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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 030 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 14 mai 2008

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Il s'agit de la 30e réunion du Comité permanent de la sécurité publique et nationale. Nous poursuivons notre étude de la contrebande du tabac.
    Nous accueillons cet après-midi, de la Coalition canadienne pour l'action sur le tabac, M. Rob Cunningham et François Damphousse; et, de l'Association canadienne des dépanneurs en alimentation, M. Michel Gadbois.
    Comme vous le savez sans doute, nous avons comme pratique au comité d'accorder environ 10 minutes pour une déclaration liminaire. Tous les témoins auront ces possibilités avant que nous n'ouvrions la période des questions.
    Si vous êtes prêt à commencer, je vous cède la parole.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président et tous les membres du comité, de nous donner aujourd'hui l'occasion de vous faire part de notre point de vue dans cet important dossier de santé et de sécurité publique.
    Je m'appelle François Damphousse. Je suis le directeur du bureau du Québec de l'Association pour les droits des non-fumeurs.
    Pour ma part, je souhaite surtout vous communiquer deux choses. En premier lieu, il est important de réitérer le fait que la taxation constitue la mesure la plus efficace pour réduire l'usage du tabac. C'est pourquoi nous vous demandons aujourd'hui de faire tout votre possible pour protéger cette politique de santé publique.
    En second lieu, il est faux de prétendre que les taxes élevées sur les produits du tabac engendrent automatiquement la contrebande. Le problème est beaucoup plus relié à la lacune des mesures pour contrôler efficacement les sources illicites de tabac. Pour illustrer ce point, je donne comme exemple les événements qui se sont déroulés au début des années 1990. La contrebande du tabac n'a pas continué dans les provinces de l'Ouest et de Terre-Neuve-et-Labrador, malgré le fait que celles-ci n'avaient pas accepté de suivre le gouvernement fédéral et les autres provinces, et d'abaisser de façon draconienne leurs taxes sur le tabac, en février 1994.
    On sait maintenant que le problème était plutôt dû au fait que les trois principaux fabricants de tabac canadiens ont agi, à l'époque, sans aucune contrainte que ce soit pour alimenter délibérément le marché de la contrebande et qu'ils ont tout simplement cessé de le faire après la baisse des taxes, en 1994.
    À notre avis, c'est l'inaction pour contrôler les agissements des fabricants qui a fait en sorte que la contrebande a explosé et qu'elle a causé de sérieux ennuis en matière de santé publique et de revenus gouvernementaux. Je n'exagère pas lorsque je vous dis qu'il a fallu de nombreuses années d'efforts soutenus de la part du gouvernement fédéral et de la communauté de la santé pour récupérer par suite de cette crise.
    La situation actuelle n'est guère différente, si ce n'est, comme l'a mentionné la semaine dernière la GRC, que les cigarettes de contrebande ne proviennent pas cette fois-ci des principaux fabricants de tabac, mais plutôt de fabricants illégaux situés dans quelques réserves autochtones.
    Encore une fois, on constate que la contrebande est plus répandue dans les provinces du Québec et de l'Ontario, comparativement aux autres provinces, qui ont pourtant des taux de taxation beaucoup plus élevés. Si le problème a continué à prendre graduellement de l'expansion au cours des six dernières années, c'est bien parce qu'on a cherché davantage à intercepter les livreurs de cigarettes de contrebande, au lieu de se concentrer sur la véritable source du problème.
    Sans une intervention appropriée de votre part, le problème actuel de la contrebande va continuer à compromettre une bonne partie du travail qui a été fait — tant le vôtre que le nôtre — pour réduire le tabagisme au Canada.
    Il est également important de souligner que les répercussions du marché de la contrebande sont encore plus néfastes pour les communautés autochtones, où les taux de tabagisme sont déjà deux à trois fois plus élevés que dans le reste du Canada. Depuis quelques années déjà, nous revendiquons la mise en place d'un ensemble de mesures pour contrôler ce problème.
    Pour vous présenter ces mesures, je cède maintenant la parole à mon collègue Rob Cunningham.
    Je remercie également le comité.
    Je m'appelle Rob Cunningham. Je suis avocat et analyste principal en matière de politiques à la Société canadienne du cancer.
(1535)

[Traduction]

    La contrebande du tabac constitue un problème de taille. Des mesures s'imposent de toute urgence. Nous reconnaissons néanmoins que le budget fédéral de 2008 et certains budgets provinciaux ont annoncé des initiatives dans ce domaine et que les forces policières ont également pris des mesures. D'ailleurs, nous tenons à féliciter le ministre de la Sécurité publique, Stockwell Day, pour son annonce du 7 mai. Il est clair que le gouvernement reconnaît le sérieux de la situation et a pris un ferme engagement politique en faveur de moyens énergiques permettant de faire évoluer la situation.
    Je voudrais maintenant inviter les membres du comité à se reporter à la dernière page de notre mémoire. Vous y verrez un graphique présentant les taxes provinciales et territoriales sur le tabac. L'Ontario et le Québec ont les plus faibles taxes sur le tabac, mais le taux de contrebande plus élevé. Voilà donc qui prouve que le problème de la contrebande est lié, non pas au fait que les taxes ou la demande sont élevées, mais plutôt aux sources d'approvisionnement du produit.
    Pour réussir à contrôler la contrebande, il faut s'attaquer aux sources d'approvisionnement. Nous les connaissons: les opérations de fabrication illégale à Kahnawake, la réserve des Six Nations, Tyendinaga, et surtout du côté américain de la réserve d'Akwesasne dans l'État de New York, près de Cornwall.
    Nos recommandations sont donc les suivantes.
    Premièrement, comme la source la plus importante des produits illégaux, et de loin, est située du côté américain de la réserve d'Akwesasne, l'élimination de cette source d'approvisionnement doit être la priorité des priorités. Le gouvernement fédéral doit immédiatement convaincre le gouvernement américain de mettre un terme aux activités illicites qui s'y déroulent dans des usines illégales et non accréditées. Il faut absolument que les Américains agissent. D'ailleurs, c'est dans l'intérêt des États-Unis d'agir sur ce problème pour des raisons de sécurité à la frontière et de sécurité nationale. Les criminels qui exploitent le territoire d'Akwesasne en acheminant des cigarettes au Canada retournent aux États-Unis avec de la drogue, des armes, et parfois des personnes. Si la situation était inversée et les États-Unis étaient inondés de cigarettes illégales provenant du Canada, à un coût pour les gouvernements américains fédéral et d'État de plus de 10 milliards de dollars chaque année, il est évident que le gouvernement américain insisterait pour que le Canada prenne des mesures immédiates.
    Il faut noter que le Conseil Mohawk d'Akwesasne et la police d'Akwesasne, tous deux du côté canadien, sont à féliciter pour leurs efforts de répression dans la réserve et leur collaboration avec la GRC et d'autres autorités, ce qui les distingue de façon positive.
    Deuxièmement, il faut interdire l'approvisionnement en matériaux bruts, y compris les emballages, les filtres, le papier à cigarettes et les feuilles de tabac, à quiconque n'est pas titulaire d'un permis de fabrication de produits du tabac. À titre d'exemple, la Loi sur la Commission de régie du jeu de l'Ontario interdit l'approvisionnement en biens et services servant au jeu à quiconque n'est pas titulaire d'un permis décerné par la province. En ce qui concerne les autorités américaines, le contrôle des matériaux bruts destinés au territoire américain de la réserve Akwesasne serait également souhaitable, et dans ce cas il s'agirait de cibler les feuilles de tabac provenant de la Caroline du Nord.
    Troisièmement, il faut établir une caution minimale de 5 millions de dollars pour obtenir une licence fédérale de fabrication de tabac. À l'heure actuelle, la caution fédérale se situe entre 5 000 $ et 2 millions de dollars. Ainsi il est possible qu'une nouvelle, prétendument petite compagnie obtienne une licence pour seulement 5 000 $ et commence à fabriquer des cigarettes au Canada. C'est un montant risible, et il faut absolument le changer. Une caution raisonnable donnerait au gouvernement un levier financier suffisant pour encourager la conformité aux règlements actuels. En cas d'infraction, le titulaire perdrait la totalité ou une partie de la caution.
    Quatrièmement, il convient de révoquer les permis de fabricants qui agissent de façon illégale, y compris lorsqu'il s'agit de non-conformité avec des lois provinciales touchant les taxes sur le tabac.
    Cinquièmement, il faut établir un système complet de marquage et de traçabilité, afin de contrôler les envois de produits, comme le font les messageries Purolator or Federal Express, et de connaître les points de détournement.
    Sixièmement, il faudrait préconiser la création d'une taxe sur le tabac chez les première nations, taxe qui serait l'équivalente d'une taxe provinciale sur le tabac. Le fait que la loi d'exécution du budget de 2006 a prévu cette possibilité ne semble pas être connu. Les premières nations devraient à ce moment-là conclure une entente avec la province où elles sont situées, et les premières nations conserveraient les recettes ainsi générées. Pour ce qui est de prévenir la contrebande, cette stratégie pourrait donner certains résultats à long terme, mais il n'est pas réaliste de penser qu'elle donnerait lieu à des améliorations importantes dans l'immédiat.
    La première nation Cowichan sur l'île de Vancouver a créé une taxe sur les produits du tabac par l'entremise d'une loi précise, et en vertu de la loi d'exécution du budget de 2006, la première nation de Whitecap Dakota en Saskatchewan applique une nouvelle taxe sur l'alcool. Le prix de détail est le même qu'en dehors de la réserve, mais c'est le conseil de la bande de cette première nation qui touche les recettes. Il convient de garder à l'esprit ces exemples-là.
    S'agissant de mesures de prévention de la contrebande, les provinces ont évidemment un rôle à jouer, car certaines mesures ne peuvent être exécutés qu'au niveau provincial. Notre septième recommandation serait que les provinces créent un système de remboursement provincial en vertu duquel les cigarettes sont expédiées dans les réserves à un prix incluant un montant égal à la taxe provinciale sur le tabac. Après avoir vendu ces produits à une personne ayant le statut officiel d'Autochtone admissible, le détaillant dans la réserve demanderait à la province un remboursement qui pourrait lui être versé toutes les deux semaines. Cinq provinces appliquent à présent un système de remboursement de ce genre.
    En Ontario, qui n'applique pas ce système-là, ce serait bien utile en raison des grandes quantités de produits illégaux fabriqués par Grand River Enterprises qui se retrouvent sur le marché de la contrebande. M. Montour a déclaré qu'il déplorait cette situation et qu'il faudrait muscler davantage les lois; par contre, il n'a pas précisé de quelles lois il s'agirait.
    Notre huitième recommandation concerne l'établissement d'un système provincial de contingents permettant de limiter la quantité de cigarettes détaxées expédiées dans chaque réserve, en fonction de la population de cette dernière. Cinq provinces ont déjà mis en oeuvre un système de ce genre.
    Notre neuvième recommandation porte sur l'introduction d'un système de marquage distinctif permettant de savoir si la taxe provinciale sur le tabac a été payé ou non et si les cigarettes sont destinées à être vendues exemptes de taxe dans les réserves. Quatre provinces ont déjà créé un tel système. Ainsi il est plus facile de savoir quels produits sont légaux et lesquels ne le sont pas.
    Des mesures immédiates et un plan d'action exhaustif sont tout à fait essentiels. Si les autorités tardent à prendre des moyens de répression, le problème ira en s'aggravant, ce qui aura certainement des effets négatifs sur la santé des Autochtones et des non-Autochtones.
    Enfin, les taux du tabagisme chez les Autochtones sont scandaleusement élevés. L'explication la plus évidente de ce phénomène est l'accès facile à des cigarettes bon marché, y compris des cigarettes de contrebande. Ces dernières créent une dépendance chez les enfants autochtones et non autochtones, et tout le monde est d'accord pour dire qu'il faut y mettre un terme. Il faut s'attaquer au problème de la contrebande et rétablir de manière complémentaire une stratégie efficace de lutte contre le tabagisme chez les Autochtones à Santé Canada.
    La contrebande constitue un problème national de santé publique, de deniers publics et de sécurité publique. Il convient de féliciter le comité d'avoir pris l'initiative de mener cette étude. Nous sommes maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.
    Je vous remercie.
(1540)
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer au prochain témoin. Veuillez vous présenter, en précisant que vous ne représentez pas uniquement l'Association canadienne des dépanneurs en alimentation. Ce sera bien utile.
    Merci.
    Je m'appelle Michel Gadbois. Je suis le vice-président principal de l'Association canadienne des dépanneurs en alimentation. Je suis également président de l'Association québécoise des dépanneurs en alimentation.
    Je compte faire mon exposé en français, tout simplement parce que mes propos seront plus précis et prendront moins de temps, mais je suis tout à fait disposé à répondre à vos questions en français ou en anglais.
    Merci.

