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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 026 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 28 avril 2008

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    La séance est ouverte. Il s'agit de la 26e séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale. Nous poursuivons notre étude du taser.
    Nous accueillons aujourd'hui deux témoins: du gouvernement de l'Alberta, M. Graeme Dowling, médecin-légiste en chef et du gouvernement de l'Ontario, M. Andrew McCallum, coroner superviseur régional pour le secteur de l'est de l'Ontario.
    Je sais que ce n'était pas chose facile pour vous, messieurs, d'être des nôtres aujourd'hui. Nous apprécions les efforts que vous avez déployés pour contribuer à notre étude sur les pistolets à impulsion électrique ou tasers. Au nom du comité, je vous en remercie.
    Habituellement, le comité vous donne du temps pour un exposé liminaire, d'environ une dizaine de minutes. Nous commençons ensuite notre discussion par une ronde de questions et réponses, le Parti libéral étant le premier à intervenir. La première ronde est de sept minutes et les rondes suivantes, de cinq minutes, une fois que chaque parti a eu l'occasion de formuler des commentaires et des questions.
    Nous avons hâte de vous entendre.
    Monsieur Dowling, voulez-vous commencer? Nous passerons ensuite à la présentation PowerPoint.
    Vous avez la parole.
    Mesdames et messieurs, je vous remercie beaucoup pour cette occasion de vous parler de nos enquêtes sur les décès associés aux pistolets à impulsion électrique, que j'appelle tasers, menées par le Bureau du médecin-légiste en chef de l'Alberta. Je tiens à remercier le gouvernement de l'Alberta de m'avoir permis de venir vous parler, mais je précise que je m'exprimerai ici en mon nom personnel.
    Je me présente, je m'appelle Graeme Dowling. Je suis pathologiste judiciaire de formation. Je travaille depuis environ 22 ans pour le bureau du médecin-légiste de l'Alberta, et je suis le médecin-légiste en chef de la province depuis un peu moins de 15 ans. A ce titre, j'effectue des enquêtes, y compris des autopsies, -- j'en fais en réalité-- sur des décès inexpliqués, dont la cause peut être naturelle ou associée à des lésions corporelles ou à l'usage de drogues ou de médicaments.
    Toute enquête sur un décès a pour but d'établir, entre autres choses, la cause du décès ainsi que la façon dont il s'est produit, et d'établir des statistiques selon qu'il s'agisse de décès naturels, d'homicides, de suicides de décès accidentels, etc.
     Chaque année, notre bureau fait 3 500 enquêtes sur des décès. Tout décès qui se produit lorsque le sujet est sous la garde de la police ou lorsqu'il y a eu recours à la force par la police fait automatiquement l'objet d'une enquête, y compris tous les décès associés à l'emploi du pistolet à impulsion électrique. Ces décès font aussi l'objet d'une enquête publique médico-légale, assez semblable à l' enquête d'un coroner.
    Depuis 2001, en Alberta, quatre décès ont été associés à l'emploi du pistolet à impulsion électrique. Dans le premier cas, les policiers sont entrés chez un homme ivre pour l'arrêter. Le taser a été employé immédiatement quand les policiers l'ont vu parce que des témoins avaient déclaré que le suspect était armé d'un couteau. L'une des sondes du taser ne s'est pas fixée adéquatement, et le pistolet n'a donc pas bien fonctionné. Le suspect a, par la suite, agressé les policiers qui lui ont tiré dessus quatre fois. Son alcoolémie était très élevée. Rien ne laisse supposer qu'il était dans un état de délire agité.
    Dans les trois autres cas, nous avons conclu que la cause du décès était le délire agité, bien que pour l'un d'eux, un taux de cocaïne très élevé aurait pu, en soi, causer la mort.
    Je sais que les membres du comité ont déjà beaucoup entendu parler du délire agité, et je dirai simplement qu'il s'agit d'un état d'agitation extrême associé à un comportement étrange et violent, à une force censément surhumaine, à une température corporelle très élevée, causée dans la plupart des cas par la consommation de drogues illégales ou par une maladie psychiatrique. Sa première description se rapportait à des patients psychiatrisés du milieu du XIXe siècle, mais on a recommencé à s'y intéresser au cours des dernières décennies.
    Revenons aux cas albertains. C'est le comportement violent des sujets qui a amené la police à intervenir. Diverses méthodes ont été employées pour maîtriser les sujets, y compris ce qu'on peut décrire comme « l'asphysie posturale », lorsque plusieurs policiers essaient de maintenir les bras du sujet, et même de se placer sur sa poitrine. Et les entraves aux pieds ou aux pieds et aux mains,qui n 'est pas tout à fait du ligotage; et bien sûr, dans les trois cas, l'utilisation du pistolet Taser.
    Dans deux des cas, il y a eu trois décharges de cinq secondes, et dans le troisième cas, trois décharges de cinq secondes sur place, suivies de cinq décharges de cinq secondes à l'hôpital, lorsque les policiers et le personnel de la salle d'urgence ont essayé de transférer le patient de la civière à la table d'examen, à l'hôpital. Ce même patient a ensuite reçu une injection médicale d'un moyen de contention chimique, soit d'un calmant administré par le personnel de la salle d'urgence.
    Dans ces cas-là, les patients ont cessé de réagir, habituellement quelques minutes après la dernière décharge du pistolet à impulsion électrique. La réanimation a été impossible et à l'autopsie, aucune blessure liée à la maîtrise du sujet ou à une maladie n'a pu être déclarée comme étant la cause manifeste du décès.
(1535)
    Ce qui vous intéresse bien sûr, c'est le rôle qu'a pu jouer le pistolet à impulsion électrique dans ces décès. C'est la question dont vous êtes saisis. Dans le premier cas cité, on pourrait dire que l'échec du taser a causé une escalade rapide de l'intervention policière et le recours à la force létale. Dans les trois autres cas, ce n'est pas aussi évident.
    Divers facteurs doivent être pris en considération, mais pour moi, dans ces cas-là, il importe de connaître le temps écoulé entre la dernière décharge du pistolet Taser et le moment où la personne a cessé de réagir. En général, quand le sujet ne réagit plus, c'est que son coeur a cessé de battre, ou qu'il a cessé de respirer, ou les deux. En fin de compte, le taser est un appareil électrique. Pour tuer, il agit de la même façon que tout autre appareil électrique, en causant un arrêt cardiaque.
    Dans les décès par électrocution, sur lesquels enquêtent les coroners et les médecins-légistes, toute personne qui reçoit un courant électrique suffisamment fort pour causer un arrêt cardiaque s'effondrera dans les 15 secondes suivantes. Dans certains cas, la personne s'effondre immédiatement, mais elle le fera dans au plus 15 secondes. Dans le cas d'une décharge du taser, si la personne cesse de réagir immédiatement ou dans les 15 secondes qui suivent la décharge, on pourrait penser que le taser a causé le décès. C'est bien sûr beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît, et très difficile à prouver, mais l'argument aurait une certaine valeur. En revanche, si la dernière décharge du pistolet à impulsion électrique remonte à plus de 15 secondes, on peut dire, au mieux, qu'il a peut-être, et j'insiste sur le peut-être, été un facteur contribuant au décès, d'une manière que nous ne pouvons pas comprendre actuellement, bien franchement.
    On vous a sans doute informés de la complexité de la plupart des ces décès où interagissent des drogues, des troubles psychiatriques, le délire agité, le ligotage et les immobilisants en écharpe, qui font en sorte qu'il est difficile de trouver la cause du décès, quand plusieurs facteurs peuvent avoir joué un rôle dans ce dernier. Cela devient pratiquement impossible.
    Si on met de côté les tasers, pour tous ces décès où diverses méthodes ont été employées pour maîtriser le sujet avant son décès, on décèle une constante. C'est l'état de délire agité. C'est le comportement violent des sujets qui justifie le recours à diverses méthodes de contention par les policiers, les citoyens ou le personnel des institutions psychiatriques. Ces sujets sont une menace pour le matériel, pour eux-mêmes et pour d'autres, et notre réaction, dans chaque cas, c'est d'essayer de les maîtriser afin de pouvoir leur administrer les soins rendus nécessaires par l'urgence médicale qui cause ce comportement. Mais peu importe la méthode employée au fil des ans, qu'il s'agisse du pistolet à impulsion électrique, du poivre de cayenne, de l'asphyxie posturale, du ligotage ou d'immobilisants en écharpe, en quelques minutes, dans certains cas, dans les minutes qui suivent le moment où le sujet est maîtrisé, et peut-être parce qu'il est complètement épuisé, il perd conscience et meurt. Je me suis souvent demandé ce qui arriverait si nous ne faisions rien, si nous les observions simplement, jusqu'à ce qu'ils s'épuisent, jusqu'au moment où on pourrait s'approcher d'eux pour les aider, peut-être.
(1540)
    Nous avons fait enquête cette année sur le décès d'un homme dont le comportement était devenu de plus en plus bizarre aux yeux de sa famille, depuis une ou deux semaines. Le jour de son décès, il s'est mis à crier de manière paranoïaque, à casser des choses, il est entré par effraction chez son voisin, il est monté sur le toit d'une maison, s'est complètement déshabillé et a essayé de sauter sur le toit de la maison voisine. Il a raté son coup mais a amorti sa chute en s'accrochant à une gouttière. Une fois tombé, il était toujours conscient, mais incohérent, se comportant anormalement. Un policier était sur place, seul, et a demandé à des témoins de lui tenir les jambes et un bras, afin qu'il puisse lui passer les menottes. Le sujet n'avait pas les pieds et les poings liés, il n'y a pas eu de pression sur sa poitrine, pas de recours au taser, pas d'immobilisants en écharpe. Dès qu'il a été menotté, le sujet a cessé de respirer. Il a été impossible de le réanimer. À l'autopsie, on n'a constaté aucune lésion causée par le chute, pas de maladie ni rien qui puisse avoir causé son décès. À notre avis, il s'agit d'un cas de délire agité.
    Nous avons aussi fait enquête dans des cas rares où un appartement ou une maison verrouillée de l'intérieur avait été complètement saccagé: les miroirs brisés, les meubles cassés, les murs enfoncés et au milieu de tous ces dégâts on a trouvé mort un jeune homme adulte. À l'autopsie, rien de significatif. Il y avait peut-être des antécédents psychiatriques ou une petite quantité de cocaïne dans le sang. Là encore, tout semble indiquer un état de délire agité. Il n'y a pas eu d'intervention policière, aucune contention, certainement pas de taser et pourtant, ces sujets sont morts.
