues.
    Merci.
(1045)
    Madame Bennett, je dois vous demander, s'il vous plaît, d'être respectueuse envers tous les témoins.
    J'ai lu une déclaration ici ce matin devant le comité pour une raison.
    Monsieur Tilson, je dois vous ramener à l'ordre, s'il vous plaît.
    Je vous demande à tous d'écouter très attentivement chacun des témoins avec respect. Nous sommes tous des adultes. Je ne crois pas que ce soit trop vous demander.
    Merci, monsieur Mangham, ainsi qu'à tous les autres qui sont ici.
    Nous passons maintenant à M. Kerr.
    Bonjour. Je suis heureux d'être ici. Je ne suis pas un activiste. Je suis professeur à la faculté de médecine de l'Université de la Colombie-Britannique et chercheur pour le British Columbia Centre for Excellence in HIV/AIDS.
    Je suis ici aujourd'hui parce que, en septembre 2003, notre groupe de recherche a obtenu le contrat de mener une évaluation d'Insite, scientifique et indépendante. Avant de vous faire connaître les résultats de nos travaux, je tiens à faire quelques remarques au sujet de la science et de la structure de notre évaluation.
    Soyons clairs: l'examen par les pairs est le meilleur atout de la science moderne et représente la meilleure protection contre la diffusion de données faussées. Donc, la crédibilité scientifique de toute recherche est établie uniquement après que l'étude a fait l'objet d'un examen scientifique externe effectué par des experts internationaux et que les résultats ont été publiés dans une revue médicale et de santé publique reconnue.
    Compte tenu de la controverse qui entourait l'initiative Insite, nous avons tenté d'effectuer une évaluation qui résisterait à l'examen scientifique le plus rigoureux. À cette fin, nous avons soumis nos travaux aux fins de publication aux principales revues médicales et de santé au monde, et c'est uniquement après l'examen par les pairs et la publication de l'étude que nous en avons parlé publiquement. À ce jour, plus de 25 études qui ont été examinées par les pairs et publiées découlent de notre évaluation. Je vais présenter aujourd'hui seulement quelques-unes des principales constatations.
    Premièrement, nous avons publié trois études, y compris un article dans le Journal de l'Association médicale canadienne, qui montrent que la mise sur pied d'Insite a donné lieu à une réduction du désordre public attribuable à l'utilisation de drogues injectables.
    Deuxièmement, dans un article publié dans la prestigieuse revue britannique The Lancet ainsi que dans un article de suivi paru dans l'American Journal of Infectious Diseases, nous avons démontré que l'utilisation d'Insite avait permis de réduire de façon considérable l'échange de seringues, une pratique qui est à l'origine d'infections au VIH et à l'hépatite C parmi les consommateurs de drogues injectables. 
    Troisièmement, nous avons publié deux articles qui expliquent que le personnel d'Insite a réduit les risques de surdose et réussi à contrôler des centaines de surdoses. Étonnamment, plus de 1 000 surdoses sont survenues à Insite, et on ne compte aucun décès.
    Quatrièmement, des études publiées dans le New England Journal of Medicine et dans Addiction ont révélé qu'on a observé une augmentation de plus de 30 p. 100 de l'utilisation de programmes de désintoxication parmi les usagers d'Insite dans l'année suivant son ouverture. Ces travaux montrent également qu'à Insite, on informe les toxicomanes sur d'autres formes de traitement contre la toxicomanie.
    Nous connaissions la nature controversée de plusieurs études effectuées au sujet d'Insite. C'est pourquoi nous avons également publié des études qui confirment qu'Insite n'a pas d'effets négatifs. Dans un article publié dans le British Medical Journal, nous avons montré qu'Insite n'encourage pas la rechute ni ne décourage les gens qui désirent mettre un terme à leur consommation de drogues. Un article dans l'American Journal of Public Health explique qu'Insite n'envoie pas de messages ambigus et qu'il n'encourage pas non plus les personnes vulnérables à commencer à consommer des drogues injectables.
    Nous avons également démontré, au moyen de statistiques provenant de la police, que la création d'Insite n'a pas entraîné une augmentation de la criminalité. Et pour corriger M. Mangham, de nombreux toxicomanes ont utilisé Insite. En fait, il y a eu plus de 8 000 inscriptions, et plus de 35 p. 100 des injections effectuées au centre étaient de la cocaïne.
    En d'autres termes, un grand nombre de recherches qui ont été acceptées et appuyées par la communauté scientifique internationale montrent qu'Insite fait effectivement ce pour quoi il a été mis sur pied. Il réduit le désordre public et l'occurrence de comportements à risque à l'égard du VIH, il promeut l'inscription à des programmes de traitement de la toxicomanie axés sur l'abstinence, et il sauve des personnes qui, autrement, mourraient d'une surdose. Les recherches montrent également qu'Insite ne semble pas avoir d'effets négatifs sur la collectivité.
    J'admets volontiers qu'il s'agit de la seule recherche menée au sujet d'Insite qui a passé l'examen scientifique indépendant par les pairs et qui a été publiée dans des revues médicales et de santé publique reconnues.
    Aujourd'hui, vous avez entendu parler d'études qui ont critiqué nos recherches, et on vous a dit qu'elles avaient été examinées par des pairs. C'est absolument absurde et, dans les faits, inexact. Les seuls articles qui ont critiqué nos travaux et Insite sont ceux qui sont parus dans le Journal of Global Drug Policy and Practice, notamment un article rédigé par M. Mangham.
    Malheureusement, l'établissement qui produit cette revue se donne pour mission d'appuyer les initiatives qui s'opposent vigoureusement aux politiques fondées sur la notion de réduction des méfaits. Elle n'offre pas de tribune pour les débats théoriques. C'est simplement un site Web administré par un groupe de pression bien connu qui est contre la notion de réduction des méfaits, à savoir la Drug Free America Foundation. MEDLINE ne reconnaît pas cette revue, qui n'est d'ailleurs pas indexée dans sa base de données. De plus, les articles en question contiennent de nombreuses erreurs de fait.
    Au lieu de faire ce que les universitaires font habituellement, c'est-à-dire publier des critiques dans les revues où les études individuelles sont publiées, comme c'est le cas pour le débat sur le réchauffement climatique, les détracteurs comme M. Mangham ont simplement fait part de leur désaccord dans des tribunes secondaires et marginales, comme le site Web du Journal of Global Drug Policy and Practice.
(1050)
    Vous allez entendre aujourd'hui des anecdotes et des avis sur les limites d'Insite. J'enjoins les membres du comité à ne pas oublier que nous discutons de questions de santé publique très importantes, de questions de vie et de mort, d'infection par le VIH et de surdoses. Les décisions prises quant à la façon de réagir à de tels enjeux ne peuvent pas être fondées sur de simples avis et anecdotes; elles doivent être fondées sur les meilleures preuves scientifiques disponibles. Toutes nos études renferment des sections qui décrivent les limites des travaux individuels. Elles n'auraient jamais survécu à l'évaluation par les pairs s'il en était autrement.
    Lorsqu'on parle d'Insite, les preuves scientifiques sont claires. Insite fonctionne sans compromettre les autres efforts déployés en matière de prévention et de traitement de la toxicomanie. Il est clair qu'Insite ne doit pas fermer. Fonder des décisions sur les avis et les anecdotes dans le présent dossier reviendrait à recommander l'emploi d'herbes médicinales non éprouvées pour traiter des cancers qui menacent la vie des gens.
    Une fois de plus, il s'agit d'un programme de santé publique fondé scientifiquement, qui doit être appuyé.
    Merci.
    Merci.
    Nous allons maintenant entendre deux allocutions par vidéoconférence.
    Pendant que nos techniciens branchent le matériel, j'aimerais remercier chacun d'entre vous pour vos observations judicieuses.
    Nous allons maintenant entendre les deux allocutions puis passer aux questions. Dans une minute.
(1050)

(1050)
    Nous sommes maintenant prêts à passer aux vidéoconférences.
    Je dois dire aux personnes ici présentes qu'on ne s'ennuie jamais à la Chambre des communes. Ce son de cloche indique un vote. Je tente à l'instant de déterminer combien de temps nous avons.
    Je crois comprendre que nous avons 25 minutes, et les vidéoconférences durent chacune cinq minutes. Nous avons donc suffisamment de temps pour entendre les allocutions. Je demanderais aux membres du comité de retourner à leurs sièges. Monsieur Temelkovski et monsieur Tilson, veuillez vous asseoir.
    Pardonnez-moi, mesdames et messieurs, on vient de me remettre le Règlement, qui a préséance sur tout. Comme je le disais, on ne s'ennuie jamais à la Chambre des communes. Donc, lorsqu'on sonne la cloche aux fins d'un vote par appel nominal, il faut suspendre immédiatement la séance du comité. La séance est suspendue jusqu'après le vote.
(1055)
    J'invoque le Règlement.
    Il ne peut pas invoquer le Règlement. La demande est irrecevable.
    Si vous me permettez, j'aimerais finir.
    Afin que la séance puisse se poursuivre, je dois obtenir le consentement unanime des membres.
    J'invoque le Règlement. Le message indiquait qu'il nous fallait nous rendre en Chambre le plus rapidement possible. Selon moi, il est temps pour nous de procéder au vote.
    Y a-t-il un consentement unanime?
    Je n'aurai pas de consentement unanime.
    La séance est suspendue jusqu'après le vote.
    J'invoque le Règlement, madame la présidente.
    Allez-y, monsieur Martin.
    Merci, madame la présidente.
    Il y a deux choses. Tout d'abord, vous avez la compétence pour permettre à ces travaux de se poursuivre. Il s'agit d'une situation courante pendant les séances des comités. Ensuite, si vous voulez déterminer s'il y a consentement unanime, alors il vous faut le demander.
    Vous avez deux choix. Le premier: permettre à la séance de se poursuivre pour les 15 prochaines minutes. Le deuxième —
    Je vais le demander.
    Merci, monsieur Martin.
    Y a-t-il consentement unanime pour ne pas interrompre la présente séance de comité?
    Des voix: Non.
    Un vote par appel nominal.
    Monsieur Martin, s'il n'y a pas consentement unanime, la séance est suspendue jusqu'après le vote.
(1055)

