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Merci, monsieur le président.
Mesdames et messieurs, je vous remercie beaucoup pour cette occasion de vous parler de nos enquêtes sur les décès associés aux pistolets à impulsion électrique, que j'appelle tasers, menées par le Bureau du médecin-légiste en chef de l'Alberta. Je tiens à remercier le gouvernement de l'Alberta de m'avoir permis de venir vous parler, mais je précise que je m'exprimerai ici en mon nom personnel.
Je me présente, je m'appelle Graeme Dowling. Je suis pathologiste judiciaire de formation. Je travaille depuis environ 22 ans pour le bureau du médecin-légiste de l'Alberta, et je suis le médecin-légiste en chef de la province depuis un peu moins de 15 ans. A ce titre, j'effectue des enquêtes, y compris des autopsies, -- j'en fais en réalité-- sur des décès inexpliqués, dont la cause peut être naturelle ou associée à des lésions corporelles ou à l'usage de drogues ou de médicaments.
Toute enquête sur un décès a pour but d'établir, entre autres choses, la cause du décès ainsi que la façon dont il s'est produit, et d'établir des statistiques selon qu'il s'agisse de décès naturels, d'homicides, de suicides de décès accidentels, etc.
Chaque année, notre bureau fait 3 500 enquêtes sur des décès. Tout décès qui se produit lorsque le sujet est sous la garde de la police ou lorsqu'il y a eu recours à la force par la police fait automatiquement l'objet d'une enquête, y compris tous les décès associés à l'emploi du pistolet à impulsion électrique. Ces décès font aussi l'objet d'une enquête publique médico-légale, assez semblable à l' enquête d'un coroner.
Depuis 2001, en Alberta, quatre décès ont été associés à l'emploi du pistolet à impulsion électrique. Dans le premier cas, les policiers sont entrés chez un homme ivre pour l'arrêter. Le taser a été employé immédiatement quand les policiers l'ont vu parce que des témoins avaient déclaré que le suspect était armé d'un couteau. L'une des sondes du taser ne s'est pas fixée adéquatement, et le pistolet n'a donc pas bien fonctionné. Le suspect a, par la suite, agressé les policiers qui lui ont tiré dessus quatre fois. Son alcoolémie était très élevée. Rien ne laisse supposer qu'il était dans un état de délire agité.
Dans les trois autres cas, nous avons conclu que la cause du décès était le délire agité, bien que pour l'un d'eux, un taux de cocaïne très élevé aurait pu, en soi, causer la mort.
Je sais que les membres du comité ont déjà beaucoup entendu parler du délire agité, et je dirai simplement qu'il s'agit d'un état d'agitation extrême associé à un comportement étrange et violent, à une force censément surhumaine, à une température corporelle très élevée, causée dans la plupart des cas par la consommation de drogues illégales ou par une maladie psychiatrique. Sa première description se rapportait à des patients psychiatrisés du milieu du XIXe siècle, mais on a recommencé à s'y intéresser au cours des dernières décennies.
Revenons aux cas albertains. C'est le comportement violent des sujets qui a amené la police à intervenir. Diverses méthodes ont été employées pour maîtriser les sujets, y compris ce qu'on peut décrire comme « l'asphysie posturale », lorsque plusieurs policiers essaient de maintenir les bras du sujet, et même de se placer sur sa poitrine. Et les entraves aux pieds ou aux pieds et aux mains,qui n 'est pas tout à fait du ligotage; et bien sûr, dans les trois cas, l'utilisation du pistolet Taser.
Dans deux des cas, il y a eu trois décharges de cinq secondes, et dans le troisième cas, trois décharges de cinq secondes sur place, suivies de cinq décharges de cinq secondes à l'hôpital, lorsque les policiers et le personnel de la salle d'urgence ont essayé de transférer le patient de la civière à la table d'examen, à l'hôpital. Ce même patient a ensuite reçu une injection médicale d'un moyen de contention chimique, soit d'un calmant administré par le personnel de la salle d'urgence.