[Français]

    Au nom de l'Association canadienne des dépanneurs en alimentation, l'ACDA ou CCSA, je vous remercie d'entendre la voix des dépanneurs dans le dossier de la contrebande de tabac, aujourd'hui. Au cours des dix prochaines minutes, je vais vous parler des quatre points suivants: qui nous sommes et comment la contrebande de tabac nous touche; les responsabilités des dépanneurs dans la vente du tabac et celles du gouvernement; les conséquences de la crise actuelle; et les solutions envisagées.
    D'abord, qui sommes-nous? L'Association canadienne des dépanneurs en alimentation regroupe 33 000 propriétaires et gérants de dépanneurs au Canada, et ce, dans les quatre grandes régions du pays: les Maritimes, le Québec, l'Ontario, les Prairies et l'Ouest canadien. On a quatre divisions au pays.
    Qui est le propriétaire type d'un dépanneur? C'est un père ou une mère de famille, souvent un nouvel arrivant au Canada. C'est une personne dynamique et travaillante qui consacre parfois plus de 60 heures par semaine à son commerce. C'est une personne proche de sa communauté et au service de celle-ci. C'est une personne employant des jeunes qui vivent souvent leur première expérience de travail dans notre milieu de dépanneurs.
    L'impact économique des dépanneurs au Canada est considérable à tous les points de vue. À titre d'exemple, nous employons aux alentours de 220 000 personnes au Canada. Nous payons 3 milliards de dollars en salaires annuels et, évidemment, nous percevons annuellement 9,2 milliards de dollars en taxes pour le gouvernement, c'est-à-dire trois fois plus que les salaires que l'on paie, et ce chiffre exclut le pétrole. En effet, il ne s'agit pas de taxes sur le pétrole, mais simplement des taxes incluant le tabac. Évidemment, au Québec et dans d'autres provinces aussi, les dépanneurs vendent de l'alcool.
    Les dépanneurs sont parmi les rares entreprises encore gérées de façon familiale. Pour nous, c'est très important qu'il y ait encore de la place pour ce type d'entreprise au Canada.
    Comment la contrebande touche-t-elle les dépanneurs? Tout d'abord, les détaillants sont bien placés pour constater la progression fulgurante de la contrebande qui se produit en Ontario et au Québec. Ils la voient par le truchement, premièrement, de l'évolution des prix, deuxièmement, de la baisse de nos ventes et, troisièmement, de l'augmentation de la vente aux mineurs.
    À titre d'exemple, en ce qui concerne l'évolution des prix, le prix de la cartouche de contrebande est passé de 18 $ à 20 $, il y a deux ans, à 5 $ ou 6 $, aujourd'hui, comparativement à 70 $ ou 75 $ sur le marché légal. C'est donc dire que l'offre ne cesse d'augmenter et que le produit est de moins en moins rare et de plus en plus accessible.
    En ce qui a trait à la baisse de nos ventes, selon une étude interne auprès de nos dépanneurs au Québec, précisément, on constate que depuis cinq ans, 2 millions de dollars de revenus ont été perdus, par dépanneur, depuis le début de la contrebande. Évidemment, la contrebande n'a pas toujours eu l'intensité qu'elle a maintenant; elle a commencé lentement.
    En 2007, compte tenu d'un marché illégal atteignant une moyenne de 30 p. 100 pour l'Ontario et le Québec, les pertes de vente s'élevaient à 2 milliards de dollars. J'ai bien dit 2 milliards de dollars! En ce qui concerne l'augmentation de la vente aux mineurs, on vous a distribué copie d'une étude réalisée auprès des jeunes pour identifier les mégots de cigarettes dans les cours d'école. En anglais, le nom est plus percutant qu'en français: c'est la Butt Study; mais en français, avec le mot « mégot », le nom n'est pas très drôle. Les résultats publiés à l'automne 2007 révèlent que l'on a analysé 11 000 mégots dans 105 écoles en Ontario et au Québec. Incidemment, il y a des méthodes qui permettent de voir sur les mégots ceux qui proviennent du marché légal et du marché illégal. Le résultat: 24 p. 100 des mégots en Ontario et 35 p. 100 au Québec provenaient du tabac de contrebande.
    Le taux est similaire à celui du marché illégal à cette même période. C'est énorme. Cela signifie que le marché est vraiment présent auprès des jeunes qui représentent une clientèle très vulnérable. Les chiffres ont démontré que la médiane, et non la moyenne, se situe aux alentours, voire au-dessus de 50 p. 100. Selon les chiffres de l'étude, dans certaines écoles, c'est 75 p. 100, et ce, évidemment, dans les milieux à plus faible revenu.
(1545)
    Abordons maintenant la responsabilité des dépanneurs dans ce dossier. Les propriétaires ont trois grandes responsabilités à l'égard du tabac: collecter et remettre les taxes au gouvernement; appliquer la réglementation spécifique à la vente de tabac, notamment à l'égard de l'étalage des produits; prévenir et empêcher la vente des produits interdits aux mineurs, qu'il s'agisse de tabac, d'alcool ou de loterie.
    Parce que les produits les plus taxés sont vendus chez nous — alcool, tabac, essence et produits exclusivement faits de taxes, comme la loterie —, les dépanneurs versent chaque année, comme je l'ai dit plus tôt, 9 milliards de dollars en taxes, en excluant le pétrole.
    Sur le plan de l'étalage des produits, ce qui se produit en ce moment est ironique: pendant que le marché non contrôlé du tabac illégal augmente de façon catastrophique, plusieurs gouvernements provinciaux viennent d'introduire une nouvelle réglementation qui exigera que les dépanneurs revoient, et à leurs frais, l'ensemble de leur étalage pour cacher les produits légaux vendus dans leur magasin.
     Malgré le contexte de la concurrence illégale, l'ACDA s'est engagée à aider ses membres à devenir conformes en leur proposant des solutions rapides et efficaces. Mais la majorité des dépanneurs traversent une période où ils perdent des revenus, et il leur en coûte entre 2 000 $ et 5 000 $ pour couvrir les produits. Cela nous fait penser à l'époque de la Commission des liqueurs du Québec. Certains sont assez vieux pour se le rappeler. L'alcool était caché derrière, et on le sortait dans des sacs de papier brun. Cela n'a pas changé, et je pense que les gens réagissent mal à ce genre de réglementation.
    En ce qui a trait à la vente aux mineurs, nous avons déployé au pays un programme innovateur de vérification d'âge intitulé « Pièce d'identité » au Québec et « We Expect ID » ailleurs au Canada. C'est un programme rigoureux de vérification d'âge à partir, notamment en Ontario, du permis de conduire. On donne de la formation et de la certification en ligne pour les détaillants. Il y a également un programme d'acheteurs mystères pour que nous puissions nous-mêmes vérifier la conformité des membres.
    Voyons maintenant les responsabilités du gouvernement par rapport à la contrebande. Le gouvernement a d'importantes responsabilités. La première, évidemment, est de s'assurer que les lois sont respectées; la deuxième est de s'assurer que le marché est équitable; la troisième est de combattre le tabagisme, en particulier chez les jeunes.
    Sur le plan du respect des lois, on a créé un groupe spécialisé en répression de la contrebande. Sans préjuger de son efficacité, son effet sur le fléau sera, au mieux, très marginal, au pire, totalement négligeable, étant donné le volume du trafic et les faibles amendes mentionnées plus tôt.
    Sur le plan de l'équité des marchés, l'écart de prix très élevé entre le produit légal, et le tabac de contrebande demeure la cause première de la recrudescence de la contrebande. Il faut se rappeler que 75 p. 100 du prix de la cartouche vendue sont constitués de taxes — purement de taxes.
    De 1999 à 2002, les gouvernements canadien et québécois ont augmenté les taxes de près de 20 $ sur la cartouche en trois ans seulement. C'est au terme de cette période que la contrebande a véritablement pris son envol, dépassant alors et depuis cinq ans, les taux les plus élevés qui existaient en 1994 au Québec, pendant la période où la contrebande était la plus importante.
    Quant à la prévention du tabagisme chez les jeunes, la contrebande actuelle est en train d'anéantir tous les efforts de prévention entrepris depuis des années, puisque jamais le tabac n'aura été plus accessible et abordable que maintenant pour les jeunes.
    Quelles sont les conséquences de la crise actuelle? L'histoire se répète. Au début des années 1990, dès que la contrebande a atteint le seuil critique des 30 p. 100 à 40 p. 100 du marché, elle est montée en flèche pour atteindre des proportions de 60 p. 100 et 70 p. 100 en deux ans. C'est normal, c'est comme dans n'importe quel secteur: une fois qu'on a son réseau de distribution, que le marché est là et qu'il n'y a pas de concurrence, la croissance est exponentielle. Aujourd'hui, elle a atteint un seuil critique. Si la tendance se maintient et que la contrebande atteigne 50 p. 100, 60 p. 100, voire 70 p. 100, on peut s'attendre aux conséquences suivantes.
    D'abord, les groupes criminels vont se confronter pour contrôler ce marché énorme et lucratif, et parce qu'ils vont se disputer les territoires et les clientèles, la violence va croître au pays et dans les gangs de rue. Les jeunes vont fumer de plus en plus, les gouvernements vont voir chuter leurs revenus d'impôt de façon dramatique, et les citoyens vont devenir de plus en plus cyniques face à leur gouvernement et à son incapacité de faire respecter ses lois.
    Notre message est simple : nous devons tous prendre nos responsabilités à l'égard de la lutte contre la contrebande.
(1550)
    Les dépanneurs prennent leurs responsabilités en lançant une vaste campagne de mobilisation de par le pays, qui comprend les éléments suivants: une campagne de publicité anticontrebande dans tous les dépanneurs du pays sera lancée au début du mois de juin; la création d'une coalition nationale de lutte contre la contrebande qui rassemblera tous les groupes et organismes se sentant concernés par la contrebande de tabac à l'échelle nationale, provinciale et régionale; le 26 mai prochain, nous allons commencer une tournée dans sept grandes villes du Québec; finalement, l'enrôlement des propriétaires pour mener une campagne dans tout le pays auprès des élus fédéraux et provinciaux, et même des sénateurs.
    En terminant, je voudrais souligner le rôle du gouvernement et ses responsabilités. Il n'y a pas qu'une solution; il y en a plusieurs. Évidemment, il faudrait revoir la fiscalité du tabac dans son ensemble, dont les éléments très intéressants ont été soulevés. Je vais dire la phrase qui blesse: il va falloir abaisser temporairement les taxes pour amener un marché ou, du moins, nous mettre dans une situation où l'on peut empêcher la croissance exponentielle à laquelle on assiste présentement. Il faut faire quelque chose, et c'est un des éléments qu'on peut mettre temporairement en place.
    Il faut amorcer un dialogue constructif avec les nations autochtones, resserrer les contrôles et augmenter les effectifs policiers aux paliers fédéral et provincial, et, surtout, avec les autorités américaines. C'est la source la plus importante de notre problème. Il faut sensibiliser le public aux dangers de la contrebande de tabac, ce qu'on va commencer à faire de façon générale dans tout le pays.
     En conclusion, le leadership et la volonté politique dont fera preuve le gouvernement sont la clé du succès pour vaincre la contrebande. Nous croyons que les détaillants, les groupes sociaux et les gouvernements pourront travailler ensemble pour mettre fin une deuxième fois et, espérons-le, une dernière fois, à ce fléau national qu'est devenue la contrebande de tabac.
    Merci.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant ouvrir un premier tour de questions.
    Le premier intervenant sera M. St. Amand, du Parti libéral.
(1555)
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Messieurs, merci pour vos exposés fort convaincants.
    La nature du problème — qui est un problème de taille — nous est connu depuis fort longtemps. À mon avis, tous les membres du comité vous sont reconnaissants pour vos recommandations et suggestions sur la façon de l'enrayer.
    J'ai une ou deux courtes questions qui méritent des réponses courtes, et ensuite une question qui mérite, selon moi, une réponse plus complète.
    Je suis conscient du fait qu'il s'agit d'estimations seulement, mais s'agissant de la quantité de cigarettes fabriquées aux États-Unis, qui finissent de façon illégale au Canada, êtes-vous en mesure de me dire quel pourcentage d'entre elles sont fabriquées aux États-Unis, par rapport au pourcentage fabriqué illégalement ici au Canada?
    À un moment donné, c'était 90 p. 100, d'après la GRC. À d'autres moments, elle nous a dit que les cigarettes fabriquées aux États-Unis constituent la source d'approvisionnement la plus importante. Nous n'avons pas de chiffre précis, mais c'est une proportion très considérable.
    La grande majorité, semble-t-il.
    Tout à fait.
    Je crois que c'était vous, monsieur Cunningham, qui a dit tout à l'heure que le taux du tabagisme chez les Autochtones est, pour reprendre vos termes « scandaleusement élevé ». Par rapport aux non-Autochtones, quel est le pourcentage approximatif?
    Le moyenne au Canada est de 19 p. 100. Il existe différentes études. Au sein de la population autochtone, c'est entre 44 et 60 p. 100. C'est plus difficile à mesurer, mais le taux est de deux à trois fois plus élevé que la moyenne canadienne.
    Cette question m'intéresse de façon directe, étant donné que ma circonscription électorale de Brant comprend la réserve des Six Nations de la rivière Grand, dont la population est d'environ 11 500, sur le territoire de laquelle se trouvent plus de 300 débits de tabac.
    J'ai entendu dire — et vous me corrigerez si je me trompe — que des non-Autochtones vont dans la réserve des Six Nations pour acheter leur réserve de cigarettes pour l'année, en remplissant leur camionnette. Dans un rayon de 90 milles de la réserve des Six Nations vivent entre 4 millions et 4,5 millions de personnes. Cette information est-elle exacte — à savoir que de non-Autochtones sont de toute évidence des complices puisqu'ils achètent allègrement ces produits illégaux?
    Oui, tout à fait. Un très grand nombre de non-Autochtones abusent de l'exonération fiscale dont bénéficient les Autochtones de plein droit, et c'est un vrai problème — pas seulement parce qu'ils font ces achats dans la réserve, mais parce qu'ils emportent avec eux d'immenses quantités de produits illégaux qui sont ensuite distribués de façon informelle et illicite dans les lieux de travail et foyers du Canada. Donc, c'est effectivement un problème de taille.
    S'agissant de votre dernière recommandation, monsieur Cunningham, consistant à autoriser les premières nations à prélever leur propre taxe sur le tabac, ai-je bien compris que, d'après la loi actuelle, elles auraient le pouvoir de le faire et que c'est justement ce qui a déjà été fait dans certaines collectivités autochtones?
    Il y en a déjà 29 qui appliquent la taxe sur les produits et services. Mais pour ce qui est d'une taxe sur le tabac qui serait l'équivalent de la taxe provinciale… il n'y en a qu'une, soit la première nation Cowichan sur l'île de Vancouver qui applique une taxe sur le tabac et une taxe sur l'alcool.
    Et quel a été le résultat de cette mesure pour la première nation de Cowichan?
    Cette taxe existe depuis environ 10 ans, et pour ce qui est des recettes tirées des achats faits sur leur territoire, leur expérience n'a pas été suffisamment documentée pour nous permettre de quantifier ces recettes ou de mesurer l'évolution du taux du tabagisme, par exemple. Mais, il ne fait aucun doute que des prix plus élevés font diminuer le tabagisme et ont donc un effet bénéfique.
    Mais la taxe prélevée par la première nation ne serait pas obligatoirement équivalente à celle de la province?
    Si, elle doit être identique. C'est la seule possibilité.
    Très bien.