(1135)
    Mesdames et messieurs, je demanderais à ce que la séance reprenne. Pourriez-vous tous prendre vos sièges?
    Nous amorçons maintenant la vidéoconférence. Nous allons entendre deux différents intervenants. Le premier est M. Neil Boyd.
    Allez-y, madame Bennett.
    J'aimerais connaître votre opinion, madame la présidente, en ce qui a trait aux 40 minutes d'interruption que nous venons de subir; serait-il possible de prolonger les audiences de 40 minutes? Bien entendu, l'horaire du ministre n'est souvent pas très souple, mais les participants à cette séance seraient-ils capables de se réunir de nouveau après la comparution du ministre afin que les parlementaires puissent profiter d'une période de questions plus longue? Il s'agit d'une proposition visant à prolonger la séance de 40 minutes.
    Merci.
    Allez-y, monsieur Fletcher.
    Madame la présidente, je peux faire mieux que ça. Si les membres du comité sont d'accord, le ministre peut se présenter à 12 h 20 et rester jusqu'à 13 h 30, ce qui ferait que la durée prévue resterait la même.
    Merci.
    Je reconnais que nous avons été interrompus et nous pouvons certainement nous adapter en conséquence.
    Notre ordre du jour révisé fera état de la comparution de nos deux témoins par vidéoconférence de 11 h 35 à 11 h 45. Pouvons-nous s'il vous plaît commencer?
    Monsieur Neil Boyd, c'est à vous.
(1140)
    Bonjour, monsieur Boyd. Nous entendez-vous? Je suis Joy Smith, la présidente du comité. Bienvenue.
    Oui, je vous entends. Merci.
    Nous avons hâte d'entendre votre exposé.
    Merci.
    Je commencerai en parlant un peu du contexte de la réduction des méfaits. Je crois que le sens de l'expression « réduction des méfaits » est compromis et compliqué par la façon dont nous distinguons depuis toujours les drogues comme étant licites ou illicites. Les drogues les plus dangereuses en matière de santé publique sont celles permises par la loi, peu importe les taux de consommation. Je note en particulier le tabac, qui tue quelque 35 000 Canadiens chaque année. Même lorsqu'on observe les taux de consommation des drogues licites et illicites dans notre société, il est très difficile de trouver une drogue donnant lieu à une plus grande morbidité et ayant un plus grand potentiel de dépendance que le tabac.
    J'estime qu'il nous faut insister sur le fait, lorsque nous examinons la réduction des méfaits, que nous sommes encore influencés dans une très grande mesure par les oeillères culturelles qui existent lorsqu'il est question des drogues. Quelle image nous vient en tête quand on nous parle de revendeurs, par exemple? Celle d'une grande société qui vend du tabac dans un contexte mondial ou celle d'un jeune homme qui vend de petites quantités d'héroïne ou de cocaïne à l'intersection des rues Main et Hastings? On pourrait dire que l'un et l'autre distribuent des drogues licites et illicites, mais je crois qu'il subsiste des questions ouvertes à propos des méfaits et de la réduction des méfaits.
    Ainsi, les initiatives de réduction des méfaits peuvent être appliquées de façon utile tant lorsqu'il est question de drogues licites qu'illicites. Tous les programmes de réduction des méfaits reconnaissent l'usage de drogues, mais ils tentent de contrer les méfaits de la drogue et ceux qui découlent des politiques rattachées à son usage et à sa distribution. Dans de nombreuses situations, les méfaits découlent de la loi à proprement parler.
    Pensez aux programmes de conducteurs désignés pour les personnes qui consomment de l'alcool. Nous acceptons le fait que de jeunes personnes consomment de l'alcool, et qu'elles en consommeront suffisamment pour dépasser la limite permise de .08, c'est-à-dire jusqu'au point d'en avoir les facultés affaiblies. Pourtant, nous instaurons un programme de conducteurs désignés, auquel très peu d'entre nous s'opposeraient. Ce faisant, on reconnaît que peu importe les mesures qui seront prises, certaines personnes vont consommer de l'alcool jusqu'à en avoir les facultés affaiblies, et qu'il nous faut mettre les jeunes personnes à l'abri d'elles-mêmes.
    On pourrait sans doute dire que les programmes de promotion des droits des non-fumeurs s'apparentent aux sites d'injection supervisés car ils protègent le public de la fumée nocive, de la même façon que le ferait un site d'injection supervisé, qui protège le public des débris dangereux laissés à la suite des injections et du risque de contracter des maladies à partir des seringues laissées dans leur communauté, et ainsi de suite.
    Bien entendu, les programmes d'échange de seringues aux fins de l'injection de drogues constituent une autre forme de réduction des méfaits. D'aucuns pourraient également soutenir que la réglementation du cannabis en fonction de l'âge et du lieu de consommation pourrait constituer un programme de réduction des méfaits. Personne ne souhaite avoir des plantations de cannabis dans son quartier ni être exposé à la violence associée au commerce de cette drogue, alors je suis d'avis qu'on pourrait qualifier la réglementation de cette industrie de programme de réduction des méfaits.
    Je vais maintenant m'attarder spécifiquement sur la question des sites d'injection supervisés. Ils attirent ce que mon collègue Dan Small a appelé les « personnes blessées » — non pas les gens de la classe ouvrière, de la classe moyenne supérieure et de la classe moyenne qui s'injectent de la cocaïne ou de l'héroïne pour faire la fête ou se faire plaisir, mais des gens aux prises avec de très graves problèmes de toxicomanie et de santé mentale.
    La notion libérale de désinstitutionalisation, la réalité libérale de désinstitutionalisation des années 70 a, on pourrait dire, donné naissance à nombre de ces problèmes. Or, si les sites d'injection supervisés n'existaient pas, ces personnes ne cesseraient pas de consommer des drogues. Elles en consommeraient dans des contextes plus dangereux et malsains, comme le font encore aujourd'hui 95 p. 100 d'entre elles, sans avoir la possibilité d'accéder à des services de diagnostic, d'immunisation et de traitement; elles n'auraient pas non plus la possibilité d'entreprendre un dialogue qui pourrait mener à un mode de vie plus sain qui élimine la possibilité d'une infection par le VIH et qui permet de meilleurs diagnostics et une meilleure immunisation, ce qui m'apparaît le plus important.
    Je ne répéterai pas les commentaires et ne citerai pas les nombreux rapports de recherche qui font état des avantages du point de vue de la santé. D'autres l'ont fait et continueront de le faire. Je dirai toutefois, en tant que criminologue, que le site d'injection supervisé n'a pas favorisé la criminalité. Notre analyse temporelle et spatiale détaillée du voisinage laisse entrevoir que le site n'a pas attiré les revendeurs de drogue ou les criminels s'en prenant à la propriété, et qu'on a pu observer dans les faits une légère réduction des désordres publics dans le quartier.
(1145)
    De plus, les rapports avantages-coûts semblent se situer entre 2:1 et 8:1, selon le modèle d'analyse utilisé et le cadre adopté en matière de calcul des coûts.
    Dans un monde idéal, il n'y aurait aucun besoin de mettre en place un site d'injection supervisé, mais nous ne vivons pas dans un monde idéal. Si nous avons à coeur d'aider les gens qui sont gravement désavantagés, je crois qu'il est assez facile de voir les nombreux avantages qui découlent de la réduction des méfaits, tant du point de vue des drogues licites qu'illicites et, dans ce contexte précis, sous la forme d'un site d'injection supervisé à Vancouver.
    Je vous remercie.
    Merci, monsieur Boyd. Je vous remercie de votre patience ce matin et de vos observations judicieuses. C'est très apprécié.
    Écoutons maintenant le Dr Montaner.
    Je me permets ici une petite interruption pour vous informer que nous accueillons parmi nous aujourd'hui la délégation tchèque. Bienvenue.
    Écoutons maintenant le Dr Montaner.
    Je m'appelle Julio Montaner. Je suis directeur du B.C. Centre for Excellence in HIV/AIDS à Vancouver. Je préside l'unité de recherche sur le sida à l'Université de la Colombie-Britannique, et je suis directeur du programme de VIH au St. Paul's Hospital Providence Health Care. Il y a deux ans, à l'issue d'un processus démocratique, j'ai été élu président de la Société internationale sur le sida, le plus gros organisme réunissant des professionnels de la santé dans le domaine du VIH et du sida dans le monde.
    Le but de mon allocution aujourd'hui n'est pas de vous présenter les résultats de nos recherches, que mon collègue, le Dr Thomas Kerr, vous a clairement et explicitement exposés plus tôt ce matin. Ce dernier connaît en profondeur les conclusions de recherche, les rapports coûts-avantages de ce genre d'intervention, auxquels M. Boyd a fait clairement allusion. J'aimerais vous faire comprendre pourquoi nous investissons dans ce type de recherche, ce type de programme, et vous situer nos travaux dans le continuum de notre lutte contre le VIH et le sida au Canada comme dans le reste du monde.
    Notre groupe lutte contre le VIH et le sida par l'entremise de la recherche. J'aimerais mentionner que notre groupe a colligé plus de 350 publications évaluées par des pairs sur divers aspects du VIH et du sida, et plus de 150 publications dans le domaine du VIH et de la toxicomanie.
    Déjà au milieu des années 90, nous avions fait des progrès importants dans la lutte contre le VIH. En 1996, nous avons joué un rôle important dans la découverte et la distribution de ce qu'on appelle le traitement moderne du VIH, une thérapie antirétrovirale hautement active. On la désigne par l'acronyme HAART. Ce cocktail, comme on l'appelle, a changé les vies de personnes atteintes du VIH, en ce sens qu'il a essentiellement transformé la maladie en une maladie chronique et gérable. Le HAART nous a non seulement permis de contrôler le VIH et d'empêcher qu'il ne dégénère en sida, il a, comme nous l'avons publié récemment, empêché la transmission du VIH de personnes infectées à leurs partenaires ou aux personnes avec qui elles entretenaient des liens très étroits.
    En 1996, à la lumière de ces résultats scientifiques déterminants, nous étions déjà d'avis qu'il y avait une obligation morale d'étendre les avantages de la thérapie antirétrovirale à ceux qui en avaient besoin mais qui avaient du mal à accéder aux programmes. Mon collègue Michael O'Shaughnessy et moi avions déjà observé une nouvelle hausse des infections par le VIH qui émergeaient du Downtown Eastside de Vancouver. Pour cette raison, en collaboration avec d'autres membres du B.C. Centre, nous avons rassemblé un certain nombre d'études, y compris celle sur l'utilisation de drogues injectables à Vancouver, et ces publications nous en ont appris beaucoup sur les besoins des personnes qui vivent dans ce secteur très défavorisé de notre ville.
    Après avoir pris connaissance de cette recherche, il nous est apparu absolument essentiel de faire quelque chose pour faciliter l'accès de ce groupe de personnes très marginalisées au système de soins de santé. Nous étions tout aussi préoccupés par l'idée que le statu quo, le cours normal des choses, n'était pas acceptable à la lumière du fait que les taux d'acquisition de l'hépatite C, du VIH et d'autres maladies infectieuses, y compris les infections sous-cutanées et les maladies cardiaques, augmentaient et que nous ne trouvions aucun moyen de freiner cette tendance. Je dirai simplement que les taux d'hépatite C ont dépassé les 90 p. 100 au sein de cette population, avec des taux de VIH supérieurs à 30 p. 100 dans certains sous-groupes. Ces taux sont aussi élevés que ceux qui affligent les pires secteurs du monde, dont le Botswana et autres.
    Pour cette raison, nous nous sommes sentis obligés de mobiliser nos ressources afin de tenter de faire quelque chose pour instaurer un certain ordre dans la vie de ces personnes et leur donner accès à des soins de santé, à supposer que ce genre de proposition pouvait les intéresser.
(1150)
    C'est ainsi que sont nés le programme d'échange de seringues et, plus tard, le site d'injection supervisé. La preuve est très claire. Grâce aux personnes qui se sont engagées dans l'initiative du site d'injection supervisé, grâce à l'excellent travail des gens de la Vancouver Coastal Health et de la Portland Hotel Society, de plus en plus de ces toxicomanes ont pu recevoir des soins de santé appropriés. Dans certains cas, ils ont réussi à réduire leur consommation. Ils ont pu mieux gérer les épisodes de surdose, les hospitalisations sont moins fréquentes, et ainsi de suite...
    Merci, Dr Montaner. Je m'excuse de vous interrompre, mais je vous ai accordé plus de temps que prévu. Je tiens à vous remercier pour ces informations. Il nous faut maintenant passer aux questions.
    Pouvons-nous s'il vous plaît commencer avec le Dr Bennett?
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je suis heureuse d'être entourée aujourd'hui par deux de mes collègues qui sont également médecins. Je crois que, comme la plupart des gens de la communauté médicale du pays, ils ont l'impression qu'il s'opère un changement au niveau de la politique au Canada, où on semble préférer les idéologies à la science et aux conclusions probantes.
    Nous avons vu de jeunes patients, victimes d'inceste ou souffrant d'une autre condition, devenir toxicomanes. Personnellement, j'ai entendu les histoires de patients qui sont morts avant d'avoir eu la chance de transformer leur vie. Nous connaissons les histoires de nombreux patients qui, en raison de leur dépendance, vivent maintenant avec le VIH/sida et l'hépatite C.
    Il est extrêmement désolant d'avoir eu à demander la tenue de cette audience spéciale aujourd'hui. Nous supposions que le Canada allait être un chef de file dans ce dossier. Je pense à certains des témoins qui sont ici aujourd'hui et que nous avions entendus à l'époque, plus particulièrement le maire Owen et les membres du comité que vous aviez réunis pour votre cadre d'action relatif aux quatre volets en 2004... Je vous demanderais de bien vouloir, si possible, nous présenter ce cadre d'action.
    Je suis également troublée de constater les difficultés qui existent en ce moment dans notre pays... et de constater que l'administrateur en chef de la santé publique du Canada a pratiquement gardé le silence sur cette question. Monsieur Kerr, si je comprends bien, vous avez rencontré les administrateurs de la santé publique du Canada. Comment cette idée a-t-elle été reçue?
    Pourriez-vous tous m'indiquer quelles formes de consultation ont donné lieu à la décision de retirer le quatrième volet de la stratégie antidrogue du Canada, et si vous avez été consultés?
    J'aimerais également vous transmettre une requête de la part des autorités de santé publique de ma ville, Toronto, qui voudraient pouvoir procéder à des injections supervisées d'une manière décentralisée dans le cadre de leurs programmes d'échange de seringues, comme on voit ailleurs et comme il se fait dans d'autres villes comme Barcelone.
    Quels conseils donneriez-vous au ministre de la Santé pour ce qui est d'accorder des exemptions à d'autres ministères et organismes de santé publique au pays?
    J'aimerais ensuite entendre les conseils que vous avez à offrir quant à l'annonce faite le 14 mai par le ministre, selon laquelle les 10 millions de dollars affectés aux nouveaux services de traitement doivent être réservés aux traitements fondés sur l'abstinence. Ça sonne vaguement comme un « Bushisme », en ce sens que la recherche clinique démontre qu'un traitement continu à la méthadone, jumelé à des services de counseling, donne de meilleurs résultats que l'abstinence. Et qui est le ministre de la Santé pour vous dicter, dans un contexte clinique, la seule façon possible de recevoir un financement de la part du gouvernement fédéral?
    Si vous pouviez commencer par ça...
(1155)
    À qui voulez-vous adresser cette question?
    Monsieur Kerr.
    J'estime qu'il y avait au moins une question qui s'adressait à moi et qui se rapportait à mon exposé et à mes consultations auprès du Conseil canadien de la santé. On m'a invité à présenter un exposé de 45 minutes détaillant les conclusions et les publications évaluées par les pairs, issues de l'évaluation scientifique d'Insite.
    Je crois qu'on m'a demandé de qualifier la réaction. Celle-ci fut extraordinairement positive. On a félicité notre équipe d'avoir produit un ensemble aussi important de preuves en si peu de temps. Les médecins conseils en santé publique de différentes régions du Canada ont démontré leur intérêt à appuyer d'une façon ou d'une autre cette initiative. On ne m'a pas expliqué en détail la forme que prendrait cet appui, mais je pense que bien des gens savent que plusieurs médecins conseils en santé publique, y compris celui de la Colombie-Britannique, ont exprimé haut et fort leur appui de cette initiative à la lumière des preuves scientifiques recueillies jusqu'ici.
    Pour ce qui est de la question du retranchement de la composante de réduction des méfaits de la stratégie antidrogue et de la diffusion de cette stratégie, non, notre groupe n'a pas été consulté à ce sujet.
    Parmi les autres, est-ce que certains ont été consultés?
    À Vancouver, on s'est inquiété de l'élimination du volet de réduction des méfaits de la Stratégie canadienne antidrogue. Nous avons consacré beaucoup de temps et d'énergie, sous la direction du maire Owen, à développer l'approche axée sur la réduction des méfaits dans les quatre volets, à obtenir la reconnaissance nécessaire et l'assentiment de la collectivité, et à faire en sorte que les gens réalisent que la réduction des méfaits est une composante essentielle d'une stratégie qu'on veut complète.
    Tout à l'heure, j'essayais de dire que le reste du monde, y compris l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, un organisme très conservateur de l'ONU, reconnaît que la réduction des méfaits est vraiment essentielle, du point de vue des droits de la personne et du point de vue de la santé publique. De plus en plus de pays incluent cet aspect dans leurs politiques publiques. Je recommande donc fortement au comité et au gouvernement fédéral de tenir compte de l'importance de la réduction des méfaits... de l'impact de sa suppression.
    Merci beaucoup, monsieur MacPherson.
    Madame Gagnon, c'est à vous.

