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SNUD Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 29 août 2002




¿ 0945
V         La présidente (Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.))
V         M. Michel Perron (président, Conseil exécutif canadien sur les toxicomanies; directeur général, Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies)
V         
V         La présidente
V         M. John Borody

¿ 0950

¿ 0955
V         M. Murray Finnerty (directeur général, Alberta Alcohol and Drug Abuse Commission, Conseil exécutif canadien sur les toxicomanies)

À 1000

À 1005

À 1010
V         La présidente
V         M. Randy White (Langley—Abbotsford, Alliance canadienne)

À 1015
V         M. John Borody
V         M. Patrick Smith (vice président, Programmes médicaux, Centre de toxicomanie et de santé mentale, Conseil exécutif canadien sur les toxicomanies)

À 1020
V         M. Murray Finnerty

À 1025
V         La présidente
V         M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ)
V         M. Michel Perron
V         M. Réal Ménard

À 1030
V         M. Michel Perron
V         M. Murray Finnerty
V         M. Patrick Smith

À 1035
V         La présidente
V         Mme Carole-Marie Allard (Laval-Est)
V         M. Michel Perron
V         Mme Carole-Marie Allard
V         M. Michel Perron
V         Mme Carole-Marie Allard
V         M. Michel Perron
V         Mme Carole-Marie Allard
V         M. Michel Perron
V         M. Murray Finnerty

À 1040
V         M. John Borody
V         M. Patrick Smith

À 1045
V         La présidente
V         M. Michel Perron
V         Mme Carole-Marie Allard
V         La présidente
V         M. Patrick Smith

À 1050
V         La présidente
V         M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne)
V         M. Patrick Smith
V         M. Kevin Sorenson
V         M. Patrick Smith

À 1055
V         La présidente
V         M. Michel Perron
V         M. Murray Finnerty
V         M. Randy White
V         M. Murray Finnerty
V         M. Kevin Sorenson
V         La présidente
V         M. Patrick Smith

Á 1100
V         M. Kevin Sorenson
V         M. John Borody
V         M. Michel Perron

Á 1105
V         La présidente
V         M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.)
V         M. Murray Finnerty

Á 1110
V         M. Derek Lee
V         M. Patrick Smith
V         M. John Borody

Á 1115
V         La présidente
V         M. Derek Lee
V         M. John Borody
V         M. Patrick Smith
V         M. Derek Lee
V         M. Patrick Smith

Á 1120
V         La présidente
V         M. John Borody
V         M. Michel Perron
V         La présidente
V         M. Réal Ménard

Á 1125
V         M. Patrick Smith
V         M. Réal Ménard
V         M. Patrick Smith

Á 1130
V         M. Réal Ménard
V         M. Michel Perron
V         La présidente
V         Mme Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.)
V         La présidente
V         M. John Borody

Á 1135
V         La présidente
V         M. Murray Finnerty
V         La présidente
V         M. Michel Perron
V         La présidente
V         M. Michel Perron
V         La présidente

Á 1140
V         M. Murray Finnerty
V         M. Michel Perron
V         La présidente
V         M. Patrick Smith

Á 1145
V         La présidente
V         M. Randy White
V         M. Patrick Smith
V         M. Randy White
V         M. John Borody
V         M. Patrick Smith
V         M. Murray Finnerty
V         M. Randy White

Á 1150
V         M. Murray Finnerty
V         La présidente
V         M. Patrick Smith
V         La présidente
V         M. John Borody
V         M. Randy White

Á 1155
V         La présidente
V         M. Michel Perron
V         La présidente
V         Mme Carole-Marie Allard
V         M. Patrick Smith
V         La présidente
V         M. Michel Perron
V         M. Murray Finnerty

 1200
V         Mme Carole-Marie Allard
V         La présidente
V         M. Kevin Sorenson
V         M. Murray Finnerty
V         M. Patrick Smith

 1205
V         M. Kevin Sorenson
V         M. Patrick Smith
V         M. Murray Finnerty
V         La présidente
V         M. Murray Finnerty
V         La présidente
V         Mme Hedy Fry
V         M. Murray Finnerty

 1210
V         Mme Hedy Fry
V         M. Patrick Smith
V         La présidente
V         M. Michel Perron
V         La présidente
V         M. Derek Lee
V         La présidente
V         M. John Borody

 1215
V         La présidente
V         M. Patrick Smith
V         La présidente

 1220
V         M. Patrick Smith
V         La présidente
V         
V         M. Michel Perron
V         La présidente










CANADA

Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments


NUMÉRO 056 
l
1re SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 29 août 2002

[Enregistrement électronique]

¿  +(0945)  

[Traduction]

+

    La présidente (Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.)): La séance est ouverte.

    Bonjour à tous. Comme je l'ai maintes fois répété, ceci est le Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments, qui a été constitué en mai 2001 afin d'étudier les facteurs sous-jascents ou parallèles à la consommation non médicale de drogues ou de médicaments au Canada. On nous a aussi confié, à partir d'avril dernier, l'examen d'un projet de loi émanant d'un député portant sur le cannabis.

    Nous sommes heureux d'accueillir le Conseil exécutif canadien sur les toxicomanies comme témoin ce matin, ainsi que leurs représentants Michel Perron, président du conseil et directeur général du Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies; John Borody, directeur général de la Fondation manitobaine de lutte contre les dépendances; Murray Finnerty, directeur général de la Alberta Alcohol and Drug Abuse Commission, dont tout le monde connaît l'acronyme AADAC; et Patrick Smith, vice-président des programmes médicaux du Centre de toxicomanie et de santé mentale.

    Bienvenue à tous. Après la présentation de votre exposé, nous prendrons le temps de poser quelques questions.

    Michel, la parole est à vous.

+-

    M. Michel Perron (président, Conseil exécutif canadien sur les toxicomanies; directeur général, Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies): Bonjour madame la présidente, honorables députés. Je vous remercie de cette introduction.

    Je tiens à mentionner qu'un autre de nos directeurs, M. Dan Reist de la Kaiser Foundation en Colombie-Britannique, n'a pu être des nôtres et m'a demandé de vous présenter ses excuses.

    J'aimerais aussi remercier, si madame la présidente le permet, la greffière du comité, Mme Carol Chafe, pour nous avoir facilité les choses et pour avoir fait traduire nos documents. Son travail nous est précieux. Il va de soi, madame la présidente, que vos efforts sont également très appréciés.

    Chers membres du comité, c'est pour nous un honneur que d'être ici aujourd'hui. Je céderai sous peu la parole à M. Borody et à M. Finnerty, qui se chargeront de notre présentation.

    Nous sommes conscients du fait que le mandat du présent comité tire à sa fin. Après avoir voyagé au Canada, aux États-Unis et en Europe, vos opinions et priorités concernant les politiques canadiennes en matière de drogues se sont sûrement précisées. Nous savons que vous avez écouté des universitaires, des représentants gouvernementaux, des policiers, des porte-parole d'ONG et une vaste gamme de citoyens. Sans doute que ces présentations et les recommandations qui y étaient contenues devaient être diamétralement opposées, malgré le fait que chaque partie estimait avoir raison. Il s'agit bien sûr du défi auquel est confronté votre comité.

    Je crois, cependant, que notre groupe peut apporter à ce dialogue une perspective unique. Nous représentons le Conseil exécutif canadien sur les toxicomanies, que vous présenteront sous peu mes collègues. Nous sommes les dirigeants des seuls organismes de lutte contre la toxicomanie qui restent au Canada. Nous nous penchons sur les politiques nationales en matière de drogue qui sont essentielles à l'efficacité de notre travail, et nous estimons que ces questions sont très pertinentes à votre mandat. Nous espérons que notre présentation et que les discussions subséquentes vous seront utiles, même à cette étape tardive de vos délibérations.

    Je cède maintenant la parole à M. John Borody.

+-

    M. John Borody (directeur général, Fondation manitobaine de lutte contre les dépendances, Conseil exécutif canadien sur les toxicomanies): Bonjour. Nous remercions le comité de nous permettre de prendre la parole ce matin.

    Nous sommes ici aujourd'hui en tant que représentants du Conseil exécutif canadien sur les toxicomanies. Nous souhaitons vous exposer ce que le Canada devrait faire, à notre avis, pour assurer une coordination et une collaboration optimales en termes de programmes visant à prévenir la consommation illicite de drogues. Je vous signale que dans le cadre de notre exposé, ce terme englobe aussi l'alcool. Plus précisément, je résumerai d'abord la structure du Conseil exécutif canadien sur les toxicomanies, les pressions qui s'exercent à l'heure actuelle dans le domaine de la lutte contre la toxicomanie au Canada ainsi que nos efforts pour identifier les priorités qui s'imposent dans le cadre de la Stratégie canadienne antidrogue. Ensuite, mon collègue Murray Finnerty vous expliquera comment fonctionnent les organismes provinciaux de lutte antidrogue et quelle est la meilleure façon, à notre avis, de les intégrer à une stratégie nationale antidrogue à l'intérieur de laquelle s'inscrivent et s'imposent le leadership et la participation du gouvernement fédéral.

    Le CECT ou Conseil exécutif canadien sur les toxicomanies est une tribune qui a été créée plus tôt cette année en vue d'influencer la politique nationale gouvernementale en matière de lutte antidrogue. On retrouve parmi ses membres les principaux dirigeants d'organismes de lutte contre la toxicomanie oeuvrant au Canada en vertu d'un mandat législatif fédéral ou provincial, ou encore, d'une instance provinciale reconnue approuvée par le conseil d'administration. À l'heure actuelle, ses membres viennent de la Colombie-Britannique, de l'Alberta, du Manitoba et de l'Ontario ainsi que d'une organisation, nationale, le Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies. Mes collègues et moi-même sommes enthousiasmés par les perspectives de cette nouvelle organisation et par la possibilité de collaborer dans ce milieu complexe où se côtoient la raison et l'émotion. C'est à l'occasion de notre comparution aujourd'hui que nous présentons pour la première fois un exposé conjoint, et je ne pense pas qu'il y ait de meilleure occasion de le faire.

    Permettez-moi de vous mettre en contexte. Comme de nombreux autres domaines liés à la santé, les programmes de lutte contre la toxicomanie ont énormément changé depuis cinq à dix ans, et nous nous retrouvons aujourd'hui à la croisée des chemins. Bien que certains programmes existent de façon distincte au niveau provincial depuis une cinquantaine d'années--et à cet égard, je souligne le travail de l'AADAC et de la Fondation manitobaine de lutte contre les dépendances--, les changements survenus au cours de la dernière décennie ont fait en sorte que d'autres organisations sont devenues méconnaissables pour leurs fondateurs ou encore, ont été intégrées à d'autres programmes communautaires. Citons en exemple l'ARF, en Ontario, qui fait maintenant partie du CTSM, le Centre de toxicomanie et de santé mentale et la SADAC, la Saskatchewan Alcohol and Drug Abuse Commission, organisme semblable à l'AFM et à l'AADAC oeuvrant en Saskatchewan ,qui s'est fusionné avec les organismes de santé régionaux.

+-

    La présidente: Quand vous utilisez un acronyme,comme ARF, auriez-vous l'obligeance de nous fournir le nom au complet?

+-

    M. John Borody: Oui. Il s'agit de la Fondation de la recherche sur la toxicomanie.

    Les facteurs qui ont influencé le domaine de la lutte contre la toxicomanie sont les mêmes que ceux qui ont influé sur les autres secteurs de la santé et des services communautaires. Des changements économiques et sociaux rapides, la restructuration du gouvernement, la réforme des soins de santé dans les provinces, les compressions budgétaires et les attentes élevées en matière de responsabilisation sont autant d'éléments qui ont fragmenté le domaine de la lutte contre la toxicomanie et transformé profondément la recherche et les programmes.

    La lutte antidrogue est en train de perdre son profil distinct à la fois dans le contexte des enjeux liés à la santé et sur l'horizon politique. En l'an 2000, le gouvernement libéral s'était engagé, dans son troisième livre rouge, à renouveler sa stratégie nationale de lutte antidrogue. Malheureusement, nous n'avons vu aucune action sur ce front. Dans un mémoire soumis au gouvernement provincial de la Colombie-Britannique, la Kaiser Youth Foundation a déclaré que les services de lutte antidrogue «souffrent des maux suivants: priorité très faible et profil trop discret, absence de stratégie claire au niveau des provinces»--et, dans certains cas, du gouvernement fédéral--«manque de focus et de leadership, consultation et coordination inadéquates, financement irrégulier et peu fiable, efforts de prévention minimes et recherche dérisoire ou inexistante». Nous espérons que votre comité sera en mesure de remédier à ces lacunes des plus sérieuses.

    L'incidence des problèmes de toxicomanie au Canada est bien documentée. Plus d'un décès sur cinq et des centaines de milliers d'hospitalisations par an résultent de la consommation et de l'usage abusif de l'alcool ou d'autres drogues. Fait intéressant, j'ai remarqué ce matin en écoutant l'émission Canada AM que deux des reportages du bulletin d'actualités avaient un lien avec les drogues ou l'alcool. Il n'est même pas nécessaire de consulter la documentation spécialisée. Il suffit de regarder les actualités. La toxicomanie coûte à l'économie plus de 18 milliards de dollars par an, dont plus de 4 milliards en coûts directs liés aux soins de santé. Non seulement la toxicomanie affecte-t-elle le toxicomane lui-même, mais elle touche aussi sa famille immédiate et la communauté. Il est généralement acquis dans le domaine de la lutte antidrogue que le paysage des toxicomanies a changé depuis la mise en place de la Stratégie canadienne antidrogue en 1987 qui, comme vous le savez, n'a pas été renouvelée en 1997.

    Dans le climat actuel, on discute de diverses approches dont la légalisation de certaines drogues et la réduction du préjudice. Notre clientèle est aussi devenue plus complexe. De plus en plus, nous avons affaire à des gens dont le profil est compliqué par des problèmes de santé mentale. Un grand nombre de nos jeunes clients affichent les symptômes du syndrome d'alcoolisme foetal et des effets de l'alcool sur le foetus. Nous avons dû intégré de nouveaux services afin de répondre aux préoccupations de santé publique liées à l'augmentation du nombre de nos clients séropositifs. De plus, la plupart des utilisateurs de drogues injectables avec qui nous avons affaire sont atteints d'hépatite C. À titre d'exemple, l'AFM a effectué récemment un sondage auprès de notre clientèle. Environ 95 p. 100 des utilisateurs de drogues injectables sont atteints d'hépatite C.

    Contrairement au modèle traditionnel, qui voyait la toxicomanie comme une simple maladie, nous considérons maintenant qu'il s'agit plutôt d'un phénomène bio-psyco-social. Nous estimons aujourd'hui que les problèmes de toxicomanie sont liés à la prospérité économique, à la santé de la population et à la cohésion sociale d'un pays.

    Comment s'y prendre pour lancer un dialogue national? À l'automne 2000, notre organisme a vu le jour lorsque les dirigeants de la Fondation manitobaine de lutte contre les dépendances, de la Commission sur l'alcoolisme et la toxicomanie de l'Alberta, du Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies ainsi que du Centre de toxicomanie et de santé mentale ont commandé un document de discussion devant refléter l'état de la réflexion et de la documentation actuelle sur le statut des toxicomanies dans le contexte canadien. Nous avons reconnu que c'était à nous, en tant que chefs de file dans le domaine de la lutte antidrogue, qu'il revenait de jouer ce rôle. Le document en question a constitué la base d'une rencontre tenue à Winnipeg en décembre 2000. En février 2001, un rapport intitulé «Vers une convergence et une stratégie de lutte antidrogue nationale nouvelles: Synthèse du symposium du 5 décembre 2000» a été rédigé par les organismes hôtes et communiqué aux autorités territoriales, provinciales et fédérales. On pouvait y lire une synthèse de cette rencontre d'un jour tenue en décembre 2000, à laquelle ont assisté environ 44 participants représentant une vaste gamme d'intervenants d'un peu partout au Canada.

¿  +-(0950)  

    L'objectif du symposium était de fournir aux représentants de divers ministères des gouvernements territoriaux, provinciaux et fédéral ainsi que d' organismes multisectoriels une tribune pour faire le point sur le milieu de la lutte contre les toxicomanies, identifier les enjeux prioritaires et proposer une action. D'après l'opinion générale, cette initiative a atteint son but. Un consensus important s'est dégagé quant aux objectifs futurs et aux moyens à prendre pour les réaliser. J'aimerais souligner ce point. Le symposium de Winnipeg a confirmé qu'il existe un très haut niveau de consensus parmi les professionnels du domaine sur les principaux enjeux. Nous pensons qu'il s'agit là d'un atout sur lequel le comité peut capitaliser. Plus précisément, les participants s'entendent pour dire qu'une stratégie nationale de lutte antidrogue fait défaut. Une telle stratégie est nécessaire pour aider les gouvernements provinciaux à établir leurs objectifs dans les limites du mandat que leur confère la Constitution.

    Le symposium a permis de dégager un autre résultat important, soit l'identification des principes directeurs qui devraient être intégrés dans l'élaboration d'une telle stratégie nationale. Il a été recommandé que les principes directeurs soient fondés sur une perspective sociale axée sur l'obligation de ne pas causer de tort. Par la suite,il conviendra de peaufiner les aspects généraux macro et micro. D'un point de vue macro, la stratégie devrait être intégrée, équilibrée et durable. Il faut qu'elle soit empreinte de signification et pertinente, de même que multisectorielle et globale. Elle doit étayer la pratique fondée sur l'expérience tout en encourageant et en appuyant l'innovation. Elle doit refléter la tolérance et le respect, notamment les droits des personnes ayant des problèmes de drogue. D'un point de vue davantage micro, la stratégie nationale de lutte antidrogue doit faire appel à tous le intervenants. Elle doit favoriser l'examen de toutes les ramifications des diverses interventions et stratégies. Elle doit inclure l'appui aux démarches favorisant le renforcement des capacités des communautés, mettre l'accent sur l'optimisation des interventions novatrices et les soutenir. Qui plus est, elle doit s'attacher aux effets dévastateurs causés par les drogues plutôt qu'à l'usage de drogue.

    À l'issue du symposium, les participants ont confirmé les mesures à prendre pour faire progresser le dossier de la stratégie de lutte antidrogue. Il faut trouver un champion politique sur la scène fédérale. La stratégie doit naître d'une dialogue national et de la participation des intervenants. Le gouvernement fédéral doit manifester clairement son engagement par le biais du processus budgétaire. Il est aussi impératif d'avoir un cadre stratégique et une vision claire au niveau national.

    En dernier lieu, les participants ont également dit que la mise en oeuvre réussie d'une stratégie nationale de lutte antidrogue exigerait un renforcement des capacités communautaires ainsi qu'une adhésion de tous les Canadiens, allié à l'engagement et au soutien indéfectible du gouvernement fédéral. Ce processus doit pouvoir compter sur une vaste collaboration et coordination aux niveaux provincial, territorial et municipal à l'étape de l'élaboration et de la mise en oeuvre de la stratégie.

    Madame la présidente, je peux vous donner l'assurance que le CECT est prêt à appuyer le comité, ainsi que tous les pouvoirs publics dans ce dossier.

    Je demanderais maintenant à M. Murray Finnerty de vous résumer le fonctionnement des organismes provinciaux de lutte contre les dépendances.

    Merci.

¿  +-(0955)  

+-

    M. Murray Finnerty (directeur général, Alberta Alcohol and Drug Abuse Commission, Conseil exécutif canadien sur les toxicomanies): Merci John.

    Bonjour madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité.

    Je ferai un survol du fonctionnement des organismes provinciaux, et vous exposerai ensuite nos opinions sur les mesures spécifiques dont vous voudrez tenir compte dans vos délibérations.

    Comme l'a mentionné John, il ne reste, dans les provinces, qu'une poignée d'organismes concernés par la toxicomanie, dont les plus importants sont la Alberta Alcohol and Drug Abuse Commission et la Fondation manitobaine de lutte contre les dépendances. Ils sont toujours constitués en organismes d'État distincts, fournissent des services, sensibilisent la population à la toxicomanie et coordonnent les initiatives connexes dans leurs territoires de compétence. Toutes les autres provinces ont aussi un mécanisme central de coordination. Un exemple important est le Centre de toxicomanie et de santé mentale en Ontario. Bon nombre d'autres provinces, comme la Colombie-Britannique, le Yukon et le Québec, ont un autre type d'organisme central. Toutes les provinces, cependant, ont un mécanisme central quelconque, comme un secrétariat au sein du ministère de la Santé qui tente de sensibiliser leur province au problème de la toxicomanie. Je parlerai évidemment davantage du point de vue de l'AADAC.