    Je ne vais pas vous dire que votre première recommandation est faible — je ne voudrais pas manquer de respect envers vous — mais nous dire qu'il faut « persuader le gouvernement fédéral américain de mettre un terme aux activités illicites de fabrication… »? Je suis convaincu que les autorités ont déjà essayé par tous les moyens — la persuasion, les supplications, etc. — d'obtenir que ce dernier le fasse. Ou, êtes-vous plutôt d'avis que les efforts déployés jusqu'ici par les gouvernements canadiens — il semble évident que ces derniers ne se sont pas montrés très persuasifs au fil des années — n'ont pas été suffisamment énergiques; pensez-vous que les demandes que nous avons transmises au gouvernement américain sont purement symboliques?
    Je ne suis pas au courant de ce qui se fait en privé, mais d'après l'information publique dont nous disposons, il n'y aurait pas eu suffisamment d'insistance sur le problème au niveau ministériel, c'est-à-dire auprès du ministre ou secrétaire responsable de la question au Cabinet.
    Je crois savoir que les ressources disponibles pour les activités de contrôle et de répression dans la région ne sont pas suffisantes. À mon avis, les autorités reconnaissent à présent qu'il y a un problème, mais comme ces produits vont au Canada, à mon avis, elles ne sont pas convaincues de la nécessité d'agir rapidement, et en même temps, elles ne sont peut-être pas conscientes de l'ampleur du problème.
    Je sais que les députés ou les représentants du gouvernement ont la possibilité d'aborder cette question dans différents forums. Selon moi, quand on aura informé les autorités américaines de tous les détails de la situation, elles comprendront qu'il est tout à fait dans leur intérêt de trouver une solution. Elles disposent de différentes options en matière de contrôle, elles ont des technologies et des méthodes différentes, et elles peuvent donc essayer de déterminer quel moyen convient le mieux, y compris les consultations, pour s'attaquer au problème.
(1600)
    S'agissant de contrôle au Canada, et pour revenir encore une fois sur mon exemple du non-Autochtone qui va dans la réserve pour acheter des centaines de dollars de produits illégaux, pourriez-vous me dire quels efforts ont été déployés pour intercepter ces personnes lorsqu'elles rentrent chez elles avec leurs cigarettes illégales?
    Le plus souvent, la GRC diffuse un communiqué de presse indiquant qu'elle a arrêté des passeurs qui achètent ces produits en grandes quantités dans les réserves et qui les distribuent dans toutes les provinces. Il est évident que cette activité pose un problème, mais en ce qui nous concerne, consacrer autant de ressources à l'interception des passeurs ne constitue pas le meilleur moyen d'enrayer le problème de la contrebande.
    Si un passeur se fait prendre, il y a des conséquences pour lui, mais c'est tout; d'ailleurs, c'est la raison pour laquelle nous préconisons de s'attaquer à la racine du problème. À notre avis, ce serait une bien meilleure approche. Nous savons où se trouvent les sources d'approvisionnement. Nous proposons des mesures permettant de régler le problème à l'extérieur des réserves, en étouffant les sources d'approvisionnement en matériaux bruts que doivent obtenir ces fabricants illicites. À notre avis, ce serait une bien meilleure stratégie que de s'attaquer simplement aux passeurs, qui sont un peu partout. Les représentants de la GRC ont même déclaré, au moment de témoigner devant le Comité permanent de la santé, qu'ils n'ont pas suffisamment de ressources pour intercepter tous les passeurs de produits illicites.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Ménard, vous avez la parole.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    D'abord, je tiens à offrir à tous mes sincères félicitations. Vos exposés sont clairs, votre vision du problème l'est aussi. Vos suggestions quant aux actions qui doivent être entreprises sont absolument convaincantes. Cela ne m'étonne pas, évidemment, de la Coalition canadienne pour l'action sur le tabac, qui regroupe exclusivement des organismes qui n'ont aucun autre intérêt que la santé publique. Elle a été formée à cette fin.
    Mes félicitations vont également à l'Association canadienne des dépanneurs en alimentation. Je comprends que vous ayez un certain intérêt, mais nous reconnaissons tous ici que si vous devez pratiquer un commerce légal, vous devez certainement être protégés — c'est un devoir pour nous — contre la concurrence illégale. Votre mémoire est largement objectif et me convainc de votre volonté de poursuivre l'intérêt public.
    Il n'y a qu'une seule différence dans vos suggestions, et j'aimerais que vous en parliez davantage. La coalition croit que la diminution des taxes n'aurait aucun effet. Dans les provinces où les taxes étaient très élevées, il n'y a eu ni diminution ni augmentation de la contrebande. Au fond, c'est l'action à la source qui est la plus efficace.
    Que répondez-vous à cela? Je pose la question à l'Association canadienne des dépanneurs en alimentation.
    Il y a différents éléments. Je ne veux pas prétendre avoir une expertise que je n'ai pas et que les organismes autour de la table n'ont pas non plus.
    Il y a des raisons pour lesquelles l'Ontario et le Québec sont exposés à des taux de contrebande plus élevés: leur situation géographique, naturellement, et la densité de leur population. Il y a un marché. Ailleurs, vous pouvez vous imaginer que ce n'est pas très payant de courir aux quatre coins de la Saskatchewan pour aller chercher le nombre de clients nécessaire. C'est la raison fondamentale pour laquelle il y aura toujours de la contrebande près des endroits les plus densément peuplés. C'est un des éléments qui expliquent la différence au chapitre de la pénétration de la contrebande, qui n'est pas uniquement basée sur le pourcentage de taxe dans le prix des cigarettes.
    L'autre élément, c'est: pourquoi nous? Tout d'abord, par expérience, bêtement. Il y a déjà eu de la contrebande. Je sais que la nature de la contrebande à l'époque était très différente; par contre, ses manifestations étaient exactement les mêmes. Le rythme de croissance dont j'ai parlé plus tôt est exactement le même. Seuls 30 p. 100 du marché sont nécessaires. N'importe quel propriétaire d'entreprise sait qu'une fois qu'il détient une part solide du marché, il peut viser la croissance. Même si c'est illégal, ça reste du commerce qui est encouragé par la population simplement à cause de l'énorme différence de prix. Ça ne se compare même pas.
    Notre proposition n'est pas uniquement axée sur la baisse des taxes, ce qui serait ridicule, surtout compte tenu de la différence qu'on a atteint depuis 2002-2003. Je suis convaincu qu'une baisse temporaire des taxes est une solution. À court terme, le gouvernement ne risque pas de provoquer une catastrophe sur le marché, car elle existe déjà. En attendant de contrôler le problème à la source, le gouvernement pourrait adopter un taux de taxation raisonnable et convaincre ainsi les fumeurs d'agir intelligemment et de s'approcher du marché.
    Certaines études démontrent qu'à un taux de taxe donné, on a telle option ou désaffectation de la population. Le gouvernement ne perdra pas d'argent s'il va chercher une augmentation ou va le chercher dans le marché de la contrebande. Par contre, si ça ne fonctionne pas, on le remettra au même niveau.
(1605)
    Je vous comprends très bien. Comme j'ai très peu de temps, j'aimerais aborder un autre sujet.
    Le gouvernement fédéral vient d'annoncer un certain programme. Certaines des mesures qu'il propose ressemblent beaucoup à vos suggestions. Cependant, certaines personnes trouvent que c'est nettement insuffisant. Vous devez connaître le programme que le gouvernement a présenté récemment. Que manque-t-il à ce programme?
    Après avoir lu le plan stratégique de la GRC, je considère que l'élément le plus important et le plus problématique est ce qui se déroule du côté des États-Unis et de la réserve de St. Regis.
    On propose des mesures que nous préconisons depuis quelques années, comme contrôler les intrants, qui aboutissent finalement chez les fabricants illicites. Cependant, le plan stratégique n'aborde pas nécessairement la question des fabricants illicites qui se trouvent à St. Regis. Il aurait été fort intéressant de voir les propositions de la GRC, et quelles solutions elle met en avant, en collaboration avec ses collègues des États-Unis, afin de contrôler ce problème à St. Regis, d'autant plus qu'il s'agit de la plus importante source de cigarettes de contrebande du marché canadien.
    C'est une chose. Y en a-t-il d'autres?
    Le ministère a reconnu que c'était une étape du processus. On pourrait ajouter les mesures législatives concrètes que nous avons proposées aujourd'hui dans notre témoignage. Toutes ces mesures, avec de nouvelles législations et de nouveaux outils pour aider la police, devraient, selon nous, faire partie d'une stratégie globale.
    De plus, à mon avis, les pénalités pour la contrebande du tabac sont nettement insuffisantes pour contrôler le problème. On entend des informations anecdotiques, à savoir que des gens s'impliquent dans le marché de la contrebande au lieu du marché d'autres drogues illicites parce qu'ils savent que s'ils se font prendre, les amendes ne seront pas très sévères ou qu'il n'y aura pas de peines d'emprisonnement pour leurs activités.
    Il faut faire comprendre à l'ensemble de la population que l'activité de la contrebande de cigarettes dépasse largement le simple fait de fournir des cigarettes de contrebande. Il y a d'autres activités. Comme la GRC l'a mentionné, le crime organisé est derrière ça, et, au bout du compte, on l'encourage en achetant ces cigarettes. À mon avis, les forces policières devraient pouvoir donner des amendes beaucoup plus sévères.
(1610)
    Je suis entièrement d'accord et j'aimerais ajouter quelque chose à ce propos. Il est évident que le gros du problème se trouve du côté américain. Si l'on imaginait l'inverse et que les Américains sentaient leur sécurité menacée de cette façon... On a vu les liens que la GRC a faits, à savoir qui est financé par ce genre de crime.
    Je suis entièrement favorable à sa position, cependant, le plus grand reproche que je ferais concerne l'approche en silo qu'adoptent la GRC et le gouvernement, comme s'il n'y avait qu'une solution, celle de la sécurité. Vous venez de le mentionner, c'est exactement la même chose, ça doit mobiliser toute la population, c'est un fléau qui touche nos mœurs, notre morale, notre façon de vivre et les jeunes.
    Il faut mobiliser la population par rapport ce dossier. La sécurité ou la coercition ne sont pas les seules méthodes. Il va falloir parler avec les Autochtones, il va falloir ouvrir ce dossier.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Avant de donner la parole à Mme Priddy du NPD, je voudrais poser une question complémentaire.
    Vous avez parlé de géographie, mais je n'ai pas bien compris pourquoi ils voudraient distribuer ces produits en Ontario et au Québec, plutôt que dans l'État de New York, où la population est beaucoup plus dense.
    Mon autre question concerne ce que vous venez de dire: pourquoi les Américains ne se sentent-ils pas menacés? Que font-ils qui soit différent ou plus efficace que nous, ou que nous ne faisons pas?
    Le gouverneur de l'État de New York a effectivement parlé du problème dans l'État de New York. Ce dernier a l'un des taux de taxes les plus élevés des États-Unis. Le fait est que certains produits fabriqués dans les réserves, et notamment la réserve de St. Regis du côté américain de la frontière, inondent le marché dans l'État de New York.
    Donc, ils en parlent là-bas, et ils essaient de trouver des solutions. D'après ce qu'on entend dire, ce problème est de plus en plus présent aux États-Unis, et notamment dans l'État de New York. Par contre, il n'a pas atteint le degré de gravité que nous observons au Canada, surtout en Ontario et au Québec.
    Sur la question géographique, le problème se situe principalement dans cette zone en raison de l'emplacement de la réserve de St. Regis. Il faut faire très attention. C'est pour cette raison qu'il faut absolument obtenir la collaboration des autorités américaines, pour que ces dernières travaillent de concert avec les autorités canadiennes afin de trouver une solution.
    À titre d'information, je précise que le prix de 6 $ la cartouche que nous observons au Canada n'existe pas le plus souvent dans l'État de New York, du moins pas dans les quantités importantes qui sont disponibles en Ontario et au Québec. À mon avis, s'il en est ainsi, c'est parce que les fabricants du côté américain de la réserve d'Akwesasne sont en mesure de fournir de telles quantités au Canada sans risquer de se faire pincer; ils ne peuvent pas se permettre de faire cela du côté américain. S'ils fabriquaient des quantités aussi importantes, les autorités américaines ne les louperaient pas.
    C'est pour cette raison, selon moi, que le problème se déplace vers le nord. Le passage de la contrebande entre États pose certainement problème, de même que les quantités de produits sur lesquels la taxe prélevée par l'État de New York n'est pas payée; par contre, en règle générale, la taxe fédérale est payée sur la contrebande aux États-Unis.
    Merci.
    Madame Priddy.
    Désolé; allez-y.
    Je ne suis pas expert sur le tabac, mais le type de tabac que nous employons ici n'est pas le même qu'aux États-Unis. Le tabac que nous avons ici arrive en conteneurs au port de Montréal et ailleurs. Voilà ce dont nous vous parlons. Ce produit est renvoyé aux États-Unis et sert pour la fabrication des produits dans les réserves, et finit par nous revenir. Les Américains n'aiment pas ce genre de cigarettes.
    Une voix: Ce n'est pas le cas.
    Je pensais que cela venait de Caroline du Nord, comme quelqu'un l'a dit tout à l'heure.
    C'était la situation autrefois. Dans les années 1990, les fabricants de tabac exportaient des quantités considérables de conteneurs aux États-Unis qui étaient acheminées à des entrepôts hors taxes, pour ensuite nous revenir directement. Parfois ces transactions étaient tout à fait bidon; on se contentait de livrer les cigarettes aux réseaux de passage de la contrebande.
    Maintenant, la situation est totalement différente, car nous parlons d'opérations de fabrication illicite du côté américain de la frontière, plutôt que d'opérations canadiennes. On peut supposer que les matériaux bruts viennent de Caroline du Nord, par exemple.
    D'accord.
    Sur ce même point, je pense que vous avez raison en ce qui concerne le processus. Pour qui est du genre de tabac, non; il ne s'agit pas de tabac américain.
    Très bien.
    Madame Priddy, vous avez la parole. Vous disposez de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci de votre présence, et merci à vous tous pour vos exposés.
    Je voudrais obtenir des réponses à deux ou trois questions. Premièrement, je sais, étant originaire de la Colombie-Britannique, qu'il existe un certain nombre de bandes qui ont conclu des accords avec le gouvernement fédéral pour appliquer une taxe dont les recettes favorisent le développement de la collectivité autochtone concernée. Mais, si la majeure partie des produits du tabac sont fabriqués aux États-Unis, je ne suis pas sûre de comprendre comment le résultat pourrait être le même. Je peux très bien comprendre que, si le produit fabriqué ici, et vous le taxez ici, cela donne lieu à des recettes, etc.; mais, si le produit est fabriqué aux États-Unis et envoyé ici par la suite, il me semble que la situation est tout autre pour ce qui est de l'application d'une taxe.
    Deuxièmement, j'invite les témoins à aborder brièvement la question géographique. Vous nous avez dit qu'il y a 37 000 petites entreprises, mais on ne nous a parlé que de l'Ontario et du Québec. Je sais que c'est dans ces deux provinces que le problème est le plus grave, mais j'aimerais savoir si c'est uniquement en Ontario et au Québec que ce problème existe ou si on l'a observé dans d'autres provinces, à un degré moindre. J'imagine que c'est le cas, mais j'aimerais que vous en parliez brièvement.
