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SNUD Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SPECIAL COMMITTEE ON NON-MEDICAL USE OF DRUGS

COMITÉ SPÉCIAL SUR LA CONSOMMATION NON MÉDICALE DE DROGUES OU MÉDICAMENTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 3 décembre 2001

• 1404

[Traduction]

La présidente (Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.)): [Note de la rédaction: Difficultés techniques]...le chef de police Ian Mackenzie; et du Service de police de Vancouver, l'inspecteur Kash Heed, chef de la Section des moeurs et des drogues. J'ai vu votre nom dans le journal souvent. De l'Agence des douanes et du revenu du Canada, nous avons Brian Flagel, directeur, Services frontaliers des douanes, district de l'Aéroport international de Vancouver.

Messieurs, je vous remercie d'avoir accepté notre invitation. Ayez l'obligeance de limiter vos exposés à une dizaine de minutes, cela nous donnera la chance de vous poser quelques questions. Si vous avez un texte qui fait partie de votre exposé, vous pouvez nous le remettre, nous le lirons plus tard. C'est surtout la période de questions et réponses qui nous est vraiment utile.

Je vais suivre l'ordre dans lequel je vous ai présentés, à moins que vous n'ayez pris d'autres dispositions.

Nous allons d'abord entendre le chef adjoint Ditchfield.

• 1405

Le chef adjoint Peter Ditchfield (Agence du crime organisé de la Colombie-Britannique): Merci beaucoup, madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, d'avoir accepté de nous entendre cet après-midi.

Étant donné qu'il s'agit d'une tribune publique, j'ai quelque peu censuré mes propos; cependant, j'ai beaucoup d'autres informations, que je pourrai communiquer aux membres plus tard s'ils le jugent nécessaire. Je mentionnerai aussi certains problèmes concernant les ports de Vancouver et la culture de la marijuana en Colombie-Britannique. J'ai des textes à ce sujet aussi, que je vous remettrai, madame la présidente, à la fin des exposés.

Si le mandat de votre comité est vaste, l'objet de mon mémoire est de vous faire part de la présence généralisée de tous les niveaux du crime organisé dans l'importation, la production et le trafic de drogues à des fins non médicales.

L'Agence du crime organisé de la Colombie-Britannique existe depuis deux ans et a pour mandat de contrer tous les aspects du crime organisé qui touche la population de la Colombie-Britannique. Au cours de cette période, l'Agence a mis au jour et confirmé certaines tendances criminelles dans le cadre d'initiatives fondées sur la collecte de renseignements, la gestion de projets et le maintien de l'ordre.

Depuis sa fondation, les cibles essentielles de l'Agence sont le crime organisé d'origine asiatique et les bandes de motards criminalisées Outlaw, qui sont considérés comme étant les deux principales menaces dans notre province, même si d'autres groupes essaiment aussi. La mondialisation du crime organisé a favorisé la création d'alliances entre de nombreux groupes, phénomène qu'il faut attribuer aux profits énormes que génère le trafic des drogues illicites. Ces alliances se forment continuellement et prennent un caractère permanent ou semi-permanent, ou parfois ponctuel, selon les circonstances.

Avant de parler de certains groupes, je dois rappeler l'importance de la culture de la marijuana en Colombie-Britannique. On estime qu'il existe entre 15 000 et 20 000 plantations illégales dans la vallée du bas Fraser, et la valeur annuelle du trafic de la marijuana représente autour de 6 milliards de dollars. Ce sont là des estimations prudentes. Les profits de cette industrie nourrissent le crime organisé dans la province et financent l'importation et la fabrication de drogues qui sont beaucoup plus nocives pour la santé et la sécurité des Canadiens.

Je vais d'abord parler du crime organisé d'origine asiatique et des Dai Huen Jai, ou comme on les appelle communément, les Big Circle Boys. Ils sont actifs en Colombie-Britannique depuis qu'ils sont arrivés de la Chine continentale vers 1986, et Vancouver était leur première escale. Ils sont aujourd'hui sûrement présents dans toute l'Amérique du Nord, et ils ont également pris leur place dans le crime organisé en Europe.

Ils sont présents dans de nombreuses activités criminelles, dont la contrefaçon de cartes de crédit à grande échelle. En fait, on considère que Vancouver est le centre nord-américain de cette activité. Cependant, d'après des enquêtes récentes, il est évident qu'ils se sont tournés vers le courtage de la marijuana de la Colombie-Britannique pour les groupes de criminels organisés vietnamiens de la province, et ils facilitent maintenant l'exportation de la marijuana vers les États-Unis. Ils font de si bonnes affaires qu'au cours de la dernière année, des membres de ce groupe ont également ouvert leurs propres plantations illégales.

On a noté également au cours de la dernière année leur présence dans l'importation et la fabrication du MDMA ou Ecstasy. Il y a plusieurs années que ce groupe importe de l'héroïne, tant pour le marché local que pour la distribution dans l'est du Canada et la côte est américaine.

Les groupes criminels vietnamiens sont très présents dans la culture de la marijuana en Colombie-Britannique au niveau des planteurs, des courtiers et des revendeurs. Bon nombre de ces groupes échangent directement cette marijuana conter de la cocaïne aux États-Unis, et ils importent la cocaïne dont ils font le trafic à tous les niveaux dans notre province. Ils accumulent également des dollars américains, et l'on estime que plusieurs millions de dollars quittent notre pays chaque mois et sont investis au Vietnam, surtout dans l'immobilier.

Les opérations policières de la dernière année, qui ont été menées de concert avec l'escouade antidrogue du Service de police de Vancouver, ont nui à l'approvisionnement en drogue dans la région de Los Angeles, où certaines cellules de planteurs vietnamiens ont été démantelées. Les rivalités entre divers groupes vietnamiens concernant le trafic de drogues ont été à l'origine de plusieurs homicides et voies de fait graves au cours des dernières années.

J'aimerais maintenant parler des bandes de motards criminalisées Outlaw. De nombreux membres des Outlaw sont présents dans le trafic de drogues, tant à l'échelle locale qu'internationale. Ils font entre autres le trafic de la cocaïne, de la marijuana, du MDA, qui est une amphétamine, et du MDMA, ou Ecstasy. Ces groupes contrôlent de nombreuses plantations de marijuana, intérieures et extérieures, et assurent le courtage et l'exportation de ce produit.

• 1410

On estime que les groupes de motards Outlaw et les bandes vietnamiennes contrôlent environ 85 p. 100 du trafic en Colombie-Britannique.

Dans de nombreux cas, on échange directement la marijuana contre de la cocaïne, qui est ensuite importée et vendue en gros par le biais de la sous-culture des bars et des boîtes de nuit. Ils sont aussi très actifs au niveau de la fabrication et du trafic du MDA et du MDMA, de même que de leurs précurseurs. On sait que la consommation Ecstasy a été à l'origine du décès de deux jeunes gens récemment à Vancouver.

La violence est également endémique au sein de ce groupe. De nombreux homicides et des voies de fait graves, dont beaucoup n'ont pas été officiellement signalées, ont été commis au cours des dernières années. D'autres groupes de criminels organisés n'ont pas été expressément mentionnés dans ce rapport; cependant, tous sont présents, dans une large mesure, dans le trafic de drogues, et tous, sans exception, se servent des profits qu'ils tirent de la marijuana de la Colombie-Britannique pour importer et fabriquer d'autres drogues à plus grande échelle. Il s'agit ici de groupes de criminels organisés d'Europe orientale, de criminels organisés indo-canadiens, de groupes de criminels organisés indépendants et du groupe organisé traditionnel, mieux connu sous le nom de Mafia.

L'Agence du crime organisé de la Colombie-Britannique, de concert avec l'ADRC, la GRC, le Service de police de Vancouver et celui de Delta, prend part à des opérations de collecte de renseignements et de maintien de l'ordre aux ports. Je crois qu'un bref commentaire s'impose ici au sujet des ports.

Les ports de mer de Colombie-Britannique sont infiltrés depuis longtemps par les groupes de criminels organisés. Ils s'en servent pour faciliter l'importation de nombreux types de drogues, dont les plus connues sont la cocaïne et l'héroïne. Cette question est étudiée en ce moment par le comité du Sénat sur le crime organisé dans les ports et la sécurité des ports de mer.

Voilà qui constitue mon mémoire. Si le comité a des questions, je serai très heureux d'y répondre. Merci.

La présidente: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant entendre le surintendant Carl Busson de la GRC.

Surintendant Carl Busson (officier responsable, Sous-direction de la police des drogues, Gendarmerie royale du Canada): Merci, madame la présidente.

J'aimerais vous dire brièvement en quoi consiste le mandat de la Sous-direction de la police des drogues. Nous avons pour mandat d'accorder priorité absolue aux organisations internationales et interprovinciales qui s'occupent de la production et de la distribution de drogues illicites. Les enquêtes à ce niveau se butent toujours à un élément très évolué du crime organisé qui pratique le trafic de la drogue.

La Sous-direction de la police des drogues a aussi un service qui est chargé de mettre en oeuvre un programme de sensibilisation aux drogues dans le but d'assurer la protection des citoyens et d'atténuer les toxicomanies et les problèmes qui y sont reliés. Les groupes cibles de cette stratégie sont les jeunes, les parents, les lieux de travail et les groupes de citoyens.

Si l'on trace un portrait d'ensemble de la situation des drogues en Colombie-Britannique, qui reflète celle du Canada, le trafic de drogues demeure la principale source de revenus de la plupart des groupes de criminels organisés. L'Ecstasy est devenue une drogue importante, au même titre que le cannabis, l'héroïne et la cocaïne. Le marché des drogues illicites au Canada peut générer des profits dépassant les 4 milliards de dollars au niveau du gros et de 18 milliards de dollars au détail.

Les groupes de criminels organisés d'origine asiatique demeurent très présents dans l'importation de l'héroïne en Colombie-Britannique et ailleurs au Canada. Nos renseignements indiquent également que ces mêmes groupes prennent une part importante à l'importation d'Ecstasy. Les bandes de motards Outlaw conservent leur place dans l'importation et la distribution de cannabis, de cocaïne et de drogues chimiques. En Colombie-Britannique, elles sont également actives dans l'exportation de cannabis.

À plusieurs reprises, les groupes de criminels organisés ont combiné leurs ressources pour importer des drogues au Canada et uni leurs efforts pour faciliter le blanchiment d'argent tiré de la drogue.

Rien ne permet de croire que la légalisation ou la décriminalisation des drogues à usage non médical éliminerait ou réduirait les effectifs des groupes de criminels organisés. Le statut illégal d'une substance n'est qu'un irritant mineur pour les organisations criminelles. Le profit est le facteur qui les motive. Nous voyons ces groupes prendre part aux activités illégales entourant l'alcool et le tabac.

• 1415

L'autre aspect de notre mandat fait intervenir le service de sensibilisation aux drogues qui est chargé de la prévention. Ce service consacre ses efforts aux programmes de sensibilisation aux drogues à long terme, lesquels sont soutenus par des initiatives à court terme. Les programmes à long terme approuvés à l'échelle nationale sont le Programme de sensibilisation aux effets de la drogue, mieux connu en anglais sous le sigle DARE; le programme «Notre bouclier» pour les jeunes Autochtones; La drogue et le sport; La drogue et les phénomènes sociaux; et La solution gagnante: les drogues en milieu de travail. Les programmes de sensibilisation à court terme approuvés à l'échelle nationale sont «Dans les deux sens: les parents, les enfants et la drogue», «Racing Against Drugs» et ÉCUSSON.

La meilleure arme contre la toxicomanie réside dans les activités de sensibilisation et de prévention. Mais les activités de prévention ne réussiront que si on arrive à limiter l'offre.

J'ai quelques données d'un sondage réalisé auprès des étudiants du Manitoba que j'aimerais vous communiquer. Les résultats de ce sondage ont été rendus publics en octobre 2001.

La plupart des étudiants n'approuvent pas l'ivresse au volant, mais ils sont moins inquiets de la conduite sous l'influence du cannabis; 40 p. 100 des étudiants ont déclaré avoir consommé des drogues au cours de la dernière année, et parmi les consommateurs, 58 p. 100 en ont pris dans un véhicule et 48 p. 100 en ont consommé pendant les heures normales d'école.

Ces constatations illustrent la nécessité d'élargir les efforts de prévention et les programmes d'intervention. Il faut mieux éduquer les gens aux problèmes relatifs à la conduite avec facultés affaiblies. Le risque d'accident, s'il est élevé, est comparable au risque d'accident lorsqu'on a les facultés affaiblies par l'alcool.

Voici quelques constatations tirées de sondages réalisés auprès d'étudiants de l'Ontario de 1991 à 1999.

On voit moins le danger que posent les drogues. On désapprouve moins la consommation de drogues. La désapprobation frappant la consommation de la cocaïne a faibli de 55 p. 100 à 42 p. 100, et la désapprobation entourant la consommation habituelle de marijuana a baissé de 61 p. 100 à 43 p. 100. Il y a eu une hausse de la consommation des drogues depuis 1993. La consommation abusive d'alcool, le tabagisme et l'usage du cannabis ont connu une hausse se situant entre 10 et 16 p. 100, le cannabis présentant la plus forte augmentation à 16 p. 100. La consommation d'Ecstasy a augmenté de moins d'1 p. 100 à 5 p. 100. La consommation d'hallucinogènes a augmenté de 11 p. 100. Le nombre d'étudiants consommant quatre drogues ou davantage a augmenté de 21 p. 100. Le nombre d'étudiants ne consommant aucune drogue a chuté de 9 p. 100.

Le gouvernement fédéral pourrait donner un coup de main dans plusieurs secteurs, notamment en augmentant les crédits réservés aux unités antidrogue, en ciblant les groupes de criminels organisés, en mettant en oeuvre des programmes de sensibilisation aux drogues et en adoptant les modifications proposées à la loi sur les profits de la criminalité.

En terminant, je tiens à vous remercier de m'avoir invité à vous parler cet après-midi.

La présidente: Merci beaucoup, surintendant Busson.

Nous allons maintenant entendre le chef de police Ian Mackenzie du Service de police d'Abbotsford.

Le chef de police Ian Mackenzie (Service de police d'Abbotsford): Merci, madame la présidente. Je tiens moi aussi à remercier le comité d'avoir accepté de m'entendre.

La composition de votre comité montre bien que nous sommes aux prises avec un problème complexe: aspects internationaux; crime organisé; et dégradation du coeur des grandes villes comme Vancouver, dont l'inspecteur Heed vous parlera sans doute. Mais ce que je trouve très utile, et j'en remercie le comité, c'est la possibilité qui m'est donnée de faire valoir dans ce débat le point de vue d'une ville de plus petite taille. Abbotsford compte environ 120 000 habitants, et je crois qu'on y retrouve un reflet assez fidèle de l'ampleur du problème des drogues et de certains problèmes sociaux qui résultent de la consommation non médicale de drogues. Vous faites très bien de ne pas vous en tenir exclusivement aux grandes villes, et je vous en félicite.

J'ai remis à votre personnel un rapport que je vous demanderai simplement de lire si vous en avez le temps, mais je ne vous en donnerai pas une lecture complète. Il y a cependant quelques aspects que je pourrais peut-être souligner.

• 1420

Je suis dans la police depuis 25 ans, dont 17 au Service de police de Vancouver. J'ai passé plusieurs de ces années dans la partie est du centre-ville de Vancouver.

Lorsque je suis arrivé à Abbotsford il y a huit ans, j'ai été frappé par le grand nombre de points communs entre cette ville et Vancouver. Il est vrai que ça se voyait moins, que c'était moins évident, mais les mêmes problèmes liés aux drogues existent aussi bien à Abbotsford qu'à Vancouver, et je dirais que c'est pas mal le cas de n'importe ville, petite ou grande, et des régions rurales de notre pays. J'ai trouvé cela intéressant. Je ne sais pas à quoi je m'attendais au juste, mais à quelque chose de légèrement différent, je pense.

À Abbotsford, il y a le vieux quartier de la ville qu'on appelle le vieux centre-ville d'Abbotsford. M. White vous en a peut-être déjà parlé, mais c'est un secteur où nous éprouvons des problèmes relatifs au maintien de l'ordre qui sont très semblables à ceux que j'ai vécus comme policier dans la partie est du centre-ville de Vancouver—ce ne sont pas des problèmes aussi aigus mais ce sont largement les mêmes. On y pratique le trafic de la drogue en plein jour. Il y a des prostituées dans les rues. Une partie de la ville se détériore physiquement.

Je ne blâme pas seulement les drogues, mais il y a à mon avis un lien. Certains juristes et universitaires vous auront peut-être dit qu'il n'y a pas de rapport entre l'alcool, la drogue et le crime. J'ai entendu certains universitaires le dire; je ne sais pas si vous avez entendu ça ou non.

Je cite l'ancien juge en chef Peter Cory dans l'affaire Daviault, qui disait qu'il n'y a pas de lien confirmé entre la consommation d'alcool et le crime violent. Je paraphrase ses propos, mais c'est essentiellement ce qu'il a dit.

Je suis dans la police depuis 25 ans, et je pense que les personnes qui m'accompagnent vous le diront aussi, et je peux vous affirmer qu'il y a indéniablement un lien entre la toxicomanie et le crime.

Le rôle de la police est assez simple. Nous sommes là pour prévenir le crime, faire respecter la loi et maintenir la paix. Les services de police de tout le Canada, même depuis l'avènement de la police sociopréventive, concentrent largement leurs efforts sur le respect de la loi. La police sociopréventive est un moyen qui nous permet sûrement de maintenir la paix dans les rues et peut-être de prévenir la criminalité, même si j'ai parfois des doutes à ce sujet.

Mais si vous prenez des endroits comme le centre-ville d'Abbotsford—et je ne vais pas parler à la place de Kash—et peut-être la partie est du centre-ville de Vancouver, vous allez voir que la police y déploie des ressources considérables, mais la détérioration est quand même manifeste à divers stades. Je crois qu'il nous faut de toute évidence une stratégie plus globale.

Je ne vais pas entrer dans les détails, mais je prie le comité d'aller parler aux agents de police qui maintiennent l'ordre dans ces secteurs. En ma qualité de chef de police, je peux parler de notre politique, de la loi et du rôle de la police dans la mise en oeuvre de cette politique et de la loi.

Comme je l'ai dit, si la loi du pays cherche à contrer le phénomène de la drogue par la criminalisation—je suis peut-être un peu radical ici, mais c'est tant pis—je ne crois pas que cela ait nécessairement très bien marché. Je ne dis pas qu'il ne faut pas faire respecter la loi en ce qui concerne le trafic de la drogue, les planteurs de marijuana, le crime organisé, ces choses dont ont parlé le surintendant Busson et le chef adjoint Ditchfield. De toute évidence, cela doit se faire. Mais quand on parle de certaines activités qui ont trait à la drogue que l'on voit dans les rues et à la criminalité qui y est reliée, je pense qu'il faut se poser la question: pourquoi les gens commettent-ils des crimes pour se procurer des drogues?

Eh bien, la réponse est évidente. Ils ont une dépendance. Je ne tiens pas là des propos extrémistes, je ne crois pas, c'est peut-être un peu la perspective de la police, mais il me semble qu'il faut s'attaquer à la racine du problème. Ce qui veut dire que nous devons envisager des aspects comme le traitement, l'intervention, et l'intervention forcée, je dirais.

Si quelqu'un a une dépendance envers une drogue—et je suis conscient de l'aspect libertés civiles de la question—et que cette personne est arrêtée pour possession de drogue, par exemple, c'est à mon avis le moment tout trouvé pour l'aider, si nécessaire, en invoquant la loi, pour soigner cette personne, et non pas avec son accord, parce que bon nombre de ces gens n'ont pas la volonté de se faire soigner.

• 1425

Si je me souviens bien, on a jugé anticonstitutionnelles les expériences qu'on a faites en Colombie-Britannique au milieu des années 70 qui obligeaient les héroïnomanes à se faire soigner. Si vous cherchez une solution énergique, songez à des idées comme celles-là.

En guise de dernière observation liée à cette question, je dirais que les toxicomanes ne sont pas par définition des êtres immoraux et que la toxicomanie n'est pas en soi une activité criminelle. Le crime émane de la toxicomanie, et si crime il y a, la police doit y voir, mais je crois qu'il serait très sage que notre société envisage la question à partir d'une perspective de santé publique, de même que dans une perspective pénale. Et c'est à ce moment-là qu'on entre dans des domaines comme le traitement et la réduction des méfaits. Si l'on parle de réduction des méfaits, et je crois que cela fait partie de votre mandat, je crois qu'il faut être prudent et ajuster sa stratégie à chaque localité. Je crois que la réduction des méfaits offre suffisamment d'options, et qu'il existe suffisamment de recherches démontrant que la réduction des méfaits doit être considérée comme une stratégie qui saura remédier aux problèmes de santé dont souffrent ces toxicomanes et les personnes qui ont une dépendance envers l'alcool et d'autres substances.