Dans ces cas-là, les patients ont cessé de réagir, habituellement quelques minutes après la dernière décharge du pistolet à impulsion électrique. La réanimation a été impossible et à l'autopsie, aucune blessure liée à la maîtrise du sujet ou à une maladie n'a pu être déclarée comme étant la cause manifeste du décès.
Ce qui vous intéresse bien sûr, c'est le rôle qu'a pu jouer le pistolet à impulsion électrique dans ces décès. C'est la question dont vous êtes saisis. Dans le premier cas cité, on pourrait dire que l'échec du taser a causé une escalade rapide de l'intervention policière et le recours à la force létale. Dans les trois autres cas, ce n'est pas aussi évident.
Divers facteurs doivent être pris en considération, mais pour moi, dans ces cas-là, il importe de connaître le temps écoulé entre la dernière décharge du pistolet Taser et le moment où la personne a cessé de réagir. En général, quand le sujet ne réagit plus, c'est que son coeur a cessé de battre, ou qu'il a cessé de respirer, ou les deux. En fin de compte, le taser est un appareil électrique. Pour tuer, il agit de la même façon que tout autre appareil électrique, en causant un arrêt cardiaque.
Dans les décès par électrocution, sur lesquels enquêtent les coroners et les médecins-légistes, toute personne qui reçoit un courant électrique suffisamment fort pour causer un arrêt cardiaque s'effondrera dans les 15 secondes suivantes. Dans certains cas, la personne s'effondre immédiatement, mais elle le fera dans au plus 15 secondes. Dans le cas d'une décharge du taser, si la personne cesse de réagir immédiatement ou dans les 15 secondes qui suivent la décharge, on pourrait penser que le taser a causé le décès. C'est bien sûr beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît, et très difficile à prouver, mais l'argument aurait une certaine valeur. En revanche, si la dernière décharge du pistolet à impulsion électrique remonte à plus de 15 secondes, on peut dire, au mieux, qu'il a peut-être, et j'insiste sur le peut-être, été un facteur contribuant au décès, d'une manière que nous ne pouvons pas comprendre actuellement, bien franchement.
On vous a sans doute informés de la complexité de la plupart des ces décès où interagissent des drogues, des troubles psychiatriques, le délire agité, le ligotage et les immobilisants en écharpe, qui font en sorte qu'il est difficile de trouver la cause du décès, quand plusieurs facteurs peuvent avoir joué un rôle dans ce dernier. Cela devient pratiquement impossible.
Si on met de côté les tasers, pour tous ces décès où diverses méthodes ont été employées pour maîtriser le sujet avant son décès, on décèle une constante. C'est l'état de délire agité. C'est le comportement violent des sujets qui justifie le recours à diverses méthodes de contention par les policiers, les citoyens ou le personnel des institutions psychiatriques. Ces sujets sont une menace pour le matériel, pour eux-mêmes et pour d'autres, et notre réaction, dans chaque cas, c'est d'essayer de les maîtriser afin de pouvoir leur administrer les soins rendus nécessaires par l'urgence médicale qui cause ce comportement. Mais peu importe la méthode employée au fil des ans, qu'il s'agisse du pistolet à impulsion électrique, du poivre de cayenne, de l'asphyxie posturale, du ligotage ou d'immobilisants en écharpe, en quelques minutes, dans certains cas, dans les minutes qui suivent le moment où le sujet est maîtrisé, et peut-être parce qu'il est complètement épuisé, il perd conscience et meurt. Je me suis souvent demandé ce qui arriverait si nous ne faisions rien, si nous les observions simplement, jusqu'à ce qu'ils s'épuisent, jusqu'au moment où on pourrait s'approcher d'eux pour les aider, peut-être.
