SNUD Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
37e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments
Témoignages du comité
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 21 février 2002
¿ | 0905 |
La présidente (Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.)) |
¿ | 0910 |
¿ | 0915 |
M. Remo Paglia (Operation Springboard) |
¿ | 0920 |
La présidente |
M. Dennis Long (directeur exécutif, Breakaway). |
¿ | 0925 |
¿ | 0930 |
La présidente |
M. Elio Sergnese (directeur, Caritas) |
¿ | 0935 |
Mme Joyce Bernstein (vice-présidente, Santé publique de Toronto, Ville de Toronto) |
¿ | 0940 |
¿ | 0945 |
¿ | 0950 |
La présidente |
M. Randy White (Langley--Abbotsford, Alliance canadienne) |
M. Remo Paglia |
M. Randy White |
M. Remo Paglia |
M. Randy White |
Mme Wanda McPherson (coordinatrice, Bureau déjudiciarisation, Opération Springboard) |
M. Randy White |
M. Dennis Long |
¿ | 0955 |
M. Randy White |
La présidente |
M. Dennis Long |
À | 1000 |
La présidente |
Mme Joyce Bernstein |
La présidente |
M. Remo Paglia |
La présidente |
M. Randy White |
Mme Joyce Bernstein |
M. Randy White |
Mme Joyce Bernstein |
À | 1005 |
La présidente |
M. Ménard |
M. Remo Paglia |
Mme Wanda McPherson |
M. Ménard |
À | 1010 |
La présidente |
M. Dennis Long |
M. Ménard |
À | 1015 |
La présidente |
M. Dennis Long |
La présidente |
Mme Joyce Bernstein |
À | 1020 |
M. Ménard |
Mme Joyce Bernstein |
La présidente |
M. Dennis Long |
M. Ménard |
La présidente |
M. Elio Sergnese |
M. Ménard |
M. Elio Sergnese |
La présidente |
À | 1025 |
M. Derek Lee (Scarborough--Rouge River, Lib.) |
Mme Joyce Bernstein |
M. Lee |
Mme Joyce Bernstein |
À | 1030 |
M. Lee |
Mme Joyce Bernstein |
M. Lee |
Mme Joyce Bernstein |
À | 1035 |
M. Lee |
Mme Joyce Bernstein |
M. Dennis Long |
M. Lee |
La présidente |
La présidente |
À | 1045 |
Mme Wanda McPherson |
La présidente |
Mme Wanda McPherson |
À | 1050 |
À | 1055 |
Mme Joyce Bernstein |
Á | 1100 |
Mme Joyce Bernstein |
La présidente |
Mme Joyce Bernstein |
Á | 1105 |
M. Randy White |
M. Dennis Long |
Á | 1110 |
M. Dennis Long |
M. Randy White |
M. Randy White |
Mme Joyce Bernstein |
Mme Joyce Bernstein |
M. White (Langley--Abbotsford) |
Á | 1115 |
Mme Joyce Bernstein |
Mme Joyce Bernstein |
M. Réal Ménard |
Á | 1120 |
Mme Joyce Bernstein |
M. Ménard |
M. Dennis Long |
Á | 1125 |
M. Remo Paglia |
M. Ménard |
Mme Joyce Bernstein |
M. Ménard |
M. Ménard |
M. Ménard |
Mme Joyce Bernstein |
Á | 1130 |
M. Lee |
M. Elio Sergnese |
M. Lee |
M. Lee |
M. Elio Sergnese |
M. Lee |
M. Lee |
M. Elio Sergnese |
M. Lee |
M. Lee |
M. Lee |
M. Elio Sergnese |
Á | 1135 |
M. Lee |
M. Elio Sergnese |
M. Lee |
La présidente |
M. Elio Sergnese |
La présidente |
M. Elio Sergnese |
La présidente |
M. Elio Sergnese |
La présidente |
M. Elio Sergnese |
La présidente |
M. Elio Sergnese |
La présidente |
M. Elio Sergnese |
Á | 1140 |
M. Dennis Long |
M. Elio Sergnese |
Mme Joyce Bernstein |
M. Dennis Long |
Á | 1145 |
La présidente |
La présidente |
Á | 1150 |
Á | 1155 |
M. Raffi Balian (co-fondateur, Illicit Drug Users Union of Toronto) |
 | 1200 |
 | 1205 |
 | 1210 |
 | 1215 |
La présidente |
M. Randy White |
