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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 025 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 16 avril 2008

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte.
    Nous faisons un examen sur l'utilisation des pistolets taser. J'aimerais souhaiter la bienvenue à tous les témoins.
    Comparaîtront aujourd'hui M. Walter Kosteckyj, avocat; madame Zofia Cisowski, mère de Robert Dziekanski; Riki Bagnell, mère de Robert Bagnell; et Patti Gillmann, la soeur de Robert Bagnell.
    J'aimerais vous remercier tous et toutes d'être venus. En général, nous vous demandons si vous souhaitez faire une déclaration liminaire d'une durée d'environ 10 minutes. Puis nous cédons la parole au comité, pour que les députés vous posent des questions. Merci beaucoup d'être venus.
    Pour la gouverne des membres du comité, j'aimerais vous dire que, s'il reste du temps, nous passerons rapidement à huis clos pour traiter de la motion de M. Ménard et de toute question liée aux travaux futurs. Les cloches sonneront à 17 h 30 pour un vote qui aura lieu à 17 h 45. Nos témoins sont fort importants, alors nous verrons comment nous répartirons le temps.
    Monsieur Dosanjh.
    Monsieur le président, je n'en ai pas parlé avec les députés assis de mon côté de la table, ni avec les députés d'en face, mais j'aimerais vous faire une suggestion. Si vous êtes d'accord, j'aimerais qu'on fournisse aux témoins tout le temps qu'ils souhaitent pour parler, parce que nous risquons de ne pas avoir beaucoup de questions à leur poser et car il ne s'agit pas de témoins habituels. C'est une suggestion que je vous propose, si elle est recevable.
    Êtes-vous d'accord?
    Des voix: Oui.
    Le vice-président (L'hon. Roy Cullen): D'accord.
    Qui souhaite prendre la parole en premier? Monsieur Kosteckyj.
    Merci, monsieur le président. J'aimerais remercier les membres du comité de nous avoir invités à comparaître afin que nous vous présentions notre version des événements.
    J'aimerais vous souligner que l'affaire de Robert Dziekanski, le fils de madame Cisowski, va bien plus loin qu'une simple question portant sur l'utilisation d'un pistolet Taser. Je pense qu'il est important de faire valoir ce point. C'est important de le souligner, car votre comité traite des questions portant sur la sécurité publique.
    Il y a bon nombre de personnes qui ont un rôle à jouer au sujet de ce qui est arrivé à M. Dziekanski. Cela touche plusieurs agences. Vous pourrez les voir dans mon mémoire. Tout d'abord, j'aimerais souligner que la GRC a un rôle important à jouer dans cette histoire.
    Avant de parler du pistolet Taser, j'aimerais souligner quelques comportement de la GRC sur lesquels il faut s'interroger et qui n'ont jamais fait l'objet d'une explication. Le plus important de ces comportements, je l'indique dans mon mémoire, est que, suite à l'utilisation du pistolet paralysant, un porte-parole de la GRC a fait un communiqué de presse le lendemain. Il y indiquait, notamment, qu'ils avaient pris tout le temps qu'il était raisonnable de prendre dans de telles circonstances. Il a noté que, ce jour-là, la GRC a fait des signes à l'homme, a tenté de communiquer avec lui et de négocier.
    Or, le vidéo montre qu'ils ont utilisé le pistolet paralysant 24 secondes après être arrivés sur les lieux.
    J'aimerais faire valoir le fait que le public perd confiance en la police et ses institutions quand ces institutions ne sont pas honnêtes et corrigent pas leurs erreurs.
    À ma connaissance, la GRC n'a jamais corrigé ce point. Cette déclaration a nui à ma cliente. De plus, cela a faussement représenté ce qui s'est passé ce matin-là. La déclaration a mis la police dans une position dans laquelle elle a perdu la confiance du public. Il faut le leur rappeler.
    Nous vivons dans une démocratie. Nous octroyons énormément de pouvoirs aux agents policiers. Ils détiennent le pouvoir de faire des arrestations. Nous leur donnons toutes sortes de pouvoirs. Mais nous nous attendons, en retour, à ce qu'ils agissent correctement. Ils ne peuvent pas décrire la situations sous un faux jour et s'attendre à avoir le soutien du public.
    Au Canada, tous les garçons âgés de neuf ou de dix ans veulent encore être policier ou pompier quand ils seront grands. Ils ne voudront plus l'être si les forces policières ne se conduisent pas comme il faut, ne disent pas la vérité et ne sont pas honnêtes. Je tenais à le souligner.
    J'aimerais aussi vous parler de la façon dont ils ont agi envers ma cliente, Mme Cisowski. À deux heures du matin, elle était au téléphone avec l'Agence des services frontaliers du Canada, une fois qu'elle était rentrée de l'aéroport. Elle parlait avec l'agent Chapin, qui était le dernier agent des services frontaliers à avoir été en contact avec son fils. Il lui avait indiqué qu'il la contacterait, que, après son travail, il chercherait Robert, et qu'ensuite ils lui téléphoneraient.
    En attendant, il lui avait dit que son fils était à Vancouver. Elle remuait ciel et terre pour y retourner. Pour ceux qui connaissent la région, vous savez que d'aller de Kamloops à Vancouver à deux heures du matin n'est pas, à moins de prendre la route, mais même par avion.
    Ce que j'essaie de faire valoir, c'est que ce message a été transmis. Les renseignements devaient avoir été communiqués au policier. L'agent qui a aidé à trouver les papiers et avec qui ma cliente était au téléphone devait être au courant. Or, ma cliente a fait tout le voyage, pour se rendre jusqu'à Vancouver nourrie de l'espoir, des attentes et de l'euphorie liés au fait de retrouver son fils. Bien entendu, quand elle est arrivée, on lui a dit qu'il était décédé. Mais on ne lui a fourni aucun détail.
    Je vous dis ceci, car ces faits ont augmenté les difficultés auxquelles elle a dû faire face. À l'heure actuelle, elle souffre du syndrome de stress post-traumatique suite à tous ces événements. Cette condition liée à la détresse intense qu'elle a subie, qui va bien plus loin que la tristesse psychologique habituelle à laquelle on est soumis lorsqu'un être cher meurt. Tous les événements qui ont eu lieu n'ont fait qu'aggraver son état de santé.
(1535)
    Parlons brièvement du pistolet Taser, puisque votre comité est plus précisément saisi de cette question.
    J'aimerais tout simplement souligner que l'utilisation du pistolet Taser dans l'affaire Robert Dziekanski a détruit la réputation de professionnalisme des policiers.
    Bien que, en vertu du Code criminel, le pistolet Taser est une arme à feu à utilisation restreinte, les gens croyaient qu'il s'agissait d'une simple arme, qui pouvait être utilisée pour changer brièvement le comportement de quelqu'un. Les gens croyaient que c'était une arme sécuritaire. Mais lorsque les policiers sont formés pour ce faire et agissent de la sorte, comme je l'ai dit dans mon mémoire, ils ne sont plus des professionnels.
    Je sais que certains membres du comité étaient des policiers. Quiconque a déjà été policier sait très bien que ce métier est également une forme d'art. Il ne s'agit pas tout simplement de menotter quelqu'un et de l'arrêter. C'est un véritable art. Il faut savoir comment interagir avec les gens au bon moment.
    Cet art a été retiré des policiers lorsqu'on leur a donné des pistolets Taser en leur disant qu'ils pouvaient les utiliser comme bon leur semblait. On leur a dit que c'était sécuritaire, qu'ils pouvaient les utiliser, et que personne n'en mourrait. En fait, le pistolet Taser a tué 18 personnes au Canada et 240 aux États-Unis.
    Si l'on permet aux policiers d'utiliser ces armes à feu à utilisation restreinte et qu'on leur donne carte blanche, ils vont les utiliser. Cela ne fait qu'enlever le professionnalisme dont ont joui les policiers au Canada depuis l'époque de Robert Peel, c'est-à-dire au tout début des services policiers au pays. Les services policiers dépendaient du public qu'ils servaient et de l'information que le public était prêt à leur donner.
    Eh bien, le public ne parle pas avec les policiers. Le public est mécontent. Il faut mettre un terme à cela. Vous pouvez recommander la façon dont ce pistolet peut être utilisé; il ne devrait pas l'être à la légère.
    Les policiers devraient retourner à la base: ils devraient utiliser leur bon sens. On ne peut pas tout simplement arriver sur les lieux, ne pas interroger un seul suspect et 24 secondes plus tard, se mettre à quatre pour maîtriser un homme qui n'est d'ailleurs pas particulièrement en bonne condition physique et pas particulièrement baraqué -- contrairement à ce que les rapports ont indiqué. L'homme en question était de taille modeste. Après l'avoir vu à la morgue, je dirais qu'il mesurait probablement 5 pieds 10 ou 5 pieds 11 et pesait environ 180 livres.
