SNUD Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 25 avril 2002
¹ | 1535 |
La présidente (Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.)) |
M. Réal Ménard (Hochelaga--Maisonneuve, BQ) |
¹ | 1540 |
¹ | 1545 |
¹ | 1550 |
M. Derek Lee (Scarborough--Rouge River, Lib.) |
La présidente |
M. Derek Lee |
M. Réal Ménard |
M. Derek Lee |
La présidente |
M. Derek Lee |
M. Réal Ménard |
La présidente |
M. Réal Ménard |
La présidente |
M. Réal Ménard |
La présidente |
M. Réal Ménard |
¹ | 1555 |
La présidente |
M. Réal Ménard |
La présidente |
M. Réal Ménard |
La présidente |
M. Réal Ménard |
La présidente |
M. Réal Ménard |
La présidente |
M. Guy St-Julien (Abitibi--Baie-James--Nunavik, Lib.) |
M. Réal Ménard |
M. Guy St-Julien |
M. Réal Ménard |
La présidente |
Mme Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.) |
La présidente |
M. Réal Ménard |
La présidente |
M. Réal Ménard |
La présidente |
º | 1600 |
M. Réal Ménard |
La présidente |
M. Réal Ménard |
La présidente |
M. Réal Ménard |
La présidente |
M. Réal Ménard |
La présidente |
M. Réal Ménard |
La présidente |
M. Réal Ménard |
La présidente |
M. Réal Ménard |
La présidente |
M. Réal Ménard |
La présidente |
M. Réal Ménard |
La présidente |
M. Réal Ménard |
La présidente |
La présidente |
º | 1605 |
M. Derek Lee |
La présidente |
M. Réal Ménard |
M. Derek Lee |
M. Réal Ménard |
La présidente |
M. Réal Ménard |
La présidente |
M. Réal Ménard |
La présidente |
M. Réal Ménard |
La présidente |
M. Réal Ménard |
La présidente |
M. Réal Ménard |
La présidente |
M. Réal Ménard |
La présidente |
M. Réal Ménard |
La présidente |
M. Réal Ménard |
La présidente |
M. Réal Ménard |
La présidente |
M. Réal Ménard |
La présidente |
M. Réal Ménard |
La présidente |
M. Stéphane Bergeron (Verchères--Les-Patriotes) |
La présidente |
M. Stéphane Bergeron |
La présidente |
M. Stéphane Bergeron |
La présidente |
M. Réal Ménard |
º | 1610 |
La présidente |
M. Réal Ménard |
La présidente |
M. Réal Ménard |
La présidente |
M. Réal Ménard |
M. Derek Lee |
º | 1615 |
La présidente |
M. Stéphane Bergeron |
Mr. Réal Ménard |
La présidente |
M. Derek Lee |
La présidente |
M. Réal Ménard |
La présidente |
M. Keith Martin (député d'Esquimalt--Juan de Fuca, Alliance canadienne) |
º | 1620 |
º | 1625 |
º | 1630 |
º | 1635 |
La présidente |
M. Keith Martin |
M. Randy White |
M. Keith Martin |
M. Randy White |
M. Keith Martin |
M. Randy White |
M. Keith Martin |
M. Randy White |
M. Keith Martin |
º | 1640 |
M. Randy White |
M. Keith Martin |
M. Randy White |
M. Keith Martin |
M. Randy White |
La présidente |
M. Randy White |
M. Keith Martin |
M. Randy White |
M. Keith Martin |
M. Randy White |
M. Keith Martin |
M. Randy White |
M. Keith Martin |
M. Randy White |
La présidente |
M. Réal Ménard |
M. Keith Martin |
º | 1645 |
M. Réal Ménard |
M. Keith Martin |
M. Réal Ménard |
M. Keith Martin |
M. Réal Ménard |
M. Keith Martin |
º | 1650 |
La présidente |
Mme Hedy Fry |
M. Keith Martin |
º | 1655 |
La présidente |
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne) |
La présidente |
M. Derek Lee |
M. Keith Martin |
M. Derek Lee |
La présidente |
M. Kevin Sorenson |
» | 1700 |
M. Keith Martin |
M. Kevin Sorenson |
M. Keith Martin |
La présidente |
CANADA
Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le jeudi 25 avril 2002
[Enregistrement électronique]
¹ (1535)
[Traduction]
La présidente (Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.)): La séance est ouverte. Conformément à l'ordre de renvoi adopté par la Chambre des communes le jeudi 17 mai 2001, le Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments examine les facteurs sous-jacents ou parallèles à la consommation non médicale de drogues ou de médicaments. Nous étudions également, conformément à l'ordre de renvoi du 17 avril 2002, l'objet du projet de loi C-344, Loi modifiant la Loi sur les contraventions et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (marihuana).
Avant de donner la parole à notre témoin, Dr Keith Martin, deux motions vont nous être présentées.
Monsieur Ménard, vous avez la parole.
[Français]
M. Réal Ménard (Hochelaga--Maisonneuve, BQ): Merci, madame la présidente.
Si vous me le permettez, je vais lire la motion pour ceux qui nous écoutent et qui n'en connaissent pas la teneur. Elle se lit comme suit:
Que le Comité condamne sans réserve le traitement injuste et antidémocratique que le gouvernement a réservé au projet de loi d'initiative parlementaire du député Keith Martin, portant sur la déjudiciarisation du cannabis. |
Madame la présidente, je suis dans ce Parlement depuis 1993 et j'aime mon travail. J'aime être député, j'aime représenter les gens d'Hochelaga--Maisonneuve et je fais mon travail sérieusement. J'ai été blessé, choqué, fâché et déçu du rôle que le gouvernement a joué. Notre comité étudie toute la question des drogues et ne peut donc rester insensible face au comportement fessier et antidémocratique que le gouvernement a affiché.
Madame la présidente, il faut bien comprendre que si on laisse passer cela et qu'on ne prend pas des mesures de réparation, ce qui est arrivé à notre collègue Keith Martin pourrait arriver à tous et chacun d'entre nous.
Il faut dire aux gens qui nous écoutent que dans ce Parlement, un pouvoir extrêmement considérable est dévolu à l'exécutif. Tous les ministres peuvent déposer des projets de loi. Puisque vous êtes là depuis 1993, vous savez que l'ordre du jour de la Chambre des communes est fixé à 85 ou 90 p. 100 par le gouvernement. Il y a un petit espace qui appartient aux députés, qu'on appelle les projets de loi d'initiative parlementaire.
Certes, la façon de faire n'est pas parfaite. Je m'intéresse à cette question depuis 1993. Il y a même de nos collègues qui ont présidé le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre. Certes, on pourrait bonifier le projet de loi de notre collègue, mais il n'est pas acceptable qu'on ait traité de la sorte un député qui s'est astreint à la procédure, dont le nom a été tiré au sort par le Président de la Chambre des communes et qui a comparu devant le Sous-comité des affaires émanant des députés, auquel tous les partis sont représentés. Le représentant du Bloc québécois est Michel Guimond, le député de Montmorency--Beauport--Côte-de-Beaupré--Île d'Orléans. Le gouvernement a une majorité à ce sous-comité. Ce sous-comité a l'habitude de travailler, non pas en consensus, madame la présidente, mais à l'unanimité.
Je vais prendre le temps qu'il faut, madame la présidente. Le Règlement me permet de parler sur ma motion pendant un temps illimité.
Donc, je vous disais, madame la présidente, qu'un député qui s'est astreint au processus... Là, je ne veux pas qu'on fasse le débat sur le fond des choses. Dans mon parti, il y a des gens qui sont pour la déjudiciarisation et il y en a qui sont contre. Je suis sûr que c'est la même chose dans le parti de l'Alliance canadienne et que c'est la même chose au gouvernement. Quand le projet de loi fera l'objet d'un vote, les députés voteront selon leur conscience et dans le meilleur intérêt de ceux qu'ils représentent. Cependant, je ne peux pas accepter que le gouvernement soit assez fessier, soit assez trou du cul pour aller à l'encontre du Règlement que nous avons nous-mêmes voté en Chambre et d'un comité qui est animé par l'ensemble des députés.
Que s'est-il passé, madame la présidente? Ce comité a fait rapport à la Chambre pour que soit réputé votable un projet de loi, en l'occurrence le projet de loi de notre collègue Keith Martin, et le gouvernement a utilisé sa majorité pour poser un geste extrêmement dangereux en démocratie et extrêmement laid sur le plan de la procédure. Il a fait comme si de rien n'était, allant au-delà de ce qu'avait décidé un comité auquel tous les partis sont représentés.
¹ (1540)
À ce moment-là, le leader à la Chambre a dit qu'il n'allait pas se sentir lié par ce que le gouvernement avait fait et par ce que le comité avait décidé, et qu'il allait déclarer que le projet de loi ne devait pas faire l'objet d'un vote.
Peut-être le comité s'est-il trompé, madame la présidente. Peut-être ce projet de loi ne devrait-il pas faire l'objet d'un vote, vu qu'un comité étudie cette question. Mais étant donné que la décision a été prise et qu'un rapport a été déposé à la Chambre des communes, nous ne devons pas laisser passer cela. Je prétends, comme député, que si nous laissons le gouvernement décider que le projet de loi qui devait faire l'objet d'un vote ne peut plus faire l'objet d'un vote, ce sont tous nos privilèges de parlementaires qui seront remis en question.
Madame la présidente, je veux qu'on se le dise. Dans ce Parlement, les simples députés, les députés d'arrière-ban comme on nous appelle à l'occasion, n'ont pas de pouvoirs. Le seul espace qu'on peut occuper, c'est celui des motions et des projets d'initiative parlementaire.
Madame la présidente, je suis prêt à livrer une bataille pour faire valoir mes principes, afin qu'il y ait des mesures de réparation. Je crois que ces mesures sont de différents ordres. J'ose espérer, madame la présidente, que tous les députés qui sont membres de ce comité seront assez vertébrés sur le plan de la démocratie pour reconnaître qu'il y a là une entrave extrêmement grave aux privilèges de tous les députés.
À plusieurs reprises, madame la présidente, je me suis informé auprès de vous de ce qui allait se passer dans le cas de ce projet de loi. À un moment donné, des rumeurs ont circulé. Le gouvernement disait qu'il allait l'envoyer au Comité de la santé ou au Comité sur la consommation non médicale de drogues, mais jamais je n'aurais pensé que le gouvernement puisse être assez cavalier, assez antidémocratique, assez fessier pour ne pas respecter le travail qui est fait en comité et qui est censé lier tous les parlementaires à la Chambre des communes.
Madame la présidente, je vous rappelle que ce comité travaille à l'unanimité et par consensus. Si le gouvernement ne faisait pas confiance aux députés libéraux qui siègent à ce comité et s'il ne souhaitait pas que ce projet de loi fasse l'objet d'un vote, il n'avait qu'à changer les députés qui le représentent. C'est ça, la solution. Il ne s'agit pas de revenir sur une façon de faire qui a été adoptée par tous les partis.