    La plupart des organismes provinciaux rendent compte à leur ministre responsable de la santé et du bien-être. Nous sommes tous autorisés à offrir ou financer des services portant sur l'alcoolisme ou les toxicomanies et à entreprendre des recherches connexes. Certains d'entre nous sont aussi concernés par les jeux de hasard, mais la plupart se limitent à l'alcool et aux drogues.

    En quoi consistent nos activités principales? La plupart d'entre nous utilisons une terminologie semblable pour fournir aux résidents des renseignements à jour et exacts sur l'alcool et les drogues et les informer de nos programmes. Nous avons tous des programmes de prévention, certains plus approfondis que d'autres. Nous offrons des programmes et services visant à prévenir les problèmes liés à l'alcool, aux autres drogues et, dans certains cas, aux jeux de hasard, et à limiter le tort causé par la toxicomanie. Les stratégies de prévention visent à accroître le nombre des facteurs de protection et à réduire les facteurs de risque dans la population générale et chez certains groupes cibles. Nous exploitons tous des établissements de traitement directement ou par l'intermédiaire de sous-traitants. Il est nécessaire d'assurer la continuité des traitements afin d'aider les adultes, les jeunes et les familles à se remettre des effets néfastes de l'alcool et d'autres drogues.

    Comment menons-nous nos affaires? Généralement, nous veillons à assurer, dans la province, un leadership intégré, collaboratif et novateur afin d'offrir un système de programmes coordonné comportant un seul point d'accès et des bureaux de services dans le territoire de compétence. La continuité des services et des économies d'échelle sont deux des avantages propres à cette approche coordonnée. Comme vous le savez sans doute, la nature même de la dépendance met en jeu un éventail d'aspects, de substances et de comportements imbriqués, tels que la pauvreté, la criminalité, le chômage et la santé mentale, pour n'en nommer que quelques-uns. Les intervenants sont tout aussi variés et appartiennent, entre autres, aux domaines de la santé, des services correctionnels, de l'enseignement, des services sociaux, des tribunaux et des services policiers.

    Quels sont les risques? Au Canada, un des problèmes est qu'étant donné le nombre important d'intervenants autonomes, différents organismes traitent certains aspects de la toxicomanie, ce qui peut donner lieu à un phénomène de cloisonnement. Cela entraîne des double-emplois, des occasions ratées et un manque de synergie, perpétuant ainsi la fragmentation actuelle de nos efforts. Nous estimons pouvoir beaucoup accomplir en collaborant dans le domaine des toxicomanies. D'ailleurs, nous sentons aujourd'hui qu'on est davantage prêt à accepter le changement et le progrès. Parallèlement, la mondialisation caractéristique de ce nouveau siècle permet à des organismes qui travaillaient traditionnellement seuls de mettre leurs efforts en commun.

    Bon nombre d'exemples illustrent des initiatives qui n'auraient jamais vu le jour sans collaboration, comme notre récente expérience en Alberta: l'importante initiative de lutte contre le tabagisme a amené les intervenants gouvernementaux et autres à atteindre un consensus et à élaborer ensemble des plans de mise en œuvre. Je vous reparlerai sous peu de la lutte contre le tabagisme, et des façons dont elle pourrait susciter autant d'intérêt pour l'alcool et les drogues illicites au Canada.

À  +-(1000)  

    Comment collaborons-nous? Certains d'entre nous participent à diverses initiatives interprovinciales comme le groupe de travail national sur les politiques en matière de dépendances du Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies, le Réseau communautaire canadien d'épidémiologie des toxicomanies, le Canadian Tobacco Control Research Institute, l'organisation aujourd'hui présente et le groupe de travail sur la lutte contre le tabagisme du Comité consultatif sur la santé de la population.

    Comme vous le savez déjà, le Rapport du vérificateur général du Canada de 2001 estime à 5 milliards de dollars par année le coût entraîné par les drogues illicites. Et c'est une projection prudente, le rapport ne tenant pas compte de la consommation d'alcool ou de tabac. Comme nous l'avons mentionné précédemment, le Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies estimait ce coût à 18 milliards de dollars en 1992, dont 4 milliards en coûts directs.

    Dans son rapport, le vérificateur général résume ainsi les besoins: Si le Canada veut réduire l'incidence néfaste des drogues illicites, nous devrons nous pencher sur les faiblesses au niveau du leadership, de la coordonnation, de l'information et des rapports destinés au public. Notons que ces recommandations rappellent celles que John a énumérées lors du symposium de décembre 2000 des directeurs concernés par les dépendances. Il est évident, à constater cette évolution, que le gouvernement fédéral devra modifier sa perception des dépendances et son rôle dans la stratégie nationale en matière de drogues.

    Est-ce si simple que cela? Nous avons un bon exemple à proposer, extrait de l'expérience que nous avons acquise de nos partenariats avec l'industrie du tabac, qui impliquaient une collaboration avec des intervenants provinciaux--dans notre cas, les provinces de l'Ouest--et nationaux. Au niveau national, ces collaborations sont co-présidées par Santé Canada. Je pense que c'est un excellent modèle de collaboration nationale.

    Comment ce partenariat national en matière de lutte contre le tabagisme fonctionne-t-il et pourrait-il servir de modèle pour d'autres substances? Comme je l'ai déjà mentionné, Il s'agit du groupe de travail sur la lutte contre le tabagisme du Comité consultatif sur la santé de la population. Son intervention repose sur la conviction qu'aucune organisation à elle seule ne peut se charger de résoudre cette complexe question de société. Il permet aux gouvernements fédéraux, provinciaux et territoriaux de discuter des éléments de la nouvelle orientation canadienne en matière de lutte contre le tabagisme. Il fait le suivi des progrès réalisés dans l'élaboration d'un plan de travail pour une action commune, soulève des questions capitales et prodigue des conseils (qui, au bout du compte, seront présentés à la conférence des sous-ministres de la santé), intègre la lutte contre le tabagisme au programme global de santé de la population, et facilite la collaboration continue avec les ONG concernées par la lutte contre le tabagisme.

    Il part de l'idée que les intervenants provinciaux et nationaux ne pourront réellement avancer s'ils ne travaillent pas en commun. Il souligne aussi l'importance de la communication: Il faut que les différents intervenants soient d'accord ou, à tout le moins, soient au courant des positions des autres, et que les provinces jouent un rôle dans l'élaboration et la mise en application de la stratégie. Le groupe de travail est co-présidé par des représentants des gouvernements fédéral et provinciaux, est financé par Santé Canada et relève du Comité consultatif sur la santé de la population.

    J'exhorte votre comité, madame la présidente, à étudier ce fructueux partenariat et son application éventuelle dans le domaine de la toxicomanie.

    Comme John l'a mentionné dès le début, le CECT est une nouvelle organisation. Cependant, nos membres, aussi limité leur nombre soit-il, comptent les chefs de file dans le domaine de la toxicomanie au Canada. Nous reconnaissons tous l'importance d'un véritable partenariat qui favorise la mise en commun des expériences et l'appui mutuel, et c'est pourquoi nous nous sommes réunis.

À  +-(1005)  

    Le comité parlementaire sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments a un mandat assez important. En fait, le domaine de la lutte contre la toxicomanie au Canada compte sur vous pour être le catalyseur de mesures concrètes et d'un certain leadership de la part du gouvernement fédéral. Comme d'autres l'ont sûrement déjà dit, le Canada n'a pas une stratégie nationale antidrogue et c'est le seul pays du G-8 dans cette situation. Depuis 1997, selon nous, le gouvernement fédéral n'a pas profité des nombreuses occasions de s'attaquer à cette importante question sociale, qui a une incidence sur pratiquement toutes les autres priorités gouvernementales, notamment les enfants, les jeunes, les Premières nations et l'emploi. Comme John l'a fait remarquer, on en parle tous les jours aux nouvelles.

    En tant que PDG, nous connaissons la valeur de la critique constructive et nous apprécions d'autant plus la valeur des solutions proposées. Nous reconnaissons que votre comité doit relever un défi important dans l'élaboration de ses recommandations et nous espérons que ce qui suit correspond à votre position.

    Le Conseil exécutif canadien sur les toxicomanies recommande premièrement que le gouvernement fédéral fasse preuve d'un solide leadership en nommant un «champion» pour diriger l'élaboration d'une nouvelle stratégie nationale antidrogue en garantissant une plus plus grande coordination, une meilleure intégration et synchronisation des efforts. Deuxièmement, qu'on élabore une stratégie nationale antidrogue complète et intégrée permettant l'élaboration et la mise en oeuvre d'une politique canadienne antidrogue, les gouvernements provinciaux travaillant avec le champion du gouvernement fédéral pour garantir une bonne mise en oeuvre complémentaire de la stratégie. Troisièmement, nous recommandons que le gouvernement fédéral investisse dans la disponibilité de bons renseignements sur la prévalence de l'abus de drogues, sur ses répercussions sur la société et sur les meilleures pratiques possibles pour obtenir l'élaboration et la mise en oeuvre d'une stratégie nationale antidrogue aux niveaux fédéral et provincial.

    Dans le cadre d'une nouvelle stratégie nationale antidrogue, le CECT voudrait recommander en outre qu'on réaffirme le rôle de chef de file de Santé Canada dans une nouvelle stratégie canadienne antidrogue améliorée et qu'on lui donne un mandat précis et les ressources voulues pour ce faire.

    Nous recommandons aussi que tous les ordres de gouvernement s'engagent à maintenir des investissements et à faciliter le changement social nécessaire pour garantir un bon résultat; que le Canada maintienne un équilibre entre les stratégies de réduction de l'offre d'une part et de la demande d'autre part et entreprenne d'intégrer davantage ces initiatives; que le gouvernement fédéral renforce le Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et la toxicomanie et profite de son rôle important et unique dans la domaine de la recherche, de la diffusion de données et d'information par l'entremise d'un centre national de documentation et pour ce qui est de donner des conseils en matière d'élaboration et de mise en oeuvre d'une stratégie canadienne antidrogue. Nous voulons dire par là que vous avez déjà un centre qui détient des éléments du mandat qui devraient être renforcés.

    Madame la présidente, les problèmes de la drogue au Canada sont de nature critique et urgente. La sagesse collective et l'engagement des organisations qui se présentent ici aujourd'hui sont certainement à votre disposition. Nous souhaitons sincèrement de pouvoir avancer rapidement pour attaquer ce problème très important de santé et de sécurité que les Canadiens connaissent actuellement.

À  +-(1010)  

+-

    La présidente: Merci, monsieur Finnerty et monsieur Borody.

    Monsieur White.

+-

    M. Randy White (Langley—Abbotsford, Alliance canadienne): Merci, madame la présidente.

    Merci à tous quatre d'être là aujourd'hui. Vous êtes probablement le dernier groupe de témoins que nous entendrons. Il y en aura peut-être d'autres, mais vous êtes parmi les tous derniers. Je vous assure cependant que vous n'êtes pas le moindre. Certaines des recommandations que vous nous avez présentées correspondent tout à fait à ma façon de penser, à l'exception d'une, dont je vais vous parler.

    Il m'arrive de temps à d'autre de sortir des jeunes de situations très délicates, de fumeries et ce genre de choses. Je les transfère à une autre province pour les sortir de leur secteur. Je tiens à féliciter l'AADAC et ses affiliés de leur aide. Quand il est indispensable de déplacer quelqu'un immédiatement, ils ne disent pas qu'ils exigent que cet individu ait cessé de consommer de la drogue pendant trois semaines avant de l'accepter et qu'ils veulent un curriculum vitae et des références. Ils disent: nous comprenons que vous avez besoin d'aide et nous allons nous arranger. C'est comme cela que les choses doivent fonctionner et je vous en félicite.

    Nous avons entendu hier les représentants de Santé Canada et je leur ai fait connaître très clairement mon point de vue. Je suis loin d'être impressionné par la façon dont ils coordonnent les choses. Ils font peut-être certaines choses correctement, mais j'ai l'impression qu'on gaspille des quantités excessives de crédits fédéraux dans des projets qui ne donnent pas nécessairement des résultats très positifs. Je pourrais en citer, mais je pense que c'est superflu. Je pourrais vous en citer beaucoup et je suis sûr que vous aussi vous pourriez le faire.

    L'un des problèmes lorsqu'on demande à un ministère de coordonner ce genre de questions, comme nous l'ont dit les gens de Santé Canada hier, c'est que 11 autres ministères sont concernés. D'ailleurs, un de mes collègues les a corrigés en leur disant que c'était 14. Il est difficile, voire impossible à mon avis, de demander à un ministère de coordonner les autres en leur disant vous allez avoir tant de dollars. Chaque ministère reçoit son budget d'une origine différente. Je considère que pour qu'une organisation assure une coopération efficace et coordonne correctement le travail au Canada, il faudrait qu'elle dispose de l'ensemble des montants fédéraux et qu'elle les distribue en fonction des réalisations, des objectifs et des succès au lieu de donner toujours plus d'argent à des ministères en essayant de comprendre où va cet argent. Les ministères eux-mêmes sont incapables de nous dire à quoi sert cet argent.

    Je vais vous poser deux questions. J'aimerais en savoir plus sur cet organisme national de coordination et savoir comment Santé Canada pourrait le coordonner à votre avis, plutôt que d'avoir un organisme distinct au sein d'un ministère, un organisme plus autonome qui serait aussi dans le giron d'un protecteur, j'imagine. J'aimerais savoir comment vous voyez le fonctionnement de cet organisme dans la mesure où, bien franchement, il n'y a aucune coordination pour l'instant entre tous ces ministères. On ne peut pas les obliger à faire quelque chose, on peut simplement le leur demander. S'ils ne veulent pas, ils ne le font pas. C'est ma première question.

    Voici la deuxième. Nous savons tous qu'il y a de problèmes graves. Le comité en est profondément conscient, comme vous l'avez dit. Mais peu importe la stratégie que nous pourrons rédiger. On peut se reporter aux stratégies de 1988 et 1994. C'est ce que j'ai fait lorsque j'ai rédigé initialement la motion à l'intention de la Chambre des communes. Ce qui m'a incité à rédiger cette motion pour déclencher cet examen, c'est que j'ai examiné le document des conservateurs sur la stratégie canadienne antidrogue et le document des libéraux, et oh surprise, ils étaient presque identiques et pourtant le problème n'a fait que s'aggraver. Par conséquent, pour moi, peu importe la belle théorie qu'on peut trouver dans un document, ce qui compte c'est ce qui se passe dans la rue. Ce que je veux savoir, c'est en quoi nos délibérations vont vraiment aider un jeune à sortir d'une fumerie de crack pour subir une désintoxication et recevoir des soins à court, à moyen et à long terme.

    Ce sont donc mes deux questions: comment pouvons-nous concrétiser ceci au niveau de la rue, et êtes-vous absolument certain que c'est Santé Canada qui doit coordonner tout cela?

À  +-(1015)  

    Ce que je veux savoir, c'est en quoi nos délibérations vont vraiment aider un jeune à sortir d'une fumerie de crack pour subir une désintoxication et recevoir des soins à court, à moyen et à long terme.

    Ce sont donc mes deux questions: comment pouvons-nous concrétiser ceci au niveau de la rue, et êtes-vous absolument certain que c'est Santé Canada qui doit coordonner tout cela?

+-

    M. John Borody: Je vais essayer de répondre à la première question. Je commencerai par un petit préambule. J'ai été fonctionnaire fédéral, j'ai travaillé pour le gouvernement de l'Alberta, celui de la Saskatchewan et celui du Manitoba et j'ai aussi travaillé de l'autre côté. Je pense bien comprendre les rouages du gouvernement—ou alors je suis un incapable. Ce que j'ai constaté, c'est que le gouvernement et les ministres responsables de ces ministères ont vis-à-vis du public le devoir de faire certaines choses. Je crois que c'est cela que nous voulons dire quand nous parlons de donner le rôle de coordonnateur à Santé Canada. Cela ne veut pas nécessairement dire que le ministère doit gérer toutes les activités de mises en oeuvre ou d'élaboration.

    Je dis cela parce que l'une des choses que les organismes extérieurs au gouvernement que nous sommes ont à vous dire, c'est que nous réussissons à faire avancer les choses précisément parce que nous ne sommes pas liés au gouvernement. Néanmoins, nous sommes bien conscients de l'origine de notre financement. Nous maintenons donc constamment un équilibre très délicat. Par ailleurs, nous ne traitons pas avec les organismes de la même façon que des fonctionnaires. Comme vous le savez, les fonctionnaires veulent être certains que tout est absolument parfait dans tous les documents qui sont publiés. Nous n'avons pas besoin de faire cela. Nous sommes plus axés sur l'action et sur les résultats. Vous pourrez certainement constater que dans le contexte d'un organisme, quand on détermine qu'il faut faire quelque chose, on agit en général en l'espace de quelques jours ou de quelques semaines et non pas dans l'espace de plusieurs mois.

    Nous avons parlé de coordination nationale. Je crois que nous avons besoin d'un champion au niveau fédéral. Quand nous parlons de champion, nous voulons parler d'un champion choisi, de quelqu'un qui va vraiment souligner l'importance fondamentale de la question et veiller à ce que les choses se matérialisent. Cette personne travaillerait à Santé Canada et tracerait la voie que nous pourrions suivre. Toutefois, vous pourriez aussi très bien confier cette tâche à un ou plusieurs groupes qui s'en chargeraient.

    Donc, quand nous parlons de coordination nationale, nous voulons dire que la responsabilité doit relever du gouvernement car c'est lui qui est responsable vis-à-vis du public, parce que ses représentants sont élus. Toutefois, il faut bien admettre que ces représentants ne sont pas nécessairement ceux qui doivent se salir les mains, qu'il y en a d'autres qui peuvent se charger du travail et que, par conséquent, le gouvernement peut assurer surtout un rôle de contrôleur pour veiller à ce que les choses avancent. D'autres groupes tels que le nôtre ou la Fondation manitobaine de lutte contre les dépendances peuvent collaborer avec Santé Canada. Pour nous, c'est plutôt un genre de partenariat, avec peut-être une personne un ou groupe à l'extérieur qui ferait un bien plus grande partie du travail.

+-

    M. Patrick Smith (vice président, Programmes médicaux, Centre de toxicomanie et de santé mentale, Conseil exécutif canadien sur les toxicomanies): Je vais poursuivre sur ce sujet si vous me le permettez.

    Je vais me référer à l'expérience de l'Ontario. Nous avons constaté à un moment donné que les problèmes de toxicomanie ne recevaient pas la même importance que d'autres questions de santé en Ontario, et c'est pour cela qu'on a créé le Bureau ontarien de lutte contre la toxicomanie. Au départ, c'était un renouveau dans le domaine de la toxicomanie. Cela voulait dire qu'on débloquait des crédits spécifiquement pour la population des toxicomanes. Cela a été une excellente chose de séparer le Bureau ontarien de lutte contre la toxicomanie du reste du secteur de la santé, mais ce bureau avait aussi un mandat bien précis. Douze ans après, nous avons constaté qu'à chaque fois que nous allions discuter avec le ministère de la Santé de quelque chose qui concernant la toxicomanie, ils avaient déjà coché la case toxicomanie: ils avaient créé le Bureau ontarien de lutte contre la toxicomanie. Ils n'ont pas renouvelé le financement du bureau pendant 11 ans, ce qui fait que le secteur des toxicomanies a été marginalisé, séparé encore plus du contexte plus général de la santé.

    Les toxicomanes ne se présentent pas nécessairement à des organismes de traitement des toxicomanes. On sait qu'ils se présentent à des salles d'urgence, à des commissariats de police, à toutes sortes d'endroits. Le seul problème quand on crée ainsi un organisme distinct qui ne relève pas de la responsabilité politique, c'est qu'il peut être marginalisé, ce qui donne au ministère de la Santé une bonne excuse pour dire qu'il s'est occupé du problème puisqu'il y a le Bureau ontarien de lutte contre la toxicomanie. Encore une fois, pendant 11 ans on n'a pas augmenté le financement du bureau alors que les autres secteurs de la santé recevaient des augmentations. Ce n'est qu'un exemple. Disons que si cela se passait à l'échelle nationale pour la toxicomanie, nous serions en difficulté.

    Autre exemple de ce que nous disons à propos de la coordination: nous demandons à ce qu'il y ait un champion, mais nous demandons aussi que la stratégie canadienne antidrogue précise très clairement le rôle des contributions interministérielles dans ce domaine, car il ne s'agit pas seulement de santé, nous le savons.