    Quatre policiers formés étaient présents, aucun n'a pas posé une seule question ce jour-là. On leur a dit que l'homme ne parlait pas anglais. Les gens croyaient qu'il parlait russe. Ils n'ont pas essayé une seule fois de communiquer avec lui.
    Le vidéo ne montre pas du tout que les policiers essayaient de faire des signes à l'homme, contrairement à ce qu'ils ont dit. La question suivante doit donc être posée: si nous n'avions pas de vidéo, comment la police nous aurait relaté cet incident? Le public a le droit de connaître la réponse à cette question. Les policiers doivent nous expliquer pourquoi une erreur a été commise en premier lieu.
    Parlons maintenant de l'Agence des services frontaliers du Canada et de leur rôle dans l'affaire Dziekanski. Madame Cisowski a passé entre huit et dix heures à l'aéroport ce jour-là. Au bout du compte, elle est allée à l'Agence des services frontaliers du Canada. Il ne faut pas oublier qu'elle parrainait son fils. Elle en était responsable pendant son séjour au Canada.
    Elle a demandé à quelqu'un qui parlait mieux anglais qu'elle de s'y rendre en son nom. Elle a dit que cela a eu lieu vers environ 19 h 30 ou 20 heures. C'est également ce que m'a confirmé un témoin. L'Agence des services frontaliers du Canada indique que ça s'est passé vers 19 heures.
(1540)
    Ils ont dit que cette conversation a eu lieu avec l'agent Zadravec. Nous avons reçu ces renseignements grâce à la Loi sur l'accès à l'information. L'Agence des services frontaliers du Canada ne nous les ont pas fournis de son propre chef. Les renseignements proviennent de demandes d'accès à l'information effectuées par les parties intéressées. Ce simple fait est probant. On en est à six mois plus tard, et c'est comme cela que le public doit apprendre ce qui s'est véritablement passé.
    Quoi qu'il en soit, l'Agence des services frontaliers n'a jamais répondu à une très simple question. M. Dziekanski a passé la zone de première inspection des douanes vers environ 16 h 10. On se serait attendu à ce qu'il soit inscrit à ce moment dans l'ordinateur. Ensuite, il a rencontré et traité avec pas moins de sept agents des Services frontaliers. Ainsi, entre 16 heures et minuit ou une heure du matin, lorsqu'on l'a finalement libéré, il avait eu affaire avec sept personnes. Pour être honnête, un ou deux agents l'avaient rencontré vers 16 heures et avaient déterminé qu'il ne parlait pas anglais. À ce moment-là, il pouvait encore trouver un traducteur, en dépit du fait que le seul traducteur disponible en langue slave était — croyez-le ou non — à Toronto. Mais cet homme aurait quand même été disponible à 16 heures, si quelqu'un avait pris la peine de le retrouver et avait indiqué qu'il y avait un homme qui se trouvait dans le pétrin.
    Le point le plus important à souligner est le suivant: pourquoi est-ce que à 19 heures, lorsque l'on a posé des questions au sujet de M. Dziekanski — et le service le reconnaît — est-ce qu'un agent des Services frontaliers du Canada n'a pas inscrit le nom de cet homme dans un ordinateur et constaté qu'il fallait sonner l'alarme? L'on parle d'une femme qui cherchait son fils qui était arrivé à 16 heures. Il avait franchi la zone de première inspection des douanes. Où était-il? Personne n'a pris la peine d'inscrire son nom ni d'agir. Cette négligence bénigne touche tout le monde dans cette affaire. On peut la constater chez les autorités aéroportuaires, chez la police et chez la GRC. Au lieu de faire son travail correctement, ils l'ont fait à moitié.
    Après toute cette divulgation, ces renseignements, cet énoncé public de l'Agence des services frontaliers du Canada, après que j'ai posé cette question à plusieurs reprises, pourquoi n'y a-t-on pas répondu? Le comité devrait le savoir. Il devrait pouvoir obtenir cette réponse. M. Dziekanski a franchi les douanes à 16 heures. On peut présumer qu'il a été inscrit dans l'ordinateur. Pourquoi est-ce qu'on ne pouvait pas l'identifier à 19 heures? Pourquoi a-t-on dit à sa mère qu'il n'était pas là?
    C'est à ce moment précis, que l'on aurait pu éviter toute cette tragédie. On a dit à ma cliente, à 19 heures d'après l'agence et à 19 h 30 ou 20 heures d'après mes témoins, qu'aucun immigrant polonais n'était arrivé ce soir-là et qu'elle devrait rentrer chez elle. Elle ne l'a pas fait. Elle a continué à espérer. Elle est retournée aux autorités aéroportuaires.
    Il y avait donc sept ou neuf agents des Services frontaliers du Canada impliqués. Personne n'a voulu divulguer leur niveau de formation. Cela s'est produit au cours d'une fin de semaine. S'agissait-il d'agents inexpérimentés? De toute évidence, il s'agissait de superviseurs suppléants. S'agissait-il d'étudiants? J'ai entendu bon nombre de rumeurs. Il faut que l'on réponde à toutes ces questions. Pourquoi n'a-t-on pas traité M. Dziekanski de manière plus convenable?
    Au bout du compte, les agents ont fait de leur mieux. Je ne suis pas en train d'en accuser un en particulier. Quoi qu'il en soit, personne n'a vérifié l'ordinateur. À la dernière minute, l'agent Chapin a tenté de l'aider. Il connaissait un peu de polonais. Ce n'était pas sa langue maternelle. Il ne semblait même pas avoir une connaissance pratique de la langue. Lorsqu'il a parlé avec Mme Cisowski à deux heures du matin, ils se sont parlés en anglais et non pas en polonais.
(1545)
    Puis, quand ils l'ont finalement libéré, il ne voulait pas partir. Il leur a indiqué clairement. La raison pour laquelle il ne voulait pas partir était qu'il avait convenu de rencontrer sa mère à l'aire de récupération des bagages. Elle lui avait dit qu'elle l'y attendrait.
    Alors, je présume, bien que je ne puisse pas le prouver, qu'il n'a jamais été capable de leur faire comprendre cela, car il n'y avait personne avec qui il pouvait la communiquer. Il a continué à essayer de le faire. Mais, malheureusement, à ce stade, sa mère était rentrée à Kamloops.
    Cet homme était une âme perdue. Une fois que l'agent des Services frontaliers avait terminé de traiter avec lui, il était perdu. Je dis cela sans vouloir manquer de respect aux Services frontaliers, car ils ne sont pas censés s'occuper d'une personne une fois qu'ils les ont libérées. Cependant, il aurait dû y avoir un endroit où il aurait pu aller.
    Nous parlons d'un homme qui, de toute évidence, ne parle pas anglais. Il ne veut pas quitter l'aéroport, car il ne peut pas communiquer avec les gens. Il essaie d'expliquer ce qui se passe, mais il n'y a personne qui peut l'aider une fois que les autorités aéroportuaires l'ont libéré. Il n'y a même pas de garde de sécurité au moment où il est en train de quitter la zone. Le manque de surveillance est inconcevable.
    Alors voilà. M. Dziekanski qui passe entre les mains de sept ou huit agents différents. Il n'y a personne qui peut parler avec lui. Il leur envoie un message très clair, en leur indiquant qu'il n'est pas prêt à partir, parce qu'il a déjà pris des arrangements avec sa mère. Celle-ci se trouve à 150 pieds de son fil et est en train de transmettre les mêmes renseignements aux autorités aéroportuaires. Elle l'a fait non pas une, deux ou cinq fois, mais environ 10 fois, en les suppliant de l'aider.
     C'est pour ça que je mentionne dans mon mémoire que les autorités aéroportuaires ont joué un rôle dans cette tragédie. Et voilà. Il y avait des bureaux de renseignements. Puisque le comité a visité l'aéroport, j'imagine que vous avez vu les bureaux en question. À quoi sert un bureau de renseignements s'il est inutile et ne peut pas vous aider? Encore pire, le bureau a induit ma cliente en erreur en lui faisant croire qu'il l'aidait.
    Elle est d'abord allée au premier bureau de renseignements, qui se trouve près des portes des arrivées internationales. C'est un grand kiosque avec un écriteau vert qui indique « kiosque d'information ». Elle est allée les voir et leur a expliqué d'emblée qu'elle avait un fils qui est arrivé en avion, qui ne parlait pas la langue et qui avait très peur de voler. Ma cliente a indiqué qu'elle était très inquiète, surtout qu'elle venait de se rendre compte qu'elle lui avait donné rendez-vous dans une zone qui ne lui était pas accessible. Que pouvaient-ils faire pour l'aider?
    Ils lui ont dit de ne pas s'inquiéter. Elle n'avait qu'à attendre un peu, et son fils franchirait sans doute la porte. Après être retournée les voir à trois ou quatre reprises, elle a pris l'ascenseur et s'est rendue au plus grand bureau de renseignements avec plus d'employés et des ordinateurs. Elle a parlé avec ces gens à environ quatre ou cinq reprises. La dernière discussion qu'elle a eue avec eux était à 22 heures.