Nous avons fait enquête cette année sur le décès d'un homme dont le comportement était devenu de plus en plus bizarre aux yeux de sa famille, depuis une ou deux semaines. Le jour de son décès, il s'est mis à crier de manière paranoïaque, à casser des choses, il est entré par effraction chez son voisin, il est monté sur le toit d'une maison, s'est complètement déshabillé et a essayé de sauter sur le toit de la maison voisine. Il a raté son coup mais a amorti sa chute en s'accrochant à une gouttière. Une fois tombé, il était toujours conscient, mais incohérent, se comportant anormalement. Un policier était sur place, seul, et a demandé à des témoins de lui tenir les jambes et un bras, afin qu'il puisse lui passer les menottes. Le sujet n'avait pas les pieds et les poings liés, il n'y a pas eu de pression sur sa poitrine, pas de recours au taser, pas d'immobilisants en écharpe. Dès qu'il a été menotté, le sujet a cessé de respirer. Il a été impossible de le réanimer. À l'autopsie, on n'a constaté aucune lésion causée par le chute, pas de maladie ni rien qui puisse avoir causé son décès. À notre avis, il s'agit d'un cas de délire agité.
Nous avons aussi fait enquête dans des cas rares où un appartement ou une maison verrouillée de l'intérieur avait été complètement saccagé: les miroirs brisés, les meubles cassés, les murs enfoncés et au milieu de tous ces dégâts on a trouvé mort un jeune homme adulte. À l'autopsie, rien de significatif. Il y avait peut-être des antécédents psychiatriques ou une petite quantité de cocaïne dans le sang. Là encore, tout semble indiquer un état de délire agité. Il n'y a pas eu d'intervention policière, aucune contention, certainement pas de taser et pourtant, ces sujets sont morts.
Personnellement, je crois que les personnes atteintes de délire agité peuvent vivre toute une variété de conséquences. Dans votre travail, on vous a parlé de ceux qu'on maîtrise et qui meurent, mais il y en a aussi qu'on maîtrise par toutes les méthodes, y compris le taser et qui survivent. Et comme je viens de vous le dire, d'autres ne sont pas maîtrisés du tout et meurent tout de même.
Le problème, c'est de comprendre combien il y en a dans chaque groupe. Nous ne le savons pas. Il faudrait aussi savoir ce qui les distingue les uns des autres. Pourquoi certains meurent et d'autres survivent?
Je suis inquiet. Comme citoyen canadien, je tiens à ce que les pistolets à impulsion électrique soient utilisés par les personnes appropriées, pour les bonnes raisons. On ne peut toutefois pas attribuer ces décès uniquement au pistolet Taser; c'est trop facile, trop simpliste, et je pense que nous devons faire mieux.
Merci beaucoup, monsieur le président.
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Oui, et je suis désolé que l'écran soit derrière certains membres du comité.
Comme le Dr Dowling, je vous remercie de cette occasion de vous parler. Monsieur le président, rappelons qu'en Ontario, nous avons un réseau de coroners assez semblable à celui de l'Alberta, où ce sont des médecins qui font enquête sur tous les décès. Nous travaillons de près avec les pathologistes judiciaires de notre système. Nous faisons enquête sur près de 20 000 décès par an, pour des cas très semblables à ceux qui feraient l'objet d'enquête en Alberta. Notre système est très semblable.
Mes propos seront assez semblables à ceux du Dr Dowling, mais je vais d'abord vous donner un peu de contexte.
Comme le Dr Dowling l'a déclaré à juste titre, le pistolet Taser, pour tuer, agit électriquement. Il va de soi que c'est le coeur qui est visé. Le coeur est un organe qui a un système de conduction principalement électrique. Je vous ai affiché, pour vous aider à comprendre, un relevé d'électrocardiogramme normal. Vous voyez les ondes QRS.