    Concernant la caution de 5 millions de dollars qui a été recommandée par M. Cunningham, y a-t-il des bandes qui ont des activités de fabrication légale qui ne seraient pas en mesure de verser une caution de 5 millions de dollars? Il est évident que certains des témoins que nous avons reçus l'autre jour pourraient le faire, et même très facilement.
    Deuxièmement, j'aimerais savoir — je ne le sais pas, mais d'autres autour de la table le savent peut-être — si toute la caution, ou juste une partie de la caution, est confisquée en situation d'infraction.
    Pourriez-vous commencer par répondre à ces questions-là?
(1615)
    S'agissant de la caution, je crois savoir qu'il y a seulement deux fabricants dont les opérations se déroulent dans une réserve autochtone qui soit titulaire d'un permis de fabrication à la fois fédéral et provincial. Il s'agit de Grand River Enterprises dans la réserve des Six Nations, et il y a un autre fabricant également — Choice Tobacco est l'une des raisons sociales.
    Donc, je ne connais pas la réponse à votre question. Disons qu'il n'y en a pas beaucoup qui soient titulaires d'un permis à la fois fédéral et provincial.
    En ce qui me concerne, c'est très sérieux, et si un entrepreneur compte s'adonner à des activités qui comportent tant de risques pour la sécurité publique, les deniers publics et la santé publique, ce serait évidemment une possibilité à envisager.
    Il serait possible, par exemple, de verser des intérêts au fabricant, si une question se pose concernant le coût des capitaux — c'est une possibilité à envisager — de sorte que ce dernier touche des intérêts chaque année. Mais, c'est le gouvernement qui retient la caution, en cas de non-conformité.
    À l'heure actuelle, il existe un problème — et nous avons entendu des témoignages à ce sujet — en raison du nombre d'amendes imposées par les tribunaux qui ne sont jamais payées. Si vous exigez le versement d'une caution, le problème est réglé. Si l'amende n'est pas payée, on prélève le montant de l'amende directement sur la caution, si bien que l'intéressé doit ensuite reconstituer la caution ou accepter de perdre son permis.
    Donc, il y a différentes moyens de structurer l'administration de la caution. Il faut qu'il y ait une procédure de recours; il est nécessaire de prévoir une protection légitime, pour éviter… Il reste que les autorités doivent pouvoir agir rapidement dans l'intérêt public.
    Pour répondre à votre première question sur la façon d'imposer notre structure fiscale à des produits fabriqués illégalement aux États-Unis, comme les représentants de la GRC nous l'ont fait savoir, les cigarettes illégales ne proviennent pas uniquement du côté américain de la frontière. Il a également été question de la réserve des Six Nations, de Tyendinaga, et de Kahnawake, au sud de Montréal. Ce serait dans l'intérêt de tout le monde d'établir un système pour les réserves qui fabriquent ces cigarettes. Ainsi tout le monde serait sur un pied d'égalité, et les réserves profiteraient des recettes provenant de la vente des cigarettes.
    Je suis d'avis qu'il faut faire quelque chose ici, avant de demander à nos amis américains de prendre des mesures. Si nous pouvons leur montrer que nous faisons le nécessaire de notre côté, nous serons beaucoup mieux placés par la suite pour rencontrer nos homologues américains en leur disant: « Pourquoi ne proposez-vous pas ce genre de mesures pour au moins contrôler la source des produits de contrebande qui émanent de la réserve de St. Regis? »
    Et en ce qui concerne les zones géographiques?
    En ce qui concerne le reste du Canada, je dirais que dans l'Ouest, le pourcentage de contrebande est inférieur à 10 p. 100. Dans l'Est, dans les provinces maritimes, le pourcentage augmente très rapidement. L'accès au produit est plus facile, je suppose. Il y a d'autre moyen de faire entrer le produit. Nous parlons d'un type de produit, mais beaucoup de produits fabriqués arrivent en conteneurs — donc, dans des ports différents.
    L'une des questions que nous devrions nous poser… et je ne suis pas expert en la matière, mais j'ai ma propre opinion. Il faut faire une distinction entre le produit brut, et la source de dernier, et la transformation du produit en cigarettes. Il est évident que la transformation se fait en partie aux États-Unis, et en partie ici. La grande question est de savoir d'où provient le matériau brut. Je ne suis toujours pas convaincu que ces matériaux bruts proviennent des États-Unis. Les cigarettes que nous fumons ici ne sont pas faites d'un mélange de tabac américain. Les produits sont très différents.
(1620)
    En fait, on me dit que certains agriculteurs de la Caroline du Nord cultivent du tabac de Virginie qui est ensuite séché à l'air chaud et utilisé pour la fabrication de cigarettes canadiennes. Il est possible que ces derniers approvisionnent les fabricants illégaux dans la réserve St. Regis, et ces cigarettes sont ensuite vendues sur le marché canadien.
    Donc, la source est toujours américaine; ils cultivent le tabac utilisé pour fabriquer les produits canadiens.
    Vous avez entendu le débat avec les autres témoins de GRE et d'Imperial Tobacco concernant la source des matériaux bruts. L'un d'entre eux disait que 80 p. 100 des matériaux bruts proviennent d'agriculteurs canadiens, alors que d'autres disaient qu'ils viennent surtout d'agriculteurs américains. Mais, quelle que soit la source d'approvisionnement, nous demandons aux autorités de contrôler les envois de matériaux bruts. Voilà ce qui compte. Il faut se renseigner sur toutes les sources possibles d'approvisionnement qui profitent aux fabricants illicites, et les attaquer. Il faut leur imposer des amendes. Il faut que les agriculteurs qui fournissent les matériaux bruts aux fabricants comprennent que cela comporte pour eux des conséquences financières fort négatives.
    J'ai une dernière question à poser.
    Il vous reste 13 secondes.
    Très bien… et mes 13 secondes sont maintenant écoulées; donc, quelqu'un d'autre profitera de ces questions secondes. Désolée.
    Il y a une boucle de 13 secondes dans votre cerveau. Je peux vous donner…
    Il me semble qu'elle était beaucoup plus longue certains jours.
    Très bien; puisque vous ne vous en servez pas, nous passons maintenant aux députés de la majorité.
    Monsieur MacKenzie, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président, et merci à nos invités pour leur présence aujourd'hui.
    J'ai vraiment l'impression, premièrement, qu'il n'y a pas une seule personne ou organisation qui soit responsable de tout cela. Et celle qu'on semble négliger dans cette discussion est la personne qui achète les cigarettes. On n'a pas eu tellement de propositions de la part de personnes qui voudraient éventuellement décourager cette habitude. Nous montrons du doigt les collectivités autochtones et l'industrie du tabac, mais nous n'avons toujours pas montré du doigt les personnes en dehors des réserves qui achètent ces cigarettes — peut-être même des enfants — et celles qui les transportent.
    La CCAT, notamment, a un mandat particulier, et je comprends qu'elle veuille surtout cibler les fabricants des produits du tabac. Si je ne m'abuse, le monsieur a évoqué le problème des silos. Avez-vous envisagé de travailler avec certains de ces groupes, pour éliminer ce cloisonnement, et surtout pour décourager les citoyens canadiens d'acheter des cigarettes lorsqu'ils ne savent même pas ce qu'elles contiennent? Il semble assez clair que cette activité n'est pas nécessairement dans l'intérêt des compagnies qui les fabriquent, des personnes qui les importent illégalement ou des gens qui les vendent, mais il est absolument certain qu'elle est tout sauf positive pour la santé des personnes qui les fument.
    Il vous serait possible de travailler de concert avec les éléments légitimes de cette industrie afin de réduire la demande qui existe — pour un produit qui ne coûte pas cher. Voilà pourquoi les gens les achètent, mais ils peuvent ne pas savoir ce qu'on leur donne en échange. Avez-vous envisagé de collaborer avec eux?
    Dans une étude de Santé Canada menée, si je ne m'abuse, par Phoenix Communications, on a appris qu'il y a même un segment du public qui ne se rend pas compte qu'il est illégal d'acheter ces cigarettes-là. Il n'y a pas d'intervention de la part de la police qui les empêche de le faire.
    À mon avis, votre proposition est tout à fait appropriée. Par exemple, Santé Canada a un budget important lui permettant de mener une campagne nationale. Pourquoi Santé Canada ne pourrait-elle pas envisager de lancer une campagne nationale sur le marché illégal? Cela pourrait faire partie d'une stratégie globale de contrôle.
    En réalité, les résultats positifs qu'il a été possible d'obtenir au cours des 10 dernières années en matière de contrôle du tabac, en vue de réduire le tabagisme au Canada, découlent d'une stratégie globale dans ce domaine. Nous limitons la publicité, nous publions des avertissements concernant les effets sur la santé, nous imposons des taxes sur le tabac, nous interdisons la cigarette dans les lieux publics, etc. Pourquoi ne serait-il pas possible de faire la même chose dans ce cas-ci?
    Avez-vous fait quelque chose collectivement dans ce sens?
    J'en ai discuté avec les collectivités autochtones, et elles sont prêtes à intervenir. L'industrie du tabac est également prête à intervenir. Selon moi, il faut au moins un autre pied à cette chaise, pour que tout le monde travaille ensemble en vue d'atteindre le même objectif. De même, si les clients réguliers qui vont aux dépanneurs pour acheter du lait et du pain optent pour des cigarettes de contrebande, tout simplement parce qu'elles coûtent si peu cher, cela ne peut être dans l'intérêt des propriétaires des dépanneurs.
    Ma réponse aura deux volets.
    Pour répondre à votre question, nous faisons effectivement quelque chose. À la fin de mon exposé, j'ai annoncé la campagne que nous allons lancer dans tous les dépanneurs de l'Ontario et du Québec, pour commencer. Ce sera une campagne très visible, s'appuyant sur les meilleurs outils que nous possédons, parce que nous avons une forte clientèle — quelque 3,2 millions de Canadiens passent dans nos magasins tous les jours. Donc, nous avons une certaine influence pour ce qui est d'informer la population de la situation actuelle. D'ailleurs, il y a deux types de clients — mais j'y reviendrai dans quelques instants. Donc, oui, nous allons lancer une campagne de sensibilisation du public, qui va d'abord être menée au Québec et en Ontario, mais nous n'allons pas nous arrêter là. Nous avons déjà commencé la bataille, et nous serons visibles. Vous allez voir. Cette campagne débutera au début juin.
    Deuxièmement, je vous parlais tout à l'heure de la Coalition nationale de lutte contre le tabac de contrebande. Nous avons invité tous les groupes, y compris les groupes qui s'intéressent aux questions de santé, d'y participer, s'ils le désirent. Nous voulons créer cette coalition. Ce n'est pas quelque chose que nous voulons contrôler, mais nous voulons qu'elle existe. Le site Web est déjà prêt. Nous voulons que les particuliers, les élus et les différents y participent, pour qu'il existe un forum nous permettant de nous attaquer au deuxième volet de ma réponse.
    Il y a une expression scientifique qu'on emploie en psychologie. Il s'agit de la dissonance cognitive. Autrement dit, nous savons que le problème existe, mais nous ne voulons pas en entendre parler. Nous n'aimons pas en entendre parler. Nous savons que c'est un problème grave, mais nous préférons l'écarter. Or nous voulons en parler publiquement pour que les gens soient obligés de le confronter.
    Il est évident que les fumeurs font de bonnes économies en ce moment. Il est difficile de lutter contre cela. Ils ne sont pas très contents d'être fumeurs — je ne connais pas beaucoup de fumeurs qui le soient — mais ils fument quand même. Ils se disent qu'ils peuvent économiser entre 3 000 $ et 5 000 $ par an. Étant donné le prix de l'essence, ils estiment que cela en vaut la peine. Voilà pourquoi nous parlons de différents moyens d'aborder ces personnes.
    Et je sais aussi qu'il ne faut pas nécessairement dire aux gens: « Vous ne savez pas ce que vous fumez ». Supposons qu'on parle d'un produit non réglementé ou non contrôlé. Nous pourrions peut-être insister un peu là-dessus. Selon moi, le fumeur va changer d'avis si nous lui montrons qu'il existe autre chose, qu'il y a une solution de rechange, car le fumeur pense qu'il prend sa revanche, en quelque sorte. C'est un produit auquel on applique une taxe de 75 p. 100. Ils se disent… Je ne vais pas vous dire l'équivalent en anglais; je sais que ces termes ne sont pas polis. Mais c'est ainsi qu'ils réagissent face au gouvernement.
    Donc, si nous parlons de ces gens que nous voulons récupérer parce que, en tant que clients, ils sont à l'origine du problème, il faut trouver le moyen de communiquer avec eux, et de leur montrer, par le biais des mesures que nous proposons — et ils ne sont pas faciles; je sais pertinemment que certaines personnes ne les aiment pas beaucoup — que nous sommes prêts à abandonner toutes ces mesures. Nous allons combattre le problème en ouvrant un débat raisonnable avec eux qui consiste à leur dire: « Oui, nous allons tous travailler ensemble pour nous assurer que tout le monde est sur un pied d'égalité et que vous n'allez pas vous faire… avoir par le gouvernement. »
(1625)
    C'est l'impression que j'ai. Quand nous parlons aux gens, tout le monde semble comprendre que le gouvernement n'a pas toutes les réponses, l'industrie non plus, vous, non plus, et certainement pas les collectivités autochtones. Mais, si nous étions en mesure de travailler ensemble, en prenant certaines mesures ici et d'autres, ailleurs, je pense que tout le monde y trouverait son compte.
    Ce que vous avez dit au sujet des silos me semble tout à fait à propos. Il faut cesser de se pointer mutuellement du doigt et se dire plutôt qu'il faut maintenant trouver une solution… Je sais que vous avez fait du bon travail pour ce qui est de dissuader les gens de fumer des cigarettes, quelles qu'elles soient, mais j'ai l'impression que nous avons connu un succès limité pour ce qui est de faire comprendre aux gens qui achètent des cigarettes de contrebande ce qu'elles fument en réalité et l'activité qu'elles favorisent en agissant de cette façon.
    Lundi, M. St. Amand a posé une question au sujet de ce que prévoit la Loi actuelle. Le fait est qu'aux termes des lois provinciales et fédérale, il est interdit aux consommateurs d'acheter ou de posséder ce produit-là. Là où les taxes fédérales ont été payées, mais non les taxes provinciales — parce que le produit est censé être vendu aux Autochtones dans les réserves — il est interdit aux consommateurs d'acheter ou de posséder ce produit-là. En théorie, aux termes de la Loi sur la taxe d'accise, leurs véhicules pourraient être saisis.
    Voilà ce que prévoit la loi à l'heure actuelle.
    Selon moi, nous devons tous travailler ensemble pour faire comprendre cette réalité-là aux citoyens qui achètent ce produit. Pour moi, vous, le gouvernement et d'autres peuvent certainement collaborer et définir ensemble des solutions. Il n'y a certainement pas de solution magique, mais ce travail de collaboration revêt une importance critique dans ce contexte.
(1630)
    À titre d'information, je précise qu'il faut bien comprendre que, dans le secteur des soins de santé, nos intérêts sont fort différents de ceux de l'industrie du tabac. Cette dernière a ses propres intérêts économiques, alors que notre intérêt se situe au niveau de la santé publique. Étant donné le comportement de l'industrie du tabac, nous sommes très réticents à travailler avec cette dernière pour trouver des solutions dans ce domaine.
    Nous ne ferons jamais avancer ce dossier si chacun continue de montrer l'autre du doigt.
    Oui, je comprends. Je voulais simplement vous expliquer la raison pour laquelle il peut parfois être très difficile de travailler avec certains groupes d'intérêt.
    C'est de nouveau le tour du Parti libéral. Monsieur Cullen, vous avez la parole.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins de leur présentation aujourd'hui.

