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Je vous remercie beaucoup.
Monsieur le président et honorables membres du comité, je vous remercie de m'avoir invité à vous communiquer mes réflexions au sujet de la question à l'étude. Si j'ai bien compris, j'ai été invité à vous parler, en ma qualité de commissaire aux plaintes contre la police de la Colombie-Britannique, des dispositifs à impulsions qu'on appelle parfois, plus couramment, les pistolets Taser.
Vous trouverez peut-être utile, cependant, de savoir que tous les services policiers municipaux de la Colombie-Britannique relèvent de moi. En tant que tel, je suis un mandataire indépendant de l'assemblée législative et je fais rapport à la présidence de cette assemblée, plutôt qu'à un ministre d'État. Comme vous le savez, mon homologue, Paul Kennedy, a compétence en matière de plaintes contre la GRC, tant en Colombie-Britannique qu'ailleurs au Canada.
Au cours des derniers mois, surtout depuis la mort très publicisée de M. Dziekanski à l'aéroport international de Vancouver l'an dernier, plusieurs études et enquêtes ont été annoncées par divers organismes et gouvernements. Tout récemment, le procureur général de la Colombie-Britannique, Wally Oppal, a annoncé que l'ex-ministre de la Justice, Thomas Braidwood, avait été chargé d'une commission d'enquête publique à ce sujet justement.
Étant donné l'intérêt croissant qu'on porte à cette question, vous trouverez peut-être utile que je vous fournisse un certain contexte concernant le rôle que j'ai joué très tôt lorsque j'ai demandé à la Police de Victoria, en Colombie-Britannique, de mener une étude sur l'utilisation des pistolets Taser.
Dès 2004, des rapports signalant que des personnes étaient mortes peu de temps après avoir été touchées par un Taser m'ont porté à me demander s'il n'y avait pas un lien direct entre l'utilisation de l'arme par la police et la mort subséquente de la personne. Je me suis dis que, si la police avait par erreur utilisé le Taser, croyant honnêtement que l'arme n'était pas mortelle et qu'elle représentait donc une solution de rechange sans danger à l'utilisation de la force mortelle, il fallait enquêter.
M. Robert Bagnell est mort le 23 juin 2004, peu de temps après avoir reçu deux décharges de Taser infligées par des policiers de Vancouver en tentant de le retirer d'une salle de toilette verrouillée dans un hôtel, croyant que l'hôtel était en feu. J'ai ordonné la tenue d'une enquête externe le 5 août suivant. Je l'ai confiée à la Police de Victoria, à laquelle j'ai demandé d'enquêter sur un incident relevant de ma compétence et mettant en cause la Police de Vancouver.
Lors de discussions avec le chef d'alors de la Police de Victoria, M. Battershill, celui-ci a volontiers accepté d'élargir son enquête, que j'étais habilité à ordonner, sur la mort de M. Bagnell, de manière à y inclure — et je vous lis un passage du mandat que je lui ai donné :
... examiner l'application actuelle du protocole relatif à l'utilisation de la force et faire les recommandations provisoires qu'il juge pertinentes concernant l'utilisation du TASER par les policiers de la Colombie-Britannique, en attendant que soient connus les résultats de nouvelles études actuellement en cours.
Je fais une pause pour souligner que, même en 2004, plusieurs études étaient en cours, mais que je tenais à obtenir certaines réponses tout de suite — si possible — dans l'intérêt des forces policières municipales de la Colombie-Britannique.
Vous vous demandez peut-être pourquoi l'étude a été confiée à la Police de Victoria. Sachez qu'elle a été l'une des premières forces policières du Canada à utiliser le Taser et qu'elle était donc celle qui avait le plus d'expérience, dans ma sphère de compétence, pour mener l'enquête. Comme on peut s'y attendre, j'ai recours à des forces policières municipales pour accomplir ce genre d'études, bien que j'aie le pouvoir, en vertu de la loi créant mon organisme, d'ordonner à la GRC d'effectuer certaines enquêtes lorsqu'il y a eu plainte contre des forces municipales.
La Police de Victoria a mené cette étude avec beaucoup de diligence, et le chef Battleshill y a affecté d'importantes ressources. Le 29 septembre 2004, elle a produit un rapport provisoire , sous le titre Taser Technology Review & Interim Recommendations. Vous pouvez en consulter le texte sur notre site Web, à l'adresse www.opcc.bc.ca, en cliquant sur « Reports », puis « Archived Reports », « 2004 » et « Victoria Police Department ».