    Pour ce qui est des gens sur le terrain, le Canada dispose d'un groupe d'experts fantastiques qui ont des pratiques exemplaires, qui élaborent des pratiques exemplaires pour le monde entier, et qui conçoivent des formules et des programmes novateurs. Le Tribunal de traitement de la toxicomanie de Toronto est un bon exemple. Tous les gens à qui nous en avons parlé ont dit que c'était une excellente idée mais qu'il fallait que quelqu'un d'autre le finance. Est-ce que c'est de la prévention de la criminalité ou du traitement? Ce n'est pas «ou», c'est «et». C'est à la fois de la prévention de la criminalité et du traitement. Finalement, il a fallu que quelqu'un attrape la balle de ping-pong au passage et dise d'accord, nous allons financer ce projet pilote. Voilà un très bon exemple de situation qui sous-entend manifestement un appui interministériel. Il faut qu'il y ait un appui des secteurs qui vont économiser de l'argent, du côté criminel, mais il y a aussi l'aspect santé et l'aspect traitement. Il faut que la santé puisse jouer son rôle aussi.

    Nous en sommes toujours à ce projet pilote, mais c'est un exemple de situation où le simple démarrage de cette entreprise a été un véritable défi. Si les experts du Canada étaient confrontés à ce genre d'obstacle à chaque fois qu'ils veulent faire démarrer des programmes qui vont faire une différence, parce qu'on les renvoie de gauche et de droite pour savoir qui va les financer... Je pense que c'est un de nos défis, l'idée d'avoir une stratégie canadienne antidrogue qui définisse clairement les appuis interministériels et aussi les engagements aux niveaux fédéral, provincial et municipal. Tout ce qui sera susceptible d'accélérer le processus sera utile.

À  +-(1020)  

+-

    M. Murray Finnerty: Les deux questions sont très interreliées. Quant à la deuxième, comme mes collègues l'ont déjà expliqué, dans un contexte politique, c'est-à-dire un champion élu, le ministère de la Santé, etc., il faudrait faire très attention de ne pas marginaliser ce domaine. Il faut quelqu'un d'expérience qui est vigoureux et crédible et qui peut traverser le pays pour constater quelles activités dans les diverses provinces donnent des résultats dans la rue.

    Il existe des pistes de solution innovatrices. Patrick a mentionné les tribunaux axés sur le traitement de la toxicomanie. Il y a plusieurs autres choses aussi. Il existe des initiatives spéciales, surtout dans les provinces qui n'ont pas beaucoup de ressources, que le gouvernement fédéral pourrait cibler.

    Une plus grande coordination s'impose. En Alberta, en particulier, nous déplorons le manque de coordination en ce qui concerne nos services et les services sur les réserves afin qu'on puisse déterminer si les Indiens visés par les traités utilisent les services qui sont financés sur les réserves. D'après notre expérience, ils utilisent plutôt les services hors réserve. Nous aimerions travailler en collaboration avec les responsables fédéraux afin d'intégrer peut-être certains de ces centres de traitement. Il est évident que si votre cousin est directeur du centre de traitement, vous n'allez pas vouloir y aller. Vous allez suivre un traitement hors réserve à Edmonton ou à Calgary, c'est-à-dire que vous êtes pris en charge par notre système. Il faut coordonner cela.

    On pourrait analyser la situation dans chaque province—je suis convaincu qu'on fait face à des circonstances particulières—et mettre l'accent sur la prévention. Je crois que nous faisons un assez bon travail dans ce domaine en Alberta, mais je sais que d'autres provinces ont très peu de ressources pour la prévention. C'est peut-être là une initiative que le gouvernement fédéral pourrait envisager: Que faut-il faire pour améliorer la situation dans la rue? À mon avis, il faut quelqu'un dans un poste important au niveau fédéral qui peut aller sur le terrain afin de voir ce qui convient à la situation locale.

    La responsabilité pour ce domaine devrait continuer de relever de la santé, mais je ne sais pas si la personne concernée devrait être un SMA de Santé, en raison de tous les aspects interministériels. Je comprends absolument ce que vous voulez dire. Il serait peut-être possible de désigner ce rôle à quelqu'un d'autre qui pourrait défendre la stratégie vigoureusement et maintenir une certaine indépendance par rapport au ministère. Comme John l'a dit, il faut faire attention si on veut maintenir le financement et la crédibilité au sein d'un ministère, mais il faut quelqu'un qui a un peu de recul et qui peut dire allons, les amis, assez parlé, il faut agir.

À  +-(1025)  

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Monsieur Ménard.

[Français]

+-

    M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Plus j'ai participé aux travaux de ce comité, et je crois avoir été assez assidu, plus je me suis rendu compte qu'il y a un très grand paradoxe qui ne sera pas facile à réduire pour le comité.

    D'abord, vous appelez à un leadership du gouvernement fédéral. On se demande comment ce leadership du gouvernement fédéral peut être légitime puisque quand on regarde les budgets—vous le savez, on est à préparer l'ébauche d'un rapport—pour la lutte contre la consommation de drogues, 104 millions de dollars sont investis par le gouvernement fédéral. Là-dessus, 70 millions de dollars—en tout cas, ce sont les chiffres qu'on nous a donnés—vont pour les autochtones, ce qui est, à proprement parler, la responsabilité du gouvernement fédéral.

    J'essaie de comprendre comment le gouvernement, qui est le plus loin des citoyens, le gouvernement qui n'a rien à voir avec les services sociaux sauf pour les autochtones, le gouvernement qui n'a rien à voir avec les écoles et l'éducation, le gouvernement qui n'est pas, donc, en lien avec les grands acteurs qui permettraient d'articuler une stratégie intégrée, peut-il assumer le leadership? Ce ne sera pas facile à résoudre comme paradoxe.

    Alors d'où tenez-vous cette conviction que c'est à tout prix le gouvernement fédéral qui doit assumer le leadership? Je comprends qu'il y a des variations dans les provinces. On s'est même promenés à travers le Canada et c'est sûr que la stratégie du gouvernement du Québec ce n'est pas celle du Manitoba et celle du Manitoba, ce n'est pas celle de la Nouvelle-Écosse.

    Mais est-ce que le meilleur service que le gouvernement fédéral ne pourrait pas rendre, à part la recherche avec les instituts et les autochtones, où il y a là une responsabilité de fiduciaire, c'est au niveau des contributions financières, des paiements de transfert? J'ai besoin de beaucoup plus d'arguments que ceux que vous avez présentés ce matin pour me convaincre que ce rôle de leadership doit venir du gouvernement fédéral. C'était ma première question.

+-

    M. Michel Perron: Merci pour votre question, elle est très bonne effectivement.

    Un point que nous voulons probablement souligner, comme vous le savez bien, c'est que le gouvernement fédéral n'est pas seul dans ce contexte d'une stratégie nationale. On parle d'une stratégie qui inclut non seulement le gouvernement fédéral mais tous les autres paliers gouvernementaux, ainsi que le groupe ONG et le secteur privé. Tout le monde a une responsabilité. Alors quand on dit que le groupe fédéral a une responsabilité pour prendre le leadership de la coordination, ce n'est pas pour le faire seul ou indépendant des autres.

    D'après moi, il faut dire quand même que les ministères fédéraux ont une responsabilité, un engagement important dans le contexte d'une stratégie nationale antidrogue. On peut parler du ministère du Solliciteur général avec les prisons, les polices; le ministère de la Justice avec les lois; Santé Canada avec les programmes de prévention, de réadaptation, le partage de coûts avec les provinces.

    D'après moi, la question que vous posez vise à savoir quels sont les rôles appropriés, les responsabilités de chacun des paliers gouvernementaux. Je crois que c'est une très bonne question parce que c'est exactement de cela dont a parlé M. Smith auparavant lorsqu'il a dit: si on pouvait se rendre compte au moins de qui est responsable pour quoi, on pourrait se concentrer sur ces éléments et travailler en partenariat, ensemble.

    C'est certain que Santé Canada met beaucoup d'emphase, non seulement dans le contexte des drogues, de la prévention ou des traitements—je ne sais pas exactement les chiffres que vous m'avez cités—mais aussi avec les aînés, les autochtones, les jeunes, avec le SIDA et l'hépatite C. Donc, c'est important que nous ayons une coordination non seulement interministérielle, mais intraministérielle. Alors les efforts qui versent envers le SIDA et l'hépatite C devraient aussi verser et avoir un effet complémentaire pour les drogues.

    Cela étant dit, nous avons toujours vu au Canada que le problème de drogue est un problème de santé et non pas un problème de police ni un problème de justice. Il n'est pas un problème indépendant de ces autres, mais carrément, on commence avec la position que c'est un problème de santé. Je crois que c'est pour cela que notre conseil recommande au moins que l'aiguillage, le leadership devrait commencer au ministère de la Santé, mais pas seul. Je vais passer la parole à mes collègues.

+-

    M. Réal Ménard: Juste un instant, si vous me le permettez. Sincèrement, nous avons des dizaines, sinon des centaines de pages écrites qui délimitent très bien ce que font les différents gouvernements.

    En même temps, vous êtes conscient que 104 millions de dollars, c'est du saupoudrage et que vous êtes le vaisseau amiral de cette stratégie-là avec 1,5 million de dollars. Mais tout cela m'apparaît terriblement artificiel, dans la mesure où les principaux acteurs ne peuvent pas avoir l'impulsion du gouvernement fédéral. Je ne dis pas que le gouvernement fédéral n'a pas un rôle à jouer, mais je pense que si on pense que le leadership... Le mot «leadership» veut dire quelque chose, cela veut dire que tu inities, tu coordonnes et tu fais en sorte que les gens travaillent ensemble.

    D'abord, le gouvernement fédéral, aux yeux des provinces, n'a pas une grande crédibilité au niveau, par exemple, des paiements de transfert et je le dis avec toute l'absence de partisanerie qui m'a toujours caractérisé.

    J'amène la deuxième question, si vous me le permettez pour qu'on ait un échange productif. J'ai deux questions importantes à vous poser. Selon vous—je lisais dans votre curriculum vitae, monsieur Perron, que vous êtes un expert et que vous avez beaucoup voyagé—si vous aviez un modèle d'intervention étrangère à nous citer, qu'est-ce que vous nous diriez en termes d'exemple à suivre?

    Deuxièmement, idéalement, qu'est-ce que vous souhaiteriez comme cadre législatif pour qu'il y ait une parfaite adéquation entre les objectifs publics que vous voulez qu'on poursuive et le Code criminel ou les différentes lois? Qu'est-ce que vous souhaiteriez concrètement—essayez d'être très précis—comme modification législative? Donc, ce sont mes deux questions.

À  +-(1030)  

+-

    M. Michel Perron: Je répondrai peut-être à la première question, vu que vous me l'avez posée et je laisserai mes collègues répondre à la deuxième.

    Le modèle d'intervention préféré. Oui, j'ai eu la chance de voyager un peu parmi le monde et je répondrais peut-être en disant que j'aimerais qu'on crée un modèle d'intervention qui est alimenté par ces autres, par les Britanniques, les Australiens et les Allemands peut-être, mais qui est créé pour nos fins, ici, au Canada.

    Je sais que ce n'est pas la réponse que vous voulez. Je peux dire: «oui, on peut avoir une personne nommée qui se rapporte au Conseil privé, qui est la personne quasi indépendante, ou à notre centre, qui est le rôle qui nous a été donné par une loi fédérale. C'est certain qu'il y a un rôle de coordination. On devrait être capable de pointer du doigt celui qui est responsable de ce volet, de ce dossier au fédéral. Qui est-ce? Est-ce que c'est le ministre de la Justice, la ministre de la Santé? Qui est-ce au juste? Et si on leur attribue cette imputabilité, que font-ils dans le dossier?

    Je crois qu'on pourrait être inspirés par les Australiens, mais ce que je crains, c'est qu'on crée une nouvelle stratégie qui était à l'australienne il y a quatre ans passés. Ce que l'on doit faire, c'est créer une stratégie basée sur nos besoins, dont vous avez fait l'état des comptes dans les derniers mois.

    Alors je dirais qu'on devrait s'inspirer, mais qu'on devrait bâtir quelque chose qui est bon, qui reflète, comme vous l'avez dit, le défi entre le fédéral et les provinces ainsi que les rôles et les responsabilités entre les deux.

    M. Réal Ménard: Merci.

[Traduction]

+-

    M. Murray Finnerty: Si vous me permettez d'intervenir, madame la présidente, je pense qu'on ne doit pas minimiser le besoin de faire de bonnes recherches et de cueillir les données, qui font lamentablement défaut au Canada. À vrai dire, nous ne savons pas ce qui se passe sur le terrain. Vous allez remarquer que certaines de nos statistiques sur les répercussions économiques datent de 1992. Bonté divine, elles datent de 10 ans. Si seulement on avait—je ne sais pas ce que serait le montant—un budget permanent et convenable à Santé Canada ou au centre de Michel, je ne sais pas où exactement, pour nous permettre d'abord d'avoir des données actuelles et pertinentes.

    J'ai constaté, en travaillant à l'initiative sur le tabac en Alberta, que le gouvernement fédéral se tient à jour en ce qui concerne le tabac. Il fait des sondages à des intervalles réguliers. On reçoit des données pertinentes sur une base semi-annuelle ou annuelle. On est au courant de la situation. On suit les tendances. Cela constitue du leadership. Si on pouvait tout simplement avoir de meilleures données sur la situation... Nous savons en général que le taux de consommation de drogues au Canada a beaucoup changé. La dernière étude nationale date de 1994. Les provinces ne peuvent pas se permettre de mener ce genre d'étude. Même si elles pouvaient le faire, ce n'est pas la solution. Il faut obtenir des données comparables pour chaque province et territoire. Si on pouvait jouer ce rôle et faire preuve de leadership dans la collecte de données et dans la définition des tendances, si nous pouvions élaborer les sondages tous ensemble, etc, le résultat naturel, en recevant les statistiques, serait de dire voici la tendance, allons voir ce qui se passe. La consommation de marijuana a augmenté de 44 p. 100 dans les écoles secondaires, alors qu'allons-nous faire à travers le pays?

    Il ne faut donc pas minimiser le rôle crucial d'un financement constant de 10 millions de dollars ou de 20 millions de dollars et d'un bon système de collecte de données, étant donné que, franchement, nous n'avons rien fait depuis 10 ans. Nous n'avons pas de données exactes sur l'utilisation de la cocaïne à Edmonton. Les dernières statistiques datent de 10 ans. Nous n'avons pas les ressources financières nécessaires pour faire cela. C'est un rôle crucial à jouer. C'est ma bête noire.

+-

    M. Patrick Smith: Madame la présidente, moi aussi, je crois que c'est un point important. Si on compare la toxicomanie et le financement et la coordination par rapport à n'importe quelle autre question de santé, on peut se demander comment les Canadiens réagiraient si notre approche vis-à-vis des maladies infectieuses était aussi peu intégrée et si limitée? Je pense que Santé Canada jouerait un rôle actif pour influer sur les mesures prises par les provinces. En ce moment, la situation est très décousue et les provinces font comme bon leur semble. Si une province décide de ne pas augmenter les budgets liés à la toxicomanie pendant 11 ans, elle peut le faire. Il faut se demander si on permettrait à Santé Canada de faire la même chose dans le cas des maladies infectieuses ou si le ministère jouerait un rôle beaucoup plus visible.

    Par leadership—je suis d'accord avec mon collègue—on ne veut pas dire l'organisme chargé du transfert des paiements, mais plutôt définir les obligations et les résultats escomptés pour les provinces. Je crois que nous sommes d'accord sur ce point. Il faut que la stratégie canadienne antidrogue indique clairement ce que nous attendons des provinces. Les données démontrent que les questions liées à la toxicomanie ont tout autant d'incidence sur la santé des Canadiens que les questions liées aux maladies infectieuses. Il y a quelques recherches qui vont dans ce sens. Personne ne dit le contraire. C'est un défi pour nous. Comment pouvons-nous donner à la toxicomanie la même visibilité que les autres questions de santé? C'est un problème qui coûte trop cher pour qu'on l'oublie.

    Enfin, je crois qu'il faut féliciter le gouvernement—c'est quelque chose que je ne peux pas toujours faire—d'avoir créé les ICRS. Le financement et la transformation des instituts de recherche en santé du Canada serviront exactement à ce que Murray disait, mais si la toxicomanie doit concurrencer toutes les autres questions de santé, comme le cancer et les maladies infectieuses, afin d'avoir la même visibilité, le Canada le regrettera plus tard.

À  +-(1035)  

[Français]

+-

    La présidente: Merci.

    Madame Allard.

+-

    Mme Carole-Marie Allard (Laval-Est): Monsieur Perron, vous avez mentionné la création d'un comité exécutif où le gouvernement du Québec est absent. En tout cas, vous n'avez pas mentionné une présence québécoise au sein de votre conseil exécutif canadien. Est-ce qu'il y a une raison à cela? Pouvez-vous nous expliquer l'absence du Québec?

+-

    M. Michel Perron: Oui. Les discussions sont en cours avec M. Michel Germain qui est le directeur général du Comité permanent de lutte à la toxicomanie.

    Premièrement, quand on s'est groupés ensemble, CAMH et les autres organismes que vous voyez ici, on se demandait qui d'autre devrait siéger avec nous: la Colombie-Britannique est venue et le Yukon est en train d'élaborer sa participation, avec l'approbation de la ministre de la Santé du Yukon. C'est la même chose avec M. Germain qui a reçu l'approbation de sa participation avec son conseil d'administration, mais il attend encore l'approbation du ministère de la Santé du Québec. Suite à cela, il se joindra à nous et nous pourrons passer à la prochaine étape.

+-

    Mme Carole-Marie Allard: Est-ce que ça fait longtemps que vos discussions sont en cours?

+-

    M. Michel Perron: Quelques mois.

+-

    Mme Carole-Marie Allard: Quelques mois. Ça prend du temps.

+-

    M. Michel Perron: On s'attend à voir M. Germain à la table avec nous, à la prochaine réunion du conseil qui aura lieu en même temps que le Forum Mondial sur les drogues à Montréal.

+-

    Mme Carole-Marie Allard: Depuis que je siège à ce comité, j'ai l'impression qu'il y a beaucoup de fonctionnaires qui parlent beaucoup, qui ont beaucoup de réunions, qui siègent toujours aux mêmes comités et on ne voit pas les effets au niveau de la rue.

    Monsieur Finnerty, vous avez mentionné que ça prendrait un superviseur au niveau national qui pourrait aller identifier les problèmes dans la rue.

    En quoi a-t-on besoin—et, monsieur Perron, vous êtes en mesure de nous en parler—encore des structures provinciales? Pourquoi ne pourrait-on pas aller directement dans les collectivités et discuter avec les gens pour voir, effectivement, quels sont les problèmes et comment réagir rapidement?

    En admettant votre rôle, on crée encore un palier qui empêche peut-être, comme l'a dit M. White, l'argent d'aller dans la rue directement. J'essaie de me convaincre du fonctionnement. Pourquoi les provinces devraient-elles absolument être impliquées dans une structure comme vous le proposez?

+-

    M. Michel Perron: Je céderais peut-être la parole à mes collègues provinciaux.

[Traduction]

+-

    M. Murray Finnerty: En toute franchise, la situation est plutôt rose en Alberta. Pour une population de 3 millions, l'AADAC a un budget de 58 millions de dollars, ce qui est beaucoup plus que dans les autres provinces. Heureusement, notre gouvernement continue de reconnaître le problème. En tant que prestateur de services sur le terrain en Alberta, je crois que nous sommes dans une assez bonne situation. Beaucoup d'autres provinces et territoires au Canada n'ont pas autant de ressources.

    Quand je faisais mes commentaires, ce n'était pas du point de vue de l'Alberta, mais plutôt d'une stratégie nationale bien coordonnée. Il nous faut un champion, un leader au gouvernement fédéral, comme dans beaucoup d'autres domaines où les services en tant que tels sont assurés par les provinces. Ce champ de compétences est très clair. Il nous faut quelqu'un avec lequel nous pouvons travailler pour assurer une coordination à l'échelle nationale.

