SNUD Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 23 mai 2002
¿ | 0905 |
La présidente (Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.)) |
¿ | 0910 |
Le révérend Ross Powell (Faith Alive Ministries) |
¿ | 0915 |
La présidente |
M. Lyell Armitage (ancien directeur, Services de lutte contre l'acoolisme et la toxicomanie, District de santé de Regina) |
¿ | 0920 |
¿ | 0925 |
La présidente |
¿ | 0930 |
Mme Sandra Lane |
¿ | 0935 |
¿ | 0940 |
La présidente |
M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ) |
La présidente |
M. Gary Beaudin (directeur exécutif, White Buffalo Youth Lodge) |
¿ | 0945 |
¿ | 0950 |
¿ | 0955 |
La présidente |
M. Gary Beaudin |
La présidente |
M. Réal Ménard |
La présidente |
Une voix |
La présidente |
Le rév. Powell |
À | 1000 |
La présidente |
Le rév. Powell |
La présidente |
À | 1005 |
Mme Skelton |
M. Lyell Armitage |
Mme Carol Skelton |
M. Lyell Armitage |
À | 1010 |
La présidente |
Mme Sandra Lane |
Mme Carol Skelton |
M. Gary Beaudin |
À | 1015 |
La présidente |
M. Réal Ménard |
La présidente |
M. Réal Ménard |
La présidente |
M. Réal Ménard |
La présidente |
M. Lyell Armitage |
M. Réal Ménard |
À | 1020 |
M. Lyell Armitage |
M. Réal Ménard |
La présidente |
M. Réal Ménard |
Mme Sandra Lane |
À | 1025 |
M. Réal Ménard |
M. Gary Beaudin |
M. Réal Ménard |
M. Gary Beaudin |
M. Réal Ménard |
M. Gary Beaudin |
À | 1030 |
M. Réal Ménard |
M. Gary Beaudin |
La présidente |
Mme Sandra Lane |
La présidente |
M. Lyell Armitage |
La présidente |
M. Lyell Armitage |
La présidente |
M. Réal Ménard |
La présidente |
À | 1035 |
M. Gary Beaudin |
La présidente |
M. Gary Beaudin |
La présidente |
M. Lyell Armitage |
La présidente |
M. Dominic LeBlanc (Beauséjour—Petitcodiac, Lib.) |
À | 1040 |
M. Gary Beaudin |
La présidente |
M. Dominic LeBlanc |
La présidente |
M. Dominic LeBlanc |
La présidente |
M. Lyell Armitage |
À | 1045 |
La présidente |
Mme Sandra Lane |
À | 1050 |
À | 1055 |
La présidente |
M. Gary Beaudin |
La présidente |
Le rév. Powell |
Á | 1100 |
La présidente |
La présidente |
Á | 1115 |
Mme Carol Skelton |
Mme Skelton |
Á | 1120 |
La présidente |
Mme Sandra Lane |
La présidente |
M. Lyell Armitage |
Mme Carol Skelton |
M. Gary Beaudin |
Á | 1125 |
Mme Carol Skelton |
Mme Sandra Lane |
Mme Carol Skelton |
M. Gary Beaudin |
Á | 1130 |
Mme Carol Skelton |
M. Gary Beaudin |
Mme Carol Skelton |
La présidente |
M. Gary Beaudin |
La présidente |
M. Gary Beaudin |
Mme Carol Skelton |
M. Gary Beaudin |
La présidente |
M. Lyell Armitage |
M. Gary Beaudin |
M. Lyell Armitage |
M. Gary Beaudin |
La présidente |
Á | 1135 |
M. Lyell Armitage |
La présidente |
M. Lyell Armitage |
La présidente |
Mme Sandra Lane |
Á | 1140 |
La présidente |
M. Gary Beaudin |
La présidente |
M. Gary Beaudin |
La présidente |
M. Gary Beaudin |
La présidente |
M. Gary Beaudin |
Á | 1145 |
La présidente |
M. Gary Beaudin |
La présidente |
Á | 1150 |
M. Gary Beaudin |
La présidente |
M. Gary Beaudin |
Á | 1155 |
La présidente |
Le rév. Powell |
La présidente |
Le rév. Powell |
La présidente |
Le rév. Powell |
La présidente |
Mme Sandra Lane |
M. Lyell Armitage |
La présidente |
M. Gary Beaudin |
La présidente |
Mme Sandra Lane |
M. Lyell Armitage |
 | 1200 |
La présidente |
 | 1205 |
M. Réal Ménard |
La présidente |
M. Réal Ménard |
La présidente |
M. Réal Ménard |
La présidente |
CANADA
Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments |
|
l |
|
l |
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 23 mai 2002
[Enregistrement électronique]
¿ (0905)
[Traduction]
La présidente (Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.)): Bonjour à tous. La séance est ouverte.
Nous sommes très heureux d'être ici à Saskatoon. Nous sommes le Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou de médicaments, qui a été constitué en mai 2001 conformément à un ordre de renvoi de la Chambre des communes. Il a pour mandat d'étudier les facteurs relatifs ou sous-jacents à l'utilisation non médicale des médicaments et drogues. Le 17 avril dernier, on nous a également renvoyé la teneur du projet de loi d'initiative parlementaire C-344, Loi modifiant la Loi sur les contraventions et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (marijuana).
Nous sommes très heureux d'accueillir aujourd'hui plusieurs témoins: de Faith Alive Ministries, le révérend Ross Powell; du district de santé de Regina, Lyell Armitage, l'ancien directeur des services de lutte contre l'alcoolisme et la toxicomanie et qui, de toute évidence, est encore en très bons termes avec ces services, puisqu'ils lui ont demandé de les représenter; du district de santé de Saskatoon, Sandra Lane, travailleuse en prévention primaire aux services de lutte contre la toxicomanie, et, enfin, du White Buffalo Youth Lodge, Gary Beaudin, qui en est le directeur exécutif. Soyez les bienvenus.
Avant que vous ne commenciez, j'aimerais vous présenter les membres du comité, représentés aujourd'hui par Carol Skelton, que nous sommes très heureux d'avoir parmi nous; Réal Ménard, député de Montréal, et Dominic LeBlanc, député du Nouveau-Brunswick. Je m'appelle Paddy Torsney et je suis députée de Burlington, en Ontario, près de Toronto.
Chantal Collin et Marilyn Pilon sont nos attachées de recherche; Eugene Morawski est notre greffier par intérim. Voulez-vous saluer?
Nous avons aussi toute une équipe de collaborateurs qui assurent le bon déroulement de la séance. Ils commandent tous les micros et vous invitent à ne pas y toucher. Nous avons un service d'interprétation et des récepteurs, si vous voulez écouter les délibérations en anglais ou en français. Nous en aurons sans doute besoin lors des questions.
Je suppose qu'on vous a dit que vous deviez limiter vos exposés à 10 minutes, n'est-ce pas? Je vais tenir le chronomètre et je vous ferai signe quand il vous restera une minute, puis je vous interromprai au bout de 10 minutes. Je vous demanderai de conclure. C'est là qu'une phrase commençant par «en conclusion» fera merveille.
Nous avons beaucoup de temps devant nous et je ne m'inquièterai pas trop si certains dépassent les 10 minutes imparties, mais par souci d'équité, je vous demanderais de conclure si vous en avez encore trop à dire.
Est-ce que quelqu'un aurait des questions à poser?
Révérend Powell, c'est vous qui commencez.
¿ (0910)
Le révérend Ross Powell (Faith Alive Ministries): Je voudrais tout d'abord vous remercier de m'avoir invité à la séance d'aujourd'hui.
En tant que ministre de la foi, je m'occupe de mes fidèles à plein temps depuis 20 ans et j'ai eu beaucoup à m'occuper d'utilisation non médicale de drogues et médicaments, et j'ai pu me rendre compte de son pouvoir destructeur.
Lorsque j'emploie le mot «drogues», j'y inclus également l'alcool, car je me suis aussi occupé d'alcoolisme. L'alcool a lui aussi une force destructrice considérable.
J'utilise la métaphore de l'eau de Javel sur un tissu. L'eau de Javel a tendance à détruire la matière. Elle va littéralement manger le tissu. À quel moment est-ce qu'elle va le détruire? Nous ne le savons pas, mais elle a un effet très puissant. C'est comme un acide qui dévore tout.
Je pense que sa consommation pose l'un des plus graves problèmes qu'on peut observer en matière de toxicomanie et d'alcoolisme. L'alcool détruit les familles et tout le monde—ou du moins bien du monde—, et beaucoup semblent croire qu'on n'y peut rien. On ne pourrait pas légiférer dans ce domaine.
J'entends très souvent dire que le gouvernement ne peut pas légiférer en matière de moralité. Permettez-moi de ne pas être d'accord, car je considère que le gouvernement a la responsabilité de fixer une norme. Je pense qu'il incombe au gouvernement de définir les fondements de nos valeurs, de ce à quoi nous croyons. Je crois que c'est tout à fait nécessaire dans notre société. On constate que la norme s'abaisse constamment en fonction du plus bas dénominateur commun et la tendance est donc toujours à la destruction. J'estime que le gouvernement doit agir de façon responsable. Lorsque je parle de légiférer...
Essayons de prendre un peu de recul. Notre Constitution nous accorde la liberté de culte. En fait, je constate que nous essayons plutôt de promouvoir la liberté par rapport à la religion. En matière religieuse—et plutôt que de parler de «religion», je préfère parler de «foi»—, la foi est quelque chose qui nous transcende. Les programmes qui m'ont paru efficaces—par exemple, les programmes en 12 étapes, les Alcooliques Anonymes et les Névrosés Anonymes—font tous la promotion d'une croyance en un pouvoir qui nous transcende. Autrement dit, nous ne sommes pas seuls en cause, car si c'était le cas, nous pourrions tout arranger. Mais nous avons vu la société s'élever et s'abîmer tour à tour.
J'ai vu la drogue détruire des familles, emporter des personnes responsables qui étaient chargées de familles, des pères, des mères, qui ont changé de perspective et qui ont laissé leur force morale déchoir au point d'abandonner leurs enfants dans la rue: personne ne s'occupe plus des enfants et les foyers sont littéralement détruits. Et malheureusement, en fin de compte, quelqu'un de l'extérieur essaie d'intervenir, mais à moins qu'un changement ne se produise de l'intérieur, il n'y aura pas de véritable changement.
Je perds un peu le fil de mes pensées car j'essaie d'anticiper sur mon propos.
La famille forme une société nucléaire. Sans la famille, il n'y a pas à proprement parler de société, car nous avons besoin les uns des autres. J'ai vu la drogue détruire tout cela. J'ai également vu... Pour ce qui est de...
Excusez-moi, je suis en train...
¿ (0915)
La présidente: Ça va. Voulez-vous que je vous redonne la parole plus tard?
Le rév. Powell: Oui, s'il vous plaît. Excusez-moi.
La présidente: Il n'y a aucun problème.
Monsieur Armitage, c'est à vous.
M. Lyell Armitage (ancien directeur, Services de lutte contre l'acoolisme et la toxicomanie, District de santé de Regina): Merci.
J'aimerais remercier les personnes qui m'ont invité à vous rencontrer ce matin.
Je voudrais simplement préciser que je suis l'ancien directeur des services de lutte contre l'alcoolisme et la toxicomanie. Jusqu'au 1er avril dernier, je faisais partie de l'organisme, mais je n'en fais plus partie. Certains de mes commentaires ne seront pas nécessairement représentatifs du point de vue du district de santé de Regina, et je tenais à le signaler. Je peux vous parler en toute franchise, puisque je n'ai plus à m'occuper du point de vue officiel de l'organisme.
Comme je l'ai dit, je suis l'ancien directeur des services de lutte contre l'alcoolisme et la toxicomanie au district de santé de Regina, et avant cela, je dirigeais la région sud de la Commission de lutte contre l'alcoolisme et la toxicomanie de Saskatchewan. Au total, j'ai 16 ans d'expérience dans ces deux postes.
J'ai travaillé dans le secteur privé comme conseiller dans le domaine des programmes d'aide aux employés et j'ai été conseiller principal dans une entreprise privée de counseling et d'experts-conseils en Colombie-Britannique pendant sept ans. Je me considère comme un pionnier dans le domaine de l'intervention en toxicomanie. J'ai une expérience professionnelle de plus de 26 ans dans le domaine du traitement et du rétablissement des toxicomanes.
Je suis moi-même un ancien buveur et c'est pour cette raison que je me suis intéressé indirectement à ce travail. Je suis sobre depuis 1960. Ma femme et moi avons eu la chance d'avoir quatre merveilleux enfants, trois garçons et une fille, qui nous ont eux-mêmes donné quatre petits-enfants. Nos trois fils souffrent eux aussi d'un problème de dépendance, et je suis très heureux de pouvoir vous dire qu'ils ont tous maîtrisé leur problème et qu'ils s'occupent eux-mêmes de leur récupération.
Pour résumer, je suis un conseiller, un expert-conseil et un administrateur d'expérience dans les domaines de la toxicomanie et de la récupération. J'occupe mes fonctions en tant qu'ancien alcoolique en voie de récupération. Je suis le père de trois enfants adultes présentant un problème de dépendance et je suis le grand-père de quatre beaux petits-enfants. J'estime représenter ici aujourd'hui les quatre plus jeunes membres de notre famille étendue, à cause de mes préoccupations concernant tout le domaine de la consommation de drogue.
Je tiens à être très clair. Je pense que nous faisons fausse route quand nous parlons de dépénalisation ou de légalisation de la consommation de drogue. Je pense qu'il faut insister davantage sur l'éducation primaire et la formation, sur la prévention de la toxicomanie, sur la réduction de l'incidence de la consommation de drogue, sur le rejet de la toxicomanie en tant que comportement acceptable et sur l'amélioration et la disponibilité des traitements pour les toxicomanes, non seulement dans l'ensemble du pays, mais aussi en particulier dans cette province.
Je crois en l'abstinence pour ceux qui souffrent d'un problème de dépendance. Il est important de reconnaître que toutes les substances psychotropes perturbent considérablement le fonctionnement du système nerveux central. La manifestation la plus évidente de cette perturbation est l'euphorie, qui constitue à mon sens l'une des principales motivations des consommateurs.
Cependant, l'effet psychotrope s'accompagne d'une altération profonde du jugement et du contrôle des impulsions, d'une instabilité de l'humeur et d'une intolérance au stress. Généralement, on voit apparaître, parmi les premiers signes de la dépendance, une détérioration des relations. Les familles se disloquent et les partenariats se désintègrent. En définitive, l'individu compromet son aptitude au travail, finit par perdre son emploi et se trouve confronté toute sa vie à la destruction.
Il convient de remarquer que bien plus souvent qu'autrement, la toxicomanie engendre la pauvreté, la criminalité et la dégénérescence neuropsychiatrique. À mon avis, les substances psychotropes ne peuvent pas être consommées sans danger.
Malheureusement, le principe de la récupération fondée sur l'abstinence est tombé en disgrâce auprès de ceux qui financent actuellement les programmes de traitement dans notre province. Le mot d'ordre essentiel, c'est désormais la réduction des méfaits, ce qui signifie généralement que l'action des pouvoirs publics doit être axée sur l'atténuation des méfaits associés à la consommation de drogue plutôt que sur la réduction de cette consommation ou sur l'aide aux toxicomanes pour qu'ils puissent se passer de drogue. Les pouvoirs publics semblent avoir changé d'orientation en faveur de l'approche de réduction des méfaits, qui accepte davantage la consommation de drogue et qui met l'accent avant tout non pas sur la consommation, mais sur la réduction de certains méfaits.
Bien qu'on ait procédé à ce changement d'orientation, il n'est pas prouvé que la réduction des méfaits fonctionne comme elle est censée le faire, c'est-à-dire qu'elle atténue les méfaits de la consommation de drogue. Dans les pays qui ont adopté cette formule, on signale une augmentation du nombre des toxicomanes, alors qu'on ne note aucun avantage mesurable sous forme de réduction de l'incidence du VIH et des autres maladies transmissibles par rapport aux pays qui appliquent des politiques plus restrictives. Je fais ici référence à une étude qui comparait récemment les politiques antidrogue des Pays-Bas et de la Suède. D'après cette étude, c'est le traitement et non pas la réduction des méfaits qui reste la stratégie la plus efficace pour enrayer les problèmes de VIH et d'hépatite chez les toxicomanes. La Suède a obtenu d'excellents résultats dans ce domaine par un programme intensif, global et prolongé de traitement.
¿ (0920)
D'après mon expérience, certaines personnes cèdent à la saveur du mois, ou à une panacée dont elles pensent qu'elle va apporter la réponse à leur problème. Certains considèrent qu'il est séduisant de s'adonner aux nouvelles idées, de faire partie de l'avant-garde, etc. À mon avis, ce qu'il faut faire, c'est s'améliorer constamment dans son travail. En Saskatchewan, nous sommes très fiers d'avoir une longue histoire de succès dans les services de traitement, de prévention et de récupération. Je crains que nous soyons en train de nous éloigner de ces succès à cause de cette formule de réduction des méfaits.
J'ai trois propositions à faire au comité.
Tout d'abord, je pense que le pays devrait s'intéresser davantage à la façon dont il a négligé la prévention, notamment la prévention primaire, qui manque d'uniformité et qui se trouve marginalisée par rapport aux autres éléments de réponse aux problèmes de la drogue. On sait que la prévention est efficace lorsqu'elle est uniforme, globale et durable. J'invite le gouvernement canadien à considérer que la stratégie mettant l'accent sur la réduction des méfaits risque de porter préjudice à la prévention dans nos services de première ligne et de rendre la tâche plus difficile à ceux qui en sont responsables. Il faudrait s'inspirer des succès obtenus en matière d'alcool au volant, de tabagisme, d'habitudes alimentaires et autres comportements, où on a enregistré des progrès sensibles depuis quelques décennies grâce à des campagnes uniformes, globales et durables de prévention. Je considère qu'il faut adopter non pas la réduction des méfaits, mais la prévention, comme principe d'intervention pour combattre la toxicomanie. C'est un principe positif, qui exprime l'espoir et l'aspiration à une société meilleure d'une façon beaucoup plus convaincante que la réduction des méfaits qui, en définitive, peut être interprétée comme une renonciation, puisqu'on considère qu'il n'y a plus rien à faire et qu'il faut accepter la drogue. Je suis convaincu que la prévention est préférable à la réduction des méfaits.