La présidente |
M. Randy White |
M. Raffi Balian |
M. Randy White |
M. Raffi Balian |
M. Marc McKenzie (bénévole, Illicit Drug User Union of Toronto) |
 | 1220 |
M. Raffi Balian |
M. Randy White |
M. Mark McKenzie |
M. Raffi Balian |
 | 1225 |
M. Randy White |
M. Raffi Balian |
M. Randy White |
M. Raffi Balian |
M. Randy White |
La présidente |
M. Ménard |
M. Raffi Balian |
M. Ménard |
M. Raffi Balian |
M. Ménard |
M. Marc Mckenzie |
 | 1230 |
M. Ménard |
M. Raffi Balian |
M. Ménard |
 | 1235 |
M. Marc McKenzie |
 | 1240 |
M. Lee |
 | 1250 |
La présidente |
CANADA
Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments |
|
l |
|
l |
|
Témoignages du comité
Le jeudi 21 février 2002
[Enregistrement électronique]
¿ (0905)
[Traduction]
La présidente (Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.)): Je déclare la séance ouverte.
Nous représentons le Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments. Ce comité, formé en mai 2001, a pour mandat d'étudier les facteurs sous-jacents ou liés à la consommation non médicale de drogues ou médicaments et d'en rendre compte à la Chambre des communes d'ici novembre 2002.
¿ (0910)
La séance d'aujourd'hui fait partie d'une série de séances. En plus de celles qui se sont déroulées à Ottawa, certaines ont eu lieu dans tout le pays--et nous espérons continuer cet exercice.
Je vais vous présenter mes collègues et vous donner leur appartenance politique. Nous faisions remarquer hier encore à quel point nous ne sommes pas tellement partisans, par rapport à certains comités.
Je m'appelle Paddy Torsney et je suis députée de Burlington. Randy White est vice-président du comité et membre de l'Alliance canadienne pour Abbotsford (Colombie-Britannique). Réal Ménard, du Bloc Québécois, est le député de Hochelaga--Maisonneuve, qui ressemble probablement au secteur est de la rue Queen à Montréal--c'est vrai? Derek Lee, libéral, est le député de Scarborough--Rouge River. Et la Dre Hedy Fry de Vancouver-Centre, aussi un libéral, nous rejoindra au cours de la matinée.
Notre greffière et nos recherchistes sont ici pour nous garder sur la bonne voie et toute une série de gens voient au bon déroulement de nos séances. Vous n'avez pas besoin de saisir les micros; ils s'en chargeront.
Je vais vous présenter nos témoins. Nous accueillons Remo Paglia, de l'Opération Springboard; Wanda McPherson, du bureau de déjudiciarisation; Dennis Long, directeur exécutif de Breakaway, et Elio Sergnese, directeur de Caritas.
Remo, pourquoi ne pas commencer par vous, puis continuer avec Dennis et ensuite avec Elio?
¿ (0915)
M. Remo Paglia (Operation Springboard): Merci et bonjour.
Je vous remercie de me donner l'occasion de décrire le travail réalisé par Springboard à Toronto, qui concerne plus de 2 300 jeunes et adultes accusés d'infractions liées au cannabis. Pendant plus de 30 ans, Springboard a conçu et dispensé des programmes visant à prévenir et à réduire le crime. Grâce à nos 15 sites en Ontario, nous encourageons plus de 400 bénévoles chaque année à servir plus de 9 000 jeunes contrevenants et délinquants adultes et personnes susceptibles de s'impliquer dans des activités criminelles.