    Je suis content des commentaires formulés par la Colombie-Britannique au sujet de l'AADAC qui a pu répondre à des besoins en Colombie-Britannique, mais ce n'est pas partout au pays que l'on voit un tel échange de services et une coordination de ce genre d'ententes. Il reste un rôle au niveau fédéral pour un organisme crédible qui peut assurer une bonne coordination. Je peux rester en Alberta et penser que j'ai la vie facile et que les autres peuvent aller au diable, mais qu'est-ce qui se passe dans les provinces maritimes, qu'est-ce qui se passe dans les autres provinces et territoires? Voilà le rôle dont je parle. Voici l'autre chose qui fait terriblement défaut. Par exemple, nous trois dirions peut-être que nos organismes sont assez bien financés et coordonnés, mais même pour nous de pouvoir maintenir nos stratégies à jour, comme les gens se déplacent d'une province à l'autre... Nous devrions tous viser les mêmes objectifs généraux et les mêmes types de programmes.

    Tout le monde soulève l'exemple de la stratégie des tribunaux axés sur le traitement de la toxicomanie. Mais il reste que les poursuites criminelles relèvent du gouvernement fédéral. Un tel tribunal est à l'essai à Calgary, mais il n'y a pas de financement pour poursuivre le projet. Ça marche, mais il y a beaucoup de confusion au plan interministériel. Est-ce que c'est la province qui va payer pour cela? Est-ce que c'est le gouvernement fédéral? Pour toutes ces choses, il nous faut une entité centrale à qui nous pouvons dire que telle ou telle initiative est une réussite. Mais comment trouver les bonnes personnes? Il faut que le gouvernement fédéral y participe.

À  +-(1040)  

+-

    M. John Borody: J'aimerais aborder certaines choses que Murray a dites. Je crois que ça nous ramène au rapport que nous avons fait en décembre à Winnipeg. Beaucoup de provinces y ont contribué. Je crois que Murray a raison de dire qu'au niveau provincial nous faisons un assez bon travail--bien que je ne sois pas aussi bien financé que Murray en Alberta--et je crois sincèrement, étant donné notre mandat, que nous faisons un bon travail. Là où nous avons de moins bons résultats, c'est lorsqu'on considère l'équilibre entre l'offre et la demande. L'offre, tout ce qui entre au pays, relève principalement du fédéral. C'est par le biais de Douanes Canada, de la GRC, et dans quelques provinces, de la police provinciale. Nous n'avons pas cette démarche intégrée ou cette capacité de déceler les tendances.

    À titre d'exemple, la semaine dernière, il y a eu une importante saisie à Winnipeg d'une nouvelle espèce de drogue à feuilles. Nous avons reçu un appel téléphonique concernant cette drogue-là. Pour commencer, nous n'en avions jamais entendu parler auparavant, et nous ne savions même pas que cette saisie avait eu lieu. C'est très difficile pour nous de participer au dialogue lorsque nous sommes pris au dépourvu comme cela au niveau local. Ce n'est qu'un exemple.

    Je crois que ce que nous envisageons, comme Murray l'a dit, c'est qu'il y a des ministères fédéraux qui ont des responsabilités et des ministères provinciaux qui ont des responsabilités. Si on avait une stratégie d'ensemble au niveau national, on l'espère, toutes les liaisons nécessaires seraient assurées, pour que nous, au niveau local, puissions participer également.

    L'une des raisons pour lesquelles nous avons collaboré, c'était pour partager les résultats de la recherche. Je travaillais dans un hôpital de soins actifs. L'une des choses qui m'a beaucoup impressionné dans les services de toxicomanie, c'est qu'il s'agit de l'un des seuls domaines de la santé où la conception des programmes repose effectivement sur la recherche. Du côté des soins actifs, on se fonde sur les émotions. Lorsque la collectivité demande davantage de greffes du coeur, nous en procurons davantage, peu importe leur valeur réelle. Côté toxicomanie, nous examinons les pratiques exemplaires et la recherche pour voir ce qu'il y a de plus avantageux, et ensuite, nous demandons le financement nécessaire à l'avance.

    Je crois que nous pouvons faire beaucoup plus au niveau national pour examiner les tendances, faire de la recherche, et communiquer les exemples, que nous pouvons faire au niveau provincial. Je crois que cela pourrait nous aider de diverses façons.

+-

    M. Patrick Smith: Je crois que toutes les provinces n'ont pas réussi dans la même mesure à assurer une coordination et un financement adéquats, mais je pense qu'il y a une raison fondamentale pour laquelle nous avons collaboré. Vous avez entendu de nombreuses opinions différentes du milieu de la toxicomanie sur ce que sont les bonnes solutions. Ce dont nous nous sommes rendu compte, c'est qu'il était temps pour nous d'en arriver à un consensus dans la mesure du possible, puisqu'on nous dit souvent, même au niveau provincial, que c'est difficile de trouver un programme à financer sur lequel tout le monde est d'accord. Les divergences d'opinions sont tellement nombreuses que la paralysie s'installe et que finalement rien ne se fait.

    Nous n'avons pas réussi à faire en sorte que la toxicomanie soit reconnue comme un problème de santé tout aussi important que d'autres. Donc nous nous sommes dit que si nous pouvions collaborer sur ce point, cela nous aiderait.

À  +-(1045)  

[Français]

+-

    La présidente: Monsieur Perron.

[Traduction]

+-

    M. Michel Perron: Pour répondre brièvement, madame Allard, à votre question sur les rôles, nous avons beaucoup entendu parler des provinces, mais vous avez tout à fait raison.

[Français]

Les municipalités ont un rôle très important à jouer. Ce que je trouve très important, c'est identifier qui est responsable de quoi. Si on peut juste faire cela.

    Santé Canada est responsable de quoi au juste? Les ministères provinciaux sont responsables de quoi? La prestation des services de traitement? Parfait. Font-ils de la recherche? Oui. Est-ce qu'ils peuvent la partager? Est-ce qu'ils peuvent alimenter les institutions en recherche?

    Que font les municipalités? Que font toutes les petites ONG qui travaillent au bénévolat? Comment peut-on intégrer, coordonner et aiguiller ces efforts-là? À mon avis, il y a toutes sortes d'efforts qui sont faits. ADER est très bien financé, c'est excellent. Mais que fait ADER pour aider les Maritimes, entre autres?

    Je veux juste revenir au fait que les municipalités ont un très grand rôle à jouer. En effet, elles ont elles-mêmes pris le leadership récemment en créant leur propre stratégie municipale. C'est beau de voir le leadership, l'effort, mais on a 10 différentes stratégies municipales qui sont un peu perdues, disons. Comment se rattachent-elles aux provinces, parce qu'elles vont aller chercher de l'argent des provinces? Comment se rattachent-elles au fédéral? Comment se rattachent-elles l'une à l'autre?

    Alors cela démontre, encore une fois, la nécessité d'avoir une vue d'ensemble, une vue de coordination et d'intégration de services, si on veut vraiment atteindre quelque chose dans notre stratégie nationale antidrogue. Il ne suffit pas juste de dire: réduction de la demande, réduction de l'offre. D'après moi, c'est vieux. C'est de savoir comment on peut intégrer ces efforts-là pour réduire vraiment l'impact nocif de l'abus des drogues.

+-

    Mme Carole-Marie Allard: Le fait est que ce sont les municipalités qui possèdent les rues. Alors ce sont les municipalités qui sont aux prises avec les problèmes des sans-abri. Même si à Laval j'aimerais qu'il y ait un tribunal sur la toxicomanie, je suis obligée de faire la démarche vis-à-vis des juges à Laval. Alors c'est la reconnaissance que tout part de la municipalité.

    Je faisais partie du groupe de travail sur les questions urbaines qui peut proposer justement de scruter, d'un point de vue urbain, toutes les politiques qu'on pourrait mettre de l'avant. On a déjà une politique rurale, alors les villes sont laissées pour compte.

    Alors c'est un peu ma question. Parfois, tout ce qui vient soit du fédéral, soit des provinces, est imposé dans les milieux et puis on voit que sur le terrain, le désastre en ce qui a trait à toxicomanie est toujours là.

    Donc, c'est dans ce sens-là que je dis que si on pouvait partir cela du bas et le faire monter vers le haut, ce serait peut-être une meilleure solution. Qu'est-ce que vous en pensez?

[Traduction]

+-

    La présidente: Monsieur Smith.

+-

    M. Patrick Smith: Je dirais en fait que ceux qui travaillent sur le terrain sont pratico-pratiques et possèdent les stratégies nécessaires. Ces stratégies sont documentées. Ces documents servent aux demandes de financement. Cela me dérange un peu quand on me dit que nous n'avons tout simplement pas la réponse.

    Vous avez sans doute deviné d'après mon accent que je viens des États-Unis. Je suis au Canada depuis cinq ans. Le parent d'un adolescent était dans mon bureau--et ce n'était pas la première fois--l'autre jour, se plaignant du fait que dans la cinquième ville de l'Amérique du Nord, soit Toronto, il n'y a pas de soins en établissement pour les jeunes. Thunder Bay est l'endroit le plus proche. C'est d'une importance primordiale pour la famille de participer au traitement de l'adolescent. Donc envoyer son enfant à Thunder Bay n'est tout simplement pas une bonne option. Mais beaucoup de gens vont aux États-Unis. Ils vont à Hazelton. Ils vont à des endroits aux États-Unis. J'ai passé ma carrière aux États-Unis. Les experts sont là. Les propositions de programmes de traitement pour jeunes sont au gouvernement. Les stratégies ont été proposées, et si ce genre de besoin existait dans tout autre domaine de la santé, il ne resterait pas sans réponse.

    Ce n'est pas simplement que nous n'avons pas les réponses. Il y a beaucoup de stratégies et de bonnes idées pour de bons programmes qui marchent bien, nous le savons, et dont on a besoin, nous le savons, et c'est impossible de les mettre en oeuvre ici. Le Canada paie beaucoup plus pour envoyer des adolescents à Hazelton à raison de 30 000 $ américains par ado. Cela se produit quotidiennement.

    J'ai vécu à Little Rock, en Arkansas, une toute petite ville. Il y avait quatre différents endroits où je pouvais envoyer un adolescent qui avait besoin de soins en établissement. Il faut avoir un juste milieu. C'est assez renversant qu'on montre si peu d'empressement à répondre aux besoins. Mais ce n'est pas parce que les gens se grattent la tête et ne savent toujours pas ce dont nous avons besoin. Nous savons ce qu'il nous faut. Les gens sur le terrain, comme vous le dites, savent ce qu'il nous faut. Au niveau des leaders, il n'y a strictement rien qui incite les bonnes personnes à s'attaquer au problème.

À  +-(1050)  

+-

    La présidente: Monsieur Sorenson.

+-

    M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne): Merci encore de votre présence.

    Monsieur Smith, à Little Rock, en Arkansas, où il y avait tous ces endroits où vous pouviez envoyer les toxicomanes, s'agissait-il de centres privés ou de centres financés par les deniers publics?

+-

    M. Patrick Smith: C'était un mélange des deux. Je travaillais au cinquième hôpital pour enfants des États-Unis. C'était une institution financée par les deniers publics, mais il y avait aussi des institutions privées. Si on ne réussit pas à obtenir l'aide d'un hôpital public, il faut regarder ailleurs, on avait donc quelques options.

    Permettez-moi de vous dire tout simplement que le courant inverse de l'exode des cerveaux chez les fournisseurs de soins de santé aux États-Unis résulte de certaines des frustrations que suscite un système non intégré... Je ne pense pas que l'on veuille forcément importer ce qu'on a aux États-Unis au Canada. L'inconvénient, c'est que l'on passerait beaucoup plus de temps à composer avec la bureaucratie des organisations de soins de santé intégrés et tout le reste. On finit par dépenser moins sur les soins mêmes, donc il n'y a pas de coordination des services. Ce n'est pas forcément ce qu'il y a de mieux. Il s'agit plutôt d'avoir des options intégrées. L'avantage d'un organisme comme l'AADAC, c'est qu'au moins avec une évaluation standardisée on parvient à envoyer les clients aux bons endroits. Il en va de même pour notre centre, dans la mesure où nous disposons des services.

    Je répète que si nous avions en Ontario le financement par habitant qu'ils ont en Alberta, nous pourrions mettre en oeuvre beaucoup des programmes existants, même si la stratégie canadienne antidrogue énonce que la toxicomanie est un problème de santé et que si les provinces ne font rien, tout le monde au Canada en subira les conséquences, et prévoit le financement par habitant que les provinces devraient consacrer à ce problème de santé.

+-

    M. Kevin Sorenson: On parle bien sûr des coûts. C'est malheureux quand cet aspect-là devient un facteur. Il s'agit d'une question de santé. Il se trouve que M. Finnerty vient de Hanna, et moi aussi, je viens de cette région-là. J'ai changé depuis que je fais partie de ce comité-ci et que je me familiarise avec les toxicomanes et leurs problèmes. Je pense que j'ai maintenant beaucoup plus de compassion et de compréhension à l'égard de la situation à travers le pays, mais votre question sur les moyens à utiliser pour donner la même visibilité à la toxicomanie qu'aux autres maladies me dérange un peu quand même. Dans une formule où les coûts jouent un rôle important dans la répartition du financement pour la santé, il est très difficile de vendre à la population l'idée que des gens qui sont le plus souvent, mais pas toujours, à l'origine de leurs propres problèmes, devraient recevoir des services de santé coûteux au même titre que des cancéreux, etc. Il me semble que l'idée ne se vend pas bien, mais je crois quand même qu'il faut trouver des façons d'investir dans la toxicomanie et dans les centres de traitement.

    Tout le monde, tant au niveau provincial qu'au niveau fédéral, pose la question. Les fonds viennent du fédéral et les services sont offerts par les provinces, mais les transferts sont toujours accompagnés de normes qui doivent être mises en oeuvre aussi. J'ai pleine confiance dans ce qui se passe en Alberta, parce que le gouvernement a pris un engagement ferme à l'égard du problème. C'est peut-être tout ce qu'il faut, une directive à l'intention des provinces qui dicte certaines normes qui seront rattachées au transfert de fonds, mais quant à l'idée d'avoir un régime universel et unique...

+-

    M. Patrick Smith: Je suis d'accord avec vous. On ne veut pas de régime universel, puisque la situation diffère d'une province à l'autre, d'une municipalité à l'autre, entre les régions urbaines et rurales, comme vous l'avez dit. Il est vrai aussi que nous avons tous appris des choses sur la toxicomanie au fur et à mesure que nous travaillons dans ce domaine. Il s'agit aussi d'adolescents qui boivent trop d'alcool à l'université, ce qui fait que beaucoup de gens ont un lien plus direct avec la toxicomanie qu'ils ne veulent le croire.

    L'important, c'est de reconnaître qu'il n'est pas nécessaire d'être motivé par la compassion pour investir dans la toxicomanie. On doit tout simplement penser à la prospérité du pays. Les coûts pour la société des toxicomanies non traitées sont beaucoup plus élevés que les coûts de la plupart des autres questions de santé, qui affectent surtout l'individu. Les toxicomanies, de part leur nature, touchent non seulement l'individu, mais le milieu, l'école, et toutes les composantes de la société. Il est tout simplement trop coûteux pour la société de laisser ce problème échapper à notre emprise. Au fond, c'est le message qu'il faut communiquer aux Canadiens ordinaires. Il n'est pas nécessaire d'avoir de la compassion pour vouloir favoriser une économie plus prospère.

À  +-(1055)  

+-

    La présidente: Michel Perron.

+-

    M. Michel Perron: J'ai deux points que j'aimerais soulever. D'abord, on a dit que les toxicomanes ont provoqué leurs propres problèmes, qu'il faut mettre cette question sur un pied d'égalité avec le cancer du sein, etc. et qu'il s'agit au fond d'une question de coût de santé. Je peux comprendre ce raisonnement en quelque sorte, mais quand je pense aux enfants du Labrador inhalant des vapeurs d'essence, je me rends compte que c'est peut-être une activité volontaire, mais qu'il faut tenir compte du milieu et des conditions sociales là-bas. Un grand nombre des problèmes liés à la toxicomanie sont tributaires de la pauvreté, de la violence, des abus sexuels, etc. Il faut donc s'attaquer à cette perception, qui est véhiculée par certaines personnes, que les toxicomanes sont responsables de leurs propres problèmes, puisqu'il existe beaucoup de facteurs sociaux, environnementaux, génétiques, etc.

    Deuxièmement, nous avons beaucoup parlé du traitement. Or, une chose qui fait gravement défaut au Canada, c'est la prévention et la sensibilisation. C'est certainement là qu'il faut mettre l'accent si on veut maximiser notre investissement. Le gouvernement fédéral consacre beaucoup d'efforts à la réduction du tabagisme. On voit Elvis Stojko sur la patinoire aux Jeux Olympiques, et c'est merveilleux. Par contre, on n'entend aucun message de prévention concernant l'alcool ou les drogues. Cette approche manque complètement de cohérence, on n'envoie pas du tout de messages cohérents, et on ne sait même pas si les messages qui sont communiqués sont entendus ou utiles. Je voudrais tout simplement rappeler au comité que la prévention et la sensibilisation doivent faire partie de notre gamme de mesures.

+-

    M. Murray Finnerty: Est-ce que je pourrais simplement faire un commentaire à l'intention de M. Sorenson? Ma mère habite encore à Hanna et grand-mère n'a aucune idée des choses auxquelles ses petits-enfants sont exposés—je parle de mes propres enfants—à l'école secondaire. Elle serait très étonnée d'apprendre que 50 p. 100 des élèves de la 12e année consomment de la marijuana, que 80 p. 100 des élèves du secondaire boivent de l'alcool et que bon nombre d'entre eux prennent des cuites la fin de semaine, ce qui devient un problème grave. Je reviens à ce qu'a dit Michel. Nous devons sensibiliser la population quant à la gravité de ce problème. Patrick a bien parlé des conséquences pour la société. Selon les statistiques, 70 p. 100 des délits mineurs ont un lien avec la toxicomanie. Il y a deux ans environ, nous avons été victimes d'un vol par effraction à la ferme. C'était des drogués qui cherchaient de l'argent. L'incidence de la toxicomanie sur la société est incroyable. Grand-mère ne comprend pas cela. Elle vote et nous devons lui faire comprendre la situation.

+-

    M. Randy White: Mais ces choses n'arrivent pas dans la circonscription de M. Sorenson, n'est-ce pas?

+-

    M. Murray Finnerty: Non, pas à Hanna, sûrement pas.

+-

    M. Kevin Sorenson: Ce n'est pas Hanna qui m'inquiète.

+-

    La présidente: M. Smith voulait faire un commentaire, et ensuite M. Finnerty pourrait peut-être nous dire si, à Hanna actuellement, 70 p. 100 ou 80 p. 100 des élèves prennent des cuites la fin de semaine.

    M. Murray Finnerty: Moi, je le faisais quand j'étais jeune.

    La présidente: Vraiment?

+-

    M. Patrick Smith: Je suis d'accord que cet aspect est important, et nous sommes d'avis que Santé Canada pourrait jouer un rôle de premier plan. De fait, le Canadien moyen ne met pas nécessairement la toxicomanie sur le même pied que les autres questions de santé, et il ne comprend pas les conséquences et les coûts de ce problème pour la société. Comme dans d'autres pays qui ont fait un meilleur travail de sensibilisation, d'éducation et de prévention de la toxicomanie et qui en ont traité comme un problème de santé, si Santé Canada voulait jouer un rôle de leadership... Si Santé Canada ne le fait pas, qui va mettre l'accent sur les aspects de ce problème liés à la santé?

Á  +-(1100)  

+-

    M. Kevin Sorenson: Ceci m'amène à ma prochaine question. Monsieur Finnerty, vous avez parlé du champion qui devra diriger cela. Quand nous avons parlé des toxicomanies, M. Perron a tout de suite mentionné les enfants du Labrador et les séquelles au niveau social là-bas. Même s'il y a sans doute des coûts immenses pour la santé, l'aspect social a probablement autant d'importance. En ce qui concerne ce champion ou cette entité qui devra surveiller la mise au point de la stratégie en matière de drogues ou la mise en oeuvre de cette stratégie, s'agirait-il de Santé Canada, ou d'un ombudsman, s'agirait-il d'un commissaire pour la politique relative aux drogues, s'agirait-il d'une agence centrale spéciale pour les toxicomanies, s'agirait-il d'un comité permanent de représentants élus, ou s'agirait-il d'une autre personne nommée par le fédéral pour assurer le respect du mandat de sa stratégie relative aux drogues de la part des provinces? De quel groupe s'agirait-il? Serait-ce le comité, avec quelqu'un du domaine des affaires sociales et de la santé? Que recommandez-vous?