C'est essentiellement ce que j'ai dit dans mon mémoire, je m'arrêterai donc là, et si vous avez des questions, je serai heureux d'y répondre.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Mackenzie. J'ai jeté un coup d'oeil sur votre texte. Je crois qu'il y a d'autres éléments intéressants là-dedans, et les membres du comité ont tous des copies des mémoires qui nous ont été remis aujourd'hui.

Nous allons maintenant entendre l'inspecteur Kash Heed du Service de police de Vancouver.

L'inspecteur Kash Heed (chef, Section des moeurs et des drogues, Service de police de Vancouver): Merci, madame. J'aimerais dire ceci au sujet des propos du chef Mackenzie.

J'ai souvent le sentiment d'être le seul à penser ce que je dis à ce sujet; il est donc encourageant d'entendre un homme de ce calibre tenir ici des propos qui sont semblables aux miens. Donc, merci beaucoup.

Mesdames et messieurs, je tiens à vous remercier de m'avoir invité cet après-midi. Il me sera peut-être difficile de m'en tenir aux 10 minutes qui me sont imparties étant donné les nombreux problèmes relatifs aux drogues avec lesquels les responsables policiers sont aux prises à Vancouver. Néanmoins, je tâcherai d'être bref.

Il m'a été donné récemment de témoigner devant le comité spécial du Sénat sur les drogues illicites. Même si mes propos se limitaient à la consommation du cannabis, on a également discuté de la consommation non médicale des drogues. J'espère que mon exposé d'aujourd'hui ne sera pas aussi controversé que celui-là.

Je m'efforcerai aujourd'hui de ne pas répéter ce qui a été dit, à moins que la discussion qui suivra mon exposé ne m'y oblige, et je ne répéterai pas non plus ce que mes collègues d'aujourd'hui ont dit ou diront. Mon exposé a pour objet de mettre en relief les grands problèmes relatifs à la drogue avec lesquels la police de Vancouver est aux prises.

Vancouver est l'une des villes les plus belles et les plus dynamiques du monde. C'est la porte du littoral Pacifique, et c'est le coeur du commerce ici. Malheureusement, cette ville présente également un aspect sombre.

En plus d'être le centre d'un commerce légitime, Vancouver est aussi un centre du trafic de la drogue. Il est bien connu que le coeur du trafic de la drogue dans notre ville est la partie est du centre-ville. Les effets du trafic de la drogue généralisé et de la dégradation urbaine qui l'accompagne sont dramatiques. La drogue de prédilection est de plus en plus le crack ou la cocaïne que l'on s'injecte, une drogue qui oblige ses victimes hyperactives à se piquer jusqu'à 20 fois par jour ou davantage. Pour entretenir leur dépendance, les toxicomanes se tournent vers le crime, surtout les crimes contre la propriété. Pour approvisionner les toxicomanes, les trafiquants accroissent leur présence, se disputant violemment le territoire 24 heures par jour. Le commerce dans les rues et les clients ont chassé du secteur un grand nombre de marchands honnêtes, qui ont laissé derrière eux des magasins fermés et des vitrines condamnées.

L'augmentation des injections intraveineuses de drogues et du partage de seringues a contribué à la propagation du VIH, et le nombre de décès causés par surdose est en moyenne de 147 par année depuis sept ans.

• 1430

La mise au point de stratégies visant à contrer la consommation et la vente de drogues est un thème central de tout plan de revitalisation de la partie est du centre-ville de Vancouver. Nombreux sont ceux qui font valoir que le système de justice pénale est impuissant à aider ceux qui vendent des drogues ou commettent des crimes pour entretenir leur dépendance. D'autres disent que la toxicomanie est essentiellement un problème de santé et que la solution réside dans l'accroissement des services aux toxicomanes. Heureusement, la plupart des observateurs s'entendent pour dire que ces problèmes nécessitent une approche nationale, provinciale, régionale ou communautaire, ou une combinaison de telles approches.

Dans le cadre de l'accord de Vancouver, tous les paliers de gouvernement sont disposés à unir leurs efforts pour mettre en oeuvre un cadre d'action coordonné et exhaustif visant à régler le problème de la drogue à Vancouver. Cependant, il subsiste des difficultés dans la définition des rôles et des responsabilités, ainsi qu'au niveau du financement.

La police de Vancouver reconnaît qu'il faut venir en aide à la majorité des toxicomanes en marge du système d'application de la loi. Nos agents s'entendent de plus en plus pour dire que la dépendance à l'égard des drogues est beaucoup plus un problème de santé qu'un problème de maintien de l'ordre.

Nous donnons à nos agents une grande latitude lorsqu'il s'agit d'arrêter des personnes qui ont des problèmes de dépendance et qu'on retrouve en possession de petites quantités de drogues pour consommation personnelle. Cependant, ces mêmes agents sont irrités de voir qu'on ne dispose que de ressources et de services limités pour venir en aide aux toxicomanes.

• 1435

Les toxicomanes sont aux prises avec un contexte unique sur le plan social, économique, physique et juridique. Dans de nombreux cas, lorsqu'on cherche une solution juridique pour un toxicomane, les processus traditionnels de la justice criminelle, par exemple l'application régulière de la loi, le contrôle de la criminalité, ou le modèle administratif, ne sont peut-être pas les meilleurs moyens à employer. Il faut envisager diverses méthodes de déjudiciarisation et d'autres options à la détermination de la peine traditionnelle. Par exemple, on pourrait utiliser un modèle médical semblable au traitement pour toxicomanie imposé par le tribunal, où la toxicomanie est soignée à une série de services de soutien.

Même si le problème de la drogue est considérable à Vancouver, en réalité, c'est un problème régional, national et international. Le trafic de la drogue ne connaît pas de frontières. Les profits à tirer du trafic de la drogue sont si énormes qu'ils sont à peine entamés par les grandes saisies de produits acheminés vers le marché. Il y a des décennies que des entreprises criminelles extrêmement organisées contrôlent le trafic de la drogue. L'ampleur même du marché de la drogue et l'ingéniosité des organisations criminelles qui en font le trafic dépassent les services policiers. Si l'on veut réduire l'offre, il faut intervenir à plusieurs niveaux du maintien de l'ordre.

Comme c'est le cas dans de nombreuses autres villes, la base de la lutte contre la toxicomanie à Vancouver demeure la police. On estime que 82 p. 100 du budget de la police est consacré aux problèmes liés d'une manière ou d'une autre à la toxicomanie. Récemment, on a modifié le mandat de la section antidrogue du Service de police de Vancouver pour venir en aide aux partenaires de l'accord de Vancouver. Les policiers tentent par tous les moyens de perturber ou à d'interrompre le trafic de la drogue en plein jour en pourchassant sans cesse les trafiquants. Les ressources antidrogue de la police visent uniquement ceux qui profitent de la vente de la drogue, et non les toxicomanes.

• 1440

De juin à septembre 2001, 200 trafiquants ont été arrêtés dans la partie est du centre-ville. Les statistiques descriptives qui ont été compilées sur ces 200 trafiquants ont révélé ce qui suit: l'âge moyen du trafiquant était de 31 ans—le plus jeune avait 14 ans et le plus vieux 60 ans; 82 p. 100 étaient des hommes, 18 p. 100 des femmes; 45 p. 100 vivent dans le centre-ville est, 32 p. 100 ailleurs dans la ville, et 8 p. 100 à l'extérieur de la ville; 78 p. 100 des trafiquants vendaient de la cocaïne, 6 p. 100 de la marijuana, 6 p. 100 de l'héroïne, 6 p. 100 de la cocaïne et de l'héroïne; 65 p. 100 étaient nés en Amérique du Nord; 16 p. 100 étaient originaires de l'Amérique latine, 7 p. 100 de l'Asie; 80 p. 100 étaient citoyens canadiens, 8 p. 100 immigrants reçus; 7 p. 100 réfugiés, et 3 p. 100 étaient en instance de déportation; 55 p. 100 des trafiquants ont été arrêtés au moins deux fois au cours de cette période; 41 p. 100 des trafiquants s'étaient engagés à comparaître devant les tribunaux, et 14 p. 100 étaient en probation au moment de leur arrestation; 63 p. 100 des trafiquants profitaient du soutien au revenu. Le profil du trafiquant de drogues que révèlent ces statistiques démythifie bon nombre d'idées reçues qu'on se fait au sujet des trafiquants.

Nous nous préparons à faire face à une autre vague de stupéfiants à Vancouver, accompagnée de ses propres sous-ensembles de problèmes. On semble constater une vague d'abus de stimulants synthétiques à Vancouver. C'est manifeste dans les partys rave à la mode et un peu partout dans la vie nocturne de nos villes. Il y a eu récemment des décès par surdose et plusieurs saisies importantes de stimulants de type amphétamine destinés aux rues de notre ville. La fabrication clandestine de stimulants de type amphétamine se fait dans toute la région. Contrairement aux stupéfiants qui partent d'une substance végétale, les drogues synthétiques peuvent être fabriquées à partir de substances chimiques qu'on peut trouver ou produire n'importe où au Canada. Ces drogues ne nécessitent pas un trafic sur de grandes distances comme c'est le cas pour les drogues cultivées. Il en résulte des marges de profits beaucoup plus importantes.

Les dangers physiques et les risques pour la santé qu'entraîne ce type de production et de consommation dépassent de loin tous les problèmes auxquels nous faisons face actuellement. Nos collègues américains nous informent que l'augmentation la plus prononcée survenue dans la consommation de drogues concernait des drogues synthétiques. Certains spécialistes en prospective prédisent que les drogues cultivées deviendront démodées, et seront remplacées par les stimulants hautement toxicomanogènes et dangereux de type amphétamine.

Les installations d'injection supervisée, lancées à titre de projet pilote, nécessitent qu'on s'écarte des exigences strictes de la loi. Pourtant, cette mesure controversée doit faire partie du discours sur la réduction des méfaits. Le principal objectif des installations d'injection supervisée est de permettre aux utilisateurs de drogues injectables de s'en injecter dans un environnement sûr, hygiénique, contrôlé et discret, au lieu de le faire en public. On s'oppose énergiquement et bruyamment à l'établissement de ces installations, faisant valoir plusieurs arguments soulignant les inconvénients associés à une telle mesure. L'un des arguments cités le plus souvent contre cette idée est qu'elle présenterait un grand attrait pour les consommateurs et les trafiquants de drogues des autres régions, mais il y a de fortes indications montrant que cette hypothèse est fausse. Un moyen qui réduirait la possibilité de concentrer la population dans un seul secteur consisterait à établir plusieurs installations dans un certain nombre de collectivités.

En dépit du débat en cours sur les avantages ou les inconvénients des installations d'injection supervisée, il faut quand même s'occuper immédiatement des très graves problèmes de santé associés à l'utilisation de drogues injectables. La propagation de maladies et le risque de mort associé à l'utilisation de drogues injectables mettent les gens en danger. Il peut sembler étrange d'investir des ressources dans des programmes d'échanges de seringues pour réduire la possibilité de contracter le VIH, l'hépatite B et l'hépatite C, ou d'autres maladies, mais sans offrir d'autres mesures aux utilisateurs de drogues injectables qui sont forcés de se piquer dans des environnements sales comme les ruelles, des chambres miteuses, ou des immeubles abandonnés.

Permettez-moi de préciser qu'il y a des limites à ce que la police peut faire sans l'appui de services de santé complémentaires visant à amener les gens à quitter la rue et à participer à un ensemble de programmes de lutte contre la toxicomanie. Il est important de se rappeler que l'établissement d'installations d'injection supervisée constitue seulement l'un des éléments des stratégies à plusieurs volets nécessaires pour lutter contre la toxicomanie.

• 1445

Dans plusieurs milieux, on insiste fortement sur la nécessité de prendre des mesures innovatrices et créatrices, si nous voulons réussir à maîtriser ce qui est devenu un problème urgent. On reconnaît la gravité du problème et l'on reconnaît de plus en plus qu'il faut faire quelque chose pour comprendre et réduire la demande de drogues. En outre, les stratégies de réduction de l'offre doivent être jugées en fonction de leur effet sur la demande de la part des consommateurs qui font face à une diminution des drogues disponibles. En fin de compte, les stratégies visant à réduire l'offre doivent aller de pair avec les stratégies visant à réduire la demande. Les stratégies d'exécution de la loi doivent être le complément des efforts des organismes de santé et de services sociaux. Nous serons heureux de collaborer avec vous pour trouver des solutions efficaces au problème de drogue à Vancouver.

Merci.

La présidente: Merci, inspecteur Heed.

Nous entendrons maintenant Brian Flagel, de l'ADRC.

M. Brian Flagel (directeur, Services frontaliers des douanes, district de l'Aéroport international de Vancouver, Agence des douanes et du revenu du Canada): Madame la présidente, je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser au comité.

Je sais que vous avez entendu d'autres représentants de Douanes Canada, et je suis persuadé qu'ils vous ont décrit le mandat et les méthodes de fonctionnement de notre agence. Je me contenterai donc de vous parler des opérations douanières dans la région du Pacifique. J'espère pouvoir délimiter un contexte pour votre discussion.

Le document qu'on vous a remis présente l'analyse volumétrique et les schémas de croissance du travail des douanes dans la région du Pacifique. Comme vous pouvez le voir, nous avons connu une croissance considérable pour ce qui est de tous les modes de transport ces dernières années. L'an dernier, dans la région du Pacifique, nous nous sommes occupés d'environ 14 millions de véhicules entrant au Canada, de plus de 4,5 millions de passagers aériens, de 5,1 millions d'envois commerciaux, et de plus de 1 million de conteneurs maritimes.

Le service des douanes est différent des autres agences d'exécution de la loi représentées à cette table. En plus de notre rôle dans l'application de la loi, nous avons un rôle important à jouer dans la facilitation du commerce et du tourisme, et une grande partie de nos ressources est donc consacrée à ces fonctions.

Nous sommes chargés d'administrer plus de 70 lois différentes pour plus de 40 ministères différents. Une partie de cette activité est liée au commerce. Une autre partie concerne l'exécution de la réglementation prévoyant des sanctions pénales. Tout cela vise à protéger l'économie canadienne.

En ce qui concerne la recherche de stupéfiants, nous estimons souvent que ces activités sont équivalentes à la recherche de la fameuse aiguille dans une botte de foin. Heureusement, les crédits supplémentaires que nous avons obtenus dans le cadre de la stratégie canadienne antidrogue et la concentration de nos efforts dans une stratégie axée sur la contrebande ont aidé Douanes Canada à réussir encore mieux dans sa lutte contre le trafic de drogues. Nous avons également réaffecté au programme de lutte contre le trafic de drogues les ressources économisées grâce à l'automatisation.

L'amélioration de nos systèmes automatisés et un meilleur accès aux fichiers judiciaires nous ont permis d'identifier plus de personnes suspectes et d'envois suspects. Nous avons également investi considérablement dans la technologie—radiographie, scanographie par ions et d'autres—ce qui nous a aidés dans nos efforts de lutte contre le trafic des stupéfiants.

Nos efforts de partenariat comme dans le cadre des équipes intégrées de la police des frontières (EIPF), et avec l'Agence du crime organisé, nous ont permis d'accroître considérablement les communications nécessaires entre les divers organismes ainsi que la coopération nécessaire au succès de la lutte antidrogue.

Le rôle principal des Douanes dans la lutte antidrogue est la répression du trafic, c'est-à-dire que nous devons intercepter les drogues avant leur entrée dans le pays. Presque toutes nos saisies de drogues sont le fruit de ce que nous appelons des découvertes fortuites. Cela signifie que nous ne possédions pas d'information préalable sur la personne ou sur l'envoi. On se trompe en pensant que nous sommes bien au courant de ce qui se passe vraiment, du côté des importations. Nous savons peut-être qui sont les responsables les plus haut placés, mais très peu de gens savent qui apporte effectivement les drogues, jusqu'au moment de leur arrivée.

Nous nous fions exclusivement à notre programme de gestion des risques et de ciblage pour identifier les voyageurs et les envois à risque élevé. Les réponses que le voyageur donne à un agent de douanes ou l'information sur l'expédition pour l'envoi commercial ou par service de messagerie sont les facteurs qui déterminent le niveau de fouille dont fera l'objet une personne ou un envoi.

Les douanes constituent le principal mécanisme d'examen de toutes les marchandises et personnes entrant au Canada. À bien des égards, nous sommes des touche-à-tout. Nous travaillons au nom de plusieurs autres ministères et organismes, ainsi que pour nos partenaires dans le domaine de l'exécution de la loi. Fait intéressant, nous avons constaté que les indices pouvant nous amener à soupçonner qu'une personne se livre au trafic de stupéfiants sont les mêmes qu'on utilise pour identifier un migrant clandestin, un passeur, un terroriste, et bien d'autres criminels. Ils ont tous recours aux mêmes façons de voyager, ou de faire des envois. Ils vont même jusqu'à raconter essentiellement les mêmes histoires, lorsqu'on leur pose des questions.

La nature imprévisible de l'interception de drogues par les Douanes cause des difficultés à nos partenaires en matière d'exécution de la loi, ceux qui sont chargés des enquêtes sur la drogue au-delà du point d'entrée. Il est difficile d'organiser une livraison contrôlée dans le peu de temps dont nous disposons avant que les destinataires des drogues commencent à avoir des doutes. Si l'on ignore que les drogues s'en viennent et que soudainement les Douanes les ont, il est extrêmement difficile d'essayer de monter une opération pour réussir à organiser une livraison contrôlée, et très souvent nous n'avons pas le temps voulu pour organiser avec succès des livraisons contrôlées.

• 1450

Contrairement aux services des douanes de plusieurs autres pays, Douanes Canada n'a pas de mandat pour la lutte antidrogue à l'intérieur du pays. Les machinations internes demeurent l'une de nos plus grandes préoccupations. Je devrais expliquer que j'entends par là des personnes qui se trouvent dans des postes de confiance ou des postes—à l'intérieur des aéroports, sur les quais—qui leur permettent de faciliter la contrebande de marchandises.

Un projet de loi adopté récemment, le projet de loi S-23, permettra de remédier à certains des problèmes que les Douanes éprouvaient depuis longtemps en ce qui concerne les gens qui sont entrés en contact avec des personnes et des marchandises entrant au pays. Jusqu'à récemment, il était presque impossible aux agents des douanes de fouiller quelqu'un qu'on soupçonnait d'avoir reçu des marchandises—des drogues ou d'autres produits de contrebande—d'un passager, par exemple, arrivant au Canada.

Le projet de loi S-23 nous donne aussi accès au SIPV-PNR, c'est-à-dire au système d'information préalable sur les voyageurs, ce qui nous aidera à identifier préalablement les voyageurs suspects. La nouvelle loi sur les produits de la criminalité nous aidera également à prévenir davantage les activités criminelles liées à la drogue et à prendre des mesures immédiates qui nous permettront de fournir à nos partenaires en matière d'exécution de la loi de meilleurs renseignements pour leurs enquêtes.

Douanes Canada reste déterminée à protéger la population contre l'importation de stupéfiants et d'autres drogues nocives. Je crois que les dernières modifications législatives, jointes à un financement continu et peut-être accru de notre programme de lutte contre le trafic de drogues, ainsi qu'un accroissement des partenariats, nous permettront de poursuivre nos efforts fructueux.

Merci.

La présidente: Merci.

Dans vos diapositives, vous nous avez donné beaucoup d'informations sur les machinations internes et le crime organisé, et je suis persuadée que cela suscitera des questions.

Messieurs, je vous remercie beaucoup de vos exposés.

Nous passons maintenant à la période de questions et réponses. Étant donné le temps dont nous disposons, pourquoi ne commençons-nous pas par des tours de cinq minutes? Nous verrons ce que nous parviendrons à faire. Ce serait merveilleux si chacun pouvait avoir son tour.

M. Randy White: Nous essaierons d'être brefs et d'obtenir des réponses brèves.

Je vous remercie, messieurs, d'être venus. Vous savez, beaucoup de gens comptent sur vous pour faire en sorte qu'il y ait peu de drogues en circulation dans nos rues.

Je ne dirais pas que la stratégie de lutte antidrogue a été très efficace—la stratégie qui est censée être en vigueur dans ce pays. En fait, je n'ai encore trouvé personne qui dise qu'elle est efficace. Je ne suis pas certain que nous réussissions.

Je veux demander à chacun d'entre vous quel est à votre avis le rôle principal du gouvernement fédéral à cet égard, et je vous demanderais d'être relativement brefs, parce que j'ai encore quelques questions à poser.

Nous sommes censés faire des recommandations à la fin de cette étude, afin qu'on puisse élaborer une stratégie de lutte antidrogue qui soit efficace et sensée, alors si vous pouviez recommander des mesures qui aideraient...

Je tiens aussi à mentionner qu'il y a une différence bien souvent entre ce que disent les membres de l'Association des policiers et ceux de l'Association des chefs de police. J'ai rencontré les membres d'un groupe appelé Through a Blue Lens, et un certain nombre d'autres policiers à Abbotsford il y a quelques semaines. Certains d'entre eux disaient que quiconque préconise la création d'endroits sûrs pour l'injection de drogues et de programmes d'échange de seringues est mal informé et que cela montre qu'on ne croit plus au processus, et ainsi de suite.