En 1997, le projet de loi C-41 concernant l'article 717 reconnaissait des mesures de rechange officielles pour les personnes accusées de possession simple de cannabis. En mai 1998, grâce au financement de lancement du ministère de la Justice Canada, Springboard a commencé à dispenser des programmes de déjudiciarisation du cannabis destinés aux adultes au tribunal du vieil hôtel de ville de Toronto. Justice Canada a également soutenu un programme de déjudiciarisation du cannabis destiné aux jeunes âgés de 13 à 17 ans, en avril 2000.
Grâce à des appuis dévoués à ce programme, à la collaboration des avocats de la Couronne et à la détermination de mesures de rechange responsables, comme les placements dans le cadre de services communautaires, l'emploi de la déjudiciarisation a augmenté de façon significative. En général, les avocats fédéraux de la Couronne n'appuient la déjudiciarisation après l'inculpation que lorsqu'il s'agit de délinquants primaires; lors d'une deuxième arrestation, le jeune ou l'adulte se verra poursuivi au criminel.
Les avocats de la Couronne font un examen initial puis renvoient les cas pertinents pour la déjudiciarisation à un membre du personnel de Springboard. Renseignés par leur avocat ou par l'avocat de service, les jeunes et les adultes sont admis dans le programme lorsqu'ils ont assumé la responsabilité de leur infraction et qu'ils ont choisi d'effectuer de 25 à 40 heures de travaux communautaires.
En fonction de leurs problèmes particuliers, les participants peuvent avoir accès à des services liés à des conseils en matière de drogues, à l'emploi et à la formation scolaire. Au moment de la détermination des conditions de la déjudiciarisation, les questions d'ordre physique et mental et le contexte culturel et linguistique de l'accusé sont pris en considération.
Les avocats de la Couronne approuvent la condition de la déjudiciarisation et le cas est reporté et suivi pendant deux mois, ce qui permet la conclusion des ententes de déjudiciarisation. Les délinquants retournent devant le tribunal et, si les exigences ont été remplies, l'accusation est retirée, sinon la Couronne procède aux poursuites.
Nous avons gagné le soutien du public pour la déjudiciarisation du cannabis en faisant participer petit à petit des groupes et des organismes qui ne traitent habituellement pas avec le système judiciaire. Nous nous efforçons surtout d'associer des quartiers et des groupes à la conception et à la surveillance des projets des services communautaires et placements pour servir les sans abri et les autres personnes défavorisées.
Notre propre étude sur les intérêts du public, confiée en 1997 au professeur Tony Doob, du centre de criminologie de l'Université de Toronto, a confirmé que le public appuyait les mesures économiques autres que les mesures officielles de justice pénale, comme la comparution devant le tribunal et l'emprisonnement, si elles avaient des conséquences efficaces, valables et raisonnables et si les jeunes et les adultes s'y soumettaient.
Voici les points saillants du programme du 1er mai 1998 au 31 décembre 2001: le programme a desservi 2 341 jeunes et adultes; ceux-ci ont effectué 65 134 heures de travaux communautaires; plus de 4 000 témoins de la police n'ont pas eu besoin de se présenter devant le tribunal pour adultes; 211 groupes et organismes communautaires ont participé et le taux de satisfaction aux exigences de déjudiciarisation atteint 94 p. 100.
La recherche indépendante financée par Justice Canada et entreprise par la Ryerson Polytechnic University sur 665 cas de déjudiciarisation a confirmé que seules 32 personnes, soit 5 p. 100, ont fait l'objet d'une autre condamnation au criminel, dont 6 pour des infractions similaires.
Qu'est-ce que cela signifie pour ce comité? Que le modèle de déjudiciarisation après l'inculpation dépénalise effectivement les infractions de possession simple de cannabis. Une recherche indépendante confirme le succès et l'appui obtenus par cette démarche. Axés sur la collectivité, ces programmes fournissent également les résultats satisfaisants suivants.