+-

    M. John Borody: Je ne pense pas qu'en venant ici ce matin nous avions l'intention d'identifier cette entité, sinon de proposer que vos considérations actuelles portent sur quelque chose de semblable. Le comité a peut-être certaines idées au sujet des recommandations. Mais ce qu'il faut noter, c'est qu'à chaque fois que nous avons réussi à modifier le système des soins de santé, surtout lorsque cela s'est fait pour des raisons d'ordre social, on a toujours identifié une personne chargée de cette initiative.

    Je pense au début des années 70, au débat qui a eu lieu alors au sujet des soins de santé et de notre manière d'aborder le problème. Je me rappelle, entre autres, du rapport Lalonde. Toutes les mesures ont-elles été mises en oeuvre? Non, mais on s'y réfère encore toujours. Je songe aux changements qui ont eu lieu en Saskatchewan, à la réforme des soins de santé qui s'est poursuivie pendant que je travaillais au ministère de la Santé de cette province. On a éliminé 52 hôpitaux, on les a fermés, et on a créé de nouvelles structures pour les soins de santé. Le gouvernement a effectué des changements passablement remarquables, lorsqu'il s'est fait dire que s'il apportait ces changements, il ne serait probablement reporté au pouvoir aux élections suivantes. La ministre de la Santé à l'époque, Louise Simard, est demeurée fermement en faveur du changement, et c'est ainsi que plusieurs années plus tard, nous avons encore un régime semblable à celui-là. Il fallait que quelqu'un prenne l'initiative et effectue les changements qui s'imposaient. Il nous fallait fermer ces hôpitaux.

    Nous pouvons nous inspirer de beaucoup de modèles. Je songe au succès de la stratégie antitabagisme dont nous avons débattu plus tôt ce matin. Et voyez la nouvelle attitude vis-à-vis de l'alcool au volant. En grande partie, cela provient du gouvernement fédéral ainsi que d'une coordination du côté de la prévention et de l'éducation. C'est là un des rôles du leadership. Cela ne se situe peut-être pas au niveau de la prestation des services, mais plutôt de l'autre côté de l'algorithme.

+-

    M. Michel Perron: C'est une question qui nous trouble depuis un certain temps, évidemment, et je suis sûr qu'on en a parlé dans vos séances tant publiques qu'à huis clos. Essayons d'aller dans l'autre sens. Nous savons que les provinces ont un rôle important à jouer là-dedans. Peut-on s'assurer que M. Finnerty, en sa qualité de chef de l'AADAC, représente les intérêts généraux de la politique albertaine en matière de drogue? Je ne fais que poser la question.

    Commençons au niveau provincial. Chaque province doit nommer quelqu'un—ou bien deux personnes, peu importe—pour parler au nom de la province de la demande, de la réduction de l'offre, et pour s'occuper de la coordination. Il s'agit de prendre l'initiative parmi les divers organismes provinciaux qui s'intéressent à cela. Plutôt que de s'adresser aux 14 ministères, s'adresser aux trois premiers, soit ceux responsables de la justice, de la police, et de la santé.

    J'estime qu'il incombe aux provinces de nommer une personne. Quand nous avons invité des représentants à assister à notre atelier à Winnipeg, nous avons écrit à chaque premier ministre provincial et lui avons demandé de nommer deux personnes. Nous avons fait cela exprès parce que nous voulions que les premiers ministres identifient les responsables provinciaux en matière de drogue. Parce que certaines provinces ne jouissent pas des avantages d'un organisme comme l'AADAC ou la Fondation manitobaine de lutte contre les dépendances. Je crois que les provinces doivent se charger de la nomination de quelqu'un. D'une part.

    D'autre part, je crois que les ministères fédéraux qui sont cruciaux pour cela, soit Solliciteur général, Justice, et Santé, doivent tous nommer une personne. Cela peut paraître beaucoup de gens, beaucoup de comités, mais cela permettrait une reddition de comptes. Chaque personne est chargée de représenter les points de vue de son propre ministère. Est-ce que les fonctionnaires du ministère du Solliciteur général savent ce que font leurs homologues des Services correctionnels, de la libération conditionnelle, ou de la GRC? Les personnes nommées doivent au moins s'informer de ce qui se passe. Elles n'ont pas à diriger l'affaire, mais elles doivent nous dire ce qui se passe. À mon avis, tous les ministères qui ont un rôle essentiel à jouer là-dedans doivent communiquer les uns avec les autres sur les travaux, les stratégies, les priorités, les investissements, et je ne sais quoi encore.

    Pour ce qui est d'un éventuel ombudsman, d'un tsar antidrogue canadien, ou d'un commissaire... Justement, le partenariat des secteurs de la santé et des services de police avait réclamé la nomination d'un commissaire antidrogue il y a quelques années, quelqu'un qui pourrait tout surveiller. Franchement, c'est compliqué au niveau de l'appareil administratif. On a beau dire, nommez un ombudsman. Mais de qui relève-t-il? Quelle est l'interaction entre lui et les ministres McLellan, Cauchon et MacAulay?

    Je suis désolé, je ne réponds pas à votre question, mais je propose au moins qu'on commence par chaque ministère, et que le gouvernement fédéral demande à chaque province de faire de même, et franchement, je n'y vois aucune objection. On peut ensuite inclure des groupes comme le nôtre, le Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies, qui a un mandat et qui collabore avec les provinces, les organismes sans but lucratif, et les municipalités. Qu'on invite la FCM à participer. Au moins faire participer les bonnes personnes. Et de là, on pourrait voir qui devrait prendre l'initiative.

    Mais je pense que nous cherchons un leader politique—Mme McLellan, la ministre de la Santé—pour dire, voici ce que nous faisons. Sinon elle, alors M. MacAulay ou M. Cauchon. Les trois ensemble pourraient nommer un conseiller, qui chapeauterait tout. Toutes sortes de régimes sont possibles, bien sûr, mais je crois qu'il faut s'assurer qu'on évite de penser que la nomination de cette personne-là relève exclusivement du fédéral.

Á  +-(1105)  

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    On passe maintenant à M. Lee, suivi de M. Ménard et de Mme Fry.

+-

    M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.): Merci.

    Plus tôt, M. Finnerty a dit qu'il fallait dire au gouvernement «assez parlé, il faut agir». Alors je me demande, qu'est-ce qu'il faut faire? Du point de vue de notre comité, il y a toute une gamme d'enjeux. Pourriez-vous nous aider à nous concentrer sur ce qu'il faut faire? Vous pourriez nous renvoyer aux quatre piliers, mais même si vous faites cela, il nous faudra davantage de précision. Nous devons établir les priorités. Je pense que nous savons tous qu'il ne s'agit pas de remporter la victoire. Il s'agit d'un problème permanent d'intérêt public, de gérer le dossier des drogues et de la toxicomanie. Pourriez-vous hasarder une opinion? Qu'est-ce qu'il faut faire? Quelles sont les priorités? Est-ce que les drogues sont prioritaires? Est-ce que les mécanismes sont prioritaires?

+-

    M. Murray Finnerty: Il nous manque une coordination nationale, un leadership national, une collaboration adéquate, un financement stable pour s'attaquer au problème. À mon avis, il faut qu'on nomme quelqu'un au niveau fédéral qui sera reconnu et qui passera à l'action. Qu'est-ce qu'il faut faire? Il faut essayer de réunir ces quatre choses-là. Nous avons besoin d'une coordination au Canada pour énoncer notre stratégie antidrogue nationale. Comme vous l'avez dit, voici les endroits importants, les drogues importantes, à vous de les définir. Voici les objectifs, et voici les ressources que doivent contribuer les provinces et le gouvernement fédéral afin de s'attaquer au problème. La situation s'aggrave jour après jour. Peu importe le plan de bataille que vous vous fixerez ensemble, il faudra quelqu'un pour diriger cette démarche, car elle est très décousue à l'heure actuelle. Cette personne-là doit être militante, dynamique, énergique, et prête à agir. Je ne sais pas si cela peut se faire au sein d'un ministère.

    Vous avez le Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies, et je ne suis pas partisan de Michel ou quoi que ce soit, mais il s'agit d'un bureau central que nous essayons tous d'utiliser actuellement comme dépôt de données de recherche, de ce qui se passe au niveau national, etc. Pourquoi ne pas charger un organisme comme celui-là de se mettre au travail, ou bien quelqu'un de mordu, qui y croit, qui sait ce que nous voulons, ou ce que nous pensons que nous voulons, et de nous rassembler et nous dire «on y va»? On ne peut pas se contenter de prévoir cela au budget 2003-2004-2005 et espérer que quelque chose se produira.

Á  +-(1110)  

+-

    M. Derek Lee: Je sais que M. Smith va y répondre, mais vous avez soulevé la question de la procédure. À quoi voulons-nous en arriver? Quelles sont les balises?

+-

    M. Patrick Smith: Il s'agit d'une excellente question qui pose vraiment un défi car nous avons tous des vues différentes concernant la tâche principale à accomplir. Selon nous, il ne devrait pas incomber au comité de décider que les salles sécuritaires d'injection sont plus importantes que les tribunaux axés sur le traitement de la toxicomanie. Cela incombe à d'autres. Si je lisais dans le journal que le comité avait pris une initiative, laquelle devait-elle être. J'aimerais lire que le comité a mis au point une structure et une stratégie pour mettre à contribution les ressources et les compétences qui existent déjà au pays, mais qui, faute de coordination, n'atteignent pas leur plein potentiel.

    Je sais que ce n'est pas très concret comme réponse, mais je crois que peu importe le chef de file qui sera choisi, il faut que celui-là mette à contribution les ressources existantes. Il existe des organisations provinciales. Il y a beaucoup d'experts au pays, que vous avez entendus, qui ont leurs rôles à jouer. Jusqu'ici, il y a un manque de coordination. Le fait que notre organisme est relativement nouveau en est une preuve. Avant, il n'existait pas de tribune où les responsables des organismes provinciaux chargés de la toxicomanie pouvaient se parler de ce qui se passe dans les différentes provinces. Il nous faut une structure et une stratégie pour orienter les ressources et pour bien énoncer les indicateurs et les points de repère pour qu'il soit impossible qu'une province ait la chance que tout aille bien alors qu'une autre ne fait rien.

    Pour ce qui est des détails de fonctionnement, je suis d'accord avec Michel qu'il faut qu'il y ait des représentants de chaque ministère. Il ne s'agit pas simplement d'avoir l'apport des différents ministères; il faut également les idées qui proviennent de la base, c'est-à-dire des idées concrètes pour s'attaquer aux questions de la toxicomanie dans tout le pays et à celles de l'alcool et des drogues du point de vue de la prévention, du traitement et de l'éducation. On ne demande pas à Santé Canada de jouer le rôle de leader et de décider tout d'un coup quels sont les quatre piliers et comment s'attaquer au problème. Il s'agit de rassembler des intervenants qui ont déjà cette responsabilité, de procéder de façon coordonnée et de s'assurer que les provinces et les municipalités font preuve d'une certaine imputabilité. Si j'étais le chef du pays, j'exigerais une certaine imputabilité pour empêcher le manque de coordination. Même si on a un beau document, comme disait quelqu'un, ce n'est pas forcément ce qu'on veut avoir en réalité. Comment garantir cette imputabilité à tous les niveaux?

    Il faut donc définir les réalisations attendues à chaque niveau. Ce n'est pas le mandat de ce comité, mais cela pourrait découler de ce processus et de cette structure. Le but d'une stratégie nationale antidrogue c'est de préciser clairement le rôle de chaque niveau et les réalisations attendues.

+-

    M. John Borody: Nous avons une déclaration simple dont nous avons beaucoup discuté depuis quelques jours et elle se résume à la coordination. Si on regarde ce qui se fait au pays à l'heure actuelle, il y a beaucoup de bon travail fait par les provinces et un peu de travail fait par le fédéral. Il faut trouver le moyen de rassembler ces efforts disparates.

    Sauf le respect que je dois à mon collègue, on a déjà permis à quelqu'un de Little Rock, en Arkansas, de diriger un pays.

Á  +-(1115)  

+-

    La présidente: Monsieur Lee.

+-

    M. Derek Lee: Vous vous intéressez surtout aux toxicomanies, qui sont un méfait qui comporte un coût social. C'est une mauvaise chose, c'est une chose à laquelle il faut s'attaquer. Ces toxicomanies font du tort à la société, ou du moins la plupart d'entre elles. Mais il y a un élément de cette question qui ne porte pas sur les toxicomanies. Il existe des substances qui sont utilisées et qui ne créent pas forcément de dépendance. Pouvez-vous nous dire dans quelle mesure ces autres substances sont importantes si elles ne causent pas de toxicomanie?

+-

    M. John Borody: Je pense que tout dépend de votre définition de la toxicomanie. Nous considérons que tout comportement qui contrôle les activités individuelles d'une personne constitue une toxicomanie. Ce comportement peut même n'avoir rien à voir avec les drogues ou l'alcool. Il y a le jeu, par exemple. Donc, notre définition de la toxicomanie porte davantage sur le comportement que sur la substance. Dans le cas des substances, il faut regarder la situation des jeunes. D'après ce que me disent les travailleurs auprès des jeunes, je dirais qu'entre 95 et 99 p. 100 des jeunes que nous voyons tous les jours n'ont pas de problèmes de toxicomanie. Ils n'ont pas ce comportement depuis assez longtemps. Mais le comportement en question leur fait du tort, donc il s'agit quand même d'une question de toxicomanie.

    Nous adoptons une approche assez large dans le cas des toxicomanies. On tient compte des questions comme celles de l'éducation, de la prévention, etc. Il y a des drogues qui ne sont pas toxicomanogènes, car les gens les consomment tous les jours, mais parfois le problème découle d'une combinaison de médicaments. Les politiques, même au niveau provincial, sont plus larges et englobent le problème que vous soulevez.

+-

    M. Patrick Smith: Si on regarde l'ensemble du problème, qui va d'une consommation qui pose problème à l'abus et à la toxicomanie, il va sans dire qu'il existe une certaine consommation qui ne crée pas de méfait ni pour la personne ni pour la société. Mais lorsque l'abus des médicaments crée des torts ou pour la personne ou pour la société, la question relève de nos organisations. Nous ne nous intéressons pas uniquement à la toxicomanie. Les gens que nous voyons ont un taux de toxicomanie plus élevé, mais nous nous occupons également de la question de la consommation de médicaments qui pose un problème. Si quelqu'un se présente qui n'a pas de toxicomanie, mais qui crée des problèmes pour lui-même, pour sa famille ou pour la société à cause de cette consommation de substances, nous nous occupons de ce problème.

+-

    M. Derek Lee: Techniquement parlant, la question de la légalité de la possession du médicament ne vous intéresse pas. Mais s'il existe un problème de comportement qui découle de la consommation des médicaments ou d'une toxicomanie, cela relève de vous. Je voulais tout simplement que vous me confirmiez cela.

    M. Patrick Smith: Oui.

    M. Derek Lee: La question de la légitimité de la substance n'est pas pertinente à votre travail.

    M. Patrick Smith: Non.

    M. Derek Lee: Est-ce que la question de la légalité de la possession ou de la distribution d'un produit présente un obstacle à votre travail?

+-

    M. Patrick Smith: Nous savons qu'il existe des défis en ce qui concerne certains des traitements plus progressistes. Nous savons que certains de ceux qui se présentent pour un traitement enfreignent la loi à cause de la substance qu'ils consomment. Donc nous avons dû travailler avec les policiers locaux pour leur demander de ne pas se mettre à l'extérieur de notre clinique de méthadone pour essayer d'interroger nos clients. Non, ce n'est pas vraiment un problème.

    Chacun sait qu'il y a eu un débat au sujet de la décriminalisation de la marijuana, étant entendu dans ce contexte qu'on se demande ce qu'on fait à l'heure actuelle pour tenir compte du fait que la possession augmente les méfaits? Il s'agit d'un débat tout à fait différent. C'est notre point de vue. Parfois l'approche adoptée par la société augmente les méfaits.

Á  +-(1120)  

+-

    La présidente: M. Borody, suivi de M. Perron.

+-

    M. John Borody: J'aimerais ajouter à cela afin de vous brosser un tableau du dilemme auquel nos intervenants font face. En tant qu'organisme qui prône la réduction des méfaits, et je pense que nous visons tous la réduction des méfaits, nous avons constaté que la plupart de nos clients ont deux dépendances, c'est-à-dire ils ont une dépendance à l'égard de la drogue et une dépendance à l'égard de l'alcool. Certains veulent aborder leur alcoolisme mais ne veulent pas affronter leur toxicomanie, et nous les aidons, même si nous savons qu'ils consomment de la marijuana ou de la cocaïne. Nous ne leur permettons pas de se droguer dans nos locaux, bien entendu. Mais cette réalité constitue un dilemme pour nos intervenants parce que nous savons que nous n'allons pas aborder la toxicomanie. D'après nous, il faut que le client soit prêt à faire face à son problème. Même si le point de départ est la lutte contre l'alcoolisme, nous les encourageons à faire face à leur toxicomanie aussi. Voilà le dilemme auquel les intervenants font face tous les jours. Ensuite, il y a le tabagisme. Je dirais que 95 p. 100 de nos clients sont de gros fumeurs.

+-

    M. Michel Perron: Vous avez tout à fait raison, monsieur Lee. Si je reviens aux enfants du Labrador, tout le monde a accès à l'essence. Le statut juridique d'un produit est secondaire, ou devrait l'être; ce sont nos objectifs vis-à-vis d'une politique canadienne antidrogue qui devraient primer. Nous devrions peut-être nous doter d'une politique nationale de la réduction de la toxicomanie, ce qui représente tout un autre défi. Il y a des questions d'ordre sémantique; prenons l'exemple de la réduction des méfaits. Je suis certain qu'il existe quatre définitions différentes de cette expression, et il reste toutes ces autres choses.

    Enfin, quant à moi, le statut juridique est secondaire. D'après moi, ce qui ralentit nos efforts au Canada, sauf nos travaux, bien entendu, est le fait qu'on insiste trop sur la décriminalisation du cannabis. C'est la seule chose dont les gens parlent en dépit du fait que l'alcool et le tabagisme ont des répercussions plus importantes sur nos vies quotidiennes.

    Pour conclure, je dirais que si nous voulons aborder les méfaits, il faut préciser par rapport à quel méfait. M. Smith a expliqué que la décriminalisation du cannabis pourrait réduire les méfaits sociaux liés à un casier judiciaire. Comment peut-on comparer les méfaits sur la société, l'économie et la santé? Encore une fois, nous ne nous attendons pas à ce que vous trouviez une panacée, nous visons plutôt un processus qui nous aide à trouver des réponses.

+-

    La présidente: Merci.

    Monsieur Ménard.

[Français]

+-

    M. Réal Ménard: Je suis un peu surpris et un peu déçu de votre discours, pour être honnête avec vous. Je suis surpris parce qu'encore une fois, après plus de dix ans de stratégie nationale—même si vous nous rappelez que la stratégie a été interrompue et que le Canada est le seul qui n'en ait pas parmi les pays du G-8—, il me semble que le gouvernement fédéral ne mérite pas la confiance dont vous voulez l'investir. Il ne la mérite pas.

    Pouvez-vous croire qu'hier matin—c'était télédiffusé—on a passé trois heures avec les fonctionnaires fédéraux et il n'y en avait pas un, parmi tous ces distingués fonctionnaires, qui n'avaient pas des fonctions subalternes, c'étaient des gens investis d'une autorité au plus haut échelon, qui était capable de nous présenter un bilan un peu systématique et organisé de la phase I et de la phase II, alors que dans ma circonscription de Hochelaga--Maisonneuve, quand un groupe reçoit 50 000 $ du Programme PACE, il doit passer des heures et des heures à faire des évaluations.

    De plus, la responsabilité du gouvernement fédéral est très établie au niveau des autochtones dont il est le fiduciaire. ll s'agit de 70 millions de dollars, et on s'entend pour dire que le fédéral a lamentablement échoué dans ses politiques à l'endroit des autochtones.

    Pouvez-vous croire que j'ai posé la question? Il y a un bureau de coordination de la stratégie, mais en principe le lieu d'imputabilité dont vous parlez existe. Il est identifié. Il est nommé. Toutefois, on a été incapable de répondre, et tous mes collègues et moi-même, nous nous sommes regardés avec un voile de désespoir; mais on est fait forts, on va passer au travers.