C'est le point de vulnérabilité. Si une décharge électrique est reçue soit sous forme de battement cardiaque anormal — qui cause un arrêt cardiaque soudain mais naturel — ou d'une source électrique extérieure, à ce moment-là du cycle cardiaque, cela cause le phénomène qui est illustré à l'écran. À gauche, vous voyez des complexes QRS qui semblent assez normaux, comme vous en avez déjà vus à la télévision. Mais ensuite, une pulsion anormale au début du cycle cause une fibrillation ventriculaire, soit un rythme cardiaque qui ne suffit pas à bien faire circuler le sang. Pour le taser, on se demande s'il peut causer cela. C'est peut-être sur cette question que doivent porter les recherches scientifiques relatives à cet appareil.
Comme l'a dit le Dr Dowling, le syndrome de délire agité est pour nous un mystère. C'est une urgence médicale. Je suis d'accord avec le Dr Dowling: Il peut être fatal en soi. Il faut donc un traitement, pour sauver la vie du patient. Malheureusement, pour s'approcher du patient, il faut d'abord le maîtriser, parce qu'il est violent, agité, capable de blesser ceux qui veulent l'aider dans son état de confusion. Nous savons que des méthodes de contention employées de manière appropriée, peuvent être associées à des décès. Il y a donc un dilemme pour le personnel médical ou d'urgence.
Nous savons aussi, comme l'a déclaré le Dr Dowling, que des personnes atteintes de délire agité meurent sans qu'on ait eu recours au taser. Nous savons qu'il y en a même qui meurent sans qu'on ait essayé de les maîtriser. Il est possible, voire probable, que le recours au taser et à des méthodes de contention soient associées à certains décès, sans en être la cause.
Diverses conclusions ont été énoncées.
Tout d'bord, il n'y a pas d'études concluantes, ni de preuves d'un lien causal entre le recours au pistolet à impulsion électrique ou taser, et des décès. Une mise en garde a toutefois été faite au sujet des effets négatifs d'applications successives de taser, ou d'applications continues. D'après certaines études, chez l'humain, le risque de lésion cardiaque attribuée à des dispositifs à impulsion est très faible. Je vais vous donner dans quelques instants des renseignements qui vous aideront à le comprendre.
Le délire agité n'est pas reconnu universellement comme un trouble médical. Il s'agit plutôt d'un terme de médecin judiciaire. On accepte de plus en plus qu'il contribue de manière importante aux décès associés aux pistolets à impulsion. Là-dessus, encore une fois, le Dr Dowling et moi-même sommes du même avis.
En 2005, la Commission des plaintes du public et la Colombie-Britannique a publié son rapport final sur l'innocuité médicale des tasers, en faisant quelques recommandations. La première prévoit que le taser ne soit employé que contre des sujets qui résistent activement à leur arrestation ou qui représentent un risque pour d'autres personnes, et non pas contre ceux qui n'opposent qu'une résistance passive.
Ensuite, les policiers doivent éviter d'administrer des décharges multiples, qu'on a associées à une réduction possible de l'innocuité de l'appareil.
Après une décharge de taser, l'homme ou la femme touché doit être maintenu d'une façon qui lui permette de respirer facilement. Comme le Dr Dowling, je dois dire qu'il s'agissait d'hommes, dans la très grande majorité des cas que j'ai vus. J'essaie de me rappeler s'il y avait une femme, mais je ne vois pas.
Enfin, tout recours au taser doit faire l'objet d'un rapport. La police doit faire rapport de chaque recours au taser. Je ne pense pas que quiconque songe à contester cela.
Le deuxième domaine de recherche dont je voulais vous faire part, si vous n'êtes pas déjà au courant, est celui des études universitaires récentes sur les dispositifs à impulsion électrique, que je vais vous résumer.
En 2007, Ho et al. ont constaté que le Taser n'a pas eu d'effet sur l'activité cardiaque des personnes normales au repos. Mais cela ne nous aide pas beaucoup, car, en pratique, le pistolet à impulsion électrique n'est pas utilisé sur des personnes au repos, mais plutôt sur des personnes agitées, surexcitées et souvent en état d'ébriété.