Ils offrent une réponse plus opportune à une poursuite au criminel pour violation de lois canadiennes, sans être la source des répercussions ou de la stigmatisation qu'aurait un casier judiciaire relativement à l'emploi et aux déplacements internationaux. Ils permettent une intervention rapide dans l'éducation antidrogue. La collectivité profite des travaux communautaires ainsi effectués. Ces programmes sont en quelque sorte un catalyste pour obtenir le soutien et la participation du public relativement au sytème de justice pénale. Ils offrent aux gens la possibilité de contribuer et de s'associer aux ressources communautaires et permettent aux tribunaux de concentrer leurs ressources sur des affaires plus graves.
Springboard a également atteint un objectif important du programme en trouvant du soutien pour une intervention de la police autre qu'une arrestation probable pour possession de cannabis. Le ministère de la Justice Canada a approuvé une proposition de programme d'aiguillage de la police de Toronto qui, plûtot que d'inculper les jeunes contrevenants pour ce genre d'infractions--par exemple, possession simple de marijuana--les dirigera vers Springboard en vue de déterminer des répercussions valables, comme l'éducation antidrogue, les travaux communautaires ou les services de counselling à l'égard de certains problèmes.
En tant que mesure de rechange à l'inculpation officielle des jeunes contrevenants, le programme d'aiguillage des jeunes du service de police de Toronto satisfait à l'exigence de ce service de police d'envisager des options communautaires plutôt que des poursuites en justice pour les jeunes contrevenants, comme le prévoient les principes et les objectifs en vertu des mesures extrajudiciaires de la nouvelle Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.
Actuellement dans sa phase de démarrage, le programme établit un centre d'accueil et d'évaluation centralisé pour offrir au service de police de Toronto un point d'accès unique à un vaste menu de services de déjudiciarisation responsables et des options de programme avant l'inculpation.
Grâce à la participation active des nombreux organismes communautaires partenaires de Springboard, les services d'évaluation, de prévention et d'intervention s'attacheront particulièrement à obtenir des aiguillages vers des programmes de pratiques exemplaires conçus pour répondre aux besoins des jeunes. Initialement offert dans les zones 41 et 42 du service de police de Toronto, le programme sera dispensé dans d'autres secteurs et, finalement, dans tout Toronto.
D'autres témoins informés présenteront à ce comité les implications de la consommation de cannabis et d'autres questions aujourd'hui à l'étude. En attendant, nous pouvons offrir au comité les quatre considérations et recommandations suivantes.
Premièrement, il serait bon d'appuyer, de dupliquer et de financer les programmes de déjudiciarisation et les pratiques exemplaires comme mesure de rechange à la criminalisation de la possession simple de cannabis, car ils fournissent des conséquences valables et rentables appuyées par le public, tout en évitant les implications et la stigmatisation d'un casier judiciaire. Le comité de la Chambre des communes peut encourager l'utilisation plus générale des options de déjudiciarisation en vertu des lois actuelles, comme l'article 717 du Code criminel, et peut faire actuellement montre de discernement et de soutien relativement aux dispositions de la nouvelle Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents en ce qui concerne les mesures extrajudiciaires.
Troisièmement, les critères fédéraux actuels liés aux mesures de rechange devraient être réévalués. Les éléments suivants notamment demandent à être étudiés: l'exclusion actuelle de nombreux délinquants primaires, l'inclusion d'autres substances réglementées, comme l'ecstasy, le crack ou la cocaïne, et la disponibilité de la déjudiciarisation pour les personnes qui sont par la suite suspectées ou inculpées de ces infractions.
Quatrièmement, compte tenu du succès des programmes de déjudiciarisation après inculpation bien organisés, le comité de la Chambre des communes pourrait étendre le soutien pour l'intervention de la police avant l'inculpation dans les cas de possession simple de cannabis. Cependant, cette démarche dépendra de la disponibilité des mesures de rechange et d'autres programmes, comme l'éducation antidrogue et la capacité de la police, pour y accéder rapidement au moyen de partenariats de services collaboratifs.