[Traduction]

    J'ai plusieurs questions à poser, et je vais vous les poser directement, en vous invitant à répondre.
    Premièrement, pour en revenir à ce que disait M. Gadbois concernant le sens des flux du trafic du tabac illicite, si je suis fabricant de cigarettes illicites dans la réserve Akwesasne du côté américain, je peux obtenir du tabac qui plaît, soit aux Américains, soit aux Canadiens, et je peux ainsi fabriquer des cigarettes qui se vendront bien aux États-Unis ou au Canada.
    J'ai l'impression qu'on nous dit qu'il est plus facile de les vendre si on les achemine vers le nord, plutôt que dans l'autre sens. C'est bien cela?
    C'est tout à fait exact.
    Très bien; merci.
    Je suis intrigué par l'idée d'une caution, monsieur Cunningham. En ce qui concerne les fabricants licites, c'est d'une simplicité enfantine, mais dans le cas des fabricants illicites, il faut d'abord les trouver, et ensuite leur dire que leur opération de fabrication est illégale. Voilà un premier problème qui présente un obstacle. Ces fabricants vous diront qu'ils vont prendre les mesures nécessaires pour respecter la loi, et à ce moment-là, vous allez leur demander de verser la caution. Donc, je me demande si cette méthode est vraiment applicable aux fabricants illicites.
    Cette méthode n'est effectivement d'aucune utilité dans le cas des fabricants illicites. Il nous faut envisager toute une panoplie de moyens afin de s'attaquer aux différents aspects du problème global. Il y a des titulaires de permis qui sont de mauvaise foi. Il faut décourager ce genre de comportement, et une caution serait utile dans ce contexte.
    Une caution de 5 000 $ est une somme très faible. Je crois savoir que, en Ontario, le montant initial est de 500 000 $.
    Oui.
    S'agissant de la réserve de Kahnawake, on a lu dans les médias à un moment donné que l'ARC avait accordé 10 ou 11 permis à des fabricants menant des opérations dans la réserve, alors que ces opérations ne sont pas légales. Dans ce cas, pourquoi leur a-t-on accordé un permis? Eh bien, obtenir un permis est un jeu d'enfants.
    D'accord. C'est une excellente observation.
    L'idée de réglementer l'approvisionnement en matières brutes a déjà été proposée par d'autres témoins devant le comité. Quand j'en ai parlé avec les ministères, et notamment l'ARC, le ministère des Finances nous a dit que ce n'est pas une solution pratique parce que le papier et les filtres de cigarettes servent à d'autres fins. À votre avis, s'agit-il d'un argument légitime qui milite effectivement contre une solution de ce genre?
    Non, pas du tout. En ce qui me concerne, cela pourrait donner de bons résultats. Il serait possible de structurer la mesure de façon à s'assurer de son efficacité. Ce genre de mesure existe déjà pour les produits et services liés au jeu en Ontario. Si un fabricant fait quelque chose d'illégal sciemment, il est possible de l'attraper. Il existe des catégories de produits pour les cigarettes seulement — par exemple, un emballage portant la mention « cigarettes », ou le papier utilisé pour l'embout de la cigarette. Il y a des éléments uniques.
    Donc, en ce qui me concerne, ce serait possible.
    Non seulement ce serait possible, mais les représentants de l'industrie du tabac ont déclaré lundi qu'ils seraient prêts à partager les renseignements qu'ils possèdent sur la provenance de la plupart de ces produits. Pour les autorités, ce serait peut-être un peu plus compliqué d'obtenir cette information, mais il me semble qu'il leur serait relativement facile de savoir où on peut obtenir ces produits. Et une fois qu'on aura interdit cette activité chez les fournisseurs en leur imposant une amende salée, ces derniers changeront leur comportement. Sur le plan économique, ce ne sera pas intéressant pour eux d'approvisionner les fabricants illicites.

[Français]

    Monsieur Gadbois, j'aime beaucoup votre idée de campagne, mais j'espère que vous ne proposerez pas de diminution de taxes sur le tabac. À mon avis, ce n'est pas la direction que nous devons suivre.
    Je sais que ce n'est pas populaire. L'expérience nous montre, comme je l'ai dit plus tôt, que cela a fonctionné en 1994, même si la nature de la contrebande était très différente. Néanmoins, la manifestation est la même en ce moment. L'écart incroyable de 6 $... Je crois qu'il est irresponsable de dire qu'à 6 $ la cartouche par opposition à 75 $ ou 70 $ la cartouche, c'est peine perdue et qu'on abandonne. Même si l'on enlevait toutes les taxes, ce serait 6 $ par opposition à...
    Je pense qu'il faut séparer le problème. D'abord, selon moi, si l'on mettait cette mesure en place, ce serait de façon temporaire pour voir quelle part de marché illégal on pourrait récupérer — en diminuant le taux de taxation. Il faut se dire qu'il y a des détaillants qui sont en train de souffrir, qu'il y a un marché en pleine croissance exponentielle. Aussi, il faut éviter que ce marché ne passe le seuil des 50, 60, 70 p. 100. Donc, il faut faire quelque chose.
    On essaie de trouver des idées, et l'on se dit que c'est que c'en est une parmi tant d'autres, qu'elle doit être temporaire. Une chose est sûre: sans contrôle du marché, la taxation a prouvé ses effets deux fois. Elle crée un marché parallèle illégal tentant. Je ne dis pas que c'est quelque chose de populaire, mais on me dit toujours: « You're not politically correct. » So what! Telle est la réalité. Ce n'est pas la seule option, mais dès qu'on la mentionne, tout le monde dit que c'est affreux, qu'on ne peut jamais faire cela, que c'est terrible. Mais regardez ce qu'il advient de la hausse de taxes, au bout du compte, quand on ne contrôle pas l'entrée du produit.
    Considérons cet élément parmi les autres, mais considérons-le. Ne fermons pas la porte automatiquement en pensant que c'est impossible. Car à un moment donné, il faudra envoyer des messages à nos clients et aux fumeurs. Pourquoi reviendraient-ils à ce marché? Croyez-vous honnêtement que d'ici à trois mois, on est capable de fermer complètement le robinet, qu'il n'y aura aucun produit illégal qui va entrer sur le marché? Il faudra sûrement au moins une année avant qu'on commence à contrôler l'entrée du produit.
    Que se passe-t-il pendant ce temps? Jusqu'où allons-nous nous rendre en ce qui concerne le marché illégal? Telle est la réalité. C'est désagréable de le dire, je l'admets, mais c'est la réalité qu'on vit dans le marché en ce moment. Le marché n'a pas baissé; il ne fait que croître depuis trois ans.
    Jusqu'à quel point pensons-nous qu'il faut que ça croisse, en premier lieu? En second lieu, si les gens ne prennent pas cette mesure et qu'on trouve des solutions, tant mieux. Du point de vue du détaillant ou du fabricant, de n'importe qui, plus les taxes sont élevées, meilleures sont les marges pour le vendeur. C'est une réalité de marché. Il ne s'agit donc pas de couper des montants d'argent; il s'agit de rétablir un marché légal.
    Le raisonnement est aussi simple et aussi cru que la constatation de la réalité qu'on vit de tous les jours.
(1635)

[Traduction]

    Pour vous répondre très rapidement, je suis du Québec — de Montréal, plus précisément. L'une des conséquences désastreuses de la réduction de la taxe en 1994 a été un doublement du taux du tabagisme chez les adolescents. Ce dernier est passé de 19 p. 100 à 38 p. 100 en quelques années pour cette seule raison, ce qui était tout à fait catastrophique.
    Selon les prévisions, le gouvernement était susceptible de perdre plusieurs centaines de millions de dollars en un an. Le fait est qu'il a perdu presque 1 milliard de dollars de recettes, et immédiatement après la réduction des taxes, aussi étrange que cela puisse paraître, tout s'est arrêté. Mais les provinces de l'Ouest et Terre-Neuve ont maintenu leurs taxes à un niveau élevé. Comment se fait-il qu'il n'y ait pas eu de contrebande? Étant donné que les taxes étaient élevées, normalement une partie des activités de contrebande aurait dû être transférée à ces provinces-là. Si cela s'est arrêté, c'est parce que les fabricants de tabac ont décidé de fournir leurs produits au marché illicite. Quand ils ont su que cinq provinces avaient réduit leurs taxes, ils se sont dit qu'ils avaient gagné. Ils détenaient 70 p. 100 d'un marché qui pratiquait des prix très faibles, et ils ont enregistré des profits faramineux.
    Seule l'industrie du tabac a profité de la réduction des taxes. Cette dernière n'a pas baissé ses prix. Ses prix sont restés au même niveau. Seuls les gouvernements provinciaux et fédéral ont décidé de réduire les taxes, et c'est nous qui en subissons les conséquences. Nous travaillons très fort depuis une dizaine d'années. Il nous a fallu 10 ans pour retrouver les niveaux qui existaient en 1993. Donc, il faut éviter de refaire la même erreur.
    Je voudrais simplement ajouter une petite chose, parce que je sais que nous ne sommes pas d'accord et tout le monde dit de ne pas en parler.
    Le problème, c'est que nous prétendons toujours d'avoir réussi à réduire la consommation chez les jeunes. C'est vrai, mais au cours des trop dernières années, la consommation a augmenté tout simplement parce qu'il faut se rendre à l'évidence. Si une cigarette coûte moins de 5 ¢, il est évident que les enfants seront attirés par cela et autres choses. Voilà la réalité à laquelle nous sommes confrontés aujourd'hui.
    Si vous me dites qu'il sera possible, dès demain, d'éliminer les sources de ce trafic, grâce à toutes les propositions qui ont été faites, je serais ravi. Nous reconnaissons que, si les taxes sont élevées, nos marges sont plus intéressantes. Mais, encore une fois, le fait est que les adolescents ont maintenant un meilleur accès au produit que jamais depuis 10 ans. Voilà la réalité.
(1640)
    Il faut conclure ce tour. De toute façon, vous avez eu deux fois plus de temps.
    Madame Thi Lac, vous avez la parole.