Madame la présidente, si le comité fait comme si de rien n'était et accueille l'objet de ce projet de loi, puisque que ce n'est pas le projet de loi qui nous a été renvoyé mais son objet, si le comité accepte cela, ça veut dire que pendant les prochains mois ou même les prochaines années, les parlementaires qui ne sont pas membres du gouvernement s'exposeront à ce qu'à la moindre controverse, le gouvernement dépose une motion pour que le vote n'ait pas lieu; et le vote n'ayant pas lieu, le débat n'aura pas lieu.
On peut se poser la question. Depuis 1993, c'est la première fois que le gouvernement agit comme cela. Pourquoi le gouvernement a-t-il choisi de ne pas accepter que ce débat ait lieu à la Chambre des communes, et pourquoi le gouvernement a-t-il choisi de refuser que les parlementaires votent sur ce projet de loi? J'ai des hypothèses à vous fournir, madame la présidente. C'est peut-être parce que le gouvernement craint que le projet de loi ne soit adopté à la majorité des voix. Beaucoup de Canadiens et de Québécois conviennent qu'il n'est pas très rationnel qu'un casier judiciaire soit créé pour quelqu'un qui est trouvé en possession d'une petite quantité de cannabis. Je sais que le député Keith Martin était porteur d'appuis significatifs de députés de tous les partis. Un comportement comme celui-là n'est pas acceptable.
Madame la présidente, vous savez qu'il y a quelques mois, on a revu le Règlement de la Chambre des communes. On a eu un débat exploratoire. Je me rappelle avoir parlé à 23 h 30. Je n'ai aucun mérite: ma santé est bonne, je suis en forme et je suis toujours disponible pour faire des discours. À 23 h 30, j'ai livré un discours en faisant ce qui doit être fait dans un débat comme celui-là, en rappelant que tous les parlementaires doivent être égaux à la Chambre et qu'il faut qu'il y ait un espace additionnel pour les députés. Madame la présidente, au terme de mon discours, j'ai été applaudi même par la majorité ministérielle. C'est vous dire combien je pensais rejoindre un courant d'opinion important à la Chambre des communes.
Comment peut-on accepter, comme députés, que le gouvernement utilise sa majorité pour ne pas respecter les décisions du comité qui juge des affaires émanant des députés et priver un parlementaire de son droit le plus strict, celui de voir son projet de loi faire l'objet d'un vote?
Madame la présidente, quand on regarde les sondages d'opinion, on constate que les députés ne viennent pas très haut dans l'estime de la population. Pensez-vous que si le gouvernement agit comme il agit, la classe politique sera mieux considérée dans notre société?
¹ (1545)
Pensez-vous que les gens d'Hochelaga--Maisonneuve, les gens de Vancouver, les gens de l'Ontario, les gens de Laval, les gens de la Colombie-Britannique s'attendent à ce que le gouvernement soit lié par une telle chose, s'attendent à ce qu'il ait des principes d'honneur, s'attendent à ce qu'il ait des principes d'éthique? Encore une fois, le gouvernement a manqué à l'éthique. Le gouvernement a manqué à l'honneur. Le gouvernement a manqué au respect le plus élémentaire pour le travail d'un député, qui est de se lever à la Chambre des communes et de voter lors de débats importants.
Madame la présidente, depuis combien de temps travaille-t-on à ce comité? On a toujours travaillé en bonne intelligence. J'ai du respect pour le travail que vous faites. J'ai du respect pour mon collègue Derek Lee. J'ai du respect pour Hedy Fry. J'ai du respect pour Carole-Marie Allard. Nous voulons tous faire avancer un des dossiers les plus controversés dans notre société, qui est celui de l'utilisation des drogues.
Comment voulez-vous que je maintienne la confiance que l'on doit avoir les uns envers les autres si le gouvernement pose des gestes cavaliers comme celui-là? Le voeu que je formule aujourd'hui, madame la présidente, c'est que tous les députés de ce comité parlent d'une seule voix, qu'ils soient tous très vertébrés sur le plan de la démocratie et qu'ils soient solidaires de Keith Martin. Ce qui est arrivé à Keith Martin aurait pu arriver à M. Szabo, à Stéphane Bergeron, à n'importe qui d'autre.
Le jour où le gouvernement va utiliser sa majorité pour renverser les décisions prises par le Sous-comité des affaires émanant des députés, le processus et la procédure n'auront plus aucun sens. La pire chose qui pourrait nous arriver comme comité, ce serait le silence complaisant, muet de la majorité ministérielle. Si, au terme de ce débat, les députés qui appartiennent à la majorité ministérielle votent contre cette motion ou contre tout amendement qu'on pourrait nous présenter et qui respecterait la philosophie de mon intervention, le travail ne sera plus possible à ce comité, madame la présidente.
Quand on fait un débat comme celui-là, c'est un débat de réhabilitation de la classe politique qu'on fait. Je compte sur l'ensemble de mes collègues. Comme vous le savez, je suis ici depuis 1993 et j'ai déposé des projets de loi à plusieurs reprises. Je crois en cet espace d'influence qui appartient aux députés pour convaincre la majorité. Je suis sûr que Keith Martin partage mon point de vue: j'aurais accepté que le vote soit négatif, que le projet de loi soit défait si cela avait été le voeu de la Chambre. En démocratie, on appartient parfois à un courant d'opinion majoritaire et parfois à un courant d'opinion minoritaire.
Permettez-moi de vous donner un exemple, madame la présidente. En 1994, j'étais un jeune député dans la trentaine et je croyais, comme je crois encore aujourd'hui, au rôle des parlementaires. J'ai déposé un projet de loi aussi controversé, aussi moral, aussi éthique que celui de Keith Martin. Mon projet de loi demandait au gouvernement de reconnaître les conjoints de même sexe. Savez-vous ce qu'a fait le gouvernement? Alfonso Gagliano a fait en sorte que le vote se déroule un lundi matin. On n'avait jamais fait ça. Le vote s'est déroulé un lundi matin, et non aux heures habituelles, et pas un seul ministre ne s'est présenté, sauf Sheila Copps. On peut faire des reproches à Sheila Copps, mais c'est une femme courageuse.
Cependant, chemin faisant, les affaires émanant des députés ont été bonifiées. Les députés ont cru en cet espace d'influence qui existe à la Chambre des communes. Encore une fois, nous ne pourrons pas vivre les prochains mois et les prochaines années si ce comité n'offre pas de mesures de réparation à Keith Martin. Je ne pourrai pas me lever à la Chambre des communes et avoir confiance dans notre institution et dans nos règles du jeu en sachant que le projet de loi de Keith Martin ne pourra pas faire l'objet d'un vote.
Quand j'ai été élu en 1993, madame la présidente, à notre premier caucus, Lucien Bouchard, l'ancien premier ministre du Québec, nous a dit une chose que je n'ai jamais oubliée comme parlementaire. Il nous a dit que représenter les gens en démocratie était un privilège.
On vit dans un système où on a choisi de ne pas se bagarrer pour régler les contentieux. On a choisi de vivre dans un système où on envoie des gens à la Chambre des communes pour qu'ils représentent nos intérêts et on espère que, quand nous nous levons à la Chambre des communes, chacun d'entre nous vote dans le meilleur intérêt de ses concitoyens et dans la compréhension de ce que ces derniers souhaitent.
M. Bouchard nous avait même expliqué pourquoi la distance qui existait entre le gouvernement et l'opposition correspondait à deux longueurs d'épée. C'est une tradition qui remonte au XVIIIe siècle.
¹ (1550)
Aujourd'hui, le gouvernement a utilisé cette épée pour trancher un des principes démocratiques les plus fondamentaux de notre système: le respect des députés d'arrière-ban, le respect des députés qui ne sont pas au gouvernement.
Madame la présidente, j'ai mal. Je ne peux pas vivre avec ça. Je ne pourrais pas travailler en comité et à la Chambre des communes si je ne sentais pas que l'on est en mesure d'offrir des mesures de réparation.
Quelles sont-elles, ces mesures de réparation? Elles peuvent être de trois ordres. D'abord, nous devons envoyer un message clair au gouvernement. Madame la présidente, quand vous avez commencé à animer notre comité, vous vous êtes engagée à faire en sorte qu'on ne travaille pas de manière partisane. Vous vous êtes engagée à faire en sorte que chacun d'entre nous donne le meilleur de lui-même.
[Traduction]
M. Derek Lee (Scarborough--Rouge River, Lib.): Rappel au Règlement.
[Français]
La présidente: Monsieur Lee, vous voulez invoquer le Règlement.
[Traduction]
M. Derek Lee: Je fais un rappel au Règlement concernant deux aspects. Si l'honorable député va…
[Français]
M. Réal Ménard: Madame la présidente, il ne peut pas invoquer le Règlement lorsque quelqu'un parle au sujet d'une motion.
[Traduction]
M. Derek Lee: Laissez-moi présenter mon rappel au Règlement, monsieur Ménard.
La présidente: Monsieur Ménard, il peut vous interrompre sur un rappel au Règlement.
Quel est votre rappel au Règlement, monsieur Lee, s'il vous plaît?
M. Derek Lee: Tout d'abord, je suppose que la présidence a accepté l'avis de motion sans guère prêter attention à la question de savoir si le sujet de la motion relève bien du mandat du comité. Le député qui nous a donné avis de la motion et est en train de la défendre nous a fait savoir qu'il parlera autant qu'il lui plaira. Je veux bien faire preuve de toute la courtoisie du monde envers un député qui présente une motion, mais je ne suis pas disposé à laisser détourner l'ordre du jour du comité, d'autant moins si le sujet de la motion ne fait pas partie du mandat du comité.
C'est pourquoi je me sens obligé d'intervenir avec ce rappel au Règlement. Je suis sûr que tous mes collègues accorderont au député toute la latitude du monde s'il veut présenter sa motion et la mettre aux voix. Mais s'il va transformer cela en stratégie d'obstruction pour nous empêcher d'étudier l'objet du projet de loi de M. Martin, alors je vais insister pour que la présidence décide si la motion est recevable ou non.
J'ai un deuxième rappel au Règlement concernant la procédure à suivre aujourd'hui, selon le résultat du premier. Donc, peut-être la présidente pourrait-elle demander à M. Ménard quelles sont ses intentions du point de vue de sa consommation de temps.
[Français]
M. Réal Ménard: Madame la présidente, en vertu du Règlement, la motion est très certainement recevable. Si elle blesse les libéraux parce qu'ils ne se sentent pas à la hauteur de la situation, c'est leur problème. La motion est recevable et, selon nos règles de fonctionnement, dans un tel cas, le temps de parole est illimité. Je terminerai quand j'aurai terminé. Je n'ai pas terminé.
[Traduction]
La présidente: Je fais savoir à M. Ménard, ainsi qu'à tous les membres du comité, qu'il y a quelque doute quant à la recevabilité de sa motion. On peut formuler quelques réserves et se demander si la motion ne conteste pas en réalité un vote intervenu à la Chambre des communes, ce que les députés n'ont pas la faculté de faire. Chaque fois que cela est arrivé, le président de la Chambre n'a pas manqué de les rappeler à l'ordre, s'appuyant en cela sur le chapitre 12 de Marleau et Montpetit «La procédure de débat».