    Quoi qu'il en soit, voici le point le plus important à souligner dans cette affaire: pendant tout ce temps, on l'a induite en erreur, car on lui a fait croire qu'ils étaient en train de chercher son fils. En effet, ma cliente a dit qu'ils ont écrit le nom de son fils. Ils l'ont inscrit dans un formulaire. Il y avait deux ordinateurs, et les gens semblaient être en train de vérifier quelque chose dans les ordinateurs. Elle a tenu pour acquis qu'ils étaient en train d'essayer de faire quelque chose. Ils étaient en train d'annoncer son nom dans les hauts-parleurs.
    Ce que ma cliente ne savait pas, mais ce que savait très bien les agents du bureau de renseignements, c'est que cette annonce ne pouvait pas être entendue dans la zone internationale. Ils le savaient très bien. Elle ne le savait pas.
    Ils l'ont donc induite en erreur. Ils lui ont fait croire qu'ils cherchaient son fils, qu'ils avaient des ordinateurs, des documents, et qu'ils en faisaient le suivi. Elle est retournée les voir à plusieurs reprises et a continué à le chercher, même lorsque les agents d'immigration lui ont dit qu'il n'était pas là. Elle est retournée de nouveau, à deux reprises, avec un ami qui l'avait conduite. À 22 heures, on leur a dit: « Écoutez, il n'est pas là. Rentrez donc chez vous. »
(1550)
    S'ils lui avaient dit quelque chose d'aussi simple que « nous ne savons pas, ce n'est pas dans notre description de tâche », elle ne serait pas rentrée chez elle. Elle n'allait pas quitter les lieux jusqu'à ce qu'elle sache ce qui se passait. Elle est partie, parce qu'on lui a dit de rentrer chez elle. Cette négligence bénigne a mué ensuite en quelque chose de pire.
    Il y a aussi la question du manque de sécurité. Il y a ces gens qui se promènent en uniforme et qui sont censés s'occuper de la sécurité. Il faut souligner d'emblée qu'ils semblent ne pas avoir été formés du tout. Je crois fermement que, si vous posez la question aux policiers, ils vous diront que les agents de sécurité ne sont pas du tout formés et posent sans doute autant de problèmes aux policiers qu'ils nous en posent. C'est le point que je voulais souligner. Ils n'ont interagi avec Robert Dziekanski qu'une fois que des chauffeurs qui étaient sur place les aient cherchés et qu'une fois que des appels téléphoniques aient été effectués. Les agents n'ont eu qu'une seule interaction avec M. Dziekanski. Il était en train de prendre un ordinateur et ils lui ont fait signe — vous pouvez le voir sur la cassette — afin qu'il le remette par terre. Il l'a fait. Qu'ont-ils fait ensuite, ils lui ont tourné le dos. Ils n'ont même pas essayé d'interagir avec lui. Le geste le plus simple...
    Il n'est pas nécessaire d'être policier ou agent de sécurité, ou encore psychologue pour savoir que, si dans de telles circonstances, tourner le dos à quelqu'un signifie qu'il est ignoré et cela le frustre davantage. C'est exactement ce que les agents de sécurité ont fait. Il faut vraiment se poser des questions sur la formation qu'ont reçu ceux qui travaillent dans les aéroports, ont-ils été formés adéquatement et comment faudrait-il les former?
    La tragédie de ce cas particulier s'est aggravée parce que, d'habitude, quand vous sortez de la porte des arrivées internationales... Si vous êtes déjà allés à l'aéroport de Vancouver, vous savez qu'en sortant par ces grandes portes coulissantes vitrées, tout comme l'a fait M. Dziekanski, il y a d'habitude un poste pour les agents de sécurité avec un agent de garde. N'oublions pas que M. Dziekanski est sorti de la zone internationale. Il était escorté par l'agent Chapin qui pensait qu'il rencontrerait sa mère. Je ne dis pas que l'agent Chapin ait fait une erreur dans ce cas-là. Il n'y avait tout simplement personne à qui il pouvait confier M. Dziekanski. Mais personne non plus ne se trouvait au poste de garde.
    Il s'agit de la porte d'entrée de la zone la plus surveillée de l'aéroport. C'est là où se trouvent tous les gens que nous ne voulons pas laisser sortir...nous tentons d'empêcher les gens de rentrer dans cette zone car elle est munie de portes qui se barrent. Il faut avoir une passe spéciale pour y rentrer. En dépit de cela, il n'y avait aucun agent de sécurité à la porte.
    Excusez-moi, monsieur, je ne veux pas vous interrompre. Je sais que nous avons dit que les témoins disposeront d'un temps illimité, mais vous avez déjà parlé pendant environ 25 minutes. Par souci d'équité envers les autres témoins, savez-vous combien de temps il vous faudra encore?
    J'aurai terminé dans 5 ou 10 minutes. Je tenterai d'être bref.
    Ce que je veux souligner c'est que, si quelqu'un, en cours de route, avait fait son travail ce soir-là... N'oubliez pas qu'on lui a permis de retourner dans la zone internationale car il était perdu. Il s'est dit qu'on tentait de le sortir de cette zone alors qu'il ne voulait pas partir parce qu'il était censé y rencontrer quelqu'un. C'est ce qu'il essayait d'expliquer. C'est ce que sa mère expliquait à tout le monde. Une fois qu'il est sorti de cette zone on lui a permis d'y revenir. Il n'était pas escorté par un garde sécurité, mais plutôt par un chauffeur qui était muni d'un passe qui lui permettait d'entrer dans cette zone et d'en sortir pour accueillir des personnalités. C'est ce chauffeur qui lui a permis de retourner dans ce no man's land où nous l'avons trouvé. Il n'y avait pas de personnel de sécurité. On ne les trouvait nulle part.
    Nous pouvons voir la tragédie se dérouler dans les 24 secondes de sa vie. Au cours de ces 24  secondes, la police est arrivée et a décidé d'utiliser le pistolet Taser une fois sur les lieux, avant même d'avoir parlé avec M. Dziekanski. C'est ce que les témoins ont rapporté et ce qu'on peut voir sur la vidéocassette. Les policiers ont pris cette décision sans réfléchir.
    Puis ils l'ont abordé sans prendre plus de temps pour y réfléchir car ils sentaient qu'ils pouvaient utiliser cette arme comme bon leur semblait. Si quelqu'un avait réfléchi avant d'agir ce soir-là, M. Dziekanski serait encore en vie aujourd'hui.
    Voilà mes propos.
(1555)
    Merci beaucoup, monsieur.
    Pour votre gouverne, bien que nous examinons l'utilisation des pistolets Taser, vous savez sans doute que, lorsque nous étions à Vancouver, nous avons rencontré la Greater Vancouver Airport Authority, l'Agence des services frontaliers du Canada et la GRC. Nous avons poursuivi les pas qu'avait pris M. Dziekanski au cours de cette journée fatidique. On nous a donné une séance d'information sur cet événement. Mais nous examinons plus précisément l'utilisation des pistolets Taser. J'imagine que vous savez également qu'il y a plusieurs autres études et examens en cours. J'apprécie énormément vos observations.
    Est-ce que Mme Cisowski veut ajouter quelque chose?
    Le comité doit savoir que Mme Cisowski traverse des moments très difficiles. Elle aurait célébré hier le 41e anniversaire de son fils. Ça été très difficile pour elle d'aller à l'aéroport. Elle a eu l'occasion d'y laisser des fleurs et une carte pour son fils. Je voulais tout simplement vous le souligner, car elle vit un moment très difficile.
    Si à l'aéroport il avait pu y avoir une meilleure communication qui aurait permis les retrouvailles de la mère et du fils, alors... J'ai également une question à vous poser.
    Les agents de la GRC, qui sont censés aider les gens, ne faisaient que se tenir débout et discuter entre eux en attendant que les autres arrivent. Ils ne semblaient pas se sentir concernés, comme s'ils n'avaient joué aucun rôle dans la tragédie. C'est cela qui m'a le plus répugné. Pourquoi n'ont-ils pas vérifié si mon fils s'était évanoui? N'avaient-ils pas la responsabilité de s'en occuper jusqu'à ce que le personnel paramédical arrive surtout que c'était à cause d'eux qu'il était dans cet état?
    D'accord. Est-ce tout?
    Oui.
    Merci beaucoup, madame Cisowski. Nous compatissons à votre souffrance. Merci d'avoir eu le courage de venir comparaître aujourd'hui avec votre avocat. Merci de nous avoir fait part de vos observations et de nous avoir raconté votre histoire.
    Riki Bagnell, allez-vous prendre la parole en premier?
    Patti Gillman, la parole est à vous.
    Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité.
    Je suis soulagée de me retrouver ici aujourd'hui. Pour ma famille et pour moi, c'est le signe que nous sommes arrivés à une destination très importante dans ce qui a été un très très long parcours.