Toujours en 2007, Levine et al. ont constaté que le Taser a accru le rythme cardiaque et provoqué des changements d'ECG d'une importance non déterminée chez les personnes normales. Cela est assez typique de la recherche médicale réalisée par différents chercheurs : les résultats sont parfois contradictoires. Dans un tel cas, il faut poursuivre la recherche pour résoudre la contradiction.
Lakkireddy a mené une étude très intéressante sur un porc; le porc est un modèle intéressant s'agissant des effets du pistolet à impulsion électrique. Lakkireddy a constaté que la cocaïne, qui, comme vous le verrez — le Dr Dowling et nous, en Ontario, avons constaté la même chose — est présente dans un nombre disproportionné de ces décès. Or, il semble que la cocaïne n'accroît pas le risque de fibrillation ventriculaire chez les porcs atteints par un pistolet à impulsion électrique. Cela me semble contraire à la logique, mais c'est ce qui a été constaté.
McDaniel, lui, a conclu que la probabilité était faible que le Taser déclenche un arrêt cardiaque chez les cochons s'il était utilisé de façon normale.
Mais Walter et al., en 2008, ont constaté que huit fois la dose habituelle de Taser employé en mode transcardiaque — autrement dit, quand les deux électrodes du pistolet sont situées de façon à faire passer le courant par le coeur — provoquent la fibrillation ventriculaire et des perturbations cardiaques à l'occasion.
Des résultats semblables ont été obtenus par Dennis et al. en 2007.
C'est le même groupe. D'ailleurs, c'est assez courant dans la littérature médicale : les auteurs du rapport semblent différents, mais c'est en fait le même groupe de gens. Dans cette étude, deux des six cochons auxquels on avait appliqué le Taser ont eu une fibrillation ventriculaire et, par la suite, en sont morts. Nanthakumar, en 2006, a obtenu des résultats semblables. C'est une étude canadienne et c'est celle que le Dr Dowling et moi connaissons. On y a constaté que la fibrillation ventriculaire pouvait résulter de l'application d'une dose d'une fois à trois fois la dose normale — soit la dose appliquée par kilogramme sur le terrain.
En théorie, du moins, en se fondant sur les études menées sur les porcs, on peut conclure que le Taser provoque la capture du coeur, la capture électrique, et que si elle se produit à un moment de vulnérabilité dans le cycle cardiaque, il peut y avoir fibrillation ventriculaire. La question est maintenant de savoir si cela se produit chez les humains. Personne n'en a jamais été témoin. Dans tous les cas que nous avons vus en Ontario, tout comme en Alberta, il n'est arrivé qu'une personne atteinte d'une décharge de pistolet à impulsion électrique perde conscience dans les 15 secondes suivantes. Ce n'est pas ce que nous avons constaté et je vous dirai dans un moment ce que nous avons vu.
Pourquoi n'existe-t-il pas de recherche définitive? On y a souvent fait allusion, et le fait est qu'il est contraire à l'éthique de placer un être humain en état de délire agité et de lui administrer ensuite une décharge de Taser. Comme cela ne peut se faire, nous ne pouvons déterminer de façon définitive les effets du pistolet à impulsion électrique sur les humains. De plus, les études sur les animaux sont restreintes en raison de questions éthiques, en raison de la souffrance que cela peut leur causer. De plus, nous ignorons si la physiologie du porc est identique à celle de l'humain, ce qui pose aussi un problème. Par conséquent, les conclusions qu'on tire des études menées sur des animaux ne nous donnent jamais des preuves aussi concluantes que nous le souhaiterions.
Par ailleurs, l'essai placebo aléatoire contrôlé en double aveugle — l'étalon or de la recherche médicale — n'est pas possible avec le Taser et on ne peut donc obtenir les preuves que ce genre d'essai donnerait. Malheureusement, vous ne pourrez compter là-dessus dans votre étude.