    Personnellement, je crois que les personnes atteintes de délire agité peuvent vivre toute une variété de conséquences. Dans votre travail, on vous a parlé de ceux qu'on maîtrise et qui meurent, mais il y en a aussi qu'on maîtrise par toutes les méthodes, y compris le taser et qui survivent. Et comme je viens de vous le dire, d'autres ne sont pas maîtrisés du tout et meurent tout de même.
    Le problème, c'est de comprendre combien il y en a dans chaque groupe. Nous ne le savons pas. Il faudrait aussi savoir ce qui les distingue les uns des autres. Pourquoi certains meurent et d'autres survivent?
    Je suis inquiet. Comme citoyen canadien, je tiens à ce que les pistolets à impulsion électrique soient utilisés par les personnes appropriées, pour les bonnes raisons. On ne peut toutefois pas attribuer ces décès uniquement au pistolet Taser; c'est trop facile, trop simpliste, et je pense que nous devons faire mieux.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
(1545)
    Merci beaucoup, monsieur Dowling. Nous l'apprécions.
    Monsieur McCallum, êtes-vous prêts à commencer votre exposé?
    Comme le Dr Dowling, je vous remercie de cette occasion de vous parler. Monsieur le président, rappelons qu'en Ontario, nous avons un réseau de coroners assez semblable à celui de l'Alberta, où ce sont des médecins qui font enquête sur tous les décès. Nous travaillons de près avec les pathologistes judiciaires de notre système. Nous faisons enquête sur près de 20 000 décès par an, pour des cas très semblables à ceux qui feraient l'objet d'enquête en Alberta. Notre système est très semblable.
    Mes propos seront assez semblables à ceux du Dr Dowling, mais je vais d'abord vous donner un peu de contexte.
    Comme le Dr Dowling l'a déclaré à juste titre, le pistolet Taser, pour tuer, agit électriquement. Il va de soi que c'est le coeur qui est visé. Le coeur est un organe qui a un système de conduction principalement électrique. Je vous ai affiché, pour vous aider à comprendre, un relevé d'électrocardiogramme normal. Vous voyez les ondes QRS.
    C'est le point de vulnérabilité. Si une décharge électrique est reçue soit sous forme de battement cardiaque anormal — qui cause un arrêt cardiaque soudain mais naturel — ou d'une source électrique extérieure, à ce moment-là du cycle cardiaque, cela cause le phénomène qui est illustré à l'écran. À gauche, vous voyez des complexes QRS qui semblent assez normaux, comme vous en avez déjà vus à la télévision. Mais ensuite, une pulsion anormale au début du cycle cause une fibrillation ventriculaire, soit un rythme cardiaque qui ne suffit pas à bien faire circuler le sang. Pour le taser, on se demande s'il peut causer cela. C'est peut-être sur cette question que doivent porter les recherches scientifiques relatives à cet appareil.
    Comme l'a dit le Dr Dowling, le syndrome de délire agité est pour nous un mystère. C'est une urgence médicale. Je suis d'accord avec le Dr Dowling: Il peut être fatal en soi. Il faut donc un traitement, pour sauver la vie du patient. Malheureusement, pour s'approcher du patient, il faut d'abord le maîtriser, parce qu'il est violent, agité, capable de blesser ceux qui veulent l'aider dans son état de confusion. Nous savons que des méthodes de contention employées de manière appropriée, peuvent être associées à des décès. Il y a donc un dilemme pour le personnel médical ou d'urgence.
    Nous savons aussi, comme l'a déclaré le Dr Dowling, que des personnes atteintes de délire agité meurent sans qu'on ait eu recours au taser. Nous savons qu'il y en a même qui meurent sans qu'on ait essayé de les maîtriser. Il est possible, voire probable, que le recours au taser et à des méthodes de contention soient associées à certains décès, sans en être la cause.
    Diverses conclusions ont été énoncées.
    Tout d'bord, il n'y a pas d'études concluantes, ni de preuves d'un lien causal entre le recours au pistolet à impulsion électrique ou taser, et des décès. Une mise en garde a toutefois été faite au sujet des effets négatifs d'applications successives de taser, ou d'applications continues. D'après certaines études, chez l'humain, le risque de lésion cardiaque attribuée à des dispositifs à impulsion est très faible. Je vais vous donner dans quelques instants des renseignements qui vous aideront à le comprendre.
    Le délire agité n'est pas reconnu universellement comme un trouble médical. Il s'agit plutôt d'un terme de médecin judiciaire. On accepte de plus en plus qu'il contribue de manière importante aux décès associés aux pistolets à impulsion. Là-dessus, encore une fois, le Dr Dowling et moi-même sommes du même avis.
    En 2005, la Commission des plaintes du public et la Colombie-Britannique a publié son rapport final sur l'innocuité médicale des tasers, en faisant quelques recommandations. La première prévoit que le taser ne soit employé que contre des sujets qui résistent activement à leur arrestation ou qui représentent un risque pour d'autres personnes, et non pas contre ceux qui n'opposent qu'une résistance passive.
    Ensuite, les policiers doivent éviter d'administrer des décharges multiples, qu'on a associées à une réduction possible de l'innocuité de l'appareil.
    Après une décharge de taser, l'homme ou la femme touché doit être maintenu d'une façon qui lui permette de respirer facilement. Comme le Dr Dowling, je dois dire qu'il s'agissait d'hommes, dans la très grande majorité des cas que j'ai vus. J'essaie de me rappeler s'il y avait une femme, mais je ne vois pas.
    Enfin, tout recours au taser doit faire l'objet d'un rapport. La police doit faire rapport de chaque recours au taser. Je ne pense pas que quiconque songe à contester cela.
    Le deuxième domaine de recherche dont je voulais vous faire part, si vous n'êtes pas déjà au courant, est celui des études universitaires récentes sur les dispositifs à impulsion électrique, que je vais vous résumer.
(1550)
    En 2007, Ho et al. ont constaté que le Taser n'a pas eu d'effet sur l'activité cardiaque des personnes normales au repos. Mais cela ne nous aide pas beaucoup, car, en pratique, le pistolet à impulsion électrique n'est pas utilisé sur des personnes au repos, mais plutôt sur des personnes agitées, surexcitées et souvent en état d'ébriété.
    Toujours en 2007, Levine et al. ont constaté que le Taser a accru le rythme cardiaque et provoqué des changements d'ECG d'une importance non déterminée chez les personnes normales. Cela est assez typique de la recherche médicale réalisée par différents chercheurs : les résultats sont parfois contradictoires. Dans un tel cas, il faut poursuivre la recherche pour résoudre la contradiction.
    Lakkireddy a mené une étude très intéressante sur un porc; le porc est un modèle intéressant s'agissant des effets du pistolet à impulsion électrique. Lakkireddy a constaté que la cocaïne, qui, comme vous le verrez — le Dr Dowling et nous, en Ontario, avons constaté la même chose — est présente dans un nombre disproportionné de ces décès. Or, il semble que la cocaïne n'accroît pas le risque de fibrillation ventriculaire chez les porcs atteints par un pistolet à impulsion électrique. Cela me semble contraire à la logique, mais c'est ce qui a été constaté.
    McDaniel, lui, a conclu que la probabilité était faible que le Taser déclenche un arrêt cardiaque chez les cochons s'il était utilisé de façon normale.
    Mais Walter et al., en 2008, ont constaté que huit fois la dose habituelle de Taser employé en mode transcardiaque — autrement dit, quand les deux électrodes du pistolet sont situées de façon à faire passer le courant par le coeur — provoquent la fibrillation ventriculaire et des perturbations cardiaques à l'occasion.
    Des résultats semblables ont été obtenus par Dennis et al. en 2007.
    C'est le même groupe. D'ailleurs, c'est assez courant dans la littérature médicale : les auteurs du rapport semblent différents, mais c'est en fait le même groupe de gens. Dans cette étude, deux des six cochons auxquels on avait appliqué le Taser ont eu une fibrillation ventriculaire et, par la suite, en sont morts. Nanthakumar, en 2006, a obtenu des résultats semblables. C'est une étude canadienne et c'est celle que le Dr Dowling et moi connaissons. On y a constaté que la fibrillation ventriculaire pouvait résulter de l'application d'une dose d'une fois à trois fois la dose normale — soit la dose appliquée par kilogramme sur le terrain.
    En théorie, du moins, en se fondant sur les études menées sur les porcs, on peut conclure que le Taser provoque la capture du coeur, la capture électrique, et que si elle se produit à un moment de vulnérabilité dans le cycle cardiaque, il peut y avoir fibrillation ventriculaire. La question est maintenant de savoir si cela se produit chez les humains. Personne n'en a jamais été témoin. Dans tous les cas que nous avons vus en Ontario, tout comme en Alberta, il n'est arrivé qu'une personne atteinte d'une décharge de pistolet à impulsion électrique perde conscience dans les 15 secondes suivantes. Ce n'est pas ce que nous avons constaté et je vous dirai dans un moment ce que nous avons vu.
    Pourquoi n'existe-t-il pas de recherche définitive? On y a souvent fait allusion, et le fait est qu'il est contraire à l'éthique de placer un être humain en état de délire agité et de lui administrer ensuite une décharge de Taser. Comme cela ne peut se faire, nous ne pouvons déterminer de façon définitive les effets du pistolet à impulsion électrique sur les humains. De plus, les études sur les animaux sont restreintes en raison de questions éthiques, en raison de la souffrance que cela peut leur causer. De plus, nous ignorons si la physiologie du porc est identique à celle de l'humain, ce qui pose aussi un problème. Par conséquent, les conclusions qu'on tire des études menées sur des animaux ne nous donnent jamais des preuves aussi concluantes que nous le souhaiterions.
    Par ailleurs, l'essai placebo aléatoire contrôlé en double aveugle — l'étalon or de la recherche médicale — n'est pas possible avec le Taser et on ne peut donc obtenir les preuves que ce genre d'essai donnerait. Malheureusement, vous ne pourrez compter là-dessus dans votre étude.
    Quand le Taser est-il utilisé convenablement? J'abonde dans le même sens que le Dr Dowling pour dire que le véritable défi que pose le pistolet à impulsion électrique, c'est de s'assurer qu'il est employé sur les bons sujets au bon moment. Encore une fois, il s'agit de mon opinion et non pas de celle du Bureau du coroner en chef de l'Ontario, mais le Taser devrait être l'avant-dernier choix avant le recours à la force létale.