Il y a des différences entre ce que pensent les policiers qui font de la patrouille, dirais-je, et ceux qui travaillent dans les bureaux. Je me demande si vous pourrez faire un bref commentaire à ce sujet également.

J'aimerais donc savoir quel devrait être le rôle principal d'une politique fédérale, d'après vous, et si vous pouviez faire la recommandation la plus importante et la plus efficace pour vous, quelle serait-elle?

La présidente: Êtes-vous d'accord pour commencer, inspecteur Heed, après quoi nous donnerons la parole à tous les autres à tour de rôle.

Insp. Kash Heed: Je veux d'abord faire un commentaire au sujet des membres du groupe Through a Blue Lens, notre équipe spéciale. Ces gens ont très bien réussi à faire parler de nous dans le reste du pays—et je crois qu'ils ont une conférence internationale prévue en mai—ils ont réussi à montrer la situation que nous vivons ici, en particulier dans la partie est du centre-ville, les problèmes de drogue, de toxicomanie, quelle que soit l'expression qu'on veuille utiliser.

• 1455

Je suis policier opérationnel depuis 20 ans, dont cinq ans dans la partie est du centre-ville à titre de surveillant. Madame Davies, je pense que nous nous sommes rencontrés à cette époque-là. Mes commentaires ne viennent donc pas d'une personne qui passe ses journées à un bureau ou qui passe son temps à lire de la documentation. Je parle donc du domaine que je connais le plus.

Notre but est certainement d'amener le toxicomane de la rue à profiter d'une série de soins, pour en arriver un jour à l'abstinence. Nous disons cependant que cette personne doit passer par certains processus. Il peut s'agir par exemple de stratégies de réduction des méfaits que nous proposons dans l'accord de Vancouver, ou de tout autre programme innovateur qui nous aidera à résoudre ce problème. Je suis tout à fait prêt à envisager l'idée d'installations d'injection supervisée—quelle que soit l'expression qu'on veuille utiliser—et d'autres stratégies de réduction des méfaits qu'on proposera.

En ce qui concerne le rôle du gouvernement, la mise en oeuvre d'une politique est certainement l'un de ces rôles, à mon avis. Le gouvernement doit reconnaître que certaines régions du Canada—et je suis persuadé qu'il le reconnaît—sont uniques. Notre situation à Vancouver, en particulier dans la partie est du centre-ville, est un secteur unique. J'ai parcouru le Canada, et même l'Amérique du Nord, et je n'y ai vu aucun endroit semblable à ce que nous y avons.

La politique est donc certainement un domaine qui relève du gouvernement, et peut-être une politique plus directement axée sur certains de nos problèmes en matière de drogues, qu'il s'agisse d'avoir des lois différentes pour nous aider en nous permettant d'établir un bon équilibre entre la réduction de la demande et la réduction de l'offre.

Je préconise l'approche à quatre piliers. Je dis également que le pilier de l'exécution de la loi est celui où la police assume le rôle principal. Nous jouons un rôle mineur dans les trois autres piliers, à savoir la prévention, le traitement et la réduction des méfaits. Nous ne devrions certainement pas être l'organisme principal pour l'un ou l'autre de ces piliers, et nous ne nous attendons pas à ce que d'autres institutions de la société constituent l'organisme principal pour ce qui est du pilier de l'exécution de la loi.

À l'heure actuelle, ce pilier est de travers. Je consacre énormément de ressources policières à essayer de stabiliser le problème que nous avons actuellement à Vancouver. Nous devons stabiliser la situation avant de pouvoir passer au développement communautaire.

Le financement est un élément crucial en ce moment. Qu'il provienne du gouvernement fédéral, provincial ou municipal, un financement est nécessaire, pas seulement pour l'exécution de la loi, mais aussi pour les autres piliers que j'ai identifiés.

Merci.

La présidente: Merci.

Monsieur Ditchfield.

Chef adjoint Peter Ditchfield: Merci beaucoup.

Je pense que la loi fédérale sur le crime organisé, qu'on a modifiée et qu'on est encore en train de modifier, constitue un pas dans la bonne direction. De fait, on va certainement dans la bonne direction en permettant qu'on identifie les organisations, qu'on les traduise devant les tribunaux et que des peines spécifiques soient prévues pour les membres de certains groupes organisés.

Nous devons nous rappeler que le crime organisé est le fait de personnes dont la mission est d'acquérir de l'argent et des biens, et il semble que la capacité des policiers de saisir des biens et de les confisquer au nom du gouvernement fédéral ou d'un gouvernement provincial dépend d'un processus beaucoup plus lent que celui d'une poursuite en cas d'infraction substantielle. Cet aspect de l'enquête peut se dérouler extrêmement rapidement, tandis que l'aspect concernant les produits de la criminalité peut être très lent. Il en résulte de gros problèmes pour la police, en ce qui concerne la divulgation, lorsqu'une affaire est terminée. Nous aimerions certainement que la Loi sur les produits de la criminalité soit...simplifiée, je dirais.

• 1500

Je pense qu'une plus grande capacité d'identifier des biens et des comptes à l'étranger... Nous rencontrons encore des difficultés dans diverses parties du monde en ce qui concerne nos propres criminels, qui transfèrent très rapidement leurs avoirs à l'étranger. Je pense qu'il faut améliorer la coopération internationale. Je répète que nous allons dans la bonne direction, mais il faut accélérer les choses.

Je ne préconise pas l'incarcération de tous les trafiquants de drogues, même si certains croient que ce serait une bonne chose. Aux États-Unis, lorsque des membres du crime organisé ou d'importants trafiquants de drogues sont arrêtés, il y a habituellement une peine déterminée qui est prévue dès le départ, et c'est à partir de là qu'on commence à négocier. Nous n'avons pas la capacité de conclure des marchés de cette nature. Il semblerait qu'aux États-Unis, les renseignements recueillis en raison de cette possibilité de négocier à partir d'une peine considérable pour en arriver à une peine médiane, donnent une base de renseignements utiles aux forces policières de ce pays. On y est bien davantage disposé à coopérer avec les membres du crime organisé arrêtés par les autorités fédérales américaines.

Je suis d'accord avec Kash au sujet du financement. Les affaires dont nous nous occupons prennent beaucoup de temps, parfois plusieurs années. Elles coûtent cher. S'il y a des policiers qui y participent, cela coûte plusieurs centaines de milliers de dollars pour les payer. Il y a également de gros problèmes liés à la protection des témoins, dont les policiers doivent s'occuper.

Je ne crois pas que la population canadienne se soit encore rendu compte que des affaires de cette nature sont extrêmement dispendieuses, et que par conséquent les ressources policières qui y sont consacrées sont vraiment très réduites. Si les autorités examinaient les coûts véritables des affaires sur lesquelles enquêtent les agences fédérales comme la GRC et les organismes provinciaux comme le nôtre, elles comprendraient bien mieux de quoi il retourne et fourniraient les ressources nécessaires.

Merci.

La présidente: Merci, monsieur Ditchfield.

Monsieur Mackenzie.

Le chef de police Ian Mackenzie: Merci. Je ne répéterai pas ce qui vient d'être dit.

Abbotsford est situé le long de la frontière, et je pense que le gouvernement fédéral pourrait fournir à la GRC et à Douanes Canada des ressources suffisantes pour bien surveiller la frontière. J'ignore combien de personnes compte l'équipe intégrée de la police des frontières dans la vallée. Je ne sais pas si Carl le sait. Ce n'est manifestement pas suffisant. Je ne crois pas qu'il incombe à la municipalité de surveiller la frontière internationale avec les États-Unis. Je pense que c'est le gouvernement fédéral qui en a la responsabilité. Nous sommes certainement prêts à aider, mais le rôle principal devrait incomber aux autorités fédérales et je pense qu'elles sont loin d'avoir suffisamment de ressources pour le faire. Nous leur demandons trop en leur donnant trop peu pour faire leur travail.

Il y a un autre aspect qui relève du gouvernement fédéral. Je tiens à souligner encore une fois qu'à mon avis, le gouvernement fédéral devrait reconnaître les effets de la toxicomanie sur la santé. Je comprends que d'après la Constitution, les services de santé relèvent des gouvernements provinciaux, mais nous savons tous que le gouvernement fédéral a réduit les paiements de transfert au titre de la santé, pendant plusieurs années. Je pense qu'il doit réinvestir davantage dans le domaine de la santé, afin que les provinces disposent de ressources suffisantes pour s'occuper de certains des problèmes de santé liés à la toxicomanie.

La présidente: Merci. Nous pourrions tenir plus tard un bref débat sur les paiements au titre du TCSPS, mais je comprends ce que vous dites.

Monsieur le surintendant Busson.

Std Carl Busson: Je partage les opinions exprimées par le chef adjoint Ditchfield et je pourrais peut-être les résumer dans un contexte plus général.

La modification des lois et un financement accru pour lutter contre le crime organisé constitueraient deux des moyens qui aideraient la GRC à s'acquitter de ses fonctions dans le cadre de la lutte antidrogue. En outre, des crédits pour nos programmes de sensibilisation aux drogues, c'est-à-dire l'aspect prévention, nous permettraient de mettre davantage en oeuvre ces programmes dans les collectivités.

• 1505

En ce qui concerne les sites d'injection supervisée et d'autres mesures visant la réduction des méfaits, il n'existe pas suffisamment d'information pour nous permettre de prendre une décision éclairée à ce sujet. Cette possibilité existe, mais il reste tellement de questions sans réponse pour l'instant, qu'il est difficile de les accepter sans réserve.

La présidente: Merci, monsieur le surintendant.

Nous arrivons finalement au représentant du gouvernement fédéral, soit de l'ADRC, M. Flagel.

M. Brian Flagel: Merci. Je me contenterai de parler de ce que je connais bien. Je ne m'aventurerai pas à parler de questions concernant les services policiers ou les sites d'injection de drogues.

Dans mon optique, on pourrait faire le plus de progrès en disposant des fonds nécessaires, c'est-à-dire de l'attribution de ressources convenables, qui nous permettraient de continuer d'accroître nos activités de lutte contre le trafic des stupéfiants. Je ne m'imagine pas que nous pourrons empêcher toutes les drogues d'entrer au Canada. Nous ne pourrons pas le faire, c'est impossible. Mais chaque interception nous fournit des renseignements utiles à nos enquêtes et nous aide à remonter la filière des trafiquants de drogues. Mais si nous n'obtenons pas les ressources financières nécessaires pour le faire, nous manquerons des occasions en or.

Il y a aussi bien sûr la question des lois et de la politique. Vous pourriez envisager d'élargir les rôles de certains organismes, comme par exemple l'Agence des douanes.

Il y a un élément qui ne me paraît pas nécessairement efficace à l'heure actuelle. C'est le fait que nous devons remettre toutes les drogues à la GRC, pour les fins des poursuites à intenter, ce qui signifie que si nous effectuons une petite saisie de drogues à l'aéroport de Vancouver, nous devons demander à la GRC de venir chercher les drogues et de prendre l'affaire en main. Ce n'est probablement pas la meilleure utilisation possible des ressources. Cela paraît peut-être peu important, mais on pourrait y gagner.

Pour ce qui est de la politique, je pense que le projet de loi S-23 est un bon exemple de modifications législatives positives. Mais je serai honnête; nous demandions des modifications de cette nature depuis des années, et il y a longtemps qu'on aurait dû les apporter. Si l'on répondait un peu plus rapidement aux besoins identifiés par les organismes d'exécution de la loi, on aurait peut-être une mesure législative en temps voulu pour faire plus de bien.

La présidente: Merci.

Vous avez mentionné que vous ne vouliez pas être obligé de remettre les drogues à la GRC. Que préféreriez-vous faire? Engager les poursuites directement?

M. Brian Flagel: Certainement. Nous nous occupons des poursuites dans d'autres types de cas. Nous pourrions le faire également dans le cas de la drogue.

La présidente: Bien. Je vous remercie.

Madame Davies.

Mme Libby Davies: Je vous remercie sincèrement d'être venus cet après-midi.

Monsieur le chef de police Mackenzie, vous avez soulevé l'idée d'une intervention forcée. Je dois dire que je m'y oppose totalement. Il me semble que cette idée est fondée sur la prémisse que les gens refusent les traitements. D'après la plupart des usagers de drogues à qui j'ai parlé, et d'autres personnes à qui j'ai parlé, le problème vient en réalité de l'absence de traitements accessibles. Par conséquent, toute cette idée de coercition... Je suis certaine que nous pourrions tous trouver une personne qui a refusé un traitement, mais je pense que la grande majorité des usagers ont essayé d'entrer dans un centre de désintoxication ou d'avoir accès aux services disponibles mais très limités.

Je tenais à vous dire cela. Nous pourrions nous lancer dans un long débat, mais la solution consiste à mon avis à offrir des traitements disponibles sur demande. Il faudrait assurer ces services quand les gens en ont besoin, quel que soit le moment.

Je veux revenir à l'approche à quatre piliers. J'aimerais commencer par le Service de police de Vancouver et l'inspecteur Heed. Je tiens à reconnaître que le service de police a apporté une contribution énorme au débat. Il est très facile pour des services de police de se concentrer seulement sur l'exécution de la loi, étant donné que c'est évidemment votre mandat principal, et de ne pas vraiment regarder le problème dans une perspective plus vaste.

Je pense que tous les membres du service de police à qui j'ai parlé, vous y compris, ont reconnu qu'il y a eu un changement énorme et qu'on a élargi les horizons de chacun des quatre piliers, y compris celui de l'exécution de la loi. Vous l'avez répété ici aujourd'hui. Je tiens à vous dire que je l'apprécie énormément.

Étant donné qu'on a parlé de l'équipe spéciale, je tiens à mentionner une chose qui me préoccupe quelque peu. Cette conférence qu'on a mentionnée—j'ai trouvé le titre: IDEAS—qui est organisée par Lynda Bentall en partenariat avec Drug Free America, va en réalité dans la direction opposée à celle de l'Accord de Vancouver, à mon avis. On semble adopter le style américain: la tolérance zéro. Deux membres de votre service sont inscrits comme vice- présidents de cette conférence qui se tiendra en mai. On a acheté des annonces énormes. Ces gens s'opposent aux échanges de seringues. Ils s'opposent à toute mesure visant la réduction des méfaits. Cela va donc un peu à l'encontre du but recherché.

Je voudrais que vous m'assuriez, je pense, qu'ils ne représentent pas le point de vue du Service de police de Vancouver. Apparemment, on fera quelque chose de vraiment spectaculaire. Je suppose que ces gens sont préoccupés du fait que le débat semble s'orienter vers la libéralisation et cela ne leur plaît pas. D'accord; nous devons avoir un débat. Mais je pense que notre tâche est vraiment d'examiner les quatre piliers et de nous assurer qu'ils sont mis en oeuvre d'une manière appropriée et équilibrée.

• 1510

Ma question porte sur l'exécution de la loi. J'ai trouvé vos statistiques absolument fascinantes. Je ne les ai pas toutes bien saisies, mais celle qui m'a frappée est le fait que 63 p. 100 des trafiquants profitent d'une aide au revenu. Cela m'indique immédiatement qu'il y a probablement un bon nombre de personnes qui sont à la fois trafiquants et usagers. Je me demande si vous avez d'autres informations à ce sujet.

Il faut donc se demander où nous devons déployer nos policiers. Où est-il plus efficace de les déployer? Même si certains renseignements montrent que les services policiers ne s'intéressent plus aux utilisateurs dans les rues, le fait est que bon nombre de revendeurs sont également des usagers. Je n'en connais pas le nombre; j'espère que vous le savez.

En plus, il faut si possible faire la distinction entre ce qu'on entend par trafiquants et par revendeurs. Si 63 p. 100 des trafiquants—vous avez mentionné que 78 ou 80 p. 100 d'entre eux sont des citoyens canadiens—reçoivent des prestations d'aide sociale, cela dresse un tableau très différent. Est-ce là qu'il faudrait concentrer les efforts des policiers? Jusqu'où peut-on aller pour lutter contre le grand trafic de drogues, sur les quais, ou par le truchement du crime organisé, etc.? J'aimerais que vous nous en disiez davantage.

Insp. Kash Heed: Merci. C'est beaucoup.

Je vais commencer par la conférence IDEAS et l'équipe spéciale. Oui, ce n'est pas très précis actuellement. Certains membres de la police de Vancouver siègent au sein de l'exécutif de cette société qui a été mise sur pied pour parrainer cette conférence. Nous nous en occupons pour nous assurer qu'il n'y a pas de conflit d'intérêts.

Si cela peut calmer vos craintes, ils m'ont invité à être l'un de leurs conférenciers. Je leur ai dit que je ne partageais pas nécessairement les opinions de Drug Free America ou de certains de leurs autres conférenciers invités. Mon allocution se fondera sur des preuves empiriques, sur des recherches qui ont été faites dans le domaine de la drogue. J'espère que cela soulage un peu vos inquiétudes.

Pour ce qui est de l'exécution des lois, permettez-moi d'étoffer un peu ce que j'ai dit dans mon bref exposé.

L'unité antidrogue de la police de Vancouver a revu son mandat en 1998 de façon à concentrer ses opérations sur les revendeurs intermédiaires de la région. Lorsque j'ai pris les commandes de l'unité antidrogue, un peu plus tôt cette année, j'ai dû examiner sérieusement les problèmes d'ordre social que nous avons à Vancouver, plus particulièrement les marchés de drogue en plein air. Le plus important de ces marchés se trouvait dans le quartier est du centre-ville. J'ai dû évaluer les ressources dont disposent nos agents en uniforme et examiner comment ils sont déployés. J'ai constaté un manque évident pour ce qui est de la lutte contre les trafiquants de rues.

J'ai donc modifié le mandat de l'unité, et nous concentrons maintenant nos efforts sur tous ceux qui réalisent un profit sur la vente de drogue. Nous reconnaissons que plusieurs de ces revendeurs sont en fait des trafiquants toxicomanes, si je puis utiliser cette expression.

Ce que nous voulons, c'est un tribunal de traitement de la toxicomanie à Vancouver; d'ailleurs, les gouvernements fédéral et provincial feront bientôt une annonce à ce sujet. Ces trafiquants toxicomanes pourront bénéficier de ce tribunal. C'est ce groupe que nous ciblons, en espérant qu'il se prévaudra de la possibilité. C'est ainsi que nous entendons traiter avec lui.

Quant aux statistiques, nous n'en tenons pas actuellement sur les problèmes de dépendance des personnes que nous avons arrêtées. Je puis toutefois vous dire que, depuis que je suis aux commandes de l'unité antidrogue et que j'en ai modifié le mandat, cette unité—nos agents en uniforme appartiennent à un groupe différent—n'a arrêté personne pour possession de drogue dans le quartier est du centre-ville. Nous visons surtout les trafiquants et nous espérons régler ce problème des trafiquants toxicomanes au moyen de notre Tribunal de traitement de la toxicomanie.

Mme Libby Davies: Pourriez-vous, aux fins du compte rendu, nous décrire les critères que vous appliquez pour établir la différence entre un revendeur et un trafiquant? Je ne crois pas que ce soit très clair. Ce sont des termes très utilisés.

Insp. Kash Heed: Ce sont des synonymes.

Mme Libby Davies: Vous ne faites donc pas...

Insp. Kash Heed: Non.

Mme Libby Davies: J'ai toujours pensé que le revendeur était celui qui vendait la drogue dans les rues alors que le trafiquant vendait la drogue à un plus haut niveau.

• 1515

Insp. Kash Heed: Non. Nous parlons dans le premier cas de «petit revendeur» et dans l'autre, pour le trafiquant, de «revendeur intermédiaire».

Nous avons décidé de concentrer nos opérations sur les petits revendeurs. C'est d'ailleurs sur eux que portent les statistiques que je vous ai remises. Lorsque le moment nous semblera opportun, nous passerons à l'échelon suivant—ou si nous pouvons faire quelque chose pour arrêter ces gens, nous passerons à l'échelon suivant.

Mme Libby Davies: D'après ce que vous dites, alors, il y a actuellement peu ou pas de ressources pour lutter contre les trafiquants de haut niveau?

Insp. Kash Heed: Dans le cas de la police de Vancouver, selon les projets, nous travaillons en partenariat avec d'autres agences, dont la GRC et l'Agence du crime organisé, pour nous attaquer aux échelons les plus élevés du commerce de la drogue.

Mme Libby Davies: Ce qui me préoccupe, c'est qu'il semble un peu futile de concentrer les ressources au niveau des petits revendeurs et des trafiquants, puisque bon nombre d'entre eux sont aussi des usagers. Vous retombez dans ce cercle vicieux. Je ne sais pas combien de ses ressources le service de police consacre à cette tâche, mais quand j'ai parlé au chef, il y a deux ans, il m'avait parlé de la quantité de ressources nécessaires pour vraiment changer la situation—pour poursuivre le travail jusqu'au système judiciaire.

Il y a bien sûr un agent qui arrête quelqu'un dans la rue, mais il faut ensuite des ressources incroyables en infrastructure, entre autres pour ce qui est du temps des tribunaux, du travail par poste, du dépôt de rapports, etc.