[Français]

    Merci beaucoup d'être ici, ce matin. Je suis très heureuse de vous entendre et qu'on fasse le débat sur tout ce qui touche la contrebande de cigarettes.
    Bien que je sois consciente qu'il y a un fléau en ce qui concerne les produits du tabac illégaux, ma plus grande préoccupation concerne la prévention chez les jeunes. Je fais partie de la génération qui a été très sensibilisée aux méfaits du tabac. C'est toujours surprenant de savoir que même si les jeunes ne peuvent pas s'approvisionner en produits du tabac dans les dépanneurs ou les commerces, ils en sont les plus grands consommateurs.
    En conséquence, les cigarettes de contrebande sont très populaires auprès des jeunes. Aussi, on banalise un peu le fait qu'on voit un jeune fumer. Les jeunes n'ont pas le droit d'acheter des produits du tabac, pourtant on voit une foule de jeunes fumer aux abords des écoles. C'est dommage.
    On sait que certains groupes sont plus vulnérables face à la consommation de tabac de contrebande. Croyez-vous que les jeunes en font partie, et pourquoi?
    Votre question porte sur l'évolution et la prévalence du tabagisme, surtout au Québec ou au Canada. D'après l'Enquête de surveillance de l'usage du tabac au Canada menée par Santé Canada deux fois par année, la prévalence du tabagisme continue à chuter parmi les jeunes.
    Le seul secteur où le tabagisme a augmenté chez les jeunes, c'est celui de la vente de cigarillos. Maintenant, le gouvernement du Québec va introduire deux règlements qui vont pouvoir contrôler la vente des cigarillos, à cause des saveurs de friandises qu'on utilise, et ainsi de suite.
    Si le marché de la contrebande n'existait pas, on aurait encore de meilleurs résultats en ce qui concerne la baisse de prévalence chez les jeunes. On a peur. À cause de la présence des cigarettes à rabais, à cause de la contrebande, les progrès enregistrés au Québec ralentissent. On ne veut pas non plus voir une tendance inverse. Pensons à ce qui est arrivé en 1994, quand il y a eu une baisse de taxes: des sondages ont alors été faits par le ministère de la Santé. On a vu le tabagisme grimper en flèche chez les jeunes.
    Cela veut-il dire qu'il n'y a pas de problème parmi les jeunes en ce qui concerne les cigarettes de contrebande? C'est clair qu'il y a un problème. Pourquoi ce problème est-il là? Parce que les cigarettes sont bon marché. Même les études économiques le démontrent: si l'on augmente de 10 p. 100 le prix des cigarettes, on obtient une diminution de prévalence chez les jeunes de 12 p. 100, parce qu'ils ont moins de pouvoir d'achat. Les cigarettes de contrebande créent un problème. C'est pour ça qu'il faut que le ministère de la Santé au Québec et que Santé Canada continuent à faire des efforts pour mettre en place les politiques afin de réduire l'usage du tabac dans l'ensemble de la population, incluant les jeunes. Cependant, il faudra aussi entreprendre des campagnes pour sensibiliser l'ensemble de la population à cette problématique.
    Merci beaucoup.
    Oui, monsieur Gadbois.
    Je suis entièrement d'accord et j'approuve la position de M. Damphousse.
    Encore là, j'ai l'impression que les gens oublient qu'ils ont eu 14 ou 15 ans. La réalité, on la connaît; il s'agit simplement de ne pas l'ignorer. En ce qui concerne les chiffres par rapport aux périodes où on dit qu'il y a eu une baisse, c'est bien si l'on sait que le marché est légal à 100 p. 100. Quand on ne connaît pas 40 p. 100 du marché — comme en 1994, où l'on ne connaissait pas 60 p. 100 du marché —, les statistiques n'ont alors pour moi aucune valeur. Voilà la première chose.
    Il y a autre chose. Ce qu'il y a de terrible pour les jeunes en ce moment, c'est une série de circonstances. Il n'y a pas que le fait qu'ils auront accès au tabac ou que ce n'est pas cher. Il faut se rappeler comment nous étions à cet âge. Que se passe t-il dans un groupe de jeunes? D'abord, c'est un commerce. Quand on a moins de 18 ans, on peut le faire, car on est intouchable. Et quand on commence là-dedans, on continue aussi avec d'autres produits: c'est normal. C'est le lien logique qui se fait. L'accès est ouvert. C'est un groupe qui se bat pour beaucoup d'argent. On est en train de montrer aux jeunes que le gouvernement ne peut absolument rien faire, que ça va continuer. Ils sont « morts de rire ». Vous les avez vus à la télévision? Ils se promènent avec leur sac et l'un dit qu'il a eu le produit pour 5 $; l'autre, pour 6 $. C'est presque ridicule. Je parlais du cynisme de la société. C'est là où nous en sommes, et les jeunes sont cyniques par rapport à notre façon de faire respecter les lois.
     En plus, il faut penser au réseau que ça crée. Il faut penser aux gangs de rue. Il faut penser que ces jeunes n'apprennent pas à occuper un emploi dans nos dépanneurs; ils rient de nous. Pourquoi travailler au salaire minimum quand ils peuvent gagner 2 000 $ par semaine à seulement être le runner? Et ils sont intouchables parce qu'ils ont moins de 18 ans. C'est ça, la réalité. C'est pour cette raison que je n'aime pas qu'on essaie de monter toutes les grandes théories. Toutes nos valeurs et notre moralité sont bonnes, sauf que l'on vit dans une situation où tout cela a été faussé. C'est pourquoi il faut travailler tous ensemble dans ce dossier pour ramener les choses à la normale.
    Quand ce sera revenu à la normale, il y aura encore des campagnes, des taxes puisqu'il en faut. Mais il faut que l'on contrôle ce problème. Je vous assure que ne sera pas facile. Car nous sommes en train de donner des messages aux jeunes, à savoir qu'il y a des façons faciles de faire de l'argent, et que fumer c'est cool et pas cher. C'est ce qui se passe depuis deux ans.
(1645)
    Dans vos recommandations vous écrivez qu'il faut mettre en place des mesures, comme un véritable système de marquage et de traçabilité. Que voulez-vous dire? Je voudrais que vous expliquiez davantage votre système de marquage et de traçabilité.
    Vous connaissez les agences comme Purolator et UPS. Quand elles prennent possession de votre paquet, vous pouvez, grâce à Internet, savoir à quel endroit se trouve votre colis dans les étapes de la livraison. C'est ce même système qui devrait être appliqué pour l'ensemble des produits du tabac sur le marché canadien. Lorsqu'un produit qui est aussi nocif et mortel, il n'est pas normal que les autorités ne puissent pas le suivre à la trace.
    Il y aura un nouveau système de marquage avec des timbres, soit un marquage camouflé. Cependant, il ne permettra pas un système de traçabilité. Lors de la première crise de la contrebande, des cigarettes fabriquées par exemple par RJR-MacDonald ont été saisies par la GRC, et l'on était incapable de dire d'où venaient ces cigarettes, pourtant elles étaient de marque Export A. Évidemment, la compagnie n'était pas pour dire que cela venait de son usine. S'il y avait eu un système de marquage et de traçabilité, on aurait eu simplement à utiliser un scanner, à regarder le marquage qui est souvent caché et on aurait pu obtenir toute l'information.

[Traduction]