Pour terminer, les programmes de déjudiciarisation de Springboard présentent des démarches d'intervention extrajudiciaires raisonnables face aux infractions liées au cannabis, sans toutefois remettre en question les préoccupations du public. Ces stratégies de programmes encouragent les partenariats locaux pour la prévention et amélioreront la capacité de la collectivité de s'attaquer au problème de la consommation d'autres drogues illicites plus importantes.
Merci.
¿ (0920)
La présidente: Merci beaucoup, Remo.
Je vais d'abord présenter la Dre Joyce Bernstein, du Drug Prevention Centre du service de santé publique de Toronto, puis je céderai la parole à Dennis Long, de Breakaway.
M. Dennis Long (directeur exécutif, Breakaway).: Merci et merci de me donner l'occasion de vous parler aujourd'hui.
J'aimerais décrire un peu notre organisme, ensuite je voudrais parler de... J'ai consulté votre mandat et j'aimerais vraiment aborder certaines questions que vous avez soulevées. C'est un nombre incroyable de questions à traiter en cinq à sept minutes. Mais je vais parler du travail que nous faisons.
Breakaway est un organisme qui offre quatre principaux programmes à Toronto.
Nous offrons un programme de traitement de jour et des soins ambulatoires destinés aux jeunes qui ont des problèmes de toxicomanie et à leurs familles. Plus important pour le travail de ce comité, nous offrons aussi un vaste programme de sensibilisation destiné aux gens de la rue, qui comprend l'échange de seringues, la distribution de préservatifs et des instructions sur l'injection sans risque, programme dispensé dans la rue et dans les centres de détention de Toronto. Le dernier programme que nous dispensons offre deux niveaux de services de traitement à la méthadone: un programme à faible seuil, en partenariat avec le service de santé publique de la ville de Toronto; et un service complet de traitement à la méthadone, que nous dispensons dans l'ouest de la ville.
Ce dont je voulais parler, traitera vraiment de l'essentiel de ce dont vous parlez, j'espère. Cela fait maintenant 20 ans que je travaille dans ce domaine. Lorsque je lis vos questions, ce qui me vient à l'esprit est que la plupart des dommages que nous voyons chez nos clients, particulièrement ceux du programme de sensibilisation dans la rue et ceux du programme de traitement à la méthadone, provient du fait qu'il s'agit d'une substance illicite et non des effets de la substance elle-même. C'est de cette situation dont je parlerai ce matin.
Vous nous avez demandé ce que nous devrions faire. Premièrement, nous devrions vraiment réformer les lois. Mon collègue a parlé de déjudiciarisation et de plein d'autres choses. Nous disposons de bien des mécanismes compliqués pour traiter les personnes accusées de possession et autre, alors que nous devrions probablement faire passer cela vers le domaine social et médical, pour que ces personnes puissent recevoir un traitement efficace pour les genres de problèmes qu'ils peuvent avoir avec les drogues, et pour que ceux pour lesquels la consommation ne pose pas de problème soient laissés en paix.
Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire, en fait, que nous avons besoin de plus de fonds pour les aspects de notre travail qui touchent le traitement, la prévention et la promotion de la santé. Quand je dis prévention, je ne parle pas de la prévention qui s'emploie à faire arrêter les gens de consommer de la drogue, mais plutôt de la prévention qui se concentre sur la consommation sans risque des substances et d'une façon raisonnable de considérer la consommation de ces substances.
Personnellement, je crois que des substances comme la marijuana, et probablement bien d'autres drogues illicites, ne devraient pas être interdites. Elles devraient être réglementées et nous devrions surveiller leur consommation, mais nous ne devrions pas les interdire. Nous consacrons une quantité incroyable de ressources pécuniaires et autres à interdire ces substances. D'après mon expérience...et je pense que les données le confirment...il a été prouvé que la prohibition ne fonctionnait pas. Elle ne fonctionne tout simplement pas.