Je me demande simplement...l'exécution de la loi fait partie de la stratégie, mais il est essentiel de voir où se concentrent les efforts dans ce domaine. Il semble que ce soit toujours aux échelons les plus bas, n'est-ce pas? Même si vous arrêtiez des gens dan les rues éternellement, cela ne réglera pas du tout le problème.

Insp. Kash Heed: Je suis d'accord avec vous. Permettez-moi toutefois de vous expliquer comment nous fonctionnons. Nous avons débattu ici de ce que devraient être nos stratégies. Pour ma part, je n'essaie pas de décrocher la lune et je n'essaie pas toujours de m'en prendre à la maison-mère. Mais nous avons déjà utilisé nos ressources pendant deux semaines et nous avions une équipe complète qui s'intéressait à un kilo de cocaïne provenant d'un entrepôt à Richmond—mais il n'y a pas eu d'arrestation.

Pendant ce temps, cinq ou six kilos de cocaïne ont été vendus dans le quartier est du centre-ville. J'ai donc pris les ressources que nous utilisons normalement pour nous en prendre à cet autre échelon et je les ai affectées dans le quartier est du centre-ville. À l'heure actuelle, c'est dans cette zone que nous devons concentrer nos efforts.

Nous espérons pouvoir plus tard nous attaquer à ces autres échelons de trafiquants ou de revendeurs qui oeuvrent dans nos collectivités. Mais à l'heure actuelle, nous devons nous occuper du très grand nombre de crimes—des crimes violents—qui sont commis dans le quartier est du centre-ville parce que les petits revendeurs se livrent à des luttes de territoire.

Pour pouvoir rationaliser le système, nous collaborons étroitement avec les procureurs de la Couronne de la ville de façon à évaluer stratégiquement les sanctions ou les peines imposées à ceux que nous avons arrêtés. Nous voulons que les procureurs connaissent les problèmes que nous avons dans les rues avant de passer à l'échelon suivant.

Dans un premier temps, nous ne ciblons plus les personnes coupables de posséder des drogues et nous concentrons nos efforts sur ceux qui vendent de la drogue. Nous espérons pouvoir prochainement faire d'autres progrès. Mais il a fallu commencer au niveau de la rue.

Mme Libby Davies: Me reste-t-il du temps?

La présidente: Non, en fait vous avez eu 13 minutes.

Mme Libby Davies: Oh!

La présidente: Merci. Mais si les membres du comité ont des questions à poser à nos témoins, nous pouvons leur faire parvenir une liste de questions et les inviter à y répondre.

Monsieur LeBlanc.

M. Dominic LeBlanc (Beauséjour—Petitcodiac, Lib.): Merci, madame la présidente.

Merci, messieurs, de vos témoignages très intéressants. Mon collègue Randy a dit qu'il faut reconnaître que l'application d'une stratégie de réduction des méfaits ou d'une réduction de la drogue peut varier selon les différentes collectivités. Le chef Mackenzie l'a également bien exprimé au sujet d'Abbotsford et de certaines différences qui existeront à Vancouver pour l'inspecteur Heed.

• 1520

Je viens d'une collectivité rurale du Nouveau-Brunswick. Le débat en Colombie-Britannique, et plus particulièrement à Vancouver, a suscité un certain débat national. Ce débat s'est toutefois limité pour moi à des reportages dans les médias et aux discussions de notre comité plus qu'au travail que vous faites au quotidien et que peuvent constater certains de mes collègues.

Cela m'amène à poser une question. Comme M. White l'a dit, notre comité devra rédiger un rapport contenant des recommandations pour le Parlement. Les membres du comité viennent de différentes parties du pays. Nous visiterons d'ailleurs d'autres régions. Nous sommes allés au Québec et ceci est notre deuxième voyage, car il est important de consulter les gens de l'Ouest et plus particulièrement de votre ville.

Certains d'entre vous ont parlé de mesures de réduction des méfaits. C'est le cas de l'inspecteur Heed et du chef Mackenzie. Vous avez également parlé des quatre piliers. Ce qui intéresse surtout les gens, c'est le pilier de l'exécution de la loi dans les cafés ou dans les quartiers de ma localité. Les études scientifiques n'ont pas autant d'impact sur eux qu'une déclaration d'un agent de police principal ou d'un agent de la paix au sujet des mesures qui peuvent être efficaces. C'est souvent leur réaction. Leur opinion a donc beaucoup de poids pour certaines de ces personnes qui connaissent moins bien le contexte du problème et ne comprennent pas certains des facteurs particuliers à votre collectivité.

Comment pourriez-vous leur expliquer, du point de vue de l'exécution de la loi, le mérite que certains d'entre vous accordent à une stratégie de réduction des méfaits, entre autres aux lieux d'injection supervisée? Je peux comprendre personnellement qu'une telle mesure a beaucoup de mérite, mais comment peut-on l'expliquer à un pêcheur sur un quai au Nouveau- Brunswick pour qui ces substances sont illégales et qui se demande pourquoi les policiers trouvent qu'il faudrait offrir aux toxicomanes un endroit où ils peuvent s'injecter ces drogues? J'ai de la difficulté à faire le pont pour lui entre votre réalité de tous les jours et celle de sa collectivité dans une autre partie du pays. En termes simples, comment pourriez-vous le convaincre qu'une telle mesure vaut la peine d'être essayée? Je vous demande des conseils ou des suggestions.

La présidente: Je ne suis pas certaine que nos témoins voudront tous répondre à cette question car je ne suis pas certaine qu'ils soient tous d'accord avec l'idée des lieux d'injection supervisée. Voulez-vous répondre, monsieur Mackenzie?

Le chef de police Ian Mackenzie: Si vous me le permettez, j'ai une ou deux observations à faire à ce sujet. Je veux expliquer que...peut-être pas les lieux d'injection supervisée. C'est un dilemme puisqu'il y a là une contradiction. Mais pour les autres aspects, les établissements de traitement et la réduction des méfaits, il s'agit surtout de résoudre des problèmes. C'est ce que je disais d'ailleurs dans mon mémoire. Pourquoi une personne commet-elle des infractions mineures ou commet-elle un vol dans un dépanneur, par exemple? Si c'est pour se procurer la drogue dont elle dépend... C'est un peu comme la vieille histoire... Vous avez probablement entendu l'histoire des bébés dans la rivière et que les gens sortaient de l'eau. Quelqu'un s'est finalement dit qu'il fallait trouver la source du problème et empêcher qu'on mette les bébés dans la rivière.

Il faut régler le problème à la source. Comment peut-on le faire? Il faut trouver le moyen de rejoindre ces gens. C'est pourquoi je dis que des mesures comme le traitement d'entretien à la méthadone ou d'autres mesures de réduction des méfaits nous donnent cette possibilité. Il faut parfois, pas toujours, forcer la main à la chance et intervenir pour aider ces personnes à gérer du moins leur dépendance. C'est une approche qui vise à résoudre des problèmes.

La présidente: Monsieur Heed, vous voulez répondre? Quelqu'un d'autre veut-il commenter?

Insp. Kash Heed: Le moyen le plus simple de les convaincre, c'est de leur faire faire une visite du quartier est du centre- ville. Ils seront convaincus, j'en suis sûr; ils se rendront compte que c'est une question de santé. La dépendance, en tout cas... Les gens chez vous savent à quel point le tabac et l'alcool peuvent créer la dépendance et à quel point il est difficile de se libérer de cette dépendance, surtout dans le cas du tabac. Si vous pouvez faire la comparaison, décrire simplement les gens qui souffrent d'un problème grave de dépendance, surtout à l'héroïne, à la cocaïne et à d'autres drogues dont nous avons parlé, vous réussirez certainement à les convaincre.

• 1525

La drogue provoque un nombre phénoménal de décès et de maladies. Récemment, à Vancouver, nous avons constaté une diminution des morts par surdose dans le quartier est du centre- ville. Nous ne savons pas si cela est dû à l'amélioration de nos services de santé d'urgence ou si nos efforts ont porté fruit.

Mais je comprends votre situation. Les membres de ma propre famille disent que nous devrions enfermer ces toxicomanes. Nous obtiendrons de meilleurs résultats lorsque nous commencerons à informer la population sur le fait qu'enfermer ou caser ces gens ne résout pas nos problèmes. Il faut qu'il y ait un débat pancanadien à ce sujet pour que les gens de votre circonscription comprennent la situation dans laquelle nous nous trouvons ici à Vancouver.

La présidente: Merci.

M. Dominic LeBlanc: Puis-je poser une question, madame la présidente?

Les médias ont récemment parlé de l'augmentation de la sécurité à la frontière canado-américaine. On envisage maintenant de placer des membres de la Garde nationale aux frontières. Peut- être avez-vous une idée des effets que cela pourrait avoir sur le trafic des drogues illicites. Je comprends qu'il est trop tôt—certaines de ces choses viennent tout juste d'être annoncées dans les médias—mais une présence accrue des services policiers américains ou de la Garde nationale, même s'il s'agit d'une mesure temporaire à la frontière...croyez-vous que cela aura un effet?

La présidente: Monsieur Flagel.

M. Brian Flagel: Il est bien difficile de répondre à cette question. Il est intéressant de noter que le nombre de saisies de drogue a chuté juste après le 11 septembre. La contrebande de drogues s'est arrêtée un certain temps parce qu'on avait l'impression que la sécurité était grandement accrue. Deux mois plus tard, la contrebande de drogue a probablement retrouvé un niveau presque habituel.

Je ne sais pas comment les Américains déploieront leur personnel à la frontière. Il est possible de traverser la frontière vers les États-Unis sur des milliers de milles et il est très difficile de défendre la frontière. Vu la persistance des contrebandiers de drogue, je suppose qu'ils continueront leur contrebande vers les États-Unis, surtout celle du cannabis de la Colombie-Britannique. Ils continueront ce trafic de l'autre côté de la frontière.

Chef adjoint Peter Ditchfield: J'aimerais également ajouter quelque chose. Je suis d'accord avec ce qu'a dit Brian. Nous avons vraiment constaté une diminution après le 11 septembre, mais la contrebande a repris. Les contrebandiers continuent leurs activités parce que celles-ci offrent des bénéfices très rapides. L'augmentation des activités d'exécution de la loi à la frontière augmentera probablement les interceptions et permettra d'augmenter les renseignements de sécurité que nous possédons. C'est à peu près tout.

Insp. Kash Heed: Permettez-moi de faire une observation à ce sujet. Depuis le 11 septembre et depuis que l'on a accru la sécurité à nos frontières—et je crois savoir que cette sécurité pourrait être accrue davantage encore du côté des États-Unis—à Vancouver, surtout dans le quartier est du centre-ville, nous n'avons pas constaté de différence dans la quantité, la qualité ou le prix des drogues. Je parle de la cocaïne, de l'héroïne et de la marijuana. En fait, comme je l'ai dit, nous avons constaté une augmentation des stimulants de type amphétamine à Vancouver.

Il pourrait y avoir des interceptions aux échelons les plus élevés, nous pourrions réussir en partie à empêcher la drogue de traverser notre frontière non protégée—une frontière qui est un peu mieux protégée maintenant. Mais je dois évaluer la quantité de drogues qui est mise à la disposition de nos toxicomanes et je n'ai pas vraiment constaté de différence dans les rues.

La présidente: Une dernière question, monsieur Flagel. Avez-vous à Vancouver une unité coordonnée de renseignements de sécurité comme à Montréal?

M. Brian Flagel: Je ne sais pas ce qu'il y a à Montréal.

La présidente: D'accord, mais pour ce qui est de l'ADRC?

M. Brian Flagel: Nous avons notre propre groupe de renseignements. Nous sommes en relation constante avec l'Agence du crime organisé, ainsi que dans le cadre de projets, et je pense donc que ce doit être assez semblable.

La présidente: D'accord.

M. Randy White: Madame la présidente, permettez-moi de faire une brève observation sur quelque chose qui a été mentionné.

La présidente: Oui, mais soyez bref.

M. Randy White: Il est bien à mon avis—et même sain, en fait—que certaines organisations ne soient pas d'accord avec ce qu'on appelle la réduction des méfaits, qu'il s'agisse de l'équipe spéciale, de policiers ou de qui que ce soit au pays. Pour ma part, je ne suis pas d'accord non plus et nous ne devrions pas nous attendre à ce que tous les policiers du pays adoptent une convention adoptée par quelqu'un qui décide tout à coup que c'est une bonne idée.

• 1530

Mme Libby Davies: [Note de la rédaction: Inaudible]...le ministère, car cela va complètement à l'encontre de l'accord de Vancouver, que bien des gens ont signé.

La présidente: D'accord.

C'est ce qui conclut notre table ronde.

Messieurs, si vous avez d'autres renseignements à nous communiquer—et vous en aurez sans doute, chef adjoint Ditchfield—ou s'il faut que nous nous rencontrions plus tard à huis clos, nous serons heureux d'avoir de vos nouvelles. Merci à tous d'être venus nous rencontrer aujourd'hui et de nous avoir fait profiter de vos conseils et de votre expérience.

Mesdames et messieurs du comité, je vais lever la séance pendant quelques minutes, puisqu'il y aura une vérification du son dans la salle d'à côté à compter de 17 heures. Nous allons donc commencer aussi rapidement que possible notre prochaine table ronde et essayer d'en retirer le plus possible car je suppose que nous ne pourrons pas entendre grand-chose vers 17 heures.

Je vais donc suspendre la séance pour quelques minutes. Merci.

• 1531




• 1542

La présidente: Nous reprenons nos travaux. Nous avons le grand plaisir d'accueillir aujourd'hui un représentant de la GRC, Chuck Doucette, coordonnateur provincial du Service de sensibilisation aux drogues, le représentant de la John Howard Society of the Lower Mainland, Larry Howett, porte-parole d'un programme appelé Choices, la représentante de Seaview Addiction Services Society, Donna Baird, directrice générale, le représentant de Alcohol-Drug Education Services, Art Steinmann, directeur général, et la représentante du Pacifica Treatment Centre, Kathy Oxner, également directrice générale.

Nous allons commencer par vous, sergent d'état-major Chuck Doucette.

Le sergent d'état-major Chuck Doucette (coordonnateur provincial, Services de sensibilisation aux drogues, Division «E», Gendarmerie royale du Canada): Merci.

Pour commencer, je voudrais passer en revue certains des principes de base qui régissent la Stratégie canadienne antidrogue actuelle. Le but à long terme de la stratégie est de réduire les méfaits associés à l'alcool et aux autres drogues chez les individus, les familles et les communautés au moyen de la prévention, de la thérapie et de l'exécution des lois. Parmi les principes de base, on dit qu'il faut un équilibre entre la réduction de l'approvisionnement et la réduction de la demande. Je voudrais que nous réfléchissions à la nécessité de cet équilibre.

On dit également que la prévention est considérée comme l'intervention la plus rentable. Également, il est essentiel d'établir un ensemble de partenariats multisectoriels; dans les programmes et les politiques, on devrait être sensibilisé aux questions de sexe, de culture et d'étapes de la vie; il est essentiel que les groupes cibles participent; il faut des programmes de prévention, de traitement et de réadaptation, et il faut tenir compte des déterminants de la santé. On dit également qu'il faut un cadre législatif et on dit que pour la réduction des approvisionnements, il est essentiel de viser les échelons supérieurs des organisations criminelles. Voilà donc le cadre de la Stratégie canadienne antidrogue.

Regardons maintenant ce qui existe, notre situation actuelle. Après 1987, la Stratégie canadienne antidrogue a provoqué une diminution constante de l'usage de drogues pendant un certain nombre d'années, surtout de 1983 à 1994. Mais depuis, depuis 1993-1994, nous avons constaté une augmentation assez considérable de l'usage de drogues, surtout chez les jeunes.

• 1545

De plus, les drogues actuelles sont plus puissantes. Quelle que soit la drogue que l'on vend dans les rues, cette drogue est plus puissante que la même vendue il y a dix ans ou plus. Surtout, la teneur en THC de la marijuana est de 15, sinon 20 p. 100 supérieure à celle de la marijuana de moins bonne qualité. La drogue est plus facile à obtenir. Il y a plus d'utilisation de drogues par injection qu'auparavant, ce qui nous a amenés à nous inquiéter de la propagation du VIH, de l'hépatite et d'autres maladies qui retiennent beaucoup l'attention. Les services de police estiment qu'environ 80 p. 100 de nos appels de services sont directement liés à l'utilisation d'alcool ou de drogues.

Lorsque vous réfléchissez à ces questions, il faudrait donc voir quels sont les facteurs contributoires qui nous ont placés dans cette situation. Puisque nous sommes surtout chargés de la prévention primaire, nous remarquons en premier lieu qu'il y a eu une réduction constante du financement de la prévention primaire dans tout le Canada. Lorsqu'on dit qu'un des principes de la stratégie est l'équilibre entre la réduction de l'approvisionnement et la réduction de la demande, on constate que, du côté de la réduction de la demande, il y a eu une lente érosion et une diminution du financement au fil des ans.

Parallèlement, il n'y a pas eu d'augmentation des activités d'exécution des lois, ou de la réduction de l'approvisionnement. Une augmentation considérable des ressources dans ce domaine aurait peut-être permis de neutraliser les effets de la diminution du financement dans la réduction de la demande. Mais il n'y a pas eu d'augmentation, malgré la diminution du côté de la réduction de la demande.

La nécessité d'établir des partenariats multisectoriels est également un des principes de la stratégie, et pourtant, il y a très peu de ces partenariats. Enfin, il est intéressant de voir qu'on parle maintenant de la réussite de ce qu'on appelle l'entente de Vancouver, une entente entre trois ordres de gouvernement pour résoudre le problème à Vancouver. Le malheur, c'est qu'il faut une mesure spéciale comme cet accord de Vancouver pour que les trois ordres de gouvernement collaborent à cette fin. Dans la Stratégie canadienne antidrogue, on semble tenir pour acquis que cette collaboration existe dans tout le pays, mais ce n'est pas le cas, de toute évidence, ou alors on n'aurait pas jugé nécessaire de signer l'entente de Vancouver.

Les ressources en matière de traitement sont insuffisantes. On entend constamment parler de listes d'attente de gens qui essaient d'obtenir des traitements et n'y arrivent pas. Parallèlement, on augmente le financement des organisations qui font la promotion de la réforme de la politique ou de la légalisation des drogues. Cette situation a embrouillé les renseignements qui sont mis à la disposition des jeunes, plus particulièrement. Des organisations disent qu'il suffit de légaliser les drogues pour résoudre le problème, ou encore que la marijuana ne peut pas faire de mal puisque c'est en fait un excellent médicament. Les jeunes n'y comprennent plus rien.

Il y a aussi un problème d'attitude, surtout dans notre génération, celle des baby-boomers. L'usage de drogue est maintenant mieux accepté socialement et nous ne communiquons plus nécessairement à nos enfants les mêmes messages antidrogues que nos parents utilisaient auprès de nous lorsque nous étions jeunes.

À cause du manque de prévention, de traitement et d'exécution de la loi au cours des dernières années, nous mettons maintenant davantage l'accent sur la réduction des méfaits. Pour moi, ce sont des mesures que nous prenons pour limiter les méfaits de la drogue chez ces utilisateurs, et c'est un élément de la Stratégie canadienne antidrogue. Autrement dit, vu l'échec de la prévention, du traitement et de l'exécution des lois, le fait que l'on mette davantage l'accent sur la nécessité de réduire les méfaits montre l'échec des trois autres méthodes.

Nous devons maintenant prendre bien soin de ne pas accroître les mesures visant à réduire les méfaits au détriment de la prévention, du traitement et de l'application de la loi, sinon l'efficacité de ces trois volets sera encore plus compromis qu'il ne l'est déjà et les mesures de réduction des méfaits seront encore plus nécessaires que jamais. Nous avons créé un cercle infernal dans lequel s'enfoncent les toxicomanes.

• 1550

Que faut-il donc faire? Faut-il conclure que notre stratégie de lutte contre la drogue n'est pas bien fondée parce qu'elle ne donne pas les résultats escomptés? Je suis pourtant persuadé qu'elle repose sur des principes solides. Il faut toutefois que nous nous interrogions vraiment sur notre détermination à les appliquer. Il faut éviter de répéter, comme aux États-Unis, que «la guerre contre les drogues a échoué», car cela supposerait que nous avons vraiment livré une guerre contre les drogues au Canada.

Cela supposerait selon moi que nous avions un leader national fort qui dirigeait un effort concerté auquel participaient véritablement les trois paliers de gouvernement en vue d'assurer des ressources suffisantes à chacun des sept éléments de la Stratégie canadienne antidrogue. Il faut que nous commencions par reconnaître qu'il n'en a jamais été ainsi au Canada. Au lieu de pouvoir compter sur toute une flotte de navires disposés en rang serré sous la direction d'un amiral expérimenté, nous n'avons connu que de petites escarmouches ça et là de la part d'un certain nombre de petites embarcations qui s'arrachent les munitions et les positions les plus avantageuses.