[Français]

    Bonjour. Je vous remercie d'être parmi nous aujourd'hui.
    Ce n'est pas la première fois que le site Insite est menacé de fermeture. Je me souviens d'être allée à Toronto lors de la rencontre sur le VIH-sida. Il y avait eu une manifestation à Vancouver. Je m'étais jointe au groupe pour appuyer le financement du site Insite.
    Monsieur Mangham, vous m'avez un peu interpellée. Vous dites être un chercheur et être en mesure de dire que les recherches scientifiques sur la réduction des méfaits et le contrôle de la toxicomanie ne vous satisfont pas et que cela n'a donné aucun résultat. Par contre, on sent qu'il y a différentes idéologies. D'autres personnes sur le terrain et d'autres chercheurs arrivent à des conclusions tout à fait différentes. Deux témoins, en vidéoconférence, nous disent que pour eux, c'est une question de santé. Non seulement on pense à la réduction des effets, mais il faut considérer d'autres objectifs qui sont poursuivis par un des piliers de la réduction des méfaits, le site Insite.
    Qu'offre-t-il à cette population qui, de toute façon, consommerait dans des conditions peut-être plus pénibles et plus dangereuses pour la population? Vous avez dit que vous ne donniez pas votre aval aux recherches, mais que vous nous expliquiez votre point de vue en donnant vos chiffres et le type de recherche que vous avez faite pour contredire les recherches scientifiques, qui faisaient preuve d'objectivité quant à l'objectif poursuivi.
(1200)

[Traduction]

     Je vous remercie de poser cette question.
    Pour clarifier les choses, quand j'ai parlé de ce que j'ai écrit ou de l'un ou l'autre des articles ou documents qui ont été produits, je n'ai jamais dit qu'il s'agissait de recherche primaire, et ce n'est pas ce que j'ai laissé entendre quand on m'a posé des questions. Ces documents sont des critiques de la recherche, ce qui était pertinent. On se penche sur l'étude publiée, on examine les interprétations et on fait des commentaires.
     Dans ce cas-ci, la Gendarmerie royale du Canada avait demandé une deuxième opinion, parce qu'en résumé, d'après ce que j'ai compris, parfois on leur disait qu'ils n'avaient pas vraiment d'opinion ou qu'ils ne devraient pas en avoir. Je vois les choses autrement.
    J'ai donc examiné ces travaux de recherche. J'ai donné des cours au deuxième cycle. Un étudiant en première année de maîtrise peut lire les études et en faire la critique uniquement en fonction de la pertinence de ce qui est écrit. Dans ce que j'ai lu — et j'invite tout le monde ici à lire ces documents —, il y avait beaucoup de conclusions qui, finalement, n'en n'étaient pas vraiment.
     Par exemple, le fait de dire qu'il n'y a eu aucun décès par surdose à Insite n'est pas très significatif. Ma foi, j'espère que personne ne mourra d'une surdose à Insite, il y a une infirmière sur place. Cela ne veut pas dire qu'on sauve des vies. Dire qu'on sauve des vies... On ne peut pas dire ça. Et le fait que de 2 à 5 p. 100 des injections dans le Downtown Eastside — si je me souviens bien — ont lieu à Insite ne réduira pas la maladie.
    Je n'ai jamais dit que moi ou d'autres personnes... car nous n'avons pas les données en main; nous ne pouvons pas prendre les données pour les examiner ou pour faire de la recherche primaire... Mais une critique de la recherche, c'est très approprié.
    Je suis sûr qu'un étudiant diplômé en statistique verrait ce que j'ai vu, et je crois qu'il tirerait les mêmes conclusions. Il m'est arrivé de faire de la recherche pour le gouvernement dans des situations où on sentait vraiment qu'il fallait réussir. Je ne peux pas dire si c'était le cas ici. C'est une possibilité, mais je ne peux pas savoir dans quel état d'esprit cela a été écrit.
    Il ne s'agit pas ici d'un manque de respect de ma part. Mon document et les deux autres remettent en question ce qui s'est passé avec cette recherche, et nous nous demandons si le fait de ne causer aucun tort justifie les dépenses. C'est moi qui suis allé le plus loin, en suggérant que beaucoup d'éléments indiquent... L'une des choses qui me dérangent, c'est quand on dit que les personnes qui s'opposent au projet le font sur une base idéologique, mais que ce n'est pas le cas de ceux qui sont en faveur d'Insite. Toute personne intelligente qui lit ce qui est écrit et qui examine les arguments en faveur d'Insite y verra une idéologie.
    Je voudrais aussi ajouter quelque chose pour répondre à la question sur la réduction des méfaits et la raison pour laquelle le volet a été supprimé. Je crois que cela a un lien avec la façon dont les choses se sont déroulées. Comme je pratique sur le terrain, j'ai vu très rapidement que ce qui devait être quatre volets devenait un seul volet. Autrement dit, la réduction des méfaits était le principe directeur et on en retrouvait l'empreinte dans les volets du traitement, de la prévention et de l'application de la loi, de sorte que la prévention n'était plus de la prévention. On parlait plutôt de consommation problématique.
    Je crois que le gouvernement a réagi à cela: « Attendez une minute. Le Canada va adopter une approche plus souple et plus libérale par rapport aux drogues. » Cette approche, la plupart des parents et des grands-parents, et bien d'autres personnes, ne la trouveraient pas acceptable, du moins je l'espère. D'après moi, c'est ce qu'ils ont fait.
     Et je n'ai pas été consulté non plus.
     Voilà votre réponse.
(1205)
    Merci, monsieur Mangham.
    Nous passons maintenant à Mme Davies.
    Combien de temps avons-nous pour les questions et réponses?
    Sept minutes.
     Tout d'abord, je tiens à remercier les témoins de leur présence ici, aujourd'hui. C'était un plaisir d'entendre parler à la fois de votre expérience de spécialiste et de l'expérience vécue dans le milieu, telle que nous l'a décrite la Portland Hotel Society.
    D'une certaine façon, il est étonnant que nous nous trouvions ici, en 2008, à débattre de la question de la réduction des méfaits. Comme Donald, je crois, l'a souligné, 82 pays dans le monde sont en faveur de la réduction des méfaits. Je pense que beaucoup d'entre nous ont présumé et cru que les programmes que nous avons ici, au Canada, fonctionnaient. Ils sont bien accueillis, ils fonctionnent au niveau local; alors pourquoi diable sommes-nous encore ici aujourd'hui à discuter de cette question? Je pense que nous savons pourquoi. Nous aurons l'occasion d'entendre le ministre plus tard.
    Insite se trouve dans ma circonscription de Vancouver-Est, et je peux vous dire que je suis très contente de cela. Je me souviens qu'à ses débuts, le projet était très controversé. Beaucoup d'entre nous ont été mêlés aux luttes qui se sont livrées au sein de la collectivité. Aujourd'hui, sans l'ombre d'un doute, le programme jouit de l'appui du milieu des affaires, des commerçants du Chinatown, de la police, du Vancouver board of Trade, du premier ministre de la province, du ministre de la Santé — et la liste s'allonge. En fait, je ne connais personne qui désapprouve le programme, sauf M. Mangham et le ministre.
    Aussi, je crois que l'un des problèmes avec lequel nous sommes aux prises est que les gens butent sur la terminologie, cette expression de « réduction des méfaits ».
    Heather, vous avez fait référence aux services à exigences peu élevées. M. MacPherson, vous avez mentionné que la ville s'est penchée longuement sur l'importance des services à exigences peu élevées. Neil Boyd cite M. Small de la Portland Hotel Society, qui disait que le programme Insite s'adresse à une clientèle d'individus blessés. Il s'agit d'amener les gens jusqu'à la porte d'entrée, de les sortir de la rue pour les amener à la porte.
     Je me demande si Heather et Donald, et peut-être Liz, pourraient nous en dire un peu plus sur la nature des services à exigences peu élevées, afin d'essayer de faire passer l'idée que nous parlons de choses qui fonctionnent réellement. Nous en avons une preuve plus que suffisante. Mais en quoi consistent les services à exigences peu élevées, et comment pourrait-on les décrire?
    Les services à exigences peu élevées sont les services de soins de santé qui sont déployés et dispensés aux clients là où ils se trouvent. L'accès aux soins de santé primaires, de même qu'à certaines de nos cliniques — nous avons ouvert 5 nouvelles cliniques dans le Downtown Eastside en dix-huit mois, constitue souvent un obstacle pour les gens qui requièrent nos services. Il s'agit donc de dispenser les soins de santé là où les gens se trouvent.
    Dans le cadre du programme Insite, nous avons fourni des services à plus de 7 000 personnes. Nous avons effectué au delà de 14 000 interventions en soins infirmiers l'an dernier. Cela signifie que le client qui franchit notre seuil peut obtenir de l'aide sous forme de soins infirmiers, de traitement des plaies et de la peau, d'immunisation, d'accès à des traitements de désintoxication et de remèdes contre la grippe. De plus, il peut trouver quelqu'un à qui parler s'il souhaite se rendre dans un endroit où il pourra se rétablir et changer de vie. Si nous n'étions pas là, cet individu serait dans une ruelle ou dans une chambre d'hôtel. Il en serait réduit à errer dans le voisinage, livré à lui-même et sans possibilité de se faire traiter.
    Nous avons un centre de contact, qui correspond à un service à exigences peu élevées. On entre en contact avec les gens qui vivent dans la rue et on leur fournit les outils dont ils ont besoin pour passer des services à exigences peu élevées à un programme de traitement plus élaboré. Nous avons aussi des travailleurs de la rue, qui font également partie des services à exigences peu élevées, car, souvent, les professionnels eux-mêmes représentent un obstacle pour les gens qui doivent avoir accès à des traitements. Nous sommes également stigmatisés aux yeux de cette clientèle. Il est donc très important pour nous de travailler en partenariat avec le milieu et les pairs sans avoir des exigences trop élevées.
(1210)
     Merci pour la question.
    En réalité, les services à exigences peu élevées, pour moi... Heather l'a expliqué, mais en fin de compte, je vois cela, dans mon esprit, comme un triangle. Si l'on conçoit la partie inférieure du triangle comme étant la base par laquelle nous faisons entrer les gens dans le système, et le sommet du triangle, comme le point de sortie en ce qui concerne le traitement, on constate que la base du triangle doit être large et rejoindre les gens dans la rue. Il y a des milliers de personnes dans notre collectivité qui souffrent de toxicomanie et sont sans abri, sans compter leurs problèmes d'ordre social, et les mécanismes de soins de santé habituels n'arrivent tout simplement pas à les atteindre.
    La base du triangle représente une façon d'entrer en contact avec les gens afin qu'ils acceptent de recevoir les services. Si nous élevons les exigences et que nous disons « Voici les conditions que vous devez remplir pour bénéficier de soins de santé », nous nous trouvons à exclure automatiquement des centaines, voire des milliers d'individus.
    Donc, l'argument, et manifestement la preuve qui démontre que les programmes à exigences peu élevées mobilisent les gens, porte vraiment, je pense, sur le traitement. S'il n'y avait pas de site d'injection supervisé, nous ne serions pas en mesure d'inciter des tas de gens à suivre un traitement. C'est un fait, car nous savons maintenant, depuis que nous avons mis en place le programme Insite et le programme Onsite juste au-dessus, que, simplement depuis l'automne, plus de 250 personnes sont passées par le centre de traitement et de désintoxication situé juste au-dessus du site d'injection supervisé. Encore une fois, il s'agit là d'une forme de traitement à exigences peu élevées, car nous savons que si ce programme de traitement et de désintoxication n'avait pas été associé au site d'injection supervisé, ces gens n'auraient jamais franchi notre seuil. Simplement depuis la fin de septembre, on compte plus de 50 toxicomanes qui se sont engagés dans un traitement à long terme après avoir franchi le seuil du site d'injection supervisé.
    Et les 5 p. 100 correspondent au nombre de toxicomanes qui fréquentent le site de façon régulière et que l'on tente de cibler, soit les individus les plus marginalisés et les moins susceptibles de recourir aux services médicaux habituels...
    Merci.
    Puis-je simplement ajouter une chose rapidement? Si le pourcentage des toxicomanes au sein de la collectivité qui ont accès au site est peu élevé, c'est parce que le site lui-même a atteint son maximum absolu, qu'il fonctionne à pleine capacité.
    Merci, madame Evans.
    Monsieur Fletcher.
    Merci, madame la présidente. Je partagerai mon temps avec M. Tilson.
    Je crois qu'il est important d'être clair quant aux implications réelles de l'exemption. Il semble y avoir un certain malentendu à ce sujet.
    Toutes les activités dont Mme Evans et Mme Hay ont parlé — traitement des plaies, échange d'aiguilles, aide psychologique, soins infirmiers, tout cela — se poursuivront, que l'exemption soit prolongée ou non. Cela s'inscrit clairement dans la mission de Insite, et je crois que tous sont d'accord pour permettre aux gens d'obtenir des soins. Comme vous le dites, il est important que ces soins soient dispensés à proximité de l'endroit où vivent ces gens. La question de l'exemption ne vise que l'usage illégal des stupéfiants, et je crois qu'il s'agit là d'un très grave problème.
    Ma question s'adresse à M. Mangham.
    Vous avez fait état du pourcentage des injections de drogue. J'ai l'étude en main, et votre mémoire vous a bien servi: il y a effectivement moins de 5 p. 100 de toutes les injections qui sont faites à Insite. Je me demande alors si cela ne contribue pas à miner considérablement l'idée de réduction des méfaits. Si 95 p. 100 des injections se font ailleurs que dans le cadre du programme, je présume qu'une très large part des méfaits causés par la toxicomanie échappe au programme.
    Si 5 p. 100 des injections se font là-bas, cela revient à dire que 95 p. 100 se font ailleurs; mais à mon avis, le problème, c'est que ce n'est pas étonnant. Il faudrait probablement plus de discussions et d'objectivité que nous n'en avons eu. Pendant bon nombre d'années — je parle à partir de mon expérience personnelle, et c'est la vérité — si vous n'étiez pas d'accord à propos de la réduction des méfaits, vous n'aviez pas voix au chapitre, surtout en Colombie-Britannique.
    L'adhésion inconditionnelle à cette philosophie nous porte à défendre tout ce qu'elle implique. C'est la nature humaine. J'ai un faible pour les Chevrolet et je les défendrais même s'ils n'étaient bons que pour la ferraille. De même, je suppose, sur une note plus sérieuse, je me fais le défenseur de la prévention, même si l'idée de la prévention primaire peut ne pas plaire à certains. Pour ma part, j'en suis friand.
    De même, je n'ai rien contre cela; mais quand il s'agit d'une opinion unilatérale et que vous excluez, que vous dénigrez, voire menacez les gens qui sont en désaccord avec vous, alors vous n'êtes pas intéressé, j'imagine, à savoir ce qu'il advient de ce 95 p. 100 et si l'on peut faire mieux.
    S'il y a une chose que je voudrais dire, c'est que le triste statu quo dont nous parlons — et en passant, il n'y a personne ici qui pense que quiconque dans le Downtown Eastside ou ailleurs devrait... J'aimerais leur venir en aide; il ne s'agit pas de laisser les gens mourir. Je crois qu'il y a de meilleures façons de faire qui n'ont pas encore été examinées.
    Il n'y a pas eu de groupe témoin, il n'y a pas eu d'autres interventions, et le statu quo est le fruit d'années pendant lesquelles on n'a rien fait en matière de traitement. Il est donc un peu hypocrite de dénigrer le statu quo qu'on a créé du fait que, pendant des années, on a parlé de réduction des méfaits et qu'on ne s'est pas vraiment intéressé au traitement. C'est ce qui s'est produit.
(1215)
     Merci. Je n'ai déjà plus beaucoup de temps.
    Je crois que c'est la raison pour laquelle le gouvernement investit des dizaines de millions de dollars dans Insite.
    En passant, je comprends ce que peuvent ressentir les gens qui ont essuyé des menaces. J'ai eu un aperçu de ce à quoi vous faites peut-être allusion quand mon bureau de circonscription a reçu la visite de certains activistes pro-Insite et a été vandalisé, ce qui ne contribue guère à faire avancer le débat public.
    Quoi qu'il en soit, monsieur Thompson, a-t-on accru la présence policière autour de l'établissement abritant Insite?
    Au début, durant la première année, nous avons obtenu des fonds supplémentaires du Vancouver Coastal Health dans le cadre de l'Accord de Vancouver pour affecter deux policiers supplémentaires à la surveillance du quadrilatère, à l'époque où Insite a ouvert ses portes. Le secteur bénéficiait déjà d'une forte présence policière, plusieurs agents étant affectés à la patrouille à pied. À la fin de cette année-là, la source de financement s'est tarie, et nous avons dû alors nous satisfaire de notre effectif régulier de policiers affectés à la surveillance de la rue.
    Merci, monsieur Thompson. Merci également à vous, monsieur Fletcher.
    Le ministre est arrivé.
     Nous allons prendre une pause de trois minutes, le temps de réorganiser les choses.
    Merci.
(1215)

(1220)
    Je vous prierais tous de regagner vos sièges afin que nous puissions reprendre la séance. Merci beaucoup.
    Nous sommes ravis que le ministre de la Santé, l'honorable Tony Clement, puisse se joindre à nous aujourd'hui, en compagnie du sous-ministre et du Dr Butler Jones. Je suis très heureuse que nous ayons le temps d'écouter l'exposé du ministre, après quoi ce dernier répondra aux questions.
    La parole est à vous, monsieur le ministre.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Mesdames et messieurs, bonjour.