    Je ne comprends pas qu'on veuille investir le gouvernement fédéral d'un rôle pour lequel il ne mérite pas cette confiance. Sachez que j'ai posé la question. Il y a aussi un bureau sur la légalisation de la marijuana et les règlements. On a déposé des règlements qui permettent d'avoir accès à la marijuana à des fins thérapeutiques. On est incapable de nous donner des études sur les conséquences. Qu'est-ce que cela veut dire, la consommation de la marijuana?

    Je ne suis pas d'accord avec vous sur le cadre législatif; ce n'est pas secondaire. Le cadre législatif n'est pas secondaire, parce que toute la stratégie canadienne est centrée sur des objectifs, entre autres, de prohibition pour laquelle la vérificatrice générale nous rappelait qu'on met des millions et des millions de ressources qui pourraient être utilisées au Centre canadien de lutte contre l'alcool et la toxicomanie, qui pourraient être utilisées pour des traitements si on avait un autre cadre législatif.

    Ce matin, j'aurais aimé que vous nous donniez un petit peu plus d'information. Vous devez certainement avoir des vues sur toute la question du cadre législatif; la question de la légalisation ou non de certaines drogues est drôlement importante dans les travaux de ce comité et elle est drôlement importante pour ce qui est de la question des ressources qui seront disponibles.

    Ce que je ne peux pas comprendre—encore une fois, je suis député de Hochelaga--Maisonneuve, et dans ma communauté, les drogues, c'est une réalité importante—c'est que le gouvernement fédéral ait coupé 42 milliards de dollars aux provinces. Ceux qui sont les mieux placés pour offrir des traitements, ce sont les municipalités, comme le disait Carole-Marie Allard, mais ce sont aussi les provinces.

    Il me semble que le meilleur rôle que le gouvernement fédéral pourrait jouer, ce serait en demandant des comptes. Je suis d'accord avec le fait qu'il doit y avoir des lieux d'imputabilité, mais c'est via les ressources qui sont disponibles. Le gouvernement fédéral aura des surplus qui n'ont rien à voir avec les services qu'il est appelé à assumer. J'aurais aimé que vous preniez position dans un débat comme celui-là.

    Autrement dit, je trouve que votre mémoire s'en tient à un niveau de généralité. La coordination, je veux bien, mais théoriquement, elle est censée être faite; elle est identifiée. Cela fait dix ans qu'on nous tient ce discours. Il me semble qu'il faut dépasser ce niveau d'interpellation. J'aurais aimé que vous ayez des vues un peu plus précises sur les ressources qu'il faut investir, sur les traitements qu'il faut dispenser et sur le cadre législatif approprié.

Á  +-(1125)  

[Traduction]

+-

    M. Patrick Smith: Nous n'avons pas encore abordé la question de notre position sur la décriminalisation en tant que groupe de coordination. Je sais que chaque organisme a comparu devant le comité sénatorial et nous pouvons mettre ce rapport à la disposition du comité. Au nom du Centre de toxicomanie et de santé mentale, je conviens que nous pourrions dépenser nos ressources d'une manière plus efficace.

    Vous dites que nous parlons d'une nouvelle stratégie antidrogue depuis 10 ans, alors passons aux actes. La raison pour laquelle nous n'arrivons pas à marier les paroles et les actes est que nous nous heurtons à un mur. Si vous voulez aborder la question des services sur le terrain dont nous avons besoin, il faudrait prévoir plus qu'une matinée. Nous avons besoin d'une gamme complète de services, un continuum, digne d'un pays occidental. Cela veut dire qu'il faut insister sur la sensibilisation du grand public, quelque chose qui ne se fait pas dans le domaine de la lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies. Nous n'avons presque rien fait à cet égard. Cependant, il y a des programmes de prévention spécifiques qui ont été efficaces, mais nous n'avons pas de ressources financières pour les mettre en oeuvre dans toutes nos écoles. Qui plus est, il y a toute une gamme de traitements spécialisés qui ont fait leurs preuves dans l'optique de la réduction des méfaits, comme par exemple la rechute structurée et la prévention. Nous avons aussi des résultats cliniques et scientifiques qui prônent le besoin des salons d'injection supervisés. Cela ne veut pas dire que nous voulons que toute personne qui consomme de l'héroïne ait un endroit supervisé pour se droguer.

[Français]

+-

    M. Réal Ménard: Tout ce dont vous me parlez, est-ce que vous êtes d'accord avec moi que ce n'est pas le fédéral qui va faire cela?

[Traduction]

+-

    M. Patrick Smith: Tout à fait. Ce que nous devrions souligner, c'est que nous, les experts sur le terrain, avons présenté des propositions afin de réaliser ces objectifs. Nous avons déposé des propositions qui détaillent les services dont nous avons besoin. On ne se gratte plus la tête en se demandant ce qu'il faut faire.

    Si vous nous demandez quels sont les services dont nous aurions besoin afin d'offrir une gamme complète de services, c'est un tout autre débat, un débat auquel nous serions ravis de participer. Je conviens que cela ne relève pas du gouvernement fédéral. Quand vous dites que nous investissons le gouvernement fédéral d'un rôle pour lequel il ne mérite pas notre confiance ou peu importe--je ne me souviens pas de vos mots exacts--nous ne laisserions pas le gouvernement fédéral s'en tirer à si bon compte s'il s'agissait d'une autre question importante liée à la santé. Le fait que nous ne sommes pas entièrement satisfaits d'où nous en sommes ne veut pas dire que nous allons faire fi de la perspective du gouvernement fédéral. Nous croyons que, sur le terrain, il faut que le gouvernement fédéral et nous soyons au diapason. Nous le sommes déjà. De nombreux fournisseurs de soins de santé peuvent se réunir et formuler des propositions sur les salons d'injection supervisés ou un programme de traitement qui aide à la fois les femmes et leurs enfants. Tout est déjà fait, les rapports sont prêts. Ils n'ont pas reçus de financement ou n'ont pas été mis en oeuvre. Ce dont nous avons besoin, au palier fédéral...

Á  +-(1130)  

[Français]

+-

    M. Réal Ménard: Il s'agit d' une version française du rapport fédéral-provincial-territorial sur la réduction des méfaits. Ce n'est pas parce qu'il manque de rapports.

    Cependant, je pense que vos collègues veulent également parler.

[Traduction]

+-

    M. Michel Perron: Normalement, je ne me porte pas immédiatement à la défense de Santé Canada et j'ai critiqué vertement le fait que Santé Canada ne s'attaque pas aux problèmes. Cependant, je pense qu'il faut reconnaître que le ministère... J'y travaillais et j'ai travaillé au secrétariat de la stratégie antidrogue à l'époque où le Canada avait une stratégie antidrogue. C'était avant la publication de ce livre que nous appelons notre stratégie. Je travaillais à Santé Canada et c'était impossible de faire notre travail parce que nous n'avions pas un mandat clair. Je ne dis pas que nous n'aurions pas pu faire plus ou faire mieux, mais lorsqu'il y a un manque de cohérence chez les dirigeants politiques, lorsque l'enjeu n'est pas une priorité politique, et lorsque la question devient un imbroglio politique, sémantique et fédéral-provincial, il est très difficile pour les bureaucrates fédéraux de faire preuve du leadership, de l'engagement et de l'investissement que nous aimerions voir.

    Je les défends parce que leur travail n'est pas facile. Ils font toujours de leur mieux. Je pense que nous devrions de nouveau faire confiance au gouvernement fédéral pour ce qui est du rôle qui lui revient--je parle en mon nom personnel-- car le gouvernement fédéral doit être un participant. Nous ne pouvons pas agir seuls. Qu'il assume la responsabilité totale ou non, c'est à vous de décider. Il faut que vous décidiez comment vous voulez travailler et comment vous allez assurer la participation du gouvernement. Voilà les commentaires que je voulais faire à l'égard de ce qu'il a fait jusqu'à maintenant.

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Madame Fry.

+-

    Mme Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.): En fait, je vais un peu gâter les choses car je n'ai pas de questions à poser. Vos propos, je pense, étaient très clairs. J'ai écouté vos réponses à de nombreuses autres questions et cela m'a permis de réunir divers éléments qui me manquaient. Je vous remercie de votre présence ici, car vous avez placé les choses dans leur contexte.

    Monsieur Perron, vous avez conclu en disant qu'il ne fallait pas entrer dans les petits détails de ce qu'il faut faire. Le gouvernement doit s'en tenir à un niveau plus générique. Je pense que nous pouvons énoncer clairement quel doit être le rôle du gouvernement fédéral. Nous pouvons parler de coordination. Si je vous comprends bien, il faut nous fonder sur les preuves, et il faut faire preuve d'innovation dans notre réflexion, il nous faut mettre en place le cadre général où chacun a déjà un rôle à jouer, et ensuite faire ressortir ce qu'il reste à faire, les lacunes, les ponts qui sont nécessaires pour que ça fonctionne.

    Merci beaucoup, vous m'avez beaucoup aidée.

+-

    La présidente: Avant de céder la parole à M. White, j'aimerais revenir sur le fait que vous avez mentionné qu'il fallait une plus grande coordination et collaboration entre les ministères. Il existe en fait des comités interministériels, quelques comités FPT et quelques comités ministériels au niveau fédéral. Quand je parle de comités FPT, évidemment, je parle des provinces et des territoires. Où en est ce travail? Y a-t-il un point de départ? Je vous cède la parole?

    Monsieur Borody.

+-

    M. John Borody: Je représente mon organisation depuis trois ans à peine au comité FPT sur les drogues et l'alcool. Je décrirais ce comité en disant qu'il vogue à la dérive. Nous consacrons beaucoup de temps à tenter de déterminer quelle doit être la tâche, le rôle de ce comité, ce qui me ramène à ce que demandait le député ici plus tôt. Nous avons consacré les quatre dernières réunions à tenter de définir ce rôle. Il y a un malaise dans ce comité au niveau de la représentation et cela a beaucoup à voir avec la façon dont les gouvernements provinciaux fournissent les services.

    À titre d'exemple, deux des membres qui sont à ce bout-ci de la table ne font pas partie du comité; voilà pourquoi nous avons décidé de créer le CECT. En fait, je ne pense même pas que celui que nous considérions, venant de Montréal, serait représenté à ce comité. C'est vraiment une question de savoir de qui on a besoin, quelle est la représentation, quel est le travail. Tant que ce ne sera pas clair au sein du groupe, il ne s'agit que d'un groupe qui se réunit, qui n'échange rien, qui ne fait rien. Nous travaillons toujours avec le groupe en partenariat, nous tentons de les encourager, mais ce n'est pas le groupe qui va vous donner ce que vous cherchez.

Á  +-(1135)  

+-

    La présidente: Qu'en est-il des comités interministériels?

+-

    M. Murray Finnerty: Ils ne sont pas efficaces, nous n'y participons pas.

+-

    La présidente: Vous ne seriez pas invités à participer aux comités interministériels puisque c'est uniquement au sein du gouvernement fédéral.

+-

    M. Michel Perron: En fait, je n'en fais pas partie.

+-

    La présidente: Non, mais que savez-vous de leur statut?

+-

    M. Michel Perron: J'ai déjà siégé à celui du Solliciteur général, de même qu'à celui de Revenu Canada, à titre de représentant du Solliciteur général, de Santé Canada et de Revenu Canada. J'ai l'impression d'être un peu comme M. Borody. Je me promène d'un emploi à l'autre.

    On peut dire parfois que le mécanisme des comités interministériels donne parfois de bons résultats, mais il existe dans le vide, car il ne nourrit aucune autre démarche. Il ressemble un peu en cela au comité fédéral-provincial-territorial sur l'alcool et les drogues. C'est bien beau d'avoir un réseau de partage de l'information, mais si vous deviez demander aux membres de ce comité de vous définir leurs rôles et l'objectif du comité, je crains que vous obteniez de nombreuses réponses différentes.

    Nous avions naguère un comité interministériel sur les dossiers nationaux et un autre sur les dossiers internationaux. Une dimension importante de votre travail, c'est la façon dont celui-ci s'inscrit dans les travaux de l'an prochain des Nations Unies, puisque notre segment ministériel se penchera sur le compte rendu à mi-chemin de la session extraordinaire de l'Assemblée générale des Nations Unies sur les drogues. Qui se prononcera là-bas et comment?

    Ceux qui siègent à ce comité y sont parce qu'ils représentent sans doute plusieurs secteurs, mais ils ne représentent pas nécessairement l'ensemble des visions qui circulent. Si ces comités étaient représentés par les bonnes personnes, s'ils avaient le mandat qui convient et s'ils se positionnaient de la façon appropriée par rapport à ce qu'ils veulent faire, il me semble qu'ils pourraient être beaucoup plus efficaces.

+-

    La présidente: Je comprends pourquoi vous affirmez que nous devrions avoir une vision, un objectif, et un porte-parole national, afin de faire en sorte que toutes les opinions soient exprimées, que l'on comprenne bien quel est le mandat et comment tel secteur d'un ministère ou tel bureau s'inscrit dans la stratégie nationale.

    On a parlé de la façon dont les sommes étaient dépensées. Santé Canada a présenté 104 millions de dollars cette année, dont 70 millions servent à la prestation directe des soins de santé. Cela se compare aux programmes de l'AADAC de l'Alberta ou aux soins de santé provinciaux du Manitoba, puisqu'il s'agit de la prestation directe des services, et je parle des 70 millions. Quelque 4,5 millions de dollars devaient servir à de l'analyse pour étayer les infractions en matière de drogue. Je parle ici d'analyse des drogues. Cela peut évidemment être utile si une nouvelle mouture de cocaïne circule dans les rues, mais il ne s'agit pas véritablement de programme actif, car cela ne fait pas quelque différence que ce soit dans ma localité. C'est Santé Canada qui effectue l'analyse. Pour toute la stratégie nationale antidrogue, on parlait de 14 millions de dollars. Or, lorsqu'on l'a annoncé à ses débuts, on parlait de 42 millions de dollars par année.

    Vous avez parlé d'un manque de ressources pour la collecte d'information et la recherche, mais a-t-on également besoin d'activités supplémentaires? Évidemment, il faut que l'activité soit la bonne. Il faut qu'il y ait de l'évaluation, et on a clairement expliqué qu'il n'y avait pas d'évaluation, car dès qu'il fallait choisir entre offrir un programme, d'une part, et l'évaluation, d'autre part, on choisissait le programme. N'y a-t-il pas un montant de base en-deçà duquel il est impossible d'accomplir quoi que ce soit? Votre organisation peut-elle nous suggérer quelques chiffres? M. Finnerty a 58 millions. Je ne puis qu'imaginer ce que cela donnerait comme résultat si cet argent était réparti partout en Ontario, par exemple, ou si on dépensait en Ontario des montants proportionnels. Pour accomplir quoi que ce soit, le gouvernement fédéral se doit de dépenser un montant minimum. Avez-vous des chiffres à nous suggérer? J'imagine que ce devrait être plus que 14 millions.

Á  +-(1140)  

+-

    M. Murray Finnerty: Même les 14 millions de dollars, dans une formule de partage des coûts, sont versés au trésor. Il n'y a aucun lien direct entre les sommes recouvrables du trésor et le financement des provinces. Du moins, c'est ainsi que cela fonctionne en Alberta. Je pense que c'est la même chose dans la plupart des provinces. C'est très bien comme montant de base, mais ce n'est pas suffisant pour avoir vraiment un effet appréciable. Il pourrait être plus utile d'affecter les montants fédéraux disponibles à des objectifs ciblés sur lesquels on se serait entendu à l'échelle nationale. Ne vous contentez pas de verser l'argent dans un programme de partage des coûts. Si nous disions tous que le Tribunal de traitement de la toxicomanie fonctionne vraiment bien, qu'il nous faut 42 millions de dollars pour le faire à Toronto, Calgary, Vancouver, etc., nous pourrions nous mettre à la tâche et produire des résultats réels, au lieu de verser le tout dans un programme à frais partagés. Ce n'est qu'un exemple que je donne. Je pense que l'un d'entre nous à la table a dit qu'il ne savait même pas que cet argent était versé à l'Ontario. Voilà le problème.

+-

    M. Michel Perron: Je peux dire qu'en tant que PDG—et je pense que mes collègues seraient d'accord avec moi—quand je présente une demande de fonds au ministre de la Santé dans le cadre d'un mémoire au Cabinet relativement à une stratégie antidrogue, je dois appuyer ma demande sur une analyse de rentabilité. Qu'allons-nous faire de cet argent et qu'est-ce que cela va nous rapporter? La somme de 14 millions de dollars peut être considérée comme négligeable, ou comme une somme importante—je suis sûr que si vous posez la question aux autorités municipales, on vous dira qu'ils n'ont jamais vu autant d'argent—mais je pense que nous devons poser la question: qu'allez-vous faire avec cet argent? Je pense que nous devons diviser les rôles de Santé Canada, si nous lui demandons de jouer un rôle de coordonnateur suprême. Il faut poser la question: combien d'argent vous faut-il pour faire cela? On peut voir ce qui se fait dans différents pays, par exemple, au Royaume-Uni et en Australie, pour voir combien ils dépensent par habitant pour la coordination. Nous devons faire très attention de ne pas mélanger les budgets de Santé Canada pour la mise en oeuvre du programme de cannabis à des fins thérapeutiques, qui a été mis en oeuvre assez rapidement, c'est le moins que l'on puisse dire, et le budget qui est consacré à la coordination.

    Et puis il y a une chose que j'ai apprise durant mon séjour au CCLAT, à savoir qu'il faut que l'argent suive les paroles. Qu'allez-vous faire avec cet argent? Êtes-vous prêt à rendre des comptes et à faire l'objet d'une évaluation? Je pense que nous devons instaurer ce genre de reddition de comptes.

+-

    La présidente: C'est un bon point. La difficulté en ce qui a trait aux chiffres tient en partie au fait que Santé Canada a présenté les montants dépensés pour les soins de santé. Certaines activités sont englobées dans les 14 millions de dollars. Une partie de ces 14 millions sont dépensés au bureau du solliciteur général, au bureau du ministre de la Justice, etc. C'est très difficile de savoir précisément quels sont les produits livrables.

    Pour revenir au grand patron, ou au champion de la lutte contre la drogue, peu importe le titre qu'on lui donne, je pense que vous avez dit dans votre exposé, monsieur Smith, qu'il faut relever d'un cran le niveau de conscientisation aux problèmes des toxicomanies dans notre pays. Le gouvernement fédéral joue un rôle de chef de file en lançant des campagnes nationales pour informer les gens, pour les inciter à mieux s'alimenter ou pour leur donner des renseignements à jour sur la prévention du rhume, etc. Nous devons faire comprendre aux gens que les toxicomanies sont un problème dans notre pays, que l'on pourrait mieux lutter contre ce problème, après quoi on pourrait obtenir que les provinces et le gouvernement fédéral y consacrent les ressources voulues. Auriez-vous quelque chose à ajouter là-dessus.

+-

    M. Patrick Smith: Je pense que la plupart des provinces ont les ressources et les experts voulus pour faire leur part. Je pense donc que le gouvernement fédéral pourrait jouer un rôle de chef de file, mais qu'il pourrait aussi travailler en collaboration avec les gens qui travaillent sans relâche pour essayer de faire leur part.

    À ce sujet, je rappelle qu'il n'y a aucun plafond quant au montant consacré au traitement. On n'a aucune idée du montant que les provinces investissent dans les soins de santé directs, par exemple, les services de lutte contre la toxicomanie. C'est beaucoup plus facile en Alberta parce qu'il y a une organisation qui a 59 millions de dollars et qui s'en occupe exclusivement.

    Combien dépensons-nous par habitant en Ontario? Nous l'ignorons, à cause de la façon dont le système fonctionne. Là encore, le gouvernement fédéral pourrait faire preuve d'initiative. Si j'étais le ministre de la Santé de l'Ontario et que je constatais que la stratégie nationale antidrogue au grand complet consacre 70 millions de dollars au service direct, que devrais-je en conclure quant à l'importance de ce service dans ma province et l'importance pour moi d'y accorder de l'attention? L'une des difficultés, c'est que personne ne leur dit que c'est prioritaire pour le Canada.

Á  +-(1145)  

+-

    La présidente: Merci.

    Nous entendrons maintenant M. White, suivi de Mme Allard.

+-

    M. Randy White: J'aimerais savoir si l'énoncé suivant est le moindrement problématique: la stratégie antidrogue du Canada devrait comprendre le traitement sur demande.