Au lieu de se laisser prendre au piège tendu par les défenseurs de la légalisation des drogues et de renoncer à notre stratégie, nous devrions commencer par examiner les moyens à prendre pour en accroître l'efficacité. La prévention est efficace. Nous le savons parce que nous en avons constaté les résultats dans d'autres domaines. Ainsi, les campagnes de lutte contre la conduite en état d'ébriété, les campagnes visant à amener les gens à porter leur ceinture de sécurité ou à cesser de fumer sont autant d'exemples de campagnes de prévention efficaces. Chaque fois que je vois les publicités à la télévision ou les autres mesures qui sont utilisées dans le cadre de ces campagnes, je me demande pourquoi nous ne faisons pas de même pour prévenir l'abus des drogues. Nous n'avons jamais eu d'effort concerté à ce chapitre.

À la GRC, nous sommes persuadés qu'il faut enseigner aux jeunes de nos écoles les compétences de base qui leur permettront de résister aux drogues et à la violence. Il faut leur enseigner ces compétences dès le primaire, puis les renforcer au cycle intermédiaire et les renforcer de nouveau au cycle secondaire. Nous considérons également que la police doit participer à l'enseignement de ces compétences en partenariat avec les écoles, les parents et la collectivité.

Nous avons des agents de sensibilisation aux drogues dans chacune des provinces. Nous avons des programmes conçus spécialement pour les groupes que nous ciblons, qu'il s'agisse des jeunes ou des adultes. Il y a toutefois un écart énorme entre les ressources affectées à la réduction de la demande de drogue dans chaque province. Dans la plupart des provinces, exception faite de la Colombie-Britannique, nous n'avons qu'un ou deux postes fédéraux consacrés à la sensibilisation aux drogues. C'est très peu comparativement aux ressources qui sont consacrées à l'application de la loi. Encore là, il s'agit d'une question d'équilibre.

Dans cette province, nous avons 12 postes fédéraux et 6 postes provinciaux qui sont consacrés à la sensibilisation aux drogues, pour un total de 18. C'est loin d'être assez. Pour accroître notre efficacité, nous avons commencé à enseigner le programme de sensibilisation aux effets de la drogue, Ou programme DARE. Nous faisons appel à nos agents de sensibilisation aux drogues pour coordonner la formation, le financement et la mise en oeuvre du programme DARE à l'échelle de la province, tandis que l'enseignement comme tel est assuré par la police locale, qu'il s'agisse d'agents de la GRC ou de policiers municipaux. Ce programme nous a permis d'accroître le nombre de personnes qui travaillent à la sensibilisation aux drogues dans cette province, et nous avons maintenant plus de 300 agents formés aux méthodes DARE. Il s'agit là d'un accroissement considérable des ressources consacrées à la prévention primaire de l'abus des drogues et de la violence.

Nous ne cessons de former des policiers aux techniques du programme DARE afin de répondre à la demande. Les policiers suivent une formation intensive de deux semaines, et ils doivent rester sur place au centre de formation pendant toute la durée du cours. À l'heure actuelle, la formation est financée à même les dons de groupes communautaires ou d'entreprises.

Parce que nous ne recevons de fonds publics, nous avons dû constituer une société sans but lucratif appelée DARE B.C. afin de recueillir les fonds dont nous avons besoin. Il convient toutefois de signaler qu'une bonne part de l'argent qui sert à former des agents DARE au Canada provient de DARE International qui a son siège aux États-Unis. Il en sera ainsi tant que nous ne serons pas à même de recueillir assez d'argent au Canada.

En conclusion, nous pouvons dire, pour la première fois depuis des années, que la part de ressources consacrées à la prévention primaire de l'abus des drogues et de la violence a augmenté. Il faudra encore quelques années à ce rythme-là pour que nos efforts portent vraiment fruits, mais c'est tout de même un début. Ce qu'il nous faut, c'est un plan d'action révisé de la part de nos dirigeants fédéraux: ils doivent se montrer déterminer à lutter contrer l'abus des drogues et les problèmes qui en découlent. Nous espérons que le gouvernement au pouvoir aidera les deux autres paliers de gouvernement à mieux coordonner leurs efforts à ce chapitre. Il ne fait aucun doute selon moi que les principes qui sous-tendent la stratégie canadienne antidrogue peuvent donner de bons résultats. Il faut simplement que nous apprenions à les appliquer de façon plus efficace.

Merci.

• 1555

La présidente: Merci, sergent d'état-major.

Nous entendrons maintenant, de la Société John Howard, Larry Howett.

M. Larry Howett (porte-parole, Choices, John Howard Society of the Lower Mainland): Bonjour.

Je veux vous parler de ce que je vois presque quotidiennement dans le cadre de mon travail auprès des jeunes, des délinquants— tant ceux qui sont toujours en prison que ceux qui viennent d'être libérés—et du grand public. Je visite des écoles et d'autres établissements publics afin d'échanger. Je participe à des assemblées publiques sur la stratégie à quatre piliers, comme on l'appelle à Vancouver.

J'ai été surpris de constater qu'il ait fallu l'intervention d'une administration municipale pour donner le coup d'envoi à cette stratégie. M. MacPherson visite des centres et des installations communautaires afin de sensibiliser les gens aux objectifs de la stratégie. Ces objectifs sont la prévention, l'éducation et toutes les autres mesures que nous considérons tous comme étant importantes pour nous, pour nos enfants, pour l'avenir et pour lutter contre le fléau des drogues au Canada. Je trouve inacceptable que l'initiative ait dû être prise par une administration municipale. C'est l'administration qui a dû d'elle- même aller demander l'aide de diverses agences et de divers services gouvernementaux. Je suis toutefois heureux qu'elle ait pris cette initiative, et je partage ses préoccupations comme tous ceux qui sont ici j'en suis sûr.

Qui est-ce que je rencontre à ces assemblées? Je rencontre beaucoup de gens apeurés. Je suis d'accord avec M. Doucet pour dire que les drogues n'ont jamais été aussi bon marché. Elles n'ont jamais été aussi pures, et la situation n'a jamais été plus dangereuse. J'ai entendu dire que la situation est différente dans d'autres régions du Canada. Je veux bien, mais moi, je vis à Vancouver, et je dois m'occuper du problème tel qu'il se présente à Vancouver. C'est l'optique dans laquelle je travaille, c'est le problème avec lequel nous sommes aux prises ici.

Nous traversons un véritable blizzard ici, et, au fil des ans, on a voulu lutter contre la toxicomanie en y appliquant divers modèles. Certains disent qu'il faut enfermer les toxicomanes. Ce modèle a été très utilisé pendant bien des années. Nous les enfermions et cela ne donnait rien. Ils purgeaient leur peine et recommençaient à consommer de la drogue dès qu'ils sortaient. Ils continuent d'ailleurs à consommer de la drogue en prison, car elle est omniprésente. C'est un énorme cercle sans fin de dépendance, d'emprisonnement, de dépenses et d'argent.

Tout le monde dit: on peut continuer à investir de l'argent dans de vains efforts pour corriger le problème, ou bien on peut faire comme s'il n'existait pas. Ce qu'il faut plutôt, c'est un lieu de convergence et de concertation qui donne l'impulsion aux efforts pour venir à bout du problème. Il est inadmissible que ce soit la collectivité qui doive prendre l'initiative. C'est plutôt au gouvernement fédéral qu'il appartient selon moi de sonner la charge et d'assumer les devoirs de sa charge. Le gouvernement fédéral devrait confier à un ombudsman la responsabilité de coordonner les interventions des divers paliers de gouvernement qui doivent être mis à contribution si nous voulons enrayer le problème. C'est ce que j'ai toujours pensé.

Quand je participe à ces rencontres dans des centres communautaires, je suis surpris par la réaction de certains des membres du public à Vancouver. Je constate qu'ils en ont assez de se faire dire que «rien ne marche». Ils ont peur parce que ce sont leurs enfants qui ne peuvent pas passer devant une station du Sky Train sans que quelqu'un ne cherche à leur vendre de la drogue.

Je vais dans les écoles pour m'entretenir avec les jeunes. Eh bien, figurez-vous que dans une ville comme Langley, en Colombie- Britannique—ville que je croyais typique de bien d'autres villes—, je me suis entretenu avec une fillette de 13 ans qui fréquentait une école parallèle et qui se remettait depuis déjà un an de sa dépendance à la cocaïne. Je ne savais même pas ce qu'était ces écoles parallèles jusqu'à il y a un an. Je ne savais qu'elles existaient, mais figurez-vous qu'il y en a partout maintenant. Beaucoup des jeunes qui les fréquentent ont des problèmes, et ces problèmes sont bien souvent liés à la consommation de drogues. Quand je rencontre des jeunes de 13 ans qui sont déjà en réadaptation depuis un an parce qu'ils consommaient de la cocaïne ou des drogues dures, je sais qu'il y a longtemps qu'il aurait fallu cesser de parler du problème pour passer à l'action. Il est temps d'agir.

Il y a peut-être cinq ou six ans de cela, à l'établissement pénitentiaire de Matsqui, il y avait un type qui faisait des tatouages et qui était atteint d'hépatite. On a proposé à tous les détenus de se faire tester pour voir lesquels avaient l'hépatite C. Deux sur trois d'entre eux avaient l'hépatite C—deux sur trois. Vous savez quel est le pourcentage maintenant? Il est passé à 93 p. 100 dans les cinq ou six dernières années. Voilà ce qui est arrivé. Personne ne peut prétendre qu'on ne savait pas qu'il y avait un problème. Tout le monde le savait. Qu'est-il arrivé?

La solution est-elle de leur donner des seringues? Je ne pense pas qu'il y ait bien des gens qui soient prêts à envisager cette possibilité parce que les gardiens diront que les seringues peuvent devenir des armes. Quelle est la solution? Plus de programmes? Parmi les programmes qui sont offerts aux détenus à l'heure actuelle, un sur trois porte sur les drogues, mais cela n'empêche pas les détenus de consommer de la drogue.

• 1600

Je constate à ces assemblées que monsieur et madame Tout-le-monde—en tout cas à Vancouver, en Colombie- Britannique—sont jusqu'à un certain point pour le recours à un modèle médical et pour à tout le moins l'ouverture d'un dialogue en vue de mettre sur pied un programme expérimental d'entretien à l'héroïne. C'est une des solutions qui a été proposée, mais elle n'a pas encore été essayée. On l'a essayé ailleurs, dans d'autres pays, et elle a eu un certain succès. Cela va toutefois nous coûter cher si nous décidons de nous engager dans cette voie-là.

En Suisse, on compte 1 000 toxicomanes, dont 300 ou 400 héroïnomanes. Ici, à Vancouver, on en compte 15 000, et nous savons qu'aucun des programmes à leur intention ne donne des résultats en l'absence des mécanismes de soutien nécessaires. Les toxicomanes ne s'engagent pas dans une spirale descendante uniquement à cause de leur dépendance; c'est qu'ils acquièrent beaucoup d'autres mauvaises habitudes, des habitudes criminelles. Ils n'arrivent pas à se trouver du travail parce que leur vie entière est consacrée à l'obtention de la drogue dont ils ont besoin.

Il faut tenir compte du coût global, et le coût global, dans son sens large, comprend le coût des soins de santé. Le gouvernement fédéral a un rôle à jouer à ce chapitre, et je considère que le modèle de réduction des méfaits est une réussite indiscutable sur le plan des soins de santé.

Combien en coûte-t-il pour traiter les séropositifs? Combien en coûte-t-il pour traiter toute leur vie durant les personnes atteintes d'hépatite C? Beaucoup d'argent. Combien en coûte-t-il pour garder ces personnes en prison? C'est simplement que nous pouvons continuer indéfiniment à consacrer ainsi des fonds à leur traitement, tout en sachant que, dès qu'elles seront libérées, elles vont de nouveau consommer des drogues et qu'elles vont se retrouver en prison où nous pourrons dépenser encore 50 000 $ ou 60 000 $ par an pour les garder là. Ou bien nous pouvons affecter l'argent à certains types de problème, l'affecter à la prévention et à des programmes qui donnent des résultats concrets.

Savez-vous que, dans les centres de détention pour jeunes que je visite pour aller parler aux jeunes, on n'offre aucun traitement à ceux d'entre eux qui sont toxicomanes? Rien du tout. Dans les établissements fédéraux et provinciaux, les toxicomanes ont au moins accès au traitement à la méthadone. Ce n'est pas le cas pour les jeunes qui sont à l'âge où les programmes d'intervention pourraient être utiles.

Je ne dis pas qu'il faut donner de la méthadone aux jeunes. Je dis simplement que c'est une solution de dernier recours pour n'importe quel toxicomane. Il est toutefois essentiel que nous commencions à examiner certains de ces problèmes en nous disant qu'il faudra en fait y consacrer de l'argent. C'est un fait. Si nous ne commençons pas à décider ce que nous allons faire de cet argent et à en arriver à un programme réalisable au lieu qu'une multitude de paliers de gouvernement ne fassent que parler du problème, nous ne trouverons pas le moyen de le régler. La situation va simplement empirer.

La stratégie à quatre piliers serait à mon sens un bon point de départ. J'invite tous ceux qui sont dans la salle à bien examiner cette stratégie.

En ce qui concerne la réduction des méfaits, nous pouvons criminaliser et diaboliser la toxicomanie tant que nous le voulons, comme nous le faisons depuis 50 ans, avec pour unique résultat que 300 ou 400 toxicomanes de plus vont mourir l'an prochain d'une overdose. C'est là où nous en sommes mais c'est la réalité à laquelle nous sommes confrontés: il en va de la vie des gens et de la façon dont ils doivent vivre leur vie.

Le problème ne se limite plus à la partie est du centre-ville. Des décès par suite d'une overdose, il y en a partout, pas seulement du côté est du centre-ville. Dans tous les centres que je visite, je dois traiter avec des jeunes de 13 ans, leur parler et me demander pourquoi je dois essayer d'aider des enfants qui ont une dépendance à des drogues dures.

Merci.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Howett.

Je cède maintenant la parole à Donna Baird, de Seaview Addictions Services.

Mme Donna Baird (directrice exécutive, Seaview Addictions Services Society): J'espère vous présenter un exposé aussi suivi que certains des autres témoins. J'ai noté plusieurs points.

Ayant suivi une formation aux États-Unis pour me spécialiser dans les toxicomanies, je dois vous parler de cet aspect-là, c'est- à-dire de la normalisation de la qualification de ceux qui travaillent sur le terrain. Pour en arriver au niveau de qualification que j'ai, j'ai dû aller aux États-Unis. La formation n'était pas offerte ici.

Je constate que, dans mon travail avec d'autres professionnels sur le terrain, il y a autant de définitions différentes de la toxicomanie qu'il y a d'intervenants. Quand on travaille avec un nombre aussi grand de définitions, il est très difficile de s'attaquer au problème.

Dans un domaine où tout un chacun s'improvise intervenant, il se peut que celui qui a lui-même un problème de toxicomanie ne considérera pas la personne auprès de qui il travaille comme répondant aux critères pour être considéré comme toxicomane de peur d'être lui-même considéré comme toxicomane. La souffrance est grande dans le milieu, elle est grande dans notre société.

Il y a un élément auquel nous n'accordons pas beaucoup d'attention, à savoir le noyau familial. L'intégrité du noyau familial est compromise.

Je travaille dans West Vancouver. J'ai travaillé aussi bien avec les gens de la rue du centre-ville qu'avec les nantis des quartiers cossus. La toxicomanie ne connaît pas de barrières sociales. Il reste cependant que les gens de West Vancouver ont bien plus de moyens d'entretenir leur habitude. Ils ont de l'argent. Ils perpétuent aussi le problème en quittant la maison à 7 heures, en donnant à leurs enfants des téléphones cellulaires, des voitures et de l'argent pour qu'ils puissent passer la journée jusqu'à ce qu'ils rentrent chez eux à 9 heures le soir, quand il reste peut-être une heure avant que les enfants n'aillent se coucher. Nous ne mettons pas beaucoup l'accent sur l'intégrité du noyau familial. Je crois que c'est là un des problèmes fondamentaux. S'il y a un élément sur lequel porteront les efforts de prévention, j'espère que ce sera sur le noyau familial.

• 1605

Nous n'avons pas un véritable continuum des soins. Nous avons beaucoup de centres indépendants ici à Vancouver. Encore là, étant donné que j'avais travaillé aux États-Unis pendant un certain nombre d'années, j'ai trouvé difficile de revenir au Canada. Il m'a semblé que j'avais reculé dans le temps—une vingtaine d'années environ. On est très territorial. On s'arrache les mêmes fonds. On ne partage pas les services.

Il y a presque un problème inhérent au processus de demande de propositions, où des agences qui travaillent dans le même domaine se font concurrence pour les mêmes fonds. Au lieu que leurs services se complètent, elles deviennent en quelque sorte des adversaires. Je trouve difficile de devoir dire à la personne qui se présente à notre centre, où nous avons 11 programmes allant de la désintoxication au méthadone à domicile jusqu'aux services pour aînés, qu'elle va venir chez-nous pour une partie du service, qu'elle va devoir aller ailleurs pour une autre partie, qu'elle va peut-être devoir revenir ici à la fin et peut-être aussi être renvoyée à un autre organisme pour une formation en dynamique de la vie ou autre chose. Il y a vraiment un manque de continuum dans les soins.

Il y a aussi un manque de suivi dans le dossier de ces personnes. Quiconque connaît quelque chose en toxicomanie sait que le déni de la réalité est souvent un problème. Le cerveau du toxicomane a été pris en otage. La personne avec qui on a peut-être travaillé bien des années auparavant n'est plus vraiment la même. Quand son dossier ne la suit pas, la personne peut tomber encore une fois dans le déni dont il est très difficile de la faire sortir. C'est un problème.

J'ai aussi noté ici le manque de partage des ressources. Il y a souvent des recoupements avec d'autres ressources, comme celles de l'Association canadienne pour la santé mentale, notamment les foyers de transition. Les mêmes thèmes reviennent et pourtant nos centres sont indépendants. Au lieu de pouvoir compter sur un continuum de soins sous l'égide d'un seul organisme, si bien que la personne qui se présente à un centre pourrait être renvoyée dans un centre de désintoxication ou dans une maison de transition où elle aurait accès à la désintoxication à domicile, qui est un modèle d'intervention très rentable, ou encore un service de counselling externe ou que sais-je encore... S'il y avait un partage des ressources, il en coûterait beaucoup moins qu'il n'en coûte à l'heure actuelle pour la multitude de centres qui fonctionnent de façon indépendante et qui font double emploi les uns avec les autres.

Ce qui fait problème aussi, c'est que nous abordons la toxicomanie sous un angle physiologique. Or, la toxicomanie a des causes profondes. Je travaille auprès de jeunes qui souffrent de troubles alimentaires et qui ont commencé à prendre de la cocaïne pour éviter de prendre du poids. Leur trouble alimentaire est un problème aussi grave que leur dépendance à l'égard de la cocaïne. Nous traitons leur dépendance, mais nous n'avons pas de gens qui sont vraiment formés en toxicomanie et qui peuvent en traiter les causes profondes. Encore là, nous tenons compte du coût sur le plan physiologique et peut-être aussi du coût pour la société, mais nous avons tendance à passer sous silence la dimension spirituelle et ce qui nous lie les uns aux autres.

Nous avons aussi des toxicomanes de l'Internet, du cyber sexe... Nous avons des clients qui ont une accoutumance au cyber sexe, nous en avons d'autres qui ont une accoutumance au vol à l'étalage. Même s'il s'agit de toxicomanies différentes, la dynamique est la même. Les conséquences qui font qu'on est considéré comme toxicomane sont semblables; elles touchent les familles, la vie sociale, l'argent, etc. Parce que notre mandat consiste à traiter ceux qui abusent des drogues ou qui ont des problèmes de jeu, il n'existe pas vraiment de fonds pour traiter ceux qui ont des dépendances multiples ou peut-être des dépendances qui conduiront à d'autres problèmes en raison de l'inaccessibilité des services. J'ai travaillé avec un client qui avait une accoutumance au cyber sexe et qui m'a dit qu'il avait raconté qu'il avait une accoutumance à la cocaïne pour avoir accès à des services de counselling. Il y a donc des lacunes.

Par ailleurs, la formation donnée aux médecins, aux travailleurs sociaux et aux conseillers est insuffisante. Le message que nous transmettons aux clients et à la collectivité n'est pas conséquent. Nous n'avons pas les ressources de formation voulues pour que la compréhension se fonde sur une base commune. Nous avons mis sur pied un programme à l'intention des étudiants de la faculté de médecine de l'Université de la Colombie-Britannique, mais nous avions un budget tellement limité que nous n'avons pas pu faire grand-chose.

Pour ce qui est d'avoir accès à nos homologues...dans certains pays, on exige des commanditaires de publicités pour l'alcool, le tabac, les somnifères, les produits pharmaceutiques, etc, à la télé où ailleurs, qu'ils consacrent un montant équivalent à la prévention. Ils doivent dépenser autant pour la prévention que pour la publicité. Nous ne faisons pas ça ici. Je ne sais même pas comment on pourrait s'informer à ce sujet. C'est toutefois une bonne idée. Cela nous vaudrait de l'argent.