[Français]

    Mesdames et messieurs, bonjour. Merci d'avoir pris le temps de venir ici et de m'avoir donné l'occasion de prendre la parole et de répondre à quelques-unes des déclarations faites aujourd'hui.
    En tant que parlementaires, nous voulons et devons tous comprendre notre pays, examiner les choix de politiques gouvernementales de l'avenir, puis recommander ou prendre des décisions qui serviront au mieux les intérêts de la population canadienne. C'est d'ailleurs le but des travaux du comité et de mon travail comme ministre de la Santé.

[Traduction]

     Nous sommes tous ici parce que nous voulons ce qu'il y a de mieux pour les Canadiens, notamment les personnes toxicomanes qui ont besoin de notre aide et de notre soutien, et celles qui n'ont aucun problème de drogue mais qui veulent protéger leurs enfants, leur famille et leur collectivité de la criminalité qu'entraîne inévitablement la consommation de drogues.
    Vous avez entendu de nombreux témoins aujourd'hui qui, sans aucun doute, ont des opinions bien arrêtées sur la réduction des méfaits et sur la meilleure façon d'aider les toxicomanes qui tentent de reprendre leur vie en main.
    Plus tôt cette semaine, nous avons reçu la décision du juge Pitfield de la Cour suprême de la Colombie-Britannique, qui déclarait que la Loi canadienne réglementant certaines drogues et autres substances allait à l'encontre de l'article 7 de la Charte des droits et libertés, et que le site d'injection supervisé de Vancouver devait être considéré comme étant un « centre de santé ». Dans sa décision, le juge Pitfield accorde une exemption à Insite jusqu'en juin 2009.
    À ce stade-ci, j'aimerais préciser que je respecte la décision du juge Pitfield, mais que je ne l'appuie pas. Bien que je comprenne et partage ce désir de manifester de la compassion, je crois qu'il s'agit d'une compassion malvenue. Les toxicomanes ont besoin d'être traités. Voilà pourquoi j'ai annoncé un investissement de plus de 150 millions de dollars en traitements au cours des derniers mois. Je suis convaincu du bien-fondé de ces traitements, car en tant que ministre de la Santé, j'ai parlé à une foule de gens: des toxicomanes, d'anciens toxicomanes, des chercheurs d'ici et d'ailleurs, des maires, des conseillers municipaux et autres élus, des policiers, des porte-parole de tous les partis et, bien sûr, des parents et des jeunes qui aspirent uniquement à se libérer du fléau que représentent les drogues illégales dans notre société.
    Il y a plus d'un an, j'ai visité Insite, et j'ai fait le tour d'autres établissements dans le Downtown Eastside pour voir leur façon de procéder et me renseigner sur le but et les résultats de leurs interventions.
    Une chose que nous avons constatée, c'est que les gens ont de profondes convictions, qu'ils défendent avec ardeur et fermeté.
    C'est un domaine de la politique gouvernementale où les opinions sont plutôt tranchées.
    Alors, étant donné l'importance de la décision d'en appeler ou non, j'aimerais offrir au comité mon évaluation du programme Insite, à la lumière des facteurs qui, à mon avis, sont les plus pertinents, c'est-à-dire la science et la politique gouvernementale.
(1225)

[Français]

    Il ne fait aucun doute que la science aide à définir les politiques gouvernementales. Ces politiques tiennent toutefois compte d'un plus grand éventail d'enjeux, dont les aspirations de la société en matière de justice pénale de même que les principes et le cadre d'éthique sur lesquels nous voulons fonder nos décisions stratégiques. Tous ces éléments ont un lien avec notre examen d'Insite et doivent être pris en considération.

[Traduction]

    En ce qui concerne la science, j'ai lu bon nombre des études publiées au sujet du programme. En plus de la crédibilité que leur confère le fait d'avoir été publiées, ces études ont d'éloquents défenseurs qui soutiennent que leur position est la bonne. Beaucoup d'entre elles sont des mêmes auteurs qui, bien franchement, cultivent leur jardin avec régularité et vertu. À vrai dire, même si dans notre société libre les scientifiques ont toujours la possibilité de défendre leur position, j'ai constaté que la ligne de démarcation entre les opinions scientifiques et la promotion de la cause est parfois difficile à distinguer dans l'évolution du dossier Insite.
    L'examen de ces études par le comité consultatif d'experts agissant sans lien de dépendance avec le gouvernement, par Santé Canada et par les milieux scientifiques au Canada et à l'étranger a donné des résultats qu'on ne peut que qualifier de « mitigés ». Par exemple, Insite a effectivement favorisé une hausse du nombre de traitements; néanmoins, de 2004 à 2005, à peine 3 p. 100 de ses clients ont été envoyés dans des centres de traitement de longue durée. Les études étaient si peu concluantes que le rapport propose de nouvelles voies de recherche; mais personne ne peut dire si cinq autres années de recherche nous éclaireront davantage.
    Par ailleurs, le rapport du comité consultatif d'experts conclut que la recherche sur Insite est incertaine. Par exemple, après cinq années d'étude intensive, les chercheurs ne savent toujours pas avec certitude si Insite aide à prévenir un tant soit peu la propagation des maladies transmises par le sang, dont le VIH ou sida, ou encore si les avantages qu'il procure relativement aux injections l'emportent sur son coût de trois millions de dollars par année. Dans son rapport, le comité consultatif d'experts émet de nombreuses mises en garde au sujet des limites de la recherche.
    Enfin, que savons-nous au juste à propos des injections sous surveillance à Insite? Nous devons laisser de côté les autres services offerts par le centre, tels que l'échange de seringues ou la distribution de condoms, qu'on trouve, il faut bien le dire, dans beaucoup d'autres endroits partout au Canada et qui n'ont rien à voir avec les injections sous surveillance.
    Mais nous savons ceci: Insite est fréquenté par environ 500 habitués. Jusqu'à 97 p. 100 des injections, soit 4,4 millions d'injections par année, se font ailleurs qu'à Insite. Depuis l'ouverture du centre, il y a eu 50 décès par surdose chaque année dans le Downtown Eastside. Rien n'indique clairement que le site d'injection supervisé ait une incidence sur le taux de décès par surdose. En fait, selon le comité consultatif d'experts, Insite sauve environ une vie par année.
    Ma tâche en tant que ministre de la Santé est de soupeser cette vie sauvée et les éventuels méfaits de l'injection sous surveillance, lesquels pourraient coûter la vie à quelqu'un d'autre ailleurs. C'est là tout un défi. Il y a des gens qui, à la lecture de ces affirmations, croient que l'injection sous surveillance est indéniablement une réussite. Pour ma part, je pense que nous pouvons faire mieux que sauver une vie par année. Et nous devons faire mieux.
    En outre, d'autres études mettent en doute la pertinence de l'injection sous surveillance. Garth Davies, de l'Université Simon Fraser, déclarait récemment dans un article approuvé par des pairs:
Les études antérieures [sur les centres d'injection supervisés] sont compromises par une série de lacunes, notamment l'insuffisance de données de base, de clarté conceptuelle et opérationnelle, des critères d'évaluation inadéquats, l'absence de contrôle statistique, un manque de modèles longitudinaux et l'inattention à la variation intrasite. Cet examen suggère qu'il n'est pas possible de corroborer une part importante des preuves couramment citées en ce qui concerne l'incidence des centres d'injection supervisés.
    L'an dernier, dans une étude de faisabilité d'un centre d'injection supervisé à Victoria, le Centre for Addictions Research of B.C. déclarait qu'« il n'y a pas, à ce jour, de preuve épidémiologique confirmant une diminution de la transmission des maladies infectieuses... parmi la clientèle » des centres d'injection supervisés, que « la rentabilité des centres d'injection supervisés est difficile à établir », et que « les preuves d'efficacité des centres d'injection supervisés sont moins concluantes que ce que leurs défenseurs... auraient pu souhaiter ».
    Ce rapport citait d'ailleurs les propos d'un toxicomane qui trouvait ridicule d'avoir un centre de consommation supervisée alors que les gens ont besoin de logements, de refuges et de services essentiels.
    Permettez-moi maintenant d'aborder la question de la politique gouvernementale, car si les opinions scientifiques sont partagées, la politique gouvernementale, elle, est claire.
(1230)

[Français]

    Permettez-moi d'aborder maintenant la question de la criminalité et de la prévention du crime. Certains partisans ont affirmé qu'Insite avait eu un effet positif ou n'avait eu aucun effet sur la criminalité dans le quartier Downtown Eastside.

[Traduction]

    S'il est vrai que le taux global de criminalité n'a pas augmenté avec l'arrivée du projet Insite, il est également vrai que la police de Vancouver a ajouté 65 policiers de faction dans les rues du Downtown Eastside durant cette période. Plusieurs policiers y voient la vraie raison pour laquelle les statistiques sur la criminalité n'ont pas monté en flèche. En fait, le comité consultatif d'experts souligne dans son rapport que le toxicomane type a besoin d'environ 35 000 $ par année pour maintenir ses habitudes de consommation et que, pour générer 35 000 $ de revenus, il faut commettre des crimes pour un montant équivalent à 350 000 $ environ. Donc, mesdames et messieurs, nous parlons ici de crimes qui sont perpétrés contre des citoyens respectueux des lois et dont le montant s'élève à des centaines de millions de dollars.
    En tant que parlementaires, nous nous engageons sous serment à respecter la primauté du droit. Nous serions prêts à donner notre vie pour cette cause, et lorsque nous disons simplement la vérité, que nous reconnaissons les crimes pour ce qu'ils sont, nous défendons la primauté du droit et démontrons notre respect à cet égard. Il y a toujours eu et il y aura toujours des gens qui enfreignent la loi. Cela ne veut pas dire, toutefois, que nous renonçons à la loi — le désordre total régnerait si nous agissions ainsi.
     L'inspecteur John McKay, du service de police de Vancouver, agent de service dans le Downtown Eastside où est situé le site d'injection supervisé, a décrit les problèmes qui sont apparus par suite de l'ouverture du centre. Il craint un éventuel dérapage et nous prévient de ce qui pourrait arriver. L'inspecteur McKay écrit — et on me permettra de le citer à peu près intégralement — ce qui suit:
    [Traduction]

En 2001, la ville de Vancouver a mis en œuvre une stratégie appelée Approche des quatre piliers qui comporte une exemption à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances accordée par le gouvernement fédéral afin de créer le centre d'injection supervisé du Downtown Eastside.
Pour appuyer le volet d'exécution de la loi de la stratégie des quatre piliers, et pour éviter que la situation ne dégénère complètement, le service de police de Vancouver a affecté 65 policiers à un secteur composé de cinq pâtés de maisons autour du centre d'injection supervisé. Cette escouade est maintenant connue sous le nom de Beat Enforcement Team.
J'ai été assigné comme agent responsable en septembre, avant l'ouverture du centre d'injection supervisé.
Le centre d'injection supervisé a ouvert ses portes en septembre 2003. Des cafés au lait et des t-shirts ont été donnés aux toxicomanes. Une partie de l'établissement a été conçue pour servir de centre d'inhalation de drogues.
Lorsque le centre d'injection supervisé a ouvert, le service de police de Vancouver a convenu de n'arrêter personne et de ne porter aucune accusation contre ceux qui se dirigeaient vers le centre avec des drogues illégales en leur possession, et ce, dans un rayon de cinq pâtés de maisons. Les policiers étaient plutôt tenus d'accompagner les toxicomanes à pied jusqu'au centre d'injection.
Cette politique de ne pas porter d'accusation crée une « culture des droits acquis » chez les toxicomanes, qui n'ont qu'à dire qu'ils se rendent au centre d'injection supervisé pour ne pas être poursuivis.
La Vancouver Union of Drug Users, qui tient un rassemblement annuel anti-policier à l'extérieur du poste de police situé au 312, rue Main, où travaille le personnel du Beat Enforcement Team, défend cette culture des droits acquis.
En 2006, la culture des droits acquis était tellement bien implantée que les toxicomanes consommaient des drogues au vu et au su de tous aux arrêts d'autobus, dans les cours d'école ou devant les commerces. Avec l'appui de la Couronne, le service de police de la ville de Vancouver a informé le personnel de la Vancouver Coastal Health Authority et du centre d'injection supervisé que les personnes prises à consommer de la drogue, par inhalation ou injection, dans ces lieux seraient poursuivies au criminel. Le public appuyait largement cette mesure; toutefois, la Vancouver Coastal Health Authority a accusé le service de police de Vancouver de ne pas soutenir le principe de la réduction des méfaits.
En 2004, le maire Campbell a tenu sa conférence sur les stratégies antidrogue. La stratégie de prévention retenue consistait à légaliser toutes les drogues psychoactives afin que les toxicomanes ne soient pas lésés par une condamnation criminelle et la stigmatisation. En 2004, j'ai assisté à la réunion du comité directeur du centre d'injection supervisé, à laquelle participaient des représentants de la Vancouver Coastal Health Authority, de la Gendarmerie royale du Canada et de la Portland Hotel Society, ainsi que les auteurs de la stratégie dite des quatre piliers. La Vancouver Coastal Health Authority voulait mettre en œuvre le volet inhalation et aller de l'avant avec les injections assistées. Je me suis opposé à cette motion et la direction du service de police de Vancouver m'a appuyé. En 2005, j'ai assisté à une des réunions mensuelles organisées pour les personnes intéressées par l'Accord de Vancouver. Cette réunion avait pour but de définir une vision pour 2006 et les années subséquentes pour le centre-est de Vancouver, en vertu de laquelle on envisageait de désigner un lieu où certains articles du Code criminel et de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances ne s'appliqueraient pas.