Ces recommandations provisoires de la Police de Victoria incluaient, entre autres :
D'après les recherches effectuées jusqu'ici, l'équipe d'enquête est d'avis que le TASER devrait être maintenu comme arme intermédiaire utilisée par la police en Colombie-Britannique, sous réserve de toute recommandation qui pourrait se dégager de notre rapport final. Notre analyse du déploiement de cette arme sur le terrain et de la documentation médicale laisse croire que l'utilisation appropriée du TASER présente un niveau acceptable de risque pour les personnes visées.
Simultanément, nous croyons qu'on peut faire plus pour assurer l'uniformité de la formation dans la province, pour accroître les niveaux de reddition de comptes et pour diminuer le risque pour les groupes les plus à risque d'un décès subi et inattendu associé aux moyens de contention, avec ou sans TASER.
Vous avez peut-être déjà entendu parler de ce qu'on appelle le délire agité et de l'asphyxie positionnelle. Ces deux troubles sont souvent liés au recours au Taser parce que les personnes qui en sont atteintes sont justement celles sur lesquelles la police utilise le Taser parce qu'elles subissent un stress d'ordre médical ou autre et ont un comportement étrange.
Le rapport provisoire de septembre 2004 faisait aussi certaines recommandations concernant l'uniformisation de la formation :
Il semble y avoir un important manque d'uniformité dans la formation des policiers de la province concernant l'utilisation du TASER.
Avec votre permission, j'aimerais faire une pause ici et m'écarter du texte. J'estime que le manque d'uniformité ne vaut pas qu'en Colombie-Britannique, mais partout au Canada. La seule constante, c'est le manque d'uniformité dans la présentation des rapports, la formation et l'utilisation.
Je poursuis :
Par conséquent, nous recommandons d'élaborer un plan de cours uniformisé et d'établir une norme de formation pour les utilisateurs du TASER en Colombie-Britannique. Cette norme de formation serait élaborée par le Justice Institute of British Columbia, de concert avec des coordonnateurs de l'usage de la force représentant tous les organismes policiers municipaux et la GRC. Ce « programme de base » serait offert à toutes les recrues et à tous les utilisateurs de TASER déjà en service. Les organismes seraient libres d'offrir une formation plus poussée, une fois que la formation de base a été donnée.
L'équipe d'enquête a également recommandé la présentation obligatoire de rapports. Pas tous les organismes de la province exigent actuellement de leurs agents qu'ils présentent un rapport comme il convient sur le déploiement du Taser. Certains organismes qui ont pour politique d'exiger des rapports n'appliquent peut-être pas cette politique à tous les usages en raison de niveaux insuffisants de supervision.
En raison des contraintes de temps, je vais simplement vous donner les grandes lignes des recommandations. Vous pourrez par la suite vous procurer le texte de mes notes.
La recommandation suivante concerne l'acquisition d'une nouvelle technologie Taser. Si les organismes souhaitent acquérir la nouvelle technologie Taser, on recommande le Taser X26 plutôt que le M26, soit l'ancienne version. Le X26 donnerait un meilleur rendement — par manque d'une meilleure expression — en raison de sa capacité accrue de réunir des données et son plus faible courant électrique. Donc, la version la plus récente a été réputée être plus utile pour réunir des données et peut-être plus sécuritaire.
On peut ensuite lire dans le rapport :
Bien qu'il n'y ait pas de fait établissant que la décharge produite par le TASER M26 excède des niveaux acceptables, le X26 offre une plus grande marge de sécurité, comme en témoignent l'étude Alfred.
C'est une des études dont s'est servi l'équipe pour rédiger son rapport.
L'équipe recommande également de la formation concernant le délire agité :
Le syndrome du délire agité continue d'être trop peu connu dans le milieu policier. Bien qu'il soit relativement rare, à cause des changements qui surviennent dans les habitudes de surconsommation de drogues, il est probable que les policiers feront plus souvent face à des personnes qui en sont atteintes.
À nouveau, l'équipe recommande plus de formation et un plan de cours standardisé.
Quant aux protocoles visant les moyens de contention, on lit :
Bien que la preuve médicale demeure non concluante, il semble effectivement y avoir un lien entre les positions utilisées comme moyens de contention et l'augmentation du risque auquel sont exposées les personnes arrêtées.
C'était ce qui figurait dans le rapport provisoire. Le rapport final...
J'espère que je ne vais pas trop vite.
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Le rapport final a été remis le 14 juin 2005. Vous le trouverez également sur notre site Web, dans sa version intégrale, y compris quelques lettres de certains experts, des médecins — un urgentologue et Dr John Butt, qui est non seulement notre coroner, mais également un pathologiste judiciaire.
Il s'agit selon moi d'un rapport d'étude très fouillée dans lequel on trouve des recommandations qui, de concert avec les recommandations provisoires dont je viens de vous donner les grandes lignes, si elles sont mises en oeuvre, pourraient bien prévenir certains problèmes survenus par la suite. Si vous vous fiez aux tendances qui se dégagent des faits décrits dans certains rapports isolés d'incidents survenus depuis lors, si certaines de ces recommandations avaient été mises en oeuvre, et c'est de la pure conjecture de ma part, mais je suppose que ces incidents n'auraient peut-être pas été aussi fréquents.