Je pense qu'il faudrait s'interroger sérieusement sur la qualité et l'accessibilité de nos centres de traitement par rapport à leur mission, qui est d'aider les toxicomanes à se débarrasser de leur problème et à renoncer à la drogue. En général, l'Europe, et particulièrement la Suède, offre de biens meilleurs exemples à cet égard. On note une grave pénurie de lits de traitement dans notre pays, ainsi qu'un manque sérieux de soins complets de longue durée susceptibles de garantir une bonne réhabilitation. Je suis convaincu que le traitement est la meilleure forme de réductdion des méfaits.
Enfin, je pense qu'il ne faut pas accepter ou continuer d'utiliser l'idée de réduction des méfaits comme principale réponse aux problèmes de toxicomanie. Il faudrait plutôt maintenir la législation actuelle qui assure un contrôle sur la disponibilité matérielle et économique de la drogue et sur son degré d'acceptation sur le plan social. Il faudrait plutôt s'efforcer de réduire cette acceptation. S'il y a des modifications à apporter à la législation en matière de drogue, je souhaite qu'elles soient limitées à la proposition de solutions de rechange aux accusations et aux peines d'emprisonnement. Ces solutions de rechange devraient comprendre les traitements, les services communautaires et l'éducation. La réduction de la disponibilité et de l'acceptation de la drogue grâce à la législation est à mon sens la meilleure forme de réduction des méfaits.
Je vous remercie.
¿ (0925)
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Armitage.
Je pense que malheureusement, M. Powell ne reviendra pas.
Nous allons maintenant écouter Mme Lane.
¿ (0930)
Mme Sandra Lane (intervenante en prévention primaire, District de santé de Saskatoon): J'étais en train de me dire que cette séance arrivait à point nommé, puisque nos journaux évoquent aujourd'hui le décès d'une jeune femme de notre ville, survenu la semaine dernière, parce qu'elle avait consommé de la drogue à l'occasion d'un party rave. Votre séance arrive donc à point nommé.
Je travaille depuis 31 ans dans les services d'aide aux toxicomanes de notre province. J'étais alors bien jeune. Pendant les années 70, j'ai été infirmière dans un centre de traitement destiné à de jeunes toxicomanes, à partir de 12 ans jusqu'à l'âge adulte. Je suis ensuite devenue conseillère dans le même centre. Puis j'ai travaillé dans une clinique externe dans le cadre d'un programme de sensibilisation destiné notamment aux conducteurs qui consomment de l'alcool.
Mais j'ai toujours considéré que nous manquons le bateau. Il y a une quinzaine d'années, je me suis orientée vers la prévention et l'éducation. Comme l'a dit l'intervenant précédent, nous avons manqué le bateau en matière d'éducation. C'est un échec. Les jeunes, les parents et les familles misent sur l'éducation pour savoir ce qu'ils peuvent faire, et il ne se passe rien.
La consommation de drogue augmente, d'après ce que je constate. Lorsque les jeunes viennent me voir ou lorsque j'interviens dans une salle de classe, ils me disent qu'ils ne boivent plus. Ils n'ont plus besoin de boire, puisqu'ils peuvent obtenir de la drogue, qui est facile à cacher et que personne ne viendra leur voler. Les jeunes que je vois dans mon bureau me disent souvent: «je ne bois pas d'alcool» ou même «je n'ai jamais bu d'alcool». C'est un véritable changement par rapport à la tendance antérieure, parce qu'autrefois, la plupart des jeunes disaient: «oui, j'ai commencé par quelques bières». Il y a donc eu un changement, que je constate dans mon travail. Je trouve la situation très intéressante, sans doute à cause de mon âge.
J'en suis venue à travailler dans ce domaine parce que je suis la femme et la mère de personnes qui sont devenues dépendantes à l'alcool ou à la marijuana. Ce sont des situations tout à fait effrayantes, que je connais donc personnellement. Mais je pense que dans ce domaine, tout le monde a une certaine expérience personnelle.
Je suis convaincue que c'est avant tout une question de famille. C'est ce que j'ai entendu dire à plusieurs reprises. Il y a même actuellement dans cette ville une conférence sur la toxicomanie où il est question de retour à la famille. Je travaille en milieu scolaire auprès d'un grand nombre de familles dont les parents, qui savent très peu de choses, sont tout à fait surpris des connaissances qu'il leur faut acquérir. Je leur dis toujours qu'ils doivent en savoir plus que leurs enfants. J'essaie de leur donner de l'information, pour qu'ils soient prêts. Bien souvent, les jeunes ont à peine commencé à grandir et les parents se séparent, au moment où leurs enfants en auraient le plus besoin. Je pense donc avant tout qu'il faut miser sur une approche familiale.
Je viens de rédiger quelques notes sur les principes auxquels je crois. Une fois que je vous en aurai fait part, je répondrai volontiers à vos questions.
Tout d'abord, je pense qu'il faut placer en bon ordre la prévention primaire, l'intervention précoce, la récupération, le traitement et les services secondaires, tertiaires ou autres. Il faut d'abord travailler sur l'élément de prévention. Nous ne prévenons pas suffisamment tous ces problèmes. Ce serait merveilleux qu'on puisse les prévenir, mais cela n'arrivera sans doute jamais.
Il faut savoir que l'intervention précoce est ensuite une étape très importante. Il faut intervenir dès le début, car la recherche montre que plus on met précocément un terme au processus de dépendance et plus le toxicomane a des chances de récupérer. Lorsque la dépendance peut se développer pendant un certain temps, il est beaucoup plus difficile de remettre sur la bonne voie quelqu'un qui a déjà beaucoup perdu. C'est une simple question de bon sens.
Il faut donc comprendre que la prévention primaire est la toute première partie du processus et qu'elle est trop souvent sacrifiée. L'autre partie du processus est beaucoup moins intéressante. On l'a en pleine face. Tous les jours, dans mon bureau, je consacre beaucoup plus de temps à des appels concernant des personnes en difficulté que je ne peux en consacrer à la prévention. Les cas à problème sont innombrables. Il faudrait donc mettre davantage l'accent sur la prévention.
Je pense qu'il faut aussi cibler l'élément préventif du savoir. Je dis toujours aux jeunes: «Vous êtes des jeunes très avisés. Vous avez acquis des connaissances, vous pouvez prendre des décisions.» Quand on ne connaît rien, comment peut-on prendre une décision en matière de drogue? Comment prendre une décision quand on ne sait pas ce à quoi on s'expose? Bien souvent, les jeunes ne savent pas qu'on pourra les empêcher de voyager s'ils sont accusés d'avoir consommé de la marijuana. Pour eux, c'est une surprise totale. Ils ne savent pas que si une accusation est portée contre eux, ils ne pourront jamais devenir policier, alors qu'ils en ont toujours rêvé. Il faut qu'ils le sachent.
La connaissance est donc primordiale, et c'est par l'éducation qu'on peut le mieux influer sur l'attitude des gens. J'ai dit que la famille vient en premier, et c'est justement à travers elle que l'on éduque tous ces jeunes.
Nous avons rédigé une brochure à l'intention des joueurs de hockey, et en avons apporté un exemplaire pour chacun d'entre vous. Je vais ajouter encore quelques mots au sujet de cette initiative. L'autre jour, un parent me disait que grâce à la brochure, on avait réussi pour la première fois à parler avec les jeunes de l'attrait des drogues et de la toxicomanie. Imaginez ce qu'on pourrait faire à une vaste échelle.
La persuasion me paraît très utile pour changer les mentalités. En effet, il est important de savoir parler aux jeunes et à leurs familles, et de défendre les valeurs auxquelles on croit, même si le reste du monde ne les partage pas.
Ciblez certains des groupes à risque. J'ai moi-même mentionné avoir vécu avec un homme alcoolique et que mon fils était devenu dépendant envers la marijuana. Ciblez les groupes dont nous savons qu'ils sont à risque. Nous les connaissons; nos centres de traitement en font l'expérience, et tous les travaux de recherche nous fournissent aussi des renseignements sur eux. Il faut que nous soyons en mesure de dire aux membres de ces groupes, «voici ce qui peut vous arriver». Il ne faut pas non plus négliger de viser aussi les principales influences sur ces groupes.
Certes, lorsqu'on modifie les lois, on modifie en même temps les mesures de contrôle. Si par exemple l'âge minimal de consommation est augmentée, on observera une évolution dans la tendance à la consommation. Les mesures législatives participent certainement au contrôle social.
Il faut parler aussi du développement de la confiance en soi chez les jeunes, de leur estime de soi, car ceux que nous recevons dans nos services nous disent d'emblée sentir qu'ils ne valent rien, mais dans des termes plus crus, que je n'utiliserai pas ici. Au fil des ans, leur estime de soi s'est érodée. On se rend compte en parlant à ces jeunes qu'il est impératif de les aider à retrouver le sentiment de leur propre valeur. Les aider à avoir confiance en eux-mêmes les ramènera à cette estime de soi et à la confiance dans leurs aptitudes. Tout cela est extrêmement important.
¿ (0935)
Il faut donc vraiment nous concentrer sur la prévention primaire, car elle est souvent négligée au profit des mesures d'intervention beaucoup plus tardives. À cette fin, il faut concevoir et mettre en oeuvre des programmes scolaires encadrés par les jeunes eux-mêmes. Ce n'est pas la première fois qu'on préconise l'écoute des jeunes par d'autres jeunes, surtout lorsque ces derniers sont bien renseignés. C'est très différent d'une intervention d'adulte, comme le serait la mienne si j'entrais dans une classe pour y parler de la toxicomanie. Il est vraiment gratifiant de voir des initiatives prises par des semblables.
Il nous faut davantage de matériel didactique, afin de concevoir des programmes de prévention primaire et d'intervention précoce à l'intention des parents, et de susciter l'intérêt de ces derniers. Je l'ai déjà dit, c'est au sein de la famille que l'on trouvera le remède à ce problème.
Il nous faut des lignes directrices pour élaborer les politiques relatives à la consommation d'alcool et de drogue dans toutes les circonstances de la vie des jeunes. Cette brochure s'inscrit dans une telle initiative. Elle a d'ailleurs été rédigée par le District de santé de Saskatoon et l'Association de hockey mineur de Saskatoon. Elle a été conçue pour aider les entraîneurs et les parents des jeunes joueurs de hockey à prendre les mesures susceptibles de les protéger.
Il faut que des imprimés et des vidéos de prévention modernes soient diffusés et disponibles. Peut-être est-ce à cause de ma personnalité, mais j'ai souvent l'impression qu'il est difficile de trouver des renseignements canadiens pertinents et à jour.
Il faut également que nous diffusions des messages destinés aux jeunes et à leurs parents dans les médias, et que les renseignements fournis soient exacts. De tels messages doivent favoriser la communication, afin que nous puissions échanger, tant avec les jeunes que les autres sur ce qui se passe. J'en ai regardé un l'autre jour, qui portait sur l'ecstasy. J'ignore sur quelle chaîne il a été diffusé, mais c'était très stimulant. Le message était tellement rapide que je me suis à peine rendue compte de ce qui se passait. Il y était question des effets de l'ecstasy sur le cerveau. J'ai à peine eu le temps de penser, «j'aimerais biens que mon petit-fils soit ici, car il en apprendrait des choses, n'est-ce pas?» Mais c'était déjà terminé. C'est le genre de renseignements qui nous tombent dessus sans crier gare, et qui nous en apprennent énormément.
Il faut que l'éducation des jeunes soit cohérente, permanente et pertinente. M. Armitage a justement mentionné l'incohérence de ce qui se fait. Or tout cela est destiné à nos jeunes, et il faut donc un plan d'ensemble cohérent. Nous ne devrions pas avoir peur de parler de ces choses.
J'aimerais maintenant évoquer certaines choses liées à mon travail de prévention. Je vais constamment dans les écoles pour y tenir des séances d'information. Les jeunes adorent tout simplement ce que je leur dis, et ils absorbent tout, tellement ils aiment se renseigner. Ils prennent ensuite des décisions et rédigent des travaux. Cependant, ni moi, ni les trois ou quatre autres personnes qui s'occupent de ce genre de choses ne suffisons à la tâche. Il y a 500 ou 600 écoles à couvrir. Il nous est impossible de joindre tout le monde.
Nous participons aussi à des programmes destinés aux parents. À cet égard, je travaille en collaboration très étroite avec la police de Saskatoon, dont vous entendrez d'ailleurs le témoignage demain, afin de mettre en oeuvre un programme de formation à la résistance aux drogues et à l'alcool. Le programme comporte un volet conçu pour les parents et un autre qui vise les jeunes.
Au sujet de la prévention primaire... Vous n'ignorez sans doute pas que bon nombre de ceux et celles qui participent à ces programmes le font parce qu'ils connaissent quelqu'un qui a des problèmes. Ils sont conscients du besoin. Lorsqu'on n'a pas besoin d'un tel programme, on a beaucoup moins tendance à collaborer.
Il faut que nous tenions des colloques destinés aux professionnels de tous les milieux, afin qu'il y ait concertation, que chacun ne travaille pas dans l'isolement pour lutter contre ces problèmes ou le prévenir. Il faut donc que nous nous associions à tous les autres organismes qui ont de l'influence auprès des jeunes. Il existe des programmes comme le Wraparound, l'Absentee Assessment Team Project, le projet Kids First, initiatives avec lesquelles il faut collaborer, afin d'éviter le cloisement.
Il faut aussi qu'on tienne des consultations comme celles d'aujourd'hui, afin que la population entende ce qui se dit sur le sujet et transmette les messages de ceux qui travaillent sur le terrain et qui se soucient de la situation des jeunes.
En dernier lieu, je rappelle que je crois en la prévention, en l'intervention précoce et à la guérison, et je crois aussi que chaque personne est unique. Nous ne pouvons mettre tout le monde dans le même sac et dire qu'il y a une seule solution pour tous. Il faut que nous examinions les gens sur les plans biologique, psychologique, social et spirituel, et que nous étudiions les enjeux avec les groupes et les particuliers afin de répondre aux besoins divers de chacun. Si nous n'agissons pas, nous allons laisser échapper l'occasion, et nous serons condamnés à faire face au même problème.
C'est tout ce que j'avais à dire. Je vous remercie.
La présidente: Je vous remercie.
Mme Sandra Lane: J'en aurais encore beaucoup à dire, mais...
¿ (0940)
La présidente: J'allais dire que vous aurez sans doute l'occasion de développer encore votre propos à la période des questions.
Oh, oui. C'est en anglais seulement.
[Français]
M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Il serait difficile de faire traduire le mémoire. Je pense qu'on pourrait quand même le distribuer.
[Traduction]
La présidente: Bien.
Écoutons M. Beaudin.
[Français]
M. Gary Beaudin (directeur exécutif, White Buffalo Youth Lodge): Bon matin. Il fait beau aujourd'hui. Bienvenue à Saskatoon.
[Traduction]
Je travaille au White Buffalo Youth Lodge. C'est un centre d'accueil situé au centre de Saskatoon, et dont la forme reproduit un grand teepee, ce qui attire immanquablement les regards lorsqu'on passe devant. C'est l'un des plus beaux centres en ville.
Le centre est le fruit d'un partenariat avec le Conseil tribal de Saskatoon, le District de santé de Saskatoon, la Ville de Saskatoon et les Nations métis de la Saskatchewan. Il a été mis sur pied parce qu'au centre de Saskatoon, il était nécessaire d'offrir des programmes à l'intention des centaines de jeunes qui vivent dans la pauvreté, et connaissent presque tous les problèmes imaginables, comme la toxicomanie et l'exploitation. Rien n'avait été conçu à leur intention.
Des gestionnaires dynamiques se sont donc réunis, et ils ont eu la bonne idée d'ouvrir un lieu d'accueil au centre-ville qui répondrait aux besoins en loisirs et en soins de santé ainsi qu'aux besoins spirituels et culturels des jeunes de ce quartier.
La plupart des familles qui vivent dans ce milieu sont très isolées. La plupart sont en proie aux problèmes résultant du passage de leurs membres dans les internats d'enseignement religieux et de toutes leurs séquelles. Il y a d'énormes problèmes de négligence dans les foyers de ce quartier. Au sein des populations autochtones et métis, il reste encore des séquelles graves de cet épisode de leur histoire. On observe encore beaucoup de négligence et de problèmes vraiment très aigus.
En raison de cela, nos enfants ne reçoivent pas le même niveau de services que d'autres. Ma mère est autochtone et mon père métis, et ma famille se ressent donc encore des effets de l'instruction au sein des internats religieux et ce genre de chose. Dans notre milieu, on observe que nos enfants suivent un chemin presque déterminé, celui qui les mène devant les tribunaux, à l'alcoolisme, à la violence et à d'autres problèmes très répandus, et dont on a profité pour en faire les stéréotypes des Premières nations et des Métis.
Nous offrons divers services, surtout de prévention. Les enfants que nous traitons sont certainement différents de tous les autres de notre collectivité. Ainsi que le disait Sandra, nous ne pouvons certainement pas les mettre tous dans le même sac, et il est d'ailleurs important que nous nous abstenions de le faire. Lorsque l'on parle aussi de groupes à risque, je connais des adolescents qui risquent de commencer à fumer de la marijuana et à boire de l'alcool, mais nos enfants à nous courent tous les jours le risque de mourir, plusieurs sont dans cette situation. Ils risquent d'être violés dans des coins sombres par leurs clients. C'est à ce genre de danger-là que nos jeunes sont exposés.
Nos jeunes cassent des vitres et dérobent des choses dans les voitures parce qu'ils sont obligés de le faire. Ils ont faim et les prestations d'aide sociale ne sont pas assez élevées pour qu'ils puissent s'acheter de la nourriture, ils doivent donc aller au centre d'accueil comme le Friendship Inn, à la soupe populaire et l'Armée du Salut. C'est pour cela qu'ils volent. Ils utilisent aussi leurs maigres ressources pour s'acheter des médicaments parce qu'ils souffrent physiquement et mentalement des sévices qu'on leur a infligés. Ils sont victimes de souvenirs dévastateurs, de traumatismes et du syndrome du stress post-traumatique. Ils consomment donc de la drogue pour ces raisons-là.