+-

    M. Patrick Smith: Non. Nous avons une liste d'attente de huit mois et les gens n'arrivent même pas à trouver la porte. Pour ce qui est du fournisseur du service, on dirait que le traitement sur demande signifie—je vais le définir pour bien m'assurer que ce n'est pas une question piège—que lorsque quelqu'un a besoin d'un service, il devrait avoir accès à ce service. Cela comprend une évaluation et l'aiguillage vers le service le plus approprié selon les besoins. Quelqu'un ne peut pas dire: faites-moi l'ablation du coeur, vous êtes obligé de le faire. Il faut qu'un professionnel en établisse le besoin. Donc, le traitement sur demande signifie que les services sont disponibles. Ensuite, je soutiens qu'il faut compter sur l'intervention des experts.

+-

    M. Randy White: J'aurais cru que l'un de vous dirait que ce n'est pas faisable.

+-

    M. John Borody: Pour faire suite à ce que Patrick a dit au sujet du contenu, à l'heure actuelle, au Manitoba, nous pourrions répondre oui à cette question.

    Quand quelqu'un se présente, on fait d'abord une évaluation initiale. On commence à élaborer un plan. Cela veut-il dire que l'intéressé est immédiatement inscrit dans un programme de réhabilitation? Non, pas nécessairement. Il peut y avoir une liste d'attente de deux ou trois semaines, mais le contact est établi et nous commençons immédiatement à travailler avec le client.

    Je ne pense pas que les gens puissent jamais s'attendre à être inscrits automatiquement dans un centre de désintoxication dès qu'ils ont mis le pied dans la porte. Je pense que l'on peut toutefois s'attendre à ce que quelqu'un rencontre immédiatement l'intéressé. Il y a une intervention. On commence à travailler à l'élaboration d'un plan de soins. Ce plan peut exiger un traitement en établissement, mais l'intéressé ne peut pas toujours l'obtenir immédiatement.

+-

    M. Patrick Smith: Sauf votre respect, je trouve qu'il y a un sentiment d'impuissance qui est très répandu dans le domaine du traitement des toxicomanies au Canada. Pour ma part, j'ai des attentes plus élevées. Le traitement sur demande est l'objectif que nous visons tous.

    Je ne pense pas que l'on puisse dire que nous sommes satisfaits d'une liste d'attente de trois semaines. Quand quelqu'un a besoin de traitement, la motivation ne sera peut-être plus la même dans trois semaines. Nous n'attendons pas trois semaines pour être soignés et recevoir des médicaments quand on en a besoin en cas de sinusite ou d'infection. On devrait pouvoir s'attendre à recevoir des traitements sur demande et, quand vous dites que ce n'est pas faisable, je trouve que c'est inacceptable. Il n'existe aucun dossier de santé pour lequel nous nous contentons de dire: «nous ne pouvons pas traiter tous ceux qui sont atteints de cette infection et nous allons donc faire un tri».

    Du point de vue du traitement à strictement parler, nous croyons que le traitement devrait être dispensé sur demande et immédiatement. Est-ce réalisable dès maintenant? Non, et c'est pourquoi nous sommes ici. C'est un problème difficile, mais c'est un peu honteux que l'on soit si loin de cet objectif dans plusieurs provinces.

+-

    M. Murray Finnerty: Cela fait partie de tout le débat sur les soins de santé. Il est certain qu'en Alberta, dans la foulée du rapport Mazankowski, les toxicomanies se retrouvent dans la catégorie des «est-ce abordable? Pouvons-nous nous le permettre?» Il faut inscrire tout cela dans le contexte de ce que l'on peut faire en termes de priorités avant que le système s'écroule. Chose certaine, dans notre province, les toxicomanies font partie de tout le débat sur les soins de santé.

    Le traitement sur demande? Ce ne sera tout simplement pas faisable à l'avenir.

+-

    M. Randy White: Pour convaincre de votre importance le public, les politiciens, ceux qui amassent des fonds, etc., si vous sillonnez aujourd'hui le pays et dites: «Nous sommes partisans de la réduction des méfaits», on songe immédiatement à des piqueries en milieu protégé, à des programmes de fourniture d'héroïne. C'est le cas dans ma ville. Dès que l'on parle de réduction des méfaits, les portes se referment immédiatement.

    Comment surmonter ce problème? Vous devez être confrontés au même problème.

Á  +-(1150)  

+-

    M. Murray Finnerty: En Alberta, cela fait assurément l'objet d'un grand débat politique. Je suis certain que mon ami de l'Alberta serait d'accord.

    Il faut contourner le problème et faire preuve de logique. Dans l'exemple du traitement sur demande, on dit que le toxicomane s'est accroché de lui-même à la drogue, que sa toxicomanie est délibérée, c'est son problème, quel idiot, pourquoi a-t-il fait une chose pareille, oubliez-le. Les gens fument. Ce problème est de leur propre fait. La moitié de nos patients dans les hôpitaux ont des problèmes cardiopulmonaires causés par le tabac. Les gens conduisent trop vite sur les routes. Ils ont des accidents et se retrouvent à l'hôpital. À votre avis, quel en est le pourcentage?

    C'est une question difficile. La réaction immédiate et même ma propre réaction conservatrice instinctive est de dire que le type s'est infligé cela lui-même, mais attendez un instant. Voyons de quoi il retourne exactement. Dans bien des cas, il faut s'attaquer à la réduction des méfaits, mais c'est une immense question qui fait l'objet d'un débat. Dans tout le milieu du programme des 12 étapes, on n'y croit pas du tout.

+-

    La présidente: M. Smith et ensuite M. Perron.

+-

    M. Patrick Smith: J'ajouterai que nous évitons d'utiliser des termes dont le sens peut être différent pour des personnes différentes. Nous allons directement aux chiffres.

    Je vais répondre à la première question: comment faisons-nous comprendre aux gens toute l'importance d'accorder la priorité à cela? Comment nous avons convaincu les gens d'accepter l'idée du tribunal de traitement de la toxicomanie quand nous avons rédigé cette proposition? Nous n'avons pas dit: «il faut faire preuve de compassion parce que les gens ont besoin d'aide». Il s'agissait de montrer combien d'argent cela nous ferait économiser et combien nous dépenserions à cause des besoins non traités, des cocaïnomanes et héroïnomanes non traités qui se retrouvent dans le système de justice criminelle et qui vont et viennent à travers une porte tournante sans que leur toxicomanie soit jamais traitée. Il fallait montrer combien coûterait le tribunal de traitement de la toxicomanie, quels en sont les résultats au sud de la frontière et dans divers pays d'Europe en termes de réduction du récidivisme, et quel serait l'impact financier global sur le pays.

    Maintenant, nous reconnaissons que la conscientisation et l'information du public--je répète que les autorités fédérales peuvent jouer un rôle de chef de file à cet égard--peuvent aider les gens à mieux comprendre le problème, mais nous savons aussi que nous devons faire nos recherches et montrer les données. Les gens ne vont pas accepter avec enthousiasme l'idée d'une piquerie protégée simplement parce que cela paraît logique et que c'est une bonne idée, mais plutôt parce qu'on leur montre combien de gens ne peuvent pas être traités autrement et commencent par aller s'injecter leurs drogues dans un endroit sûr et finissent ensuite par être abstinents. Et il faut aussi montrer les coûts sociaux qui ont diminué grâce à l'établissement de ces piqueries, et ces données financières convainquent les gens qui, au premier abord, n'aimaient pas l'idée.

    Nous reconnaissons que nous n'aurions pas de tribunal de traitement de la toxicomanie aujourd'hui au Canada si nous n'avions pas convaincu les intervenants en faisant ressortir les conséquences et les coûts sociaux aussi bien que les conséquences et les coûts financiers.

+-

    La présidente: M. Borody, et ensuite M. Perron.

+-

    M. John Borody: J'ai une brève réponse. Par rapport à l'exemple que Patrick a donné, si j'étais fonctionnaire au ministère de la Santé et si quelqu'un me proposait la création d'un tribunal de traitement de la toxicomanie, je crois que cela reviendrait à une question: ce n'est pas mon crédit, donc pourquoi est-ce que j'investirais davantage sans la possibilité d'économiser en vertu de l'autre crédit, soit celui de l'autre ministère.

    Si on avait un leader national, quelqu'un qui pourrait coordonner et intégrer la discussion, c'est à espérer qu'on éviterait tout cela. Je sais qu'à l'heure actuelle au niveau provincial, les autres ministères soulèvent les mêmes objections lorsque nous proposons des projets, même si nous pouvons en fait démontrer que ces projets permettront de réaliser des économies ailleurs. Même au ministère de la Santé, nous avons de la difficulté puisqu'on dit que ce n'est pas le bon crédit, et donc les fonds ne peuvent être transférés. C'est toute la procédure budgétaire.

    Je pense que ce que nous essayons de faire, c'est de faire preuve de créativité. Patrick a raison. C'est un enjeu social. C'est un enjeu fiscal. D'une manière quelconque, ce sera plus économe. Il faut trouver les moyens d'en discuter sans se disputer à propos de la transférabilité des crédits budgétaires.

+-

    M. Randy White: Je sais que cela peut paraître insignifiant, mais la terminologie compte pour beaucoup. Nous ne disons plus des mots comme fou, nerveux, retardé, handicapé, et besoins spéciaux. Cela a évolué au fil des années. Je pense que maintenant les gens ont tendance à associer l'expression «réduction des méfaits» avec les aspects négatifs. À mon avis, vos organismes ont intérêt à remplacer cette expression par quelque chose qui ne prendrait pas les gens à rebrousse-poil.

    Merci. J'ajouterais que votre exposé était remarquable.

Á  +-(1155)  

+-

    La présidente: Monsieur Perron.

+-

    M. Michel Perron: Essentiellement, je suis d'accord avec ce que vous venez de dire, monsieur White. Pour les fins de votre rapport, si vous avez l'intention d'utiliser l'expression, je vous encouragerais de préciser ce que vous entendez par la réduction des méfaits. L'idéal serait d'utiliser une autre expression, car celle-là est tellement chargée de connotations que le lecteur sera obnubilé.

    Notre organisme a passé beaucoup de temps à définir ce que veut dire la réduction des méfaits. Je pense que cela a valu la peine de comprendre l'utilisateur plutôt que l'utilisation et de discuter des types de réponses que nous pourrions donner. Franchement, à mon avis, plutôt que d'essayer de déterminer si ce programme est un programme de réduction des méfaits, il est plus important de voir si le programme atteint ses buts et ses objectifs tels qu'énoncés au départ de l'accord des divers intervenants autour de la table. Pour moi, c'est plus important que de trouver la bonne étiquette ou de qualifier un programme de programme de réduction des méfaits.

    J'ai l'impression que cette expression-là suscite trop d'émotion. Si vous pouvez le faire, évitez son emploi et décrivez précisément ce que vous voulez faire. Ce serait ma recommandation.

+-

    La présidente: Améliorer la santé des gens, par exemple.

    Madame Allard.

[Français]

+-

    Mme Carole-Marie Allard: Je voudrais vous demander si dans vos communautés—je sais que vous êtes en quelque sorte des représentants des provinces—vous avez senti les effets de la stratégie nationale pour les sans-abri, lancée par le gouvernement fédéral et si cela a eu une incidence dans vos communautés.

[Traduction]

+-

    M. Patrick Smith: Je peux vous donner un exemple. Encore une fois, M. Borody a donné l'exemple qu'il faut vendre l'idée des tribunaux de traitement et l'idée qu'on doit dépenser un peu pour économiser beaucoup. Ceux qui paient les coûts des deux types de services doivent pouvoir comprendre cela.

    Nous travaillons en collaboration avec la collectivité autochtone locale concernant les questions liées à la toxicomanie et à la santé mentale des Autochtones en milieu urbain. Nous avons pris cette initiative de créer un partenariat impliquant notre organisme provincial général, qui regroupe les quatre organismes qui fonctionnaient jadis en Ontario... Il s'agit du plus grand prestataire de services liés à la toxicomanie et à la santé mentale en Amérique du Nord, mais nous ne faisions pas grand-chose pour les Autochtones en milieu urbain.

    Lorsque nous avons dit aux gens, voici le nouveau service que nous voulons créer, tout le monde était ravi, mais personne ne savait trop à qui nous devions nous adresser pour concrétiser notre projet. Nous avons pu réunir du financement à partir de quelques petites subventions, de l'initiative de partenariats en action communautaire, d'abord en collaboration avec des refuges et des organismes autochtones locaux, mais ce n'est pas un projet permanent.

    Cela illustre bien le problème. Personne ne veut se charger de ce problème. Quand il s'agit des questions de santé des Autochtones en milieu urbain, on vous dit qu'il serait peut-être utile de consulter telle personne ou tel organisme. Voilà un exemple que je peux vous donner.

    Nous faisons aussi du travail axé sur les jeunes. Certains aspects seront plus permanents, puisque nous avons une fourgonnette qui offre des services aux Autochtones, mais pour d'autres aspects ce sont nos employés qui font le projet pilote. Comme vous le savez, il s'agit d'un financement pilote, et on s'inquiète donc de l'avenir de ces projets une fois le financement dépensé. Personne ne veut en prendre la responsabilité et fournir un financement à long terme. Même si on peut prouver l'utilité de l'approche, si l'évaluation est positive et on obtient de bons résultats, il n'existe en ce moment aucune stratégie pour déterminer qui va en prendre la relève. C'est quelque chose que nous pourrions espérer d'une stratégie nationale antidrogue: même là où il existe de bons projets de démonstration, qu'est-ce qu'on fait ensuite?

+-

    La présidente: Monsieur Perron.

+-

    M. Michel Perron: Je pense que ce qu'il importe de faire ressortir ici, c'est que la stratégie nationale antidrogue que nous demandons soit intégrée aux autres priorités du gouvernement. Ainsi, on parle en termes d'intraministériel, d'interministériel et d'intergouvernemental, mais qu'en est-il de l'aspect intrastratégique? Comment la stratégie nationale antidrogue complète-t-elle les investissements sur les sans-abri? Le chômage chez les jeunes? Une amélioration des soins de santé pour les aînés, qui prennent peut-être trop de médicaments sans le savoir? Etc... Je pense qu'il faut s'assurer que l'ombudsman ou quiconque est responsable de ce véhicule est conscient des autres véhicules dans la voie et s'assure que tout roule bien.

+-

    M. Murray Finnerty: Oui. Je peux vous en donner un bon exemple, en fait, deux exemples rapides. Il y a d'abord le lien entre la toxicomanie et la stratégie sur les sans-abri en Alberta. On a d'abord créé de nouveaux abris d'urgence. Quand les gens quittent notre centre de traitement, ils doivent aller quelque part, et nous avons participé activement à cela. Une des choses que nous avons faites en ce qui concerne les refuges pour les sans-abri, c'est d'avoir affecté des intervenants en toxicomanie à ces refuges, grâce à l'aide de la stratégie sur les sans-abri.

    Pour revenir aux commentaires de Michel, nous devons concerter nos efforts afin de trouver des synergies.

  +-(1200)  

+-

    Mme Carole-Marie Allard: J'aimerais savoir s'il aurait été mieux de consacrer des fonds pour... Nous avons choisi les sans-abri, mais nous avons laissé de côté tous ces gens, les malades dans les rues. Je ne sais pas. On a consacré beaucoup d'argent à cela.

+-

    La présidente: Mais je crois que vous disiez que ces fonds servaient à répondre à toute une série de besoins des toxicomanes qui...

    Une voix: Pour y répondre, oui.

    Une voix: L'IPAC fait bien cela.

    La présidente: Monsieur Sorenson.

+-

    M. Kevin Sorenson: J'ai une toute petite question que vous allez peut-être trouver un peu bizarre. Elle s'adresse plutôt à M. Finnerty.

    Comme membre de l'AADAC, vous n'êtes pas sans connaître les ravages que peuvent causer les toxicomanies, pour les toxicomanes comme pour leur famille. Parmi les programmes d'éducation qui s'adressent aux jeunes pour les sensibiliser aux aspects négatifs de la toxicomanie, il y a le programme PSED, qui a fait l'objet de discussions autour de cette table. Je voulais vous en parler. Bien qu'il ne soit pas parfait, il se cadre parmi l'ensemble des programmes d'éducation des jeunes. Nous savons qu'il ne s'agit pas nécessairement de la meilleure formule au monde. Cependant, croyez-vous que le programme PSED a un rôle à jouer?

    Il y a la GRC, l'Association canadienne des policiers, ainsi que la police provinciale de l'Ontario qui nous disent tous qu'il faudrait y apporter des modifications mais que le programme doit être conservé. J'ai reçu des lettres de jeunes dont les parents sont des toxicomanes, ou des alcooliques, qui ont grandement apprécié le programme. Ça semble fonctionner en Alberta, n'est-ce pas?

+-

    M. Murray Finnerty: Pour ce qui est du programme PSED, notre commission estime que tout ce qu'on peut faire pour sensibiliser les parents et les enfants aux problèmes causés par les stupéfiants, l'alcool, etc. mérite notre appui. Toute initiative, que ce soit la GRC qui se rend dans les écoles, ou les programmes variés d'éducation publique, nous paraît tout à fait acceptable.

    Pour ce qui est des jeunes, nous avons constaté un effet immédiat et dramatique lorsqu'il y a un contact entre un agent de la GRC et des enfants plus jeunes. Les adolescents qui sont à l'école secondaire ont tendance à être un peu plus cyniques, etc.

    Il est vrai que les évaluations menées aux États-Unis ont démontré que le programme PSED a des lacunes au niveau du suivi et des effets à long terme. Puisque nous avons des bureaux dans 40 collectivités en Alberta, nous essayons d'établir des liens avec la GRC lorsqu'elle se présente dans les écoles—et nous connaissons bon nombre des agents qui s'occupent du PSED—parce que, neuf fois sur dix, quelqu'un ira ensuite trouver l'agent pour lui dire «savez-vous, moi j'ai un problème, ou bien c'est mon ami, et je suis très inquiet.» Ils s'adressent ensuite à nous pour assurer l'intervention et le suivi... très souvent ils se rendent dans les écoles mais il n'y a pas de suivi, et à ce moment-là on se pose des questions quant à la rentabilité du programme.

    En ce moment il y a un débat qui se livre en Alberta puisque la GRC aimerait que la province défraie les coûts du programme PSED. Nous disons, «Non, vous faites un travail excellent. C'est tout à l'honneur de la GRC. Continuez. Mais nous n'avons aucune intention de le financer. Il y a un aspect financier, mais le programme PSED fait aussi l'objet de discussions. Il est très populaire, surtout dans les régions rurales de l'Alberta.

    Nous n'avons aucune critique à faire à l'endroit du programme. Nous sommes en faveur de tout ce qui peut nous aider, mais est-ce que c'est rentable...?

+-

    M. Patrick Smith: Nous avons longuement parlé de la reddition de comptes, du fait que le fédéral doit être de plus en plus imputable. Et ça se transmet aussi aux niveaux inférieurs. Nous croyons que tout programme de prévention doit faire l'objet d'une évaluation claire avec des résultats concrets. Et c'est là où le bât blesse avec le programme PSED: il ne se compare pas toujours favorablement aux programmes qui ont pu démontrer des résultats positifs.

    Pour revenir à la question financière et aux choix qu'il faut faire en attribuant les fonds, il faudrait demander aux responsables du programme PSED, ou de tout autre programme, de présenter des données sur les résultats, avec une évaluation. Nous convenons tous que si quelque chose fonctionne, il faut le conserver, mais il ne faut surtout pas dire tout simplement: «On me dit que c'est très bien alors...». Ce n'est pas ce que nous faisons avec nos autres programmes, donc, je crois que celui-ci mérite une évaluation, comme on fait pour les autres programmes de prévention. Ensuite, ceux qui doivent attribuer des montants limités pourront faire leurs investissements en fonction de la base des données ou des preuves.

    C'est tout ce que j'ai à dire à ce sujet. Il ne s'agit pas de savoir si «on aime ou non un programme particulier.» C'est comme tout ce que nous faisons. Il faut se fonder sur des faits concrets et évaluer l'efficacité du programme.

  +-(1205)  

+-

    M. Kevin Sorenson: Il est parfois difficile de faire une évaluation d'un programme qui s'adresse aux jeunes de la quatrième à la sixième année, parce qu'on n'a pas affaire à des toxicomanes. Ce n'est qu'un aspect d'un programme global. Je ne dis pas qu'il n'y a pas de toxicomanie en sixième année. Il y a des familles de toxicomanes. Pour ce qui est de la rentabilité, celui qui traite les toxicomanes sur une base quotidienne trouvera sans doute les aspects positifs, mais je crois qu'il faut examiner cela en fonction de la situation globale.