    Les états qui ont été évoqués sont souvent associés à ce qu'on appelle les toxidromes, particulièrement les psychoses aiguës et provoquées par la cocaïne, et le délire agité dont vous avez entendu parler. C'est un état mental et physiologique qui présente un risque parce que le sujet a un rythme métabolique très élevé— comme s'il faisait de l'exercice de façon extrêmement vigoureuse. Dans bien des cas, ces personnes ne sont pas des athlètes entraînés et ne peuvent soutenir ce rythme en toute sûreté. Elles sont surexcitées — on a déjà évoqué leur température élevée, présentent une demande élevée d'oxygène, surtout au niveau du coeur, l'un des organes le plus exigeant en oxygène. Elles présentent une acidose parce que l'exercice vigoureux accroît la production d'acide lactique qui, en soi, augmente le risque d'arythmie.  
(1555)
    S'ajoute à cela les effets de la cocaïne. Selon moi — j'ignore ce que le Dr Dowling en dirait — même la plus petite quantité de cocaïne dans l'organisme est dangereuse. Les toxicologues parlent peut-être de niveaux de cocaïne se trouvant dans l'organisme quand on en fait un usage récréatif mais à mon avis, chez une personne vulnérable, la cocaïne présente toujours un risque et le décès n'est pas rare chez ces personnes lorsqu'on tente de les maîtriser.
    La question est donc de savoir si c'est le Taser qui provoque le décès. D'après notre expérience — et vous m'excuserez, mais j'ai actualisé les données par rapport à celles que vous avez, mon préavis a été très court — en Ontario, depuis 2004, sept décès ont été associés à l'utilisation du Taser. Dans quatre de ces cas, il y avait toxicité de cocaïne. Dans deux cas, comme dans celui qu'on vous a décrit et qui s'est produit en Alberta, où le Taser a été utilisé mais n'a pas fonctionné, les sujets ont été tués par balles par des agents d'application de la loi. Dans un des cas, le sujet était dans un état psychotique.
    Nous n'avons été témoins d'aucun cas, toutefois, où le sujet ayant été atteint par un pistolet à impulsion a perdu conscience dans les 15 secondes suivantes, ce qui ce serait produit si l'impulsion électrique avait provoqué une dysrythmie cardiaque.
    Il y a eu plusieurs enquêtes du coroner qui ont donné lieu à des recommandations sur l'utilisation du Taser. En 2005, le jury du coroner dans l'enquête Lamonday a présenté 17 recommandations. Lamonday était un homme de 33 ans qui était dans un état de délire agité quand il a été maîtrisé en utilisant un pistolet à impulsion; il est mort par la suite. Le jury a conclu qu'il était mort non pas des suites de l'utilisation du Taser, mais du délire agité causé par la cocaïne. Il a formulé diverses recommandations, notamment que le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels s'assure que tous les agents de police de première ligne de l'Ontario soient autorisés à porter un Taser, ce qui prouve que le jury était convaincu de l'utilité du pistolet à impulsion électrique.
    Dans une autre enquête sur un décès causé par le délire agité où le Taser n'a pas été utilisé, le jury a aussi recommandé l'adoption du Taser pour la police en première ligne en Ontario.
    En conclusion, nous ignorons encore si le Taser peut provoquer la mort. Je crois pouvoir dire qu'il est très probable et possible que le pistolet à impulsion électrique ne soit pas associé à ces décès. Toutefois, on ne peut prétendre que le Taser ne présente aucun risque. C'est un dispositif qui transmet un choc électrique au coeur, un appareil qui transmet suffisamment d'énergie à une personne vulnérable pour causer sa mort. Nous n'avons pas encore suffisamment de données pour savoir si nous pouvons exclure cette possibilité.
    Merci beaucoup, monsieur. Nous vous remercions des informations que vous nous avez données tous les deux.
    Madame Barnes.
    Merci beaucoup, monsieur, d'être venu malgré ce court préavis, pour nous aider dans nos délibérations.
    Vous nous avez présenté des exposés dans lesquels vous avez évoqué l'étude menée en 2005 par le Centre canadien de recherche policière. Quand les représentants de ce centre ont comparu devant notre comité, j'ai cru comprendre que cette étude était en fait un examen de la littérature. Il ne s'agissait pas d'une étude indépendante, mais un simple examen des données déjà disponibles. Est-ce exact?
    J'ignore quelle méthodologie a été employée et je ne peux donc répondre à votre question.
    Mais vous citez cette étude.
    En effet.
    Moi, je vous dis quelle sorte d'étude c'était.
    Merci. J'en prends note.
    Bon.
    Vous avez aussi dit que le Taser devrait être le dispositif d'avant-dernier recours. Saviez-vous que la GRC le considère comme un dispositif d'usage intermédiaire?
    Je ne suis pas expert du recours progressif à la force et de l'utilisation du pistolet à impulsion électrique dans ce contexte; je ne suis donc pas en mesure de répondre à votre question.
    Bon, sachez-le. Cela nous préoccupe.
    Vous avez tous les deux également déclaré que la décharge répétée du Taser est source d'inquiétude. J'aimerais que vous nous en disiez plus long parce que cela aussi est permis à l'heure actuelle et parce que nous savons aussi que la technologie évolue et que l'utilisation du Taser sera probablement de plus en plus courante.
    Pourriez-vous me dire pourquoi vous jugez préoccupante la décharge répétée du pistolet à impulsion électrique, même si cela est permis?
    Qu'il s'agisse d'immobilisants en écharpe, que je ne préconise pas non plus, ou de toute autre méthode de contention, il arrive un moment où on doit prendre un peu de recul pour constater que ça ne marche pas.
    Je dois vous signaler que je ne suis pas un expert en électricité; je ne connais rien aux watts et à ce genre de choses mais je sais que la décharge répétée du Taser n'est pas efficace.
    Si elle ne vous permet pas de maîtriser le sujet, il me semble qu'on doit l'abandonner. Peut-on alors employer une autre méthode?
    Malheureusement, on l'a déjà dit, le Taser devrait être l'avant-dernier recours et, s'il ne marche pas, on applique un seul recours.
    J'en sais peu sur l'usage multiple du Taser. Dans les rapports d'étude, j'ai toutefois vu la description d'un cas qui m'a déplu. Un homme avait été atteint de six à huit fléchettes provenant de dispositifs différents. Mon avis personnel et non pas de pathologiste médico-légal, c'est que ça me semble excessif, même si je n'en connais pas les effets. Heureusement, cela s'est produit aux États-Unis.
    Il y a deux ans, à une conférence de la l'American Academy of Forensic Sciences à Seattle, on a présenté un cas qui a soulevé des questions dans mon esprit quant à la possibilité que le Taser ait pu causer la mort. Dans ce cas-là, on a déchargé le pistolet à impulsion électrique de façon continue pendant plus de trois minutes. Il suffit d'un peu de bon sens pour savoir que cela influera sur la capacité de respirer. Sans même penser au coeur qui subit une contraction musculaire quand la décharge est de cinq secondes, on peut imaginer l'effet qu'une décharge de trois minutes peut avoir sur la respiration. Cela, c'est un usage inacceptable et j'en ai été choqué. Encore une fois, c'est un cas qui s'est produit aux États-Unis.
(1600)
    Dr McCallum, voulez-vous ajouter quelque chose?
    La seule chose que je peux ajouter à ce que le Dr Dowling a dit au sujet des expériences sur les porcs, c'est que les décharges de 40 secondes provoquaient un taux de défibrillation ventriculaire plus élevé chez les porcs. La seule conclusion que j'en tire c'est qu'une décharge prolongée va accroître le risque pendant cette période vulnérable du cycle cardiaque, ce qui entraînerait peut-être une possibilité accrue d'un rythme cardiaque anormal que pendant les décharges de plus courte durée. Je pense que c'est là la préoccupation physiologique principale.
    Merci.
    Quelqu'un d'autre veut-il intervenir sur la même question?
    Madame Brown.
    Merci, messieurs.
    La période de risque élevé dans le cycle cardiaque revient à quel rythme par secondes?
    Cela dépend du rythme cardiaque, mais on peut dire que les gens dans cet état auraient un rythme cardiaque entre 120 et 150, parce qu'ils sont agités et parce qu'ils ont énormément d'adrénaline dans le corps. Donc la période vulnérable reviendrait à toutes les demi-secondes au moins.
    Donc même dans le cas d'une décharge de cinq secondes...
    On pourrait raisonnablement conclure que c'est possible, mais on n'a pas vu un tel cas dans notre province ni en Alberta, apparemment.
    Il est donc très probable que le taser soit déchargé pendant au moins une de ces périodes à risque élevé, quand la personne va forcément être agitée — même s'il n'y a pas de délire agité — simplement parce que les policiers la poursuivent dans la rue.
    Oui, mais il faut quand même émettre une réserve. Permettez-moi de vous donner quelques explications.
    Dans la plupart des cas, l'énergie qui arrive au coeur est inférieure à la quantité requise, selon les constatations, pour provoquer la fibrillation ventriculaire. Cependant, si les fléchettes se trouvent dans un endroit où le courant traverse le coeur, la quantité d'énergie serait plus élevée.
    Il est très important de bien le comprendre. Dans les conclusions expérimentales, on a constaté que la quantité d'énergie qui se rend au coeur n'est pas suffisante pour provoquer la fibrillation ventriculaire. Mais je dois vous dire qu'on n'a pas encore la réponse définitive sur ce point là.
    Je pense que tout le monde s'attendait à ce que ce choc électrique ressemble un peu à une électrocution. Vous dites que dans le cas d'une électrocution, la personne est sans réaction pendant 15 secondes. Mais cela n'est-il pas attribuable au fait que l'électrocution se poursuive? Autrement dit, si vous mettez le doigt dans une prise... Vous savez ce que je veux dire? Mais 15 secondes sont 15 secondes d'un choc électrique continu, n'est-ce pas?
(1605)
    Non. Si vous mettez votre doigt dans la prise, ce qui arrive — et la plupart des gens ne le savent pas — c'est que la personne va dire, « ça fait mal », va bouger un peu et après 10 ou 15 secondes va s'effondrer. C'est parce que le fait de mettre le doigt dans la prise provoque ce drôle de rythme cardiaque qu'on appelle la fibrillation ventriculaire. Mais, croyez-le ou non, le cerveau peut fonctionner parfaitement pendant 10 à 15 secondes sans que le coeur ne batte. Donc si le coeur s'arrête pour quelque raison que ce soit, la personne ne perd pas connaissance pendant 10 ou 15 secondes; ensuite le cerveau est atteint.
    Voilà pourquoi il y a ce retard de 15 secondes.
    Merci, monsieur le président, pour le moment en tout cas.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer au Bloc Québécois et M. Ménard.