Lorsque j'avais 15 ou 16 ans, j'ai moi-même commencé à consommer de la drogue, surtout de la marijuana, du haschisch et ce genre de choses. Je le faisais surtout parce que je n'avais aucune estime de moi. Je vivais dans une petite collectivité de l'Alberta, où il n'y avait vraiment rien à faire. Cependant, ma famille était autochtone vivant en milieu autochtone, et nous connaissions donc de graves problèmes sur une base quotidienne, comme le racisme, l'absence d'estime de soi, la perte d'identité et ce genre de chose.
En raison de tout cela, des amis à moi, dont tous n'étaient pas nécessairement autochtones, et moi-même étions toxicomanes parce que nous nous sentions très mal dans notre peau. C'était tout simple. Nous étions toxicomanes parce qu'il nous manquait des choses essentielles à tout enfant. Nous consommions de la drogue parce qu'elle créait un sentiment de convivialité. Nous en prenions parce que cela nous donnait un peu d'identité et nous rendait parfois populaires à l'école. Consommer de la drogue nous inscrivait dans une culture. La drogue faisait d'ailleurs partie des références de la musique que nous écoutions tout le temps. C'était cool de se droguer. C'était pour toutes ces raisons que nous nous droguions.
¿ (0945)
Mais dans le travail que je fais aujourd'hui, je n'ai jamais vu de jeunes ayant tant d'obstacles dans leur vie. Nos jeunes doivent faire face à de si nombreux problèmes de survie de façon quotidienne, qu'ils arrivent à survivre dans la vie mieux que ne le pourrait un adulte.
Nous avons plusieurs programmes de loisirs destinés à favoriser la participation des jeunes. Il s'agit de favoriser la participation des jeunes et de gagner leur confiance et non pas d'installer dans un établissement des personnes vêtues de blouses de laboratoire et munies de tableaux de papier, et de trucs de ce genre, pour qu'ils y enseignent. L'essentiel est de favoriser la participation des jeunes. Nous avons aussi un travailleur en toxicomanie provenant des services de santé, et dans le cadre de nos partenariats, nous avons plusieurs employés des services de loisirs. Ces personnes ne ressemblent pas à leur profession. Elles ressemblent plutôt à des êtres humains.
Utiliser les loisirs comme moyen...il est très important de détecter les problèmes d'identité et d'estime de soi que connaissent nos enfants. Notre infirmière joue au basket-ball, ce qui lui permet d'établir un contact avec les jeunes afin qu'elle puisse les aider avec leur santé sexuelle et d'autres genres de choses. Notre travailleur en toxicomanie amène les enfants nager et fait avec eux un cercle de vie comme moyen d'établir la confiance et des liens avec les jeunes afin qu'ils viennent lui parler de leur usage constant de drogue.
Ils courent le risque de prendre de la drogue par voie intraveineuse. C'est le genre de choses dont nos jeunes parlent à notre personnel. Par exemple, ils n'ont rien et ils ont un copain ou quelqu'un qui veut les faire travailler, ou il peut s'agir d'un membre de leur famille, ou ils jouent devant chez eux, ils ont huit ans et des gens s'arrêtent pour leur offrir de l'argent contre des faveurs sexuelles. Ils n'ont rien. Certains de nos jeunes consomment constamment de la drogue.
Nous avons créé un continuum de services à titre préventif, qui commence à l'âge de zéro à un an. Nous avons de très nombreux partenariats. Par exemple, Urban First Nation Services Inc. a mis sur pied plusieurs programmes, comme son programme Bon départ—une initiative fédérale—destiné aux enfants et aux familles de zéro à trois à quatre ans. Ils peuvent ensuite participer à nos programmes de garde parascolaire où nous leur offrons une collation, des loisirs et beaucoup d'acceptation, d'amour sans réserve ainsi qu'un sentiment d'appartenance. C'est assurément ce qui manque à nos jeunes.
Puis nous passons à différentes catégories d'âge. Nous allons jusqu'à 17 ans. Nous avons aussi certains programmes destinés à la famille. L'objectif est de favoriser leur participation grâce à nos programmes. Nous avons deux programmes. Nous avons des aînés. Nous avons des programmes parascolaires. Nous avons deux salles de classe et des partenariats avec les systèmes scolaires publics et catholiques. Le système catholique installe un enseignant et un aide-enseignant dans une salle, pour mettre l'accent sur les jeunes qui ont décroché depuis environ six mois ou plus. Dans notre collectivité, il y a des centaines de jeunes qui ont décroché depuis plus de six mois. Certains des jeunes qui viennent nous voir ont décroché depuis quatre ans. Des familles arrivent avec des jeunes de 6, 7, 11 ou 12 ans, qui ne vont plus à l'école depuis un an et qui n'ont absolument aucun lien avec l'école. Ils en sont arrivés à un tel stade que personne ne sait où ils se trouvent. Le seul moyen de retrouver leur trace, c'est par le biais de l'aide sociale. C'est une situation attristante.
Nous avons un programme qui fait songer à une petite collectivité. Notre salle de classe d'études secondaires bénéficie de l'appui du travailleur en toxicomanie, de l'infirmière et d'un enseignant. Lorsque les enfants se présentent après deux jours d'absence, c'est le type d'enseignant qui demandera, «Où étais-tu? Je m'inquiétais à ton sujet. As-tu mangé?». Nous devons accepter que les enfants qui se présentent vivent comme des enfants de la rue. Certains d'entre eux sont debout jusqu'à quatre heures du matin mais parviennent quand même à arriver à l'école à 9 h 30 ou 10 heures. Nous devons accepter que c'est le style de vie qu'ils mènent. Si nous ne cessons de dire aux jeunes, «désolé, tu ne cadres pas avec notre système, je vais te suspendre parce que tu as manqué l'école», nous allons finir par nous trouver aux prises avec un problème beaucoup plus important en bout de ligne. C'est parce que la plupart de ces enfants et de ces gens aboutissent dans un autre système—le système pénal. C'est ce que nous constatons tous les jours sans exception. À nos yeux, c'est très important.
La toxicomanie, la consommation de drogue et les problèmes d'estime de soi semblent tous être reliés. Il n'y a pas un aspect en particulier... donc nous devons assurer une forme intégrée de service, qui fonctionne bien. Il s'agit d'un service très convivial, axé sur le client. Il s'agit d'un groupe de personnes qui répond aux besoins d'un client, et qui vise les mêmes objectifs, dans l'intérêt du client.
¿ (0950)
Certains jeunes qui viennent chez nous consomment de la drogue; certains ont développé une accoutumance aux drogues prises par voie intraveineuse. Nous voyons des jeunes qui sont obligés de transporter des pilules pour des jeunes plus âgés parce qu'ils ne s'attireront pas beaucoup d'ennuis s'ils le font. Ce sont de petits passeurs de drogues. Nous voyons des jeunes qui ont déjà développé une accoutumance à des médicaments en vente libre, comme le Gravol. Bien entendu, il y a aussi des enfants qui ont développé une accoutumance au Ritalin, et qui présentent un comportement caractéristique de ceux qui prennent du Ritalin. Nous avons un grand nombre d'enfants victimes du syndrome d'alcoolisme foetal. C'est un autre problème qui va devenir énorme. Nous voyons plusieurs enfants qui présentent des séquelles du syndrome d'alcoolisme foetal, qui est un problème dont nous devrons nous occuper à l'avenir également.
Donc nous avons constitué une bonne équipe de gens qui considèrent que l'acceptation sans réserve est la principale façon d'amorcer le dialogue avec les jeunes. Voilà notre collectivité.
¿ (0955)
La présidente: Vous semblez faire de l'excellent travail.
M. Gary Beaudin: Je l'espère.
La présidente: Je regrette que nous n'ayons pas prévu de visite du site, mais nous pouvons peut-être y travailler.
M. Réal Ménard: Allons-nous visiter...?
La présidente: Nous visiterons le Centre Calder, mais nous ne visiterons pas...
[Français]
Une voix: Vous pouvez venir demain.
La présidente: Oui, ce serait possible demain.
[Traduction]
Nous allons y travailler.
Monsieur Powell, voulez-vous conclure par des commentaires ou voulez-vous simplement participer aux questions et réponses?
Le rév. Powell: J'aimerais bien dire quelques mots maintenant que j'ai l'esprit plus clair. Je suis désolé, mais au moment où j'ai commencé à prendre la parole, j'avais un mal de tête. La poussière...
J'aimerais simplement adresser mes commentaires au groupe de témoins. Je suis pasteur depuis 20 ans. Je buvais, mais je n'ai pas touché à l'alcool depuis une trentaine d'années maintenant. En tant que pasteur, en tant que personne qui a travaillé avec mes concitoyens depuis les 30 dernières années, j'ai pu constater les conséquences désastreuses des drogues et de l'alcool pour les gens.
Il y a trois aspects dont il faut tenir compte. Tout d'abord, la famille. Je considère que la famille est le fondement de la société. C'est là où nous trouvons notre sécurité. Nous apprenons à vivre, à agir et à nous faire confiance. Lorsque cette sécurité est compromise, la confiance disparaît.
Le deuxième aspect, c'est de croire en quelque chose qui nous dépasse, et comprendre qu'il y a un sens à notre existence. Cela nous donne une raison de vivre.
Le troisième aspect est le gouvernement, et je crois que le rôle du gouvernement est de soutenir les deux autres élément—à savoir la famille et la foi. La foi nous procure la moralité, nous permet de savoir ce qui est bien et ce qui est mal. Je crois que le rôle du gouvernement est de faire respecter ces principes et d'y souscrire.
J'aimerais faire une observation personnelle. Plus tôt, j'ai parlé d'eau de Javel. L'eau de Javel a une fonction. Sans eau de Javel, nous n'aurons pas de draps blancs. Mais si vous faites tremper vos draps dans de l'eau de Javel pure, ils vont tomber en morceaux; c'est un agent très corrosif.
Il existe des choses dans notre société qui sont très corrosives, comme la drogue et l'alcool. Les gens les consomment essentiellement parce qu'ils aiment l'effet qu'ils procurent, et cela devient une chose très personnelle. Ils aiment l'effet que cela leur procure mais par la suite leurs relations commencent à en souffrir. La famille commence à se désagréger parce que tout tourne autour d'eux.
Le gouvernement arrive, et nous pouvons commencer à nous dire non, ça ne va pas. La famille peut le dire. La foi peut le dire. Mais il faut que cela s'accompagne de mesures concrètes.
Je vais simplement vous donner un exemple. Dans ma jeunesse, j'ai fait les 400 coups. Je ne respectais pas beaucoup l'autorité. J'ai toujours reconnu—et je partage cette expérience avec vous—la valeur d'un incident qui s'est produit sur une route tard la nuit aux environs de Saskatoon. Je me souviens d'avoir été assis dans le siège arrière d'une voiture de police en train de discuter avec un policier, et je lui ai fais une remarque insolente. Tout à coup je me suis retrouvé penché au-dessus du siège avant pendant qu'il me massait la pomme d'Adams. Il a commencé à m'expliquer diverses choses et a terminé en disant, maintenant j'ai un sale petit voyou assis à l'arrière de ma voiture en train de me débiter des grossièretés.
Je pensais vraiment que j'allais mourir ce jour-là. Bref, je ne suis pas mort, de toute évidence. J'ai appris quelque chose ce jour-là, et ce que j'ai appris, c'est le respect. J'ai commencé à apprendre à contrôler mes paroles. J'ai appris à me taire lorsqu'un policier m'interpellait. Je répondais «oui, monsieur», et «non, monsieur».
Aujourd'hui, ce policier irait en prison pour ce genre de comportement. Il m'a permis d'éviter la prison. Si je regarde les gens que j'ai essayé d'aider, je constate que cela a fait boule-de-neige. Ce type m'a rendu un énorme service. Aujourd'hui, personne ne le soutiendrait. La loi ne le soutiendrait pas. Le gouvernement ne le soutiendrait pas. Soudainement, nous avons imaginé ce que nous appelons les droits individuels qui prennent le pas sur les droits collectifs.
Je considère que les drogues ont une énorme force destructive. À mon avis, le gouvernement doit commencer à prévoir des moyens d'assurer l'application de la loi. Nous avons beaucoup de lois qui ne sont pas appliquées, et qui pourraient l'être.
Simplement à titre d'exemple, la fin de semaine dernière, une jeune fille est morte après avoir consommé des drogues à un party rave. Les gens disent qu'on ne peut rien faire à ce sujet. Moi je dis, commençons par appliquer certaines des lois qui existent. Si nous pouvons le faire, nous commencerons à sauver des vies, et nous commencerons à constater des mesures plus efficaces.
On commencera ainsi à se dire à nouveau que tout ne tourne pas autour de moi; que ce n'est pas une question individuelle. C'est comme notre Constitution. J'ai toujours cru que la Constitution devait être interprétée en fonction de la collectivité et non en fonction de l'individu. Je considère qu'aujourd'hui, nous ne cessons de promouvoir les droits individuels aux dépens des droits collectifs.
J'aimerais vraiment que le gouvernement commence à agir: à promouvoir la famille, à promouvoir la foi—quand je parle de «foi», je ne parle pas d'une foi religieuse en particulier mais d'une foi qui nous transcende. Nous sommes ici pour une raison et notre vie a un but. J'aime présenter les choses comme suit. Si notre présence à tous ici sur Terre n'est que le résultat d'un accident cosmique, alors les questions dont nous parlons ici aujourd'hui n'ont pas vraiment d'importance. Mais si nous avons un but et un être, c'est pour pouvoir nous transcender, et nous aider les uns les autres. Si nous nous aidons les uns les autres, nous commencerons à constater que les familles s'épanouiront. Nous serons plus solides. Les éléments malfaisants à l'oeuvre dans notre société commenceront à se dissiper.
Je suis fermement convaincu que les gouvernements ont un rôle extrêmement important à jouer à cet égard, et c'est d'aider la police, d'aider la famille, et d'aider les tribunaux à assurer l'application de la loi.
À (1000)
La présidente: Merci beaucoup, révérend Powell.
Le rév. Powell: Je vous remercie.
La présidente: C'est maintenant aux députés de vous poser quelques questions.
Je devrais commencer par vous prévenir que ce comité sort de l'ordinaire. Dans les comités spéciaux, il n'y a ni baguette magique ni position arrêtée des différents partis. Souvent les membres du comité posent des questions très insidieuses. Ils adoptent des positions et des points de vue différents. En lisant le compte rendu, vous pouvez parfois vous demander: «Pardon! La fois précédente, la position de ce député était totalement différente». Ne faites surtout pas de suppositions.
C'est un comité sans partisanerie. C'est ce que nous avons souhaité. Jusqu'à présent, nous y sommes assez bien arrivés. Ce qui nous intéresse ce sont les faits sans couleur partisane.
Je demanderais à Mme Skelton de commencer. Elle aura à peu près 10 minutes. Même si une de ses questions s'adresse à un témoin en particulier, si quelqu'un d'autre d'entre vous veut répondre, n'hésitez pas à le signaler pour que nous en prenions note. Par contre, si vous ne voulez pas répondre à une question, c'est tout à fait votre droit.
Allez-y madame Skelton.
À (1005)
Mme Carol Skelton (Saskatoon—Rosetown—Biggar, Alliance canadienne): Pour commencer, permettez-moi de vous remercier d'être venus nous voir. Je suis rentrée spécialement dans ma circonscription pour assister à cette réunion du comité spécial. M. White, qui a la responsabilité principale de ce dossier, si vous voulez, et qui est un des dirigeants de l'Alliance canadienne, a dû rentrer en Nouvelle-Écosse. Sa mère est très malade. Nos prières l'accompagnent.
Je suis très heureuse d'être dans ma ville.
Monsieur Armitage, vous avez parlé de quelque chose qui m'a rappelé une mesure prise par notre gouvernement provincial. Nous avons discuté ce matin du fait que le gouvernement provincial venait d'adopter une loi qui impose de mettre un cache devant les paquets de cigarette. Ma critique ne vise pas ce gouvernement provincial en particulier, c'est un simple exemple.
Je vis dans une petite localité où notre magasin général vend de tout y compris de l'alcool et des cigarettes. Cela m'a toujours fait rire car quand on entre dans le magasin, le comptoir à bonbons est juste en face de la porte. Quand on entre avec des petits, ils se précipitent sur ce comptoir pendant que les parents achètent leurs cigarettes. Juste à côté, il y a le magasin d'alcool. Le gouvernement provincial a adopté cette loi qui impose de cacher les cigarettes. Mais l'alcool, lui, n'est pas caché. Cela me pose un problème, comme à tout le monde dans la municipalité. Les gens disent: «Pourquoi nous obliger à cacher les cigarettes alors que c'est avec l'alcool que nous avons bien plus de problème?»
Qu'en pensez-vous?
M. Lyell Armitage: Avant hier, j'ai profité de ce que je payais mon essence pour discuter avec l'employé de la station. Derrière lui, il y avait le rideau qui recouvrait les cigarettes. Je lui ai demandé si cela faisait selon lui une différence. Il m'a dit que cela en avait fait une au début. Pendant les deux premières semaines, les ventes de cigarettes ont chuté, mais elles sont maintenant revenues au niveau d'avant. Je ne comprends donc pas grand-chose des motifs qui ont poussé le gouvernement à adopter ce genre de loi ou de règlement pour la vente des produits du tabac.
Dans le Regina Health District, les services d'aide aux alcooliques et aux toxicomanes font partie des services communautaires dans le contexte de la santé publique. Ce sont les autorités responsables de la santé publique qui ont joué un rôle dans l'adoption de certaines politiques interdisant de fumer dans les restaurants et dans les lieux publics à Regina.
Par contre, je crains de ne pas pouvoir vous dire pourquoi ils ont décidé de cacher les cigarettes et de ne pas cacher l'alcool.
Mme Carol Skelton: Vous pensez que c'est la fameuse technique de l'autruche, la tête cachée dans le sable pour ne pas voir les problèmes?
Comme les gens disent souvent: «Il n'y a pas d'alcooliques chez nous.» Parce qu'on nie leur existence, c'est tout.
M. Lyell Armitage: Exactement.
Mme Carol Skelton: Et encore une fois je ne m'en prends pas de ma ville. Mais c'est une de ces réalités: admettre qu'on est alcoolique est très difficile.
M. Lyell Armitage: Dans les cas de toxicomanie, c'est probablement un des facteurs les plus critiques. L'incapacité des malades à reconnaître qu'ils ont un problème.