[Français]
M. Réal Ménard: Il y a un ordre de renvoi. Madame la présidente, cette motion est recevable parce qu'elle porte sur un ordre de renvoi et sur les travaux futurs de notre comité. Je vous rappelle que le temps de parole est illimité dans un tel cas. Je vais m'exprimer sur la motion, car c'est mon rôle en tant que député. Si jamais on tente de me bâillonner ici, madame la présidente, vous allez avoir affaire à forte partie. Je n'ai pas terminé.
[Traduction]
La présidente: Je rappelle également au député que cette réunion est prévue jusqu'à 17 h. D'une part, il donne à entendre que M. Martin aurait été gravement pénalisé et que la Chambre des communes lui aurait causé un tort. Je fais valoir que M. Martin a consacré beaucoup de temps à se préparer à sa comparution, et il ne lui reste maintenant qu'un peu plus d'une heure pour…
[Français]
M. Réal Ménard: Madame la présidente, si le gouvernement était préoccupé par le temps de M. Martin...
La présidente: Excusez-moi, monsieur Ménard. Je parle maintenant.
M. Réal Ménard: Moi aussi, j'étais en train de parler quand on m'a interrompu.
¹ (1555)
[Traduction]
La présidente: Monsieur Ménard, je suis en train de répondre au rappel au Règlement de M. Lee, et…
[Français]
M. Réal Ménard: Qui n'est pas recevable.
[Traduction]
La présidente: J'indique non seulement que j'ai des réserves sur la recevabilité du rappel au Règlement, mais aussi, s'agissant de la teneur de votre discours, que vous êtes en train d'enfreindre les privilèges de M. Martin. Je vous mets en garde et vous demande d'indiquer vos intentions. Souhaitez-vous un vote sur la motion ou bien avez-vous l'intention d'accaparer les 65 prochaines minutes et empêcher, ce faisant, M. Martin d'expliquer la teneur de son projet de loi?
[Français]
M. Réal Ménard: Madame la présidente, je fais appel au Règlement. Est-ce qu'une question vous a été posée?
[Traduction]
La présidente: Vous n'avez pas à rappeler le Règlement. Je vous ai posé une question.
[Français]
M. Réal Ménard: Un instant. Ne vous énervez pas, madame la présidente. Est-ce que vous acceptez ma motion? Est-ce que ma motion est recevable? Si elle l'est, mon temps de parole est illimité. S'il y a ici quelqu'un qui est solidaire de notre collègue Keith Martin, il est de ce côté-ci et non pas de l'autre. Est-ce que vous déclarez ma motion recevable?
[Traduction]
La présidente: Monsieur Ménard, M. Keith Martin est notre témoin aujourd'hui, il se trouve donc à l'autre bout de la table.
[Français]
M. Réal Ménard: Madame la présidente, je vous ai posé une question sur la recevabilité de ma motion.
[Traduction]
La présidente: Je vais y venir dans un instant.
Monsieur St-Julien.
[Français]
M. Guy St-Julien (Abitibi--Baie-James--Nunavik, Lib.): Merci. Le député parle de démocratie. Je voudrais savoir une chose, parce que je viens d'arriver au comité. Vous parlez de l'ordre du jour. À l'ordre du jour, il est bien précisé que nous avons un témoin de la Chambre des communes. Je crois que nous devrions suivre l'ordre du jour. Pourquoi n'entendrions-nous pas le témoin avant de passer aux autres affaires?
M. Réal Ménard: Tout simplement parce que les rappels au Règlement priment.
M. Guy St-Julien: Est-ce qu'il y a eu un avis de 48 heures?
M. Réal Ménard: Certainement. Je suis un parlementaire expérimenté, Guy.
M. Guy St-Julien: Parfait. Je voulais simplement savoir.
La présidente: Nous avons reçu l'avis hier.
Docteure Fry.
[Traduction]
Mme Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.): Madame la présidente, j'aimerais revenir sur la question posée par M. Lee. Je ne pense pas que cette motion soit recevable et j'aimerais que l'on débatte de sa recevabilité, comme M. Lee l'a proposé. Continuer à faire comme si elle était recevable et laisser se poursuivre cette discussion ne répond pas à la question posée par M. Lee et que je pose aussi. Je ne vois pas en quoi cette motion répond au mandat de notre comité, un mandat couché noir sur blanc et très clair.
Je fais remarquer également au comité que ce mandat nous a été donné à l'initiative de l'Alliance. M. White est l'un de ceux qui a proposé le mandat et je ne vois pas en quoi la motion s'inscrit dans le mandat du comité et dans le travail qu'il doit faire. J'aimerais qu'on l'établisse.
La présidente: Veuillez m'excuser.
Tout d'abord, comme je l'ai mentionné, il y a une incertitude quant à la recevabilité de la motion. J'étais disposée à vous la laisser présenter, monsieur Ménard, et à avoir un court débat ou, à tout le moins, vous laisser expliquer les raisons pour lesquelles vous présentez la motion. Il apparaît maintenant que cela prendra plus de temps que je ne pensais et nous avons un témoin qui attend.
Marleau et Montpetit avancent qu'une décision, une fois prise, ne peut plus être remise en question et doit être considérée comme le jugement de la Chambre, et c'est bien ainsi que cet ordre de renvoi nous a été donné. Qui plus est, page 525, au chapitre 13 « Règles de bonne tenue et décorum », ils précisent « Les membres ne doivent pas décrier ou déplorer une décision de la Chambre ». Or, c'est précisément ce que vous avez fait dans votre présentation et c'est pourquoi je déclare la motion irrecevable et nous allons donc passer à autre chose.
Oui, monsieur Ménard.
[Français]
M. Réal Ménard: J'invoque le Règlement, madame la présidente.
[Traduction]
La présidente: Oui, monsieur Ménard.
[Français]
M. Réal Ménard: Je conteste votre décision pour deux raisons très précises qui sont au coeur de notre Règlement.
D'abord, vous allez constater que le comité est souverain dans l'exécution de ses travaux. Deuxièmement, la motion est pertinente parce que ce gouvernement a choisi de renvoyer à notre comité l'objet du projet de loi, ce dont tient compte la motion.
Je vous demande de me laisser m'exprimer sur cette motion, et nous voterons quand j'aurai épuisé tous les arguments. Je tiens à vous dire que, si jamais vous décidez que nous ne pouvons pas faire ce débat, il va y avoir une brisure à ce comité et vous allez faire le jeu du gouvernement. Si le gouvernement avait été respectueux des droits de notre témoin, il n'aurait pas fait ce qu'il a fait. Je suis convaincu que le témoin qui est avec nous aujourd'hui comprend très bien le sens du débat que l'on vit aujourd'hui.
Je vous demande, madame la présidente, de me laisser m'exprimer démocratiquement sur cette motion. Je suis prêt à entendre toute espèce d'opinion que mes collègues voudront partager avec moi. Vous connaissez ma réputation d'ouverture d'esprit, qui ne s'est jamais démentie. Je vous supplie de ne pas jouer le jeu du gouvernement en faisant de ce comité un outil servile à la disposition de la majorité.
[Traduction]
La présidente: Monsieur Ménard, je viens de vous dire que je considère votre motion irrecevable, en m'appuyant sur deux références précises ou règles. En outre, pour ce qui est du respect manifesté par les uns ou les autres et la manière dont ce comité travaillera à l'avenir, ce sera l'affaire des membres. Jusqu'à présent, nous avons toujours su surmonter les difficultés. Donner à entendre que je joue le jeu du gouvernement peut amener d'autres à se demander qui joue exactement quel jeu ici.
J'ai statué que la motion est irrecevable…
º (1600)
[Français]
M. Réal Ménard: Je ne comprends pas votre décision. J'ai un rappel au Règlement, madame la présidente.
[Traduction]
La présidente: Contestez-vous la décision de la présidence, monsieur Ménard?
[Français]
M. Réal Ménard: Je veux comprendre votre décision. Vous êtes au service du comité; je veux comprendre votre décision. Le gouvernement fait un ordre de renvoi à ce comité.
La présidente: Monsieur Ménard, j'ai la parole.
M. Réal Ménard: Expliquez-moi la décision: je ne la comprends pas. Expliquez-moi.
La présidente: Monsieur Ménard, les députés ne peuvent pas se dresser contre ou critiquer une décision de la Chambre, et cette motion ...
M. Réal Ménard: Non, non, non. Madame la présidente, il y a un nouveau renvoi.
La présidente: Monsieur Ménard, je vous l'ai expliqué. J'ai dit que ce n'est pas recevable. Si cela vous pose un problème, vous pouvez poser la question.
M. Réal Ménard: Je vous la pose, madame la présidente, parce que je connais votre sensibilité. Madame la présidente, je vous pose la question suivante: le gouvernement a décidé, avec sa majorité...
[Traduction]
La présidente: Je procède au vote.
[Français]
M. Réal Ménard: C'est une question. Je vous pose une question de compréhension. Le gouvernement...
La présidente: Maintenant.
M. Réal Ménard: Je vous la pose, madame la présidente. Le gouvernement a décidé de renvoyer à ce comité l'objet du projet de loi du député. Vous êtes en train de me dire que la décision, madame la présidente, concerne ce comité. Elle concerne nos travaux futurs, elle concerne l'avenir de ce comité. Je ne vois pas en vertu de quoi vous pouvez déclarer ma motion irrecevable. Citez-moi de la jurisprudence. Expliquez-moi cela au-delà de ce que vous avez dit. Ça ne me convainc pas. Je veux voir cela, madame la présidente.
La présidente: Monsieur Ménard, je l'ai dit déjà. C'est écrit aux pages 525 et 495.
M. Réal Ménard: Lisez-le.
La présidente: Oui, j'ai les deux. C'est écrit: «Après avoir été enregistré, un vote devient une décision de la Chambre, et le vote d'un député ne peut être modifié».
[Traduction]
Et si vous contestez ma décision, monsieur Ménard, faites-le maintenant et nous procéderons au vote, de façon à pouvoir ensuite entendre M. Martin.
[Français]
M. Réal Ménard: Madame la présidente, je veux comprendre la décision. Ensuite, je vais effectivement demander un vote. Madame la présidente, je veux comprendre votre décision.
La présidente: Monsieur Ménard, je vous ai dit de poser une question. Est-ce que vous avez un problème?
M. Réal Ménard: J'ai une question pour vous, madame la présidente. Quelle différence faites-vous entre un vote qui a été pris à la Chambre des communes et une décision qui est prise de confier un objet au comité? Pour moi, il y a toute la différence au monde.
[Traduction]
La présidente: Monsieur Ménard, vous dépassez les bornes et je vais maintenant donner la parole à M. Martin, à moins que vous vouliez présenter votre autre motion. Voulez-vous présenter l'autre motion?
[Français]
M. Réal Ménard: J'ai un rappel au Règlement, madame la présidente. Je mets votre décision en cause et je demande un vote sur votre décision. Je mets votre décision en cause et je veux un vote sur votre décision.