    Comme vous le savez sûrement, mon frère, Robert Bagnell, est mort le 23 juin 2004, quelques instants à peine après que la police de Vancouver l'ait maîtrisé au moyen d'un pistolet Taser. Deux jours après sa mort, le Service de police de Vancouver a communiqué avec ma famille pour nous dire que Bob était mort, apparemment, à cause d'une surdose.
    Je sais que vous ne pourrez pas répondre à ces questions, mais voici les questions que je me pose depuis: s'il était acceptable d'avoir maîtrisé mon frère au moyen d'un pistolet Taser, la police n'aurait-elle pas divulgué immédiatement le fait qu'elle avait eu recours à cette arme? Aurait-elle caché le recours à cette arme pendant quatre semaines complètes avant d'annoncer aux médias, non pas à nous, qu'elle avait maîtrisé mon frère avec un pistolet Taser le soir de sa mort? La police aurait-elle attendu trois semaines encore avant de parler du fait qu'il avait fallu sortir Bob d'un bâtiment en flammes pour le sauver?
    Non, je crois que la police a su sur-le-champ qu'elle avait utilisé une force excessive pour maîtriser mon frère. Il lui a fallu sept semaines pour en arriver à une explication plausible justifiant l'utilisation de cette arme qu'elle avait acquise après une promotion intensive de la part de son fabricant, qu'il a induite en erreur en lui faisant croire que le pistolet Taser ne pouvait causer aucun tort.
    Plus de deux ans après la mort de Bob, une enquête du coroner a enfin été entreprise en septembre 2006. À notre avis, cette enquête visait, non pas à apporter des changements qui pourraient prévenir des décès semblables à l'avenir, mais bien à sauver le pistolet Taser. Personne, et encore moins l'avocat de la police ou les deux avocats qui avaient qualité pour représenter Taser international à l'enquête, n'était disposé à envisager que le pistolet Taser ne serait peut-être pas l'arme parfaite, qu'il serait même possible qu'il puisse causer la mort ou contribuer en quelque sorte à la mort de la personne atteinte.
    Nous avons appris des faits intéressants à l'enquête. Nous avons appris que quatre membres du GIT qui avaient été en contact physique avec Bob quand il a cessé de respirer ont livré aux enquêteurs des témoignages quasi identiques 17 jours après l'incident, et ce, après avoir obtenu des conseils juridiques. Nous avons appris de l'équipe de réanimation d'urgence qui a soigné Bob peu de temps après qu'il ait cessé de respirer que tous les muscles de son corps étaient en état de spasme, ce qui ne s'était jamais vu sauf dans les cas de rigor mortis, qui n'intervient normalement que plusieurs heures après la mort.
    Nous avons appris qu'il était possible que Bob ait eu moins de la moitié de la dose létale de stupéfiants dans son système, que la quantité de stupéfiants qu'il avait consommés n'aurait pas suffi à elle seule à le tuer. Nous avons appris qu'il y avait eu, comme par hasard, une défaillance du dispositif de récupération des données relatives aux deux pistolets utilisés pour maîtriser Bob, si bien qu'il avait été impossible de vérifier le nombre, la durée ou le mode d'utilisation des pistolets. Nous avons appris que la police était présente au moment de l'autopsie. La pathologiste a témoigné qu'elle s'était notamment servie des informations qui lui avaient été données pour déterminer la cause du décès. L'origine de plusieurs marques sur le corps de Bob qui étaient semblables à celles produites par un pistolet à Taser n'a pas pu être déterminée de façon concluante et la pathologiste n'a pas pu déterminer si le coeur de Bob avait souffert d'une arythmie électrique.
    C'est là le problème dans le cas des décès qui surviennent après l'utilisation d'un pistolet Taser. Même le docteur Butt a témoigné récemment devant le comité qu'il y avait très rarement une pathologie expressément liée à l'utilisation de ce pistolet. Et je n'arrive même pas à comprendre la science qui se rattache au pistolet Taser ou à ses effets sur le corps humain.
    Pour expliquer la cause du décès, les coroners et les médecins légistes optent souvent pour la mention « syndrome du délire agité ». Ils sont expressément incités par Taser international à ne pas faire mention du pistolet Taser. Les démarches agressives de la part du fabricant auprès des coroners et des médecins légistes expliquent le fait que si peu de décès aient été attribués à l'utilisation d'un pistolet Taser. Ni le syndrome de délire agité ni l'utilisation du pistolet Taser ne peuvent être détectés au moment de l'autopsie, et il est donc impossible de prouver l'un ou l'autre. Cependant, comme dit un ami à moi: « Les coroners ne peuvent pas être poursuivis par le syndrome de délire agité, mais ils peuvent l'être par Taser international. » Les décès de ce genre sont donc attribués aux drogues, à une psychose ou au syndrome de délire agité en dépit de l'absence de preuves permettant d'établir que le pistolet Taser n'a pas causé la mort ou n'y a contribué d'aucune façon.
(1600)
    Les pistolets Taser n'ont pas fait l'objet d'essais pour en vérifier la sécurité au Canada, et personne ne peut dire si tel ou tel pistolet répond aux spécifications du fabricant. Les seules vérifications vraiment indépendantes qui aient été faites à ma connaissance sont celles auxquelles ont été soumis les deux pistolets qui ont été utilisés pour maîtriser mon frère le soir où il est mort. Un des deux pistolets s'est avéré être 84,5 fois plus puissant que les spécifications du fabricant. Bien entendu, Taser International a eu, comme d'habitude, une réaction hostile à ces conclusions, et l'entreprise qui avait vérifié les pistolets a dû revenir sur ses constatations. L'auteur du rapport, l'homme qui a vérifié les pistolets, a toutefois témoigné à l'enquête sur la mort de mon frère et a défendu sans broncher sa méthodologie et ses conclusions.
    On attend toujours de nouveaux protocoles de vérification des deux pistolets en question, protocoles qui doivent être élaborés par la police. Aujourd'hui, j'ai appris que les deux pistolets qui avaient été utilisés pour maîtriser mon frère sont arrivés à Ottawa cette semaine.
    Les pistolets Taser doivent de toute urgence faire l'objet d'une expertise indépendante pour en vérifier l'innocuité pour les humains. Chaque fois qu'un policier utilise un de ces pistolets, il s'engage dans un jeu de roulette russe qui pourrait avoir des conséquences fatales. Il n'y a pas tellement longtemps de cela, le président sortant du Conseil canadien de la sécurité a lancé un appel pressant à l'établissement de normes minimales relatives à l'efficacité et à l'utilisation des pistolets Taser et a fait remarquer qu'il était tout à fait inacceptable de s'en remettre uniquement aux spécifications du fabricant. Étant donné le risque d'électrocution, il semble que l'Association canadienne de normalisation serait le point de départ tout indiqué. Si, après vérification, l'on décide que les pistolets Taser continueront à faire partie de l'arsenal de la police, il faudra établir une norme beaucoup plus élevée pour ce qui est du degré de nécessité avant qu'ils puissent être utilisés au Canada, afin que les policiers puissent mieux prévoir les risques d'effets graves, non intentionnels et possiblement fatals, et qu'ils réfléchissent davantage aux moyens à utiliser pour maîtriser quelqu'un.
    Les autorités policières et les coroners du Canada hésitent beaucoup à reconnaître que le pistolet Taser pourrait ne pas être aussi sécuritaire que le fabricant leur avait fait croire à tort à l'origine. Leur réticence est d'autant plus grande que le fabricant s'est assuré les bonnes grâces du milieu policier en indemnisant, par exemple, des policiers et au moins un coroner et en dépensant des milliers de dollars pour commanditer des événements réunissant des agents de la paix au Canada. Il a même annoncé récemment qu'il voudrait être partie à toute enquête ou à tout examen qui aurait lieu au Canada.
    La mort de mon frère Bob était le 58e décès en Amérique du Nord. D'après mes recherches, le nombre de décès s'élève maintenant à 337. Ce n'est pas un hasard si le pistolet Taser est un dénominateur commun dans tous ces décès.
    Les Canadiens ont pu voir les derniers moments horribles qu'a vécu M. Dziekanski quand on lui a enlevé la vie. Si ce qui a précédé la mort de mon frère avait été capté sur vidéo, les Canadiens auraient été sidérés en 2004 et peut-être que beaucoup des Canadiens qui sont morts depuis, y compris M. Dziekanski, seraient toujours vivants aujourd'hui.
    Qu'apprendrions-nous si nous pouvions savoir ce qu'ont été les derniers moments qu'ont vécu Terry Hanna, Clayton Willey, Clark Whitehouse, Ronald Perry, Roman Andreichikov, Peter Lamonday, Robert Bagnell, Jerry Knight, Samuel Truscott, Kevin Geldart, Gurmeet Sandhu, James Foldi, Paul Saulnier, Alesandro Fiacco, Jason Dean, Claudio Castagnetta, Quilem Registre, Howard Hyde et Robert Knipstrom?