Quand on parle d'alcool et de drogues, il n'y a pas que les substances à effet psychotrope—comme les drogues illicites et l'alcool—qui induisent un phénomène de déni, de blocage de conscience ou d'incapacité d'introspection. C'est ce que j'aime aussi dire aux victimes d'autres produits.
Je crois qu'on peut le dire tout autant des fumeurs, des fumeurs dépendants.
J'ai vu un document qui vient d'être publié par le Comité spécial du Sénat. J'ai eu l'occasion de témoigner devant ces messieurs à Regina, le 13 mai, et j'ai remarqué que dans un des documents distribués on disait que de 30 à 50 p. 100 des fumeurs sont dépendants.
D'après moi ce sont 99 p. 100 des fumeurs qui sont dépendants et non pas 50 p. 100. Je ne connais qu'une seule personne qui fume une cigarette de temps en temps et c'est ma belle-soeur. Elle peut fumer une cigarette tous les trois ou quatre mois. Elle pourrait aussi probablement ne manger des cacahuètes que tous les trois et quatre mois.
Ce que je veux dire, c'est que ce phénomène de déni ne concerne pas seulement l'alcool et les drogues illicites. Il y a les fumeurs et on pourrait certainement dire la même chose pour les joueurs et aussi pour ceux et celles qui souffrent de troubles alimentaires. Les anorexiques pensent que les boulimiques ont un problème et vice versa. C'est encore un phénomène de déni. Tout ce que je veux dire c'est ce que ce phénomène ne concerne pas seulement les substances à effet psychotrope. Il concerne aussi le tabac et les troubles alimentaires.
À (1010)
La présidente: Quelqu'un souhaite ajouter quelque chose?
Mme Sandra Lane: Je n'ai pas la réponse mais je crois qu'un des facteurs c'est que l'âge légal pour consommer de l'alcool étant de 19 ans, on suppose que les jeunes attendent d'avoir 19 ans pour acheter de l'alcool. Dans la majorité des cas c'est probablement vrai mais dans les autres, on demande à un adulte d'acheter l'alcool.
Par contre, on peut vendre des cigarettes à de très jeunes gens. À mon avis, s'est dû en partie au fait que lorsque je vais chez mon pharmacien, je peux voir les cigarettes qui sont couvertes. Dans les magasins où ils ne vendent pas d'alcool, les magasins que beaucoup de jeunes fréquentent comme les 7-Elevens, etc., peut-être plus que dans les épiceries, les cigarettes sont couvertes. Elles ne sont pas visibles. À part cela, je ne saurais vous dire.
J'aimerais peut-être ne pas croire que quand les gens ont une idée en tête, ils ne l'ont pas ailleurs, mais c'est ainsi. Encore une fois, c'est une question d'éducation, de prévention, car il y en aura toujours. Je ne vois pas les cigarettes ou l'alcool disparaître de sitôt du marché.
C'est une question de prévention donc d'éducation. Lorsque les gens savent, généralement ils font de meilleurs choix.
Mme Carol Skelton: Gary, vous avez parlé d'obstacles dans votre communauté. Pouvez-vous nous en citer quelques-uns?
M. Gary Beaudin: L'alimentation est certainement un obstacle. Il y a des obstacles à l'alimentation dans notre communauté, les enfants ne font pas de repas réguliers et nutritifs. Le transport est un obstacle énorme. Nos enfants n'ont pas accès aux types de services qui sont offerts ailleurs. La majorité de ces services sont généralement hors d'atteinte.
Par exemple, si vous voulez aller à la bibliothèque et que vous habitez à Riversdale, pour la majorité des gens c'est tout simple, il suffit de prendre sa voiture et d'aller à la bibliothèque. Mais plusieurs de nos familles ont parfois deux ou plusieurs enfants; quand on n'a pas de voiture, il faut prendre l'autobus mais nos familles n'ont pas l'argent pour le payer.
Une assistance est nécessaire quand on veut laisser son bébé à quelqu'un et qu'il fait -40o, ce qui est encore un autre obstacle. Parcourir cinq ou six pâtés de maisons pour se rendre dans un service est un obstacle si vous n'avez pas de traîneau ou de vêtements d'hiver pour vos enfants. Si vous voulez téléphoner à quelqu'un, il faut avoir quelqu'un à qui téléphoner et il faut aussi avoir le téléphone. L'autobus peut coûter plus d'un dollar par personne et même souvent facilement cinq dollars, ce que plusieurs de nos familles ne peuvent pas se payer.
Avant notre entrée en activité, avoir accès à des servicesde loisirs était seulement un rêve pour beaucoup de nos jeunes. Il y avait quelques services mais pas suffisamment. Aujourd'hui, bien entendu, il y a quelque chose mais il nous en faut plus. Il y a d'autres communautés qui ne sont qu'à 10 pâtés de maison—Pleasant Hill et St. Mary's—qui ont besoin d'installations du genre de celles que nous avons dans le quartier ouest. Prenez Dundonald, Wedge Road, Confederation, toute cette zone. Cette zone commence à connaître elle aussi tous ces problèmes de pauvreté et d'obstacles.
Il y a des obstacles qui empêchent d'accéder aux ressources. La télévision, le câble, voire même le courrier, tout ce genre de services auxquels n'ont pas accès ces familles constituent autant d'obstacles.
Il y a de gros problèmes de dépression, d'anxiété, de choses de ce genre dans nos familles. Résultat, un manque total d'énergie. J'ai entendu des gens dire que les parents avaient la responsabilité d'envoyer leurs enfants à l'école. Ils ne se lèvent pas pour habiller leurs enfants, les nourrir et les emmener à l'école. Généralement ce sont les femmes qui s'occupent de tout et qui finissent par avoir toutes les responsabilités. Je connais beaucoup de femmes qui souffrent de dépression et qui restent alitées. Elles sont incapables de quitter leur lit et d'habiller leurs enfants pour qu'ils aillent à l'école. Elles souffrent de dépression causée par des abus sexuels.
C'est ça les obstacles—les services de santé mentale et tout ce genre de choses. Il y a tout ce que vous pouvez imaginer—en plus du climat.
À (1015)
La présidente: Merci. Il y aura un autre tour.
[Français]
Allez-vous poser vos questions en anglais ou en français?
[Traduction]
M. Réal Ménard: Je vais poser mes questions en français parce que c'est ma langue maternelle.
[Français]
La présidente: Aucun problème.
M. Réal Ménard: J'ai quatre questions: deux questions générales et deux questions qui s'adressent à Gary.
[Traduction]
La présidente: J'écoute d'une oreille en anglais et de l'autre en français. Ça me permet de pratiquer.
M. Réal Ménard: C'est le Canada. C'est censé être comme ça.
[Français]
Nous sommes allés à Halifax, à Toronto, à Vancouver, à Burlington et dans d'autres villes. On nous a dit que, contrairement à ce qu'on constate dans ces autres villes, il y avait ici une plus grande dépendance à l'alcool qu'à la drogue. On nous a dit que, selon une étude du ministère de la Santé de la Saskatchewan, 10 000 personnes avaient demandé des traitements l'an passé et qu'une majorité d'entre elles voulaient s'attaquer à des problèmes liés à l'alcool plutôt qu'à la drogue. Confirmez-vous ces faits? C'est important pour notre compréhension, parce que la stratégie n'est pas la même selon que l'on s'attaque à l'alcool ou à la drogue. Révérend, vous avez commencé votre intervention en disant que vous vouliez lutter contre la drogue, y compris contre l'alcool. Est-ce qu'on a un bon profil de départ?
[Traduction]
La présidente: D'abord M. Armitage, et nous suivrons ensuite dans l'ordre.
M. Lyell Armitage: L'alcool est un problème en Saskatchewan mais la drogue aussi. Mais comparé à Vancouver, Toronto et Montréal, on pourrait dire qu'il n'y a pas de problème.
Depuis trois ou quatre ans, Regina est membre d'un comité formé par le Centre canadien de lutte contre les toxicomanies, le RCCET, le Réseau communautaire canadien d'épidémiologie des toxicomanies. Ce comité a été créé parce qu'il permet d'accéder aux bases de données et aux sources de statistiques qui existent déjà dans les diverses communautés membres du réseau.
Par exemple, nous nous adressons au bureau du médecin légiste pour avoir ses statistiques sur les morts liées à l'alcool et aux surdoses d'autres substances à effet psychotrope et nous les incorporons dans notre rapport. Nous nous adressons aussi à la police et au SGI. Nous parlons à ces organismes qui recueillent des renseignements, nous les incluons dans un rapport que nous envoyons. Ce rapport est combiné avec celui des neuf autres centres qui font partie du réseau et un rapport national est publié.
J'avais toujours des sentiments ambivalents quand je consultais nos statistiques, en les comparant aux autres.
[Français]
M. Réal Ménard: Je ne veux pas vous interrompre, mais ce n'est pas le type d'information que je veux avoir. Voici ce que j'essaie de comprendre.
À Halifax, la problématique de la consommation de médicaments est particulière. Quand on a commencé nos travaux, comme comité, on a rencontré des fonctionnaires qui étaient en rapport avec les autochtones, et on nous a parlé de certaines communautés où il existait des problèmes d'inhalation d'essence et de colle. En une phrase ou deux, j'aimerais que vous me décriviez le profil qui caractérise Saskatoon. C'est la principale ville de la Saskatchewan; un million de personnes y habitent. J'essaie de me créer une image. Gary nous en a dit beaucoup, mais j'aimerais savoir, en une phrase ou deux, ce qu'est votre réalité en termes de consommation de drogues. Je voudrais que dans notre rapport, on puisse retrouver les éléments qui caractérisent votre communauté.
À (1020)
[Traduction]
M. Lyell Armitage: D'accord. S'agissant de réponses courtes, je ne suis pas très fort.
J'essayais d'expliquer que nous avons confirmé faire face à un problème de drogue. Toutefois, pour répondre plus précisément à votre question, l'alcool est encore le problème de toxicomanie le plus important en Saskatchewan. En fait, j'irais jusqu'à dire que l'alcool est le problème de toxicomanie numéro un dans le monde et nous avons consacré beaucoup de temps, d'énergie et d'argent à discuter des drogues illicites. C'est encore l'alcool qui cause le plus de dégâts dans notre société.
Tournons-nous vers une autre substance qui cause des problèmes ici à Regina. Nous faisons face à un grave problème dans le cas du Ritalin et du Talwin. Les usagers s'en servent en l'écrasant. C'est l'héroïne du pauvre. Cette information est tirée du rapport de notre réseau communautaire canadien de l'épidémiologie des toxicomanies. Ainsi, l'alcool, et la marijuana, le Talwin et le Ritalin sont les trois substances consommées à Regina. Je suis sûr que le gouvernement provincial pourrait vous fournir de meilleures statistiques.
[Français]
M. Réal Ménard: D'accord. Avant de...
La présidente: Voulez-vous une réponse de la part des autres témoins?
M. Réal Ménard: Non. Je vais poser une deuxième question et ensuite ce sera le tour de Gary.
Une des particularités qui m'étonnent un peu ce matin est le fait que la moitié du panel, en l'occurrence deux personnes sur quatre, a clairement remis en cause les initiatives de réduction des méfaits et a réaffirmé sa conviction à l'égard de stratégies d'abstinence. Quand j'aborde cette question, je ne veux pas le faire d'un point de vue moral, parce que la morale, c'est personnel et parce qu'il y a toute une gamme de conditions de vie qui peut mener les gens à la drogue. Je ne veux pas voir les choses sous l'angle du bien ou du mal; je veux comprendre ce qui pousse les gens à consommer.
Cependant, en tant qu'intervenants dans le domaine de la santé publique, est-ce que vous voulez faire comprendre au comité que vos porte-parole, qui prennent des décisions avec les communautés, remettent en cause la stratégie de réduction des méfaits? Je reviendrai sur les motivations individuelles; selon moi, il est important qu'on comprenne bien quelle est votre position en tant que représentants du domaine de la santé publique. Est-ce que vous remettez en cause les interventions liées à la stratégie de réduction des méfaits? Par exemple, est-ce qu'on pourrait trouver à Saskatoon des sites d'échange de seringues?
[Traduction]
Mme Sandra Lane: Absolument. J'espère que vous ne m'avez pas entendue dire que nous contestions la réduction des méfaits. Je préconise l'orchestration de la prévention, d'une intervention précoce et d'un traitement tertiaire. Et tout cela se fait en continu. Les témoins que vous entendrez au cours des prochains jours vous en parleront davantage sans doute mais nous travaillons en étroite collaboration avec les responsables des programmes d'échange de seringues. Nous travaillons aussi étroitement avec les programmes sociaux qui veillent à ce que les gens qui se piquent soient protégés. Nous travaillons très étroitement avec les responsables de nombreux programmes qui visent la réduction des méfaits pour que nos jeunes soient protégés.
Actuellement, c'est l'époque de collation des graves et nous ne voulons pas que nos jeunes meurent. On sait que les jeunes vont boire et consommer des drogues. Voudrais-je que mon petit-fils se retrouve avec un groupe dont ce sera le sort? Non. Je préfère le protéger. Quel que soit le nom qu'on lui donne, il s'agit de réduction des méfaits.
Je préfère qu'un chauffeur soit désigné si les autres membres d'un groupe sont ivres. Appelons ça de la réduction des méfaits. Il s'agit de protéger les gens, quel que soit le vocable que l'on emploie.
Je le répète—et je m'énerve en ce moment parce que c'est une chose qui me tient à coeur—, nous rencontrons les gens où ils se trouvent. C'est la longue réponse que je vous donne mais nous rencontrons les gens à l'étape où ils se trouvent dans le processus de rétablissement. Il y a des gens aujourd'hui qui ne sont pas prêts à gaspiller le reste de leur vie. Est-ce que je veux qu'ils soient en sécurité et réduire les méfaits pour eux comme pour les autres? Absolument.
Nous travaillons étroitement à l'élaboration d'une politique publique concernant la réduction des méfaits de sorte que si j'oeuvre dans une collectivité, cela fait partie de mon travail. Étant donné que j'ai travaillé pendant de nombreuses années dans des services de toxicomanie, j'espère pouvoir venir en aide à quelqu'un qui a besoin d'un programme de réduction des méfaits. À long terme, cette personne disparaîtra peut-être. Cela est-il souhaitable pour quelqu'un qui prend de la méthadone? Si ça ne l'est pas, tant pis. Je ne peux pas jouer les dieux et juger ce dont cette personne a besoin à ce moment-là de sa vie.
C'est mon petit discours d'aujourd'hui. Merci.
À (1025)
[Français]
M. Réal Ménard: J'ai deux questions qui s'adressent à Gary. Votre clientèle n'est pas composée seulement de gens qui sont liés aux communautés autochtones. Vos services sont ouverts à l'ensemble de la population, n'est-ce pas?
M. Gary Beaudin: Toutes les personnes peuvent venir au White Buffalo Youth Lodge.
[Traduction]
Le mot d'ordre est l'incognito. Tout enfant peut accéder à notre installation. Les intervenants viennent de diverses origines et il y en a qui sont des Premières nations. Il y en a qui ne sont pas autochtones ou qui viennent de milieu rural. Tous les enfants peuvent avoir accès à nos installations. Toutefois, pour des raisons démographiques et géographiques, 99,9 p. 100 des enfants qui viennent appartiennent aux Premières nations ou sont métis.
[Français]
M. Réal Ménard: En parlant de vous, vous avez dit quelque chose de très intéressant, que j'ai pris en note et que je crois être très important. Je pense que vous êtes un peu plus jeune que moi. Vous avez dit que quand vous consommiez, vous le faisiez pour telle et telle raisons. Vous avez donné quatre motivations psychologiques à la consommation, que l'on doit retenir.
Vous disiez que cela vous donnait une identité, que cela vous permettait de vous sentir populaire auprès des pairs, que cela vous permettait de vous sentir bien dans votre peau et que cela faisait partie de la musique populaire. Je pense qu'il est important de comprendre les ressorts psychologiques qui font que les gens consomment.
Avez-vous l'impression qu'aujourd'hui, en 2002, ces quatre facteurs de consommation que vous avez énoncés sont tout aussi pertinents qu'il y a 20 ans? Avez-vous l'impression que les gens consomment aujourd'hui pour les mêmes raisons: pour être appréciés par leurs pairs, parce qu'ils ont le mal de vivre, parce qu'il y a une question d'identité? Je ne sais pas si la musique est encore pertinente, mais avez-vous l'impression que ce sont les mêmes raisons qui poussent les jeunes que vous recevez à consommer?
[Traduction]
M. Gary Beaudin: Oui. Certains enfants de classe moyenne s'en servent pour ces raisons. Il est prescrit à certains de nos enfants. Certains enfants en prennent par curiosité. Certains enfants en prennent quand leurs parents sont absents. Pour les enfants dont nous nous occupons, ces programmes thérapeutiques ne conviennent pas car nous les accueillons pendant 28 jours, nous les logeons et nous les nourrissons, nous leur faisons faire de l'exercice et ils se reposent. Quand ils quittent notre installation, ils retournent dans leur propre collectivité et retrouvent les mêmes problèmes qu'auparavant. Ils retrouvent la pauvreté et les autres problèmes.
Certains modèles peuvent convenir aux enfants de classe moyenne. Certains enfants de classe moyenne se servent de ces médicaments pour certaines raisons; nos enfants les prennent pour d'autres raisons. Les enfants qui sont très riches ont leurs propres raisons. Tout dépend, et chaque enfant a sa raison pour en prendre mais je pense encore aujourd'hui que certains enfants, effectivement, en prennent parce que cela fait partie de leur culture, de leur sous-culture.
[Français]
Il y a aussi leur musique et les sports. Beaucoup de jeunes qui jouent au soccer et au football
[Traduction]
consomment des drogues parce qu'il y en a dans la pièce.
[Français]
J'ai joué au soccer.
[Traduction]
M. Réal Ménard: Pour se donner des forces...
[Français]
M. Gary Beaudin: Oui, c'est vrai. Ils prennent des stéroïdes.
[Traduction]
Donc beaucoup d'enfants en prennent pour cette raison. Je vois des jeunes gens au gymnase où je fais de l'exercice. Ils veulent devenir forts immédiatement et ils prennent des stéroïdes. Et ils peuvent les obtenir. Dans certains gymnases, il y a des gens qui vendent des stéroïdes et des pilules.