[Traduction]
La présidente: Nous allons tenir le vote. Tous ceux en faveur de…
[Français]
M. Réal Ménard: Je demande un vote par appel nominal.
La présidente: Bien sûr.
Une voix: Je viens voter.
La présidente: Bonjour, monsieur Bergeron.
M. Réal Ménard: Nous allons comprendre et nous allons respecter la démocratie dans ce comité. Le silence des agneaux, c'est fini.
La présidente: Oui, c'est fini.
Une voix: [Note de la rédaction: Inaudible]
M. Réal Ménard: Toi, tu es pas mal plus intelligent quand tu ne parles pas.
La présidente: Nous devons attendre quelques secondes pour un autre greffier.
[Traduction]
(La motion est adoptée par 6 voix contre 4)
La présidente: Merci.
Monsieur Ménard, vous avez perdu.
Monsieur Lee, vous avez un rappel au Règlement.
º (1605)
M. Derek Lee: Merci.
Vu que M. Ménard a eu la courtoisie de nous faire savoir qu'il lui faudra beaucoup de temps, je propose que la deuxième motion, au cas où il veuille la présenter aujourd'hui, soit inscrite à la fin de notre ordre du jour, de façon à pouvoir entendre M. Martin d'abord. Deuxièmement, je suis prêt à présenter à tout moment un rappel au Règlement demandant l'arrêt de la retransmission télévisée de nos travaux si j'estime que les choses dérapent. Je pense que nous devrions passer maintenant au sujet qui est à notre ordre du jour, soit le projet de loi de M. Martin.
Je propose donc de nous occuper de la deuxième à la fin de la réunion, si nous en avons le temps.
La présidente: Merci, monsieur Lee.
[Français]
Monsieur Ménard, c'est le même rappel au Règlement, je pense.
M. Réal Ménard: [Note de la rédaction: Inaudible] ...demander le consentement.
[Traduction]
M. Derek Lee: Madame la présidente, je ne suis pas sûr qu'il faille donner la parole à M. Ménard, car il va faire de l'obstruction.
Peut-être faudrait-il limiter la réponse de M. Ménard à une minute.
[Français]
M. Réal Ménard: Madame la présidente...
La présidente: Oui, monsieur Ménard.
M. Réal Ménard: Je voudrais soulever un autre rappel au Règlement.
[Traduction]
La présidente: Nous n'avons pas encore ouvert la discussion sur la motion.
[Français]
M. Réal Ménard: Je souhaite que la motion pour laquelle j'ai régulièrement donné avis en conformité de notre Règlement, soit la motion qui porte sur la distribution des documents dans les deux langues officielles, fasse l'objet d'un vote aujourd'hui, et j'ai un autre rappel au Règlement à porter à votre attention, madame la présidente.
La présidente: Mais, monsieur Ménard, vous n'avez pas présenté la motion. Est-ce que vous voulez présenter la motion maintenant, ou non?
M. Réal Ménard: Avant de présenter la motion sur les langues officielles, qui ont été, comme vous le savez, cavalièrement bafouées, j'ai un rappel au Règlement, madame la présidente.
La présidente: Avant cela?
M. Réal Ménard: Maintenant, si vous permettez.
[Traduction]
La présidente: Quel est l'autre rappel au Règlement, monsieur Ménard?
[Français]
M. Réal Ménard: Madame la présidente, ne faites pas des airs, on est à la télévision.
Madame la présidente, pour la suite des événements, pour qu'il y ait un capital de confiance entre les membres de ce comité qui ont travaillé très sérieusement, je vous demande en toute amitié de vérifier le consentement unanime pour que nous adoptions une résolution visant à inviter le leader du gouvernement à comparaître devant ce comité pour nous expliquer le sens du geste que le gouvernement a posé. Je vous demande de vérifier si on peut avoir le consentement pour inviter le leader du gouvernement à comparaître devant nous. C'est ça, la démocratie. Si le gouvernement, madame la présidente, est à l'aise dans sa décision, si les libéraux croient à leur gouvernement, ils vont permettre que le leader du gouvernement vienne.
[Traduction]
La présidente: Monsieur Ménard, je suis saisie d'une motion de M. Lee demandant que l'on procède immédiatement à l'audition du témoin et que nous reportions votre motion jusqu'à la fin de la réunion.
Si vous répondez à sa motion, venez-en au sujet.
[Français]
M. Réal Ménard: Si vous me permettez de répondre...
La présidente: Oui.
M. Réal Ménard: ...j'aimerais, avant que l'on débatte de ma deuxième motion, qu'il y ait est un consentement...
La présidente: Non. C'est la motion de M. Lee.
M. Réal Ménard: Madame la présidente, vous me blessez, vous me brusquez. Vous me blessez beaucoup. Ce que je vous demande, c'est le consentement pour que, avant de discuter de la deuxième motion, nous permettions au témoin de parler de ce qu'il a ressenti face au geste qu'a posé le gouvernement. J'aimerais entendre le témoin avant de clore ce point-là, madame la présidente. C'est la démocratie; nous sommes en comité...
[Traduction]
La présidente: Ces propos sont irrecevables. Vous dépasser les bornes.
[Français]
M. Réal Ménard: Ne dites pas cela, madame la présidente.
La présidente: Ma question est: est-ce que vous voulez intervenir sur le rappel au Règlement de M. Lee?
M. Réal Ménard: Rappelez-moi son rappel au Règlement. Qu'est-ce qu'il a dit, déjà? Voulez-vous me le rappeler, madame la présidente? Qu'est-ce qu'il a dit?
[Traduction]
La présidente: Il serait utile, lorsque nous avons une discussion, que certains veuillent bien écouter et attendre leur tour pour intervenir, monsieur Ménard.
M. Lee demande…
[Français]
M. Réal Ménard: Oui, mais c'est utile si... [Note de la rédaction: iInaudible] ...aussi. Allez-y, je vous écoute.
[Traduction]
La présidente: …que nous passions maintenant au projet de loi de M. Martin et abordions votre motion plus tard. À mon avis, votre motion recevra l'appui unanime de ce comité et vous pourriez peut-être le demander afin que nous puissions donner la parole sans délai au témoin. Sinon, nous pourrions aborder votre motion à 16 h 55, car le comité lèvera la séance à 17 h.
[Français]
M. Réal Ménard: Mais avant que vous reconnaissiez mon collègue de Verchères--Les-Patriotes, est-ce que je peux m'assurer que dans son intervention, le témoin va exprimer comment il s'est senti lorsque le gouvernement a, de façon cavalière, madame la présidente, violé ses prérogatives?
[Traduction]
La présidente: Non, monsieur Ménard.
[Français]
M. Réal Ménard: Est-ce qu'il va pouvoir le faire? S'il le fait, je suis d'accord qu'on l'écoute. Mais mon collègue veut s'exprimer.
[Traduction]
La présidente: Monsieur Bergeron.
[Français]
M. Stéphane Bergeron (Verchères--Les-Patriotes): Merci, madame la présidente. Je veux dire quelque chose au sujet de la motion de mon collègue sur les langues officielles.
La présidente: Quel collègue?
M. Stéphane Bergeron: Je parle de mon collègue M. Ménard.
La présidente: Oui.
M. Stéphane Bergeron: Si vous êtes sous l'impression que cette motion pourrait être adoptée rapidement sur consentement unanime, pourquoi ne l'adoptons-nous pas maintenant, avant de passer aussitôt ensuite à notre témoin, si cela doit se faire sans la moindre discussion et sans le moindre débat?
La présidente: Oui, je suis d'accord, mais c'est vous et votre collègue qui devez décider s'il y aura un grand débat ou si ce sera vite, vite.
M. Réal Ménard: Si vous voulez adopter la motion sur les langues officielles... Mais moi je tiens à avoir la certitude...
º (1610)
La présidente: Monsieur Bergeron, voulez-vous quelques secondes pour parler avec M. Ménard?
M. Réal Ménard: Madame la présidente, ne vous mêlez pas de nos affaires internes. Il y a assez de problèmes chez les libéraux; ne vous mêlez pas de nos affaires internes.
Alors, madame la présidente, je veux m'assurer que quand notre collègue va s'exprimer, il pourra dire comment il s'est senti blessé.
La présidente: Monsieur Ménard, nous parlons de la motion de M. Lee. Êtes-vous en faveur...
M. Réal Ménard: On va voter tout de suite sur la motion sur les langues officielles, à l'unanimité.
Une voix: Non.
M. Réal Ménard: Vous ne voulez pas voter pour les langues officielles? Dites-le donc clairement.
[Traduction]
La présidente: En ce qui concerne le rappel au règlement de M. Lee, dans lequel il demande que la deuxième motion soit reportée jusqu'à la fin de la séance, c'est-à-dire à cinq heures moins cinq, si nous avons le temps…
[Français]
M. Réal Ménard: Non, pas if we have time.
M. Derek Lee: It's my motion.
M. Réal Ménard: Tu vas respecter la mienne. Madame la présidente, c'est ma motion.
M. Stéphane Bergeron: On ne s'énerve pas, là.
M. Réal Ménard: Ne t'énerve pas. Control yourself.
º (1615)
[Traduction]
La présidente: C'est sa motion.
Et, monsieur Lee, votre motion demande que nous examinions la deuxième motion de M. Ménard à la fin de la séance, si nous en avons le temps. Je vais la mettre aux voix.
Je suis en train de procéder à un vote, monsieur Bergeron. Bien, monsieur Bergeron, fast.
[Français]
M. Stéphane Bergeron: Madame la présidente, j'ai un rappel au Règlement.
Je dois vous dire que je suis particulièrement troublé par ce qui se passe ici, actuellement. Je sens que l'atmosphère est très tendue. J'ai déjà eu des accrochages mémorables avec M. Lee, mais je ne l'ai jamais vu dans cet état.
Madame la présidente, je ne veux pas faire le trouble-fête; je ne suis pas venu pour cela. Mais il m'apparaît fondamental, dans ce Parlement, qu'on applique prioritairement et de façon tout à fait rigoureuse la Loi sur les langues officielles. Je considère que nous pouvons procéder très rapidement, par consentement unanime, à l'adoption de la motion de mon collègue sur les langues officielles. Sinon, j'estime que toute poursuite de ce comité, sans que cette motion-là soit adoptée, contreviendrait aux dispositions de la Loi sur les langues officielles.
Je vous en prie, il faut absolument aller de l'avant avec la motion de mon collègue. Après cela, on pourra procéder très rapidement à l'audition du témoin. Je pense que toute cette histoire ne fait que prolonger indûment le débat, alors qu'il y a, je pense, sans craindre de me tromper, et même chez M. Lee...
M. Guy St-Julien: Sans débat.
M. Stéphane Bergeron: Sans débat, par consentement unanime, on adopte la motion de mon collègue et on passe tout de suite au témoin.
S'il vous plaît, monsieur Lee, on connaît votre attachement aux deux langues officielles. Sans débats, without any debate...
[Traduction]
Mr. Réal Ménard: Et ne manquez pas de manières avec moi. Je suis très vulnérable.
La présidente: Voilà ce que je vais faire. Je me propose de suspendre la séance afin que tout le monde puisse boire un verre d'eau et revenir s'asseoir à la table dans deux minutes.