[Français]

    Vous nous avez dit que toute électrocution provoquait l'arrêt du coeur en moins de 15 secondes. Par conséquent, on ne peut pas attribuer la mort à l'électrocution après 15 secondes.

[Traduction]

    C'est exact.

[Français]

    Dans les cas où l'électrocution n'entraîne pas la mort à l'intérieur d'un délai de 15 secondes, y a-t-il quand même des effets qui perdurent au cours des minutes qui suivent?

[Traduction]

    Je ne suis pas certain de bien comprendre votre question. Y a-t-il d'autres effets, autres que des effets cardiaques, qui pourraient apparaître après l'application de la décharge électrique? Est-ce votre question? Si c'est le cas, la réponse est oui.

[Français]

    Je vais vous poser le problème autrement. Dans la vie de tous les jours, il est très rare qu'une personne s'étant électrocutée mais n'en étant pas morte continue après son électrocution à être impliquée dans une situation très énervante, par exemple qu'elle continue à résister à des policiers ou à participer à une bataille.
    Une personne qui s'électrocute par accident se retire, et personne ne lui saute dessus par la suite. Vous comprenez? Est-il possible que la personne soit plus vulnérable après l'électrocution qu'avant l'électrocution pour ce qui est de résister aux personnes qui l'attaquent ou qui cherchent à la contenir?

[Traduction]

    Je pense pour ma part que nous n'en savons rien. La réponse la plus honnête ici, c'est que nous n'en savons rien.
    Est-ce possible? Oui.

[Français]

    Je vais vous donner un exemple personnel. Il m'est arrivé une ou deux fois de subir un choc électrique. La charge était suffisamment forte pour qu'un élément du panneau électrique auquel j'avais touché par accident se consume. Je n'en suis pas mort, mais j'ai eu très peur et je me suis éloigné du panneau. Je ne crois pas que j'aurais été en état de continuer à me battre avec une personne qui aurait voulu m'arrêter.
    Est-il possible que la combinaison des événements soit en cause? Serais-je mort si quelqu'un m'avait sauté dessus plutôt que de venir à mon secours?
(1610)

[Traduction]

    Je comprends ce que vous dites, mais je ne crois pas que c'est ce qui se passe. Vous semblez dire qu'il y a un effet additif. Vous dites entre autres que parce qu'on a touché cette source électrique, le niveau d'adrénaline est élevé. Si quelqu'un entrait dans la pièce et criait « bou » ou vous faisait peur, à cause du niveau d'adrénaline accru, pourriez-vous être atteint d'arythmie et mourir? Je crois que franchement c'est une possibilité. Je pense que la possibilité est très mince, mais c'est tout de même possible.
    Ce qu'il faut toujours garder à l'esprit avec ses patients qui sont en proie à un délire agité, c'est que leur niveau d'adrénaline crève le plafond. Je ne pense pas qu'il puisse aller plus haut que ça. Peu importe ce qu'on leur fait pour les neutraliser, on leur fait courir un risque plus grand, mais pour leur donner les soins médicaux dont ils ont besoin, il faut les maîtriser. C'est la raison pour laquelle j'aime bien ces mots « impasse » ou « dilemme » qu'on a employés. Vous avez tort si vous agissez et vous avez tort si vous ne faites rien.

[Français]

    Vous soulevez quelque chose d'important, mais comme on a peu de temps, je vais poursuivre le raisonnement jusqu'au bout.
    Vous nous avez dit, en guise d'explication, que la personne était morte de delirium tremens. Or, d'après ce que je comprends, le delirium tremens est un état psychologique qui semble avoir des conséquences physiques.
    Peut-on nous expliquer quel phénomène physique engendre un tel état psychologique et finit par causer la mort? S'agit-il d'un surcroît d'adrénaline?

[Traduction]

    Employons les mots justes, le delirium tremens est un état pathologique spécifique associé au sevrage de l'alcool. Ce dont nous parlons aujourd'hui, c'est du délire agité, qui n'est pas reconnu comme étant un état pathologique mais qui est connu des agents de police, du personnel paramédical, des coroners et des pathologistes judiciaires. C'est un syndrome qui est causé par divers facteurs, plus particulièrement ce qu'on appelle les médicaments sympathomimétiques, qui comprennent la cocaïne et les amphétamines, mais qui est également associé à des psychoses aiguës, par exemple la schizophrénie et l'exacerbation du trouble bipolaire.
    À mon avis, le problème avec cet état, c'est que toutes les fonctions excitatrices dans la physiologie de la personne sont déclenchées. D'où la décharge totale d'adrénaline, qui hausse le rythme cardiaque. L'adrénaline, en soi, peut causer des anomalies dans le rythme cardiaque, même à partir d'une source interne. La température du corps s'élève. En ce sens, c'est un peu comme un coup de chaleur, dont on sait qu'il peut causer la mort aussi. Chaque fois que la température du corps s'élève, la personne risque des lésions au cerveau et aux systèmes d'enzyme du corps. De même, la personne se met à produire au maximum une substance qu'on appelle l'acide lactique. Cela arrive parce que tous les tissus qui sont mobilisés ne sont pas alimentés correctement en oxygène, particulièrement les muscles, qui sont les plus grands consommateurs d'oxygène dans un tel état, particulièrement lorsque la personne se débat, lutte, et essaie de s'éloigner de la menace qu'elle perçoit.
    Ce cocktail toxique — et c'est l'expression la plus juste qui me vient à l'esprit pour cela, et je ne suis pas sûr comment on peut traduire cela — fait courir un grand danger à la personne. Je crois que le Dr Dowling et moi-même sommes d'accord pour dire que la personne pourrait fort bien mourir simplement du fait même de cet état. C'est ce que j'ai vu personnellement dans ma pratique d'urgentologue, la profession que j'exerçais avant de devenir coroner.
(1615)

[Français]

    C'est justement ce que je veux comprendre. Une décharge de Taser n'entraîne-elle pas une augmentation de toutes ces substances que produit le corps d'une personne qui a très peur? C'est la raison pour laquelle je partais du début. Quand je me suis électrocuté mais que je n'en suis pas mort, je n'étais pas dans mon état normal dans les moments qui ont suivi. J'avais encore peur, entre autres. Il peut arriver à n'importe qui d'éviter de justesse un accident grave et, à cette occasion, d'avoir très peur de mourir et de voir son coeur s'arrêter de battre. C'est souvent ce que vit une personne qui se bat avec des policiers. Si on ajoute à tout cela une décharge de Taser, ces phénomènes sont-ils amplifiés au point de causer la mort de l'individu? Vous comprenez pourquoi il est difficile d'expliquer tout cela en si peu de temps et en passant par la traduction.

[Traduction]