    L'inspecteur McKay n'écrivait pas dans une tour d'ivoire. Il est l'agent responsable des cinq pâtés de maisons autour du centre d'injection supervisé. Il ne veut pas gagner de concours de popularité. Il dit simplement la vérité. Il voit le risque de dérapage que nous courons lorsque nous décidons d'ignorer la primauté du droit.
(1235)
    En 2006, le taux de violence et d'infraction contre les biens à Vancouver était le deuxième en importance parmi toutes les grandes villes des États-Unis et du Canada. Les Vancouverois respectueux de la loi commencent à réaliser que ce qui a été présenté comme le crime sans victimes - le commerce de la drogue - n'est pas sans victimes du tout.

[Français]

    L'approche adoptée par le Canada, celle de faire mine de rien alors que des crimes sont commis, devient un enjeu international. Depuis plusieurs années, l'Organe international de contrôle des stupéfiants, un organisme des Nations Unies, pointe du doigt le Canada dans son rapport annuel, disant qu'il est en violation d'un certain nombre de traités et de conventions antidrogue.

[Traduction]

    Permettez-moi maintenant de parler de la vision de notre gouvernement quant à la réduction des méfaits et de sa place dans notre nouvelle Stratégie nationale antidrogue. Nous voyons la réduction des méfaits comme faisant partie des trois autres piliers - soit l'application de la loi, la prévention et le traitement.
    C'est pourquoi, par exemple, j'ai annoncé le mois dernier le versement de 111 millions de dollars destiné aux provinces et aux territoires pour le traitement et un investissement de 30 millions de dollars pour les programmes à l'intention des toxicomanes d'origine autochtone. Le 14 mai, en compagnie du maire Sullivan, j'ai également annoncé la création d'un fond de 10 millions de dollars dédié au centre-est de Vancouver...
    Madame la présidente, j'invoque le Règlement. Avez-vous l'intention de lui accorder une minute de plus?
    Cet investissement permettra l'ouverture de 20 nouveaux lits réservés au traitement des travailleuses de l'industrie du sexe et permettra à une équipe de médecins, de personnel infirmier et de thérapeutes de parcourir les rues à la recherche des personnes en difficulté extrême en vue de les aider.
    Je suis ravi, en fait, d'annoncer aujourd'hui qu'en plus des 10 millions de dollars octroyés à Vancouver, notre gouvernement versera 2 millions de dollars pour le traitement des toxicomanies chez les Autochtones du centre-est. Nous consultons actuellement des ONG locaux afin de déterminer la meilleure façon d'utiliser cet argent.

[Français]

    En tant que ministre fédéral de la Santé, je tente de prêcher par l'exemple dans ce domaine, car je crois que c'est ce qu'il faut faire. Nous devons réduire les écarts entre les options de traitement offertes aux riches et aux pauvres du Canada.

[Traduction]