Quand le Taser est-il utilisé convenablement? J'abonde dans le même sens que le Dr Dowling pour dire que le véritable défi que pose le pistolet à impulsion électrique, c'est de s'assurer qu'il est employé sur les bons sujets au bon moment. Encore une fois, il s'agit de mon opinion et non pas de celle du Bureau du coroner en chef de l'Ontario, mais le Taser devrait être l'avant-dernier choix avant le recours à la force létale.
Les états qui ont été évoqués sont souvent associés à ce qu'on appelle les toxidromes, particulièrement les psychoses aiguës et provoquées par la cocaïne, et le délire agité dont vous avez entendu parler. C'est un état mental et physiologique qui présente un risque parce que le sujet a un rythme métabolique très élevé— comme s'il faisait de l'exercice de façon extrêmement vigoureuse. Dans bien des cas, ces personnes ne sont pas des athlètes entraînés et ne peuvent soutenir ce rythme en toute sûreté. Elles sont surexcitées — on a déjà évoqué leur température élevée, présentent une demande élevée d'oxygène, surtout au niveau du coeur, l'un des organes le plus exigeant en oxygène. Elles présentent une acidose parce que l'exercice vigoureux accroît la production d'acide lactique qui, en soi, augmente le risque d'arythmie.
S'ajoute à cela les effets de la cocaïne. Selon moi — j'ignore ce que le Dr Dowling en dirait — même la plus petite quantité de cocaïne dans l'organisme est dangereuse. Les toxicologues parlent peut-être de niveaux de cocaïne se trouvant dans l'organisme quand on en fait un usage récréatif mais à mon avis, chez une personne vulnérable, la cocaïne présente toujours un risque et le décès n'est pas rare chez ces personnes lorsqu'on tente de les maîtriser.
La question est donc de savoir si c'est le Taser qui provoque le décès. D'après notre expérience — et vous m'excuserez, mais j'ai actualisé les données par rapport à celles que vous avez, mon préavis a été très court — en Ontario, depuis 2004, sept décès ont été associés à l'utilisation du Taser. Dans quatre de ces cas, il y avait toxicité de cocaïne. Dans deux cas, comme dans celui qu'on vous a décrit et qui s'est produit en Alberta, où le Taser a été utilisé mais n'a pas fonctionné, les sujets ont été tués par balles par des agents d'application de la loi. Dans un des cas, le sujet était dans un état psychotique.
Nous n'avons été témoins d'aucun cas, toutefois, où le sujet ayant été atteint par un pistolet à impulsion a perdu conscience dans les 15 secondes suivantes, ce qui ce serait produit si l'impulsion électrique avait provoqué une dysrythmie cardiaque.
Il y a eu plusieurs enquêtes du coroner qui ont donné lieu à des recommandations sur l'utilisation du Taser. En 2005, le jury du coroner dans l'enquête Lamonday a présenté 17 recommandations. Lamonday était un homme de 33 ans qui était dans un état de délire agité quand il a été maîtrisé en utilisant un pistolet à impulsion; il est mort par la suite. Le jury a conclu qu'il était mort non pas des suites de l'utilisation du Taser, mais du délire agité causé par la cocaïne. Il a formulé diverses recommandations, notamment que le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels s'assure que tous les agents de police de première ligne de l'Ontario soient autorisés à porter un Taser, ce qui prouve que le jury était convaincu de l'utilité du pistolet à impulsion électrique.
Dans une autre enquête sur un décès causé par le délire agité où le Taser n'a pas été utilisé, le jury a aussi recommandé l'adoption du Taser pour la police en première ligne en Ontario.
En conclusion, nous ignorons encore si le Taser peut provoquer la mort. Je crois pouvoir dire qu'il est très probable et possible que le pistolet à impulsion électrique ne soit pas associé à ces décès. Toutefois, on ne peut prétendre que le Taser ne présente aucun risque. C'est un dispositif qui transmet un choc électrique au coeur, un appareil qui transmet suffisamment d'énergie à une personne vulnérable pour causer sa mort. Nous n'avons pas encore suffisamment de données pour savoir si nous pouvons exclure cette possibilité.