[Français]
Beaucoup de jeunes qui jouent au hockey
[Traduction]
se servent de drogues par perfusion pour les stéroïdes. Ils font des partys. Ils ont—j'oublie comment on les appelle, des cocktails. Ils prennent donc des stéroïdes et deviennent forts parce que leur rôle dans l'équipe est de se bagarrer, d'être toujours plus gros et plus forts, à cause de l'image que leur renvoie la télévision, à cause de la gloire que cela leur apporte.
Parfois, on constate dans les vestiaires que bien des jeunes fument. Cela fait partie de ce qu'ils voient. La musique leur renvoie encore cette image—elle est bien vivante dans la musique tout comme quand nous étions enfants, que nous écoutions The Doors, car il y a une renaissance des vieilles musiques de ma génération des années 80. C'était très populaire—Jimi Hendrix, KISS. Et les drogues—la musique en fait certainement l'éloge, mais il faut voir si on a la force d'y résister. C'est très dur pour les enfants.
À (1030)
[Français]
M. Réal Ménard: Quel âge avez-vous?
[Traduction]
M. Gary Beaudin: J'ai 33 ans.
M. Réal Ménard: Nous avons le même âge.
La présidente: Madame Lane.
Mme Sandra Lane: Puis-je ajouter quelque chose? Il faut se rappeler que nous vivons dans une société très axée sur les solutions miracles. Nous voulons que tout aille très vite. Nous ne voulons pas souffrir. Je regarde les gens qui élèvent de petits enfants. Nous ne voulons pas souffrir une seconde. Nous aidons les gens à ne pas souffrir.
Quand les jeunes atteignent 13, 14, 15 ou 16 ans—et je peux vous parler essentiellement des jeunes gens car c'est avec eux que je travaille actuellement. Je ne sais pas comment les choses étaient pendant votre adolescence, mais ce n'est pas la période la plus agréable pour les jeunes, et quand les choses deviennent douloureuses pour une raison quelconque, on cherche un apaisement. Nous ne voulons pas avoir mal et il y a toujours quelque chose qui aide à ne pas avoir mal. Qu'il s'agisse de la confiance en soi, de l'estime de soi, des imperfections, de l'identité, de la vie sociale ou tout simplement de la capacité à mûrir, on trouve quelque chose qui convient. C'est au coin de la rue; c'est dans le vestiaire à l'école; c'est partout.
Nous avons appris qu'il nous fallait trouver une solution, rapidement, et je pense que c'est un élément important qui fait fléchir les jeunes.
La présidente: Monsieur Armitage.
M. Lyell Armitage: Ma réponse n'est peut-être pas très technique mais quand on a 12, 13 ou 14 ans, tout est dans l'expérience. Les enfants veulent savoir quels sont les effets de cette substance. C'est une des raisons principales qui explique que les gens en prennent au départ et je pense que les activités de prévention porteraient leurs fruits si on pouvait trouver un programme qui fasse passer ce désir aux jeunes enfants.
La présidente: Ils devraient faire leurs expériences avec des choses moins dangereuses.
M. Lyell Armitage: C'est cela.
La présidente: Quand M. Armitage aura terminé, la parole sera à M. Beaudin.
M. Lyell Armitage: Je voudrais dire quelque chose concernant l'abstinence car je préconise vigoureusement l'abstinence et voici pourquoi: je pense que la toxicomanie est une maladie. Quand une personne absorbe un psychotrope, c'est la maladie qui entre dans son organisme et pour se rétablir de cette maladie, il faut être sobre et à jeun.
Cela n'a rien à voir avec la moralité. C'est une question de physiologie et de chimie chez le toxicomane car je pense que c'est ce que représente la maladie de la toxicomanie. La chimie d'un toxicomane évolue avec les ans. Ces gens ne peuvent pas supporter les psychotropes et en faire usage sainement. Cela n'a rien à voir avec la moralité.
La présidente: Nous devrons y revenir pour un prochain tour.
[Français]
M. Réal Ménard: J'ai un court commentaire à faire. C'était mon anniversaire la semaine passée. Je n'ai pas reçu votre carte de voeux, d'ailleurs. Je suis un peu déçu.
L'abstinence, quant à moi, est dangereuse dans un sens. Comme parlementaires, on ne peut pas adopter un projet de loi qui va dire aux gens qu'ils doivent réussir leur vie. Ce n'est pas quelque chose qui est de la compétence du législateur. Il y a une série de facteurs qui poussent les gens à consommer, et il faut en comprendre les éléments déclencheurs, comprendre pourquoi les gens vont vers les drogues.
Chez nous, il y avait cinq enfants. Je suis issu d'une famille moyenne de mon quartier. Aucun des cinq enfants n'a consommé de drogues. Dans Hochelaga--Maisonneuve, dans la maison voisine, il y avait trois enfants. Ils ont tous consommé des drogues. On est allés aux mêmes écoles publiques. On avait à peu près le même revenu familial. Il y a donc des déterminants très personnels qui font en sorte que l'on va vers les drogues. À titre de législateurs, on peut offrir des traitements et des ressources publiques à ceux qui en ont besoin. C'est ça que l'on peut faire. L'abstinence, à mon point de vue, peut convenir à un segment de la population, mais ça ne peut pas convenir à un grand ensemble d'individus. C'est dans ce sens-là que je trouvais qu'il y avait un point de vue moral. Je ne suis pas contre, mais je pense que, du point de vue du législateur, ça ne peut pas être une solution.
[Traduction]
La présidente: Ce n'était pas une brève remarque. Vous attendrez le prochain tour.
La parole est à M. Beaudin, brièvement, et ensuite je reviendrai à M. Armitage. Ensuite, ce sera au tour de M. LeBlanc.
À (1035)
M. Gary Beaudin: La prévention est vraiment ce qui s'impose. Si quelqu'un veut empêcher ses enfants de prendre de la drogue, et qu'il a l'argent pour l'inscrire dans une équipe de soccer, pour faire du sport, de la musique et toutes sortes d'autres choses, il a la tâche beaucoup plus facile qu'une personne qui est un travailleur pauvre ou qui est assisté social. Tous ces services qui empêchent les enfants d'être oisifs... On peut trouver à un enfant une activité pour chaque jour de la semaine. Cela va certainement l'empêcher de faire des bêtises, et pendant que vous, vous faites le chauffeur, vous restez occupé.
Toutefois, cela coûte cher. Il est plus facile de s'en sortir quand on a un peu d'argent. C'est ainsi. Les choses sont facilitées quand on a une voiture et des moyens. Ça facilite certainement les choses.
La présidente: Nous pourrions vous présenter des grands joueurs de hockey, bourrés d'argent, que nous avons rencontrés, et qui sont toxicomanes. Malheureusement, le problème a une autre facette pour certaines personnes.
M. Gary Beaudin: C'est vrai, mais nous parlons ici d'enfants, de petits enfants--
La présidente: Ce sont tous des personnes différentes.
M. Gary Beaudin: Dans le cas de mes enfants, je les fais participer à des activités qui les empêchent de faire des bêtises, mais c'est plus facile, un peu plus facile... Quand on est complètement démuni, quand on n'a pas de nourriture, que les drogues sont à votre disposition, elles deviennent votre nourriture.
La présidente: Monsieur Armitage, brièvement, sur la question de l'abstinence.
M. Lyell Armitage: Je ne préconise pas l'abstinence générale. Je ne dis pas que personne ne devrait boire. Je dis tout simplement que si un professionnel de la santé a déterminé que vous étiez toxicomane, il vous faut choisir l'abstinence si vous voulez reprendre votre vie en main.
Les recherches démontrent qu'entre 10 p. 100 et 12 p. 100 des gens qui sont ici dans cette pièce, des gens qui vivent dans cette ville, qui vivent au pays, sont dépendants de ces drogues, et on dit que rien de moins que l'abstinence n'empêchera ces gens de mourir.
La présidente: Merci beaucoup.
Monsieur LeBlanc.
M. Dominic LeBlanc (Beauséjour—Petitcodiac, Lib.): Merci, madame la présidente.
À mon tour, Carol, je vous dis que nous sommes ravis que vous vous soyez jointe à nous aujourd'hui. Nous sommes heureux d'être dans votre ville natale. Merci d'être venue. Nos pensées vont vers Randy White également et il faut bien le dire.Il voulait venir à Edmonton mais il a dû partir pour la Nouvelle-Écosse. Nous pensons à lui.
[Français]
Réal, j'espère que tu as reçu la carte que je t'ai envoyée pour tes 50 ans. Tu as eu 50 ans, mais même si tu en avais 40, tu serais encore six ans plus âgé que moi. Je te félicite, Réal, et merci d'être là.
[Traduction]
Merci à tous de vos exposés que j'ai trouvés fort intéressants. J'ai appris beaucoup de choses en vous écoutant.
Madame la présidente, j'ai quatre questions précises, une pour chacun des témoins. Je vais poser toutes mes questions, mais il se peut que vous vouliez répondre à une question que j'ai posée à un de vos collègues.
Monsieur Armitage, vous avez parlé du niveau des centres de traitement ou qu'il y aurait lieu de voir s'ils sont appropriés. Le même commentaire a été fait dans bien des villes de la part de bien des gens que nous avons rencontrés. Il y a une pénurie de lits. Vous l'avez fait remarquer. Nous avons constaté cela d'un bout à l'autre du pays mais c'était plus aigu dans certains cas.
Vous avez parlé de l'intégrité et de la durée du traitement. Je ne connais pas grand-chose des divers programmes de traitement. J'ai appris ce que je sais en écoutant les témoins. Pouvez-vous me donner votre opinion en comparant le programme de 28 jours aux programmes de 50 jours qu'on met à l'essai dans certains endroits. En Colombie-Britannique, il existe un programme de six mois. Je voudrais que vous nous parliez des difficultés de la durée du traitement. J'ai du mal à concevoir qu'un toxicomane endurci puisse—et je pense que c'est Gary qui a dit cela—passer 21 jours en traitement et retourner dans une situation pouvant le pousser à succomber de nouveau. Je voudrais que vous me parliez de la durée.
Madame Lane, certaines personnes préconisent que l'on envisage de décriminaliser la marijuana à l'occasion de nos travaux. Je pense qu'il y a une grande différence entre décriminaliser et légaliser. On peut décriminaliser la possession de marijuana—ou supprimer l'aspect criminel relié à la possession—, mais cette substance peut demeurer illégale ou contrôlée.
Je voudrais savoir si vous pensez que la marijuana est une substance qui entraîne la dépendance. L'un d'entre vous a parlé des gens qui étaient gravement dépendants de la marijuana. Certains disent que la marijuana est une substance qui ne fait pas sombrer facilement dans la toxicomanie. Je voudrais savoir ce que vous en pensez?
Vous avez dit également que si on relève l'âge où on est autorisé à consommer de l'alcool, les habitudes de consommation changent. J'aimerais savoir comment vous constatez que cela se manifeste.
[Français]
Monsieur Beaudin, je vous félicite pour votre français.
[Traduction]
Gary, votre français est admirable.
[Français]
Une voix: [Note de la rédaction: inaudible].
M. Dominic LeBlanc: Non, non, je vous félicite.
[Traduction]
Avec un nom comme Beaudin...
À (1040)
M. Gary Beaudin: À vrai dire, je l'ai appris à l'école.
La présidente: En Alberta?
M. Gary Beaudin: Oui.
M. Dominic LeBlanc: Félicitations.
Comme vous travaillez avec les jeunes, j'aimerais savoir ce que vous pensez de la dépénalisation de la marijuana. À White Buffalo Lodge, vous travaillez auprès de nombreux jeunes; est-ce que pour eux, la sanction pénale que comporte la consommation de la marijuana est un facteur à prendre en compte? Pensez-vous que la consommation augmentera si on lève les sanctions pénales? Je suppose que la substance restera illégale. Ce ne sont pas nécessairement mes préférences personnelles, mais c'est ce que les gens nous disent. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Révérend Powell, vous ne serez pas nécessairement d'accord sur la place à donner aux droits individuels et aux droits collectifs. Je considère, pour ma part, que les majorités n'ont pas besoin de protection. J'ai plutôt le souci de protéger les petites minorités. Je sais que Paddy est prête à interrompre cette longue discussion.
Vous dites cependant qu'il faut appliquer la loi. J'aimerais savoir ce que vous entendez par là. Je trouve aberrant, par exemple, qu'il y ait des lois dans les recueils et que la police s'abstienne de les appliquer. À mon avis, la police est là pour appliquer les lois adoptées par le Parlement. Si la législation pose un problème, c'est au Parlement de la modifier. L'agent de police n'a pas à se demander si la loi lui convient ou non quand il s'agit de porter des accusations. C'est pourtant ce qui se passe. Le Parlement devrait peut-être envisager une réforme législative.
Quand vous parlez d'application de la loi, voulez-vous dire que vous souhaitez qu'on impose, par exemple, des sentences plus lourdes aux auteurs d'infractions en matière de drogue? Nombreux sont ceux qui estiment que la justice est trop conciliante en matière de drogue. Êtes-vous en faveur du traitement obligatoire? Le toxicomane endurci qui commet des infractions criminelles pour lesquelles il est condamné devrait-il être envoyé dans un établissement de traitement?
Que pensez-vous de l'incarcération des femmes enceintes toxicomanes dont le comportement destructeur menace la sécurité de l'enfant à naître? Je me souviens de certains cas, dans cette province ou au Manitoba, où des femmes enceintes ont été incarcérées parce que la justice estimait que c'était la seule façon de protéger l'enfant à naître.
Je vous remercie, madame la présidente.
La présidente: Je précise qu'il s'agissait de femmes enceintes toxicomanes.
Des voix: Ah, ah!
M. Dominic LeBlanc: Hier, un témoin nous a dit que les femmes enceintes devaient être incarcérées comme les autres.
La présidente: Vous êtes sûr que ce n'était pas l'auteur de la question?
Des voix: Ah, ah!
M. Dominic LeBlanc: En tout cas, je n'adhère pas à cette opinion.
Jusqu'à quel stade de la grossesse pensez-vous qu'on puisse les incarcérer?
La présidente: Monsieur Armitage, à vous de commencer.
M. Lyell Armitage: Sur la question du traitement, il faut que la procédure commence par une évaluation rigoureuse du toxicomane. Les personnes qui se présentent devant l'évaluateur n'en sont pas toutes au même degré de gravité. Certaines sont plus atteintes que d'autres. Il s'agit donc de trouver la bonne solution en fonction de l'évaluation de la situation de chacun. Sandy a dit tout à l'heure—et je suis d'accord avec elle—qu'il faut rencontrer le toxicomane là où il est et élaborer une stratégie de traitement pour l'aider à s'en sortir.
Certains toxicomanes ont de meilleures chances de s'en tirer et prennent conscience de leur toxicomanie. Ils se présentent en tant que toxicomanes et sont évalués comme tels. Il suffit parfois de les référer à un groupe d'autoassistance comme Narcotiques anonymes ou les Alcooliques anonymes. Il peut alors s'agir de la dernière rencontre avec le toxicomane, parce qu'il prend lui-même en charge sa récupération, alors que le suivant aura peut-être besoin de counselling professionnel. Ceux qui ont une consommation élevée ont parfois besoin de changer d'environnement. Il faut les sortir de leur milieu et leur donner la chance d'organiser une cure et d'apporter de grands changements dans leur mode de vie.
Nous avons entendu Gary parler d'aptitudes à la vie quotidienne. Il pourrait être très utile d'avoir un établissement, mais pas nécessairement un lit, où le toxicomane pourrait s'éloigner des éléments négatifs de son environnement pour suivre une formation à long terme qui lui donnerait la formation dont il a besoin pour amorcer son processus de récupération.
En fait, le Canada suit depuis 10 ans l'exemple américain. Nous avons abandonné le modèle des cures avec hospitalisation au profit des cliniques externes pour le plus grand nombre. On peut faire un parallèle avec le milieu de la santé mentale. Pour pouvoir dire que notre système traite les personnes mentalement malades—je ne parle plus des toxicomanes—, alors qu'on n'a pas suffisamment de lits pour traiter les malades chroniques, qui peuvent constituer un danger pour eux-mêmes et pour la société, et qu'il faudrait hospitaliser... Il en va de même dans le domaine de la toxicomanie. Il faudrait davantage de lits pour aider ceux qui ont besoin de ce genre de service.
Vous avez raison, je crois qu'il existe un centre de traitement au Québec pour des durées de six à neuf mois. Mais ce n'est pas parce que l'établissement prévoit des séjours de tant de semaines ou de mois que le patient doit nécessairement y rester pendant tout ce temps. S'il progresse, s'il apprend ses leçons, s'il s'intéresse à sa récupération et s'il fait ce qu'on lui demande, il n'aura pas besoin d'y rester. Actuellement, en Saskatchewan, nous n'avons que des programmes de 21 ou de 28 jours.
Je pense qu'il faut réfléchir et faire preuve de créativité pour trouver une gamme plus large de possibilités à proposer aux toxicomanes. Ainsi, on pourrait mieux les traiter.
À (1045)
La présidente: Merci.
Madame Lane, c'est à vous.
Mme Sandra Lane: Puis-je dire quelques mots à ce sujet? Comme vous le savez, j'ai bien du mal à m'en empêcher.
Je considère que celui qui suit un traitement est en récupération, et ce n'est pas au lit qu'on récupère. Certains ont tendance à penser qu'il faut mettre le patient au lit pour qu'il guérisse. Ce n'est pas comme ça que ça marche. Gary a parlé d'un retour dans la collectivité au bout de 28 jours, de six semaines ou de six mois. Un jour, une jeune femme m'a parfaitement expliqué ce qu'il en est. Elle a dit: «C'est comme tomber d'une falaise. Vous nous faites sortir, et à notre retour chez nous, tout est encore bien pire, car nous sommes censés avoir acquis les aptitudes nécessaires pour faire face à toutes les situations. J'ai trois enfants d'âge préscolaire et un mari chômeur qui boit. Le réfrigérateur est plein de bière et il n'y a rien à manger.» Elle a tous les problèmes dont Gary a parlé et elle est censée pouvoir y faire face.
La récupération est une démarche à long terme. Elle peut durer toute la vie pour les toxicomanes. Il peut arriver autant de choses aux patients en clinique externe qu'aux patients hospitalisés.
Toutes les formes de traitement sont nécessaires. Il faut en choisir une lors de l'évaluation. Dans notre province—et je ne parle que de celle-ci—on a trop mis l'accent sur les services résidentiels, et les patients en clinique externe n'obtiennent pas les mêmes services d'ordre biologique, psychologique, social ou spirituel. Pourtant, c'est dans leur collectivité qu'ils récupèrent, et non pas dans un lit.