Dans mon organisme, le personnel clinicien suit une sorte de thérapie à solution rapide. L'un des préceptes de cette thérapie est que, si tu trouves quelque chose qui fonctionne, continue de le faire; si tu trouve quelque chose qui ne fonctionne pas, arrête de le faire. Je pense que ce principe doit être appliqué au domaine des drogues.
Il est clair que la prohibition et l'application de lois inefficaces en matière de drogue ne fonctionnent tout simplement pas. Elles n'ont eu aucun effet sur les taux de consommation. Elles n'ont certainement eu aucun effet sur le nombre de personnes venues à ma clinique. En fait ce nombre aurait plutôt augmenté. Nous avons aujourd'hui une liste d'attente de six mois pour les programmes s'adressant aux jeunes. Alors, si c'est censé réduire la quantité de drogues que les gens consomment, cela ne fonctionne tout simplement pas. Peut-être que nous devrions arrêter. Il nous faut prendre ces ressources, qui sont énormes, et les consacrer à un traitement efficace et à une éducation efficace.
Nous devons également étudier certaines initiatives à l'essai dans d'autres pays. Au Canada, nous tournons plutôt autour du pot. La prescription d'héroïne et des sites pour l'injection sans risque, notamment, sont certainement des méthodes que nous devons adopter. Elles aideraient grandement les personnes avec lesquelles nous travaillons actuellement, particulièrement celles qui vivent dans la rue, puisque beaucoup de ces personnes ne vont pas immédiatement arrêter de consommer de la drogue juste parce quelqu'un établit une loi ou parce que nous venons les aider et leur disons qu'ils doivent cesser leur consommation. Ce que nous devons réussir à faire, c'est réduire la quantité de dommages qu'ils subissent individuellement et que la collectivité, dans son ensemble, subit en conséquence de leur consommation.
Des initiatives comme la prescription d'héroïne et la création d'endroits où les toxicomanes peuvent s'injecter sans risque permettraient, selon moi, de réduire considérablement ce genre de dommages aux individus et aux collectivités dans lesquelles ils vivent, comme nous l'avons fait avec la méthadone et avec l'échange de seringues, particulièrement à Toronto. Je pense que nous avons prouvé que ces deux initiatives étaient, et sont toujours, efficaces. Au cours des cinq dernières années, nous avons augmenté la disponibilité de l'héroïne par prescription à Toronto, éliminant ainsi la liste d'attente d'un an que nous avions pour la méthadone.
¿ (0925)
Aujourd'hui, les gens ne doivent attendre que quelques semaines avant de pouvoir participer à un programme de traitement à la méthadone. C'est une amélioration considérable, qui a eu pour résultat une baisse des décès dûs à l'héroïne et des autres dommages subis par les héroïnomanes de la ville.
Je suis sûr que ma collègue Joyce parlera du programme d'échange de seringues mis sur pied par la ville. Il a été relativement efficace.
Nous avons vraiment besoin de réformer les lois sur les drogues dans ce pays. Elles rendent mon travail et le travail de mon personnel clinicien extrêmement difficiles. Nous essayons toujours d'aider les gens à régler leurs difficultés judiciaires, ce qui nous empêche de les aider à faire ce dont ils ont réellement besoin, c'est-à-dire reconstruire leur vie et apprendre à vivre dans leur collectivité de façon efficace et productive.
Dans cette province, les ressources sont en outre plutôt rares. Aucun organisme s'occupant de toxicomanie dans cette province n'a reçu d'augmentation pour couvrir ses frais de gestion au cours des dix dernières années, ce qui fait qu'évidemment nous sommes aujourd'hui en retard par rapport à il y a dix ans relativement au nombre de services que nous pouvons offrir. Cette année, nous verrons probablement certains services dans la province obligés de fermer leurs portes durant certaines périodes, parce qu'ils ne peuvent simplement pas étirer leur budget.