    Oui, donnons à nos témoins le temps de répondre.
    Ce qu'il faut retenir à propos du délire agité, et je l'ai déjà mentionné, c'est que le niveau d'adrénaline est déjà tellement élevé qu'il n'y a pas vraiment grand-chose qui soit susceptible de le hausser davantage. Je ne peux pas le prouver; c'est seulement une impression que j'aie, mais je pourrais peut-être ajouter quelque chose... M. Ménard veut mieux comprendre pourquoi, et ce qui se passe ici. Il y a une théorie — et je tiens à rappeler qu'il s'agit d'une théorie — selon laquelle, non seulement le niveau d'adrénaline est très élevé, mais il y a aussi un sel dans le sang qu'on appelle le potassium — si vous avez déjà pris un succédané du sel, c'est du potassium — et ce niveau est très élevé. Un niveau d'adrénaline élevé et un niveau de potassium élevé peuvent faire en sorte que le coeur bat anormalement, ce qu'on appelle une arythmie, mais quand les deux sont élevés, ils s'annulent l'un l'autre.
    Quand la personne est maîtrisée, quand la personne en proie au délire agité finit enfin par se calmer, cette personne est épuisée et ne peut plus rien faire, et alors le niveau d'adrénaline demeure élevé mais le niveau de potassium chute soudainement. Vous avez maintenant ces deux phénomènes qui nuisent au coeur. Voilà pourquoi la période la plus dangereuse, lorsque la personne est en proie à un délire agité, que la personne ait été strangulée ou tasérisée ou autre chose, c'est dans les trois à cinq minutes après que la personne s'est calmée. C'est à ce moment-là que le coeur s'arrête.
    Quand on se penche sur les dossiers, si vous avez la chance de prendre connaissance de la séquence des événements, c'est ce que vous allez constater. Tout le monde dit que c'est lorsque la personne est maîtrisée, mais je crois vraiment que la seule raison pour laquelle on maîtrise une personne, c'est pour que celle-ci soit complètement épuisée, pour qu'il n'ait plus rien en elle. Cela semble être le moment le plus dangereux.
    Je ne sais pas si ça vous aide.
    Merci.
    Monsieur McCallum, avez-vous quelque chose à ajouter?
    Non.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer à Mme Nash. Avez-vous d'autres questions à ce moment-ci?
    Bienvenue à nos témoins.
    Il n'y a pas longtemps de cela, la presse nous a appris que Taser International avait l'habitude d'intenter des poursuites contre les coroners qui disaient que taser avait contribué à la mort. Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?
    Je n'ai rien entendu de tel. Je reconnais que Taser défend sa réputation avec bec et ongles. J'ai assisté à une conférence à Seattle — et je l'ai mentionné il y a deux ans — où Taser donnait un exposé. La conférence regroupait Taser International, la American Civil Liberties Union et, je crois, Amnistie internationale. Vous pouvez imaginer ce que c'est que d'avoir un tel groupe de personnes dans la même pièce. C'était une combinaison intéressante — et il y avait un délégué du bureau du coroner de l'Ontario. C'était merveilleux parce qu'il n'y avait aucun parti pris.
    À la toute fin, après toutes les discussions et après que Taser ait déclaré qu'aucun décès n'avait été associé à l'emploi de son appareil, qu'il n'y avait aucune preuve, quelqu'un a mentionné le seul cas dont je vous ai parlé et qui m'inquiète personnellement, soit celui où l'on a déchargé le taser pendant trois minutes. Les représentants de Taser sont entrés dans une colère noire, je n'en revenais pas. Je vous assure. J'étais consterné. Ils ont démoli cette personne.
    Je ne sais pas. N'ayant jamais mentionné expressément le taser dans un certificat de décès, je ne peux pas dire ce que serait la réponse de Taser International, et je ne suis pas sûr... Je n'ai eu aucune confirmation de cela des États-Unis.
(1620)
    Nous n'avons rien vécu de ce genre en Ontario, mais comme le Dr Dowling en Alberta, il n'y a pas eu un seul cas chez nous où nous avons attribué la cause du décès au taser.
    Merci.
    Si j'ai bien compris, c'est une entreprise combative, et elle a intenté des poursuites contre certains coroners, mais je crois qu'elle joue aussi le jeu de la carotte et du bâton. J'aimerais savoir si vous êtes au courant d'un paiement qu'elle aurait offert, de considérations financières qu'elle aurait proposées, de dépenses de voyage qu'elle aurait acquittées pour ceux qui sont peut-être sympathiques ou qui aimeraient être sympathiques au taser. Aucun d'entre vous n'avez reçu d'incitatif financier de Taser?
    Non, je n'ai aucun contact avec elle.
    Je peux vous dire que j'ai été très étonné. J'ai parlé du délire agité et du taser lors d'une conférence que notre bureau organise tous les deux ans. C'est une conférence de formation qui s'intéresse aux enquêteurs médicaux et aux agents de police. J'ai pris la parole, et je n'ai vraiment rien dit de différent de ce que je vous ai dit à vous aujourd'hui, mais il y avait un journaliste présent qui a rédigé un article où l'on faisait la part des choses, avec beaucoup de doigté à mon avis, entre l'emploi du taser et le problème du délire agité, et on a mentionné mon nom.
    La semaine suivante, j'ai reçu trois appels des États-Unis où on me demandait si j'accepterais de témoigner à titre d'expert pour la défense dans des cas où il y avait eu délire agité et emploi du taser, et j'ai refusé. Je refuse de m'en mêler. Je n'ai pas vraiment le sentiment d'être un expert. Mais j'étais étonné. C'est une question capitale aux États-Unis du point de vue des poursuites. C'est énorme.
    Il y a des gens qui acceptent ces incitatifs financiers, soit des voyages ou des avantages quelconques, ou parce qu'ils font des études. Nous ne savons pas qui a financé les études que vous avez mentionnées, mais Taser finance aussi des études.
    Puis-je vous demander ce que vous pensez de ceux qui acceptent ces incitatifs financiers? Avez-vous une opinion à ce sujet?
    Comme médecin, essentiellement, il ne nous est pas permis de le faire. Si vous rédigez un texte pour une revue scientifique, vous devez déclarer d'emblée toutes les subventions que vous avez reçues, et c'est pour éviter tout conflit d'intérêts qu'on va dire: « Mon projet a été financé par » — par exemple — Taser, et j'ai découvert que le taser est un appareil vraiment formidable ». Dans une revue médicale, vous êtes obligé de le dire d'entrée de jeu.
    À maints égards, c'est la question de l'heure dans le domaine de la recherche en santé aussi, parce que, comme vous le savez, les pharmaceutiques parrainent la vaste majorité des études sur les médicaments qui sont réalisés, et souvent, par le passé, on s'abstenait de publier les résultats défavorables.
    Je pense que la question est très pertinente, et que vos questions concernant les revues médicales dont j'ai parlé sont tout à fait justes. Certaines d'entre elles ont été parrainées par la Taser, et vous pouvez probablement deviner lesquelles. Certaines de ces études sont indépendantes. Par exemple, l'étude de Toronto était indépendante, et c'est celle qui a démontré qu'avec la décharge normale de la dose de une à trois fois, la fibrillation ventriculaire est possible chez les porcs.
    Je crois que c'est très important. Quand j'évalue les résultats de l'essai, il est sûr que je tiens compte de la source de financement. Je crois que le fait d'accepter de l'aide automatiquement met en doute l'objectivité de la recherche, que ce soit de façon inconsciente ou consciente.
(1625)
    Pour ceux qui acceptent des fonds de la Taser, qu'il s'agisse de recherche que l'on finance ou d'autres avantages — parce qu'il y a des cas très connus de cela — avez-vous des choses à nous dire à ce sujet? Est-ce que cela nuit à la crédibilité de ces personnes?
    Oui. Les coroners, les médecins-légistes et les pathologistes judiciaires ont pour rôle d'être indépendants, et non de prendre parti. Au bout du compte, nous émettons une opinion, et lorsque cette opinion est contestée — et chacun d'entre vous ici présent, avec vos questions, obtenez des clarifications et contestez les avis que nous vous proposons — mais c'est notre métier que d'être justes et honnêtes et de tout dire.
    C'est la même chose au tribunal, et c'est la même chose avec les essais. Nous ne pouvons pas prendre parti. Notre profession l'exige. Je ne peux même pas imaginer qu'une personne accepte ce genre d'offre, parce que pour moi, personnellement, ce serait contraire à l'éthique.
    Je ne peux pas dire mieux.
    D'accord. Merci.
    Nous allons maintenant passer au parti ministériel. Monsieur MacKenzie, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Et merci à MM. les docteurs. J'ai beaucoup aimé votre témoignage, et je sais que nous avons passé pas mal de temps à parler de l'indépendance des autres chercheurs. Votre indépendance d'esprit et votre intégrité ne font aucun doute dans mon esprit, et je crois que c'est ce qui compte aujourd'hui.
    Docteur Dowling, vous avez dit que dans l'affaire du décès d'Otto Vass, je crois, on n'avait pas employé le taser.
    C'est exact. J'ai fait état de ce cas, oui.
    Non, désolé. C'est très...
    Est-ce que je les ai mélangés?
    Oui. Il s'agit d'un cas de l'Ontario. L'affaire Otto Vass est une enquête du coroner portant sur la mort d'un homme qui avait des troubles psychiatriques, qui était en proie au délire agité et qu'on avait dû maîtriser. C'est exactement le même genre de situation où un certain nombre de policiers s'étaient précipités sur une personne. L'homme est mort.
    Le jury a constaté qu'il leur a été plus facile de le maîtriser, et ainsi de le faire soigner, si on s'était servi d'un taser. On a recommandé l'emploi de taser ici, en se fondant sur les circonstances.
    D'accord, je comprends.
    Excusez-moi, docteur Dowling, de cette confusion.
    Je pense que nous avons entendu parler de cela dans d'autres situations.
    Je sais que certains de mes collègues sont toujours inquiets — et à juste titre, je crois — quant à la décharge répétée du taser. Si j'ai bien compris ici, docteur Dowling, vous parlez de décharges multiples, et c'est cela qui vous inquiète beaucoup. Je partage cette inquiétude. Si ça ne marche pas après quatre ou cinq coups, il faut peut-être trouver autre chose. Mais quoi d'autre peut-on employer?
    C'est l'autre hésitation que j'ai. On emploi ici le mot « avant-dernier ». Le taser est le choix qui s'offre à l'agent de police avant qu'il sorte son arme à feu. Et si le taser ne fonctionne pas, j'ignore ce qu'on va faire. Si vous êtes devant un cas de délire agité et que vous avez la certitude que c'est bien ce dont il s'agit, vous devrez peut-être reculer, parce que vous ne voudrez vous servir de votre arme à feu. Je ne pense pas que les Canadiens aiment ça. Moi en tout cas non.
    C'est là où réside en partie le danger. Si on dit que c'est le dernier recours avant l'emploi d'une arme à feu, on n'a plus d'autres recours. Je pense que cela décrit assez bien la situation choses. Je ne crois pas que c'est ce qu'on veut, et je ne crois pas que c'est ce que mes amis veulent, pas plus d'ailleurs que le milieu policier.
    Docteur McCallum, je remarque dans votre notice biographique que vous avez passé un certain temps à la salle d'urgence de l'hôpital Sunnybrook. Je suis sûr que vous avez été témoin là-bas de cas de délire agité.
    C'est exact.
    Qu'est-ce qui arriverait si on ne faisait rien? Est-ce qu'il y a un espace de temps raisonnable au bout duquel la personne finirait par s'épuiser ou se calmer? Je crois que c'est ce que dit le Dr. Dowling. Si l'on se contente de reculer, est-ce que la personne va revenir à l'état normal?
    D'après mon expérience, cela ne s'est jamais produit. Il y a deux choses qui arrivent. Parfois, même les patients les plus psychotiques capituleront si on les confronte avec suffisamment de force. C'est une possibilité. Alors si vous entrez dans une pièce avec suffisamment de soignants — des préposés, infirmières et médecins — et que vous dites, « Nous devons vous faire une injection. Veuillez coopérer avec nous », le patient se rendra compte de la situation et consentira à l'intervention. Ça peut arriver.
    Mais ce n'est pas le cas avec une proportion importante de ce genre de personnes, qui font une des deux choses. Soit qu'ils se font mal à eux-mêmes en se frappant la tête contre des objets ou en se frappant eux-mêmes, et alors vous vous retrouvez avec un bain de sang causé volontairement, ou soit qu'ils commencent à frapper les gens autour d'eux et à proférer des menaces. Selon moi, il faut absolument contenir les personnes agitées dans ce genre de situations.
    C'est le point de vue d'un professionnel en soins médicaux d'urgence par opposition à celui d'un coroner ou d'un médecin légiste. Cette dernière situation est de loin la plus commune. Il est très rare qu'une personne puisse être laissée à elle-même et se calmer. Mais ça se produit, et c'est une option qui devrait peut-être être envisagée plus souvent par les intervenants.
(1630)
    Ça pourrait s'avérer difficile en la présence d'autres personnes.
    Absolument. On ne peut exposer le public au risque que représente un individu pris par un accès de folie. Il faut évidemment les maîtriser, mais serait-il possible d'établir un périmètre de sécurité? En d'autres mots, si une personne se fait du tort — et ce sont surtout des hommes — si ça se produit, alors vous devez intervenir. Pourriez-vous laisser la personne à elle-même? Oui, je pense que vous pourriez le faire dans certaines situations, mais dans certains cas ce ne sera pas possible.
    Pour revenir à votre vie antérieure à Sunnybrook — et vous êtes un homme d'un certain gabarit...
    J'ai aussi l'air d'un agent de police. C'est parfois utile le samedi soir au service d'urgence.
    Cela dit, certaines de ces personnes ne sont pas très costaudes.
    C'est vrai.
    Arrivez-vous à les maîtrisez physiquement?
    Pourrais-je moi-même maîtriser une personne en proie à un délire agité? Non, je n'en serais pas capable, même si j'étais dans la force de l'âge. Il faut avoir fait l'expérience d'intervenir auprès de ces personnes pour réaliser à quel point elles sont fortes, agitées et agressives, et comme vous le savez, ce sont des expériences effrayantes et éprouvantes.
    C'est une situation que j'ai affrontée d'une façon thérapeutique et non pas sécuritaire. J'ai agi en tant que médecin. Je ne pensais pas à faire appliquer la loi, et c'était effrayant.
    Docteur Dowling.
    Pour vous donner un exemple, on vous a dit plus tôt que l'on n'a pas eu connaissance d'un cas de décès chez une femme, mais un agent de police m'a parlé d'un cas où une fille de 16 ou 17 ans était en proie au délire agité. Si je me rappelle bien, trois ou quatre agents de police ont dû intervenir pour la maîtriser. Je crois qu'elle était dans un état de délire total. Je ne me rappelle pas si un Taser avait été utilisé. Elle a survécu. C'est tout à fait incroyable de réaliser qu'il faut quatre agents de police pour maîtriser une fille de 16 ans.
    Je crois que vous avez tous les deux signalé que c'est bien plus souvent un homme qu'une femme qui est dans un état de délire agité.
    Il s'agit beaucoup plus souvent d'hommes.
    Est-ce que les substances illicites pourraient être en cause? Ou est-ce qu'elles n'ont rien à voir là-dedans?
    Les femmes sont plus intelligents que les hommes. Elles ne font tout simplement pas ce genre de choses.
    Vous voulez dire prendre de la drogue?
    Elles ne font pas les mêmes stupidités que nous les hommes faisons et qui nous mettent dans ce genre de pétrin. Je ne peux pas l'expliquer. Je suis désolé.
    Allez-y, si vous avez une très brève question.
    Ce qui préoccupe notamment notre comité, c'est de savoir ce que nous allons faire. En ce qui concerne le pistolet à impulsion électrique, qui semble être au coeur des discussions, il me semble que tous les deux vous avez dit que ce type de pistolet était un facteur dans certaines des situations mais bien évidemment, pas dans toutes. Certaines personnes meurent sans être la cible d'un pistolet à impulsion électrique. Ai-je bien raison?
    Vous avez raison.
    Parfait.
    Madame Barnes.
    À l'heure actuelle, les agents de la GRC et d'autres forces policières et paraît-il, les agents des transports en commun de la Colombie-Britannique ainsi que les agents des pénitenciers de certains territoires et provinces sont équipés de pistolets à impulsion électrique. N'importe qui peut s'en procurer aux États-Unis, comme vous le savez, et ces dispositifs sont utilisés dans des situations qui dépassent l'entendement des Canadiens.
    Nos discussions aujourd'hui ont beaucoup porté sur votre opinion concernant les sujets un état de délire agité, et bien sûr vous vous y connaissez mieux que la plupart d'entre nous. Toutefois, je suis davantage préoccupée du fait que les pistolets à impulsion électrique sont utilisés pour immobiliser des personnes qui ne sont pas dans un état de délire agité, des personnes qui tout simplement ne réagissent pas assez rapidement aux instructions, ou encore qui résistent lors de l'arrestation. Le comité ne dispose pas de tous les faits entourant les situations en Colombie-Britannique où des personnes ont été immobilisées au moyen d'un pistolet à impulsion électrique parce qu'elles n'avaient pas payé leur billet. Je crois qu'il y a une différence entre les situations où l'on se sert d'un pistolet à impulsion électrique: il y a des situations que vous avez décrites, dans lesquelles la personne est dans un état de délire agité, et d'autres situations dans lesquelles la personne ne réagit pas assez rapidement aux instructions. Il ne semble pas y avoir de directives indiquant qu'il faut seulement utiliser le pistolet à impulsion électrique lorsque la personne se trouve dans un état de délire agité. J'aimerais savoir si vous trouvez que le pistolet Taser est le dispositif qui convient dans les situations où les cibles ne sont pas dans un état de délire agité.
    Par ailleurs, ce qui me dérange le plus en ce qui concerne le pistolet à impulsion électrique c'est que c'est un dispositif qu'on utilise au Canada, mais je n'arrive pas à trouver un seul autre exemple d'un produit mis sur le marché dont on ignore les risques. On ne commercialiserait jamais un nouveau médicament sans pouvoir fournir des réponses concernant les risques. Pouvez-vous me donner un exemple de produit comparable dont vous ignorez les risques et dont néanmoins vous autoriseriez l'utilisation au Canada?
(1635)
    Bon nombre d'entre nous prenons probablement des médicaments. Moi-même je prends de l'insuline parce que je suis diabétique, je prends de l'aspirine pour mon coeur, et je prends un autre médicament pour faire baisser mon taux de cholestérol. Chacun de ces médicaments a tué des personnes. Nous le savons, mais je continue de les prendre, parce qu'après avoir évalué le risque de maladie ou de mort par opposition aux avantages, j'ai intérêt à les prendre. Il existe de nombreux produits pour lesquels nous n'avons pas toutes les réponses. Les médicaments en sont un bel exemple, et pourtant nous continuons de les utiliser.
    J'ai la même préoccupation que vous en ce qui concerne le déploiement des pistolets à impulsion électrique. Je ne suis pas expert en ce qui concerne les critères de déploiement, et il ne conviendrait pas que je me prononce là-dessus. Mais en tant que Canadien, j'aimerais être sûr que ces tasers sont utilisés par du personnel dûment formé et dans les circonstances appropriées.
    La situation en Colombie-Britannique que vous avez décrite ne correspond au déploiement correct des pistolets à impulsion électrique. Toutefois, je ne connais pas toutes les circonstances pertinentes.
    Je l'ai appris en écoutant les nouvelles nationales il y a deux ou trois semaines.
    Comme vous le savez, les reportages médiatiques ne sont pas complets.
    Dr McCallum, souhaitez-vous ajouter quelque chose?
    Encore une fois, je ne suis pas qualifié pour me prononcer sur le moment où un pistolet à impulsion électrique devrait être déchargé dans une situation faisant appel à la force, mais il me semble, comme l'a dit le Dr Dowling, qu'il faut évaluer les risques et les avantages. Je ne crois pas qu'on puisse dire que le dispositif en question ne comporte aucun risque mais je crois qu'on peut dire qu'il comporte des risques qui n'ont pas été quantifiés et, par conséquent, on ne devrait s'en servir que dans les circonstances où d'autres solutions plus satisfaisantes ne se présentent pas. À mon avis, ce serait dans des circonstances où il faut protéger ou sauver une vie. Je ne crois pas que son utilisation convienne à toutes autres circonstances.
    Merci.
    Monsieur Ménard et Mme Thi Lac, avez-vous des questions?
    Madame Thi Lac.