    La parole est maintenant à M. Goldring.
    Monsieur Gadbois, le poste que vous occupez au sein de l'Association canadienne des dépanneurs en alimentation est celui de vice-président principal. Dans quelle mesure cela pose-t-il problème dans 31 000 dépanneurs qui desservent 3,5 millions de clients chaque année? Y a-t-il un trafic clandestin dans ces magasins? Que faites-vous pour contrôler ce type d'activité? Avez-vous une politique de tolérance zéro à cet égard? Est-ce un problème chez les dépanneurs et dans d'autres magasins de détail?
    Ce sera toujours un problème si, comme détaillant, vous faites l'objet d'une concurrence illégale pour un produit que vous vendez légalement.
    Et quelles mesures avez-vous prises?
    Il y a deux éléments. Premièrement, nous avons un programme intitulé « Pièce d'identité - c'est la loi », dont je vous ai parlé dans mon exposé. Ce programme vise non seulement le tabac, mais l'alcool et les jeux de loterie. Les mineurs n'ont pas le droit d'y avoir accès. Pour nous, c'est une façon de nous assurer que les personnes qui reçoivent cette formation et qui forment ensuite leurs employés grâce au programme sont des détaillants sérieux, responsables et légitimes.
    Mais, je ne parle pas uniquement de la vente aux mineurs, je parle de la vente d'un produit illégal. J'imagine que ce genre de problème a dû surgir de temps à autre. Que faites-vous à ce moment-là? Retirez-vous l'adhésion à l'Association aux personnes qui font cela? Que faites-vous pour inciter les gens à agir correctement à l'intérieur de votre réseau?
    Il est évident que les détaillants qui se font attraper seraient exclus de notre association. En même temps, ce n'est pas quelque chose que nous pouvons facilement contrôler — même la police ne peut pas facilement contrôler cela.
    En avons-nous informé nos détaillants? Non, tout simplement parce qu'aucun de nos membres n'a jamais été pris en flagrant délit ou s'est fait imposer une amende. Par contre, il y a peut-être des détaillants qui s'adonnent à ce genre d'activité.
    Là où je veux en venir, c'est que dans bon nombre de segments de la population, comme vous l'avez dit vous-même, on semble penser en général qu'il n'y a pas de mal à le faire. Les gens ressentent une forte pression, étant donné le prix élevé de l'essence et la nécessité de nourrir la famille, et selon eux, il ne s'agit pas d'enfreindre une loi, mais plutôt de profiter d'un avantage. Si vos membres ont cette attitude-là, et si nous sommes laxistes dans notre façon de nous attaquer au problème, il n'est guère surprenant que ce même laxisme se manifeste un peu partout dans d'autres secteurs également.
(1650)
    En ce moment, les détaillants ont l'impression d'être trop contrôlés par des règlements qui visent chaque aspect de leur activité commerciale. En cas de non-conformité, ils peuvent soit avoir à payer une amende, soit perdre complètement leur commerce. En ce qui concerne les jeux de loterie, par exemple, ils peuvent éventuellement perdre le droit de vendre le produit. Pour eux, c'est comme s'ils perdaient leur commerce.
    Donc, vous n'avez pas été obligé de prendre des mesures au fil des ans auprès des 31 000 dépanneurs qui sont vos membres?
    Non, et je dirais que, dans la plupart des cas, ils ne peuvent même pas concurrencer le marché illégal, tout simplement parce qu'ils n'ont pas le système qu'il faut et parce qu'ils ne courent pas après leurs clients. En même temps, je dirais qu'ils sont tellement susceptibles de faire l'objet d'interventions de la part de la police ou du gouvernement qu'ils sont moins enclins à s'adonner à ce genre d'activité, car les conséquences ne sont pas les mêmes pour eux que pour le passeur qui n'a pas de commerce proprement dit.
    Dans un autre ordre d'idées, je regarde le produit qui est sur la table ici, et je constate qu'on ne s'intéresse pas beaucoup à l'emballage; en d'autres termes, on ne parle pas d'opération de fabrication de type industriel avec une grande chaîne de montage et des emballages multicolores, etc. Ils se contentent d'utiliser des sacs en plastique pour emballer les cigarettes. Je dirais que les sources d'approvisionnement de ce genre de matériaux sont multiples.
    Il y a aussi les opérations de fabrication à petite échelle. Il y en a qui utilisent des rouleurs chez eux, mais d'autres ont des machines qui peuvent fabriquer 10 000 unités. Est-ce que ces petites opérations sont aussi problématiques? Comment se comparent-elles aux opérations à grande échelle qui existent aux États-Unis — c'est-à-dire celles dont la capacité se situe à 10 000 unités par semaine?
    Je n'en sais rien, car elles sont situées dans des réserves indiennes. Je ne pense pas…
    Cela n'existe-t-il pas dans la collectivité générale, et pas simplement dans les réserves indiennes?
    Évidemment, je ne sais pas ce qu'il faut avoir comme usine pour en faire un véritable commerce. Mais, il faut bien comprendre que le marché des cigarettes illégales est contrôlé par des criminels. Si vous essayez de les concurrencer, de leur prendre une part de leur marché et de leur enlever des ventes, selon moi, vous n'allez pas survivre longtemps.
    Pour en revenir aux 31 000 propriétaires de dépanneurs, il me semble que, étant donné qu'il y a peu de contrôle, les petits entrepreneurs qui ont une petite franchise seraient tentés d'augmenter leurs revenus en ayant leurs propres cigarettes qu'ils peuvent vendre dans deux, trois, quatre ou cinq petits magasins en petites quantités. Y a-t-il moyen de savoir si cela se fait ou non?
    Le problème en ce qui concerne cette logique se situe au niveau du contrôle. Il y a peu de contrôle des activités criminelles, mais de notre côté, il y en a énormément. Des inspecteurs viennent chez nous tous les jours; nous sommes obligés de rédiger des rapports tous les jours. Le propriétaire d'un petit commerce vous dirait que, s'il s'adonnait à ce genre d'activité, on pourrait l'attraper beaucoup plus facilement que les vrais criminels.
    Pour moi, cela veut dire que les efforts sont mal ciblés. Je préfère parler des vrais… plutôt que de me livrer à des conjectures sur… Il y aura toujours des gens qui n'en font qu'à leur tête, des gens à qui nous ne voulons pas être associés, mais je dirais qu'il s'agit d'une toute petite minorité. Étant donné le système actuel de contrôle et la surveillance effectuée par le gouvernement — et Dieu sait que nous nous plaignons du fait que nous sommes trop surveillés — ce n'est pas vraiment un problème, à notre avis.
    Merci.
    Monsieur Cullen, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Par rapport à cette problématique, il me semble qu'il y a quelques principes qui se dégagent, à savoir qu'il ne faut pas adopter des lois que la population générale n'accepte pas, ni des lois qu'il est impossible de faire respecter. Voilà justement la nature du dilemme dans lequel nous sommes pris.
    Nous avons des lois qui ne sont pas respectées. Nous avons eu l'autre jour la liste des nombreuses lois qui sont enfreintes lorsqu'on introduit sur le marché des cigarettes illicites.
    En ce qui concerne la politique générale, je suppose que, si vous êtes un fumeur d'âge moyen ou à faible revenu, vous avez sans doute une dépendance. Vous allez dépenser tant pour les cigarettes, un point c'est tout. Donc, vous allez trouver le moyen d'en avoir en respectant votre budget.
    En 1994, je n'étais pas d'accord avec la décision de notre gouvernement consistant à diminuer progressivement les taxes. J'ai été élu en 1996 et, même si cela n'aurait absolument rien changé, j'étais fier quand nous avons décidé en 2000 d'augmenter les taxes et de les appliquer à la porte de l'usine, pour que les cigarettes ne soient pas introduites au Canada depuis les États-Unis.
    À l'époque, nous savions — notre gouvernement savait — qu'en augmentant les taxes d'accise, on risquait de favoriser la contrebande. Je comprends pourquoi les gens sont cyniques. Je le suis moi-même, car on ne fait pas respecter les lois en ce moment. Ce qu'il faut faire, selon moi, c'est accepter que cela va se faire et se fait déjà, et prendre les mesures qui s'imposent. Je trouve rétrograde de…
    J'étais content de vous entendre dire, monsieur Gadbois, que s'il existe des solutions, comme celle consistant à taxer correctement les cigarettes, vous seriez content, étant donné que vos marges seraient plus importantes. Je ne connais pas bien votre secteur d'activité, mais j'ai trouvé cela intéressant.
    Pour moi, c'est simplement une question de volonté politique. Ceci dit, c'est un problème très complexe et difficile. Mais, baisser les bras en disant: « Ils ont eu raison de nous… Nous avons augmenté les taxes, sachant pertinemment que cela favoriserait la contrebande, mais maintenant nous sommes prêts à abandonner la lutte ».
    C'est une observation personnelle, mais j'estime néanmoins qu'il faut absolument s'attaquer à ce problème avec énergie, quelle que soit sa complexité.
    Monsieur Damphousse, je vais vous donner l'occasion d'intervenir dans une minute, mais je voudrais d'abord poser une question concernant la révocation des permis de fabrication. Voilà une autre bonne idée, selon moi.
    Monsieur Damphousse, vous avez dit que bon nombre de ces fabricants sont titulaires d'un permis. J'imagine qu'ils ont pu l'obtenir en versant une caution de 5 000 $ ou quelque chose du genre. Maintenant ils mènent des activités illégales, et personne ne fait quoi que ce soit pour les empêcher de le faire. Cela ne me semble pas tout à fait approprié.
(1655)
    Si c'est un dossier très important qui exige que le Canada y prête toute l'attention voulue… Je ne sais pas si vous êtes au courant de la Convention-cadre de l'OMS pour la lutte antitabac. Il s'agit du premier traité international sur la santé publique à émaner de l'Organisation mondiale de la santé. Nous avons été l'un des premiers pays à ratifier ce traité.
    J'étais à Genève en février. Ils sont en train d'élaborer un protocole sur la contrebande de produits du tabac, et l'une des plus fortes délégations à avoir assisté à cette réunion était celle du Canada. Certaines des politiques adoptées par le Canada ont été reprises par d'autres pays du monde — entre autres, les images et les avertissements qui figurent maintenant sur les emballages. Nous avons été les premiers à faire cela, et beaucoup d'autres pays ont emboîté le pas.
    Je pense que si vous pouviez donner l'exemple… Il y a beaucoup de pays qui surveillent ce qu'on fait, car ils savent que le Canada est aux prises avec un problème de contrebande à l'heure actuelle. Mais la contrebande n'est pas uniquement un problème au Canada; c'est un problème d'envergure internationale, et c'est pour cette raison que nous négocions ce protocole.
    En fait, si vous prenez l'initiative de vous attaquer avec sérieux à ce problème et de protéger la politique fiscale, étant donné qu'elle a réussi à faire baisser la consommation des produits du tabac au Canada — d'ailleurs, si vous demandez à un fumeur quel facteur l'a le plus incité à abandonner la cigarette, il vous dira que c'était soit l'interdiction de fumer au travail et dans les lieux publics, soit la forte hausse des prix.
    Donc, il faut protéger nos gains, et le Canada doit être un chef de file pour la communauté internationale en lui montrant qu'il est possible d'agir efficacement sur le problème.
    Je suis convaincu que nous pouvons régler le problème; nous allons gagner. Mais, les gouvernements fédéral et provinciaux et le gouvernement américain doivent prendre leurs responsabilités. Il a été possible de maintenir des niveaux de taxes beaucoup plus élevés dans l'ouest du Canada, et le degré de contrebande est très faible comparativement au Canada central.
    Je vous fais remarquer en passant que nous avons déposé un classeur qui contient des documents de référence pour la gouverne des membres du comité.
    Il y a une autre solution dont nous n'avons pas encore parlé, et elle concerne la publicité illégale. À l'onglet 8 du classeur, vous allez voir quelques exemples de publicités illégales faites par Grand River Enterprises. La publicité est faite aux points de vente, contrairement aux lois ontarienne et fédérale en la matière, et cette publicité attire l'attention des consommateurs. Donc, voilà une autre solution qu'on peut envisager: éliminer tous les panneaux publicitaires illégaux.
    Merci.
    C'est maintenant le tour du parti de la majorité. Monsieur Norlock, vous avez la parole.
(1700)
    Messieurs, merci infiniment de votre présence aujourd'hui.
    J'ai une courte question à poser à M. Damphousse. Quel pourcentage de dépanneurs est représenté par votre organisme? Je pense qu'il existe un autre organisme… Excusez-moi. Cette question s'adresse à M. Gadbois.
    J'ai envie de croire que vous êtes tous sur la même longueur d'onde, car si ce n'est pas le cas, nous avons de graves problèmes.
    Êtes-vous en mesure de m'indiquer le pourcentage? Je sais qu'il existe un groupe de propriétaires de dépanneurs coréens. Je ne sais pas s'ils sont associés à votre groupe ou non.
    Il faut bien comprendre qu'il existe trois types de dépanneurs, si vous voulez que je vous explique un peu la structure. Évidemment, il existe les grands regroupements, du genre Petro-Canada, Canadian Tire, etc. Ce sont des membres de notre association — des membres importants, heureusement pour nous. Il y a ensuite le petit réseau qui compte entre 10 et 15 magasins. Après, il y a les dépanneurs individuels, et c'est là qu'intervient l'association des entrepreneurs coréens, par exemple. Il y a également une association d'entrepreneurs chinois dans le Vieux-Montréal, qui compte 200 membres. Donc, il y a des regroupements qui se forment simplement parce qu'il leur est plus facile de travailler ensemble de cette façon, surtout que bon nombre d'entre eux sont des immigrants.
    Pourriez-vous me dire quelle proportion des dépanneurs vous représentez au Canada?
    Vous parlez de tous les points de vente?
    Oui, je parle de votre proportion du marché canadien dans ce domaine-là.
    Environ 50 à 60 p. 100, à mon avis.
    Est-ce que le réseau Couche-Tard fait partie de votre association?
    Oui.
    Je sais que M. Cullen est très préoccupé par la situation. C'est l'un des dossiers relevant du comité qui nous préoccupent lui et moi. Il y a un éléphant dans la salle, et cet éléphant est évidemment la contrebande du tabac et ses multiples conséquences négatives: le crime organisé, le fait que le gouvernement ne perçoit pas sa juste part des taxes, les problèmes de santé, et j'en passe.
    Il a été mentionné par quelqu'un que nous devons travailler ensemble dans ce domaine. La GRC a récemment déposé sa stratégie de lutte contre le tabac de contrebande, par l'entremise d'un groupe de travail, qui reconnaît l'importance du système de contrôle, etc. Si je ne m'abuse, c'est M. Cunningham qui montrait une cartouche de cigarettes tout à l'heure en disant que, aux termes des lois actuelles, si quelqu'un se fait attraper avec une telle cartouche dans sa voiture, on peut l'arrêter et saisir son véhicule.
    J'ai tout de suite pensé à des gens à faible revenu ou à revenu moyen qui ont une dépendance au tabac. Nous savons qu'il s'agit d'une véritable dépendance. Un médecin-chef aux États-Unis — je crois qu'il était général dans les forces armées — disait que c'est encore plus grave qu'une dépendance à l'héroïne, et j'ai vraiment l'impression qu'il a raison. Il y a des Canadiens très corrects, qui travaillent fort et qui fument, et parfois ils ne peuvent pas se permettre… Tout d'un coup, j'ai eu à l'esprit l'image d'une voiture de police qui arrête une personne qui a du mal à joindre les deux bouts — un Canadien qui travaille fort, qui paie ses impôts, etc. — et qui voit une dépanneuse qui enlève son véhicule. Ce n'est pas ce que j'ai envie de voir.
    Je voudrais qu'on s'attaque à la racine du problème, et pour ce faire, il faut examiner les raisons socioéconomiques qui peuvent inciter les gens à fabriquer des produits du tabac, que ce soit dans une réserve ou ailleurs. En tant que législateur, comment pouvons-nous travailler avec des gens comme vous — et tous les témoins que nous avons entendus jusqu'ici — pour atteindre cet objectif? C'est pour cette raison précise que vous comparaissez devant nous aujourd'hui. Ce n'est pas pour reléguer cet éléphant à un coin de la salle, simplement parce que nous n'avons pas toutes les réponses. Dieu nous préserve si les élus prétendent un jour avoir toutes les réponses, car c'est là que tout ira mal. C'est la raison pour laquelle nous créons des comités comme celui-ci, et c'est la raison aussi de votre présence.
    On peut dire que c'est une observation de ma part, plutôt qu'une question que je vous pose. Nous, les représentants de tous les partis politiques, nous souhaitons vraiment conjuguer nos efforts et entendre ce que les Canadiens ont à nous dire. Mais, dans ce comité, nous avons dû mettre l'accent sur le tabac de contrebande. Nous avons écarté les questions de santé à dessein, même si nous sommes tout à fait conscients de leur gravité, étant donné que ce produit est cancéreux. Que les éléments politiques soient dans la réserve ou ici au sein du gouvernement, à long terme, les conséquences sont certainement graves. Nos enfants vont en pâtir. Ils vont être en moins bonne santé. Ils vont devenir membres de bandes de motards. Des terroristes viendront ici, parce que c'est une façon de faire de l'argent rapidement — une bonne façon de financer toutes leurs activités répréhensibles. Nous sommes donc résolus à nous attaquer à ce problème afin d'empêcher la situation de s'aggraver encore.
    Donc, même si M. Damphousse et M. Gadbois peuvent avoir des opinions différentes, il est absolument essentiel que vous deux travailliez ensemble pour nous aider à régler le problème.
    Merci, monsieur le président.
(1705)
    Ce que je peux vous dire en réponse, c'est que Rob et moi, et de nombreux autres représentants du milieu de la santé, avons eu des rencontres avec de nombreux responsables d'un grand nombre de ministères différents. On nous dit toujours: « Cela ne nous concerne pas; c'est la responsabilité de tel autre ministère ». On nous a écartés tant de fois, et nous continuons à nous adresser à l'un ou l'autre service en essayant de trouver des gens qui sont prêts à piloter ce dossier.
    Il y a une chose sur laquelle nous avons tous insisté devant le comité, à savoir que ce n'est pas un seul ministre qui soit responsable dans ce domaine. Les ministères de la Justice, de la Santé, de la Sécurité publique et de l'Agriculture sont tous concernés. Tous ces ministères doivent s'investir.
    Dernièrement, nous avons appris que le plan stratégique de la GRC permettra de mettre sur pied un comité qui pourra examiner cette problématique dans une autre optique. Voilà qui est très important. C'est toute une réalisation, et il convient de vous féliciter d'avoir pris cette mesure.
    Pour ce qui est de la nécessité de conjuguer nos efforts, nous qui sommes du milieu de la santé cherchons surtout à protéger la santé publique et à réduire les conséquences de l'usage du tabac pour la santé des gens. Vous avez évoqué le cas d'une personne à faible revenu qui a une dépendance à la nicotine. Environ 80 p. 100 des fumeurs ne veulent pas fumer. Les sondages indiquent que 80 p. 100 d'entre eux voudraient cesser de fumer. Mais, leur dépendance les empêche d'abandonner le tabac. Les témoignages personnels de beaucoup de gens, et notamment de personnes qui sont sur leur lit de mort, sont du genre: « Pour leur éviter les mêmes souffrances, faites en sorte que mes enfants ne fument pas ».
    Or l'industrie du tabac cherche surtout à maximiser ses profits et à augmenter les ventes. Nos intérêts sont donc contradictoires. Notre intérêt commun consiste à éliminer la contrebande, mais de notre côté, nous allons continuer à nous efforcer de faire baisser la consommation des produits du tabac, en raison de ses effets sur la santé publique. Il est très important que tout le monde comprenne cette réalité-là. Nous vous remercions aussi de tenir compte du volet de la santé publique dans ce dossier, même si votre mandat porte sur la sécurité publique.
    Mes dernières observations de tout à l'heure allaient justement dans ce sens-là. Dans le cadre de la coalition que nous proposons de créer, nous sommes résolus à prendre nos responsabilités. Nous ne nous contentons pas de traiter les problèmes urgents des détaillants qui sont nos membres et qui travaillent très fort. Cette coalition est un mouvement sérieux. Vous allez voir qu'elle commencera à prendre de l'ampleur dans deux semaines.
    Nous voulons que ce mouvement soit présent dans tout le Canada. Nous voulons nous servir des dépanneurs pour faire participer les citoyens. J'espère que M. Damphousse et M. Cunningham participeront aussi. Nous sommes ouverts. Nous ne visons personne en particulier. Je vous dis simplement qu'il faut travailler ensemble. J'espère aussi que le gouvernement nous aidera à faire avancer le travail de la coalition. Une fois qu'elle aura été lancée, j'espère que nous ne serons pas les seuls à supporter le fardeau et que tout le monde y prendra part.
    Voilà pourquoi je vous dis que nous vous avons compris — tout à fait. Nous avons déjà agi. Nous savons qu'il faut un engagement social majeur.
    Aucun membre du Parti libéral n'a demandé la parole.
    Madame Priddy, c'est à vous.
    Un article est paru dans un journal national ce matin concernant les taxes que les premières nations pourraient prélever sur le tabac et la possibilité que les produits de la criminalité soient utilisés de façon positive. Je me demandais si vous aviez entendu parler de cela ou si vous aviez des commentaires à faire à ce sujet. Avez-vous lu l'article en question?
(1710)
    Oui, je l'ai lu. C'est une idée novatrice. Lorsqu'une autorité policière, y compris une autorité policière autochtone, inflige une amende ou participe à la saisie de produits de la criminalité découlant d'une poursuite, où va cet argent-là? Voilà la question qui est souvent posée par différentes forces policières.
    Si nous avons la possibilité d'utiliser les sommes perçues sous forme d'amendes ou les produits de la criminalité pour soutenir les efforts des autorités policières autochtones, pour moi, c'est une solution qu'il faut envisager.
    Dans le contexte du protocole international qui est actuellement négocié au sein de l'Organisation mondiale de la santé, les États membres envisagent sérieusement d'adopter une mesure relative aux produits de la criminalité.
    Je vous remercie.
    Monsieur Ménard, vous avez la parole.