L'équipe d'enquête a écrit :
Il arrivera, particulièrement lorsque les renforts sont peut-être loin ou ne sont pas disponibles
— et admettons-le, tous ne travaillent pas dans de grands centres urbains —
qu'il faudra envoyer plusieurs décharges pour maîtriser des personnes violentes. Les protocoles de formation, cependant, devraient tenir compte du fait que l'envoi de décharges multiples au moyen du TASER, particulièrement en cycle continu, pour des périodes excédant 15 à 20 secondes pourrait accroître le risque auquel est exposée la personne visée et devrait, si possible, être évité. La théorie classique relative à l'usage de la force dicte que les agents abandonnent toute tactique particulière après qu'elle a été employée plusieurs fois sans obtenir le résultat désiré.
En d'autres mots, il faut changer de méthode.
À l'inverse, en reconnaissance du fait qu'un affrontement prolongé intensifie le risque tant pour l'agent que pour la personne visée, il convient peut-être d'utiliser le TASER dès qu'il est clair qu'il faut maîtriser la personne physiquement et qu'on constate que la négociation ne sera probablement pas utile.
Une mise en garde est faite:
Une seule décharge du TASER avant que la personne visée ne soit épuisée, suivie d'une technique de contrainte qui ne nuit pas à la respiration, pourrait bien donner les meilleurs résultats.
Le rapport fait plusieurs recommandations, accompagnées du raisonnement sur lequel elles s'appuient, mais pour ne pas absorber trop de temps, je précise qu'elles sont résumées aux pages 34 et 35.
1. En ce qui concerne les DAI, y compris le TASER, nous recommandons que, sous réserve de facteurs particuliers à la situation, ils ne soient pas utilisés contre des personnes qui ne font que de la résistance passive.
Bon nombre d'entre vous ont entendu parler des rapports isolés selon lesquels, par exemple, le policier demande à l'homme de poser sa bouteille de bière et, s'il refuse, il utilise son Taser. C'est là une forme de résistance passive. Le Taser ne devrait pas être utilisé dans pareilles circonstances.
2. Lorsque la personne fait de la résistance active, c'est-à-dire qu'elle résiste aux efforts du policier en vue de l'arrêter sans pour autant l'attaquer, si le policier estime que le recours à un DAI s'impose, à notre avis, il faudrait ne l'utiliser qu'en mode contact.
Je soupçonne que vous êtes pas mal au fait que le Taser peut être utilisé soit en mode contact, un peu comme un aiguillon à bétail, et en mode sonde, où la sonde projette jusqu'à 21 pieds deux petits dards qui pénètrent la peau.
3. Lorsque les agents font face à de la résistance active, à de la résistance violente ou au risque de graves lésions corporelles ou de mort, s'ils estiment que l'utilisation d'un DAI convient, nous recommandons que le dispositif soit utilisé soit en mode contact, soit en mode sonde.
Le rapport établit donc des lignes directrices à utiliser dans ce que je qualifierais et ce que l'on connaît sous le nom d'usage progressif de la force. Vous en avez probablement entendu parler des services policiers.
À mon avis, un des aspects les plus importants du rapport était le fait qu'il avait été soumis à l'examen de pairs, c'est-à-dire à un groupe d'experts de la médecine. C'est l'un des points dont le chef Battershill et moi avons discuté. Je ne souhaitais pas obtenir simplement un rapport fait par la police. Je souhaitais que les résultats de l'enquête soient soumis à des pairs, dont un groupe d'experts pluridisciplinaire. Donc, une équipe d'experts pluridisciplinaire a examiné le rapport.
Dans ce groupe d'experts, il y avait un pathologiste judiciaire, un physiologiste de l'exercice, un cardiologue, un psychiatre judiciaire, le sous-chef de la médecine d'urgence, un neurologue, un formateur du Collège de police de l'Ontario, le surintendant de district du service ambulancier de la Colombie-Britannique, le directeur exécutif du Centre canadien de recherches policières et un assistant médical spécialisé en réanimation.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vais essayer de me limiter à huit ou dix minutes.
Je suis certainement, tout comme mon collègue, ravi d'être ici aujourd'hui. Je suis accompagné de M. MacDonald, mon directeur de la Politique stratégique et de la recherche.
J'aimerais tout d'abord prendre quelques minutes pour vous parler des armes à impulsion et de notre rôle de conseiller auprès du ministre de la Sécurité publique en la matière.