Je lance le chronomètre.
º (1613)
º (1616)
La présidente: Monsieur Lee.
M. Derek Lee: Après quelques discussions, madame la présidente, je retire la motion procédurale que j'avais présentée, en me réservant la possibilité de la présenter de nouveau le cas échéant. Je propose à la place une deuxième motion invitant le comité à mettre aux voix sans débat la deuxième motion de M. Ménard relative aux deux langues officielles.
[Français]
La présidente: Sommes-nous d'accord?
M. Réal Ménard: Oui.
[Traduction]
La présidente: Je mets donc aux voix la motion de M. Ménard qui prévoit que le comité ne procède à la distribution des documents que s'ils sont disponibles dans les deux langues officielles.
(La motion est adoptée)
La présidente: Monsieur Martin, nous vous donnons maintenant la parole pour un exposé d'une quinzaine de minutes maximum, et le comité lèvera la séance à 17 h. J'espère que vous nous laisserez beaucoup de temps pour poser des questions.
Vous avez la parole, monsieur Martin.
M. Keith Martin (député d'Esquimalt--Juan de Fuca, Alliance canadienne): Merci, madame la présidente et mesdames et messieurs. Merci beaucoup de m'avoir invité, c'est un privilège que de comparaître devant le comité.
Pour commencer, je tiens à exprimer mon espoir sincère, quelles que soient les décisions et conclusions du comité, que le gouvernement va vous écouter et mettre à profit les délibérations de ce comité. J'espère que votre rapport ne sera pas remisé sur une tablette pour y amasser la poussière, comme c'est le cas de beaucoup d'autres dans cette institution appelée Parlement.
La marihuana, le haschisch, la cocaïne et l'héroïne ont exercé et continueront d'exercer des ravages, tant directs qu'indirects, dans notre pays et dans le monde. On estime que plus de 200 millions de personnes dans le monde consomment de la drogue, 4,2 p. 100 des plus de 15 ans. C'est un problème insidieux et très largement répandu.
Le problème de la prise de drogues et de substances illégales va des effets sur le consommateur jusqu'aux effets indirects sur la société environnante. L'effet direct de la consommation est souvent moindre que l'effet indirect. Je parle là de la transmission de maladies comme le VIH, l'hépatite B et l'hépatite C, le blanchiment d'argent, la corruption et le financement des terroristes. Ce dernier aspect revêt une importance cruciale depuis le 11 septembre.
Nous savons qu'al-Qaeda et d'autres réseaux terroristes se financent par le trafic de drogues. Des conflits civils, comme en Colombie, et d'autres qui gagnent toute l'Amérique du Sud entraînent la mort de dizaine de milliers de personnes. Je reviendrai tour à tour sur chacun de ces éléments.
Chaque d'entre vous doit savoir que le travail que vous faites est excessivement important. Le fléau de la drogue n'est pas un problème irréversible. Il n'est pas insurmontable. Il y a des solutions, mais nous devons avoir le courage de les adopter et de les mettre en oeuvre.
Pour reprendre les mots du directeur général du Bureau du contrôle des drogues et de la prévention du crime des Nations Unies, «le moment est venu de modifier nos conceptions en matière de drogue».
Dans ma présentation, je vais esquisser un plan d'action légèrement différent pour lutter contre ce fléau qui sévit parmi nous.
Le premier volet, bien entendu, consiste à réduire la demande. Cela comporte trois éléments. Le premier est l'épidémiologie, c'est-à-dire qu'il faut savoir où se situe la demande et d'où elle provient. Le deuxième est la prévention.
J'attire votre attention sur une motion très importante adoptée par la Chambre des communes en 1998 qui aurait probablement l'effet le plus sensible sur la prévention de l'usage de drogues, puisqu'il s'agirait de commencer par les enfants.
Le programme «Bon départ», qui a fait l'objet de travaux très fructueux dans ce pays, met l'accent sur la satisfaction des besoins fondamentaux des enfants. J'attire votre attention sur l'excellent travail effectué par Claudette Bradshaw, la ministre du Travail, dans sa ville de Moncton.
Si l'on peut s'inspirer des meilleurs modèles existant à travers le monde pour satisfaire les besoins fondamentaux des enfants, tous reposent sur un principe élémentaire qui donne de bons résultats dans les programmes d'intervention précoce. Le premier impératif consiste à renforcer le lien parent-enfants, soit en gros d'assurer que les enfants ont de bons parents qui sachent s'y prendre et puissent enseigner aux enfants ce qu'ils doivent savoir pour devenir des adultes productifs.
Un tel programme, s'il est bien mené et met l'accent sur les conditions fondamentales, peut donner des résultats spectaculaires. Ainsi, à Hawaii, on a enregistré un recul de 50 p. 100 de la délinquance juvénile, une diminution de 50 p. 100 des grossesses chez les adolescentes, une baisse de 99 p. 100 des sévices à enfants et une réduction massive de la demande de prestations d'aide sociale et autres. En outre, les enfants restent scolarisés plus longtemps et deviennent des adultes productifs. C'est un programme très efficace.
Le traitement est le troisième élément de la réduction de la demande. J'espère que votre comité va recommander une étude des meilleurs modèles de traitement existant dans le monde. Un travail passionnant se fait en Europe, qui privilégie une mesure plus longitudinale du traitement des toxicomanes.
J'encourage le comité à aborder le problème de la toxicomanie non pas sous l'angle judiciaire ou pénal mais sous l'angle médical. Ces personnes ont un problème médical et doivent être traitées en conséquence.
Certains des programmes européens affichent des taux de réussite de 50 à 60 p. 100 auprès des toxicomanes endurcis, qui posent un problème très difficile comme nous le voyons dans nos rues. La raison pour laquelle ces programmes donnent de bons résultats est qu'ils extraient la personne du milieu de la drogue et la dotent des compétences voulues pour devenir un membre productif de la société.
º (1620)
Il faut donc sortir la personne du milieu dans lequel elle vit et lui dispenser le traitement dont elle a besoin, et la doter de l'instruction et des qualifications dont elle a désespérément besoin pour devenir un sujet productif et s'intégrer dans la société.
Le deuxième volet est la réduction de l'offre. Cela suppose intervenir dans les pays qui produisent la drogue. Je songe non seulement à l'Asie du Sud-Est, où un bon travail est déjà effectué en vue de réduire la production—principalement d'héroïne—mais aussi à l'Amérique du Sud, où le conflit en Colombie gagne le Pérou, la Bolivie et l'Équateur, avec des conséquences absolument désastreuses pour ces pays. Rien qu'en Colombie, 25 000 personnes ont été assassinées l'an dernier par conséquence directe du trafic de drogues et des problèmes et de la criminalité qui l'entourent.
Si l'on veut régler le problème de l'offre, il faut s'attaquer à plusieurs aspects. Le premier est la pauvreté, l'absence d'accès aux marchés et la pauvreté des sols qui donnent peu d'autres possibilités de culture. Pour changer cela, il faut donner à ces paysans accès au crédit et à des aides afin qu'ils puissent cultiver autre chose. Les micro-crédits de type banque Grameen sont une réussite éclatante, dotant les paysans pauvres des moyens financiers élémentaires pour modifier leur production.
Le deuxième élément est la réduction des barrières commerciales. Je trouve inconcevable que l'on continue à opposer des barrières commerciales aux pays en développement. Il est primordial de réduire les barrières commerciales infligées aux pays produisant du pavot pour l'opium et de la coca pour la cocaïne, afin qu'ils puissent cultiver d'autres produits et les vendre sur nos marchés.
Le troisième volet est judiciaire. Les principaux bénéficiaires de notre législation actuelle en matière de drogue sont les réseaux criminels organisés, qui prolifèrent en cette ère de mondialisation. Ils représentent ce que j'appelle la «face noire» de la mondialisation, car le démantèlement des barrières commerciales facilite aussi les choses au crime organisé. Je ne parle pas là des bandes de motards mais de personnes en complet trois pièces qui utilisent des ordinateurs de 5 000 $.
Il faut mettre en place des lois efficaces pour combattre le blanchiment d'argent et se doter d'une législation de type RICO—la Racketeer Influenced and Corrupt Organizations Act—permettant de saisir leur argent. Collègues, la façon la plus efficace de combattre les réseaux criminels est de prendre leur argent. C'est ce qu'ils craignent le plus. Si le Canada parvient à convaincre d'autres pays de mettre en oeuvre des lois de type RICO, alors nous pourrons couper les pieds aux organisations criminelles.
Il faut s'attaquer également aux places financières extraterritoriales, sur lesquelles plus de 5 billions de dollars sont blanchis chaque année—des sommes faramineuses. Ces places financières connaissent aujourd'hui l'impunité et devraient faire l'objet d'une forme de supervision, de façon à pouvoir y faire enquête lorsqu'on possède des indices incriminant des réseaux criminels organisés. Cela suppose une réforme du système bancaire international.
Pour ce qui est de la marihuana—si vous m'accordez un moment pour situer le contexte—j'ai introduit le projet de loi C-344 à la Chambre il y a quatre ans en réaction directe à la situation dans la province de Colombie-Britannique, où 12 tribunaux ont été fermés par mesure d'économie financière. Aussi, les tribunaux restants, déjà surchargés, sont devenus encore plus encombrés. De ce fait, des personnes accusées d'infraction grave avec violence échappaient au jugement.
Les tribunaux étaient encombrés de cas de possession simple de marihuana. J'ai donc introduit le projet de loi C-344, suivant toute la procédure du tirage au sort, de la sélection en comité de la Chambre et du dépôt à la Chambre. À la deuxième heure de débat, le gouvernement a déposé un amendement de type pilule empoisonnée qui a tué le projet de loi en empêchant nos collègues de tous les partis de voter en leur âme et conscience.
L'enjeu n'était ainsi plus le fond du projet de loi, mais l'amendement, et ce procédé a mis un terme, à toutes fins pratiques, aux mesures d'initiatives parlementaires dans ce pays. J'invite chacun d'entre vous à faire un examen de conscience, à s'adresser à son parti—et surtout les députés de la majorité—de changer cet enjeu car autrement, avec cet amendement, plus personne d'entre nous n'aura la faculté de proposer une mesure d'initiative parlementaire.
Sur le sujet de la marihuana, mon projet de loi vise la décriminalisation. Pourquoi? C'est parce que nous gaspillons environ 150 millions de dollars par an pour poursuivre des personnes accusées de possession simple de marihuana.
º (1625)
Mon projet de loi érige un barème d'amendes, soit 200 $, 500 $ et 1 000 $ respectivement pour une première, deuxième et troisième infraction. Il en résulterait une économie massive pour notre système judiciaire, lequel serait ainsi davantage disponible pour sanctionner les crimes plus sérieux, comme ceux commis par les réseaux criminels organisés que j'ai mentionnés au début. Cet argent pourrait servir à des programmes de prévention, de traitement et d'éducation, de façon à s'attaquer à la racine du problème et endiguer l'abus de substances par une action auprès des enfants.