    Les gens bien nantis qui développent une dépendance aux drogues peuvent être admis dans des centres de réhabilitation privés dispendieux pour des mois, si c'est ce dont ils ont besoin. Mais nous offrons des injections supervisées, des échanges d'aiguilles et des pipes à crack aux Canadiens les plus pauvres, qui vivent dans des conditions d'extrême pauvreté, et qui sont aux prises avec une toxicomanie qui peut être surmontée. Nous offrons des programmes d'entretien plutôt que des programmes de traitement. C'est comme si nous leur disions: « Nous avons perdu tout espoir. Nous ne nous attendons pas à ce que vous vous rétablissiez. »
    Il y a quelques semaines, le maire Sam Sullivan de Vancouver, a qualifié le centre d'injection supervisé de « soins palliatifs » dans une éditorial du quotidien The Globe and Mail. Cette opinion a également été exprimée dans le rapport d'un comité établi par l'association médicale de la Colombie-Britannique en 1997 — les auteurs qualifiaient la réduction des méfaits de « soins palliatifs des traitements des toxicomanies ».
    Les soins palliatifs sont ceux qui sont donnés à une personne lorsqu'il n'y a plus d'espoir. Ils sont donnés en phase terminale lorsque toutes les autres solutions ont échoué et que nous attendons que la personne meure. Mais les utilisateurs de drogues injectables ne sont pas mourants. Il y a toujours de l'espoir pour eux. Même s'ils n'ont pas réussi à suivre le traitement la première fois, nous pouvons les aider à se relever et à essayer de nouveau. En termes purement médicaux, il n'est pas éthique d'offrir des soins palliatifs lorsqu'un traitement existe.
    Le manque de places en centre de traitement du centre-est est reconnu...
    Je souhaite invoquer le Règlement, madame la présidente.
    ... bien que j'insiste pour dire que les gens d'Insite ont de très bonnes intentions, je crois que le centre lui-même...
    Je souhaite invoquer le Règlement, madame la présidente.
    Oui, Dre Fry.
    Avec tout le respect que je dois au ministre, j'aimerais savoir combien de temps encore durera sa déclaration.
    Environ deux minutes.
(1240)
    Nous avions fixé une certaine période pour les autres témoins.
    Vous disposerez de 15 minutes. Vous serez aussi la première à poser vos questions.
    Ce n'est pas là ma question. Nous avons interrompu d'autres témoins.
    Il faut respecter le temps imparti, et lui, il ne le fait pas.
    Dre Fry, il ne lui reste que deux pages. Vous aurez ensuite 15 minutes pour poser vos questions. Pouvons-nous continuer?
    Madame la présidente, vous ne m'avez même pas laissé poser ma question relative au Règlement. J'ai été interrompue par d'autres personnes dans la pièce. J'aimerais poser une question.
    Nous avions accordé un certain temps aux autres témoins, et la plupart ont été interrompus avant d'avoir terminé. Je propose que le ministre termine le plus rapidement possible. Il a déjà bien dépassé les 15 minutes qui lui étaient allouées.
    D'accord. Merci.
    Vous pouvez poursuivre, monsieur le ministre.
    Merci.
    Le manque de places en centre de traitement dans le centre-est est reconnu, et bien que j'insiste pour dire que les gens d'Insite ont de très bonnes intentions, je crois que le centre lui-même témoigne d'un échec de la politique publique, et par conséquent, d'un manque de jugement éthique. En conclusion, j'affirmerais que, même si les opinions scientifiques sont partagées, la politique publique est claire.
    J'aimerais vous parler de l'éthique du détournement. Chaque dollar dépensé au centre d'injection supervisé est détourné du traitement qui mène au rétablissement complet.
    Je vais vous en faire la démonstration mathématique en donnant un exemple. Le centre de traitement de vingt places, dont j'ai fait l'annonce le 14 mai, permettra de traiter 80 femmes par année, ou 400 femmes pendant ses cinq années d'activité. Avec le seul montant qui y est consacré, une travailleuse du sexe du centre-est sur quatre pourra sortir du cycle de la dépendance, de la violence, de la victimisation, du crime et de l'abus. C'est une initiative dont je suis très fier et pour laquelle je félicite notre partenaire, la Vancouver Coastal Health Authority.
    Maintenant, si les trois millions de dollars qui sont utilisés annuellement pour faire fonctionner Insite étaient utilisés pour des places en centre de traitement plutôt que pour l'injection, 1 200 travailleuses du sexe de plus pourraient obtenir de l'aide au cours de ces cinq années. Ensemble, nous pourrions faire en sorte que chacune des travailleuses du sexe du centre-est ait la chance de sortir de sa triste vie au cours des cinq prochaines années. Ces femmes pourraient avoir l'espoir d'une vie meilleure.
    Trente-huit pour cent des visites à Insite sont faites par des travailleuses du sexe. Est-il judicieux ou éthique d'utiliser cet argent pour maintenir ces personnes dans la dépendance aux drogues plutôt que de les sortir de la rue? S'agit-il vraiment de compassion? Je ne crois pas.
    Comme je l'ai mentionné, les données démontrent que le programme d'injection d'Insite permet de sauver, au mieux, une vie par année. Une vie précieuse, c'est vrai. Mais, je crois que nous pouvons et que nous devons faire mieux. Nous pouvons faire mieux que simplement entasser des gens dépendants aux drogues pour leur donner des soins palliatifs.
    Si c'était mon fils ou ma fille qui était coincé dans la misère du centre-est, je voudrais que des travailleurs de la santé — et mon gouvernement, encore davantage — ne baissent pas les bras devant mon enfant et m'aident à rétablir les liens avec lui, à le réintégrer dans la société et à lui faire recouvrer la santé et le bien-être. C'est à cela qu'est destinée la Stratégie nationale antidrogue de notre gouvernement, et c'est à cela que nous devons penser lorsque nous examinons la question de l'exemption à Insite.
    En tant que ministre de la Santé, je peux vous dire que les drogues illicites qui sont visées par les stratégies de réduction des méfaits au centre d'injection supervisé sont nocives pour la santé humaine. Il n'y a pas de débat sur cette question. Les effets à long terme de l'héroïne comprennent notamment des veines collabées, l'infection du revêtement ou des valvules cardiaques, des abcès et des maladies du foie. Les héroïnomanes qui vivent dans les rues souffrent souvent de complications pulmonaires ou de pneumonie. La consommation de cocaïne peut entraîner des arrêts cardiaques ou respiratoires. Les additifs et les impuretés qui se trouvent dans toutes les drogues de la rue peuvent ne pas se dissoudre et entraîner l'obstruction des vaisseaux sanguins qui alimentent les poumons, le foie, les reins ou le cerveau, ce qui causera une infection ou même la mort. Malheureusement, nous prévoyons — et constatons — environ 50 décès par surdose à Vancouver chaque année.
    À mon avis, l'injection supervisée ne représente pas un traitement médical, car elle ne permet pas de guérir la personne toxicomane. Chaque injection, au même titre que l'injection d'héroïne et de cocaïne, fait du tort à la personne sur le plan physique, en plus d'aggraver et de prolonger le problème de toxicomanie.
    Les programmes destinés à maintenir l'injection surveillée détournent de précieux dollars qui seraient autrement consacrés au traitement...
    C'est devenu un exposé d'une demi-heure.
    ... Et les centres d'injection supervisés financés par le gouvernement envoient un message discordant aux jeunes qui envisagent la consommation de drogue.
    Pour ces raisons, madame la présidente et chers collègues du comité, je tiens à vous dire aujourd'hui que je demanderai à mon collègue, Rob Nicholson, ministre de la Justice, d'en appeler de la décision du juge Pitfield le plus tôt possible.
    Je vous remercie et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
    Des voix: Bravo!
    À l'ordre! Je demande qu'on maintienne l'ordre afin que tout le monde puisse rester dans la salle.
    Nous allons maintenant passer aux questions, en commençant par vous, madame Fry. Vous disposez de 15 minutes. Merci.
(1245)
    Merci, madame la présidente.
    J'ai été médecin praticien pendant 22 ans au centre de Vancouver, en plein coeur de la ville. J'ai eu de nombreux patients toxicomanes et de nombreux patients engagés dans le commerce du sexe. J'ai acquis une grande expérience en la matière.
    Je tenais à le préciser. J'étais également la ministre fédérale responsable de l'Accord de Vancouver qui a encadré la création d'Insite. J'ai donc une connaissance approfondie de la question, et je sais pourquoi Insite a été créé et en quoi consistait le projet.
    Le ministre de la Santé s'en remet à la primauté du droit. Il s'appuie sur les déclarations personnelles d'un officier de police qui a fait partie de la brigade des stupéfiants et qui avait une opinion négative d'Insite. J'aimerais citer Kash Heed qui était le commandant responsable de la politique antidrogue du service de police de Vancouver à l'époque. M. Heed est aujourd'hui chef de police du district municipal de West Vancouver. Il appuie sans réserve les résultats d'Insite. Il pense que le projet a atteint son objectif principal, à savoir une réduction des méfaits publics et une amélioration de l'ordre public.
    La Vancouver Chinatown Merchants Association qui, à l'origine, s'opposait à la création d'Insite, l'appuie totalement aujourd'hui. Ses membres ont constaté une baisse du taux de criminalité et ils se sentent maintenant capables de marcher dans les rues de leur quartier. Ils appuient donc l'établissement. Je parle ici de gens qui vivent dans le secteur, qui ont participé à l'élaboration du projet et qui savent de quoi il retourne. Je crois que le commissaire chargé de la politique antidrogue et le milieu des affaires du secteur ont pleinement appuyé Insite.
    Malgré tout, le ministre ne cesse de répéter que le projet n'a pas fonctionné. Madame la présidente, vous avez entendu dire que plus de 2 000 personnes sont mortes dans les années 1990. Insite n'a pas été créé pour venir en aide à tous les toxicomanes. Je peux vous dire, pour avoir participé à sa création, qu'Insite a été créé pour les toxicomanes les plus vulnérables. Ce sont des gens qui n'ont pas recours aux services de soins de santé. Des gens qui n'iront pas d'eux-mêmes chercher de traitement. Des gens qui ont le plus haut taux de maladies infectieuses en raison de leur consommation de drogues par voie intraveineuse. Des gens qui avaient besoin d'aide et qui mouraient.
    Vous avez entendu dire que, chez les personnes qui fréquentent Insite, on n'a observé aucun décès — aucun décès, madame la présidente. En 2005, 2 270 personnes sont allées dans des centres de sevrage; en 2006, 1 828 personnes fréquentant Insite ont fait de même; en 2007, 2 269 personnes fréquentant Insite se sont fait traiter et ont fait appel à des services de désintoxication. Alors il ne s'agit pas d'une seule mort évitée, madame la présidente. Tout dépend de la valeur qu'on accorde à la vie des gens.
    Le ministre invoque la primauté du droit. J'aimerais revenir sur la réponse du juge Pitfield. Quand le Canada a allégué que le paragraphe 4(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances ne contrevenait pas à l'article 7 de la Charte, M. Pitfield a été clair. Voici ce qu'il a dit:
En la circonstance, les parag. 4(1) et 5(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances sont inconstitutionnels et devraient être invalidés parce qu'ils privent les personnes dépendantes d'une ou de plusieurs substances réglementées d'accès aux soins de santé à Insite et donc, qu'ils portent atteinte au droit conféré par l'article 7 de la Charte des droits et des libertés (la « Charte »), en vertu duquel toute personne a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne, et il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.
    Le Canada fait valoir que, si le paragraphe 4(1) de la loi contrevient à l'article 7 de la Charte, ce paragraphe est validé par l'article 1, en tant que règle de loi restreignant raisonnablement les droits de l'article 7 dans une société libre et démocratique. À mon avis, le droit force le rejet de l'argument.
    Le juge a poursuivi en disant qu'en fait, les principes de justice fondamentale sont parmi les plus importants dans la société, que toute loi qui y porte atteinte, notamment au principe du droit à la vie et à la sécurité de la personne, ne peut être validée par l'article 1, et que l'action que propose le ministre porte atteinte à ce principe.
    Je veux que le ministre me réponde sur l'extrême importance de la capacité de sauver une vie, chose dont il semble faire si peu de cas. Que le ministre ne daigne pas consacrer de temps pour sauver une vie ne signifie pas que cette vie n'est pas importante.
    Comment un ministre qui est censé protéger la santé et la sécurité de la population du Canada peut-il refuser à certaines personnes des services si vitaux qu'elles risquent de mourir si elles ne les obtiennent pas?
    Merci pour vos commentaires et pour votre question. Je suis d'accord avec vous sur le fait que chaque vie est importante et que chaque vie mérite d'être sauvée. C'est précisément le sens de mon argument: le meilleur moyen de sauver des vies, le meilleur moyen pour notre société de faire preuve de compassion, c'est de traiter ceux qui ont besoin de notre aide et d'empêcher les autres de commencer à consommer des drogues. Et, bien qu'une seule vie qui serait...
    Monsieur le ministre, pouvez-vous, s'il vous plaît, répondre à ma question?
    ... sauvée par Insite soit très importante, si nous pouvons sauver 10, 50 ou 100 vies, voilà l'objectif que nous devons poursuivre. Je crois que, grâce aux plans de notre gouvernement...
    Merci, monsieur le ministre.
    ... la Stratégie nationale antidrogue...
    Madame la présidente, puis-poser une question au ministre?
    ... nous sauverons beaucoup plus de vies qu'avec les propositions de Mme Fry.
(1250)
    Madame la présidente, le ministre m'a donné sa réponse. Je l'ai entendue très clairement. J'aimerais poursuivre.
    Excusez-moi, j'ai une chose à dire et je serai claire.
    Au début de la séance d'aujourd'hui, j'ai lu le compte rendu à propos d'un terrible...
    J'espère que vous n'êtes pas en train d'empiéter sur mes quinze minutes.
    ... l'incident durant lequel un de nos témoins n'a pas pu se présenter parce qu'il se sentait intimidé.
    Je répartis toujours le temps de façon équitable entre tous les intervenants. Je ne vous vole pas votre temps.
    Merci.
    Tout ce que je demande, c'est que chacun soit respectueux envers les autres, et vous aurez tous l'occasion de parler.
    Docteure Fry.
    J'aimerais demander au ministre de bien vouloir se concentrer sur la question que je lui ai posée, et d'y répondre. J'ai déjà entendu les principes du ministre dans son discours, ce n'est vraiment pas nécessaire qu'il les répète.
    Le ministre a dit qu'à son avis, certaines choses sont plus importantes, notamment le nombre de vies. En tant que médecins, nous ne nous demandons pas quelle vie est la plus importante, nous ne jouons pas avec ce genre de chiffres. Parler ainsi est une insulte à ma profession, et je tiens à ce que cela figure dans le compte rendu.
    Deuxièmement, le ministre a fait état de ce que ses propres chercheurs lui ont dit. Je me demande si ces recherches ont été approuvées par les pairs. Le projet InSite a fait l'objet de 21 examens par les pairs. Des examens effectués par des comités internationaux qui ont suivi des principes de recherche internationaux. Le ministre a-t-il soumis le rapport de son conseil consultatif à un examen aussi rigoureux?
    J'aimerais une réponse courte, oui ou non.
    Eh bien, on a eu recours à une démarche...
    Oui ou non?
    ... scientifique fondée sur des preuves. Je n'ai aucun problème à défendre cette recherche. Il s'agissait de scientifiques, et je fais confiance aux scientifiques.
    Monsieur le ministre, la recherche a-t-elle été examinée par des paris?
    Examinée par des pairs?
    Oui ou non.
    Ce n'était pas un article à publier dans une revue.
    A-t-elle été examinée par des pairs, oui ou non?
    Elle n'a sans doute pas été examinée par des pairs comme s'il s'agissait d'une publication, mais tous ces chercheurs...
    Merci, monsieur le ministre.
    ... sont des scientifiques spécialisés dans leur domaine... mais je sais que la réponse ne vous intéresse pas.
    Vous n'avez pas répondu à ma question.
    Vous ne voulez jamais entendre la réponse, mais ce n'est pas grave.
    Une voix: Peut-être pourriez-vous définir ce que vous entendez par examen par les pairs.
    Le ministre attache beaucoup d'importance à la prévention.
    J'invoque le Règlement.
    Monsieur Tilson.
    Nous avons écouté poliment aux paroles de la Dre Fry...
    Madame la présidente, je ne souhaite vraiment pas...
    Ne l'interrompez pas, docteure Fry.
    Vous voyez, elle interrompt même un rappel au Règlement, nom de Dieu.
    Le ministre essaie de parler, et elle le chahute carrément. Ce comportement est totalement inapproprié. Si elle a quelque chose à dire, elle est libre de l'exprimer. Elle n'a qu'à utiliser le temps qui lui est accordé, mais elle n'a pas le droit de chahuter un témoin. C'est tout à fait inapproprié. Nous sommes des députés de la Chambre des communes, et elle devrait agir en conséquence.
    Je dirais que...
    J'aimerais intervenir au sujet du même rappel au Règlement.
    Monsieur Thibault.
    Madame la présidente, au sujet du rappel au Règlement de monsieur Tilson, quand un membre du comité a la parole pendant la période qui lui est réservée, il peut utiliser ce temps comme bon lui semble. Il peut par exemple poser des questions ou faire des commentaires.
    Oui, c'est exact.
    Il peut interrompre un témoin qui abuse du temps qui lui est accordé. Habituellement, voici ce qui se passe — je vous le rappelle —, le témoin prend la place qui lui est réservée et donne un exposé de dix minutes. Lorsqu'il s'agit d'un ministre, nous lui accordons parfois 15 minutes.
    Aujourd'hui, le ministre a choisi de parler pendant 25 minutes, et il tentait de répéter sa propagande pendant la période de temps réservée au membre du Comité. Elle s'est opposée à cette tentative. Elle a mis fin au jeu du ministre. Il n'y a rien de plus normal, madame la présidente.
    Monsieur Thibault, je demande à tous les membres du comité de faire preuve de respect. Je vous demande de ne chahuter personne. Je vous demande de permettre au ministre de donner sa réponse.
    Je vous demande de poser votre question. Personne ne vous interrompra. Puis, je vous demande de laisser au ministre le temps de répondre à votre question.
    Madame la présidente, sans vouloir vous offenser, ni offenser le ministre, je ne chahutais pas le ministre. Au tout début de ma question, j'ai demandé au ministre de me donner une réponse brève : oui ou non. Ce n'est pas ce qu'il a fait. Il a choisi de répéter ce qui est écrit dans le document que j'ai devant moi; je l'ai déjà lu, je l'ai déjà entendu. J'ai tellement de questions à poser au ministre que je vais devoir choisir.
    Pourriez-vous poursuivre alors, et en poser une?
    J'ai consacré ma période de temps à poser des questions pertinentes et à demander des réponses pertinentes. Cela n'est pas chahuter, madame la présidente.
    Pourriez-vous poser votre question?
    Le ministre doit être respectueux lorsqu'il répond aux questions qui lui sont posées.
    Docteure Fry, pouvez-vous poser votre question?
    Merci.
    Madame la présidente, j'ai une autre question à poser au ministre. Dans sa politique nationale en matière de drogues, le ministre a supprimé un des quatre volets, la réduction des méfaits. Il en reste trois.
    Je voudrais demander au ministre s'il est fondamentalement opposé au concept de la réduction des méfaits, qui est un principe sacré de la santé publique, non seulement au chapitre de l'abus d'alcool ou de drogues, mais dans toute intervention pour traiter des problèmes de santé publique. La réduction des méfaits est synonyme de réduction de la mortalité et de la morbidité des patients, pendant que vous les aidez et que vous leur fournissez le traitement nécessaire. Vous réduisez les statistiques.
    Madame la présidente, je suis médecin, et j'en ai vu des patients souffrant de toxicomanie qui répondaient à mes tentatives de les soigner dans la plus grande indifférence. Tous leurs amis étaient morts avant l'âge de 30 ans. Ils allaient mourir eux-mêmes, et ils s'en foutaient véritablement.
    Quant à la réduction des méfaits — comme il est bien démontré dans le projet InSite —, elle permet de redonner espoir à ces gens l'espoir qu'ils ne vont peut-être pas mourir, l'espoir qu'ils ne vont peut-être pas contracter une maladie mortelle. Bref, on leur a donné une raison d'aller chercher de l'aide, de suivre une cure de désintoxication, d'accepter de se faire traiter, et les résultats le démontrent clairement. Voici un groupe de personnes qui n'auraient jamais agi ainsi auparavant.
    Le ministre a choisi de miser sur la prévention. Nous savons par exemple que le ministre, par l'intermédiaire de Santé Canada, a lancé une série d'annonces publicitaires sur la prévention. Madame la présidente, permettez-moi de vous dire que l'on a fait exactement la même chose aux États-Unis. Or, le National Institute on Drug Abuse des États-Unis a évalué la campagne médiatique nationale qui a été menée aux États-Unis et qui, soit dit en passant, est extrêmement semblable à celle lancée au Canada. Il ne la trouve pas efficace.
    Alors j'aimerais que le ministre nous explique pourquoi il s'embarque dans une démarche vouée à l'échec. Pourrais-je avoir une réponse brève du ministre, s'il-vous-plaît?
(1255)
    Je vous remercie de votre question.
    J’aimerais commencer en disant que nous n’avons pas supprimé le volet sur la réduction des méfaits. À notre avis, l'application de la loi, la prévention et le traitement permettent de réduire les méfaits. C’est la meilleure façon de réduire les méfaits chez les gens qui en ont besoin.
    Nous avons bien entendu mis la campagne média à l’essai, et les résultats ont été concluants. Après 20 ans de silence sur le sujet, le gouvernement fédéral a décidé de mettre en ondes un message à l’intention des parents qui souhaitent discuter de la toxicomanie avec leurs enfants. Ils voulaient que le gouvernement les aide à traiter du sujet de la drogue avec leurs enfants, et c’est le thème de la campagne média. Elle a été mise à l’essai, et je crois qu’elle fonctionnera.
    Je vous remercie, monsieur le ministre.
    Puis-je adresser ma prochaine question à l’administrateur en chef de la santé publique?
    L’Organisation mondiale de la Santé et les Nations Unies reconnaissent la réduction des méfaits comme un volet essentiel d’une stratégie de lutte antidrogue efficace. En fait, toute aide extérieure en matière de lutte antidrogue doit être assortie d'un volet de réduction des méfaits.
    Madame la présidente, la question que je souhaite poser à l’administrateur en chef de la santé publique du Canada est la suivante: étant donné que l’Organisation mondiale de la Santé et les Nations Unies se sont prononcées sur le sujet, que le Parlement européen et le Parlement de l’Australie ont donné leur aval à la mise sur pied de sites d’injections supervisés, et que, depuis dix ans, les pays européens considèrent ces sites comme un moyen efficace de réduction des méfaits et l’Australie, comme des mesures efficaces de réduction des méfaits et d’intervention pour sauver la vie, l’administrateur en chef de la santé publique du Canada remet-il en question le point de vue des Nations Unies et de l’Organisation mondiale de la Santé ainsi que les résultats des études sur les politiques en matière de drogue et de réduction des méfaits associées aux sites d’injections supervisés? Les études sont-elles fiables? Ont-elles fait l’objet d’une évaluation en profondeur par les pairs?
    Je crois que les résultats se passent fort bien de commentaire, et le débat aussi.
    En santé publique, on encourage l'adoption d'une approche globale: la collecte d’éléments de preuve liés à la promotion, à la prévention, au diagnostic, au traitement, à la réduction des méfaits et à la détermination des causes et des facteurs sous-jacents pour chacun des secteurs.
    Les personnes, les collectivités, les régions sanitaires et les gouvernements choisissent ensuite ce qu’ils financeront et appuieront. Étant l’un de ceux qui a mis sur pied des programmes de réduction des méfaits, y compris des programmes d’échange d’aiguilles à une époque où les gens les considéraient comme possiblement illégaux, je comprends très bien la situation.
     Les responsables de la santé publique travaillent alors avec d'autres partenaires de ces milieux, en recourant aux ressources et aux données dont ils disposent pour réduire les méfaits pour les personnes et les risques pour autrui, et favoriser la santé et le mieux être. C’est notre mandat. Nous offrons des conseils, au mieux de nos connaissances. Les gouvernements et les autorités, selon le cas, prennent des décisions en fonction du contexte politique qui leur est propre.
    Merci.
    Monsieur Butler-Jones, selon les données dont nous disposons et les 25 études internationales qui ont été examinées par les pairs sur les résultats d'Insite, êtes-vous d’avis que les preuves existent et qu’il s’agit d’une composante essentielle d’une stratégie de réduction des méfaits?
    Êtes-vous d'accord?
(1300)
    Je crois que toutes ces activités font partie de la stratégie de réduction des méfaits; je ne suis donc pas en désaccord avec les résultats des études. Elles font partie de la stratégie, mais il revient aux gouvernements de prendre la décision finale.
    J’en suis consciente, monsieur Butler-Jones. Toutefois, à titre d’administrateur en chef de la santé publique du Canada, vous cumulez deux fonctions. Vous êtes à la fois le porte-parole et le défenseur des Canadiens et Canadiennes. Si vous croyiez que certains éléments de preuve révèlent qu’une stratégie quelconque pourrait sauver des vies, réduire le taux de mortalité et favoriser la participation aux programmes de détoxication et de traitement, n’en feriez-vous pas la promotion, monsieur Butler-Jones?
    Premièrement, il existe plusieurs niveaux de promotion. J’aborde ces problèmes et je réponds aux questions qui me sont posées. J’ai consulté les données. Comme je l’ai mentionné, cela fait partie de l’approche du secteur de la santé publique en matière de réduction des méfaits, au même titre que le rôle primordial joué par la prévention et les causes fondamentales sous-jacentes.
    J’aborde donc ces problèmes. Je ne me prononce cependant pas sur chacun d’entre eux. Comme vous le savez, il en existe une multitude.
    Merci.
    Alors, à titre d’administrateur en chef de la santé publique, avez-vous avisé le ministre de la Santé qu’il s’agit de preuves solides et que ce volet devrait faire partie d’une stratégie efficace de lutte contre la toxicomanie au Canada?
    Je crois que le ministre est conscient que la stratégie comprend un volet sur la réduction des méfaits.
    Le lui avez-vous demandé?
    Comme les autres ministres ayant témoigné devant le comité pourront le confirmer, il est déconseillé de donner son opinion personnelle au ministre. Je vous ai fait part de mon opinion, de mon point de vue sur les études menées et la réduction des méfaits en tant que partie intégrante de l’approche en matière de santé publique, et du respect que je voue au Parlement ainsi qu'aux autres parties qui doivent prendre des décisions et aller de l’avant.
    Merci, monsieur Butler-Jones.
    Madame Gagnon.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
     Monsieur le ministre, depuis 2006, vous avez posé plusieurs gestes qui font qu'aujourd'hui, la tangente que vous voulez donner à la réduction des méfaits ne nous surprend pas. On sent différentes idéologies. Vous dites que la vôtre est basée sur l'éthique, mais sur quelle éthique?
    Est-ce une éthique morale ou une éthique voulant apporter le meilleur soutien possible aux personnes aux prises avec la toxicomanie? Quel genre d'éthique est-ce exactement?
    Tout à l'heure, on parlait d'idéologie. Vous n'étiez pas présent lors de la conférence internationale sur le SIDA, vous n'aviez pas de mot à livrer à la population. Vous étiez absent. On vous a attendu, on vous a réclamé.
    Ce n'est pas vrai.
     Vous êtes venu, mais en vous faisant prier. Vous n'avez pas montré de leadership. La communauté internationale avait les yeux tournés vers vous.
    C'est complètement faux.
    Lisez les articles. Excusez-moi, monsieur le ministre, mais quand la conférence a eu lieu, je pense que vous vous êtes fait tirer le tapis plusieurs fois pour arriver plus vite.
    Il n'y a pas très longtemps au Québec, vous avez mis à l'index un livre complètement inoffensif intitulé Drogues: Savoir plus, risquer moins. Il y en avait pour un million de dollars. Ce livre, qui avait été approuvé par le ministre de la Santé du Québec, M. Couillard, donne de l'information sur divers aspects des drogues en circulation, leurs effets, les risques qu'ils comportent, les lois en cause et l'aide disponible. En quoi un tel livre pourrait-il amener nos jeunes à prendre les drogues à la légère? On voit qu'il y a derrière ça toute une mentalité, une stratégie. On sent qu'il y a de la censure.
    Vous dites être interpellé par l'opinion publique. Or, j'ai l'impression que votre opinion publique est celle qui dirige votre orientation idéologique. De notre côté, nous entendons d'autres sons de cloche, qu'ils viennent de chercheurs ou de gens qui travaillent de pied ferme pour contrer l'augmentation de la toxicomanie ou pour aider les gens aux prises avec le sida ou l'hépatite C.
    J'aimerais que vous essayiez de défendre votre position. Vous avez dit plus tôt que c'était une question d'éthique. Selon vous, les toxicomanes ont besoin de vêtements et de logement. Or, je pense que nous en avons tous besoin. Nous ne nous opposons pas à votre stratégie, mais nous aimerions savoir ce qu'il va advenir si vous la mettez en vigueur. Pour ce qui est de l'aide que vous voulez offrir, il faut comprendre que certains n'y auront pas recours. On dit qu'il s'agit d'une partie de la population qui est marginalisée. La réduction des méfaits ne peut pas faire en sorte que toute consommation de drogue cesse. Il s'agit, par exemple, d'endiguer la propagation du VIH-sida et de l'hépatite C, de voir à ce que d'autres personnes ne soient pas infectées. C'est un des buts recherchés par Insite.
    Je pense que vous allez dans la mauvaise direction, monsieur le ministre. Comme vous, je pense que l'objectif est louable, mais il peut être atteint sans qu'un endroit comme Insite soit fermé. Vous dites vouloir appuyer tout le réseau qui travaille dans ce domaine et avoir augmenté le financement destiné aux organismes d'aide en matière de VIH-sida, mais des 84 millions de dollars alloués en 2008, 16 millions de dollars ont été soustraits. Vous dites encourager la recherche qui se consacre au vaccin, et je suis d'accord avec vous: il faut le faire. Par contre, vous ne semblez pas allouer de ressources au milieu en vue de mieux contrer la propagation, qu'il s'agisse de la consommation de drogues, du VIH-sida ou de l'hépatite C.
(1305)
    Permettez-moi de répondre en quelques mots.
    Comme je l'ai dit dans mon discours, il est important de prendre une décision qui prend en compte l'opinion des scientifiques, bien sûr, mais aussi la politique publique. J'ai dit que des opinions diverses étaient émises par le milieu scientifique. Ma conclusion est que de son côté, la politique publique est claire.