Il fallait que je vous le dise, car j'en suis convaincu. Les particularités géographiques de la Saskatchewan militent en faveur des services résidentiels, qui conviennent bien aux patients parfaitement diagnostiqués, à ceux qui ont tendance à rechuter, comme Lyell l'a dit, à ceux qui ont du mal à récupérer et qui ont besoin de services plus intensifs pendant un certain temps, sous réserve d'une mise en rapport avec le milieu communautaire où la récupération doit se faire. J'estime devoir vous dire tout cela, car c'est ce dont m'a convaincu mon travail auprès des toxicomanes.
Une autre chose dont je suis convaincu, et que je signale au passage, c'est que dans notre province, nous avons un certain nombre de lits pour les adultes, en quelque sorte, mais pas pour les jeunes. L'autre jour, j'ai pris l'initiative d'envoyer un jeune en désintoxication, mais je n'ai pas réussi. Comme je l'ai dit, j'ai une expérience d'une trentaine d'années et j'estime avoir une certaine crédibilité, mais je n'ai pas pu envoyer ce jeune dans un environnement sûr. J'ai trouvé cela très décevant. Ses parents sont allés le conduire dans un établissement situé à plusieurs centaines de kilomètres, mais on leur a opposé un refus.
Nous n'avons pas suffisamment de services qui puissent accueillir les jeunes en situation de crise parce qu'ils consomment de l'alcool ou de la drogue. Pour moi, c'est une source de préoccupation, et j'ai participé à plusieurs comités qui ont rédigé des rapports pour demander des services qui permettraient de stabiliser les jeunes pendant leur évaluation, car souvent ils sont en situation d'errance. C'est leur nature. Nous n'avons rien pour les accueillir immédiatement, alors que les adultes ont plusieurs endroits où aller. Je voulais aussi vous dire cela.
Pour ce qui est de la dépénalisation, je ne sais pas quoi en penser. C'est une bonne réponse, n'est-ce pas? Moi, je me préoccupe toujours du jeune qui est assis en face de moi. Vous voulez savoir si la marijuana crée une dépendance. La dépendance comporte des aspects psychologiques et physiques. Pour certains, il y a un sevrage. C'est un sevrage physique, qui comprend différentes choses qu'il est inutile d'évoquer ici. Ils ont une dépendance physique à la drogue. La dépendance psychologique, évidemment, c'est qu'ils pensent uniquement à se procurer de la drogue, à en consommer et à obtenir l'effet produit. Voilà notre définition.
J'ai vu des gens qui sont incapables de cesser d'en fumer. Un jeune m'a dit l'autre jour qu'au bout de cinq jours, le manque de marijuana le rendait fou. Au bout de cinq jours seulement. D'après ce que j'en sais, et je n'ai aucun doute à ce sujet, il y a une dépendance lorsqu'on peut voir les effets de la drogue sur un jeune qui est inscrit au tableau d'honneur en neuvième année et qui, à la fin de la dixième année, est refusé par toutes les écoles de la ville à cause de la marijuana. Ce sont des problèmes dramatiques.
Ce qui m'inquiète, dans la dépénalisation—et j'ai bien des difficultés, car je ne sais pas de quel côté pencher—c'est que d'un côté, je veux éviter que les jeunes se retrouvent avec un casier judiciaire. Je sais combien d'entre eux en consomment. Mais en revanche, les jeunes considèrent que dans la mesure où on envisage la dépénalisation de la marijuana, rien ne s'oppose à ce qu'ils en consomment. On semble vouloir faire admettre l'idée qu'il est normal d'en consommer. Sur ce point, je suis contre. Mon opinion fluctue donc d'un bord à l'autre.
En tant que spécialiste en toxicomanie ayant travaillé dans ce domaine pendant longtemps, j'ai différents points de vue. J'ai rencontré un officier de police dont vous allez entendre le témoignage demain, et auquel un jeune disait: «Voyons donc, on s'en sert à des fins médicales. On va dépénaliser la marijuana, qui ne sera plus interdite. Alors, où est le problème?» Les jeunes quittent l'école, quittent leur foyer, quittent leur emploi, n'ont plus un sou, manquent de tout et se retrouvent endettés.
Ce n'est sans doute pas une bonne réponse, mais c'est ainsi que je vois les choses. En me plaçant du point de vue des jeunes, je suis contre.
Qu'avez-vous demandé à part cela? L'âge minimal pour la consommation d'alcool. La recherche et les études concernant le tabagisme et la consommation de drogues... Je dirais que c'est ce que la police et nous-mêmes appelons des substances d'introduction à d'autres drogues. Il est rare que des jeunes arrivent dans nos bureaux en disant: «Nous avons commencé l'héroïne à 13 ans». Généralement, ils disent: «J'ai commencé à fumer la cigarette, puis j'ai pris un peu d'alcool, puis j'ai fumé de la dope, et j'ai eu besoin d'augmenter la dose». Ce sont donc souvent des drogues d'introduction.
Je suis convaincu... Je ne peux pas parler de toutes les études réalisées, mais je connais celles du Saskatchewan Institute on Prevention of Handicaps, qui signalent que lorsqu'on élève ou qu'on abaisse l'âge minimum pour la consommation d'une substance, l'âge de ceux qui commencent à en consommer s'en trouve modifié. Si l'âge minimum est porté à 21 ans, les jeunes vont commencer à 17 ou 18 ans.
À (1050)
Je ne sais pas exactement ce qu'il en est actuellement. Je voulais apporter certains documents, puis je me suis dit que je m'encombre toujours de documents que je n'utilise pas.
Quand j'étais jeune—je sais, c'est de l'histoire ancienne—on pouvait boire à 21 ans. Bien des jeunes commençaient à 18 ou 19 ans. Ensuite, l'âge légal a été abaissé. Dans mon cas personnel, je me souviens avoir commencé à 19 ans, mais maintenant, on en voit commencer à 16, 17 ou 18 ans.
On a fait de nombreuses études à ce sujet. Dans un État américain, après une étude minutieuse, on a fait passer l'âge minimum de 18 ou 19 ans à 21 ans.
À (1055)
La présidente: Merci.
À vous, monsieur Beaudin.
M. Gary Beaudin: Si on dépénalise la marijuana, est-ce qu'on va en faire la publicité pendant les parties de hockey, par exemple? Peut-être faudra-t-il criminaliser la consommation de cigarette et d'alcool—je plaisante.
Nos jeunes en consomment quotidiennement. La marijuana fait partie de la vie quotidienne des jeunes que nous voyons, qui ont 13, 14, 16 ou 17 ans. Personnellement, j'estime que la dépénalisation les amènerait à penser que désormais, il n'y a plus de problème. C'est bien simple. C'est comme pour tout le reste. Ils pensent la même chose de l'alcool: ce n'est plus un problème. La consommation d'alcool est socialement inacceptable quand on a 14 ou 15 ans; il faut donc se cacher, mais on peut en consommer. Quand on a 17, 18 ou 19 ans, c'est un peu moins inacceptable et quand on atteint l'âge légal, ce n'est plus inacceptable. C'est comme tout le reste. Voilà l'effet qu'aura la dépénalisation.
Je sais que plusieurs de nos jeunes n'ont pas accès à des établissements de traitement. Souvent, ceux que nous voyons n'ont pas accès aux services traditionnels de désintoxication, que ce soit en milieu hospitalier ou en clinique externe. Nous savons qu'un certain nombre d'entre eux y sont admis, mais la majorité de ceux que nous voyons n'y ont pas accès.
Je suis sûr que pour les jeunes, ce sera une raison supplémentaire de considérer que la marijuana est socialement acceptable. Ils ne comprennent pas toute la complexité de la dépénalisation. Pour eux, c'est simplement une image, comme la façon dont la société considère la drogue, l'alcool et les cigarettes.
Il y a actuellement des jeunes de huit et neuf ans qui fument et qui présentent une dépendance au tabac et à la nicotine. Pour eux, ce n'est plus une question de plaisir ou d'apparence. Ils présentent une véritable dépendance.
L'alcool coûte cher, alors, au lieu de prendre de la bière ou autre chose, on trouve d'autres substances à boire. Comme la drogue coûte cher également, beaucoup de jeunes inhalent des vapeurs.
Certaines drogues comme la marijuana peuvent coûter très cher. Les pilules, le Ritalin...il est parfois plus facile de s'en procurer. On peut obtenir du Gravol sans ordonnance, c'est assez facile. Il suffit d'être adulte et d'aller à la pharmacie, mais les jeunes en prennent également. Encore une fois, il y a tous ces médicaments.
J'espère que cela répond à votre question. C'est effectivement un facteur à considérer, en cas de dépénalisation; il faudra voir comment le phénomène est perçu socialement, car les jeunes ont déjà des idées bien précises concernant le tabac et l'alcool, qu'ils jugent acceptables. On en trouve partout, y compris à la télévision. Tout le monde en prend. Ceux qui interdisent aux jeunes de fumer sont eux-mêmes des fumeurs. Ceux qui leur disent de ne pas boire consomment eux-mêmes de l'alcool.
La présidente: Merci.
À vous, monsieur Powell.
Le rév. Powell: Votre première question concernait l'application de la loi. Je suppose qu'il s'agit de la Loi sur les jeunes contrevenants et du Parlement. Quand je parle d'application de la loi, je pense à plusieurs choses. Les contrevenants se font arrêter, mais il n'y a plus de véritable sanction. Est-ce à cause du policier en patrouille? D'habitude, non, mais c'est habituellement la règle.
Je peux vous citer un exemple qui remonte à plusieurs années. C'est celui d'un conducteur qui a été arrêté parce qu'il conduisait alors qu'il avait un taux d'alcoolémie supérieur à 0,08. À l'ivressomètre, on en a mesuré 0,3. On a jugé qu'il n'était pas coupable, car il était trop soûl pour comprendre ses droits lorsqu'on lui en a fait la lecture. L'affaire est allée jusqu'en Cour suprême et le jugement a été maintenu. Ainsi, mon droit et votre droit à la sécurité sur la route est remis en cause parce que son droit de conduire a préséance.
Souvent, je constate qu'on essaie d'imposer des réponses de type «taille unique». Vous me demandez ce que je pense du cas des femmes enceintes. Une toxicomane enceinte constitue une menace pour son enfant. Vous dites aussi que la Constitution doit protéger le droit de la minorité. Je considère qu'un enfant dont la vie est en danger... L'État a alors le droit d'intervenir et d'assurer la protection de l'enfant pendant un certain temps. À ce moment-là, il faut dire: «il est interdit de boire; il est interdit de consommer de la drogue». Il faut imposer des conditions pendant un certain temps. Est-ce qu'on leur interdit définitivement de boire ou de se droguer? Non, mais pendant une certaine période, il faut protéger l'enfant.
Voilà comment je conçois le rôle de protecteur du gouvernement. La drogue et l'alcool sont partout présents et minent le tissu social.
C'est ce que les gens ont dit ici, et c'est bien mon point de vue. Comme l'a dit M. Armitage, certains ont seulement besoin d'un peu d'aide, qui leur permet de repartir. Certains ne veulent pas s'amender. D'autres vont le faire si on les y incite. D'autres encore auront besoin d'une incitation plus forte. Mais je considère qu'il nous faut une norme et que c'est au gouvernement de la fixer.
J'espère que cela répond à vos questions. Merci.
Á (1100)
La présidente: Merci.
La séance est suspendue pour quelques minutes.
À (1058)
Á (1113)
La présidente: Merci beaucoup.
Je donne maintenant la parole à Mme Skelton. Ensuite, je poserai quelques questions, puis ce sera au tour de M. Ménard.
Á (1115)
Mme Carol Skelton: Je voudrais vous demander quelque chose de bien simple, mais de très important. À votre avis, est-ce que la stratégie canadienne antidrogue est efficace? Pensez-vous qu'il y a assez de collaboration entre le fédéral et les provinces?
Trouvez-vous qu'on n'accorde pas assez d'importance aux travailleurs et aux programmes de première ligne? Je ne sais pas comment le formuler en termes polis, mais ne pensez-vous pas que tout vient d'en haut, au lieu de venir des gens qui sont sur le terrain et de ceux qui ont vraiment besoin d'aide? Est-ce que quelqu'un comprend ce que je suis en train de dire?
Á (1120)
La présidente: Est-ce que quelqu'un veut se risquer à répondre?
Pourquoi ne pas commencer par Mme Lane, avant de passer à M. Armitage et aux autres?
Mme Sandra Lane: Je ne sais trop comment vous répondre. Je ne peux parler que pour notre district de santé et vous dire comment les services sont organisés ici.
Depuis quelques années, nous travaillons en étroite collaboration avec d'autres services, et nous avons donc une action beaucoup plus efficace auprès des personnes que nous desservons. Nous collaborons intensément avec la police, avec les services de santé mentale et avec les services de santé publique. Les intervenants de base et de première ligne ont donc beaucoup plus de pouvoir qu'avant. Autrefois, chacun essayait de protéger son territoire.
D'autres que moi pourront sans doute vous donner un tableau d'ensemble plus complet, mais je pense qu'actuellement les ordres ne viennent pas vraiment d'en haut. À la base, on insiste beaucoup sur les besoins du personnel de première ligne. Il fut un temps où mon expérience m'aurait incitée à vous en parler différemment, mais actuellement, on insiste beaucoup sur le personnel de première ligne.
Quelqu'un d'autre pourrait peut-être vous donner une meilleure vue d'ensemble.
La présidente: Monsieur Armitage, voulez-vous intervenir? Je ne veux pas vous y obliger.
M. Lyell Armitage: J'ai mon point de vue personnel. Si le Canada cherche un modèle efficace, il devrait s'inspirer de ce qui se fait dans d'autres pays. Dans mon exposé, j'ai parlé de la Suède. Les Suédois obtiennent des résultats.
La stratégie antidrogue n'a jamais donné de résultats dignes de mention; je pense donc qu'il faut la réviser. Certains de ces éléments devront être modifiés.
On peut faire un parallèle avec le golf. Si la trajectoire de la balle est un peu désaxée, plus elle ira loin et plus elle s'éloignera du trou. C'est un peu l'impression que me donne la stratégie canadienne antidrogue.
Il faudrait lui donner une nouvelle énergie et de nouveaux dirigeants pour compenser les résultats négatifs de ce que nous faisons actuellement. Pour moi, c'est une préoccupation. On parle ici d'abaisser la norme, d'abaisser la barre, et de considérer la marijuana comme un phénomène acceptable, mais cela va se traduire tôt ou tard par de graves problèmes.
J'espère que ce comité va présenter de vigoureuses recommandations pour remettre sur la bonne voie toutes ces questions de désintoxication, de réhabilitation et de prévention, car elles ont déraillé.
Mme Carol Skelton: À votre avis, l'actuelle stratégie antidrogue est-elle efficace? Trouvez-vous que les gouvernements provincial et fédéral vous aident comme ils devraient le faire et collaborent suffisamment? Êtes-vous en contact étroit avec la collectivité de Saskatoon ou est-ce que vous formez une entité à vous tout seul?
M. Gary Beaudin: Je crois que la stratégie antidrogue est efficace pour certains jeunes et pour certaines personnes, mais pas pour tout le monde. Quand on a affaire à différentes personnes, dans différentes régions et sur des sujets socio-économiques différents, il faut adapter l'information qu'on donne. C'est une question de bon sens.
Les jeunes et les familles dont nous nous occupons ne réagissent pas forcément bien à des messages publicitaires ou à des affiches. Ils peuvent réagir à des programmes de prévention.
Il conviendrait de consentir d'importants investissements dans le domaine de la prévention si nous voulons vraiment aider la plupart de nos enfants. Vu la rareté des services de traitement destinés aux jeunes, la plupart d'entre eux se dirigent vers la criminalité. Plusieurs de nos jeunes profitent notamment des services de traitement offerts par Kilburn Hall et d'autres centres semblables. Ce qui manque à beaucoup de jeunes, c'est qu'une personne les accepte de façon inconditionnelle et joue le rôle de mentor auprès d'eux.
Je ne peux pas dire ce qu'il en est ici. Je travaillais autrefois à Calgary. J'ai cependant vu la même chose dans bien des endroits où j'ai travaillé.
Lorsque les jeunes—en particulier les garçons—sont laissés à eux-mêmes même s'ils n'ont pas encore eu de démêlés avec la justice, ils ont parfois besoin d'aide et de ressources, mais cette aide et ces ressources ne leur sont pas disponibles. Ils se retrouvent cependant devant les tribunaux dès qu'ils enfreignent une règle quelconque. Ce n'est qu'à ce moment que les gens s'adressent à eux et leur disent: «Je suis le travailleur auprès des jeunes qui est affecté à votre cas... Je suis votre nouveau travailleur social... Je suis le nouveau responsable du traitement de toxicomanie que vous allez suivre...». Même s'il n'est pas trop tard pour eux, ils se sont déjà engagés dans la voie...
Il n'existe presque pas de services communautaires destinés aux jeunes qui ne connaissent pas encore de démêlés avec la justice, qui ne relèvent pas des services d'aide à l'enfance et qui ne font pas l'objet d'une ordonnance de tutelle. Cela s'applique tout particulièrement aux garçons de 16 ans dont le comportement laisse à désirer. Ils sont exclus des programmes destinés aux jeunes dès qu'ils posent des difficultés, qu'ils deviennent violents ou qu'ils connaissent des problèmes de comportement comme ceux qui sont liés au trouble déficitaire de l'attention ou aux effets de l'alcoolisme foetal. Je ne dis pas que tous les responsables des programmes de traitement agissent ainsi, mais lorsqu'ils le font, c'est parce qu'ils pensent que c'est une bonne chose. Ils ont pour position que si le jeune cause des difficultés, il doit quitter le programme.
Nous avons discuté de toute la question à plusieurs reprises avec le premier ministre Calvert qui appuie notre programme. Nous avons aussi obtenu un soutien solide de notre maire ainsi que de gens dont nous n'aurions jamais pensé qu'ils nous appuieraient.
Carol, vous avez visité notre centre deux fois. Vous vous êtes intéressée vous-même à ce que nous faisions. Tous ne font pas comme vous.
Á (1125)
Mme Carol Skelton: Puis-je poser une question?