En outre, le projet de loi prévoit que les personnes condamnées à ces amendes n'auraient pas de casier judiciaire. J'attire votre attention sur cette question car elle a un impact profond sur notre pays.
Quelque 600 000 Canadiens ont été condamnés pour possession simple de marihuana et ont de ce fait un casier judiciaire. L'un de nos collègues occupant une fonction assez élevée dans cette institution m'a dit: «J'ai beaucoup d'amis qui ont été condamnés et ont vu leur vie détruite parce qu'ils ont été trouvés en possession d'une petite quantité de marihuana lorsqu'ils étaient adolescents. Le système actuel qui transforme les gens en criminels pour possession simple de marihuana est insensé».
Permettez-moi de souligner d'emblée que je suis opposé à la consommation de marihuana. Je n'en consomme pas et je n'en ai jamais consommé. Je suis contre. Mais il faut regarder les choses en face. Il est parfaitement absurde de laisser se perpétuer la situation actuelle où l'on transforme les gens en criminels parce qu'ils sont en possession de petites quantités de marihuana. Non seulement, comme je le l'ai dit, cela ferait-il faire des économies au contribuable, mais on éviterait ainsi que la vie des gens soit ruinée à cause de leur casier judiciaire. Ils ne peuvent voyager, ils ne peuvent accéder aux professions et leur vie est à toutes fins pratiques ruinée.
N'oublions pas que la vaste majorité des personnes ramassées pour possession simple de marihuana sont âgées de 18 à 24 ans. Se voir infliger un casier judiciaire à cet âge ruine à jamais leur vie.
Sur le sujet de la réduction des méfaits, je dirais ceci. Le gouvernement du Canada, dans sa stratégie en matière de drogue de 1998, a déclaré que l'une des pierres angulaires était la réduction des méfaits. Je veux mettre cela en lumière et passer en revue les six points que j'espère voir adopter.
Le premier élément est donc la prévention. Mettez en oeuvre le programme «Bon départ» que le Parlement a adopté en 1998. Il faudra pour cela collaborer avec les provinces, mais faites-le dans l'intérêt des enfants de ce pays.
L'Ontario a déjà mis en place 144 centres d'apprentissage précoce. Dans ma province de Colombie-Britannique, le ministre Reid envisage un programme similaire. Nous l'avons déjà pour les Autochtones; faisons en sorte que tous les enfants, quelle que soit leur race, aient accès à ce programme de prévention hautement efficace qui rapporte environ 7 $ d'économies pour chaque dollar dépensé.
Deuxièmement, sur la question des poursuites et de la législation, veillons non seulement à disposer d'une loi de type RICO ici au Canada—et nous n'en sommes pas loin—mais veillons également à ce que d'autres pays se dotent d'une législation similaire, pas seulement dans notre hémisphère, mais partout ailleurs.
Recherchons également des moyens d'agir sur les places financières extraterritoriales, afin de paralyser le blanchiment d'argent qui s'y pratique impunément depuis longtemps.
Troisièmement, sur le plan du traitement, prenons exemple sur les modèles de traitement hautement efficaces pratiqués en Europe. Ne restons pas enfermés dans cette mécanique de la porte tournante qui sévit trop souvent dans notre pays. Comme je l'ai dit, cela suppose une approche longitudinale de la toxicomanie, une approche flexible, qui comprend non seulement un traitement avec encadrement et peut-être des drogues de substitution, mais aussi un changement de milieu et une éducation générale et professionnelle afin que ces personnes s'intègrent dans la société canadienne.
Quatrièmement, nous devons lever les barrières commerciales imposées aux pays en développement, afin que les paysans pauvres comme ceux de la Colombie puissent cultiver d'autres récoltes et disposer de débouchés.
S'agissant de réduire l'offre, je souligne—et c'est un élément clé—que nous ne parviendrons jamais à tarir l'offre à la source si nous ne réduisons pas la demande de drogue en Amérique du Nord et en Occident. Nous aurons beau pointer du doigt des pays comme la Colombie, tant que nous n'aurons pas mis de l'ordre chez nous, ce sera un geste hypocrite.
º (1630)
Je veux mettre l'accent sur la dévastation infligée à ces pays. Je les ai visités. J'ai rencontré le président Pastrana.
J'ajoute que j'ai le soutien de 17 pays d'Amérique latine, dont la Colombie, pour la motion que je vais vous montrer, car ils savent que cette approche plurifactorielle donne de très bons résultats.
Cinquièmement, pour ce qui est des produits chimiques précurseurs, les Nations Unies nous ont tapé à juste titre sur les doigts parce que nous permettons que ces produits chimiques soient vendus à des pays produisant des drogues illégales. Nous parlons de réduire la drogue, mais nous fermons les yeux sur ces ventes.
Un système de permis d'importation-exportation de ces produits chimiques précurseurs nous permettrait de suivre à la trace les fabricants de ces drogues illicites. L'Organisation des États américains dit que le seul obstacle à ce système de permis est l'intransigeance bureaucratique. Il est facile à mettre en place et à utiliser. Alors, allons-y.
Sixièmement, procédons à la décriminalisation de la possession simple de marihuana. Là où les lois en matière de possession sont plus libérales, particulièrement en Europe, on constate une consommation moindre de drogues dures, moins de marihuana et moins de maladies et de criminalité.
Si vous avez des doutes sur ce que je dis, je vous invite fortement à comparer les pays qui ont une législation plus libérale comme la Hollande, le Danemark et la Suisse aux États-Unis, avec des lois plus punitives. Aux États-Unis, vous constaterez une consommation plus forte de toutes les drogues, marihuana comprise, cocaïne et héroïne; des taux de maladies plus élevés—hépatite B, hépatite C et VIH; des taux de décès par surdose plus nombreux; une consommation accrue chez les plus jeunes, beaucoup plus de criminalité et des coûts beaucoup plus lourds dans l'ensemble.
Permettez-moi de clore sur une note personnelle.
J'ai pratiqué la médecine pendant 16 ans et j'ai travaillé dans des centres de désintoxication pendant 13 ans environ. J'ai travaillé dans des prisons comme gardien et médecin. J'ai vu beaucoup de vies détruites. J'ai vu de enfants mourir. Je les ai vus victimes de surdose. J'ai vu des parents prostituer leurs enfants dans la rue pour pouvoir s'acheter de la drogue. J'ai vu ces mêmes enfants souffrir à l'adolescence, faire des attaques cérébrales consécutives à leur toxicomanie, dans laquelle ils sont tombés à cause de l'environnement dans lequel ils ont vécu. J'ai en vus mourir assassinés, j'en ai vus frappés de maladies acquises en se prostituant. J'ai vu des gens incarcérés pendant des années pour cause de toxicomanie et j'ai vu des vies, tout comme vous, détruites comme résultat direct de la criminalité, du blanchiment d'argent, des vols que notre législation actuelle en matière de drogue favorise.
Je sais que vous êtes tous dévoués, sinon vous ne seriez pas là. Je vous supplie simplement de faire en sorte que les solutions que vous allez trouver—et je sais que vous retiendrez les meilleures que vous pourrez trouver—soient mises en oeuvre, je vous en supplie, dans l'intérêt de tous ceux qui souffrent de l'abus de substances. Faites en sorte qu'elles soient mises en oeuvre pour l'amour de Dieu, ne laissez pas les solutions que vous allez trouver être remisées sur une tablette à ramasser de la poussière, comme tant d'autres bons rapports de cette Chambre.
Merci.
º (1635)
La présidente: Merci beaucoup, docteur Martin.
J'ouvre maintenant la période des questions.
Nous manquons un peu de temps, aussi puis-je vous limiter à sept minutes, monsieur White?
M. Randy White (Langley—Abbotsford, Alliance canadienne): Merci, madame la présidente.
Keith, dans la lutte contre la drogue dans ce pays, je ne suis pas sûr que le fait d'infliger une simple amende à quelqu'un trouvé en possession de marihuana... Je ne vois pas du tout en quoi cela réglerait le problème. Et vous?
M. Keith Martin: Eh bien, la dépénalisation de la possession de marihuana ne serait qu'un élément d'une approche multifactorielle.
J'attire votre attention sur ma motion 358, que j'ai introduite le 3 mai 2001. Elle comportait quatre ou cinq points: la réduction de la consommation interne au moyen de programmes de traitement inspirés des modèles européens; la prévention par le biais du programme Bon départ; le libre échange hémisphérique; l'introduction de lois de type RICO... Tous ces éléments doivent aller de pair.
J'ajoute que la dépénalisation de la possession de marihuana a l'appui de l'Association médicale canadienne, de l'Association canadienne des chefs de police, qui la préconise en association avec l'action plus générale que j'ai mentionnée; de différentes églises et de l'Association du barreau canadien, pour n'en nommer que quelques-uns.
L'Association médicale canadienne a estimé que si la consommation de drogue représente certains problèmes, les coûts indirects de cette consommation constituent un problème encore plus vaste.
M. Randy White: Je comprends et je sais tout ce que vous dites. Mais ma question est de savoir si la dépénalisation, l'établissement d'une infraction sommaire de possession simple de marihuana, contribue en quoi que ce soit à résoudre le problème de la drogue dans notre pays? À quoi est-ce la solution?
M. Keith Martin: La réponse est oui et j'attire votre attention sur les faits. Si vous regardez l'expérience européenne de la consommation de marihuana, et puisqu'il s'agit de réduire la consommation de drogues en général, je vous demande simplement de comparer l'expérience d'un pays comme les Pays-Bas, mettons, et celle des États-Unis, donc un pays qui un régime plus libéral en matière de drogue et un autre qui a une approche très punitive de l'abus de substances. Si vous comparez les deux, vous verrez des paramètres et statistiques sur la consommation de marihuana et d'autres drogues qui divergent très largement, de même qu'en matière de criminalité, de maladie et de coût afférent à l'arrestation de drogués. La différence est majeure et dans tous les cas elle est en faveur des Pays-Bas et non des États-Unis.
Le sénateur McCain et le gouverneur du nouveau Mexique sont du même avis que moi.
M. Randy White: Très bien.
Pensez-vous que la composante THC de la marihuana crée une dépendance?
M. Keith Martin: Le THC ne crée pas de dépendance mais une habitude. La différence est que l'habitude vous fait désirer quelque chose, alors que la dépendance vous inflige une réaction physiologique au manque. Ainsi, par exemple, l'héroïne crée une dépendance. Pas la marihuana. Elle crée une habitude.
M. Randy White: Votre opinion diffère de celle d'autres médecins à cet égard.
M. Keith Martin: Mais elle est conforme à celle de beaucoup d'autres aussi.
M. Randy White: Diriez-vous que la marihuana est une drogue d'initiation?
M. Keith Martin: Selon un monsieur, qui est médecin et l'un des plus grands experts de l'abus de substances au Canada, la marihuana n'est pas une drogue d'initiation et rien ne prouve qu'elle le serait. Et elle ne l'est pas.
Mais si votre objectif est de réduire la consommation de drogue, et je pense que nous le partageons tous, marihuana comprise, et je suis tout autant que vous désireux d'en réduire la consommation, il est avéré que la décriminalisation de la marihuana combinée à d'autres mesures amène une réduction de la consommation de drogues en général et de la marihuana en particulier.