+-

    M. Patrick Smith: Il existe des experts qui font l'évaluation de l'efficacité des programmes de prévention destinés aux jeunes du primaire; nous avons déjà ce qu'il faut. Il ne s'agit pas de leur demander s'ils ont consommé de la drogue le lendemain. Il faut plutôt examiner les changements d'attitude, les comportements qui sont des prérequis pour... Il y en a qui se font une carrière de ce genre d'évaluation. Le programme ontarien intitulé «Opening Doors», qui s'adresse aux jeunes de 4e et 6e années, a des résultats qui sont fort bien documentés. Nous devrions pouvoir nous servir des pratiques exemplaires en évaluant les programmes de prévention afin de s'assurer que tous ces programmes seront examinés avec le même soin minutieux.

+-

    M. Murray Finnerty: Onze pour cent des jeunes en Alberta commencent à fumer régulièrement avant l'âge de 10 ans. N'y a-t-il pas là matière à réflexion? Où sont les parents? C'était un commentaire à part. Il y a des choses incroyables qui se passent à l'insu du grand public.

+-

    La présidente: Une précision, s'il vous plaît, monsieur Finnerty. S'agit-il des enfants en milieu urbain ou en milieu rural ou bien, comme partout ailleurs, les trouve-t-on parmi la population générale?

+-

    M. Murray Finnerty: Je vous dirais que c'est surtout dans les régions rurales.

    Une voix: Derrière la grange.

    M. Murray Finnerty: Tout à fait, comme nous l'avons fait nous-mêmes, vous et moi.

    Des voix: Oh, oh!

+-

    La présidente: Madame Fry.

+-

    Mme Hedy Fry: Je m'excuse. J'ai bien dit que je n'avais pas de questions à poser, mais j'en ai une, qui n'a rien à voir avec les autres. Voici ce que je voulais vous demander. Si nous cherchons à mettre au point des objectifs que nous pouvons mesurer, croyez-vous qu'il nous faudrait une période de cinq ans suivie par une période de 10 ans pour établir ces objectifs?

    Pouvez-vous me donner un exemple d'un objectif mesurable? Pourriez-vous dire, par exemple, que nous voulons réduire de 50 p. 100 l'incidence du VIH et de l'hépatite C parmi les utilisateurs de drogues injectables d'ici cinq ans? Est-ce que c'est trop demandé? Devrait-on plutôt viser 10 p. 100? Quels sont ces objectifs mesurables?

+-

    M. Murray Finnerty: C'est une question fort intéressante. Pour l'instant, il nous est impossible d'obtenir des données de référence.

    Les projections en Alberta se feront sur une période de 10 ans. C'est sur le point de commencer. On m'a demandé une projection sur 10 ans pour l'alcool, les stupéfiants, le jeu et le tabac. Nous avons de la difficulté à obtenir des données de référence. Nous avons ce qu'il nous faut pour le tabac. Comme nous l'avons dit, la situation est assez prometteuse de ce côté-là. Si le niveau est à 28 p. 100 en Alberta, nous croyons que dans 10 ans il se situera à 18 p. 100. Mais les statistiques sur le tabagisme sont en évolution constante. Nous pouvons les influencer. Pour ce qui est de l'alcool, nous pensons que si nous pouvons maintenir le cap à 19 p. 100, ce qui est le taux actuel, ce sera déjà beau.

    Je vous dirais que la situation est encore pire pour ce qui est des stupéfiants. Nous n'avons pas de niveau de référence pour l'utilisation de drogues en Alberta. Je me tiens bien tranquille, sinon mon patron va me demander si j'ignore vraiment le niveau d'utilisation de la cocaïne en Alberta? Je regrette, monsieur le patron, je ne le sais pas. Donc comment puis-je faire une projection? Même si je le savais, malgré notre budget, la tâche ne serait pas facile. Nous aurons un mal fou à le maintenir à un niveau de, disons, 2 ou 3 p. 100. Nous avons du mal à nous rattraper. Il y a toutes ces nouvelles drogues, telles l'Ecstasy, qui circulent dans nos écoles secondaires. C'en est époustouflant. Les gens ne comprennent pas ce qui se passe sur le terrain.

    Il faut faire très attention aux projections à long terme. Mieux vaut oublier le 50 p. 100. Nous n'allons jamais pouvoir atteindre cet objectif.

  +-(1210)  

+-

    Mme Hedy Fry: C'est pour cette raison que je voulais vous demander ce qui est possible.

+-

    M. Patrick Smith: Je crois également que cela revient à la question suivante: Quelle est la tâche? Nous savons qu'il existe certains traitements qui sont efficaces à condition que les gens puissent y avoir accès. Je dirais qu'il serait surtout utile à ce comité qu'on examine les données de référence.

    Nous avons les données de référence quant aux listes d'attente pour avoir accès aux programmes de traitement qui existent dans les différentes provinces du Canada. Nous avons les données de référence sur le financement par habitant que fait chaque province en matière de santé. Si on pouvait se dire que, d'ici cinq ans, le financement pour la lutte contre la toxicomanie s'élèverait à x p. 100 dans toutes les provinces, je crois qu'il s'agirait donc d'un but mesurable parce que nous avons déjà nos données de référence et nous savons quelles mesures il faut prendre pour réduire de x  p. 100 les listes d'attente relatives à l'accès au traitement.

    Il faut se rappeler de notre tâche. Est-ce le mandat de ce comité d'être très précis? D'après moi, je demanderais au prochain niveau de s'en occuper, c'est-à-dire les gens qui font le travail. D'après moi, vous devrez surtout vous pencher sur les résultats que vous désirez obtenir pour qu'on puisse ensuite dire au bout de cinq ans que votre comité a bien fait son travail et que les provinces ont réussi à devenir beaucoup plus uniformes de façon à s'attaquer à la lutte contre la toxicomanie, à la consommation des substances et aux questions d'abus ainsi que le financement qu'elles y consacrent. Quel sera l'accès aux services; combien de temps faut-il attendre pour avoir accès aux services? Et les jeunes qui habitent Toronto, doivent-ils toujours se rendre aux États-Unis pour se faire soigner?

    Voilà les choses que nous savons déjà. Ce sont des choses mesurables que j'inscrirais dans votre rapport. Par la suite, pendant le processus, il faut demander aux gens qui sont plus près du terrain d'élaborer les buts plus précis de déterminer l'ampleur du problème au sein de la population.

+-

    La présidente: Michel Perron.

+-

    M. Michel Perron: Madame Fry, je crois également que, parmi les autres types de mesures que vous devrez peut-être examiner, il faut se pencher sur les données de mesures de prévention. Par exemple, il nous serait peut-être utile de voir un message uniforme qui se fonde sur les preuves, qui est évalué à des intervalles réguliers et qui s'évalue selon les derniers ouvrages. Il faut faire preuve de prudence lorsque nous examinons les données de prévalence. Ce sont les données qui provoquent des exclamations, mais ce sont les données qui provoquent «et alors» qui sont vraiment importantes. Quel est l'impact de cette prévalence?

    L'impact, les données, l'impact; autrement dit, si 80 p. 100 de la population canadienne boit, qu'est-ce que cela nous fait? Nous devrions plutôt nous pencher sur les impacts négatifs qui résultent du fait que 80 p. 100 de la population consomme de l'alcool. Il faut réduire les problèmes de boisson, les cuites d'un soir et la conduite avec facultés affaiblies. Je crois qu'il faut être très précis et se pencher sur l'impact plutôt que de se pencher sur la consommation à proprement parler.

+-

    La présidente: Monsieur Lee.

+-

    M. Derek Lee: Revenons à cette question, je ne veux pas donner l'impression que je suis plutôt négatif quand il s'agit du programme PSED parce que nous appuyons tous les efforts pour dissuader ceux qui peuvent l'être. Si les services de police réussissent à faire cela, tant mieux, mais est-ce qu'il y quelqu'un parmi vous qui aimerait dire quelque chose en ce qui concerne le fait que ce programme représente essentiellement le point de vue de l'application de la loi plutôt que le point de vue des soins de santé?

    Si on ne représente que le secteur de l'application de la loi, on a tendance à se pencher sur les activités qui sont légales et illégales, tandis que quelqu'un qui représente le secteur de la santé pourrait également aborder des sujets le tabagisme, l'alcool et, de façon générale, l'abus des substances légales et toute la question des soins de santé pour que les résultats, l'impact, l'impression qu'on laisse aux jeunes, seraient beaucoup plus larges et peut-être plus utiles par rapport aux autres expériences de la vie.

+-

    La présidente: M. Borody, M. Smith et M. Finnerty aimeraient prendre la parole et alors, effectivement, il y en a qui ont une opinion là-dessus.

+-

    M. John Borody: En effet, je peux vous donner un exemple étant donné que nous venons de terminer une étude sur la prévalence chez les jeunes l'année dernière; nous avons examiné la consommation des drogues et nous avons également élargi l'étude pour sonder les attitudes face à la consommation des drogues. Nous avons élargi ce sondage l'année passée. On a effectué un sondage dans les écoles secondaires, quelque 26 écoles dans la province, alors il faut être très prudent en interprétant l'échantillon représentatif, parce que nous avons des travailleurs dans un bon nombre de ces écoles. Nous avons déterminé que le programme PSED semble bien fonctionner pour un groupe d'âge là où il y a un certain respect pour l'application de la loi. Au fur et à mesure que les jeunes vieillissent, ce n'est pas nécessairement le fait qu'ils respectent moins la police, mais le facteur de risque s'élève. Par conséquent, lorsque vous étudiez les statistiques que Murray a mentionnées au sujet du tabagisme, au Manitoba nous avons découvert que le plupart des enfants commencent à fumer, en moyenne, avant l'âge de 12 ans. À l'âge de 12, ils faisaient déjà des expériences avec la consommation d'alcool et, vers la fin des 12 ans, lorsqu'ils avaient presque 13 ans, ils consommaient des drogues. Alors, dans un très court délai, en moins d'un an, c'est-à-dire lorsque vous commencez l'école secondaire au Manitoba, les enfants avaient déjà pris la décision de se lancer dans un tel comportement.

    À l'heure actuelle, nous envisageons offrir aux écoles intermédiaires un programme axé sur la prévention. Nous croyons que le programme PSED marche mieux avec les plus jeunes enfants. Au fur et à mesure que les jeunes commencent à courir plus de risques, on a affaire à un comportement de jeune. Qui va faire le saut en bungee? Sans doute ce n'est pas Patrick ou moi qui allons nous essayer. C'est sans doute des jeunes qui vont s'élancer. Étant donné que nous devons faire face à une question de comportement, nous essayons de leur inculquer des notions de santé publique, les facteurs de risque—leur faire comprendre les résultats possibles d'un tel comportement. Alors on ne parle pas seulement du côté application de la loi en disant «c'est illégal, c'est mauvais, et vous allez finir en prison», parce que cela sous-entend seulement si vous vous faites pincer. Il faut également leur faire comprendre qu'un tel comportement risque d'avoir des conséquences sur la santé.

    Alors nous avons déjà un projet cette année qui est offert dans ce contexte. Nous travaillons avec des jeunes qui ont déjà suivi le programme PSED. À l'heure actuelle, nous sommes sur le point de mettre sur pied un projet dans une école intermédiaire qui va mettre l'accent sur la prévention et nous avons l'intention de travailler auprès de ce même groupe une fois qu'il se rend à l'école secondaire. Comme Patrick l'a dit, il s'agit de faire des recherches pour déterminer qu'est-ce qui marche et qu'est-ce qui ne marche pas pour ensuite pouvoir nous présenter devant des groupes tels que le vôtre pour dire «notre expérience a démontré», plutôt que de dire «nous avons lu quelque part que».

    Je crois que la situation est encore trop récente pour nous permettre de vous donner une réponse définitive. Nous savons que ce programme marche pour certains groupes mais pas pour d'autres, pas pour des groupes plus âgés comme on l'a mentionné tout à l'heure.

  +-(1215)  

+-

    La présidente: Y en a-t-il d'autres qui veulent nous faire part de leurs observations à cet égard?

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    M. Patrick Smith: Je dirais simplement que je ne vais pas vous donner un avis étant donné que votre suggestion est, en effet, une hypothèse tout à fait possible et tout ce qu'on vous dit, c'est qu'il faut évaluer. C'est ce qu'on essaie de vous dire. Nous serions beaucoup plus à l'aise si nous étions en mesure de vous présenter des données pour ensuite dire que nous avons pris des mesures et voici les résultats du programme lorsqu'il a été offert par les experts en matière de santé par rapport aux policiers. Mais nous tenons également à souligner que nous voulons que tout le monde soit autour de la table. Nous applaudissons les efforts de tout le monde qui s'asseoit à la table pour assurer le succès de ce programme, c'est un bel exemple de partenariat. Mais il faut prendre des mesures, déterminer s'il y a des avantages différentiels qu'on peut tirer en offrant des programmes différents à des groupes d'âge différents. Voici le genre de choses sur lesquelles il faut se pencher. Mon opinion ne devrait pas avoir plus de poids que celle d'une personne ayant suivi le programme. Ce sont les données qu'il faut vraiment étudier.

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    La présidente: Merci.

    À ce sujet, vous dites à la page 5 de votre mémoire que «les stratégies de prévention tendent à accroître les facteurs de protection et à réduire les facteurs de risque...» Il ne faut pas oublier non plus la réduction des méfaits. Si un étudiant a décidé d'avoir une cuite, vous voulez être sûr qu'il ne se mettra pas au volant ni qu'il ne montera dans la voiture d'un autre qui a pris une cuite. Nous voulons augmenter les facteurs de protection. Le jeune doit comprendre qu'il peut appeler ses parents s'il a besoin qu'on vienne le chercher en voiture ou pour avertir qu'il passe la nuit en quelque part ou encore, si la situation dégénère quelque peu, qu'il a le droit d'appeler ses parents même s'il risque de mettre tout le monde dans le pétrin. En Nouvelle-Écosse, on nous a raconté l'histoire de jeunes qui s'étaient rendu compte qu'ils étaient dans le pétrin parce qu'ils avaient organisé une fête à l'extérieur du lieu de la remise des diplômes, mais qui avaient également compris qu'il leur fallait absolument amener à l'hôpital l'un des leurs sans quoi il risquait de mourir. Voilà ce que j'appelle augmenter les facteurs de protection. Il ne s'agit pas nécessairement d'empêcher tout le monde d'avoir une cuite ou d'empêcher qu'on fume en cachette, mais il s'agit d'aider les jeunes à prendre des décisions plus éclairées.

    J'ai beaucoup travaillé sur le dossier des jeunes contrevenants, et je crois qu'il faut aider les jeunes en les habilitant à prendre de meilleures décisions. Il faut qu'ils comprennent ce qu'impliquent les choix qu'ils font en matière de criminalité et du risque qu'ils ont de se nuire à eux-mêmes. Autrement dit, si vous choisissez d'aller faire un saut de bungee, il faut d'abord être sûr que la compagnie à laquelle vous vous adressez a bonne réputation et que votre parachute s'ouvrira. Il s'agit de prendre une décision éclairée lorsque vous choisissez d'avoir recours à des substances, pour savoir comment les utiliser, quand les utiliser et dans quelles conditions.

    La recherche constitue évidemment un facteur important, car elle aide les organismes communautaires à concevoir des programmes qui conviennent. C'est la seule chose qui marche, c'est la visite d'un agent de police dans une école sous les auspices du programme PSED, c'est formidable. Cela ne suffira pas à protéger le jeune ou l'adulte durant toute sa vie, mais cela sert à augmenter les facteurs de protection pour les jeunes.

    Il nous faut également comprendre que l'abus des substances nuit à la productivité au Canada et que ce phénomène peut faire la différence. En effet, si vous avez pris une cuite tout le weekend et que cela vous empêche de vous présenter au travail lundi matin, cela nous nuit à tous.

    Dans les journaux de mardi, et certainement sur les lèvres de tous les habitants de la ville, on parle des compressions à l'éducation. Or, on a beaucoup discuté déjà de l'éducation pour les jeunes en difficulté. Mais nos attachés de recherche, qui sont fantastiques, ont attiré mon attention sur le fait que—et pourtant ni les médias nationaux ni les médias locaux en parlent—on a réduit d'autant le soutien financier au programme d'aide aux étudiants d'Ottawa qui abusent des substances. Et pourtant, c'est là que l'on peut faire toute la différence! On parle ici de jeunes qui sont exposés à ces substances mais qui ne sont malheureusement pas dotés des outils nécessaires pour se protéger. Et pourtant, on n'en parle pas dans les médias nationaux, parce qu'on a préféré parler de l'éducation spécialisée qui a, évidemment, son importance. Pourtant, pour tous les étudiants, c'est l'abus des drogues qui est tout un défi.

    Comment justifier ce qui se passe? Dès lors que les corps constabulaires interviendront et inspecteront les casiers, quelqu'un d'autre devra payer la note. Et cela ne relève pas du conseil scolaire.

    Comment faire en sorte que les Canadiens comprennent que c'est une question de coût et d'avantages mais aussi une question d'investissement? Même si ce n'est pas dans votre propre enveloppe à vous que les économies se réalisent! Plus tôt cette semaine, quelqu'un nous a expliqué que si l'on diminuait le recours aux benzodiazépines chez les personnes âgées, alors que c'est la provinces qui remboursent ces médicaments, on économiserait en termes de fractures de la hanche et de soins associés, même si cela se trouve être dans l'enveloppe budgétaire d'un autre secteur et que cela concerne la qualité de vie.

    C'est tout un défi, et vous nous avez amplement donné matière à réflexion. J'en ai la tête qui tourne. Je suis sûre que tous les membres du comité sont conscients de tout ce que vous faites dans vos localités et dans vos provinces, et sont sensibles à votre passion et à votre énergie. Bonne chance dans votre nouvelle structure organisationnelle et merci de nous avoir éclairés.

    J'ai beaucoup parlé, et je ne suis pas sûre d'avoir posé quelque question que ce soit. Mais si vous voulez réagir, je vous laisse faire.

    Monsieur Smith.

  -(1220)  

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    M. Patrick Smith: Je dirais que votre résumé explique exactement ce qu'il nous faut, une orientation à un niveau suffisamment élevé pour qu'on ne songe pas aux petits sous mais bien à l'ensemble. On n'arrive pas à convaincre les gens d'examiner les autres aspects pécuniaires où il y a vraiment des économies. Vous avez bien exprimé ce que nous ressentons, fondé sur l'expérience des quelques dernières années d'enfer, ce qu'il faut, c'est des dirigeants à un niveau suffisamment élevé pour que quelqu'un voit qu'il y a lieu de dépenser dix sous de plus ici pour réaliser une économie d'un dollar là-bas. Alors quelqu'un pourra répartir le financement correctement. Ce que vous avez dit en terminant, c'est exactement pourquoi nous estimons qu'il faut que la direction vienne d'un niveau suffisamment élevé.

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    La présidente: Monsieur Perron.

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    M. Michel Perron: Brièvement, au nom du Conseil, compte tenu du fait que c'est notre première comparution ensemble, et que nous allons faire le point ensuite...

    Un témoin: Et que nous ne vous aimons pas.

    Des voix: Oh, oh!

    La présidente: Je ne sais pas au juste qui a dit ça.

    M. Michel Perron: Toutes ces révélations devant la caméra et devant les honorables députés.

    Merci beaucoup d'avoir accepté de nous rencontrer. Je sais que vous avez entendu de nombreux témoins. Nous espérons que nos commentaires ont atteint leur but. Certains ont peut-être été déçus, mais nous savions certainement ce que nous voulions dire. Vous n'oublierez pas qu'au cours de notre exposé nous avons offert d'être à votre disposition, soit personnellement ou ensemble. Nous sommes tout à fait disposés à vous servir et à vous aider. Nous vous souhaitons bonne chance dans vos délibérations et nous avons hâte de lire votre rapport.

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    La présidente: Merci.

    J'ai également l'impression que lorsque nous formulerons nos recommandations et qu'on tentera de voir d'où cela vient, nous allons avoir besoin de votre aide pour nous aider à communiquer avec la population, avec votre grand-mère...

    Un témoin: Ma mère.

    La présidente: --votre mère--pourquoi il nous faut investir ces 10c. partout au pays ce qui nous permettra d'économiser des dollars. Vous allez être nos partenaires dans la transmission de ce message. Merci et bonne chance.

    La séance est levée.