Je tiens à ce que l'on sache que l'utilisation de l'arme à impulsions comme dispositif de recours à la force me préoccupe. Je vais parler de cette arme en utilisant l'expression « pistolet Taser » par souci de commodité et parce que c'est ainsi qu'on l'appelle couramment à la GRC.
J'aimerais ensuite en venir à la façon dont la commission a l'habitude de traiter les plaintes et les appels liés aux cas précis dans lesquels des membres de la GRC ont eu recours au pistolet Taser et à certaines difficultés auxquelles nous avons eu à faire face.
Enfin, j'aimerais aborder certaines questions systémiques au sein de la GRC, des questions qui ont été soulignées dans notre rapport intérimaire de 2007 sur le pistolet Taser.
En novembre dernier, le ministre de la Sécurité publique a demandé à la commission d'examiner les protocoles de la GRC touchant le pistolet Taser, leur mise en oeuvre et leur observation. C'était la première fois, que je sache, dans le passé récent, qu'un ministre sollicitait nos conseils et notre aide au sujet d'une politique liée aux pratiques policières.
La Commission des plaintes du public contre la GRC a été créée par le Parlement en octobre 1988. Par le passé, le travail de la commission se résumait surtout à recevoir les plaintes du public et à examiner les appels.
Le gouvernement a récemment accordé à la commission un financement provisoire qui a été utilisé, en partie, pour créer une nouvelle Division de la politique stratégique et de la recherche. La commission se concentre toujours sur ses activités principales, mais elle est désormais en mesure d'examiner plus en profondeur les enjeux systémiques liés aux pratiques policières, et les pistolets Taser en sont un exemple.
L'intérêt de la participation de la commission dans l'examen de pareils enjeux systémiques liés aux pratiques policières réside dans le fait qu'elle pose des questions que la police n'a pas l'habitude de poser. Ce n'est dû à un manque de volonté singulier de régler les problèmes, mais au fait que la commission, organisme de surveillance civile, apporte un point de vue différent.
En ce qui concerne le pistolet Taser, je tiens à être très clair: le pistolet Taser est une arme qui provoque de la douleur et dont l'utilisation sur le corps humain, contrairement à l'arme réglementaire ou à la matraque, laisse très peu de traces. Par contre, le dispositif cause une douleur intense.
Les organismes d'exécution de la loi et l'entreprise Taser International font valoir que le pistolet Taser frappe le sujet d'incapacité et l'empêche de riposter. Cela est peut-être vrai, mais il s'agit d'une description extrêmement édulcorée de ce que le pistolet Taser fait subir à une personne. Ce qui manque au débat et ce qui inquiète la commission, c'est le fait qu'une technique de contrainte par la douleur soit préconisée sans réserve sans qu'on en comprenne bien l'impact sur le corps humain et les circonstances dans lesquelles les membres de la GRC l'utilisent.
Malgré mes préoccupations au sujet de la contrainte par la douleur, la commission reconnaît que le travail policier suppose parfois des interactions violentes avec des personnes afin de maîtriser la situation. Toutefois, il faut situer la question dans un contexte plus large qui tient compte de l'appui du public, de la responsabilité et de la transparence.
Pour le moment, la commission ne recommande pas un moratoire sur l'utilisation du pistolet Taser par la GRC. Elle est plutôt d'avis que l'usage devrait être restreint aux seules situations où la personne est combative ou présente un risque important de mort ou de blessure physique grave.
Actuellement, beaucoup d'examens et d'enquêtes au sujet de l'utilisation de ces pistolets Taser par la police sont en cours partout au pays. Nous en avons dénombré environ dix. Voilà qui témoigne de la préoccupation considérable du public à l'égard de cette arme.
La commission traite de la question des pistolets Taser utilisés par la GRC depuis leur introduction à la fin de 2001. Nous avons reçu 144 plaintes liées à l'emploi du pistolet Taser et 21 demandes d'appel concernant l'utilisation ou la menace d'utilisation d'un pistolet Taser.
À la lumière des 21 appels traités, la commission a fait des constations défavorables, c'est-à-dire qu'elle a repéré des cas où les membres ont négligé d'évaluer correctement le comportement auquel ils faisaient face pour ensuite le qualifier de plus menaçant qu'il ne l'était en réalité. Cette qualification erronée a eu pour conséquence d'élever le niveau d'intervention au-delà du seuil acceptable selon le modèle de recours à la force de la GRC. Il s'agit là de la principale préoccupation de la commission.