Il y a de grosses injustices par rapport au nombre, à la disponibilité et à l'accessibilité des services au niveau provincial. Les résidants des secteurs ruraux ont beaucoup de difficulté à se procurer de la méthadone. S'il n'y a qu'un médecin qui la prescrit et que ce médecin déménage, ferme son cabinet ou tombe malade, c'est vraiment pas de chance. Et c'est parfois ce qui arrive pour un secteur d'une taille de deux cent milles carrés.
Bien des régions de la province n'ont simplement pas la capacité d'offrir ce service. Par exemple, à Cornwall, Ontario, aucun médecin ne prescrit de la méthadone. Les habitants doivent se déplacer jusqu'à Ottawa ou Kingston, ce qui représente une distance considérable. Pour certains, il s'agirait d'un voyage quotidien.
Les programmes de médicaments sont inadéquats en ce qui concerne les personnes suivant un traitement à la méthadone. Bien que le coût de la méthadone elle-même soit très bas, le coût pour la dispenser est relativement élevé et peut atteindre jusqu'à 10 $ par jour et par personne. Souvent, ces coûts ne sont pas couverts par un régime d'assurance-médicaments provincial.
La situation est encore plus grave lorsqu'on considère d'autres éléments de la séquence de soins. Par exemple, les services résidentiels destinés aux jeunes qui éprouvent des problèmes de toxicomanie sont virtuellement inexistants dans la province, et ce malgré les cinq années passées à exercer des pressions pour répondre à la nécessité de disposer de services résidentiels pour les moins de 16 ans.
Ce n'est là qu'un aperçu, compte tenu du temps qui m'est imparti et qui, j'en suis sûr, touche rapidement à sa fin. Je n'ai donc pu vous donner qu'un rapide survol.
Mais je tiens à dire que, dans cette province--je ne peux parler pour les autres provinces, mais j'imagine que leur situation est la même--, nous nous dirigeons vers une crise en ce qui concerne notre capacité de dispenser un traitement efficace qui soit accessible et offert à tous. Cette situation doit être rectifiée. Nous continuons à injecter des sommes énormes dans l'interdiction, ce qui, à mon avis, ne fonctionne pas.
Merci.
¿ (0930)
La présidente: Merci beaucoup, Monsieur Long.
Monsieur Sergnese.
M. Elio Sergnese (directeur, Caritas): Bonjour et merci de m'avoir invité.
Pour celles et ceux d'entre vous qui ne connaissent pas Caritas, j'ai apporté quelques renseignements sur cet organisme et ses origines.
Caritas, qui, en passant, signifie amour en latin, est un centre résidentiel non médical de rétablissement en deux ans pour toxicomanes et pour les personnes qui ont d'autres troubles sociaux et mentaux. C'est un organisme de bienfaisance enregistré, sans but lucratif, qui offre des programmes variés visant à répondre aux besoins de sa clientèle.
Nous pouvons actuellement accueillir 50 résidants dans plusieurs maisons du Grand Toronto, dans une ferme à Orangeville et dans un centre spirituel à King City. Nous avons également un programme similaire destiné aux femmes. La direction et la surveillance de Mater Dei relèvent des Passionate Sisters of Canada.
Le financement de Caritas provient en grande partie de levées de fonds, de dons des secteurs privé et commercial de la collectivité et de fondations. Nous recevons en outre 30 p. 100 de nos fonds du ministère de la Santé de l'Ontario, que nous consacrons à notre programme de jour. Des ces revenus, 83 p. 100 sont alloués à l'exploitation des programmes et à l'entretien des résidences. Les bénévoles jouent un rôle important en aidant à soutenir nos ressources financières.
Nous comptons actuellement 13 employés à temps plein qui, en plus de moi-même, comprennent un thérapeute consultant en santé mentale sur place, quatre membres du personnel administratif et huit coordonnateurs de programme. Un médecin généraliste se rend à notre centre une fois par mois et un psychiatre consultant s'occupe de nos clients qui éprouvent des troubles concurrents.