Un centre d'excellence—depuis bien des années, nous évoquons l'idée de créer une commission, parce que le problème de la toxicomanie touche tous les ministères. Fait intéressant, il y a maintenant huit ans que je suis de retour au Canada et je crois que j'ai changé de ministère six fois. Les dépenses que cela entraîne... Tout d'abord, il semble que personne ne veuille de nous. Le fait de changer constamment de ministère ainsi ne favorise guère la compréhension, et cela coûte cher.

• 1610

Au risque de paraître mesquine, même le coût du papier à en- tête, des cartes d'affaires, etc.—ce sont des millions de dollars qu'on engloutit pour ajouter le mot «services» au nom du ministère de la Santé ou du ministère du Développement des enfants et des familles. Je me dis souvent que cet argent-là pourrait servir à offrir des services.

Je regarde la télévision. J'ai enseigné un cours sur la publicité à des jeunes du primaire; je leur faisais prendre conscience du fait que 90 p. 100 des publicités s'adressent aux jeunes. On se fait des idées au sujet de l'image corporelle et d'autres comportements qui pourraient conduire à une accoutumance. On a normalisé un certain degré de dysfonctionnalité. J'admire les campagnes de l'ICBC contre l'alcool au volant. Par contre, ces campagnes donnent à entendre qu'il n'y a pas de mal à aller faire la fête. On ne pense pas aux enfants qui, le lendemain, se retrouvent avec des parents qui ont la gueule de bois et qui ne leur donnent pas à manger ou qui refusent de se lever ou encore qu'ils se portent malades au bureau. On normalise jusqu'à un certain point une accoutumance dysfonctionnelle.

J'ai noté responsabilité et dépenses. Il n'y a pas, comme je l'ai dit, de traitement holistique de la toxicomanie. On pourrait notamment envisager comme solution d'exiger des dépenses de contrepartie pour la prévention. Ainsi, les dépenses pour la prévention ou le traitement devraient être égales à celles qui contribuent à créer le problème. J'ai du mal à accepter d'avoir à financer un programme de traitement des parieurs à même l'argent du jeu. Nous devons organiser des casinos pour avoir accès à cet argent du jeu. La bonne nouvelle, c'est que nous n'avons plus besoin d'organiser de casinos, mais que nous pouvons simplement avoir accès à l'argent du jeu. J'accepte cet argent à contrecoeur en me disant que je le remets dans la prévention.

L'efficience passe par les centres polyvalents qui offrent un continuum de soins: santé mentale, logement de transition avec services médicaux, désintoxication, counselling externe et service résidentiel. C'est la solution du guichet unique qui permet de payer une seule fois pour les services de gestion, de dotation et autres et qui fait qu'on est moins en concurrence les uns avec les autres pour l'argent disponible.

La publicité—dans le cas de la méthadone, nous imposons des frais aux utilisateurs, et il y a des mécanismes inhérents de reddition de comptes. Pourrions-nous imposer un ticket modérateur pour certains services?

La présidente: Merci beaucoup, madame Baird.

Monsieur Steinmann, vous avez la parole.

M. Art Steinmann (directeur exécutif, Alcohol-Drug Education Services): Merci. Je vous suis reconnaissant de bien vouloir m'entendre.

Je représente le groupe Alcohol-Drug Education Service. J'ai eu l'occasion au fil des ans de m'entretenir avec Libby et nous avons eu de bons échanges, certains où nous étions d'accord et d'autres pas.

Randy, je suis allé vous rencontrer à votre bureau pour discuter de nos programmes. Nous avons donc eu certains contacts.

Aux autres, je dirai que nous sommes très heureux de pouvoir vous rencontrer. Nous vous avons fait remettre un jeu de documents dans une chemise bleue. Je vous encourage à les parcourir quand vous en aurez l'occasion. Je vous enverrai un mémoire où vous retrouverez certaines de mes remarques. Je les ai ici sous forme d'ébauche, et je vais vous en présenter les points saillants.

Je prends la parole devant vous aujourd'hui en tant que personne qui travaille depuis plus de 20 ans dans le domaine de la prévention et de l'éducation en matière de consommation d'alcool et de drogues. Les 17 dernières années, je les ai passées à l'agence où je suis maintenant, Alcohol-Drug Education Service, qui travaille depuis longtemps—50 ans, c'est plus que moi—dans ce domaine. Nous avons récemment eu l'occasion de témoigner devant le Comité spécial du Sénat sur les drogues illicites et devant le groupe de travail du caucus du premier ministre sur les questions urbaines. Nous sommes aussi très actifs au sein du groupe provincial sur les toxicomanies ainsi que de la coalition du maire. Je suis membre honoraire du Comité BCMA et j'en passe.

Je le dis simplement pour vous signaler la gamme des expériences que nous avons eues sur cette question. J'ai également reçu une formation en enseignement au niveau secondaire, mais j'ai commencé à travailler à la prévention de la toxicomanie dès le tout début et c'est ce que je fais depuis. J'ai vraiment consacré ma vie à la recherche, au développement, à l'évaluation et à la mise en oeuvre de stratégies et de programmes de prévention. Je parle comme parent et comme personne qui vit et travaille dans le quartier est de Vancouver, et comme personne qui est très préoccupée par la situation, de toute évidence, comme nous le sommes tous.

• 1615

D'après ce que j'ai pu constater au fil des ans, le problème de la drogue est avant tout un enjeu humain. Les drogues varient selon les époques. Je vous félicite de vous être donné comme mandat d'en examiner les causes sous-jacentes. Je dirais que dans la mesure où nous pouvons aider les jeunes à donner un sens et un but à leur vie, leur montrer qu'ils ont des options et les aider à acquérir des aptitudes et leur fournir un soutien, nous permettrons à ces jeunes de s'orienter vers des choix plus sains. Donc une bonne partie de notre travail consiste à essayer de préparer les gens à se frayer un chemin dans une culture où la drogue est omniprésente et à s'en tirer avec le moins de problèmes possible.

De toute évidence, les jeunes qui viennent de foyers où existent des abus de toutes sortes—qu'il s'agisse d'un traumatisme important, de fortes pressions—que ce soit la pauvreté ou l'éducation—courent un risque élevé d'abuser de l'alcool ou d'autres drogues ou de développer une accoutumance. On a besoin entre autres de méthodes spécialisées à l'intention des jeunes à risque élevé, et on est loin d'en faire suffisamment à cet égard.

Nous avons constaté d'énormes changements dans les habitudes d'utilisation de drogues au fil des ans. D'autres y ont fait allusion. Je ne m'étendrai pas là-dessus mais j'ajouterai simplement que l'on consomme facilement maintenant de la cocaïne et de l'héroïne, si bien que le passage du tabac ou de la marijuana à la cocaïne et à l'héroïne n'est pas une grosse étape dans bien des cas. La consommation de marijuana a augmenté considérablement. C'est maintenant la deuxième drogue la plus répandue. L'alcool arrive en premier, suivi de la marijuana, puis du tabac.

Cette situation me préoccupe car il y a quinze ans les choses étaient très différentes et nous faisions des progrès. Le gouvernement fédéral et les provinces finançaient des programmes d'action communautaire au niveau local dans toutes les provinces, et les groupes intéressés se réunissaient et mettaient en oeuvre des initiatives dans leurs petites localités. Comme on l'a indiqué, l'usage des drogues s'était stabilisé et avait diminué. Mais tout cela a changé. Je suis convaincu que cela est attribuable en grande partie au fait que nous ayons cessé de financer et d'appuyer une approche systématique, coordonnée et exhaustive pour régler ce problème, axée sur la prévention, car c'est de cette façon que l'on peut parvenir à empêcher les gens de devenir toxicomanes.

Même si nous prenions toutes les mesures voulues de réduction des méfaits, de traitement, et de lutte antidrogue, je crois qu'au mieux nous arriverions à gérer le problème, mais je ne crois pas que nous en réduisions considérablement la gravité.

La prévention est un élément absolument essentiel de l'équation. Ce n'est pas la seule solution dont nous avons besoin. Mais c'est un aspect dont le développement et le financement ont été négligés depuis de nombreuses années. Si nous pouvions mettre un tel système sur pied et en assurer le fonctionnement efficace, je crois que nous pourrions réaliser d'énormes progrès à cet égard avec le temps.

Une approche exhaustive et polyvalente est indispensable et doit s'accompagner d'un traitement exhaustif. Nous n'avons pas suffisamment de traitement adapté en fonction de l'âge, du sexe, de l'existence d'un risque élevé, et ainsi de suite.

La prévention est proactive. Elle favorise la responsabilité personnelle, elle est extrêmement rentable, positive, ne porte pas de jugement, est persuasive et non coercitive, et est pertinente à diverses étapes de la vie. Elle n'est pas uniquement destinée aux jeunes enfants. La quarantaine est une étape essentielle pour les stratégies de prévention, et l'étape qui précède le troisième âge est un moment tout indiqué pour faire de la prévention. Mais dans ces deux cas, on en fait bien peu.

La prévention est-elle efficace? Oui elle l'est, elle peut l'être. Il en existe de nombreux exemples, et la recherche est claire à cet égard. Vous en trouverez des exemples dans le classeur que nous vous avons remis, et nous pouvons vous en donner beaucoup plus.

L'un des objectifs de la prévention est de retarder la consommation précoce de drogues ou d'alcool. Nous savons maintenant très clairement que si un jeune atteint l'âge de 18 ou 19 ans sans avoir consommé de drogue de façon régulière ou ayant une consommation très faible, il est peu susceptible de connaître de graves problèmes. Par contre, un jeune de 10 ans, 11 ou 12 ans qui se soûle toutes les fins de semaine ou qui fume de la marijuana régulièrement est très susceptible d'avoir un grave problème de drogue. Donc ce n'est pas tellement compliqué. Nous savons que si nous pouvons retarder le moment où un jeune commence à consommer, nous pourrons probablement sauver beaucoup de vies et épargner à ces jeunes beaucoup de souffrance.

Pouvons-nous retarder l'usage de drogues? Oui. Nous savons comment le faire. Il existe des stratégies très prometteuses qui se sont avérées efficaces pour aider les jeunes à retarder un peu plus le moment où ils consomment des drogues. Mais nous n'avons pas la volonté politique, le leadership ni les fonds pour mettre en oeuvre ces stratégies, les évaluer et les utiliser à une échelle qui corresponde à l'ampleur du problème. En raison de l'ampleur de ce problème, le peu de prévention qui s'effectue est loin de suffire à la tâche. Si nous voulons obtenir des résultats, il faut que l'effort soit proportionnel.

• 1620

La prévention doit commencer tôt et être soutenue pendant de nombreuses années. Nous avions l'habitude de dire aux jeunes de 16 ans, si vous comptez boire à l'âge adulte, voici certaines choses à garder en tête. Eh bien, devinez quoi? La plupart des jeunes de 16 ans ont déjà fait l'expérience de l'alcool. En Colombie-Britannique, et probablement dans la plupart des provinces, c'est en 8e et en 9e années qu'une bonne partie de l'expérimentation est susceptible de commencer. Sur quoi s'appuie ce comportement? Il s'appuie sur ce que l'enfant a appris et acquis au cours de ces 12 premières années de vie, c'est-à-dire les attitudes, les valeurs, les intentions et les expériences qu'il a vécues. Donc, les premières années sont essentielles. Pourtant, le peu de prévention qui est offert est souvent axé sur les étudiants du niveau secondaire et au-delà. Je ne veux pas dire que ce type de prévention n'est pas aussi nécessaire.

Le fait que l'abus de drogues peut freiner le développement social, physique et émotionnel est d'une énorme importance. Nous le constatons tous les jours dans les centres de traitement. Je suis sûr que mes collègues conviendront avec moi que les gens dans la vingtaine, la trentaine et la quarantaine qui viennent se faire traiter souhaitent désespérément apprendre ce qui leur a échappé lorsqu'ils avaient 12, 13, 14, 15, 16 ou 17 ans parce que chaque fois qu'ils étaient stressés ou traumatisés, ils se soûlaient ou se droguaient.

Donc, il est vraiment important de tout faire pour aider les gens à trouver des moyens qui leur permettront de poursuivre leur développement naturel, le cheminement de l'adolescence. S'ils consomment des drogues de façon excessive, cela sera impossible.

Chaque intervention influe sur chaque autre intervention. Nous ne préconisons pas de mettre l'accent uniquement sur une intervention donnée, bien que si vous insistiez, je dirais qu'il faut mettre uniquement l'accent sur la prévention.

Blague à part, si nous nous contentons simplement de réduire les méfaits, si c'est la grande priorité qui domine chaque aspect de notre travail, je ne crois pas que cela soit utile ni que cela soit juste.

Nous avons examiné très sérieusement la question de la réduction des méfaits. Notre organisation estime qu'il est temps de mettre en oeuvre certaines des mesures proposées. Certaines initiatives de bas seuil susceptibles d'aider à stabiliser un toxicomane leur permettraient d'obtenir plus de soins et plus d'aide et finiraient par les aider à cesser de se droguer, ce qui serait l'objectif visé. Si l'objectif de la réduction des méfaits est simplement de maintenir l'utilisation de drogues, de faire en sorte que les usagers de drogues se droguent indéfiniment, alors nous ne pouvons pas appuyer un tel objectif.

De toute évidence, nous sommes très préoccupés par la façon dont on procède à la réduction des méfaits. Cela devrait se faire de façon stratégique et très soigneuse, grâce à une évaluation approfondie et à un contrôle suivi. Nous devrions aussi nous préoccuper de la façon dont on en parle. Je pense qu'il faut reconnaître que les médias, quelle qu'en soit la raison, sont fascinés par la réduction des méfaits. Ils ne sont pas fascinés par la prévention ou par des initiatives de traitement solides qui fonctionnent. Nous devons tâcher de modifier la façon dont nous présentons les choses afin que même les médias s'intéressent un peu plus à toute la gamme des services qui sont nécessaires.

Est-ce que les dirigeants fédéraux font oeuvre utile lorsqu'ils présentent la marijuana médicale comme s'il s'agissait d'une blague ou d'une idée amusante? Pas du tout. La marijuana médicale devrait être abordée comme tout autre médicament. S'il existe une utilisation légitime et défendable de la marijuana à des fins thérapeutiques, qu'on s'en occupe et qu'on la contrôle et qu'elle soit prescrite par des médecins et administrée adéquatement, tout comme n'importe quel autre médicament. Beaucoup de médicaments font l'objet d'un usage récréatif. La marijuana est surtout une drogue à usage récréatif. Je ne suis pas convaincu qu'elle ait une valeur médicale, mais ce n'est pas à moi d'en juger. Je crois que les tests que Alan Rock a fini par commander auraient dû être faits il y a 15 ans et que nous devrions discrètement fournir aux médecins ce dont ils ont besoin pour traiter leurs patients.

Je ne crois pas que la marijuana médicale sera prescrite sous forme de cigarettes. Je ne vois pas comment on pourrait faire une chose pareille car cela irait à l'encontre des résultats voulus. Mais il existe des inhaleurs et des pilules. Il y a d'autres façons de procéder, s'il s'avère nécessaire de l'indiquer.

Ce qui nous préoccupe beaucoup c'est la façon dont nous parlons de la réduction des méfaits et la façon dont nous transmettons ce message. Étant une personne qui travaille surtout avec des jeunes qui n'ont pas encore consommé de drogue, je sais que les messages que nous transmettons sont importants. Si nous légalisons la marijuana ou que nous procédons à la réduction des risques d'une façon qui laisse entendre aux enfants que ces drogues sont moins nocives qu'on le pensait autrefois, cela sera extrêmement dommageable, et malhonnête. La plupart des recherches faites sur la marijuana vont dans le sens contraire. Nous constatons que la marijuana présente davantage d'inconvénients, non le contraire.

Je voulais...

La présidente: Si vous voulez bien conclure.

M. Art Steinmann: Très bien.

• 1625

En ce qui concerne les arguments particuliers que vous avez présentés à propos de la stratégie antidrogue du Canada et du rôle du gouvernement fédéral, j'estime que le rôle du gouvernement fédéral est de montrer la voie et d'élaborer une orientation gouvernementale qui encourage les pratiques exemplaires.

Pour ce qui est d'élargir la base de connaissances, nous estimons effectivement qu'il faut améliorer la collecte de données, c'est essentiel, mais pas uniquement sur l'usage de drogues. Nous devons recueillir des données sur les pratiques exemplaires, sur l'efficacité, sur une foule de choses.

J'ai déjà parlé de la réduction des méfaits et j'aimerais terminer en parlant de certains des programmes auxquels nous participons.

Nous avons un programme axé sur les jeunes de 6e et 7e année. En Colombie-Britannique, 1 070 groupes scolaires ont demandé ces documents. Ceux-ci sont approuvés par le ministère de l'Éducation. Il s'agit d'une façon coordonnée et méthodique d'informer les enfants et de les aider à être mieux préparés pour prendre des décisions à cet égard. Mais ces programmes ont été établis grâce aux démarches que nous avons faites auprès des fondations pour recueillir les fonds qui serviront à développer les ressources pour concrétiser ces programmes.

C'est la même situation en ce qui concerne nos ateliers à l'intention des parents. Lorsque nous organisons un atelier à l'intention des parents, nous recevons des demandes de plus d'une centaine de collectivités chaque année qui veulent que nous nous rendions chez elles pour offrir cet atelier. Nous ne pouvons offrir que 30 ou 40 ateliers, parce qu'ils n'ont pas l'argent nécessaire et nous non plus. Mais le besoin est énorme. Les parents veulent désespérément savoir ce qu'ils peuvent faire pour empêcher l'abus de drogues. Comment peuvent-ils consolider leurs familles? Qui pourrait les aider si leurs enfants avaient un problème de drogues?

Il y a quelques années nous avons reçu de l'argent des gouvernements provincial et fédéral pour développer des ressources à l'intention des collectivités ethniques—des documents en punjabi, en chinois et en espagnol. Ils ont été préparés dans la langue même. Il ne s'agit pas de traduction. Tous ces documents ont été bien utilisés mais par la suite les fonds ont manqué pour permettre de soutenir et maintenir ces initiatives.

De même, on nous a demandé de préparer des documents pour les femmes enceintes à risque peu alphabétisées. Est-il possible d'empêcher le syndrome d'alcoolisme foetal? Imaginez! Après avoir travaillé avec ces femmes, nous avons établi un calendrier de grossesse et une foule d'autres initiatives. Ce calendrier a été imprimé et envoyé à tous les services de santé de la Colombie- Britannique. Il a fait l'objet d'un deuxième tirage, mais les stocks sont maintenant épuisés et cela depuis des années. Je pourrais vous donner d'innombrables exemples de cas semblables. Nous avons un programme pour les groupes à risque que nous avons élaboré il y a quelques années, et la même chose s'est produite.

Mon temps est écoulé mais je tiens simplement à faire valoir que pratiquement toutes ces ressources s'appuient sur des preuves et sont évaluées, qu'il s'agit d'éducation sanitaire, mais qu'elles n'ont pas l'appui ni l'intensité qu'il leur faut pour produire les résultats voulus.

J'espère que le comité examinera très sérieusement les mesures qui s'imposent à l'échelle nationale pour appuyer et promouvoir de saines activités de prévention qui sauront être efficaces.

Je vous remercie.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Steinmann.

Nous allons maintenant écouter Kathy Oxner du Pacifica Treatment Centre.

Mme Kathy Oxner (directrice exécutive, Pacifica Treatment Centre): Je vous remercie.

Le Pacifica Treatment Centre est un centre de traitement résidentiel qui est établi dans le quartier est de Vancouver. Nous nous y sommes installés en 1991. Il s'agit d'une société à but non lucratif qui existe depuis 24 ans, bientôt 25. C'est un établissement mixte qui offre des services aux hommes et aux femmes répartis en groupes selon leur sexe.

Pour être brève, je pourrais dire idem à ce qu'ont dit les présentateurs qui m'ont précédée, car je suis tout à fait d'accord avec eux en ce qui concerne les questions de prévention et le besoin de financement. Je crois que j'aimerais que ce bureau adopte une position plus axée sur la collaboration, une approche plus concertée qui permet de travailler avec d'autres ministères, d'autres sphères de compétence et d'autres fournisseurs de services au niveau communautaire.

J'ai plus de 20 ans d'expérience de travail dans divers milieux: cliniques de désintoxication, cliniques de méthadone, cliniques de consultations externes, programmes d'aide aux employés et traitement résidentiel. Au fil des ans, j'ai constaté très peu de progrès dans le traitement de l'accoutumance au Canada, et cela m'attriste.

J'ai moi aussi eu l'occasion de travailler quelques années à Boston au Massachusetts. Il existe un programme pas loin de Boston qui s'appelle le programme CASPAR. À la fin des années 70 et au début des années 80, ils étaient en avance sur nous et sur les services que nous offrons aujourd'hui en 2001. Ils offraient un traitement qui s'adressait aussi aux femmes et aux enfants, et les enfants étaient présents. Ils offraient toute une gamme de ressources dans les écoles, où on travaillait avec de jeunes enfants. Ils offraient des programmes aux adolescents dispensés par des camarades. Il s'agissait d'un vaste programme.