Depuis l'introduction du pistolet Taser en 2001, la commission a observé un changement de politique: on permet l'utilisation de l'arme dans des circonstances beaucoup moins contraignantes que lorsqu'on l'a d'abord proposée. De plus, nous avons relevé des cas où les membres ont eu recours au pistolet Taser dans des situations non conformes aux scénarios d'utilisation permise. La commission qualifie cet usage plus répandu et moins restrictif d'« usage exponentiel ». Par conséquent, dans certains cas, on a utilisé le pistolet Taser sur des personnes qui n'étaient clairement pas combatives et qui ne pouvaient pas être qualifiées d'activement résistantes.
J'aimerais attirer votre attention sur le fait que la commission ne reçoit qu'environ la moitié des plaintes déposées contre des membres de la GRC chaque année, parce que la plainte peut être déposée directement à la GRC, qui la règle elle-même. Donc, à moins qu'il n'y ait appel, la commission n'en est pas informée. Le chiffre de 144 que je vous ai mentionné tout à l'heure représente les plaintes qu'a reçues la commission. Il lui est par conséquent difficile de mesurer pleinement l'ampleur du phénomène.
De plus, la commission sait bien que le grand public ne connaît peut-être pas bien ses droits en ce qui concerne le dépôt d'une plainte ou une demande d'appel. Pour régler cette question, nous faisons une priorité de la liaison avec les collectivités. En fait, depuis l'an dernier, nous avons entrepris une vérification quasi interne de toutes les plaintes contre la GRC déjà traitées pour déterminer si ces plaintes, surtout celles qui se rattachent à l'utilisation de la force, ont été traitées de façon correcte.
Je puis cependant vous dire ceci: j'ai vu des cas où des plaintes liées à l'utilisation de la force, y compris l'utilisation inadéquate des pistolets Taser, ont été réglées à l'amiable par la GRC. Or, s'il y a règlement à l'amiable, le plaignant n'est pas informé de son droit d'appel parce qu'il y a entente réciproque, de sorte que nous n'intervenons pas et que, parfois, la plainte est retirée. Selon moi, c'est inacceptable, parce que les plaintes liées à l'utilisation de la force sont des allégations graves et doivent être traitées de façon officielle, notamment en offrant aux plaignants la possibilité d'interjeter appel auprès de la commission.
Vous remarquerez, dans les documents qui, je crois, vous ont été distribués, le modèle de recours à la force de la GRC, la place où se situe actuellement le pistolet Taser selon nous, avec exemples à l'appui, et, enfin, la place, toujours selon nous, qu'il devrait occuper.
Pour vous aider à comprendre, je vous invite à vous créer l'image mentale d'un pendule numéroté de 1 heure à 12 heures. On commence par la forme la moins grave d'intervention, soit la présence d'un policier; on passe ensuite à des interventions verbales; au contrôle par mains nues, où on se contente de donner des instructions; ensuite, on peut passer à des clés de bras, puis au contrôle plus musclé des mains fermées. Dans la gradation des moyens de contrainte, on passe ensuite à l'aérosol capsique (le gaz poivré), au Taser et à la matraque. Naturellement, la force mortelle serait l'utilisation d'un fusil. Puis, on revient tout à fait en haut de la face du pendule.
Si vous examinez le diagramme que voici, vous noterez où se situe la nouvelle politique de la GRC, qui a ensuite été modifiée à la suite de notre rapport provisoire de décembre 2007. Elle se trouve à environ 7 heures, sur le cadran. On peut lire: « Politique antérieure de la GRC ». Vous pourrez voir où elle se situe dans le recours à la force et vous verrez également la résistance « active » et la résistance « passive ». Puis, juste au-dessus, « Politique actuelle de la GRC ».
Vous remarquerez que les deux cases sont rattachées à la même ligne. En d'autres mots, je crois que, depuis qu'on a reçu mon rapport provisoire, il n'y a pas eu beaucoup de changement dans la place qu'occupe le Taser utilisé par la GRC.
Lorsqu'on examine le document où il y a du vert ici, tout de suite après le bleu, on voit une ligne verte à partir de laquelle se trouvent des exemples de situation où le Taser a été déployé; en d'autres mots, tout de suite après une intervention verbale, sans recours à une autre technique. Même dans le cadre de la politique de la GRC, le recours au Taser est censé se situer ici, après avoir essayé d'autres techniques comme les techniques de contrainte à mains nues. J'ai recommandé qu'il se situe en haut, presqu'à 8 heures ou à 9 heures sur le cadran, soit dans une situation de combat ou une situation où l'on envisagerait le recours à la matraque. Son utilisation se situe plutôt en bas, ici, avec d'autres dispositifs.
Selon moi, la GRC n'a pas pris des mesures suffisantes pour mettre en oeuvre ma première et ma seconde recommandations. Et naturellement, elle ne l'a pas fait non plus en ce qui concerne la formation des membres et les conseils qui leur sont donnés. C'est un problème de taille.