º (1640)
M. Randy White: Dans ma province de Colombie-Britannique, qui est aussi la vôtre, je n'ai pas connaissance que quiconque ait écopé au cours des cinq dernières années d'une condamnation pénale pour possession d'une très petite quantité de marihuana.
M. Keith Martin: Je ne peux que vous citer les chiffres. Selon les statistiques que j'ai vues, le coût est aujourd'hui de 150 millions de dollars environ et 63 500 condamnations pour possession de drogue sont prononcées chaque année.
M. Randy White: Pas pour de petites quantités, à ma connaissance.
M. Keith Martin: Laissez-moi finir, Randy.
Quelque 63 500 personnes sont arrêtées pour abus de drogue dans ce pays et 31 000 pour possession simple. Voilà les faits.
M. Randy White: Me reste-t-il encore du temps?
La présidente: Il vous reste une minute.
M. Randy White: En ce qui concerne vos annexes touchant la quantité de marihuana donnant lieu à une condamnation par voie sommaire, quelles sont les quantités minimales et maximales? Quelles sont les quantités? À quoi cela équivaut-il?
M. Keith Martin: La législation actuellement en vigueur, au Canada…
M. Randy White: Dans votre projet de loi. C'est cela que je veux savoir.
M. Keith Martin: C'est exactement la même chose.
Dans mon projet de loi, les quantités sont exactement les mêmes que celles des annexes 7 et 8 du Code criminel. L'annexe 7, aux articles 5 et 60, de la loi actuelle fixe la possession simple dans le cas de résine de cannabis à plus de un gramme et moins de trois kilogrammes; et pour la marihuana, plus de 30 grammes et moins de trois kilogrammes.
M. Randy White: Je vois cela. J'aimerais que vous me décriviez combien de joints cela fait, par exemple.
M. Keith Martin: Je n'en ai absolument pas idée. Mais je suis sûr que tout dépend de la quantité que l'on y met.
M. Randy White: Sachez que c'est autour de deux à trois joints. C'est ce que l'on me dit. Et un joint n'est pas très gros.
Je ne connais donc personne, très franchement, qui écoperait d'une condamnation pénale pour cela aujourd'hui. Je voulais vous le faire remarquer. J'étudie ces choses.
M. Keith Martin: Selon les chiffres de Statistique Canada, 63 500 personnes sont arrêtées pour un délit de drogue…
M. Randy White: Je parlais de condamnation pour marihuana.
M. Keith Martin: …et 31 000 sont arrêtés pour possession simple de marihuana. Voilà les faits.
M. Randy White: Je n'ai pas d'autres questions.
La présidente: Merci beaucoup.
[Français]
Monsieur Ménard, vous avez sept minutes.
M. Réal Ménard: Avant d'aller au fond des choses, je veux échanger avec vous sur le traumatisme parlementaire, finalement, que toute la Chambre a vécu à l'endroit de ce qui vous a été réservé. Est-ce que vous pouvez nous dire si le leader du gouvernement a communiqué avec vous au préalable, avant de déposer cette motion-là? Vous a-t-il offert une solution de rechange pour respecter les droits qui sont les vôtres, puisque votre projet de loi avait été retenu pour faire l'objet d'un vote, ou est-ce que le gouvernement a agi, encore une fois, cavalièrement, sans respect et de manière légèrement fascisante?
M. Keith Martin: Merci beaucoup, monsieur Ménard, du votre discours passionné que vous avez fait au début de cette réunion.
[Traduction]
S'agissant de ce qui est arrivé, pour vous donner une réponse brève, personne du gouvernement ne m'a contacté lorsqu'ils ont introduit l'amendement pilule empoisonnée qui, à toutes fins pratiques, a empêché la Chambre de voter sur ce projet de loi. C'était une violation caractérisée des droits de chaque député et, par extension, des droits de tous les citoyens de ce pays, puisqu'on a empêché leurs représentants élus de voter librement sur un projet de loi.
Cet amendement a surgi de nulle part puisqu'il a été introduit en deuxième lecture. Même le président a mis 15 minutes avant de décider si l'amendement gouvernemental, qui empêchait la Chambre de voter librement sur ce projet de loi, était recevable. Le président, je reprends ses termes, a dit qu'il n'allait pas se prononcer sur la question de savoir si l'amendement détournait le projet de loi, mais il l'a jugé recevable. Autrement dit, l'amendement détournait le projet de loi--ce sont les paroles du président lui-même, que je souligne.
C'est une honte et une tragédie, car une fois que l'amendement a été mis en jeu, la substance de mon projet de loi ne comptait plus. Ce qui importe c'est qu'un droit fondamental pour lequel les Canadiens sont morts, pour préserver le droit de vote... Les droits démocratiques fondamentaux de ce pays ont été violés et lorsque cet amendement a été adopté il y a un peu plus d'une semaine, cela a condamné à mort à jamais les mesures d'initiative parlementaire, et ce pour tous les députés, y compris ceux de la majorité.
Je fais remarquer, monsieur Ménard, qu'au cours de cette législature quelque 239 projets de loi d'initiative parlementaire ont été déposés. Seuls cinq ont été déclarés votables. Seulement deux sont allés aussi loin que le mien. Aucun n'est allé jusqu'en comité. Et le coût est d'environ 45 millions de dollars.
On se demande pourquoi, mais le jour où j'ai été admonesté à la Chambre, celle-ci délibérait du cheval Canadien, au lieu de s'intéresser à des questions comme la drogue, la santé, l'emploi, l'environnement et les myriades d'autres questions qui intéressent réellement les Canadiens.
º (1645)
[Français]
M. Réal Ménard: Permettez-moi de vous poser une deuxième question. Quand vous avez comparu devant le Sous-comité des affaires émanant des députés, les députés de la majorité ministérielle, je crois, on eu l'occasion de vous poser des questions; ils ont échangé avec vous.
Comment estimez-vous la qualité des échanges que vous avez eus avec les députés de la majorité ministérielle? Est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour dire que depuis 1993 que les libéraux forme le gouvernement, si on fait abstraction de l'épisode du projet de loi C-20, on ne trouve pas de précédent aussi antidémocratique, aussi peu susceptible de salir l'institution parlementaire? Est-ce que vous croyez que dans votre province, en Colombie-Britannique, les députés du gouvernement pourraient subir un contrecoup et un ressac négatif de cela?
[Traduction]
M. Keith Martin: Nous ne vivons pas dans une démocratie, malheureusement. Le Parlement n'est pas démocratique et c'est une profonde tragédie. Ce genre de chose est arrivée à maintes reprises dans ce Parlement, que ce soit en comité ou à la Chambre.
Nous savons que le projet de loi d'Albina Guarnieri--membre de la majorité gouvernementale--qui portait sur les peines consécutives est allé jusqu'en comité, a été déclaré votable, mais les membres ministériels au comité ont été contraints par leur leader à supprimer chaque mot, chaque lettre et chaque point de ce projet de loi, même le titre, si bien qu'il a été complètement détruit et il ne restait plus qu'un morceau de papier.
[Français]
M. Réal Ménard: Est-ce que vous seriez tenté de dire que le geste que le gouvernement a posé s'apparente à une traîtrise, et est-ce que vous vous proposez de faire des représentations auprès du Président de la Chambre des communes, qui est, comme vous le savez, le gardien des libertés parlementaires? Je sais que vous n'entretenez aucune illusion face au caucus libéral, tant leur caractère servile et « à plat ventri » est maintenant connu de tous.
Est-ce que vous vous proposez de faire des représentations auprès du Président de la Chambre des communes?
[Traduction]
M. Keith Martin: Je veux souligner, monsieur Ménard, que ce qui est arrivé mercredi dernier nous touche tous, qui que nous soyons. Vous savez qu'il y a un peu plus d'une semaine le droit fondamental de vote a été violé, celui des députés du gouvernement, celui des députés de l'opposition, de chacun des députés et de chaque citoyen de ce pays, et c'était cela l'enjeu. J'ai pitié pour nous tous qui devrons vivre dans ce cadre qui n'est pas démocratique. Il est sous le joug du premier ministre; c'est une dictature. Si nous ne changeons pas cela, cette institution sera inutile et le public canadien n'aura pas le traitement qu'il mérite.
[Français]
M. Réal Ménard: Est-ce qu'il y a eu des libéraux assez vertébrés, sur le plan du respect de la procédure parlementaire, pour, en privée—je n'entretiens pas d'espoir qu'ils le fassent en public—vous exprimer leur indignation face à ce que leur gouvernement a fait, et vous exprimer une quelconque forme de sympathie?
Une voix: Et vous? Une motion dilatoire...
M. Réal Ménard: Madame la présidente, est-ce que peux poser ma question?
La présidente: M. Ménard a la parole.
M. Réal Ménard: Mais c'est Mme Allard qui est perturbée. Madame Allard, vous me décevez beaucoup. Soyez un peu à votre affaire.
Alors, on sait que les libéraux ne sont pas très vertébrés sur le plan du respect des principes démocratiques, mais est-ce qu'il y a quand même eu des libéraux un peu courageux—ma question est très conditionnelle et hypothétique—pour, en privé, vous exprimer quelque forme d'appui ou de sympathie? Y en a-t-il eu?
[Traduction]
M. Keith Martin: Monsieur Ménard, six membres du Parti libéral ont eu le courage de se lever et de voter contre l'amendement gouvernemental et de se battre pour la démocratie. Je les salue car il leur a clairement fallu beaucoup de courage pour cela. Nul doute qu'ils vont être sanctionnés au niveau interne.
Mais ensuite, après que je me sois saisi de la masse, des membres de tous les partis politiques, y compris des libéraux, sont venus me remercier pour cela, me remercier d'avoir attiré l'attention sur le fait que nous tous dans cette Chambre voulons oeuvrer pour le bien du Canada. Nous tous voulons oeuvrer dans l'intérêt public, mais on nous empêche de faire le travail que nos électeurs nous ont envoyés faire ici. Nous sommes muselés et paralysés par un Parlement qui est géré de façon dictatoriale par le Bureau du premier ministre.
º (1650)
La présidente: Docteur Fry.
Mme Hedy Fry: Merci beaucoup, madame la présidente.
Keith, je suis heureuse car lorsque j'ai lu votre projet de loi C-344, il n'y était question que de la dépénalisation de la marihuana. Il n'y avait nulle mention de mesures plus générales, alors que manifestement vous proposez tout un train de mesures.
Je dois dire que nous entendons des avis venant de toutes parts. Beaucoup de gens nous ont parlé de dépénalisation. Nous nous sommes penchés sur les modèles européens, sur le modèle australien, etc. et ce n'est donc pas un concept nouveau. Cependant, je sais que l'Association médicale canadienne a clairement indiqué qu'elle n'était pas en faveur de la dépénalisation de la marihuana à moins qu'il soit garanti que des programmes éducatifs expliquent aux gens qu'elle n'est pas une drogue sûre, qu'elle comporte en fait beaucoup d'effets secondaires--des effets similaires à ceux de l'alcool. Elle fait baisser la capacité cognitive. Elle réduit la mémoire, à long terme et à court terme. Elle affaiblit la faculté de conduire et il se pose et aussi le problème de l'usage combiné de marihuana et d'alcool.