Nous continuons de travailler chacun de son côté. Je crois que Donna a assez bien décrit la situation lorsqu'elle a dit que nous avons un régime de soins et que nous n'avons pas de système de soins.

En théorie, cela semble très bien, mais au fil des ans, nous avons continué à perdre des ressources, du financement et maintenant nous avons des gens sur les premières lignes qui sont démoralisés. Il est très difficile de rester enthousiaste et passionné pour ce travail. Je crois que lorsque nous voyons des gens qui ont terminé nos programmes avec succès, qui se débrouillent bien et qui reviennent et nous disent, «je viens de fêter mes 16 ans et je suis heureux de redevenir un citoyen productif, je vous remercie», cela nous redonne l'énergie nécessaire pour continuer.

• 1630

J'avais en fait quelques points ayant trait aux questions soulevées dans le rapport sommaire, mais je crois que mes collègues ont abordé un grand nombre d'entre eux. Je vais mettre l'accent sur la réduction des méfaits parce que cet aspect à d'énormes répercussions sur notre centre de traitement à l'heure actuelle. J'estime qu'il nous faut une définition qui fonctionne. Je crains énormément que la réduction des méfaits remplace tous les autres aspects de nos services.

L'une des stratégies en vigueur à l'heure actuelle en Colombie-Britannique consiste à intégrer tous nos programmes de sorte que nous acceptions les personnes qui prennent de la méthadone et que nous éliminions les programmes axés sur l'abstinence. Même si je considère qu'il est vraiment nécessaire d'offrir certaines options en matière de traitement aux personnes qui prennent de la méthadone et qui veulent obtenir de l'aide pour d'autres toxicomanies, j'estime que l'élimination de programmes axés sur l'abstinence dans cette province ne rend pas service à notre collectivité. Cette situation me préoccupe beaucoup.

Écoutons-nous les groupes types et les personnes qui sont directement touchées et qui disent que nous devrions envisager une approche holistique? Certains disent que le fait de se trouver dans la même pièce que quelqu'un qui est sous l'influence de la méthadone est pour eux un élément déclencheur alors qu'ils sont là pour essayer d'arrêter de prendre de la méthadone et de l'héroïne, et que ce n'est pas un environnement sûr pour eux. Cela tombe dans l'oreille d'un sourd.

J'espère que nous pourrons examiner ces questions et y donner suite, sans nous contenter de déterminer ce qui est logique sur le plan économique, parce que à long terme, ce n'est pas ainsi que cela fonctionne. On a fait étude après étude sur le coût réel de ne pas offrir de services de ne pas offrir de lits pour traiter les gens. On est en train de demander aux services de première ligne de se concentrer sur la réduction des méfaits en Colombie-Britannique. Où allons-nous mettre alors les gens?

À l'heure actuelle, Pacifica, après 24 années de service, risque de devoir fermer ses portes. Nous avons tenu une réunion d'urgence cette semaine. Je trouve cela effrayant compte tenu que nous sommes le seul centre de traitement à Vancouver. Vous pouvez constater que c'est une question qui me tient à coeur.

Je ne crois pas qu'«une approche uniforme» soit la meilleure option. On a pu constater avec le temps que ce n'était pas le cas. Il nous faut une approche plurimodale qui nous permet d'examiner toutes les questions. Nous constatons un nombre de plus en plus grand de gens qui souffrent de stress post-traumatique, et si on ne s'en occupe pas, il devient pratiquement impossible d'assurer un programme de rétablissement efficace. On se retrouve alors avec le syndrome de la porte tournante. Il y a des gens qui quittent le programme de désintoxication et qui ne peuvent pas se faire traiter à cause des listes d'attente ou parce qu'ils n'ont pas accès au counselling offert aux malades externes pour les aider à se stabiliser jusqu'à ce qu'ils puissent faire appel à nous ou à un centre de réadaptation. Cela aussi est attribuable en partie à une absence de financement, une absence de ressources et une absence de coordination des ressources. Il y a double emploi et il y a concurrence pour les mêmes fonds. Il ne s'agit pas d'un effort très bien coordonné.

Je crois que le gouvernement fédéral peut jouer un rôle important pour ce qui est d'indiquer la voie à suivre aux provinces et au niveau local, et il ne l'a peut-être pas fait autant qu'il aurait pu.

J'estime également que la réduction des méfaits doit se faire dans une perspective communautaire. Nous devons fournir un appui financier en collaboration avec tous les intéressés, y compris les personnes en réadaptation.

Pour ce qui est de la recherche, je crois ici encore que l'on a privilégié l'approche dure, biomédicale, clinique et cognitive parce qu'elle est beaucoup plus étroite et beaucoup plus facile. Il n'est pas si facile de faire de la recherche sur un modèle bio- psycho-social-spirituel. C'est un peu plus compliqué. Cela prend du temps parce que souvent il faut faire une recherche qualitative plutôt que quantitative. Mais j'estime qu'une telle recherche sera d'une valeur incommensurable.

• 1635

La thérapie de remplacement n'en est qu'un infime élément; cependant, aujourd'hui en Colombie-Britannique, elle prend des proportions qui m'inquiètent. Nous avons traité l'alcoolisme à coup de valium dans les années 70. Nous en payons encore le prix. Il vous suffit de parler à quelqu'un qui a développé une accoutumance aux benzodiazépines pour constater à quel point cette accoutumance est horrible.

À une réunion à laquelle j'ai assisté la semaine dernière, j'ai demandé: qu'arrivera-t-il à ceux qui n'ont pas les moyens d'aller dans des cliniques privées comme Edgewood? Où iront-ils lorsque vous leur direz: «Nous ne pouvons pas plus vous garder»? Eh bien, ils peuvent aller aux États-Unis. Je ne crois pas que ce soit une bonne réponse. J'estime qu'ils devraient pouvoir rester dans leur collectivité pour y être traités.

J'aimerais vous parler d'une expérience personnelle. Mon beau- frère est venu à Pacifica il y a un peu plus d'un an et grâce à cela toute ma famille a reçu de l'aide. Ma soeur et mes deux nièces ont assisté à notre programme en milieu familial—ici encore l'un des seuls programmes offerts dans la région continentale sud qui inclut la famille. Ma soeur a décidé de se faire traiter en février; mais la vie de mes deux nièces en a été complètement transformée.

Mon beau-frère et ma soeur viennent de recevoir leur gâteau de première année à la fin octobre. Si vous croyez que cela n'a pas d'importance, vous vous trompez. Cela a un effet d'entraînement qui touche beaucoup de gens. Mes nièces sont des adolescentes, cela peut avoir de l'importance en matière de prévention. Ma plus jeune nièce qui obtenait à peine la note de passage à l'école a obtenu pour la première fois depuis longtemps une moyenne B cette année. Cela compte.

Donc j'espère vraiment que vous accorderez beaucoup d'importance à toutes ces questions concernant la prévention, la réduction de la criminalité, les traitements. Et même si les coûts au départ sont assez élevés, à la longue, simplement dans une petite famille, je sais que quatre vies ont été sauvées, et cela a été d'une extrême importance.

Je vous remercie.

La présidente: Je vous remercie d'avoir partagé cette expérience avec nous. Je crois que nous allons visiter Pacifica mardi.

Nous avons maintenant du temps pour les questions et les réponses. Écoutons d'abord M. White.

M. Randy White: Je vous remercie, Paddy.

De tous les groupes que nous avons entendus jusqu'à présent, celui-ci souscrit plus étroitement aux choses que je considère vraiment importantes. Je me sens beaucoup plus d'affinités avec les philosophies qui sont exposées à cette table. Moi aussi je me suis battu avec chaque palier de gouvernement à propos d'un endroit appelé Campbell Valley Women's Centre, qui était sur le point de fermer ses portes. Pouvez-vous imaginer un établissement de 32 lits pour adolescentes toxicomanes de la région continentale sud qui était sur le point de fermer ses portes? Il aurait dû y avoir 50 lits et une liste d'attente de 1 000 personnes; pourtant cet établissement fermait ses portes. On est en droit de s'interroger sur le raisonnement des défendeurs d'autres programmes lorsque ce genre de situation se produit.

J'aimerais aborder une question qui a été soulevée à la dernière séance que nous avons tenue, et il s'agit de l'intervention forcée. J'ai parlé à plusieurs personnes au fil des ans à propos de ce qui se passerait s'il existait des établissements au pays pour la désintoxication à court, moyen et long terme—des établissements entièrement axés sur le traitement de la toxicomanie—et si la clientèle était des toxicomanes qui avaient fait l'objet, disons, à défaut d'un autre argument, de trois condamnations. Dans le cas d'une quatrième condamnation, on pourrait peut-être dire, «ça y est, retiré. Vous ne restez pas dans la rue; vous allez en établissement».

J'ai présenté cet argument lors d'un comité à Ottawa à plusieurs personnes dont les opinions divergeaient—«vous ne pouvez pas traiter quelqu'un qui ne veut pas être traité», et ainsi de suite.

• 1640

Je ne vais pas parler du quartier est du centre-ville parce que c'est le pire des scénarios, mais ce genre de quartier existe dans la plupart des collectivités aujourd'hui d'une façon ou d'une autre, et je m'interroge à propos d'un concept comme celui-là. Peut-il fonctionner? Une variante de ce concept peut-il fonctionner?

Je sais qu'il y a des établissements dans cette province qui vont être disponibles, par exemple—des établissements assez vastes qui sont disponibles et qui pourraient être transformés. Je me demande simplement, en ce qui concerne la clientèle, est-ce nécessaire? Est-ce que cela peut être utile? Est- ce que cela permettrait à des gens qui vivent dans la rue et qui autrement sont incapables de vivre ailleurs ou qui ne sont pas disposés à le faire d'être traités en établissement pour une période de 18 à 24 mois, ou à peu près?

La présidente: Quelqu'un veut-il répondre? Je vois Mme Baird; puis je demanderai à tous ceux qui veulent faire des commentaires.

Mme Donna Baird: J'ai connu une situation semblable à Minneapolis—St-Paul, où les lois sont évidemment différentes. Les femmes qui sont enceintes, à moins qu'elles demandent à être traitées, seront accusées de mauvais traitements à l'égard de leur enfant. Ces personnes ne sont pas motivées quand elles commencent leur traitement. Je crois qu'il y a un certain risque à avoir un groupe homogène où tout le monde est obligé de se faire soigner, mais il y a certainement des avantages à les mêler à des gens qui sont motivés à un certain stade du processus.

Nous avons eu beaucoup de succès avec les femmes enceintes obligées de se faire soigner. Ce sont ce que nous appelions des «clientes motivées» par la loi. Une fois qu'elles arrivaient à reprendre leurs esprits et à ne plus être motivées par la survie et leurs soucis de se procurer de la drogue et les préoccupations propres à la toxicomanie, elles devenaient très motivées. Nous avons eu beaucoup de succès avec ces clientes.

Nous avons eu d'autres jeunes qui étaient motivés par la loi, et il s'agit habituellement de la seule autre catégorie de clients obligés de se faire soigner. Les services sociaux en représentent une autre.

Ici encore, s'il s'agit d'un groupe homogène, je crois qu'il y a jusqu'à un certain point un risque que les aspirations ne soient pas très grandes. Nous avons définitivement connu une certaine réussite; nous avons réussi à les faire entrer. J'utilise l'expression «leur cerveau a été prix en otage». Ils n'ont plus toutes leurs facultés. Ce ne sont pas des personnes logiques et rationnelles. Une fois qu'elles cessent de se droguer, leurs facultés reviennent lentement et on traite alors avec leur moi profond qui hurle pour qu'on le laisse sortir. Elles ont beaucoup de jours à leur actif et ont développé une certaine fierté, ce qui les incite à progresser.

Le traitement obligatoire fonctionne donc même s'il ne convient pas à tous.

Sgt é-m Chuck Doucette: Parmi mes autres fonctions, je siège au conseil d'administration du Pacifica Treatment Centre. Je fais partie d'un comité qui compte plusieurs médecins spécialisés dans le traitement des toxicomanes ainsi qu'un ancien toxicomane, Billy Weselowski, que vous connaissez peut-être et qui est l'administrateur du centre de traitement. Je suis allé en Suède deux fois pour visiter les centres de traitement pour toxicomanes de ce pays. On a recours au traitement obligatoire en Suède avec de bons résultats.

Les médecins et l'ancien toxicomane qui font partie de ce comité et avec lesquels j'ai discuté de la question me disent exactement ce qu'on vous a dit, c'est-à-dire qu'un traitement obligatoire peut certainement fonctionner. Il peut être vrai dans certains cas que le traitement ne fonctionnera que si l'intéressé y participe de son plein gré, et ce qui explique parfois qu'un toxicomane refuse le traitement c'est qu'il a perdu toute maîtrise de lui-même. Une fois que sa consommation de drogues a été stabilisée et qu'il a commencé un traitement, il y réagit habituellement très bien. Je crois que le traitement obligatoire a sa place dans notre société. S'il était possible d'obliger des toxicomanes à participer à un programme de traitement, ça nous permettrait de lutter beaucoup plus efficacement contre les problèmes qui se posent dans des endroits comme la partie est du centre-ville.

La présidente: Monsieur Howett, allez-y.

M. Larry Howett: Je n'en suis pas sûr. Permettez-moi de me faire l'avocat du diable. Je suis en rapport avec des toxicomanes depuis toujours... J'ai vu des toxicomanes à qui l'on avait imposé une peine d'emprisonnement à vie et d'autres à qui on a donné toutes les chances possibles d'abandonner les drogues; je n'ai vu aucun d'entre eux décider pour cela de changer de comportement.

Il n'y a pas si longtemps, les tribunaux envoyaient des toxicomanes à Brandon Lake, en Colombie-Britannique, pour qu'ils subissent une cure de désintoxication, l'idée étant de les forcer à participer à un programme de traitement. Or, le programme a été rapidement abandonné.

• 1645

Les toxicomanes sont profondément retors et ils cherchent toujours à tirer parti d'une situation. Ainsi, ils profiteront du fait qu'ils participent à un programme de traitement pour se réinsérer dans la collectivité. J'ai vu des centaines de toxicomanes le faire. On peut dire que c'est presque un art pour eux.

Le traitement obligatoire soulève également la question de la liberté individuelle. Il s'agirait de voir si on ne considérerait pas comme étant contraire à la charte le fait d'obliger des toxicomanes à subir un traitement et si cela ne va pas au-delà des limites que nous imposons à la liberté individuelle au Canada. Étant avocat, il faudrait que je me demande quels seraient les motifs qui permettraient de faire certaines distinctions.

Je suis convaincu que le traitement obligatoire pourrait être bénéfique si une personne voulait vraiment cesser d'être un toxicomane. La solution pourrait fonctionner pour certains groupes précis de toxicomanes. Une femme enceinte, par exemple, a une bonne motivation pour cesser d'utiliser des drogues. Les femmes enceintes constituent un groupe bien distinct, mais les toxicomanes que nous rencontrons tous les jours dans les ruelles ne sont pas aussi motivés. Obliger ce genre de toxicomanes à participer à un traitement...

Je crois qu'il est grand temps qu'on crée des tribunaux pour toxicomanes et je me réjouis qu'on songe à le faire à Vancouver. Pour ce qui est du traitement obligatoire? Jamais à ma connaissance un toxicomane n'a abandonné les drogues par coercition. Si une personne veut cesser de consommer des drogues, une chance de le faire s'offre a elle, mais ce n'est qu'une chance. Si cette personne est motivée, tant mieux, mais je ne pense pas qu'on puisse emprisonner quelqu'un et le forcer à participer à un programme de traitement. Cela n'a jamais fonctionné.

La présidente: Je vous remercie beaucoup.

Puis-je vous poser une brève question complémentaire, madame Baird?

Dans l'exemple de Minneapolis St. Paul, vous avez dit que ces toxicomanes avaient été contraintes par les tribunaux à participer au programme. Leur a-t-on permis de choisir entre deux peines?

Mme Donna Baird: C'est juste.

La présidente: Ces personnes ont donc décidé de participer au programme.

Madame Donna Baird: Oui, et certains programmes leur sont offerts dans les prisons. Compte tenu des structures hiérarchiques qui existent dans une prison et des pressions qu'exercent les autres détenus, certains toxicomanes m'ont dit que le fait de participer à un programme de traitement n'était pas bien vu de leurs pairs.

La présidente: Je vous remercie.

Madame Davies, vous avez la parole.

Mme Libby Davies: Je vous remercie beaucoup.

Je vous remercie de comparaître aujourd'hui devant le comité. Comme l'ont fait les témoins de ce matin, vous avez attiré notre attention sur des questions fort intéressantes.

J'aimerais revenir à ce que disait Randy au sujet des traitements obligatoires. Nous n'avons pas vraiment discuté de cette question, mais ce qui me préoccupe beaucoup c'est qu'on fait déjà valoir que les programmes de traitement sont insuffisants en Colombie-Britannique.

J'appuie l'idée du traitement sur demande. Les personnes voulant participer à un programme de traitement ne devraient pas devoir attendre éternellement pour le faire ou devoir se rendre dans une autre province. Elles ne devraient pas non plus avoir à recourir à des services privés. Comment pouvons-nous parler de la possibilité de rendre les traitements obligatoires quand les toxicomanes qui voudraient participer à un traitement ne peuvent pas le faire à l'heure actuelle vu le nombre insuffisant de programmes. Je pense qu'on nous mène en bateau. En tout cas c'est mon avis.

Deuxièmement...

M. Randy White: Rien ne nous empêche cependant d'en parler, n'est-ce pas?

Mme Libby Davies: Nous pouvons évidemment en parler. C'est ce que nous faisons aujourd'hui. Mais je vous donne mon point de vue sur la question.

Cette partie de la séance devait avoir un caractère éducatif, mais nous avons entendu ce matin des témoignages de plusieurs spécialistes, notamment sur la réduction des méfaits. Il faut dire que je n'ai jamais entendu un partisan de la réduction des méfaits dire que cette composante du traitement doit primer sur toutes les autres. J'ai pourtant travaillé auprès de beaucoup de groupes de toxicomanes dans le quartier est du centre-ville. Je m'oppose donc à ce qu'on présente les choses sous cet angle.

Je sais bien que les ressources sont limitées. On a tellement mis l'accent sur la réduction des méfaits que certains craignent que cette composante remplace l'un des quatre piliers. Martin Schechter, Michael O'Shaughnessy et les autres témoins que nous avons entendus ce matin ont cependant dit que la réduction des méfaits était l'une des voies menant au traitement et à l'abstinence. Une option n'exclut pas l'autre.

Les représentants de la GRC nous ont dit qu'on s'en remettait à la réduction des méfaits quand la prévention, le traitement et l'application de la loi ont échoué. Je rejette ce point de vue. Je pense que nous nous trompons vraiment. On ne peut pas dire qu'on va recourir à la réduction des méfaits seulement lorsque tout le reste a échoué. Il s'agit sûrement d'une option qui s'inscrit dans un cheminement. Il faut déterminer où en sont les gens. Je crois qu'on se trompe complètement en opposant la réduction des méfaits à l'application de la loi ou au traitement.

• 1650

La question que je veux cependant aborder a trait au programme de sensibilisation. Je sais que ce genre de programme existe. Je doute vraiment fort que les organismes d'application de la loi peuvent vraiment mettre en oeuvre des programmes réalistes de sensibilisation aux drogues. À mon avis, il s'agit de mettre l'accent sur les choix qui s'offrent aux gens et de leur donner une information honnête sur les conséquences de la consommation des drogues pour la santé et le bien-être.

L'ADES fait de l'excellent travail depuis plus de 50 ans et ma question s'adresse à ses représentants. Vous faites de votre mieux pour offrir des programmes aux toxicomanes et vous manquez d'appui. Si nous voulons vraiment sensibiliser les gens aux méfaits des drogues, cela doit s'inscrire dans une stratégie de prévention qui mette l'accent sur la santé. Lorsque nous envoyons des policiers dans les écoles... Je suis allée dans les écoles où ce genre de programmes sont mis en oeuvre et j'ai constaté par moi-même à quel point ils ne rejoignent pas les enfants. Je ne pense pas que ce genre de programmes tiennent compte de la réalité. Comme nous sommes tous d'accord sur l'utilité des programmes de sensibilisation, j'aimerais que vous me disiez à tour de rôle qui devrait être chargé de mettre en oeuvre ce genre de programmes.

À mon avis, la responsabilité première de la mise en oeuvre de ces programmes ne devrait pas revenir aux forces policières. Je ne pense pas non plus que la formation de deux semaines qui est dispensée aux agents de police soit suffisante. Les programmes actuels ne reflètent pas la réalité. Les forces policières peuvent jouer un rôle de soutien, mais comme il s'agit essentiellement d'une question de santé, je crois que la mise en oeuvre de ce genre de programmes devrait être confiée à des spécialistes de la santé et à des conseillers qui seraient chargés par les autorités scolaires d'intervenir auprès des élèves peut-être dès la première et la deuxième année.