Au coeur du débat concernant l'utilisation des pistolets Taser par la GRC réside le principe de la proportionnalité, c'est-à-dire que la force utilisée devrait être raisonnable et fonction de la résistance à laquelle le membre est confronté.
Mon rapport intérimaire sur le Taser fait de nombreuses recommandations portant sur trois grands domaines: un, la GRC doit coordonner et renforcer ses efforts liés à la collecte de données et à l'analyse de l'utilisation des pistolets Taser; deux, elle doit justifier de façon empirique les changements de ses politiques à l'égard de l'utilisation des pistolets Taser, surtout lorsque le changement diminue les restrictions sur l'utilisation.
Trois, la GRC doit mieux expliquer à ses membres et au public les cas dans lesquels l'utilisation de l'arme est permise. La commission publiera son rapport final sur les pistolets Taser au début de juin 2008. Il est important de souligner que le rapport final ne traitera pas des préoccupations médicales que suscitent l'utilisation du pistolet Taser. La commission, bien qu'elle soit au courant du vaste débat médical, n'a ni le mandat ni l'expertise nécessaires pour effectuer ce genre d'analyse spécialisée. Par ailleurs, si vous lisez les études, vous constaterez qu'elles s'éparpillent dans tous les sens.
Notre rapport final sera axé sur les pratiques exemplaires de la police (sur le plan national et international), sur une analyse comparative des autres services policiers du pays et de la place qu'occupe le pistolet Taser dans leur modèle d'utilisation de la force et, enfin, sur une analyse en profondeur des rapports de la GRC portant sur l'utilisation du pistolet Taser. Les témoignages qu'a entendus le comité serviront également à éclairer le rapport final.
Soit dit en passant, je tiens à souligner que la coopération et la transparence de la GRC avec nous, pendant la préparation du rapport intérimaire et du rapport final, ont été exemplaires. Cette relation est essentielle à l'exécution de notre mandat.
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Merci beaucoup, et merci messieurs d'être présents aujourd'hui.
J'ignore si c'est à cause de ce qui s'est produit en Colombie-Britannique, mais l'usage du Taser est à l'avant-plan des préoccupations du public, et ce, depuis bien avant l'incident survenu à l'aéroport.
Ce que j'ai entendu aujourd'hui, à mon avis, correspond exactement à ce que nous ont dit des témoins lors de leur comparution, même s'ils ne l'ont pas dit de cette façon, notamment les questions soulevées par le public à propos de l'importante disparité qui existe au pays entourant l'utilisation du Taser, les rapports, les suivis, les critères sur lesquels on se fonde pour y avoir recours, etc.
Comme M. Kennedy l'a dit, les gens critiquent rapidement la GRC ou les autres services de police, mais cela a énormément ébranlé leur confiance, certainement dans ma province. Je suis très fière de dire que je viens d'une ville de 400 000 habitants qui est toujours desservie par la GRC. Nous en sommes très heureux. Toutefois, je sais aussi que dans certains endroits, les gens ont peu confiance. Il y a donc une importante disparité concernant l'usage du Taser, les rapports, la consignation, le suivi, entre autres, et vous nous l'avez confirmé aujourd'hui.
Une autre chose dont nous n'avons pas discuté aujourd'hui, c'est que lorsque les gens lisent dans les journaux — et je pense que nous avons un exemple local — qu'un agent de la GRC a fait l'objet d'une accusation ou d'une plainte, et que finalement, on a jugé qu'il avait bien agi. Je ne doute pas que ce soit le cas, mais la question de la supervision se pose. Qui révise l'évaluation? Même si c'est une personne d'un autre service de police, cela ne met pas nécessairement plus la population en confiance — comme dans n'importe quelle profession, soit dit en passant — lorsque des gens qui exercent la même profession se révisent les uns les autres. On le voit avec des médecins et beaucoup d'autres professionnels.
J'ai plusieurs questions à vous poser.
Je suis très préoccupée par deux remarques qu'a faites M. Kennedy. Tout d'abord, il n'y a personne pour veiller à ce que ces recommandations soient mises en oeuvre. Nous avons beau penser que ces recommandations sont judicieuses et que c'est exactement ce qu'il faut faire, nous devons nous assurer d'y donner suite. Cela m'inquiète.
J'ai également des préoccupations à l'égard de la santé. Nous avons appris, comme M. Kennedy nous l'a dit, que très peu d'études ont été menées en matière de santé et que celles-ci révèlent toutes sortes de choses. On ne semble pas s'être penché sur les différents seuils de tolérance. Si, par exemple, une personne a un très faible seuil de tolérance, celle-ci réagira beaucoup plus à l'impulsion. Je ne sais pas quels sont les effets à long terme d'une douleur sévère puisqu'au bout du compte, on a libéré la même quantité de courant. Par conséquent, le fait que cet aspect médical n'ait pas fait l'objet de beaucoup d'études m'inquiète un peu, parce que ce sont des craintes qui ont été soulevées par le public et des vies qui sont en jeu.