[Français]

    Bienvenue à vous, docteur. Je suis contente de pouvoir parler à un légiste. Je vais vous poser une question que j'ai posée lors de notre séjour à Vancouver. Elle est purement hypothétique. Je vais d'abord la poser, puis je vais vous expliquer pourquoi je la pose.
    Dans le comté de Richelieu, qui côtoie ma circonscription, une saisie d'armes Taser a eu lieu il y a plus d'un mois. Il s'agissait d'armes que des gens s'étaient procurées illégalement. J'imagine que sans cette saisie, ces armes se seraient retrouvées sur le marché noir.
    Advenant le cas où un membre du crime organisé ou du monde interlope enverrait à un individu, dans le but de causer sa mort, des décharges de Taser à répétition, sans projeter les sondes, serait-il possible, hors de tout doute raisonnable, d'attribuer ce décès à plusieurs décharges de Taser?
    Il y a plusieurs années, il s'est avéré qu'un produit était indétectable à l'autopsie. Il s'agissait d'un relaxant musculaire que des personnes injectaient à leurs victimes pour les tuer. Les décharges de Taser qui seraient utilisées à des fins d'homicide pourraient-elles être détectables hors de tout doute lors d'une autopsie?
(1640)

[Traduction]

    Tout le monde pense que l'autopsie, c'est la clé de toute enquête sur une mort. Or, ce n'est pas le cas. La clé, c'est l'histoire, les lieux et le corps. Dans la situation que vous avez décrite, c'est-à-dire le déploiement multiple de tasers, le pistolet aurait été placé contre la peau. Chaque fois que le pistolet est déchargé ou déplacé, il laisse une marque particulière sur la peau. Dans le cas que vous citez, je verrais ces paires de marques d'électrode partout sur le corps de la personne et je me poserais des questions. Peut-on conclure après l'autopsie que le coeur s'est arrêté de battre en raison d'un facteur particulier? Non, mais la situation que vous avez décrite correspond à de la torture.
    Dans des cas de torture prolongée, le coeur peut être tellement sollicité qu'il s'arrête de battre. Le médecin légiste ne perçoit pas de changement au niveau du coeur, mais il voit les blessures infligées au corps. Par exemple, j'ai vu le corps d'une victime qui avait été tuée à coup de cintre, croyez-le ou non. Il y avait des centaines et des centaines de marques de cintre sur la peau, et pourtant il n'y avait pas de blessures aux organes internes. De quoi est morte la personne, elle est morte d'adrénaline, nous en avons beaucoup parlé aujourd'hui, un excédent d'adrénaline.
    Je ne sais pas si je vous ai aidés.