Je sais qu'un programme de désintoxication doit être offert aux jeunes à un moment bien précis. Les jeunes sont-ils dirigés vers votre centre au bon moment? Existe-t-il un endroit où vous pouvez placer un jeune?
Il y avait autrefois en Saskatchewan un centre appelé le Centre de traitement pour jeunes de White Spruce. Nous parlons ici de lits destinés aux jeunes. Y a-t-il un endroit où vous pouvez diriger un jeune qui a vraiment besoin de participer à un programme de désintoxication?
Mme Sandra Lane: Le Centre Calder offre un programme de traitement destiné aux adolescents. Il existe très peu de places réservées aux jeunes ayant besoin de suivre un programme de désintoxication.
Mme Carol Skelton: Quel est le nombre de lits qui leur sont réservés?
Mme Sandra Lane: Douze lits leur sont réservés au Centre Calder.
Mme Carol Skelton: C'est pour toute la province?
Mme Sandra Lane: Essentiellement.
Mme Carol Skelton: Douze lits réservés aux jeunes dans toute la province.
Mme Sandra Lane: Il se produit à l'occasion qu'un programme de désintoxication pour adultes accepte un jeune. Est-ce cependant le programme indiqué pour un jeune? Sans doute pas. Avons-nous d'autre choix? Non.
Vous allez entendre Blair Buchholz cet après-midi. Le Centre Calder accepte donc des jeunes. Que faire si un jeune n'est pas accepté à ce centre? Il faut établir la durée précise du programme de traitement. Il arrive parfois qu'un jeune qui participe à un programme de désintoxication devrait plutôt participer à un programme de réhabilitation.
Mme Carol Skelton: Gary, que faites-vous de ce jeune? L'envoyez-vous au Centre Calder?
M. Gary Beaudin: Le fait est que la plupart de nos jeunes ne se retrouveront pas dans cette situation. Ils fonctionnent et ils en sont à une autre étape. Cela suppose tant...
Mme Carol Skelton: Vous vous occupez donc d'enfants de l'âge de zéro à--
M. Gary Beaudin: Dix-sept ans.
Dans des cas spéciaux, nous travaillons intensivement auprès du jeune et nous trouvons une place pour lui dans un centre de traitement. Il nous faut cependant faire beaucoup de démarches pour arriver à cette fin.
Le suivi pose aussi des difficultés. Je ne veux pas exagérer les choses, mais les jeunes ont certainement besoin qu'on assure un suivi auprès d'eux.
Nous obtenons des fonds de Patrimoine Canada dans le cadre de l'Initiative de centres urbains polyvalents pour les jeunes Autochtones. Nous disposons d'un budget annuel modeste de 400 000 $. Certains jours, nous accueillons jusqu'à 150 jeunes.
Quant à savoir quelles sommes servent à traiter les mêmes jeunes... Nos jeunes sont dirigés vers le Centre Kilburn et d'autres centres de traitement notamment lorsqu'ils connaissent des démêlés avec la justice. Certains centres dépensent des sommes énormes comparativement à nous. Nous ne dépensons presque rien mais nous accueillons 100 enfants par jour et parfois davantage. Nous aidons beaucoup de jeunes. Le conseil de santé de district dépense environ 186 000 $ ou 196 000 $ par année quand on tient compte des dépenses en personnel.
Deux cent mille dollars de plus permettraient à notre centre de demeurer ouvert jusqu'à 2 heures ou 3 heures du matin au lieu de 22 h 30, de sorte que les jeunes n'auraient pas à rentrer chez eux. Cela vaudrait mieux pour bon nombre de ces jeunes. Ils sont dans la rue parce qu'ils ne veulent pas rentrer chez eux. Si nous pouvions les garder jusqu'à 2 heures ou 3 heures du matin, ce serait la situation idéale. Ils iraient ensuite à l'école et reviendraient à notre centre. C'est ce que nous aimerions pouvoir faire.
Á (1130)
Mme Carol Skelton: J'ai une question très brève à poser. Vous avez dit obtenir des fonds de Patrimoine Canada, n'est-ce pas?
M. Gary Beaudin: Oui.
Mme Carol Skelton: C'est intéressant.
La présidente: Pourquoi la brochure ne l'indique-t-elle pas?
M. Gary Beaudin: Ce renseignement devrait figurer à l'arrière de la brochure.
La présidente: Très bien. Le Conseil tribal de Saskatoon...
M. Gary Beaudin: Il est sans doute seulement question des partenaires. Nous manquions d'espace. Nous n'avons peut-être pas indiqué ce renseignement parce que nous ne savions pas si notre financement serait renouvelé. Nous ne savons pas encore si Patrimoine Canada continuera de nous donner des fonds. Nous ne savons pas si ces fonds seront les mêmes. L'initiative est en fait terminée et cela nous préoccupe.
Mme Carol Skelton: Il s'agissait d'une subvention non répétitive, n'est-ce pas?
M. Gary Beaudin: Il s'agissait d'une initiative échelonnée sur trois ans. Une certaine partie de notre financement nous vient de la ville.
Nous avons donc pris un risque et nous avons établi un partenariat avec le conseil de santé de district, la ville et les nations métisses. Nous avons donc pris le risque de construire ce centre dans l'espoir qu'il soit vu comme un service essentiel. Les gens se diraient alors qu'il faut absolument trouver le financement nécessaire pour nous permettre de poursuivre nos activités. Cela étant dit, nous sommes parvenus à la fin du cycle de financement et nous ne savons pas à quoi nous attendre.
La présidente: Monsieur Armitage.
M. Lyell Armitage: Puis-je poser une question à Gary? Je ne sais pas si c'est--
La présidente: Allez-y. C'est très inhabituel, mais allez-y tout de même. Nous sommes souples.
M. Lyell Armitage: Très bien.
Obtenez-vous des fonds du ministère des Affaires indiennes?
M. Gary Beaudin: Il s'agit de services complètement dispensés dans la réserve. Le ministère des Affaires indiennes s'occupe de tout ce qui concerne les services dans les réserves. Il s'agit d'une énorme question politique. Patrimoine Canada nous accorde des fonds dans le cadre de l'initiative des centres urbains polyvalents pour les jeunes Autochtones, mais ces services sont offerts dans la réserve. Les jeunes que nous aidons vivent tous en milieu urbain ou hors des réserves. Il s'agit donc de deux--
M. Lyell Armitage: Ces jeunes ne font-ils pas la navette entre la ville et la réserve?
M. Gary Beaudin: En effet. Vous avez tout compris.
La présidente: Lyell, lorsqu'il changera de carrière, vous aidera à préparer des demandes de subvention.
Cela m'amène à la question suivante. Ce groupe de discussion s'intéresse tout particulièrement à l'éducation et à la prévention. D'autres groupes de discussion traiteront de d'autres questions.
Les Canadiens aiment croire que notre stratégie repose sur le bon équilibre pour ce qui est de notre approche et des sommes qui sont investies. Or, la vérificatrice générale a fait ressortir le fait que le gouvernement fédéral consacre 95 p. 100 des fonds dans ce domaine à la réduction de l'offre et seulement 5 p. 100 à la réduction de la demande. La question s'explique en bonne partie du fait que, contrairement à la Suède, le Canada est une fédération et les stratégies de réduction de la demande ressortent des domaines de la santé et de l'éducation, lesquels relèvent des provinces. Nous avons en fait demandé aux ministres de la santé provinciaux de nous indiquer quelle part de leur budget est consacrée à la réduction de la demande. Une certaine part du budget sera consacrée à la réduction de l'offre parce que, selon la province visée, les forces policières municipales et provinciales interviennent dans le domaine. On peut donc s'attendre à ce qu'une part du budget soit consacrée à la réduction de l'offre.
Vous oeuvrez dans le domaine de la prévention, c'est-à-dire dans le domaine de la réduction de la demande. Faisons-nous suffisamment dans ce domaine? Vous avez laissé entendre que ce n'était pas le cas, monsieur Armitage, et c'est aussi ce que nous avons entendu dans l'ensemble du pays. Quel intervenant est le mieux placé pour s'occuper de la prévention?
Madame Lane, votre organisme met en oeuvre des programmes directement dans les écoles et par l'intermédiaire du conseil de santé de district. D'autres ressources sont-elles affectées à la prévention?
Certaines personnes ont insisté sur la nécessité que le message transmis aux jeunes soit uniforme. Il semble évident, monsieur Beaudin, que des messages provenant de diverses sources parviennent à vos jeunes. D'où proviennent ces messages?
Existe-t-il dans cette province un programme qui vise à renseigner les jeunes sur les choix en matière de santé, l'évaluation des risques ou les effets des drogues? Ce genre de programme existe dans certaines provinces et pas dans d'autres. Les provinces semblent croire qu'elles ont trouvé le moyen de rejoindre les jeunes, mais les jeunes nous disent le contraire. Quelle est votre impression à cet égard?
L'autre question que je veux vous poser et qui a trait à l'intervention des provinces se rapporte à quelque chose que nous avons entendu hier. Un témoin nous a dit que dans les Territoires du Nord-Ouest, les services de santé et les services sociaux sont intégrés de sorte que le gouvernement peut offrir des programmes mixtes. Le gouvernement veille à ce que les habitants des Territoires du Nord-Ouest mangent à leur faim et vivent dans un milieu sûr. Lorsque divers ministères se partagent les responsabilités dans ces domaines, il arrive parfois que l'uniformité du message laisse à désirer. La province est petite. Tous les ministères coordonnent-ils leurs efforts ou cela leur est-il impossible?
Allez-y d'abord, monsieur Armitage.
Á (1135)
M. Lyell Armitage: Permettez-moi de faire un bref rappel historique. Au début des années 90, lorsque le gouvernement a décidé de démanteler la Saskatchewan Alcohol and Drug Abuse Commission dans le cadre de sa restructuration des soins de santé, il a décidé de créer 32 districts de santé. Tous les services de lutte contre la toxicomanie qui relevaient autrefois de la Commission ont été confiés aux districts de santé. Il existe donc maintenant en fait 32 commissions qui ont toutes leurs politiques et procédures propres.
Ce sur quoi je voulais cependant insister--
La présidente: Excusez-moi. Je ne veux pas vous interrompre, mais j'aimerais savoir si les districts de santé doivent se conformer à des lignes directrices provinciales ou s'ils peuvent proposer des solutions convenant à la situation locale?
M. Lyell Armitage: Chaque district de santé s'est inspiré des politiques et des procédures de la SADAC, lesquelles existaient depuis un certain nombre d'années, pour établir ses propres politiques et procédures.
Voici le problème tel que je le conçois. Sandy serait d'accord avec moi là-dessus bien qu'il n'y ait pas beaucoup de choses sur lesquelles elle et moi sommes d'accord. Au moment de son démantèlement en 1993, le budget de la SADAC s'élevait à environ 16 millions de dollars. La prévention et la formation disposaient de leur propre budget, lequel s'élevait à plus de 1 million de dollars. Après la création des districts, il ne restait rien pour la prévention et la formation. N'ai-je pas raison?
Voilà l'un des problèmes qui se posent. Lorsque Carol m'a téléphoné et m'a demandé si je pouvais participer au groupe de discussion sur le traitement ou si je devrais plutôt participer à un autre groupe... Je pense qu'il faut revenir aux questions fondamentales dans cette province et au Canada. Il faut que le gouvernement fédéral fasse preuve d'un leadership en vue de l'établissement d'une stratégie de lutte contre les drogues qui soit uniforme dans tout le pays. Ce genre de stratégie n'existe pas à l'heure actuelle, madame la présidente.
Si l'on a de la chance, un district met en oeuvre une stratégie valable, mais il existe beaucoup de districts. Certains consacrent l'argent dont ils disposent à des services de counselling. Les sommes investies ne suffisent pas. Nous avons pressé le gouvernement d'accroître ses investissements, mais il ne l'a pas fait.
La présidente: Le programme scolaire traite-t-il de la lutte contre les toxicomanies dans cette province?
M. Lyell Armitage: Non.
Mme Sandra Lane: Permettez-moi de dire quelques mots à ce sujet. Je ne peux pas dire ce qu'il en est dans toute la province parce que la situation varie d'un coin à l'autre, et cela me préoccupe. Le message qui est livré n'est jamais le même.
Dans notre district de santé, bon nombre d'écoles offrent un programme de sensibilisation aux drogues. Le réseau des écoles catholiques, par exemple, offre le programme Quest qui porte essentiellement sur les différents modes de vie. C'est un excellent programme qui est normalement dirigé par une personne-ressource comme moi. Le programme s'appelle Lions-Quest parce qu'il a été conçu au départ par le Club Lions. Les enseignants sont formés pour dispenser ce programme.
Dans le cadre de ce programme, mon rôle est habituellement de venir parler aux élèves de la toxicomanie et de l'alcoolisme. Il ne suffit pas de dire quelques mots aux élèves sur ces questions. Il faut qu'un programme solide leur soit offert à partir du jardin d'enfance. Il s'agit d'aborder avec eux les questions de base et non pas de leur parler nécessairement des drogues illicites. Il s'agit de faire en sorte qu'en 10e, en 11e ou en 12e années, les élèves sachent que la consommation de drogues est sanctionnée par des lois. C'est un peu comme les programmes qui visent à faire en sorte que les élèves de 12e année organisent une soirée des finissants sans risque. Il faudrait les préparer en ce sens dès leur entrée à l'école. Voilà un aspect de la question.
J'aimerais ajouter une dernière chose au sujet de la sensibilisation aux drogues. Vous avez parlé de budget... Voici ce que j'ai appris à cet égard en parlant de la question avec les membres du comité d'organisation de la Semaine nationale de sensibilisation aux drogues. L'an dernier, nous avons reçu une petite boîte de brochures à distribuer parmi les centaines de parents et de jeunes avec lesquels nous travaillons. Cette année, nous n'avons reçu aucune brochure. Dans ce cas, peut-on vraiment parler de sensibilisation aux drogues lorsque nous ne disposons d'aucun outil pour promouvoir la prévention et l'éducation dans les écoles et auprès des parents dans un district de santé comme Saskatoon?
Je sais comment tirer parti des ressources dont je dispose, mais lorsqu'il s'agit d'une semaine qui est spécialement consacrée à la sensibilisation aux drogues, c'est bien si l'on peut distribuer quelques brochures. Il s'agit de tirer parti de l'intérêt que suscite cette semaine. À l'heure actuelle, nous grattons les fonds de tiroir, et ce n'est pas agréable. Voilà simplement un exemple pour appuyer ce que disait Lyell.
Comme vous le faisiez remarquer, madame la présidente, la répartition des fonds est 95 p. 100 et 5 p. 100. Comment pouvons-nous obtenir des résultats dans des conditions semblables?
Á (1140)
La présidente: Monsieur Beaudin.
M. Gary Beaudin: En ce qui touche la concertation des efforts et l'intégration des services, nous sommes allés jusqu'au bout dans ce sens avec beaucoup de succès. Nous y croyons fermement et nous voyons que la façon dont nous offrons nos services diffère beaucoup de celle d'autres organismes. Nous servons d'exemple. Nos services sont beaucoup moins coûteux.
Il n'y a pas de loyer à payer lorsqu'un programme est dispensé dans une école. Les conseils scolaires n'ont pas à payer de frais supplémentaires en loyer et n'encourent pas non plus de frais administratifs additionnels. Les téléphones sont déjà en place, par exemple. Il est beaucoup moins coûteux d'offrir un programme dans une école que de l'offrir ailleurs et l'on peut ainsi tenir compte de l'évolution des besoins de la clientèle. Bon nombre de gestionnaires ont changé leur façon de voir la question. Ils trouvent que nous obtenons des résultats vraiment étonnants. Les services de lutte contre la toxicomanie n'aidaient pas beaucoup nos jeunes dans les centre-villes jusqu'à récemment, mais ils le font maintenant. On a retenu les services d'une personne à temps plein qui travaille maintenant avec bon nombre de nos jeunes. Nos jeunes peuvent maintenant rencontrer fréquemment cette travailleuse. Le programme donne donc de très bons résultats et il est certainement beaucoup moins coûteux que tout ce qui existait jusqu'ici.
La présidente: Ce programme s'inspire-t-il d'un modèle ou l'avez-vous conçu vous-même? Si vous ne faites que la moitié de ce que prétend cette brochure, il s'agit certainement du meilleur programme dans tout le pays.
M. Gary Beaudin: Il n'existe pas beaucoup de modèles dont on peut s'inspirer. L'école secondaire Nutana dans la partie est de la ville offre un programme semblable depuis quelques années. Ce programme fait appel à la participation de travailleurs sociaux, de travailleurs auprès des toxicomanes et d'autres types de spécialistes. Comme on s'est rendu compte que les jeunes ont besoin de ce genre de services, ils sont maintenant offerts à l'école. Le programme a été mis sur pied à la demande des jeunes.
La présidente: Ce programme s'adresse-t-il aussi aux Autochtones?
M. Gary Beaudin: Oui. Un nombre élevé de jeunes Autochtones fréquentent cette école parce qu'elle offre d'autres types de services de soutien, notamment des services aux parents adolescents. Comme le programme est dispensé dans une école, les services sont offerts de 8 h 30 à 22 h 30.
La présidente: Le YMCA ou Centraide offrent-ils un programme semblable? Dans ma collectivité, par exemple, les jeunes peuvent jouer au basketball jusqu'à 2 heures du matin le vendredi et le samedi et ce programme est offert pour éviter que ces jeunes se retrouvent dans la rue. Je fais moi-même du bénévolat à ce centre.
M. Gary Beaudin: C'est une bonne question. Je fais partie du conseil d'administration de Centraide. Nous finançons de nombreuses organisations communautaires à Saskatoon qui offrent des services particuliers comme l'unité de crise mobile, l'unité d'intervention en cas de viol, les clubs pour garçons et filles et les grands frères.
Á (1145)
La présidente: Et pour ce qui est des services dispensés tard en soirée?
M. Gary Beaudin: Ce genre de service est rare. La ville a par le passé essayé d'offrir ce genre de service, mais ne pouvait pas assurer d'uniformité. Voilà pourquoi nous les offrons maintenant.