Tout d'abord, on a formulé des recommandations provisoires. Quand pensez-vous qu'on devrait y donner suite?
Ensuite — j'ai bien peur que la formation soit aussi en cause —, est-ce que je me trompe en disant que le service de police de Toronto doit se requalifier chaque année? Si c'est le cas, il existerait encore un écart entre les services de police. Je serais curieuse de savoir, et vous n'avez pas à me donner la réponse aujourd'hui, pourquoi vous avez choisi deux ans alors qu'un autre service de police a décidé de le faire tous les ans.
Enfin, pour ce qui est de rendre des comptes au public, suite à votre recommandation de rédiger des rapports trimestriels, pourquoi ne pas afficher ces rapports sur le site Web? Évidemment, on n'indiquerait aucun nom ni aucun endroit. Je ne voudrais pas que le public, qui se dit très préoccupé par la question, invoque la Loi sur l'accès à l'information pour obtenir des renseignements. Y a-t-il une raison pour ne pas publier cette information? Je recommanderais certes de le faire.
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Je m'efforcerai d'être très bref.
Je n'ai pas le pouvoir de formuler des recommandations exécutoires. En fait, dans le modèle législatif, j'ai dit que je ne devrais pas, parce que je pense que les policiers peuvent décider eux-mêmes de la meilleure façon de procéder. Ils sont probablement mieux en mesure de le faire que moi. S'ils ne le font pas, j'ai indiqué au début que le ministre lui-même peut l'exiger, et si c'est le cas, cela peut s'appliquer partout au pays, à l'échelle fédérale et provinciale.
En ce qui concerne la santé, vous avez parfaitement raison. J'ai présenté cela comme un moyen de contrainte par la douleur — et la douleur est subjective, évidemment. J'ai recommandé qu'on mène davantage de recherches sur la douleur. On n'en tient pas compte... Dans les nombreuses présentations que j'ai vues, lorsqu'on parle de l'immobilisation des individus, on ne fait nullement référence à la douleur. Pourtant, c'est quelque chose qui doit absolument être pris en considération.
Dans l'affaire R. c. Hannibal, le juge Challenger en parle et affirme que le problème avec ce dispositif, c'est qu'on ne peut pas diminuer l'intensité et ainsi modérer la douleur. Autrement dit, on envoie une pleine décharge chaque fois. Si on maîtrise quelqu'un en ayant recours à la technique de clé — et nous avons des policiers ou des anciens parmi nous qui peuvent en témoigner —, on peut modérer le niveau de douleur. Par contre, quand on utilise le pistolet Taser, on envoie une pleine décharge chaque fois.
Par ailleurs, j'ai formulé ces recommandations pour qu'on les mette en oeuvre immédiatement. C'était un rapport provisoire; j'y ai indiqué les mesures à prendre. Bien entendu, on aurait pu y donner suite immédiatement.
Ensuite, pour ce qui est de la requalification, on est passé de un an à trois ans. Bien entendu, je pensais moi-même à un an. En 2005, la vérificatrice générale a rédigé un rapport sur la formation des agents de la GRC, et a noté qu'il y avait beaucoup de rattrapage à faire à ce chapitre. Je sais que cela pèse beaucoup sur eux en ce moment. Je ne trouvais pas raisonnable d'alourdir le fardeau en leur demandant de le faire chaque année alors qu'ils traînent déjà de la patte sur le plan de la formation et du renouvellement d'accréditation. C'est pourquoi j'ai indiqué deux ans. Il y a aussi le fait que les principaux changements aux politiques semblent se faire tous les deux ans, et je pensais que cela serait pris en compte.
Quant aux rapports trimestriels, je suis d'accord pour dire qu'il faut de la transparence; nous devons en faire plus pour regagner la confiance du public. Je pense que de tels documents, pourvu qu'ils ne contiennent aucune information personnelle, devraient se trouver sur Internet. Nous faisons tout notre possible à ce niveau-là.
Il a recommandé que la question fasse l'objet d'études plus approfondies. Il a également indiqué, comme vous l'avez mentionné, qu'il y a certainement beaucoup de cas où les personnes atteintes de délire agité affichent les mêmes symptômes quand elles reçoivent une décharge de Taser et ensuite meurent. Ces personnes meurent dans les hôpitaux et ailleurs sans avoir reçu une décharge de Taser.