[Traduction]

    Selon nous, c’est l’effet combiné de l’examen des études menées, comme le dit si bien M. Butler-Jones, et des politiques publiques qui permet de prendre une décision concernant la santé et la sécurité des Canadiens et des Canadiennes. C’est la méthode que j’utilise et, je dirais même, celle utilisée par d’autres ministres au fil des ans. Elle nous permet d’adopter un point de vue.
    En ce qui a trait à Insite, on doit respecter la décision rendue par le tribunal. Si elle est infirmée, nous aviserons. Si elle ne l'est pas, cette décision annulera celles des législateurs, des parlementaires et des décideurs sur la Colline. Je respecte cela. Le système est ainsi conçu. Je vous ai expliqué mon processus décisionnel personnel qui est fondé sur les études et la politique publique — sur leur effet combiné. Dans le cas qui nous intéresse, à mon avis, les résultats des études sont discutables, mais la politique publique est claire. C’est mon point de vue.

[Français]

    Ils sont mitigés, mais quelle est la solution de rechange? Vous dites que vous voulez aider davantage les gens à sortir de la toxicomanie. C'est un objectif louable, mais je ne pense pas que vous donniez tous les outils nécessaires aux différents intervenants qui oeuvrent à la base pour régler ce genre de problématique. Vous semblez mettre votre tête dans le sable en disant que vous voulez une société idéale, sans toxicomanie. Le problème de la toxicomanie est présent dans tous les pays. Si les drogues ne circulaient pas sur le marché, on trouverait d'autres moyens de s'en procurer. Certaines personnes ont de la difficulté à vivre dans notre société. Ils vont prendre des drogues ou de la colle et tout faire pour trouver un moyen de s'évader. C'est un mal de société.
    Depuis que vous êtes en poste, vous ne faites pas assez pour aider la collectivité à s'en sortir. Par exemple, des intervenants qui oeuvrent dans le domaine de la lutte contre le VIH-sida attendent de l'argent, lequel n'est pas disponible. Il n'y a pas eu d'appel d'offres. Vous savez de quoi je parle. Le programme a une enveloppe de 16 millions de dollars. Vous dites que vous avez élaboré une stratégie extraordinaire pour contrer le VIH-sida, mais l'argent n'est pas au rendez-vous. Permettez-moi de douter de votre sincérité et des capacités à bien accompagner la société.
(1310)
    Nous devons augmenter la capacité, bien sûr. Nous devons aussi faire quelque chose dans les domaines du traitement, du logement et de la santé mentale. Chacun de ces domaines fait partie d'une politique plus efficace.
    Monsieur le ministre, pourquoi ce livre a-t-il été retiré du marché? On dirait que vous ne voulez pas que les gens soient informés. On pourrait aborder un autre type de comportement à risque, par exemple le tabagisme. Il y a toutes sortes de livres sur les conséquences du tabagisme.

[Traduction]

    Madame Gagnon, votre temps est presque écoulé. Le ministre aurait-il l'obligeance de répondre?

[Français]

    Lisez le livre. Certains passages ne sont pas liés à la politique de notre gouvernement ou de notre société.
    À quelle page?

[Traduction]

    Le document expose comment les jeunes réagissent face à la drogue, et il donne toute la liste des raisons de prendre de la drogue. Franchement, je ne crois pas que ce soit le bon message.

[Français]

    On doit comprendre comment une société fonctionne.

[Traduction]