Comme M. Ménard l'a souligné, le problème qui se pose, c'est que certains résidents s'opposent à ce genre de service pour des raisons morales. Ceux qui critiquent notre programme s'y opposent pour des raisons morales. Si le centre reste ouvert jusqu'à 2 heures du matin, on nous reproche de violer la loi parce que l'heure de rentrée est 22 heures. Si nous encourageons les jeunes à faire des travaux artistiques à l'arrière de notre immeuble parce que nous ne voulons pas qu'ils le fassent à l'avant, quelqu'un appelle le maire de la ville et se plaint que nous permettons aux jeunes de faire des graffitis. Si des jeunes se réunissent dans notre terrain de stationnement, certaines personnes formulent des plaintes alléguant qu'il s'agit de gangs. Où veut-on ces jeunes? Dans la collectivité ou dans les rues? Voilà les difficultés d'ordre moral auxquelles nous sommes confrontés. Le fait de rester ouvert jusqu'à 2 h du matin n'est pas bien vu par tous dans notre collectivité.
Nous avons dû procéder par étapes et prendre toutes sortes de mesures pour convaincre les gens du bien-fondé de nos interventions. Certains ne comprennent pas l'objectif que nous visons ou s'opposent aux moyens que nous prenons pour y parvenir pour des raisons morales. M. Ménard a tout à fait raison de dire que les mentalités doivent changer. Il faut songer à ce qui est dans l'intérêt du client.
La présidente: Il a été question aujourd'hui de la réduction des méfaits et de divers éléments de cette approche. Comme vous le savez, certains de vos collègues soutiendraient que la réduction des méfaits est une contradiction dans les termes. Pour eux, cette approche empire les choses, et c'est peut-être parce qu'elle ne se fonde pas sur l'abstinence. Or, bon nombre des interventions dont vous nous avez parlé visent en fait à réduire les méfaits de la toxicomanie. À mon avis, l'abstinence est certainement une façon de réduire ces méfaits.
À mon sens, la prévention vise essentiellement à prévenir que les personnes commencent à consommer des drogues ou à retarder le plus possible le moment où ils le feront. Il n'a pas été agréable d'entendre dans tout le pays à quel point on met si peu l'accent sur la prévention et de voir qu'on se demande toujours si c'est le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux ou les administrations municipales qui doivent se préoccuper de prévention. Le pays tout entier doit se donner une stratégie cohérente qui tienne compte de l'intérêt des jeunes. Beaucoup de gens semblent croire qu'il n'y a pas de place pour les jeunes.
On ne peut pas vraiment parler de prévention ou de sensibilisation aux drogues dans ce cas, mais les programmes d'échange de seringues ont aussi leur place parmi les stratégies de lutte contre la toxicomanie. Certaines personnes proposent qu'on crée des piqueries contrôlées. La plupart d'entre vous n'ont pas parlé de la consommation de drogues injectables et le problème n'est peut-être pas aussi grave dans cette région-ci du pays. Si le comité recommandait la mise en oeuvre de ce genre de programme dans le cadre d'une stratégie nationale qui mette l'accent sur la prévention tout en tenant compte de la situation réelle dans les collectivités, serait-il acceptable dans votre milieu? Quels autres types de mesures devrions-nous recommander qu'on mette en oeuvre?
Évidemment, là où les gens ne s'injectent pas des drogues, une piquerie contrôlée ne leur vient même pas à l'idée. Mais dans le quartier est du centre-ville de Vancouver, il serait peut-être utile de faire sortir les gens des ruelles et les amener dans un endroit chauffé et sécuritaire où on peut les surveiller.
Vous avez mentionné le décès tragique survenu en fin de semaine. Je crois comprendre qu'en Hollande il y a des tests pour l'ecstasy, ce qui est une stratégie de réduction des méfaits. On n'approuve pas l'utilisation de l'ecstasy. On leur dit: «Assurez-vous de ne pas prendre de poison pour les rats en prenant cette pilule. Vérifiez bien ce que vous prenez.»
Bien sûr, certains programmes d'échange d'aiguilles aident beaucoup entre autres... Ils distribuent des condoms. C'est de la prévention contre le VIH. Ils essaient de recommander d'autres services tout en offrant une tasse de café ou un endroit chaud pour dormir 20 minutes, ou peu importe.
De telles choses pourraient-elles se faire dans cette province? A-t-on besoin de telles mesures dans cette province?
Commençons avec M. Beaudin.
Á (1150)
M. Gary Beaudin: Il y a certainement des gens dans cette collectivité qui font l'usage de drogues IV.
La présidente: Quelles drogues s'injectent-ils?
M. Gary Beaudin: Toutes sortes de choses. Les gens s'injectent n'importe quoi. Entre autres, le Ritalin, le Talwin et des choses semblables. Croyez-le ou non, mais je connais des gens qui se sont injectés du café dans les veines. On y trouve toutes ces choses, la cocaïne et l'héroïne, aspirer de la mescaline et des choses semblables. Ici, c'est certainement un problème qui prend de l'ampleur, même chez les enfants. C'est sans doute un problème pour certains enfants. Ils sont habitués à s'injecter, même dès un jeune âge—15 ou 16 ans—et bien entendu on les retrouve dans tous les autres aspects du système, les tribunaux, etc. Alors le problème existe certainement.
Actuellement, notre communauté offre deux programmes. D'une part, il y a le programme d'échange de seringues du conseil de santé de district, et d'autre part nous avons un service d'approche. Il ressemble aux autres services d'approche, mais on ne distribue pas de seringues; on distribue des condoms, des sandwichs et des ressources. Je pense que ces deux programmes sont ceux qui ressemblent le plus, dans notre collectivité, à des programmes de réduction des méfaits.
Ces deux programmes doivent faire face constamment à des critiques de la part de la collectivité. Je me rappelle d'une réunion à laquelle j'ai assisté. Quelques personnes de la collectivité avaient fait front commun pour fermer les programmes. Quelqu'un avait dit—en résumant la pensée de plusieurs autres—qu'il faudrait se débarrasser de toutes les aiguilles, qu'il ne faudrait plus en faire pour résoudre enfin le problème de l'usage des drogues injectables.
Oui, notre collectivité connaît un problème énorme. Nous travaillons encore, par le biais d'un projet de sécurité en milieu urbain.... J'ai fait partie d'un comité où l'on envisageait une solution comme celle qu'ils avaient trouvée à Calgary, où on se sert des boîtes du bureau de poste—les boîtes aux lettres—on les peinture, on les fixe à un bloc de béton, pour que les gens puissent y jeter leurs aiguilles sales. Notre collectivité a envisagé la possibilité d'utiliser des contenants sécuritaires—des grandes caisses en plastique, par exemple—pour que les gens y jettent leurs aiguilles sales.
Les gens dans notre collectivité ont peur de trouver des aiguilles sales dans les parcs et d'autres endroits semblables. On craint qu'un enfant ne se pique et n'attrape le VIH ou l'hépatite. Sans doute, l'augmentation du nombre d'enfants qui souffrent d'hépatite est le plus grave de tous les problèmes. C'est plus grave que tous les autres problèmes attribuables soit au sexe soit à des drogues injectables. C'est encore un autre phénomène.
On est en train de débattre de tout ce problème des aiguilles sales qui tombent sous la main des gens. Les gens ont peur. Au niveau de la santé, je ne pense pas que le problème soit aussi grave que.... Si quelqu'un se pique sur une aiguille, il y a des risques...on le sait, le VIH et d'autres choses, bien entendu mais en réalité ce risque n'est pas énorme. Néanmoins, il est bien normal que tous les parents de la collectivité s'en inquiètent, et même davantage dans les parcs du centre-ville, où, il va sans dire, l'usage est plus élevé. Mais on les retrouve partout dans la ville. Plus dans certains quartiers que d'autres, mais certainement...
La difficulté, encore une fois, est la résistance: les réalistes, bien sûr ceux qui ne veulent pas vraiment comprendre ce qui se passe dans la communauté—et peut-être qu'ils ne veulent pas le savoir. Ça en fait partie également.
Donc n'importe quel appui serait une bonne idée.
Á (1155)
La présidente: Merci.
Révérend Powell.
Le rév. Powell: Une chose que j'entends très souvent en ce qui concerne le programme d'échange de seringues—et je n'ai aucun problème avec cela—c'est qu'elles devraient être marquées.
La présidente: Marquées? Comment?
Le rév. Powell: On parle d'un échange mutuel, qui vous permettrait de savoir ce que vous recevez. Malheureusement, nous ne savons pas... On m'a raconté une histoire l'autre jour concernant des petits enfants qui revenaient avec des seringues. Ils avaient été envoyés avec un petit mot de leur mère.
D'où venaient-elles ces seringues? Est-ce des seringues de diabétique? Était-ce pour l'héroïne? Autrement dit, ce que nous disons--
La présidente: Doit-on s'en inquiéter?
Le rév. Powell: Non, peu importe, mais j'aimerais voir si c'est un peu plus efficace ou pas...que nous ayons actuellement une preuve à savoir si cela fonctionne.
Je crois que les programmes d'échange de seringues sont nécessaires. Encore une fois, je n'ai aucune difficulté avec la prévention. C'est effectivement le résultat de la réduction des méfaits, cela réduit les méfaits.
La présidente: Vous pourriez être notre enfant-vedette d'affiche!
Merci.
Madame Lane, et ensuite M. Armitage.
Mme Sandra Lane: Je n'ai pas beaucoup plus à ajouter à ce sujet, sauf qu'à mon avis, ça devrait aller de pair avec tous les programmes dont nous discutons, qu'il existe une occasion d'instruire les personnes avec qui nous travaillons, d'intervenir. Si vous distribuez une seringue, un condom, un lunch, ou peu importe à ces gens, en même temps on devrait profiter de l'occasion d'instruire cette personne, de lui fournir de la documentation.
Certains de nos intervenants en toxicomanie dans la ville circulent avec ces fourgonnettes, donc l'occasion de parler avec quelqu'un existe—de donner un numéro de téléphone, de faire un appel, de dire comment accéder à certains services. Nous savons tous, bien sûr, qu'ils ne sont pas tous prêts à passer à l'acte, mais je crois que nous pouvons absolument avoir une très grande incidence sur la motivation de ceux qui veulent vraiment changer leur vie. Si ce n'est pas le cas, je ne crois pas qu'on devrait travailler dans ce domaine. Cela représente une très grande partie de tous ces programmes à mon avis.
Nous ménageons également la chèvre et le chou en ce qui concerne les piqueries contrôlées. Un policier de la ville m'a téléphoné l'autre jour et m'a demandé ce que j'en pensais, et je vous assure que j'ai bien réfléchi. Encore une fois, j'essaie de déterminer si on pourrait vraiment rejoindre des gens et faire une différence dans leur vie si on avait un tel endroit. Ou est-ce une situation où on met en oeuvre quelque chose qui envoie le message, «D'accord, ça va maintenant parce qu'on vous a fourni...»? Il s'agit d'une de ces petites nuances qu'on a à faire, j'imagine, et qu'on peut toujours examiner.
Nous avons beaucoup de consommateurs de drogues injectables dans notre ville, ce que diront certaines personnes qui comparaissent, je sais, devant le comité. Nous en avons beaucoup. C'est une préoccupation sérieuse pour la police, et pour nous dans les services thérapeutiques. C'est essentiellement ce que j'avais à dire.
Je crois seulement qu'il faut tout faire pour motiver ces personnes à effectuer des changements dans leur vie et réduire les méfaits pendant qu'ils consomment de la drogue.
M. Lyell Armitage: Est-ce que nous terminons à midi?
La présidente: Oui.
J'ai une question, avant que vous ne répondiez.
Est-il obligatoire d'avoir des échanges de seringues? Dans ma province, chaque conseil de santé de district est obligé d'avoir un programme d'échange de seringues. Et c'est fascinant, parce qu'on n'exerce aucune pression. Je ne crois pas que ce soit obligatoire pour la plupart.
M. Gary Beaudin: Venez-vous de l'Alberta?
La présidente: Non, de l'Ontario.
M. Gary Beaudin: Je ne crois pas que ce soit obligatoire ici.
La présidente: Mais je trouve cela intéressant, parce que cela leur enlève la pression. Je pense que la plupart des gens ne savent même pas qu'il existe un programme d'échange de seringues dans leur communauté. Il y a diverses méthodes de prestation, parce qu'elle est en partie rurale et en partie urbaine.
D'accord, donc ça ne l'est pas.
Mme Sandra Lane: Non, je ne crois pas.
M. Lyell Armitage: Je deviens très agité quand on parle d'échange de seringues.
Premièrement, je ne parle pas d'échange de seringues. C'est une distribution de seringues. Ils en donnent des boîtes complètes.
Maintenant, encore une fois, il va falloir retourner à la façon de faire les choses...s'il y a une loi qui dit que les choses devraient être ainsi, et que les forces de l'ordre suivent les règlements, j'en serais beaucoup plus heureux que je ne le suis avec ce qui se passe actuellement.
Avec un échange de seringues, on dit «voilà une seringue sale, et voici une seringue propre». Mais on me dit, de source sûre, que dans certaines régions il y a un marché noir pour les seringues. Le toxicomane prend une boîte de seringues propres, inutilisées, il garde toutes ses seringues contaminées, il prend les propres et les vend—à mes frais, en tant que contribuable.
L'année dernière, le district de santé de Regina a connu une augmentation de 100 000 $ pour l'achat de seringues seulement. Un poste du budget pour la santé publique était 100 000 $ pour des seringues. Je crois qu'ils avaient 250 000 $ dans le budget pour les seringues au départ. Maintenant, nous parlons d'argent, de ressources et de prévention. À mon avis, il s'agit d'un gaspillage de ressources et de dollars précieux.
L'autre attitude est celle selon laquelle les gens disent qu'ils vont empêcher les toxicomanes et d'autres personnes qui sont malades d'attraper le VIH et d'autres maladies, le sida et les hépatites A, B et C. Mais selon mes recherches, quand on se penche là-dessus, quand on examine vraiment la question, ça ne fonctionne pas. C'est ce que je dis dans mes observations préliminaires.
Prenons Vancouver. Le médecin du service de santé qui fait partie du RCCET et qui était anciennement le représentant pour Vancouver a fait un commentaire en public une fois. Elle a dit qu'on pourrait en larguer d'un avion sur l'est de Vancouver et que cela ne changerait rien. Maintenant, ils ont un très grave problème là. Je suis tellement content de ne pas vivre à Vancouver et d'avoir la responsabilité d'essayer de résoudre ce problème. Ils ont une situation tout à fait unique qui exigera probablement des sollutions uniques.
Nous n'avons certainement pas ce genre de problème ici en Saskatchewan—touchons du bois, Dieu merci—et j'en suis très reconnaissant. Ça revient à ce que je crois fondamentalement. Je crois en l'élimination des méfaits; je ne suis pas pour la réduction des méfaits.
Si vous êtes un toxicomane et vous vous piquez 30 à 40 fois quotidiennement avec Dieu sait quelles sortes de substances, est-ce que vous vous en fichez vraiment si vous avez une seringue propre ou pas? À moins de recevoir un traitement pour votre toxicomanie, vous allez mourir de toute façon. Vous allez mourir d'une surdose ou vous allez mourir du sida. C'est pour cela que je dis que je ne voudrais pas voir mourir personne.
J'ai parlé à certaines personnes qui croient vraiment en la réduction des méfaits. Sandy dit que grâce au ciel, ici à Saskatoon, ils ont un travailleur en toxicomanie qui circule avec des seringues, une personne qui les distribue. Je leur ai suggéré qu'ils disent à la personne, «il y a d'autres options à part de vous piquer 30 fois par jour. Avez-vous déjà considéré une tentative de désintoxication? Est-ce qu'on vous a déjà parlé de traitement? Est-ce qu'on vous a déjà parlé d'abandonner les drogues?» C'est par opposition à une personne qui continue à donner et à donner et à donner.
En tant que personne guérie, je peux poser la question: pourquoi est-ce que je voudrais changer ma vie si les gens continuent à m'habiliter, à me donner ce que je veux pour m'arranger? J'essaie de faire preuve de maturité et d'être aussi sensé que possible. Je pense que vous avez une idée de comment je me sens à ce sujet.
Tantôt j'ai parlé de mes petits-enfants. Je ne veux pas que mes petits-enfants grandissent dans une société qui dit, bon d'accord, voilà, on vous donne un machin propre. Je suis contre. Je ne voudrais pas que mes petits-enfants me disent: «vous travaillez dans ce domaine, n'est-ce pas, grand-papa?» Eh bien, aujourd'hui je peux dire que je suis venu et que j'en ai parlé aux législateurs du gouvernement fédéral et que j'ai fait mon possible.
Je suis contre la réduction des méfaits. Ça fonctionne dans certains domaines, mais pour d'autres domaines je suis pour l'élimination des méfaits. Débarrassons-nous complètement de ces histoires. Nous le ferons en resserrant les lois, en étant plus respectueux de ce que nous avons déjà en place et en ayant des conséquences. S'il n'y a pas de conséquences, s'il n'y aura pas d'effets néfastes ou négatifs, eh bien ces gens-là seront toujours malades et ils ne seront pas traités.
 (1200)
La présidente: Merci. Cela terminera notre groupe d'aujourd'hui.
 (1205)
[Français]
M. Réal Ménard: Est-ce qu'on peut avoir un deuxième tour?
La présidente: J'aurais aimé qu'il y ait un deuxième tour, mais les réponses ont été très longues et les questions aussi au début.
M. Réal Ménard: Oui, mais il faut que vous soyez équitable quant au temps de parole de chacun. Vous ne pouvez pas laisser...
La présidente: Je peux vous dire que j'ai tenu compte du temps de chacun.
M. Réal Ménard: On en reparlera plus tard.
[Traduction]
La présidente: D'accord.
Je remercie nos invités. Merci du temps que vous avez pris pour venir ici aujourd'hui et d'avoir préparé des exposés. Également, et je crois que c'est très important, je vous remercie tous pour votre dévouement et pour le travail que vous effectuez avec tant de passion quotidiennement dans nos collectivités. Je suis certaine que la population de la Saskatchewan vous remercie, et je sais que tous les Canadiens et Canadiennes vous remercient. Donc poursuivez votre bon travail.
Si vous avez d'autres idées ou commentaires ou quoi que ce soit—des études que vous voulez nous envoyer—nous serons très heureux de les avoir. Notre autre greffière, Carol Chafe, sera heureuse de les recevoir et de tout distribuer dans les deux langues officielles. On peut vous donner l'adresse de courrier électronique en partant, si vous ne l'avez pas déjà.
Je vous remercie beaucoup.
Nous reprendrons nos travaux à 14 heures. La séance est levée.