    Serions-nous d'accord pour dire que l'utilisation du pistolet Taser était justifiée lors de l'altercation de Clayton Willey dans le centre commercial? Les trois décharges du pistolet Taser étaient-elles justifiées quand la police a voulu empêcher Clark Whitehouse de s'enfuir à pied? Qu'en est-il des policiers qui sont arrivés chez Roman Andreichikov, pistolet Taser déjà en main, et qui l'ont trouvé en train de se bercer sur un sofa et de marmonner tout seul? Était-il justifié d'atteindre Peter Lamonday de plusieurs décharges électriques alors qu'il était déjà au sol? Qu'en est-il d'Alesandro Fiacco, qui a refusé de collaborer avec la police? Ce ne sont là que quelques cas qui sont survenus au Canada où tout a basculé pour ces hommes et leurs êtres chers en l'espace d'un battement de coeur.
    Serions-nous d'accord pour dire que l'utilisation du pistolet Taser était justifiée alors que mon frère, qui ne pesait que 136 livres, se retrouvait sur le dos dans une salle de bains, tout seul, sans arme, dans un état de détresse médicale extrême, résistant aux policiers qui tentaient de le traîner par les pieds, s'accrochant désespérément à des objets inanimés, pendant que 13 policiers hautement spécialisés restaient là à regarder la vie s'écouler de son corps, seuls témoins de ce combat où il a été maîtrisé à mort?
(1605)
    Non, je crois que, si les Canadiens avaient pu voir de leurs yeux ce qui s'est réellement produit — non pas la version très correcte de la police, mais ce qui s'est réellement passé lorsque ces 20 personnes sont mortes au Canada —, ils auraient été outrés.
    J'ai presque terminé.
    En essayant de me préparer pour la rencontre d'aujourd'hui, je me suis creusée les méninges pour essayer de trouver les mots qui pourraient vous aider à examiner la question des pistolets Taser sous un autre angle, celui d'une personne profondément affectée par la perte d'un membre de sa famille atteint par cette arme létale. Je ne suis qu'une personne parmi tant d'autres qui pleurent la mort d'un membre de sa famille. Il y en a des milliers qui pleurent la mort des 336 autres personnes qui sont mortes.
    Je sais que les yeux du monde sont rivés sur le Canada à ce moment crucial. Tous attendent de voir ce qui va se passer. Ceux qui nous connaissent savent que nous allons faire ce qui doit être fait. Le Canada prendra l'initiative et veillera à ce que ces armes fassent enfin l'objet de vérifications indépendantes. Le Canada établira la norme et imposera une réglementation stricte qui ne permettra pas à la police d'utiliser cette arme sans aucune restriction. Enfin, ils savent que le Canada imposera un moratoire sur les pistolets Taser, un moratoire qui est absolument nécessaire jusqu'à ce que nous sachions, hors de tout doute possible, si leur utilisation sur des humains est sécuritaire.
    Le Canada accordera une attention spéciale aux études qui ont révélé des problèmes liés à l'utilisation des pistolets Taser.
    Comme l'a dit le père d'une personne qui a été atteinte par un pistolet Taser :
La question n'est pas de savoir si le pistolet Taser peut être utilisé dans un pourcentage élevé de cas pour réduire les décès ou les traumatismes physiques chez les policiers et les civils, mais bien de savoir s'il est acceptable de tuer les autres par ignorance et à force de rationalisation, simplement parce qu'il s'agit d'un petit pourcentage... Ce ne sont pas les réussites qui font problème, mais bien les échecs.
    Merci.
(1610)
    Merci beaucoup, madame Gillman.
    Madame Bagnell, aimeriez-vous faire une déclaration?
    J'aimerais simplement ajouter à ce qu'a dit Patti.
    Dans les mois qui ont suivi la mort de Robert, ma fille Patti et moi avons passé des centaines d'heures à faire des recherches sur d'autres décès liés à l'utilisation d'un pistolet Taser. Nous avons tous les deux été surprises et scandalisées de découvrir qu'il y avait eu beaucoup d'autres décès semblables chez des toxicomanes, des malades mentaux et d'autres personnes dans un état affaibli.
    Dans les rapports des coroners, il est question du soi-disant « syndrome de délire agité » comme un facteur ayant contribué aux décès. Je n'ai jamais entendu parler de chiens, de cochons, d'ours ou de vaches qui aient montré des signes du syndrome de délire agité avant de mourir sous la décharge d'un pistolet Taser.
    Des pistolets Taser sont utilisés tous les jours pour maîtriser des personnes de toutes les couches de la société — des enfants dont certains n'ont que six ans, des aînés de 80 ans et des personnes appartenant à tous les autres groupes d'âge. Dans certains cas, elles sont déjà menottées ou emprisonnées dans une cellule. Il semble que le pistolet Taser soit devenu un moyen de subjugation brutale, ce qui ne correspond pas à l'usage qui devait en être fait à l'origine. Ici, au Canada, le pistolet Taser devait à l'origine remplacer l'arme à feu dans les situations où un policier ou une autre personne se trouverait dans un état de danger imminent.
    Depuis l'enquête sur la mort de notre fils, la liste de ceux qui sont morts à la suite de l'utilisation d'un pistolet Taser n'a cessé de croître: le nombre s'élève maintenant à 337 en Amérique du Nord, 20 de ces décès étant survenus au Canada. Devons-nous toujours croire que c'est par pur hasard que ces personnes sont mortes? Devons-nous accepter qu'elles se trouvaient par hasard en train de mourir de causes naturelles et qu'il se trouve tout simplement qu'elles ont aussi reçu une décharge électrique? Écoutez, que faudra-t-il pour rassurer la population canadienne et nos forces policières qui travaillent de façon diligente que cette arme peut être utilisée sans danger?
    Pourquoi notre gouvernement répugne-t-il à faire vérifier l'innocuité des pistolets Taser, tout comme les autres dispositifs électriques au Canada? Pourquoi les services de police s'en remettent-ils uniquement aux normes et aux politiques qui viennent directement de Taser International? En tant que citoyenne canadienne responsable, j'insiste pour que mon gouvernement impose un moratoire sur les pistolets Taser tant qu'ils n'auront pas été vérifiés et jugés sans danger et sans aucun risque de provoquer la mort. C'est là une responsabilité que nous avons envers nos concitoyens et envers nos policiers.
    Patti et moi avons noué des liens avec les familles de plusieurs autres victimes pour essayer de nous réconforter les uns les autres le temps que ce vent de folie continue à souffler. Aucun de nous n'a été traité de façon juste. Chacun de nous, à son tour, est resté sidéré et avec le sentiment d'avoir été trahi à la suite de ces enquêtes, car nous savions que toute la vérité n'avait pas été dite.
    Je suis la mère de Robert Bagnell, et je n'accepte pas qu'on dise qu'il est mort d'une simple surdose. Je crois qu'il est mort après avoir été atteint à plusieurs reprises par deux pistolets Taser alors qu'il était dans un état affaibli. Je crois également qu'il n'a jamais été nécessaire que 13 policiers à forte carrure prennent la décision fatale d'utiliser leurs pistolets Taser pour maîtriser cet homme malade. Si la mort de mon fils avait été enregistrée sur vidéo, je suis sûre que l'on aurait trouvé que les circonstances de sa mort avaient été aussi tristes et brutales que celles de la mort de Robert Dziekanski, et à l'heure qu'il est, nous ne pouvons plus rien ni pour l'un ni pour l'autre. Cependant, par nos efforts et par vos recommandations, nous pourrions peut-être faire la différence, et ce faisant, sauver des vies.
    Dans quelques jours, j'aurai 68 ans. Jamais je n'aurais imaginé me retrouver dans une lutte aussi vitale et importante à ce stade de ma vie. Mais tant que je le pourrai, avec ma fille Patti, qui a tellement donné d'elle-même, je continuerai à me battre contre l'utilisation sans restriction et souvent injustifiée et brutale de cette arme mortelle.
    Merci beaucoup.
(1615)
    Merci beaucoup, madame Bagnell.
    Avant que nous ne passions aux questions, je tiens à vous transmettre les excuses les plus sincères d'Ujjal Dosanjh. Il a dû partir. La Chambre est saisie d'un projet de loi et il doit y être pour en débattre en tant que porte-parole en matière de sécurité publique et de sécurité nationale. C'est pour cette raison qu'il a malheureusement dû partir.
    Nous allons maintenant donner la parole à Mme Barnes.
    Je trouve que nous avons beaucoup de chance que vous ayez eu le courage de venir témoigner devant nous aujourd'hui, et nous vous savons gré de tout ce que vous nous avez dit. Pour ma part, je compatis à votre peine, et je suis sûre que vous avez ajouté à la responsabilité que nous sentons comme membres de ce comité.