La question qu'il faut se poser est la suivante: existe-t-il un lien entre l'utilisation du Taser et ces symptômes préexistants? Est-ce que ces personnes seraient mortes de toute façon si elles n'avaient pas reçu une décharge de Taser? On ne le sait toujours pas. Or, les spécialistes, dans le rapport intérimaire et dans le rapport final, ont recommandé que l'on mette l'accent sur la formation, les études plus poussées, les essais et l'adoption de normes nationales. Vous avez raison de dire que certaines des préoccupations qui ont été soulevées ne sont pas nécessairement liées au Taser. Nous allons voir si celui-ci constitue un problème une fois qu'il aura été testé et que nous aurons recueilli plus de preuves médicales.
La plus grande inquiétude, selon moi, c'est l'utilisation du Taser à des fins non prévues. a dit que lorsqu'il a approuvé l'utilisation du Taser en Colombie-Britannique en 1999, soit la première année où il a été utilisé, le Taser devait servir dans des situations exigeant des moyens d'intervention moins meurtriers. Autrement dit, il devait constituer une solution de rechange à l'emploi d'une force mortelle. Je ne suis pas surpris de l'entendre dire que c'est dans cet objectif que le Taser a été approuvé en Colombie-Britannique.
Toutefois, au fil du temps, le Taser a été utilisé de plus en plus dans des situations de moins en moins dangereuses, vu le côté pratique de l'arme. D'où son utilisation inappropriée. Le Taser fonctionne, et de manière très efficace, sauf qu'il présente un risque pour certaines personnes, ce qui explique l'attention dont il fait l'objet.
Si YouTube diffusait des images de policiers en train de tirer sur quelqu'un, on assisterait également à tout un tollé. Les policiers sont équipés d'armes mortelles pour une raison. Le Taser figure au nombre de celles-ci. Est-ce que son usage est conforme à la règle du recours progressif à la force? Voilà la question.
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À mon avis, et d'après les renseignements que nous avons, la GRC place le Taser dans la même catégorie que les armes à impact. Il ne devrait pas être considéré comme un dispositif intermédiaire...
En passant, ce qu'il faut garder à l'esprit, parce que les gens disent que nous considérons le Taser, à l'instar des autres corps policiers, comme un dispositif intermédiaire... En fait, si vous jetez un coup d'oeil aux définitions des mots « intermédiaire » et « résistant », vous allez voir que les corps policiers appliquent des critères différents. Certains, comme les services policiers de Toronto, considèrent le Taser comme un dispositif intermédiaire qu'il faut l'utiliser contre des sujets qui ont un comportement violent, par exemple. Ils le qualifient de dispositif intermédiaire, sauf que la définition qu'ils utilisent n'est pas la même. L'Irlande du Nord qualifie cette arme de potentiellement mortelle. Donc, quand vous jetez un coup d'oeil à ce qui fait ailleurs, vous constatez que les catégories existent, mais qu'elles ne veulent pas nécessairement dire la même chose. Les corps policiers ne traitent pas cette arme de la même façon.
Je suis en train de vous dire où nous en sommes à l'heure actuelle. La GRC a délaissé la politique adoptée lors de l'introduction du Taser, en 2001. On le décrivait, à l'époque, comme une arme moins mortelle qui devait servir à maîtriser les suspects et à prévenir les blessures chez les policiers, les suspects et le public. Elle devait être uniquement utilisée pour maîtriser les suspects qui résistaient à l'arrestation, avaient un comportement combatif ou qui étaient suicidaires. Voilà comment l'arme était décrite en 2002, lors de son introduction. Aucune analyse des données n'avait été effectuée. Or, en 2004, la politique a été modifiée, de sorte que le Taser peut désormais être utilisé dans toutes sortes de situations. Tout ce que je dis, c'est que si nous jetons un coup d'oeil aux données et que celles-ci montrent que le Taser peut être placé dans la catégorie des dispositifs intermédiaires... et assorti d'une description appropriée, alors très bien. Toutefois, rien ne justifiait un tel changement. Il n'y avait pas d'éléments de preuve sur lesquels se fonder.
Donc, ce que je dis, c'est que cette arme devrait maintenant être utilisée contre un sujet qui a un comportement combatif, sous réserve de recherches plus poussées. Ensuite, soit on la garde dans la même catégorie, soit on la place dans une catégorie différente. Toutefois, si le policier ne dispose d'aucune directive claire qui dit que, si la personne n'a pas un comportement combatif, le Taser ne peut être utilisé, vous allez vous retrouver dans une situation impossible où l'arme va être utilisée dans des circonstances où le sujet a un comportement actif-agressif, mais aussi passif-agressif, ce qui englobe, par exemple, la fuite, la simple fuite. Certains pays jugent que la simple fuite ne constitue pas un facteur qui justifie l'utilisation du Taser, qu'il faut tenir compte de la gravité de l'infraction qui a été commise. Aucun de ces facteurs ne se retrouve dans le modèle utilisé par la GRC.