[Français]

    Je n'ai plus de question. Je vais céder le reste de mon temps de parole à mon collègue.
     Je crois qu'en donnant cet exemple, ma collègue avait à l'esprit une situation où une décharge de Taser serait envoyée, que les deux dards seraient projetés, mais que le courant serait envoyé ensuite, toujours par l'entremise de ces dards, et ce, jusqu'à ce que la personne meure. Il n'y aurait donc que deux dards.

[Traduction]

    Le cas est difficile. Je ne sais si c'est sûr que la personne en est morte mais si c'était le cas, pourrais-je le prouver? La meilleure réponse que je puisse vous donner c'est: « Je ne sais pas. »

[Français]

     Vous avez soulevé, très correctement, une autre question dans votre présentation, à savoir l'obligation d'inclure une compilation dans tous les rapports de police portant sur des cas où le Taser est utilisé.
    Pourriez-vous me dire, en tant que médecin légiste, s'il existe déjà une compilation faisant état des morts causées par d'autres moyens de contention? Le cas échéant, ça nous permettrait de comparer l'utilisation du Taser à celle d'autres méthodes de contention pouvant entraîner la mort.

[Traduction]

    Vers le milieu des années 1990, on s'intéressait beaucoup à l'asphyxie posturale, qui est liée à la position où la personne est ligotée ou a les pieds et les poings liés, cas dont a parlé le Dr Dowling plus tôt. Je suis sûr que mon collègue se souvient d'une série d'articles publiés à la suite de morts dans des périodiques universitaires et des revues de médecine légiste. À l'époque, il était courant que des entités telles que votre comité soient préoccupées par ce genre de contention. Depuis l'arrivée du taser, le pistolet à impulsion électrique, cependant, on en parle beaucoup moins.
    À mon avis, le taux de mortalité est environ le même. Le nombre de morts associées au délire agité suivi d'une contention ou de la décharge d'un pistolet à impulsion électrique est plus ou moins le même. C'est mon avis. Je ne sais pas s'il existe une différence, mais je ne le crois pas.
(1645)

[Français]

    Mais nous pourrions faire des comparaisons, et c'est ce qui compte.

[Traduction]

    J'aimerais un éclaircissement s'il vous plaît. Lorsque vous effectuez l'autopsie, vous êtes en mesure de quantifier les taux d'adrénaline et de potassium, n'est-ce pas? Vous ne pouvez pas?
    Après le décès, ces taux ne signifient rien.
    Bien, c'est ce que je me demandais. En ce cas, vous n'êtes pas en mesure d'établir si le décès a été causé par des niveaux plus élevés d'adrénaline et plus faibles de potassium.
    Lorsque vous faites allusion à l'adrénaline et au potassium, n'oubliez pas que c'est ce dont il est question ici, ce sont les étapes ayant mené au décès et non la cause du décès. Pour être plus précis, la cause de la mort correspond à la maladie ou à la blessure à l'origine du processus qui s'est terminé par le décès. C'est nettement différent d'une analyse des taux de potassium ou d'adrénaline.
    Bien. Je suis les émissions CSI et je n'ai jamais vu les spécialistes analyser les niveaux de potassium ou d'adrénaline.
    Monsieur le président, je pense que trop de gens regardent trop d'émissions de CSI.
    Oui, bien.
    Allez-y, monsieur Norlock, la parole est à vous.
    J'ai quelques brèves questions qui découlent de certaines de vos réponses. Il s'agit du certificat de décès et de la crainte de faire l'objet de poursuites de la part de Taser international.
    M.  Dowling ou M. McCallum, si vous estimez que le décès a été causé par l'utilisation du pistolet à impulsion électrique, auriez-vous peur d'inscrire cela sur un certificat de décès?
    Non.
    Certainement pas.
    Est-ce que l'un de vous deux a des liens financiers quelconque avec cette entreprise?
    Non.
    Bien, je vous remercie.
    Tout en lisant des documents portant sur le délire agité, j'ai été frappé par le fait que malgré l'usage très répandu de cette expression, je ne crois pas qu'elle corresponde à un diagnostic psychologique. Corrigez-moi si je suis dans l'erreur, mais je crois savoir que cette condition commence à être reconnue comme un état pathologique et ne constitue pas un diagnostic. Est-ce bien cela?
    C'est un syndrome par opposition à une maladie, qui résulte d'une cause bien définie. Il s'agit donc d'une constellation de symptômes dont on vous a souvent fait la description, et on en parle beaucoup plus dans les milieux médico-légaux et judiciaires que dans les milieux médicaux au sens strict. L' American Psychiatric Association a exercé des pressions pour qu'on inclue ce syndrome dans le DSM-IV, c'est-à-dire dans le manuel diagnostic et statistique des maladies psychiatriques, mais étant donné que sa cause n'est pas connue, les autorités montrent peu d'empressement à le faire.
    En fait, cette condition ou ce syndrome, quelle que soit la désignation, a d'abord été décrite par des psychiatres au XIXe siècle. À l'époque, on utilisait des termes quelque peu différents, comme le délire aigu, la catatonie létale et d'autres encore — mais ce sont des psychiatres qui ont été les premiers à décrire cette condition.
    C'était avant l'avènement de la cocaïne. C'était au milieu du XIXe siècle. Or, où voyait-on ces patients? Eh bien, nous avons mentionné qu'une maladie psychiatrique peut constituer l'état sous-jacent; au XIXe siècle, tous ces patients étaient hospitalisés, c'est donc là qu'on a observé les symptômes.
    Selon une théorie — et j'insiste sur le mot théorie — l'une des raisons pour lesquelles on observe davantage d'états de ce genre à l'extérieur des établissements hospitaliers tient au fait qu'à l'heure actuelle, nous préférons que les gens atteints de maladie psychiatrique vivent à l'extérieur des hôpitaux et mènent la vie la plus normale possible. Toutefois, si leur maladie atteint des niveaux incontrôlables, il peut arriver — même si cela est rare — que le délire agité se manifeste.
    Je vous remercie beaucoup.
    J'aimerais maintenant passer à certaines de vos remarques plus personnelles, mais je suppose que tout ce que vous affirmez se fonde nécessairement sur... Pour ma part, tout ce que je dis vient de ma propre expérience au travail et ailleurs.
    Je songe particulièrement à ce que vous avez dit au sujet de l'utilisation du pistolet à impulsion électrique. Si on s'en sert, selon vous, il faudrait qu'il soit entre les mains d'une personne appropriée ayant reçu la formation appropriée et se conformant aux règles prescrites. Êtes-vous en train de nous dire qu'à votre avis, tant personnel que professionnel — car les deux sont inextricablement liés — ce pistolet pourrait être un outil approprié si l'on respectait ces trois conditions et qu'il serait alors acceptable que les policiers l'utilisent?
(1650)
    Oui, parce que si j'étais dans un état de délire agité, je préférerais qu'un agent sorte son pistolet à impulsion électrique plutôt que son arme à feu. C'est aussi simple que cela.
    Je vous remercie.
    Docteur McCallum, n'hésitez pas à intervenir quand vous le voulez.
    C'est à cela que je voulais en venir. Les policiers portent ces armes à la ceinture. Cependant, à mon avis, l'arme la plus puissante demeure l'aptitude à communiquer, mais dans le cas où quelqu'un est en plein délire agité, la communication ne va probablement pas fonctionner, sauf pour de rares exceptions. Est-ce bien cela?
    C'est assez juste.
    Par conséquent, les autres choix qui s'offrent sont le gaz poivré, la matraque extensible — que la plupart des agents transportent avec eux, ou bien un gourdin, enfin quelque chose de dur — le pistolet à impulsion et l'arme à feu. La matraque extensible est censée mettre le sujet hors d'état de nuire, ou de causer une douleur tellement vive qu'elle devient un moyen de contrainte par la douleur, à peu près comme le pistolet à impulsion. En fin de compte, l'agent a le choix soit de donner des coups à la personne jusqu'à qu'il obtienne d'elle la réaction souhaitée, soit de l'atteindre une seule fois sans qu'il soit nécessaire de la frapper à nouveau.
    Je ne suis pas un spécialiste de l'utilisation de la force, je ne peux donc pas dire.
    Ensuite, on vaporise du poivre. Or, si j'en crois les documents que j'ai lus sur le gaz poivré et son utilisation, dans certains cas, ce moyen ne donne pas de très bons résultats, surtout lorsque les sujets visés souffrent de problèmes psychiatriques.
    Le délire agité est l'un de ces cas où le recours au gaz poivré peut aller jusqu'à aggraver la situation.
    Étant donné l'insensibilité à la douleur des personnes en proie à un état de délire agité, en règle générale, ni le gaz poivré ni les moyens de contrainte par la douleur ne fonctionneront. J'irais même jusqu'à dire que si on servait du pistolet à impulsion électrique pour infliger de la douleur, il ne serait probablement pas efficace.
    Mais si son objectif est de mettre hors d'état d'agir...?
    De produire la paralysie neuromusculaire. Il s'agit simplement d'un bref moment pendant lequel la personne est incapable de bouger, ce qui permet alors d'essayer de la maîtriser.
    N'oublions pas non plus que les policiers signalent les cas de délire agité où le recours au pistolet à impulsion n'a pas eu beaucoup d'effets, ce qu'ils peuvent discerner.
    Comme dans les deux cas signalés en Ontario et qu'on a décrits plus tôt. Dans ces deux cas, le pistolet à impulsion électrique n'a pas réussi à immobiliser les deux sujets, qui ont ensuite été tirés avec une arme à feu.
    Comment peut-on enseigner à un agent à reconnaître toutes ces circonstances en quelques secondes alors qu'il doit prendre une décision? Nous sommes tous confortablement assis ici pendant que nous nous efforçons de trouver la réponse juste. Diriez-vous que le recours à cette arme est approprié seulement dans les circonstances idéales? Vous savez, même dans les salles d'urgence des hôpitaux, où l'on envoie du personnel extrêmement bien formé, les gens sont forcés de penser très rapidement et de prendre la décision juste au moment approprié.
    Je vais vous poser à chacun la simple question suivante. Si vous aviez une baguette magique, souhaiteriez-vous que les policiers disposent du pistolet à impulsion électrique, pourvu qu'il soit confié seulement aux gens appropriés ayant reçu la formation appropriée et qui suivent les règles prescrites?
    M. Dowling et Dr McCallum.
     Je répondrais oui, mais encore une fois, avec toutes les réserves que vous venez d'énoncer — en reconnaissant que l'usage de cette arme comporte des risques et nécessite une reddition de comptes méticuleuse de son utilisation dans les circonstances appropriées. Je le répète, l'utilisation de cette arme doit être quasiment un dernier recours. À mon avis, on ne devrait jamais s'en servir lorsque quelqu'un est en fuite. Il faut que le recours au pistolet à impulsion serve à protéger la vie, dans le but d'amener la personne atteinte de délire agité à un service médical.
    Je suis d'accord.
    Il n'y a personne du côté des libéraux.
    Du côté du Bloc maintenant, monsieur Ménard, avez-vous d'autres questions à poser?
    Monsieur Nash, vous avez indiqué vouloir poser une brève question.
    Oh, M. Ménard a changé d'idée.