[Français]

    Des témoins nous ont fait part d'une opinion qui diffère de la vôtre, semble-t-il. J'aimerais par conséquent que vous me donniez des explications. Je les ai questionnés sur l'utilité du marquage électronique et ils ont répondu essentiellement que c'était efficace dans les cas de contrefaçon de cigarettes, mais que ces cas ne représentaient que 3 p. 100 du marché illégal. Je ne sais pas si vous partagez cette opinion.
    Je veux également vous parler de la saisie de véhicules. J'ai vérifié dans la loi. Or, il me semble que les véhicules peuvent être saisis, même dans le cas de personnes qui ont acheté des cigarettes et les transportent illégalement. Cependant, j'ai l'impression qu'une fois son véhicule saisi, le propriétaire peut en reprendre possession en payant un cautionnement. En fin de compte, le véhicule saisi ne sert que de cautionnement. Par contre, j'ai remarqué qu'aux États-Unis, la saisie de véhicules dans le cas de toutes sortes d'infractions était une punition efficace.
    Pensez-vous que si l'on saisissait les véhicules systématiquement et que c'était publicisé, les gens seraient moins nombreux à acheter des cigarettes dans les réserves?
    Pour ce qui est du marquage électronique, je vais vous donner un exemple. La contrefaçon est un problème qu'on note surtout dans les provinces de l'Ouest. Par contre, cette cartouche a été fabriquée dans la région des Six Nations par GRE, qui a un permis fédéral et provincial. Bien qu'il soit assujetti à la taxe d'accise fédérale, ce produit se retrouve sur le marché de la contrebande. La taxe provinciale sur ce produit n'est pas payée. Un système de marquage électronique, qui donnerait lieu à une forme de traçabilité, nous permettrait de remonter la chaîne et de savoir qui a fourni une personne qui a agi de façon illégale. On pourrait alors mener des enquêtes. C'est actuellement une importante source de problèmes en Ontario. On ne l'a pas mentionné au cours du témoignage de lundi dernier. Quoi qu'il en soit, cette mesure contribuerait à régler une partie du problème.
    Il faudrait qu'on puisse imposer le système de marquage électronique à tous les manufacturiers établis dans les réserves afin de permettre aux autorités de suivre à la trace tous ces produits. Si l'on arrive à régler le problème actuel, comment peut-on être sûr qu'un autre type de problème ne va pas surgir un peu plus tard? La compagnie Imperial Tobacco ne fabrique plus de cigarettes au Canada: elle a déménagé toutes ses usines de fabrication au Mexique et n'a gardé que son bureau chef à Montréal. Quelle garantie avons-nous que les produits provenant du Mexique n'arriveront pas sur le marché de la contrebande par d'autres canaux? Avec un système pouvant suivre ces produits à la trace, on pourrait s'assurer que ça ne se passera pas. Ça ne règle pas tous les problèmes, mais une bonne partie de ceux-ci. Je vous assure que les autorités fédérales et la police provinciale seraient bien heureux qu'un tel système soit mis en œuvre.
    Au sujet des véhicules, nous n'avons pas de recommandation spécifique à faire, mais M. Gadbois pourrait peut-être vous donner son point de vue à cet égard. Je pense que le contenu des lois provinciales varie quand il s'agit de tabac, mais je sais que cette question a déjà été soulevée.
(1715)
    Honnêtement, je n'ai aucune expertise dans ce domaine. Voulez-vous dire que quiconque achèterait des cigarettes dans une cabane située dans une réserve serait automatiquement passible de saisie sur la route?
    Oui.
    C'est bien, ça nous semble tout à fait normal et fondé, mais un sacré lot de fumeurs vont vous haïr. Le problème n'est pas de leur côté mais de celui des gens qui fabriquent les cigarettes. Ce n'est qu'une première impression.
    Par contre, ils vont cesser d'y aller.
    Ils vont se faire livrer la marchandise à domicile.
    Quand ils vont entendre dire que leur véhicule pourrait être saisi.
    Ça n'aura comme effet que d'éliminer quelques petits revendeurs. Le réseau de distribution est très développé. Au niveau où il est rendu, il fonctionne à l'intérieur d'édifices à logements, et ce, très ouvertement. Peu importe le système auquel on a recours, si les gens apprennent que le fait d'avoir entre les mains un produit illégal peut leur coûter très cher, ça va sûrement aider. Pour ce qui est de savoir s'il est préférable de réduire la demande ou de réduire l'offre, le problème se situe toujours des deux côtés. Je ne sais pas de quelle façon on pourrait le mieux réussir, alors combinons toutes les méthodes.
    J'aimerais commenter ce que la GRC a mentionné devant le Comité permanent de la santé il y a deux ans, si je me souviens bien. On avait proposé que les interventions touchent plus particulièrement les fumeurs qui achetaient des cigarettes illégales. La GRC avait alors fait remarquer qu'en matière de ressources, il était impossible d'intervenir auprès de toutes les personnes qui achetaient ces cigarettes. Attraper une personne a certainement un effet dissuasif, mais le problème est qu'on déplace le cœur du problème. Celui-ci n'est pas le fumeur mais la personne qui fabrique des cigarettes illégales.
    Comme le mentionnait plus tôt M. Norlock, ces gens sont aux prises avec une dépendance. C'est pourquoi on aimerait que les stratégies mettent l'accent sur la source du problème et non sur l'individu.

[Traduction]

    Merci.
    Le dernier nom sur ma liste est celui de M. Goldring.
    Merci, monsieur le président.
    En ce qui concerne la distribution, je lisais les documents qui nous ont été fournis — et c'est pour cette raison que j'ai parlé tout à l'heure de votre association et des 31 000 dépanneurs — et je me rends compte qu'il faut un assez grand réseau pour être en mesure de distribuer les quantités de produits qui sont fabriqués. Au lieu de parler de la distribution ou de la vente au détail, je voudrais vous poser la question que voici: si cela se produisait dans n'importe quelle autre région du Canada, et les produits en question étaient fabriqués au Canada, on ne perdrait pas une seconde pour mettre fin à ces opérations. Le véritable problème semble se situer au niveau du traçage du produit — du tabac — qui entre aux États-Unis et revient au Canada sous forme de produit fini. Donc, le véritable problème semble être notre frontière poreuse.
    Vu la réalité de cette frontière poreuse, quelles démarches avons-nous faites auprès des autorités américaines pour qu'elles soient plus vigilantes à la frontière, et y a-t-il moyen de faire quelque chose dans une réserve au centre de laquelle passe la frontière? Selon vous, le véritable problème est-il la situation géographique particulière du territoire concerné? Le fait est qu'une frontière poreuse et non contrôlée passe au centre de la réserve. Est-ce de cette réalité-là qu'on profite?
    Nous avons quelques exemples d'opérations de répression menées par la GRC qui ont permis d'éliminer des activités de fabrication illicite. Par exemple, ils ont tout de suite pris des mesures au Québec. Il ne s'agissait pas de simples cellules pour la vente de produits du tabac illégaux; on parle d'opérations de fabrication.
    En ce qui me concerne, la situation dans la réserve d'Akwesasne est fort regrettable. Nous ne parlons pas d'une situation où les gens ferment les yeux sur le problème. Beaucoup d'habitants des réserves concernées sont tout à fait contre cette activité. Des groupes de crime organisé profitent de la situation des deux côtés de la frontière, parce que ces produits sont distribués dans tout le Canada à partir de ce territoire. C'est une situation fort malheureuse, et c'est pour cette raison qu'il faut maintenant réfléchir à tous les éléments du problème et élaborer un plan en conséquence.
    Il faut également s'intéresser aux personnes qui fournissent les matériaux bruts aux réserves. Les représentants de GRE ont insisté sur cet élément-là. Ils ont dit qu'il faut absolument s'intéresser davantage aux personnes qui fournissent les matériaux bruts. Elles sont aussi coupables que celles qui fabriquent les produits dans les réserves. Nous avons réussi à fermer les opérations de fabrication au Québec — je pense qu'elles se déroulaient près de Repentigny ou Sorel. Pourquoi ne pourrions-nous pas nous attaquer au problème en supprimant la capacité de ces gens de fournir les matériaux? Ainsi nous agirions sur le problème à l'extérieur de la réserve.
(1720)
    Mais l'infraction secondaire, ou peut-être principale, est l'introduction au Canada de produits de contrebande illégaux.
    C'est vrai, mais il faut éliminer les sources, afin que les réserves canadiennes ne puissent pas avoir accès aux matériaux.
    Non, pas nécessairement, parce que vous avez du mal à connaître la source du tabac; vous ne savez pas s'il s'agit de tabac étranger, de tabac ontarien ou de tabac américain. Les produits du papier peuvent venir de n'importe où dans le monde. Le véritable élément commun est le produit illégal — le fait que les cigarettes retraversent la frontière, et il s'agit donc de savoir ce qu'on peut faire à la frontière pour éliminer ce trafic.
    Le gouvernement canadien doit, de toute urgence, faire des démarches diplomatiques auprès du gouvernement américain afin de trouver une solution, en insistant sur le fait que cette situation pose problème pour nos deux pays et qu'il faut absolument y mettre un terme.
    Il faut tenir compte de tous ces autres éléments. Il s'agit d'un produit illégal qui traverse la frontière et est introduit au Canada.
    Oui, il faut y mettre un terme.
    Monsieur St. Amand, vous m'avez fait savoir que vous souhaitez poser une autre question.
    Merci de m'accorder cette possibilité, monsieur le président.
    Comme le disait M. Goldring, 90 p. 100 des produits — ou, en tout cas, la plus forte proportion — sont fabriqués illégalement aux États-Unis en utilisant du tabac qui vient peut-être du Canada, de Caroline du Nord, du Brésil ou d'ailleurs. Par quels moyens précis les produits sont-ils introduits au Canada? Dans la grande majorité des cas, les contrebandiers passent-ils par le Saint-Laurent?
    C'est exact. Ils utilisent des bateaux, ou en hiver, ils passent sur la glace. Il y a une période de quelques semaines, avant et après l'hiver, où on ne peut pas utiliser l'un ou l'autre de ces deux moyens, et il faut à ce moment-là passer par le pont. Mais pour la majeure partie de l'année, ils passent par le Saint-Laurent, soit en bateau, soit sur la glace.
    Les produits sont ensuite chargés dans les camions. De chaque côté de la frontière, il faut à un certain moment charger les produits dans des camions, des bateaux, des remorques ou des voitures.
    C'est exact, et il n'y a aucune interception.
    Aucune interception.
    Mais, il ne faut pas oublier les saisies faites par la GRC. Le nombre de saisies a augmenté de façon considérable, et la force policière d'Akwesasne travaille en étroite collaboration avec la GRC dans ce domaine.
    Je sais qu'on essaie d'intercepter le produit, et que les autorités réussissent parfois, mais il est évident que des centaines de livres de produits ne sont pas détectées.
    C'est exact; seulement un infime pourcentage est saisi.
    Est-ce que tout le monde a fini?
    Je désire remercier nos témoins pour leur présence parmi nous aujourd'hui. Vous nous avez donné énormément de renseignements à assimiler. Nous vous sommes reconnaissants pour votre contribution au travail du comité.
    La séance est levée.