    Merci, madame Gagnon. Votre temps est écoulé.
    Madame Davis, vous pouvez y aller.
    Merci de votre présence, monsieur le ministre. Je vous ai écouté avec beaucoup d'attention. En fait j'ai porté beaucoup d'attention à toutes vos déclarations publiques sur le sujet. Comme tout ce qui concerne l'Est du centre-ville de Vancouver, cette question me tient beaucoup à coeur.
    J'aimerais faire quelques commentaires. Selon moi, le problème fondamental, qui m'inquiète et qui inquiète de plus en plus de gens, c'est que la décision qu'est en train de prendre le ministre de la Santé est dictée par des impératifs de politique gouvernementale. Vous avez dit que c'était une décision difficile à prendre. Soit. Mais ce qui est au coeur du débat, c'est la façon dont vous, monsieur, en tant que ministre de la Santé, déciderez du sort du site d'injection assistée et réagirez à la récente décision judiciaire qui a été rendue à ce sujet.
    Je trouve cela très inquiétant. D'une part, vous avez toujours dit qu'il faut plus d'information, plus d'études. Aujourd'hui même, vous avez dit dans votre exposé qu'il vous fallait de nouveaux éléments de preuve ou de nouvelles évaluations. D'une autre part, vous demandez au ministre de la Justice d'en appeler de la décision très importante qui a été rendue lundi par la Cour suprême de la Colombie-Britannique. En outre, il est clair que la soi-disant stratégie antidrogue proposée par votre gouvernement fait abstraction de l'impératif de réduction des risques. Vous avez beau dire que cet impératif fait partie intégrante des trois autres piliers, on voit bien de quelle logique cela procède. Je crois que tout le monde a compris que le gouvernement a voulu évacuer l'impératif de réduction des risques. Lorsqu'on regarde le projet de loi C-26, qui préconise l'imposition obligatoire de peines minimales pour les crimes reliés à la drogue, on comprend que vous êtes dans une logique de répression et que c'est bien là qu'est votre priorité.
    Je crois que la situation à laquelle nous sommes confrontés est très sérieuse. En tant que ministre de la Santé, vous rejetez toute la recherche qui a été faite jusqu'à ce jour. J'estime qu'il est inacceptable qu'un ministre puisse donner la préférence à l'opinion d'un policier ou à une étude qui n'a pas été corroborée par un comité d'experts.
    Qu'il y ait diverses opinions sur le sujet, soit, mais il vous appartient, en tant que ministre, de prendre en considération tous les éléments de la preuve, comme l'a fait le juge Pitfield, qui, en fait, est un juge réputé comme étant conservateur. Je trouve tout cela très préoccupant. On est en droit de s'interroger sur la manière dont le gouvernement prend ses décisions.
    Je crois aussi qu'il est mal avisé de polariser la problématique et de croire que si l'on est partisan de la réduction des risques, on est opposé à la solution du traitement. Personne ne prétend que le traitement n'est pas un élément capital de la solution. En fait, il faut développer les structures de traitement. Mais comme on l'a mentionné plus tôt aujourd'hui, la mise à disposition de programmes à bas seuil d'admissibilité, qui attireront les toxicomanes chroniques et ceux qui sont difficiles à rejoindre, est un impératif de santé publique. Je ne m'explique pas pourquoi vous ne comprenez pas cela. Vraiment, je ne comprends pas.
    La seule explication, c'est que c'est pour vous une question de principe et d'idéologie. Les études montrent que le fait d'intervenir au niveau de la rue s'inscrit dans un continuum qui mène à d'autres types d'interventions — traitement, désintoxication prolongée, etc. Alors je ne comprends pas pourquoi, d'un point de vue intellectuel, vous ne comprenez pas cela.
    La stratégie des quatre piliers adoptée à Vancouver est une approche qui va de bas en haut. Il est très inquiétant de voir qu'un gouvernement puisse réfuter les résultats du travail qui s'est fait au niveau local et au niveau provincial. Nous avons réussi à réunir l'approbation de tout le monde, en Colombie-Britannique et dans les autres régions du pays. Vous êtes le dernier barrage faisant obstacle au maintien du site d'injection surveillée.
    J'aurais deux questions à vous poser. Même si l'on pouvait offrir le traitement à tous ceux qui en ont besoin, en mettant en place les programmes les plus ouverts et les plus développés qui soient, on ne pourrait probablement rejoindre que de 10 à 20 p. 100 de la clientèle. N'avons-nous pas une obligation envers les 80 p. 100 qui restent?
(1315)
     Les principes directeurs de l'Organisation mondiale de la santé sont très clairs à ce sujet: au plan de la Santé publique, nous avons la responsabilité de protéger la population contre la maladie et de faire en sorte qu'elle soit en bon état de santé. Cela fait partie de l'objectif visé par le programme Insite et par le programme de réduction des risques.
    N'êtes-vous pas en train d'éluder vos responsabilités de ministre de la santé telles qu'elles sont définies par l'OMS? Quand bien même vous mettriez toutes les ressources disponibles dans la solution traitement, vous n'arriveriez pas à rejoindre une grande partie de la clientèle concernée, en particulier ceux qui sont difficiles d'accès.
    Ma deuxième question est la suivante: « Quelle est votre conception des services à bas seuil d'admissibilité? » J'évite d'utiliser le terme « réduction des risques » parce que cela fait brandir trop de cartons rouges. Mais quelle est, en tant que ministre de la Santé, votre conception des services à bas seuil d'admissibilité et que fait votre gouvernement pour mettre cet important type de service à la disposition des consommateurs de drogue par injection?
    Je vous remercie de vos commentaires. J'en prends bonne note.
    Tout d'abord, je tiens à ce qu'il soit su et bien compris qu'il n'a jamais été question que j'ordonne la fermeture d'Insite. Je n'en ai pas l'autorité, et ce n'est pas ce que je veux. La question était plutôt de savoir s'il fallait reconduire l'exemption de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.
     Insite permet de faire plusieurs autres choses que de surveiller les activités d'injection: il permet d'orienter les clients sur des structures d'assistance et de traitement, peut-être pas autant que je voudrais, mais il le fait tout de même. Il offre des services de traitement. Cela ne se faisait pas au début, mais maintenant c'est quelque chose qui se fait. Il gère un programme d'échange d'aiguilles. Je n'ai rien contre cela. Il permet de distribuer des préservatifs. Je n'ai rien contre cela non plus. Autant d'aspects de stratégie de réduction des risques auxquels notre gouvernement ne s'oppose pas.
    Je tiens à ce que cela soit très clair parce que je lis parfois ce genre de commentaire: « Clement va fermer Insite », ou que « Clément veut... ». Premièrement, je n'ai aucune autorité pour faire cela, et deuxièmement, je n'en ai aucunement l'intention. Je tiens à ce que cela soit clairement établi.
    Ma conception des services à bas seuil d'admissibilité comprend des activités comme l'échange d'aiguilles, la distribution de préservatifs et plusieurs autres types de prestations qui sont assurées sur les lieux d'Insite et à proximité. Nous n'avons rien contre tout cela. De fait, nous voulons soutenir ces activités dans toute la mesure du possible. C'est pourquoi j'ai annoncé l'octroi d'une subvention de 10 millions de dollars pour l'Est du centre-ville de Vancouver, afin de constituer des équipes qui seront chargées d'identifier les gens que l'on peut aider, et plus précisément....
     Lorsque j'ai visité le quartier, j'ai été consterné de voir à quel point les structures d'accueil manquaient de places pour les travailleuses de l'industrie du sexe. L'une des choses que je souhaite, c'est que ces 10 millions puissent permettre aux structures d'accueil d'avoir davantage de places pour les femmes du quartier et les travailleuses de l'industrie du sexe. Je suis très fier de cette annonce faite il y a deux semaines.
    Deuxièmement, vous m'avez demandé de m'exprimer sur le fait que les programmes de traitement ne rejoignaient que 10 à 20 p. 100 de la clientèle. Le site d'injection ne rejoint qu'une certaine partie de la clientèle de l'Est du centre-ville et ceux et celles qui utilisent le site n'y vont que 10 p. 100 du temps. Alors qu'on ne vienne pas me parler de panacée. Le fait est que le site d'injection a été mis à l'essai, et que l'on a d'ores et déjà pu établir que très peu de gens l'utilisent — 97 p. 100 ne l'utilisent pas et ceux qui l'utilisent n'y vont que pour une proportion de 10 p. 100 de leurs injections. Alors, si je veux faire quelque chose pour le Canada et pour l'Est du centre-ville de Vancouver, je préfère que ce soit au bénéfice des programmes de traitement et de prévention.
(1320)
    Sauf votre respect, monsieur le ministre, vous ne pouvez pas blâmer Insite parce que seulement cinq p. cent des injections y ont lieu.
    Ce n'est pas une question de blâme.
    C'était un projet pilote. En fait, ce serait plutôt un argument en faveur de l'ouverture du centre 24 heures sur 24 et de l'ajout de centres qui fourniraient ce service dans d'autres collectivités, certains dans le centre-est, certains dans d'autres quartiers, tout comme celui de la distribution de seringues.
    Si vous dites que vous ne voulez pas fermer Insite, pourquoi dites-vous aujourd'hui que vous porterez la cause en appel ou que vous demanderez au ministre de la Justice d'en appeler de la décision du tribunal?
    Comme je crois avoir passé 25 minutes à vous expliquer pourquoi, je ne reviendrai pas sur cette question.
    Mais votre position est tout à fait contradictoire.
    Insite offre certains services. Il facilite notamment la consommation de drogues injectables. Pour ce faire, il lui faut une exemption à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.
    La question qui m'a été présentée concerne la reconduction de cette exemption. Voilà la question qui a été présentée au tribunal ou qui aurait dû l'être. Ce sera probablement aussi la question qui sera portée en appel, le cas échéant.
    Je voulais seulement le signaler parce que j'entends des choses comme « le ministre Clement fermera bientôt Insite » ou « un défenseur affirme que le ministre Clement veut fermer Insite ». C'est faux, tout simplement faux. Je n'ai même pas le pouvoir de le faire.
    Merci.
    Merci, monsieur le ministre.
    Monsieur Fletcher, vous partagez votre temps avec M. Tilson, n'est-ce pas?
    Je vais essayer. Combien de temps m'est accordé, madame la présidente?
    Vous avez dix minutes.
    Parfait.
    Merci, monsieur le ministre, de témoigner devant ce comité. Je vous remercie particulièrement d'avoir modifié votre horaire en fonction des votes d'aujourd'hui. Je crois qu'il faut comprendre qu'à la suite de l'interruption de la réunion, il aurait été très raisonnable pour le ministre d'abréger son témoignage. Il a choisi de ne pas le faire et de rester ici pour répondre aux questions de tous les partis. C'est un changement agréable par rapport à d'autres ministres de la Santé qui ont, dans le passé, essayé d'éviter cette question chaque fois que c'était possible. Je vous remercie donc.
    Monsieur le ministre, soyons clairs. Je sais que vous l'avez dit, mais je veux que ce soit clair comme de l'eau de roche, sans équivoque. Croyez-vous qu'il faudrait fermer Insite?
    Non, je ne le crois pas. Je crois que ce centre offre des services utiles, qui valent la peine d'être conservés. Il est financé par la province de la Colombie-Britannique, par l'entremise de la Vancouver Coastal Health Authority. D'ailleurs, nous avons versé au budget de cet organisme une aide de 10 millions de dollars destinée aux services de traitement dans le centre-est.
    Nous avons beaucoup entendu parler de science aujourd'hui. Je me demande si vous pourriez nous en dire davantage sur la politique publique et sur son importance dans la prise de ce genre de décisions.
    Je crois que la science est l'un des aspects dont il faut tenir compte dans la prise d'une décision qui concerne la politique publique. Certes, nous en avons discuté, mais on peut voir la science sous de nombreux angles; tout comme la prise de position qui lui est associée. Il arrive que les défenseurs d'une cause en appellent à la science et que les scientifiques se fassent défenseurs de leurs résultats. Nous en avons vu un exemple dans ce dossier.
    Tout cela fait partie de la marche à suivre. En effet, je tiens à souligner, si vous me le permettez, que, si une autre exemption est accordée, j'aurai de nouveau le devoir de passer en revue toutes les preuves et d'y réfléchir afin de respecter la procédure régulière de la loi. Je ne me soustrais donc pas à cette obligation qui m'est imposée en ma qualité de ministre de la Santé. La science en fait partie.
    En ce qui a trait à la politique publique, d'autres questions entrent en jeu. Lorsqu'on approfondit la question de la criminalité, par exemple — j'ai entendu certains défenseurs dire qu'ils savent très bien que la criminalité n'a pas augmenté. D'accord, mais il ne faut pas oublier qu'à la création d'Insite, lorsque le centre a ouvert ses portes, 65 policiers supplémentaires ont été affectés à un secteur de cinq pâtés de maisons. Je ne m'étonne pas que la criminalité n'ait pas augmenté.
    Mais comme je l'ai déjà dit, on constate que, pour obtenir les 35 000 $ par année que coûte sa drogue, un toxicomane commet des crimes qui coûtent 350 000 $ à la société. Ce sont encore plus de victimes innocentes qui sont touchées par le fléau de cette terrible maladie. Donc, à mon avis, la politique publique est claire: il faut prendre des mesures pour que les toxicomanes cessent de consommer de la drogue et pour prévenir cette dépendance.
(1325)
    J'ai deux autres questions, et je laisserai ensuite la parole à mon collègue, M. Tilson.
    La médicalisation des drogues illégales vous préoccupe-t-elle? Ensuite, les drogues illégales, comme l'héroïne, sont-elles dangereuses ou est-il possible de vivre normalement sa vie tout en étant dépendant d'une pareille substance?
    Pour répondre à votre deuxième question, je laisserai parler le Dr Butler Jones.
    Certes, il existe une tendance à la médicalisation des drogues injectables illégales, et peut-être aussi à d'autres drogues. Ainsi, nous transmettons un message selon lequel il s'agit d'un choix en matière de santé. Ce n'est pas un choix; c'est une dépendance. Il faut appeler les choses par leur nom: c'est une dépendance, pas un choix en matière de santé. Et elle entraîne des conséquences très néfastes. En parlant de « choix médical » ou de « choix en matière de santé », on condamne les toxicomanes à une mort lente et douloureuse. C'est quelque chose que je refuse de faire, et je ne crois pas qu'un seul Canadien le ferait.
    En ce qui concerne la deuxième question, je ne sais pas si le Dr Butler Jones veut intervenir.
    De toute évidence, les plus grands préjudices sont attribuables notamment à l'exposition à la criminalité, aux maladies associées à l'utilisation de seringues contaminées et à des problèmes sociaux. L'usage des drogues est extrêmement complexe, tout comme le sont les dépendances à l'alcool, à la nicotine, à l'héroïne ou à d'autres drogues. Ces dépendances ont souvent des effets et des problèmes similaires. Certaines personnes y font face mieux que d'autres. Énumérer ici les incidences pourrait donner lieu à une longue discussion. Elles varient souvent d'une personne à l'autre.
    Monsieur Tilson.
    J'aimerais connaître le point de vue du ministre sur deux questions.
    La première question concerne la sécurité. Je comprends et j'appuie les principes qui sous-tendent l'échange de seringues, le traitement, la distribution de condoms et le counseling. Je crois que nous sommes tous en faveur de ces mesures, mais il s'agit d'une question de sécurité. Dans le cas des Alcooliques Anonymes, tout est centré sur l'abstinence.
    Nous subissons constamment des pressions de groupes comme Les mères contre l'alcool au volant. Nous avons même adopté, il y a quelque temps, une loi pour contrer la conduite automobile avec des facultés affaiblies.
    Si je comprends bien, une personne pourrait conduire jusqu'à cet endroit, stationner sa voiture, apporter sa drogue, recevoir de l'aide pour se l'injecter sous la surveillance d'un fonctionnaire et repartir ensuite en voiture.
    Est-ce que je me trompe? J'ai pris un exemple peu susceptible de se produire, mais néanmoins possible.
    Cela pourrait se produire. Les consommateurs de drogues sont toutefois peu nombreux à posséder une voiture, mais...
    Je m'en doute bien.
    ...Je comprends ce que vous essayez de dire.
    Ce projet offre de multiples possibilités. Si c'est une réussite, il pourrait être repris partout au pays.
    Certains défenseurs croient en toute sincérité que c'est la chose à faire. Ils estiment qu'ils ont le droit de s'injecter des drogues illicites et s'opposent à toute forme d'autorité gouvernementale dans ce domaine. C'est le discours que les défenseurs des libertés tiendront avec les personnes qui pensent autrement. Je suis le ministre de la Santé. Donc, pour moi, c'est une question de santé et de sécurité. C'est ce qui compte avant tout.
(1330)
    Je voudrais entendre votre commentaire sur une question que la Dre Fry et vous-même avez abordée plus tôt au sujet. Cela concernait les Nations Unies. Plus particulièrement, j'aimerais connaître votre point de vue sur les traités internationaux de lutte contre les drogues.
    J'ai devant moi un article publié à Victoria. Il est tiré de la Presse canadienne du 7 mars dernier. Je ne vous en citerai que deux passages:
    
Un organisme de surveillance des Nations Unies veut que le gouvernement canadien ferme le site d'injection supervisée de Vancouver et mette fin à la distribution de trousses sécuritaires pour le crack à Toronto, à Ottawa et sur l'île de Vancouver [...] La distribution d'instruments associés à la consommation de drogues, dont les pipes à crack, aux usagers de drogues à Ottawa et à Toronto, ainsi que l'existence de sites d'injection contreviennent aussi aux traités internationaux de lutte contre les drogues, auxquels le Canada est partie.
    Pouvez-vous dire quelques mots sur ces traités?
    Ces propos proviennent de l'Organe international de contrôle des stupéfiants, qui est un organisme des Nations Unies, tout comme l'Organisation mondiale de la Santé. Je crois qu'il nous faut absolument comprendre ceci: l'Organe international de contrôle des stupéfiants a formulé de sévères critiques à l'endroit du Canada et se demande si nous respectons les conventions internationales auxquelles nous adhérons.
    Le Canada estime qu'il se conforme actuellement aux conventions, parce qu'il s'agit d'une exemption d'une durée d'application limitée aux fins de la recherche. Je crois que l'on pourrait commencer à se poser des questions si cette exemption continuait indéfiniment, mais je suis généralement sensible à ce genre de critiques.
    Je crois que l'Organe n'a pas tort. Je tiens aussi à rappeler que des membres du comité ont indiqué que certains pays d'Europe ont emprunté une autre voie. Mais, fait intéressant, certains pays avec lesquels nous semblons avoir des points en commun, comme l'amour du hockey et la neige en abondance, ont choisi une toute autre solution. La Suède, par exemple, a adopté une approche différente de celle de la Hollande, qui n'est pas celle de l'Australie. Ces pays ont opté pour l'application de la loi, la prévention et le traitement. Leur incidence de consommation de drogues correspond au tiers de la nôtre.
    Je vous remercie infiniment, monsieur le ministre, d'être venu aujourd'hui. Nous vous en savons gré.
    Je tiens aussi à remercier le Dr Butler Jones ainsi que le sous-ministre Rosenberg.
    J'invoque le Règlement. Vous avez dit que la séance se poursuivait jusqu'à 13 h 40.
    Un moment s'il vous plaît.
    J'aimerais aussi remercier les témoins qui sont venus aujourd'hui.
    Je sais que le temps file, mais un rappel au Règlement s'impose.
    Monsieur Thibault.
    Vous avez dit que la réunion du comité se terminait à 13 h 40; il nous reste donc 10 minutes.
    Non, c'est 13 h 30.
     Madame la présidente, j'invoque le Règlement.
    Monsieur Brown.
    Je constate que les conservateurs disposent encore de 10 minutes. Si la réunion devait se poursuivre encore 10 minutes, ce serait pour nous permettre d'utiliser ce temps. Nous renonçons à ce temps pour respecter l'horaire du comité.
    C'est cela.
    La séance est levée.