[Français]

    J'ai une question à poser un peu par curiosité. Vous nous avez donné deux exemples, tout à l'heure. Dans le premier, le Taser avait été appliqué pendant trois minutes. Dans le second, sept ou huit Taser étaient appliqués simultanément. Je ne crois pas que vous nous ayez dit si ces personnes étaient mortes. J'ai l'impression qu'elles sont demeurées vivantes. Pouvez-vous nous le dire?
(1655)

[Traduction]

    Dans l'un des cas où l'on a utilisé un pistolet à impulsion en Alberta et où nous croyons que le décès est attribuable à un cas de délire agité, le sujet a reçu sur les lieux trois chocs de cinq secondes chacun puis a été transporté en ambulance jusqu'à l'urgence. Il a alors fallu le déplacer de la civière à la table d'examen, ce qui a nécessité cinq chocs supplémentaires de cinq secondes. J'ignore combien de temps cela a duré, ni à combien de secondes d'intervalle on a administré les chocs. Je ne sais pas vraiment.
    Toutefois, dans l'autre cas dont je vous ai parlé, survenu aux États-Unis, c'est en prison je crois que les choses se sont passées. Si je me reporte à l'explication qu'on en a donné lors d'une conférence, quelqu'un avait alors le droit d'appuyer en permanence sur la gâchette ou sur le bouton de décharge du pistolet. La décharge dure cinq secondes après quoi elle s'arrête, puis peut reprendre immédiatement. Je crois donc savoir que la personne tenant le pistolet à impulsion l'a littéralement déchargé pendant quelque trois minutes. C'est quasiment une décharge permanente, et je suis sûr que personne ne trouverait cela acceptable.

[Français]

    Oui, mais est-il mort?

[Traduction]

    Oui, et les deux sont morts. Le détenu est décédé ainsi que la personne en Alberta, qui fait partie des décès recensés chez nous. Fait intéressant dans ce dernier cas, le sujet est mort après l'administration d'une contrainte chimique — des drogues que lui ont administrées les médecins — de sorte que vous aviez toute une constellation de choses. Il a été entravé, a reçu des décharges de pistolet à impulsion, des contraintes chimiques et il est mort.
    Est-ce que tout le monde de ce côté a terminé? Je vous remercie.
    Madame Nash, c'est vous qui allez passer le dernier coup de balai.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Monsieur Dowling, vous nous avez confirmé plus tôt que Taser International peut réagir avec virulence aux attaques qu'on lance contre elle. Vous confirmez aussi ne jamais avoir eu besoin d'attribuer officiellement un décès au pistolet à impulsion. Étant donné cependant que Taser International poursuit les coronaires avec tant d'acharnement — et je me fie ici à ce qu'en ont rapporté les médias —, est-ce que cela ne risque pas de dissuader ces médecins d'inscrire l'usage du pistolet à impulsion comme cause de décès, dans le cas où ils y songeraient?
    Je ne peux m'exprimer au nom de tous les coronaires, mais telles sont nos responsabilités. Andrew conviendra certainement avec moi que si nous estimons que telle est bien la cause du décès, c'est ce qu'il faut l'indiquer, c'est notre métier qui le demande.
    Pour ma part, j'ai la chance de travailler dans le système judiciaire de l'Alberta, où de nombreux avocats sont disposés à me défendre si je fais l'objet de poursuites au civil en raison d'un de mes avis professionnels. L'honnêteté et la vérité doivent être notre souci primordial. Si à mon avis il y a suffisamment de preuves pour conclure que telle est bien la cause du décès, alors c'est ce que je dois inscrire. Ma responsabilité l'exige.
    Selon vous, pourquoi Taser fait cela? Si les médias disent vrai, pourquoi est-ce qu'on poursuit les coronaires?
    Honnêtement, je l'ignore.
    Me permettez-vous d'ajouter quelque chose? Au Canada, nous pouvons heureusement compter sur un système faisant appel à des coronaires. Vous n'ignorez pas que les systèmes varient dans notre pays, mais ils ont tous en commun de relever des gouvernements, qu'ils soient territoriaux ou provinciaux. Cela revêt une importance certaine, surtout si on compare notre système à celui des États-Unis, où les coronaires ne sont pas toujours des spécialistes et n'ont pas toujours reçu une formation précise dans ce domaine, et qui...
    Ou ils sont élus.
    Ils sont élus. J'allais justement le dire. Ils travaillent souvent à temps partiel, et ils sont dans un poste élu, donc ils pourraient être plus vulnérables à des litiges de cette sorte.
    Je pense qu'au Canada ce problème serait moins marqué, parce que je suis tout à fait d'accord que notre travail c'est de désigner la cause et la façon du décès sans crainte, de façon objective, d'après ce que nous trouvons.
    Vous n'avez jamais entendu dire que Taser aurait exercé des pressions sur quelqu'un ici ou aurait menacé qui que ce soit?
    Pas à ma connaissance.
    Merci.
    Monsieur Dowling, si je ne m'abuse, la ville d'Edmonton a une politique — elle appelle les SMU avant l'utilisation d'un pistolet à impulsion. Vous connaissez cette politique. J'ai deux questions là-dessus. Pouvez-vous nous dire si cette politique est vraiment utile — si elle parvient à sauver des vies ou à prévenir des blessures? D'après ce que je comprends, Calgary n'a pas la même politique. Est-ce qu'il y a une différence dans l'utilisation du pistolet à impulsion à Calgary et à Edmonton?
(1700)
    Je ne savais pas que Calgary n'avait pas de politique. Si la politique est appliquée à Edmonton, mon côté fier aimerait dire que cela me revient car j'ai parlé aux autorités continuellement, en insistant sur le fait que c'est une question d'urgence médicale. En fin de compte, je leur aurai appris que le patient peut mourir, malgré tout ce que nous faisons. Même si on ne fait rien, le patient peut mourir. Donc, si vous pensez que vous devez le restreindre ou utiliser le pistolet à impulsion, appelez les ambulanciers. Quand les ambulanciers sont là, une fois que vous le maîtrisez, les soins médicaux nécessaires sont immédiatement disponibles. On ne faisait pas cela dans les premières années qu'on utilisait le pistolet à impulsion, donc je suis très content d'apprendre qu'ils appellent toujours les ambulanciers.
    Y a-t-il une différence entre l'expérience à Edmonton, où on appelle les ambulanciers, et l'expérience à Calgary?
    Je pense que non, mais il est tout de même intéressant de voir que sur quatre décès, l'un s'est produit à Red Deer et les trois autres à Edmonton. Aucun ne s'est produit à Calgary. Je ne sais pas si cela est vraiment pertinent.
    Merci.
    Monsieur McCallum, est-ce que le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels de l'Ontario recueille des données sur l'utilisation des pistolets à impulsion dans la province?
    Je ne sais pas. Parlons-nous de situation où il n'y a pas de décès?
    Oui.
    Je ne sais pas, donc je ne peux pas vous donner de chiffre. Mais je sais que dans tous les cas, dans tous les services de police que je connais, y compris la Police provinciale de l'Ontario, on traite l'utilisation du pistolet à impulsion comme l'utilisation d'une arme à feu. En d'autres mots, il faut présenter un rapport. J'estime donc qu'il y a des données, mais je ne sais pas comment elles sont compilées.
    Si les données existent, est-ce que vous pourriez les communiquer au comité?
    Je peux demander que les données vous soient communiquées. Ces données ne viendraient pas de nos bureaux, mais je peux certainement voir s'il y a des données qui pourraient être communiquées au comité.
    Excellent.
    Vos cinq minutes sont écoulées.
    Bon. Merci beaucoup.
    J'aimerais remercier nos témoins de leur présence aujourd'hui. Vous nous avez donné beaucoup de renseignements qui seront très utiles pour notre étude, et j'aimerais vous remercier au nom du comité.
    La séance est levée.