    Je ne pense pas que nous pourrons obtenir toutes les réponses dans notre examen sur les pistolets Taser, mais nous allons mettre en branle un processus qui sera le point de départ d'un engagement plus important.
    Je tiens à remercier le président et les autres membres du comité de vous avoir permis de prendre plus de temps que la normale, parce que j'estime que ce que vous aviez à nous dire aujourd'hui était plus important que les questions que nous pourrions vous poser. Vous cherchez des réponses, et nous aussi.
    Merci beaucoup.
    Merci, madame Barnes.
    Monsieur Ménard.

[Français]

    Le sujet est vraiment triste et tragique.
    Comme ma collègue qui est assise à ma droite, je suis très heureux que vous soyez venus témoigner. Ce que votre témoignage met en lumière est extrêmement important pour nous. Ça nous convainc encore davantage de la nécessité de mener au Canada une enquête indépendante et objective avant que le Taser continue d'être utilisé aussi facilement. Nous-mêmes avons commencé cette enquête, mais les enquêtes que peuvent mener les parlementaires comportent des limites. La procédure est extrêmement complexe et le temps pendant lequel on peut interroger les témoins est très court. Certains organismes professionnels qui comparaissent devant nous connaissent très bien ces limites et savent comment les contourner. De toute façon, c'est un sujet sur lequel on doit obtenir des avis scientifiques et techniques de la part de gens absolument désintéressés et objectifs. C'est ce que je demande depuis le début.
    Quand nous sommes allés à Vancouver, j'ai été scandalisé en regardant en détail le relevé minute par minute, et à certains moments seconde par seconde, des bandes vidéo enregistrées par plusieurs caméras. On pouvait suivre M. Dziekanski, sauf à quelques moments. Toutefois, ce que ces bandes révèlent est un peu différent de ce que M. Kosteckyj a noté, à savoir qu'il ne se serait écoulé que 10 secondes entre le moment où les policiers sont arrivés en face de M. Dziekanski et celui où ils ont tiré avec le Taser, mais qu'il se serait écoulé 57 secondes entre le moment où le premier policier est entré dans l'édifice et celui où l'on a tiré avec le Taser. Donc, ils sont entrés dans l'édifice et ils ont dû y circuler. À un moment donné, ils ont sauté par-dessus un muret pour se retrouver ensuite devant M. Dziekanski. Ils ont sauté par-dessus ce muret 47 secondes après être entrés dans l'édifice, et 10 secondes plus tard, ils ont utilisé le Taser. Comme vous l'avez correctement noté dans la lettre que vous nous avez envoyée, maître Kosteckyj, c'est évidemment contraire aux premières déclarations faites par la GRC.
    Pour ma part, j'ai été favorablement impressionné par la collaboration que nous a offerte les gens de l'administration aéroportuaire de Vancouver. Par contre, j'ai été extrêmement déçu par le manque de collaboration de la GRC. Quand ces gens sont venus témoigner devant nous, il a fallu les interrompre au bout d'une demi-heure parce qu'ils étaient en train de nous donner un exposé complet sur la présence de la GRC en Colombie-Britannique, à l'aéroport, et sur leurs diverses activités, incluant les saisies de drogue, et ainsi de suite. Or, ils devaient bien savoir, comme l'avaient bien compris les gens de l'administration aéroportuaire de Vancouver, que si notre comité s'était déplacé jusque-là, c'était pour les entendre parler de ce qui était arrivé à M. Dziekanski, et en particulier pour recevoir des explications sur la façon dont le Taser avait été utilisé par rapport à ce qu'exige leur protocole. En effet, ils se font toujours un point d'honneur à nous rappeler qu'ils doivent suivre ce protocole avant d'utiliser le Taser. Ils nous ont dit également que ce dossier faisait l'objet d'une enquête et qu'aussi longtemps qu'elle serait en cours, nous ne saurions rien à ce sujet.
    Pour ma part j'en suis arrivé exactement à la même conclusion que Mme Gillman. Franchement, j'apprécie beaucoup la rigueur du raisonnement que vous suivez, d'autant plus qu'il s'agit de circonstances très dramatiques pour votre frère. Compte tenu des circonstances, j'en conclus moi aussi que le Canada doit mener une enquête objective et indépendante sur le Taser avant de permettre qu'il soit utilisé comme il l'est maintenant.
(1620)
    Quand j'étais ministre de la Sécurité publique au Québec, on nous présentait le Taser exactement comme nous le décrivait Mme Bagnell, à savoir comme l'arme qui remplacerait l'arme à feu. Je m'aperçois que ce n'est pas vrai, et ce, pour toutes sortes de raisons. Il reste que ces gens pourraient nous signaler que d'autres méthodes apprises et utilisées par les policiers, par exemple la prise de l'ours ou des méthodes d'immobilisation au sol, ont entraîné la mort — c'est arrivé à tout le moins au Québec — et que ça a été fortement médiatisé. Ils pourraient nous dire que dans ces circonstances, la mort de ces personnes aurait pu être évitée si le Taser avait été utilisé.
     Êtes-vous d'accord pour dire que si cette enquête était réalisée — et vous désirez comme nous que ça se fasse —, elle devrait aussi porter sur d'autres méthodes d'immobilisation utilisées par les policiers, de façon à ce qu'on puisse déterminer le mieux possible dans quelles circonstances chacune de ces méthodes doit être choisie. Il faudrait préciser les dangers qu'elles comportent, la formation qui doit être dispensée aux policiers avant d'en faire usage et les protocoles d'intervention devant être appliqués.
(1625)

[Traduction]

    Merci, monsieur Ménard.
    Quelqu'un veut-il répondre à cela?
    Je crois que la question du degré de force à utiliser doit absolument faire partie de l'enquête, qu'il faut se pencher sur les circonstances où l'on peut utiliser telle arme ou tel dispositif.
    Dès les premières minutes de son arrivée, la présence du policier en uniforme est la première ligne de défense. Sa deuxième ligne de défense est de toucher simplement la personne et de lui demander de l'accompagner. Puis, il y a les autres étapes, et vous avez parfaitement raison: il faut se demander quand ils devraient utiliser le pistolet Taser, plutôt que, comme dans le cas de M. Dziekanski, si la police avait tellement d'inquiétudes, pourquoi n'aurait-elle pas utilisé, par exemple, le poivre de Cayenne? Ce sont là d'excellentes questions. Ou encore quand pourrait-elle utiliser le bâton?
    Ce sont là autant d'éléments sur lesquels il faudra se pencher pour déterminer où et quand et si la police sera autorisée à se servir du pistolet Taser, car il est évident que, si elle continue à s'en servir comme elle le fait maintenant dans le continuum du degré de force à utiliser, cela pose un problème pour les Canadiens. Je crois que cela devrait aussi poser un problème pour votre comité.
    Madame Gillman, vous vouliez répondre?
    Oui.
    À mon avis, il est important d'ajouter également que les policiers ont besoin d'une formation bien plus poussée sur l'utilisation de méthodes non violentes ou non physiques pour désamorcer les situations conflictuelles, sur les rudiments de la communication, surtout lorsqu'ils ont affaire à des gens qui sont dans un état de détresse mentale ou médicale. Il pourrait être utile d'examiner attentivement, par exemple, ce qui se fait à Toronto avec les unités d'intervention mobile, où des spécialistes de la santé mentale et physique sont souvent dépêchés sur les lieux aux côtés des policiers. C'est là quelque chose qui pourrait être utile dans toutes les régions du pays.
    Très bien. Merci, madame Gillman.
    Madame Priddy.
    Merci, monsieur le président.
    Merci de votre présence ici aujourd'hui. Cela doit être incroyablement difficile, parce que chaque fois que vous devez raconter de nouveau votre histoire ou en entendre parler de nouveau, c'est comme si vous aviez à vivre cela encore une fois. Alors, je vous remercie d'être venu nous en parler. Étant donné que vous êtes là pour nous communiquer des informations, je serais heureuse de pouvoir vous poser deux ou trois questions.
    Nous avons beaucoup entendu parler au cours de nos déplacements dans les différentes régions du pays — et c'est aussi quelque chose que nous avons entendu de la part de M. Kosteckyj et de la famille Bagnell — de l'importance du droit de regard du public, non pas seulement en ce qui concerne l'utilisation des pistolets Taser, mais de manière générale aussi. Nous avons également entendu parler de la place du pistolet Taser dans le continuum du degré de force à utiliser, et les discussions sur le sujet nous laissent perplexes, car le point de vue semble varié d'un endroit à l'autre et d'une personne à l'autre.
    Si vous le permettez, j'aurais d'abord une question pour vous, monsieur Kosteckyj. Vous avez dit de ce genre de décès qu'ils étaient attribuables à certains égards à une « négligence bénigne ». Je crois que c'est l'expression que vous avez utilisée. Pour ma part, il n'y a pas que le pistolet Taser qui est en cause dans ce décès, mais bien une multitude d'autres facteurs. J'aurais une question d'un autre ordre à vous poser aussi, si vous le permettez.