Cela étant dit, je suis heureuse que vous ayez couplé cela avec la prévention, etc. car il ne s'agit pas de transmettre comme message, si l'on dépénalise la marihuana, que cette dernière est une drogue que l'on peut consommer sans réfléchir.
Mais ma question est la suivante. Pensez-vous que la marihuana doive être la seule drogue décriminalisée, ou bien pensez-vous que toutes les drogues illicites devraient l'être? Je sais que beaucoup d'autres groupes le préconisent, en s'inscrivant dans la même optique que vous, à savoir qu'il faut traiter la personne qui se drogue selon un modèle médical et ceux qui fournissent la drogue selon un modèle pénal, c'est-à-dire ne pas pénaliser le consommateur.
Avez-vous réfléchi à l'opportunité d'élargir cela à d'autres drogues. Faudrait-il faire la même chose à l'égard de la cocaïne et de l'héroïne, etc.? Pensez-vous que ce serait avantageux? Certains témoins pensent que oui.
Et enfin, j'aimerais savoir si vous êtes partisan de la réduction des méfaits tels que les programmes d'échange de seringues. Pensez-vous que les programmes de substitution de méthadone sont utiles? Que pensez-vous de la réduction des méfaits telle qu'elle est actuellement pratiquée, comme élément d'un modèle de santé publique visant à réduire les dommages pour l'usager à long terme?
J'aimerais connaître vos opinions sur ces sujets.
M. Keith Martin: Merci, docteur Fry.
Sur la question de la dépénalisation de toutes les drogues illégales, je suis partagé. Ma religion n'est pas faite et je ne connais pas la réponse. Je propose la dépénalisation de la marihuana car, d'après tout ce que j'ai vu, la cause est entendue et tout milite en faveur du changement, pour les nombreuses raisons que j'ai mentionnées.
Pour ce qui est de la réduction des dommages, j'attire votre attention sur le modèle Mersey au Royaume-Uni, qui est excellent. Je suis grand partisan de l'échange de seringues et de la méthadone, à condition que ce soit couplé à l'obligation pour l'usager de suivre un traitement et une formation. En tant que médecin, vous et moi nous savons qu'il est absolument nécessaire d'adopter une approche holistique multifactorielle si l'on veut sevrer quelqu'un durablement. J'ajoute que j'ai introduit le projet de loi et la motion ensemble car je savais que la motion seule ne retiendra pas suffisamment l'attention, malheureusement, car elle couvre un trop grand nombre de choses.
J'attire également votre attention sur un article dans The Lancet de 1998 qui expliquait très bien--comme vous l'avez si éloquemment mentionné--que des problèmes physiologiques médicaux sont associés à la consommation de marihuana. Comme vous, je suis opposé à sa légalisation et à sa consommation, sauf à des fins médicales strictement circonscrites, mais les circonstances qui entourent la consommation de drogue--la corruption, la dissémination de maladies, la criminalité organisée et autres--posent des problèmes beaucoup plus grands que les drogues elles-mêmes.
J'espère que ce comité, dans sa sagesse et dans la sagesse collective des témoins que vous entendez, pourra répondre à cette question de savoir s'il faudrait ou non dépénaliser un plus grand nombre de drogues.
º (1655)
La présidente: Il nous faudra peut-être demander au docteur Martin de revenir. La séance doit prendre fin à 17 h.
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne): Pourrais-je poser une question?
La présidente: Vous m'avez indiqué tout à l'heure que vous n'aviez pas de questions, monsieur Sorenson.
Si je puis passer rapidement à la question de M. Lee, vous et moi pourrons peut-être parler plus tard.
M. Derek Lee: Nous pourrons aborder toutes sortes de sujets, mais je vais me limiter à celui-ci, rapidement.
D'aucuns font valoir que la marihuana n'est pas aussi bénigne que beaucoup de gens le pensent, sur le plan de ses effets physiques sur le corps humain. Dans un des documents, on peut lire que fumer trois joints de marihuana par jour équivaut à fumer la moitié d'un paquet de cigarettes, ou pire, du point de vue du risque de cancer. Je conviens que si quelqu'un mangeait trois ou quatre tablettes de chocolat par jour ou buvait deux bouteilles d'alcool fort par jour, cette personne aurait aussi un problème.
À votre point de vue, en tant que médecin et parlementaire, pensez-vous que le comité pourrait simplement admettre que la marihuana n'est pas suffisamment dangereuse ou toxique pour hésiter à la dépénaliser de la manière que vous suggérez.
M. Keith Martin: J'attire votre attention sur le rapport de la Commission Le Dain, une commission parlementaire qui a étudié à fond la question. Il y a déjà 20 ans le rapport se prononçait catégoriquement en faveur de la dépénalisation de la possession simple de marihuana.
Donc, tout en partageant l'avis de Mme Fry que la marihuana n'est pas bénigne, elle n'est pas plus dangereuse que l'alcool.
M. Derek Lee: Merci.
La présidente: Monsieur Sorenson, avez-vous une question rapide?
M. Kevin Sorenson: Oui, merci, madame la présidente.
Merci d'être venu Keith.
Je pense que le public canadien a suivi cet épisode en raison du courage avec lequel vous vous êtes élevé contre une iniquité. Nous avons vu un gouvernement libéral qui a perdu le contact avec les députés désireux de proposer des mesures de leur initiative et de défendre les intérêts de leurs électeurs. Les députés comme vous, qui ont suivi toute la procédure, qui ont consacré leur temps et leurs efforts, leur énergie et argent à rédiger un projet de loi d'initiative parlementaire, ont dû regarder un gouvernement libéral mettre le vôtre en pièces... Ayant eu la chance de le voir tiré au sort, tout d'abord, puis déclaré sujet à vote, le gouvernement libéral est arrivée en disant: «Non, nous n'allons pas autoriser de vote, nous allons le vider de sa substance et l'expédier dans les limbes». Pourtant, vous persistez.
Je vous applaudis, mais j'ai néanmoins des réserves sur votre projet de loi. Pendant nos audiences à travers le pays, de nombreuses questions ont été soulevées.
Tout d'abord, nous connaissons déjà la réaction libérale, à en juger d'après les questions posées aujourd'hui. Ce projet de loi amènerait la dépénalisation de la marihuana. D'emblée, l'approche libérale est: «Pensez-vous qu'il faille tout dépénaliser? Pensez-vous qu'il faudrait décriminaliser toutes les drogues?» Je sais bien que c'était une question, mais cela semble être la préoccupation générale des Canadiens. Nous vivons sur une pente glissante. Si nous dépénalisons la marihuana aujourd'hui, alors tout d'un coup les vannes seront ouvertes et d'autres drogues seront ajoutées à la liste.
Plusieurs de mes électeurs m'ont écrit pour exprimer leur grave préoccupation. Si nous décriminalisons la marihuana, combien de temps faudra-t-il avant que d'autres drogues illicites, peut-être au nom de la réduction des méfaits, soient ajoutées à la liste.
Je m'interroge donc sur la pente glissante et aussi sur le message. Keith, l'une de mes grandes craintes est que les enfants recevront le message que la marihuana n'est plus un délit criminel. Tout d'un coup, le message devient confus.
Des témoins de divers bords se sont dits découragés par le programme DARE dispensé par la police dans les écoles. Nous les avons entendus ici déplorer que des agents de police visitent les écoles en ayant pour seul message «simplement dites non», comme si c'était la chose à ne pas dire. Selon eux il faut une approche équilibrée, consistant à dire aux jeunes de faire attention quand ils prennent de la drogue. Voilà en quoi consiste l'approche équilibrée de la drogue de la société libéralisée.
Que faut-il donc faire? La désapprobation, la recommandation de simplement dire non ne sont pas des messages porteurs. Il faut de l'équilibre.
» (1700)
La présidente: Merci, monsieur Sorenson.
Monsieur Martin.
M. Keith Martin: Merci, monsieur Sorenson.
S'agissant du syndrome de la pente glissante, comme je l'ai dit, si l'on regarde les faits et compare les mesures très dures et punitives en vigueur aux États-Unis aux méthodes européennes plus libérales, cette crainte n'est pas fondée. J'ai examiné cela de près. Les faits prouvent le contraire. La dépénalisation de la possession simple de marihuana ne conduit pas à une pense glissante. C'est plutôt l'inverse.
La raison en est le syndrome du fruit défendu. Si vous dites aux enfants qu'ils ne peuvent pas faire telle chose et que vous leur interdisez, que vont-ils faire? Ils vont se précipiter pour le faire.
On constate que lorsque la marihuana perd ce cachet, cette attraction de fruit défendu, moins de jeunes la consomment. J'ai donné toute la litanie des arguments. On consomme moins de drogue, moins de marihuana et moins de drogues dures. Les consommateurs de drogues dures sont plus âgés, ce qui est un paramètre de l'efficacité. Ce n'est pas une pente glissante.
Je peux vous dire ce qui ne marche pas: la légalisation. Si vous regardez l'expérience du parc-piquerie à Genève, elle a été un désastre pour de nombreuses raisons. Toute la criminalité organisée s'est concentrée là. La consommation de drogues a en fait augmenté.
Donc, pour ce qui est de la prohibition, comparez les modèles américains et européens. Les faits parlent d'eux-mêmes.
M. Kevin Sorenson: Dites-vous qu'il faut envoyer des messages aux enfants?
M. Keith Martin: Je pense que ce qui est efficace, monsieur Sorenson, c'est de sensibiliser les gamins. Il faut commencer jeune, avec le programme «Bon départ», renforcer le lien parents-enfants, inculquer très tôt que ce n'est pas réellement une bonne chose, que c'est néfaste. Montrez-leur non seulement les effets sur eux-mêmes mais aussi sur le monde environnant.
Une chose qui marche très bien est d'illustrer que si l'on consomme de l'héroïne et de la cocaïne ici, on tue littéralement quelqu'un dans un autre pays. On tue quelqu'un avec la cocaïne. Si vous vous piquez à l'héroïne ou fumez du crack, vous allez tuer un innocent en Colombie ou dans un autre pays. C'est un message très fort.
Je termine, madame la présidente. J'espère que ce comité va mettre au point une campagne publicitaire nationale pour montrer à nos enfants et adultes que s'ils prennent des drogues illicites, ils tuent des hommes, des femmes et des enfants innocents en Colombie. On peut leur montrer de façon pas mal graphique ce qu'il en résulte pour ces hommes, femmes et enfants.
Merci.
La présidente: Merci, docteur Martin. Le comité se réserve la possibilité de vous réinviter ultérieurement.
Sur une note personnelle, mon projet de loi d'initiative parlementaire a été intégré dans un autre projet de loi et renvoyé devant un autre comité. Parfois les choses se font adopter par des moyens détournés.
J'apprécie votre enthousiasme pour le sujet et le temps que vous avez consacré à votre exposé aujourd'hui.
La séance est levée.