La présidente: Écoutons M. Steinmann et ensuite Mme Baird.

M. Art Steinmann: Je vous remercie de votre question. Je ne suis pas venu ici pour dénigrer d'autres programmes ou pour les critiquer. Je ne pense pas que ce serait utile. Nous sommes cependant favorables à un modèle de programme de sensibilisation qui repose au premier chef sur la participation d'éducateurs et d'enseignants spécialement formés ainsi que sur la participation d'agents de police et d'infirmières des services de la santé publique. Ces programmes peuvent aussi faire appel à d'anciens toxicomanes triés sur le volet et ayant reçu la formation voulue.

Je me trouve dans une situation un peu délicate parce que le programme que nous mettons en oeuvre fait concurrence à celui qu'offrent les autorités policières. Abstraction faite du reste, je me demande si ce programme est viable en raison de son coût—et peut-être que Chuck a quelque chose à dire à cet égard—, car il est coûteux de dispenser une formation à des agents de police pour qu'ils jouent ensuite le rôle de conseillers en matière de santé auprès des élèves de tous les niveaux. Je ne vois pas comment nous pouvons avoir suffisamment d'agents de police pour offrir ce genre de programme de façon continue de la maternelle à la 12e année étant donné que cela coûterait des centaines de milliers, voire des millions de dollars.

Les enseignants sont cependant bien placés pour intervenir auprès des élèves s'ils ont l'aide voulue. Nous devrons faire bien davantage pour aider les enseignants à devenir de meilleurs conseillers en matière de santé. Beaucoup d'entre eux peuvent facilement s'adapter à ce nouveau rôle, mais il n'est pas obligatoire qu'ils le fassent. Enfin, ils doivent le faire, mais on ne leur donne pas la formation, le soutien et les ressources voulus.

Je ne sais pas si j'ai vraiment répondu à votre question, mais je sais que des programmes comme DARE suscitent des réactions partagées.

Je sais que certains enfants ne sont pas aussi ouverts qu'ils pourraient l'être avec un agent de police en uniforme. Il ne faut pas se leurrer. Il est fort possible que les enfants ne soient pas aussi ouverts et honnêtes qu'ils le devraient avec ces agents de police et qu'ils répondent aux questions qu'ils leur posent de la façon qu'ils pensent devoir répondre. Nous voulons cependant que les enfants, dans leur classe, acceptent de participer à des jeux de rôle et à des discussions portant sur les drogues de sorte que le vendredi soir, si l'un de leurs meilleurs amis leur offre de fumer un joint, par exemple, ils soient prêts à faire face à ce genre de situation.

Je sais qu'on peut aborder la question sous un autre angle, mais...

La présidente: Les intervenants suivants sont Mme Baird, M. Doucette et Mme Oxner.

Mme Donna Baird: Vous avez soulevé plusieurs points, et j'ai des opinions tranchées au sujet d'un certain nombre d'entre eux, étant donné que j'ai participé à la mise en oeuvre de programmes en établissement et qu'à mon retour à Vancouver j'ai travaillé avec des adultes atteints du syndrome de l'alcoolisme foetal.

Certains de ces adultes m'ont demandé ce que la société avait fait pour protéger leurs droits. Il s'agit d'adultes qui ne peuvent pas fonctionner dans notre société et qui se laissent toujours porter par la vague. Ces adultes ne peuvent pas apprendre et réfléchir sur ce genre de problème. Je crois vraiment qu'on devrait obliger les femmes enceintes à ne pas consommer d'alcool ou de drogues pendant leur grossesse. Ce qu'elles feront après leur grossesse les regarde.

• 1655

Que pouvons-nous cependant pour les adultes qui devraient participer à des programmes de traitement et qui ont développé une dépendance à des substances contre lesquelles on ne les a pas mises en garde étant donné que nous n'avons pas les ressources voulues pour les aider? Ces personnes vivent dans la rue. Cette situation nous préoccupe beaucoup. J'ai travaillé auprès de femmes dans cette situation. C'est quelque chose qui nous amène à réfléchir. Je ne sais pas vraiment comment on peut le faire, mais il faut intervenir auprès de ces femmes.

La réduction des méfaits et l'abstinence sont des concepts qui nous ont été plus ou moins imposés lorsque je suis revenue travailler au Canada à la mise en oeuvre de traitements dans les établissements. On nous a dit que ces traitements mettaient l'accent sur la réduction des méfaits. Personne ne nous a expliqué ce que l'on entendait par là. Personne ne nous a non plus dit comment nous allions nous y prendre. On nous a simplement dit que l'accent devait être mis sur la réduction des méfaits.

Mme Libby Davies: Qui vous l'a dit?

Mme Donna Baird: Le bureau central à Victoria.

Mme Libby Davies: Très bien.

Mme Donna Baird: Les directives sont venues de Victoria. Bien sûr que là aussi, les gens qui ont pris les décisions n'étaient pas des spécialistes de la toxicomanie. On nous a aussi dit de la même façon que nous devions nous occuper d'accréditation. Ces activités ont coûté des dizaines de millions de dollars à notre province et à notre pays. On aurait pu tout simplement adapter certains programmes et y investir davantage de ressources. Personne ne nous a non plus dit comment procéder à l'accréditation. L'agrément va coûter cette année 40 000 $ à mon organisme, soit le salaire d'un employé. Or, nous n'avons pas cet argent.

Je suis tout à fait favorable à ce que les organismes soient agréés, mais cet agrément nous est imposé sans s'accompagner de la formation voulue. Nous pensons qu'il existe autant de définitions de la réduction des méfaits qu'il existe de types de dépendance. Il ne s'agit cependant pas de choisir entre la réduction des méfaits et l'abstinence. C'est cependant la façon dont on nous a présenté les choses. Les programmes en 12 points ont été mis au rencart.

Je dirigeais un centre de traitement fondé sur une approche en douze points. On nous a dit d'abandonner ce programme, de ne plus parler d'abstinence et de mettre l'accent sur la réduction des méfaits. Je crois que c'est ce qui explique l'opposition qui est faite entre ces deux concepts étant donné que c'est la façon dont on a présenté la réduction des méfaits. Aucune formation n'a été dispensée aux fournisseurs de services.

Cela soulève la question des responsabilités des décideurs à Victoria et du coût de ces mesures. Les personnes qui sont chargées de mettre en oeuvre les services sur le terrain ne sont pas consultées et on ne leur dispense pas non plus la formation voulue. Qui sont cependant ces spécialistes qui nous imposent leurs points de vue? Où ont-ils obtenu leur formation? Cette formation n'est pas dispensée ici. Nos VCC offrent certains programmes partiels de formation, mais il n'existe aucune uniformité à cet égard.

Mme Libby Davies: L'agrément est-il vraiment important?

Mme Donna Baird: Très important.

Mme Libby Davies: C'est un élément de la reddition de comptes, n'est-ce pas?

Mme Donna Baird: Oui. J'y suis d'ailleurs complètement favorable. Je vais parler de mon cas personnel. Nous n'avons pas adopté les normes d'agrément qui s'appliquent actuellement dans nos hôpitaux. Nous nous sommes adressés à un organisme des États-Unis. Notre agrément nous a coûté des dizaines de millions de dollars américains. Nous aurions cependant pu adapter les programmes. ASAP-BC a proposé un programme d'agrément, mais personne ne s'y est intéressé. À mon avis, c'est de la pure folie. J'insiste sur le fait que c'est le bureau central qui nous a imposé le programme d'agrément. Où est la reddition de comptes? Où est la formation? Où sont ces spécialistes qui nous disent ce qu'il convient de faire?

La présidente: Écoutons le sgt é.-m. Doucette et ensuite les médecins. Je vous signale que nous allons bientôt entendre la musique.

Sgt é.-m. Chuck Doucette: J'aimerais aussi dire quelques mots au sujet de la réduction des méfaits. Ce que vous avez dit au sujet de la GRC est peut-être vrai. À titre de policier chargé de surveiller les passeurs de drogues, j'ai cependant siégé à ce qu'on appelait autrefois le Comité consultatif sur les dépendances du ministère des enfants et des familles. Ce comité discutait des services pour toxicomanes. Comme Donna vous l'a dit, je me souviens avoir participé à des discussions où il était question de l'application de la politique de la réduction des méfaits.

Je suis heureux qu'elle ait soulevé la question. Je me souviens avoir entendu parler de la façon dont on allait appliquer cette politique, et, au Pacifica Treatment Centre, nous discutions de la façon dont nous allions l'appliquer. Je sais donc que la province voulait réaffecter à la réduction des méfaits les fonds investis dans le domaine de la prévention et du traitement. Cela ne fait aucun doute.

La situation est peut-être différente au niveau fédéral et je m'excuse si je vous ai offensé. Je sais cependant que c'est ce qui va se produire à l'échelon provincial. Cela me préoccupe beaucoup car, comme le disait Art, nous ne briserons jamais ce cercle vicieux sans la prévention. Je crois à la réduction des méfaits, pourvu qu'elle ne prime pas sur tous les autres éléments.

• 1700

Pour ce qui est de la présence des agents de police dans les classes, c'est une question intéressante. À l'Université d'Akron, en Ohio, qui, me dit-on, est l'une des universités qui est à l'avant-garde dans le domaine de la prévention, on vient d'évaluer le programme DARE pour le compte de DARE America. L'université a produit une deuxième version du programme destiné aux écoles secondaires et réaménage à l'heure actuelle le programme destiné aux écoles élémentaires. Une des premières conclusions des spécialistes de l'université au sujet du programme—et les fonds pour cet examen provenaient de la société Robert Wood Johnston, et non de DARE, ce qui nous fait espérer qu'il s'agissait d'un examen indépendant—est que les agents de police en uniforme sont les mieux placés pour s'occuper de la prévention primaire. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le programme DARE connaît autant de succès. Je me reporte donc à ces recherches lorsque j'exprime le souhait que la GRC continue de participer à la prévention primaire.

Quant à ce qui se passe dans cette province, ou même si l'organisme que dirige Art existe depuis longtemps—je connais Art depuis aussi longtemps que je suis coordinateur de la sensibilisation aux drogues et nous avons travaillé ensemble sur de nombreux projets—, le fait est qu'il n'y a pas suffisamment de prévention qui se fait dans cette province. Les enseignants nous disent tous les jours «qu'ils ne savent pas comment faire de la prévention et qu'ils ne peuvent d'ailleurs pas le faire et ils nous demandent notre aide à ce sujet». Les autorités policières ont donc accepté de faire de la prévention dans les écoles parce que personne d'autre ne le faisait. En fait, si les policiers ne faisaient pas de la prévention dans les écoles à l'heure actuelle, il n'y en aurait pas du tout. Je pense donc que DARE n'y peut rien et qu'il a de bonnes chances de succès si nous collaborons tous à sa mise en oeuvre.

Art et moi avons beaucoup discuté de la possibilité de mettre en oeuvre des programmes mieux adaptés aux besoins des élèves du niveau secondaire. Les enfants de 5e et de 6e années, pour leur part, adorent les agents de police en uniforme. Et nous voulons travailler à établir de bonnes relations avec ces enfants pour qu'ils s'adressent à nous pour de l'aide lorsqu'ils grandiront, comme ils devraient le faire au lieu de simplement nous voir comme quelqu'un qui va leur donner un billet pour excès de vitesse. Je crois que les agents de police ont un rôle à jouer dans le domaine de la prévention et nous voulons continuer à le jouer. Rien n'empêche cependant de dispenser d'une autre façon.

La présidente: Je vous remercie. Madame Oxner, vous avez la parole.

Mme Kathy Oxner: Je pense qu'il est aussi nécessaire de dispenser de la formation au sujet de la prévention auprès des spécialistes de la santé. Les médecins et le personnel infirmier n'ont pas à suivre des cours sur le phénomène de la dépendance. Avant d'être travailleuse sociale, j'étais infirmière et je peux confirmer que la situation n'a pas beaucoup changé depuis l'époque où je faisais mes études. Le médecin de famille connaît bien la santé de ses patients et je pense qu'il pourrait jouer un rôle efficace dans le domaine de la prévention.

Pour ce qui est de la réduction des méfaits, la crainte que je soulève, en particulier... Le projet Sheeway est un exemple de projet destiné aux femmes qui a donné de très bons résultats. Ce dont tout le monde a d'abord besoin est d'un endroit sûr, de la nourriture et de la chaleur humaine.

En Colombie-Britannique, on commence à réaffecter les ressources vers la réduction des méfaits. Si cette option ne s'inscrit pas dans une stratégie plus globale de lutte contre les drogues, nous devrons en subir les conséquences à l'avenir.

M. Larry Howett: Permettez-moi d'ajouter quelques mots étant donné que je suis profondément convaincu de l'utilité des activités de sensibilisation. Lorsque je m'adresse à d'autres organismes, notamment lorsque je vais dans les écoles, je parle du programme Choices. Il s'agit en fait d'offrir des choix aux enfants. Peu importe qui offre ces choix aux enfants pourvu qu'il s'agisse de bons choix et pourvu qu'on cherche à mieux leur faire comprendre comment s'intégrer à la société et comment composer avec les problèmes auxquels ils sont confrontés.

• 1705

Ainsi, bon nombre d'enfants ne font pas les bons choix parce qu'ils manquent de surveillance. Les deux parents doivent aujourd'hui travailler. Les enfants ont de plus en plus de temps libre et de moins en moins à faire.

Lorsque j'étais enfant, on allait au parc pour s'adonner à un sport organisé. Partout à Vancouver, les parents s'organisaient et veillaient à ce que leurs enfants puissent s'amuser dans les parcs. Aujourd'hui, moins d'enfants s'adonnent à des activités organisées et il y a de plus en plus d'endroits où ils peuvent flâner et s'adonner à des activités nocives. Ce qui est encore plus grave, c'est qu'ils sont laissés à eux-mêmes.

LINC, un autre programme auquel je participe, comporte une composante appelée Edge dans le cadre de laquelle les ex-détenus vont dans les écoles parler aux enfants des mauvais choix qu'ils ont faits et des conséquences qui en ont découlé pour eux. Ce qui importe c'est de trouver un moyen de rejoindre ces enfants. Tous les efforts en ce sens sont utiles.

Je suis d'accord pour dire que l'intervention des agents en uniforme dans les écoles, en particulier auprès des enfants de l'élémentaire, peut donner de très bons résultats. J'y suis donc tout à fait favorable. J'appuie aussi tous les autres types de programmes de sensibilisation qui peuvent être mis en oeuvre.

Ce qui m'attriste beaucoup c'est que les divers organismes qui oeuvrent dans le domaine semblent se faire concurrence faute de fonds. Beaucoup de jalousie semble exister entre les organismes qui souhaitent tous assurer la survie de leur programme. Peu importe qui intervient auprès des enfants, mais quelqu'un doit le faire. Il convient que cette concurrence cesse.

La présidente: Merci.

Une brève intervention de M. Steinmann.

M. Art Steinmann: C'est un véritable guêpier, n'est-ce pas.

La question que je soulevais était de savoir si l'on pouvait vraiment sérieusement songer à affecter des agents de police en uniforme dans toutes les écoles? Je ne pense pas que ce soit possible.

DARE a-t-il sa place? Peut-être. Chuck, vous et moi nous devons sans doute en rediscuter parce que j'ai cru comprendre que la conclusion des recherches menées par la Fondation Wood était qu'on ne remettait pas en question le fait que le programme soit mis en oeuvre par des agents de police. D'après ce que j'ai lu, on allait revoir tous les éléments du programme, mais il n'était pas question d'en confier la mise en oeuvre à d'autres personnes que des agents de police.

La présidente: Vous pourriez peut-être discuter de la question et nous en reparler par la suite.

Sgt é.-m. Chuck Doucette: J'ai personnellement appelé les responsables du projet la semaine passé.

La présidente: Il y a sûrement moyen de tirer tout cela au clair.

M. Art Steinmann: Une dernière chose: prenons garde d'aller trop loin. N'importe qui peut aller dans les écoles informer les enfants au sujet des drogues, et nous nous en réjouissons. Comme j'ai une formation de pédagogue, et comme j'ai étudié les recherches qui ont été menées et que j'ai pris connaissance des évaluations des programmes, je constate que certains programmes ne donnent pas les résultats escomptés. S'il suffisait de demander à un ancien toxicomane d'effrayer les enfants pour les amener à ne pas consommer de la drogue, nous pourrions le faire et passer à autre chose. Le problème est cependant plus complexe.

Je dis simplement qu'il doit y avoir une certaine rigueur dans l'éducation, le traitement et tous les autres éléments; nous suivons donc des modèles qui se fondent sur des pratiques exemplaires éprouvées.

La présidente: Ce n'est pas n'importe qui qui peut se présenter devant une classe, n'est-ce pas?

M. Art Steinmann: Exact.

La présidente: Tout dépend de la province.

Soit dit en passant, il y a un excellent programme qui s'appelle Smart Risk Foundation. Ce programme vise essentiellement à prévenir les blessures chez les jeunes, notamment les blessures à la tête et à la moelle épinière, de même que les décès. Il s'agit d'amener les jeunes à faire des choix plus judicieux.

J'ai été vice-présidente du comité de la Justice il y a quelques années, à l'époque où nous examinions la Loi sur les jeunes contrevenants, et j'ai été frappée par le fait qu'il y avait tellement d'enfants qui avaient besoin d'apprendre à prendre des décisions judicieuses. En tant qu'adulte, nous avons, j'ose l'espérer, reçu une éducation en ce sens. Il est toutefois évident que le vécu familial varie et que cet apprentissage peut prendre différentes formes.

J'ai une question pour vous, madame Oxner. Je plaisantais quand vous avez dit que les médecins n'offrent pas de traitement, mais il semble que c'est là quelque chose d'assez important en fait. Il y a aussi les cas où les médecins sont complices de la consommation abusive de drogues parce qu'ils continuent à prescrire des médicaments pendant des années, qu'il s'agisse de valium ou d'autres choses.

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D'après votre expérience, devrions-nous chercher à incorporer davantage de cette formation dans les cours qui sont dispensés aux professionnels de la santé? Il semble qu'il y ait lieu d'assurer une plus grande convergence en matière d'éducation afin que chacun soit au courant des diverses possibilités, des choix sains et des mesures à prendre pour déceler ceux qui ont des problèmes de toxicomanie et les renvoyer aux services compétents, que ces personnes aient un problème d'anorexie ou quelque autre problème, afin que nous soyons tous en meilleure santé et que nous prenions de meilleures décisions.

M. Kathy Oxner: Quand je travaillais à Boston, un des médecins avec qui je travaillais était un des administrateurs de l'Université Harvard. On a fini par obliger tous les médecins à consacrer 12 semaines à la toxicomanie dans le cadre de leur formation.

Ils devaient passer trois semaines dans un centre de désintoxication et quatre semaines dans un centre de services externes, où ils étaient appelés à faire des examens physiques et à donner d'autres soins—des cliniques de traitement à la méthadone. Le reste du temps, ils devaient travailler à l'urgence d'un hôpital où ils devaient soigner les patients qui avaient des problèmes de drogue ou d'alcool—des overdoses de drogue. Ils devaient ensuite assurer un suivi.

Je trouvais cela très intéressant comme façon de faire, et j'ai l'impression qu'on formait ainsi des médecins qui avaient vraiment une bonne compréhension, à divers niveaux, de l'effet des toxicomanies sur la vie des gens, et pas seulement sur leur santé physiologique.

Mme Donna Baird: Au centre où j'ai travaillé au Minnesota, à Hazelden, on avait aussi un programme à l'intention des professionnels et des résidents. Ce programme était semblable à celui que vous a décrit Kathy. On obligeait les médecins à participer activement au régime de traitement et à suivre le programme.

La présidente: Très bien. Merci.

Excusez-moi, mais nous allons devoir nous arrêter. Nous savions qu'il devait y avoir une réception à côté, mais nous ne savions pas que le groupe de musiciens allait répéter. Certains d'entre vous voudront peut-être aller à côté pour leur donner des conseils. Je suis sûre qu'ils vous en seraient reconnaissants. Vous pourriez même danser un peu.

Nous vous sommes très reconnaissants d'être venus nous faire part de vos idées et de vos expériences. De toute évidence, les problèmes sont complexes. Vous nous avez donné matière à réfléchir, et c'est excellent.

Si vous avez d'autres idées, vous n'avez qu'à les envoyer à notre greffière, Carol Chafe. Elle veillera à faire traduire les documents et à les remettre à tous les membres du comité.

Nous sommes ici à Vancouver jusqu'à mercredi, et nous nous rendrons ensuite à Abbotsford jeudi. Le comité terminera sans doute ses travaux en juin, après quoi il présenterait son rapport en novembre. Si donc vous avez d'autres idées dans l'intervalle, communiquez avec nous.

Merci pour ce chaleureux accueil britanno-colombien. Nous reprenons nos travaux demain matin, à 9 heures, et nous entendrons alors Donald MacPherson, de la ville de Vancouver. Merci. La séance est levée.

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