    Nous avons visité l'aéroport. Nous sommes souvent motivés par des choses différentes, ou encore nous apprenons en voyant des choses différentes. Nous sommes tout simplement différents par nature dans notre façon d'assimiler l'information. Je crois vous en avoir déjà fait part, mais j'étais debout au haut de l'escalier — mobile qu'aurait emprunter Robert — car ce sont les mêmes marches qui ne cessent de tourner —, je pensais à tout l'espoir qu'il aurait eu au moment où il était lui-même au haut de cet escalier-mobile et, en voyant descendre les marches, je m'imaginais voir disparaître tous ces espoirs et ces rêves. Pour moi, c'est sans doute cette partie de la visite qui m'a le plus marquée, mises à part les choses concrètes que j'ai apprises.
    J'aimerais que vous me disiez tout d'abord, si vous le voulez bien, monsieur Kosteckyj, quels changements pourraient être apportés à l'aéroport. Je parle de l'ASFC et de l'élément aéroport. Si vous pouviez brandir votre stylo ou je ne sais quoi encore, que changeriez-vous pour éviter que cela ne se reproduise?
    J'ai une question pour la famille Bagnell. Quand je suis allée sur votre site Web, j'ai vu que vous faisiez allusion à des données que nous trouvons tous très difficiles à obtenir. Il s'agissait de recherches permettant de faire un lien de cause à effet entre les décès et le pistolet Taser. J'ai remarqué que, quand vous parliez du nombre de décès sur votre site Web, vous disiez qu'il y en avait 30 qui étaient en quelque sorte liés ou attribuables à l'utilisation de ce pistolet. Je serais ravie que vous nous disiez où vous avez obtenu ces données de recherche. Nous ne cessons de demander aux fabricants du Taser et à d'autres: « Pouvez-vous prouver l'existence d'un lien? », et la réponse est toujours: « Non. Les rapports des coroners disent non, alors nous ne pouvons pas prouver l'existence d'un lien ». Je serais ravie d'avoir ces informations et de vous entendre nous en dire un peu plus sur ce qui se trouve sur votre site.
    Monsieur Kosteckyj , je me tourne vers vous en premier de ce qui pourrait être changé à l'aéroport.
(1630)
    Un des changements les plus importants — et c'est là quelque chose qui devrait préoccuper votre comité, parce qu'il en va de la sécurité publique —, c'est que, lorsqu'une personne reçoit l'instruction de se présenter à une deuxième inspection douanière, après que son nom a été vérifié dans l'ordinateur lors de la première inspection, et qu'elle ne se présente pas quand c'est plus que cela, pourquoi il n'y a-t-il pas quelqu'un quelque part qui se rende compte de l'absence de la personne qui tire la sonnette d'alarme, puisqu'on est censé être responsable de tous ceux qui se trouvent dans la zone? On ne veut pas que la personne en question puisse se promener comme elle veut, puisqu'elle semble poser un risque pour la sécurité. Si cela avait été fait, tout ce serait terminé plusieurs heures plus tôt.
    La deuxième chose, comme je l'ai dit, c'est que, finalement, nous ne pouvons pas nous attendre à ce que les Agents des services frontaliers du Canada se transforment en baby-sitters et qu'ils aident ceux qui, faute d'un meilleur terme, sont perdus, mais il faut qu'il y ait un endroit où ils puissent les amener. Cet aéroport est magnifique, c'est une merveille, c'est sans doute un des plus beaux aéroports que je connaisse, mais il est dysfonctionnel. Il n'y a pas d'endroit, et il n'y a personne là pour aider le voyageur qui est perdu.
    Il y a les Jeux Olympiques qui se tiendront ici.
    Je suis de Vancouver, et c'est en partie pour cette raison que je vous pose la question. Nous accueillerons des centaines et des milliers de personnes.
    Tout à fait. Et il faut qu'il y ait un endroit où on puisse les amener et où on puisse s'occuper d'elles, et ce serait à l'administration aéroportuaire de s'en occuper. C'est là une de ses fonctions: Assurer la circulation, orienter les gens et les aider à se rendre où ils veulent aller. Je soutiens pour ma part que, si l'on avait fait ces deux choses-là, ces incidents n'auraient pas eu lieu et la discussion sur le pistolet Taser serait accessoire.
    Si vous me permettez de revenir brièvement à M. Dziekanski, et c'est là quelque chose de très important dans son cas à lui, ce que nous savons de manière certaine, c'est que ni l'alcool ni les drogues n'ont été des facteurs dans sa mort. On n'a pas détecté la présence d'alcool ni d'aucune drogue, si bien que le syndrome de délire agité ne peut absolument pas être invoqué dans son cas. Je voulais simplement le faire remarquer.
(1635)
    Madame Gillman, aimeriez-vous...?
    J'espère avoir bien compris vos questions. Les études et les recherches dont vous parliez, vous demandez-vous...? Excusez-moi, c'était quoi déjà?
    Eh bien, lorsque je suis allée sur votre site Web, je pense qu'on nous disait que 30 décès pouvaient être liés au Taser, et lorsque nous avons demandé des recherches, on nous a dit qu'il n'y avait pas de recherches faisant le lien entre le Taser et des décès. Je n'en arrive pas nécessairement à la conclusion que c'est le cas, mais j'aimerais bien avoir l'information que vous avez.
    Vous avez posé la question aux mauvaises personnes.
    Oui.
    Pouvez-vous nous faire parvenir la référence, nous l'envoyer, quelque chose, nous dire où vous l'avez obtenu? Je vous pose la question parce que l'information que nous avons obtenue concerne les effets sur les cochons, les chiens, et d'autres, mais aucun rapport ne parle réellement d'un effet sur le décès d'une personne.
    J'ai le rapport d'un coroner dans un cas où l'on a considéré que le Taser avait causé le décès. Je vais m'informer pour savoir si je peux le partager avec vous. Je serais ravie de partager tous les documents que j'ai, et j'en ai des boîtes et des boîtes, comme vous pouvez l'imaginer.
    C'était l'intention originale de mon site Web. Lorsque j'ai lancé ce site Web, c'était parce que je n'avais plus de place pour les documents papiers, et je voulais un endroit en ligne ou j'allais pouvoir entreposer mes connaissances et ce que j'avais...
    C'est très utile.
    ...plutôt que d'avoir à tout imprimer tout le temps. La plupart des choses que j'ai viennent de recherches Web et d'informations de presse. Je fais des recherches Web sur le Taser quotidiennement, chaque jour. Pas un jour ne passe sans que je le fasse.
    Je reçois aussi beaucoup d'information de gens. Il y a un réseau de gens en Amérique du Nord qui est très intéressé par cette question, et ils m'envoient des documents.
    Eh bien, si vous le pouviez. Je ne veux pas retarder le comité, mais si vous avez la capacité de partager cette information avec nous, cela nous serait très utile, parce que certains d'entre nous ont été très frustrés, pensant qu'il devait y avoir un effet causal mais nous n'avons pu rien trouver qui le disait.
    J'essaierai de le faire. Je serais ravie de partager tout ce que j'ai.
    Cela serait très utile. Merci beaucoup.
    Merci à vous deux.
    Merci beaucoup.

[Français]

    M. Ménard regrettait d'avoir à s'absenter, mais il était tenu d'assister au débat sur le projet de loi à la Chambre des communes.

[Traduction]

    Nous allons maintenant passer à M. MacKenzie, s'il vous plaît.
    Merci monsieur le président.
    J'offre nos condoléances aux témoins et nos sympathies pour ce que vous avez dû traverser. Je vous remercie d'être ici. Je sais que la famille Bagnell est passée à travers une enquête et peut-être d'autres choses judiciaires, et je pense que la même chose se passera. Donc, je vous fais part de nos condoléances et de nos sympathies, et je comprends votre douleur.
    Merci monsieur MacKenzie.
    Madame Barnes.
    Une petite question concernant la recherche. On se trouve dans une situation où l'on doit prendre en compte l'aspect éthique de faire de la recherche sur les humains avec un tel appareil qui est évidemment très douloureux et qui peut avoir différents effets sur différentes personnes. Lors de vos études, madame Gillman, pouvez-vous nous dire comment, d'après vous, la recherche devrait être menée? Les recherches dont on nous a parlées ne semblent pas complètes. C'est la façon la plus gentille de le dire. Mais j'aimerais votre opinion, parce que vous avez passé beaucoup de temps sur ce sujet, et je pense que vous en savez un peu plus que nous.
    Oui, je pense que de tester ces armes sur des humains ne serait pas éthique, et je ne peux pas imaginer que quelqu'un se porte volontaire pour être un tel cobaye.
    Je ne pense pas que les connaissances scientifiques derrière le Taser soient très complexes. Ce l'est pour moi, parce que je n'y comprends rien. Mais il y a des gens, et ils communiquent avec moi continuellement, qui semblent avoir une compréhension fondamentale de la situation.
    Je ne sais pas si vous êtes déjà allés sur le site Web excited-delirium.com. Je ne sais pas qui est le propriétaire. Eh bien, je vous recommande d'aller le visiter.
(1640)
    Peut-être que notre attaché de recherche pourrait...
    Des connaissances scientifiques existent. Je suis incapable d'en parler.
    Oui, allez-y monsieur Kosteckyj.
    Il y a eu une étude assez célèbre menée sur des cochons à Chicago, et un des chercheurs était un policier, qui menait certaines de ces enquêtes. Ils ont dit qu'ils ne pouvaient pas obtenir une approbation au niveau de l'éthique pour faire des essais sur des humains.
    Un des points qui m'a toujours frappé c'est que nulle part dans les essais, même lorsqu'ils ont fait des essais sur des policiers, les tests ont été faits en visant quelqu'un directement de face. Ils font toujours les essais... Il me semble, quand j'en ai vu, et je me trompe peut-être, mais j'ai toujours vu que les tirs venaient de l'arrière. Généralement, la décharge de Taser se fait sur le dos du policier, et il est généralement jeune et en bonne santé, et il y a des gens autour de lui qui sont près à l'attraper. En tout cas, généralement, ils ne se font pas tirer à la poitrine.
    Est-ce que quelqu'un d'autre a une question?
    Bonnie Brown.
    Si j'ai raison, Patti Gillman, vous recommandez un moratoire jusqu'à ce que nous ayons de meilleures connaissances et de meilleurs protocoles, etc. Je me demande si M. Kosteckyj recommande également un moratoire.
    Ma position serait la suivante: je voudrais que les policiers, à tout le moins, retournent là où ils auraient dû être dès le départ, avant qu'ils mettent en oeuvre ce que M. Kennedy décrivait dans son rapport. Je recommande ce rapport parce qu'il me semble qu'il était très bien fait, c'était le rapport initial sur l'augmentation de l'utilisation. C'était au stade où le Taser n'était pas très utilisé.
    Il faudrait retourner à tout le moins au point où le Taser est l'alternative à la force mortelle jusqu'à ce que les policiers aient démontré qu'il est sécuritaire dans d'autres circonstances, ou que des études le fassent, ou que vous ayez fait votre travail, soit grâce à une commission royale, comme on l'a suggéré, ou que d'autres études aient été faites. En fait, il y en a une qui débutera en Colombie-Britannique, comme vous le savez probablement, au début mai et sera dirigée par le juge Braidwood. Mais je dirais que s'il n'y a pas de moratoire, je ne sais pas si j'irais aussi loin, il faudrait au moins que le Taser soit l'alternative à la force mortelle. Utilisons-le dans ce cas, et prouvons ensuite qu'il peut être utilisé dans d'autres.
    Monsieur Kosteckyj, je pense que la plupart des forces policières qui ont adopté le Taser l'ont adopté dans cette optique: c'est le dernier recours avant la force mortelle. Mais maintenant nous avons une expérience de 10 ans, et nous pouvons voir que lorsque les gens ont cette arme supplémentaire, ils l'utilisent trop souvent. Ils ne suivent pas les protocoles, et donc, nous pourrions mettre en place un nouveau protocole. Nous n'avons pas vraiment cette autorité, mais nous pourrions dire qu'il y a un protocole national, et je pense que dans trois ou quatre ans il y aurait encore cette augmentation de l'utilisation, parce que les gens sont humains et on préfère cette alternative à la nécessité de maîtriser physiquement quelqu'un pour le menotter. C'est beaucoup plus facile pour les policiers.
    Avec tout le respect que je vous dois, nous nous trouvons dans une situation triste si le Parlement ne peut pas contrôler les policiers et leur dire ce qu'ils doivent faire. Si nous avons ce problème, nous avons un problème plus important au pays.
    Nous vivons dans une démocratie, mais au bout du compte, c'est le Parlement qui a le dernier mot. Si les policiers ne suivent ces instructions, c'est le temps de les changer. Il faut commencer en haut de la pyramide. Voilà ce que je voulais dire.
    Merci monsieur.
    Madame Priddy, avez-vous une dernière question?
    Peut-être, en ce qui concerne le continuum de l'utilisation de la force, que vous avez les deux examiné, on nous a dit que lors de l'introduction du Taser, comme en Colombie-Britannique, on le présentait comme la solution de rechange à une arme mortelle, bien qu'il semble y avoir un débat à ce sujet.
    Je viens de lire dans mon journal local que le Taser est utilisé par les policiers des transports et qu'on l'a parfois utilisé sur des gens qui ne voulaient pas payer leur billet. Je ne peux imaginer que si vous essayez de prendre le train ou le métro sans payer que quelqu'un sortirait son pistolet pour faire feu sur vous, mais ils utilisent le Taser.
    Tout cela ne cadre pas dans ma compréhension de la place du Taser dans le continuum de la force. Si il est utilisé dans ces circonstances, alors il renforce ce que les gens ont dit à propos de l'augmentation de l'utilisation du Taser.
    Merci.
(1645)
    Je pense qu'on se dirige vers un style américain de policier cow-boy. Il faut les contrôler.
    Avez-vous terminé madame Priddy?
    Oui, merci.
    Madame Thi Lac.

[Français]

    Je vous remercie de vous être déplacés pour venir rencontrer les membres du comité. Je veux également vous offrir mes condoléances, ainsi qu'à vos familles, pour le décès de vos frère et fils respectifs. Je veux aussi saluer votre courage et surtout votre engagement à la recherche de réponses dans les événements qui vous ont frappés, vous et vos familles respectives, et à la quête pour éclairer notre comité dans nos présents travaux sur l'étude du Taser.
    Le Bloc québécois a été le premier parti à demander un moratoire sur l'utilisation de l'arme à impulsion Taser. On sait qu'en général, les policiers sont là pour protéger les gens. On doit saluer le travail de la majorité des policiers; ils font un excellent travail. Néanmoins, on leur a remis entre les mains une arme très dangereuse en leur disant que cette arme était la solution et sans danger, d'où le problème. Lors de formations, les policiers avaient été informés que cette arme était un outil inoffensif remplaçant l'arme à feu.
    Mon collègue M. Ménard a demandé une enquête indépendante et objective. Il y a deux semaines, lors de notre visite à Vancouver, j'ai posé une question à un des témoins par rapport à une situation presque absurde. De fait, je lui ai rappelé que dans le comté voisin de ma circonscription, il y avait eu, une semaine plus tôt, une saisie de Taser. Lorsqu'il est question d'une arme, il est également toujours question d'un marché noir.
    J'ai posé cette question au témoin: si une personne du milieu criminel utilisait le Taser à répétition dans le but d'infliger des blessures à une personne ou même d'entraîner sa mort, l'autopsie révélerait-elle hors de tout doute que la personne est morte par homicide? La réponse fut non. C'est assez absurde de dire qu'une arme est sécuritaire sans pouvoir dire avec certitude que la personne est morte par homicide, tout en sachant qu'elle a reçu à plusieurs reprises une décharge d'arme qui lui aurait été fatale.
    Je crois savoir que mon intervention va dans le même sens que celle de vos familles. Tant qu'on n'aura pas déterminé que cette arme est sans danger, il faudra absolument demander un moratoire et qu'une enquête indépendante et objective soit être faite au Canada par rapport à l'utilisation du Taser.
    En terminant, je salue de nouveau votre courage. Je vous incite à continuer de vous engager, car cela va aider notre comité. Vos témoignages et votre engagement seront d'une grande valeur non seulement pour le comité, mais pour la sensibilisation à cette situation partout au Canada. Merci beaucoup.

[Traduction]

    Quelqu'un veut-il ajouter des commentaires?
    Je pense donc que nous avons terminé. Nous pouvons mettre fin à la séance.
    Madame Gillman, je vois que vous mentionnez l'Association canadienne de normalisation, dont le bureau central se situe dans ma circonscription. Je leur demanderai si c'est quelque chose qu'ils pourraient faire. Je sais que certains membres du comité sont préoccupés par le fait que ce produit, le Taser, n'a pas été testé au Canada comme il aurait peut-être dû l'être.
    Le comité vous remercie de ce que vous nous avez dit aujourd'hui. Nous respectons et apprécions votre contribution et votre courage d'être ici, comme mes collègues l'ont mentionné, pour revivre cette situation encore une fois. Nous nous occupons de cette question. Nous cherchons des réponses, et nous voulons proposer des recommandations qui régleront le problème. Encore une fois, merci d'être venus.
    Je vais suspendre la réunion pour quelques instants pour vider la salle. Nous allons passer à huis clos pour traiter de quelques points.
    Merci.
    Les délibérations se poursuivent à huis clos