Nous comptons énormément sur le travail des bénévoles, qui sont membres de l'association familiale Caritas, de la collectivité, et qui offrent leurs connaissances professionnelles. Sans vouloir paraître partial, notre mission et notre but sont fondés sur notre croyance et notre philosophie, à savoir offrir un milieu thérapeutique communément appelé école de la vie.
Nous croyons que les points forts du programme sont les suivants: un programme résidentiel de deux ans sans drogue, qui comprend des règles et des règlements rigoureux permettant à notre clientèle d'acquérir une certaine autodiscipline et des aptitudes à la vie quotidienne, de l'entregent et des aptitudes en communications; du counselling pour la thérapie interne, du soutien et une orientation en matière de relations avec le personnel; un soutien familial continu hebdomadaire aux discussions individuelles et de groupe; des séances d'information en groupe pour les nouveaux clients, pour que ceux-ci puissent se familiariser avec le programme et pour nous donner l'occasion d'établir un premier contact; une éducation communautaire sous forme de présentations dans les écoles pour la sensibilisation aux drogues; la disponibilité de ressources communautaires, de publications et d'activités communautaires.
Notre procédure d'admission est la suivante. Un client peut faire une demande par l'entremise de ressources communautaires, du système de justice pénale ou d'établissements correctionnels et de consultations personnelles ou familiales. Le client doit avoir été désintoxiqué pendant au moins les cinq jours précédant son admission. Il doit d'abord communiquer avec le directeur et fixer une première rencontre avec les membres de sa famille. Le client doit assister à une séance d'information de groupe hebdomadaire au moins un mois avant son admission. Des outils d'évaluation sont utilisés pendant cette période. Une première entrevue est effectuée dès l'admission du client.
Nous offrons actuellement un programme résidentiel à long terme, un programme de jour et un programme de transition. Comme vous le verrez dans les documents, plusieurs programmes proposés sont à l'étude. Pour l'instant, nous ne pouvons les mettre en œuvre par manque de fonds.
Dans le cadre de notre programme actuel, nous offrons les possibilités et expériences suivantes: vie en résidence communautaire, expérience agricole et du bétail, sports et loisirs, sorties communautaires, activités sociales spéciales, counselling individuel et de groupe, programmes de sensibilisation et de réseautage par l'entremise de l'association familiale, éducation communautaire, présentations de divers métiers, suivi et prévention de la rechute, ateliers hebdomadaires, journée culturelle, et cours d'horticulture.
Le programme se divise en quatre phases. Je ne vais pas expliquer plus en détail en quoi consistent ces différentes phases.
L'une de nos préoccupations actuelles est le manque de fonds. J'imagine que tous mes collègues ont également ce problème. En fait, nous fonctionnons actuellement avec des fonds très restreints et, étant donné l'accroissement rapide de notre clientèle aux troubles concurrents et de celle prenant de la méthadone, nous avons de la difficulté à dispenser l'assistance que ces personnes méritent, bien que nous fassions de notre mieux.
Nos clients qui ont des troubles concurrents exigent une attention et une démarche particulières, ainsi qu'une surveillance attentive presque constante de la part d'un personnel bien formé dans le domaine de la surveillance de médicaments prescrits. Nous ne pouvons pas toujours répondre à ces besoins.
Les clients qui prennent de la méthadone requièrent également une attention et une démarche particulières, tout comme une surveillance attentive. Nous n'avons pas les ressources nécessaires pour servir ces clients, pour offrir la réduction progressive que beaucoup demandent, et nous avons découvert que nous n'étions pas les seuls dans cette situation. Cela signifie toutefois que les clients de ce programme qui veulent se débarasser de leur dépendance à la méthadone n'ont personne vers qui se tourner.
Les besoins des adolescents diffèrent en termes de croissance et de développement, mais leurs options sont restreintes en ce qui concerne le traitement en établissement de la toxicomanie. À ma connaissance, il n'existe que deux centres d'accueil et de traitement pour les adolescents âgés de moins de 16 ans.
Des écarts et des mesures disciplinaires se dressent entre les objectifs du programme et le système de justice pénale.
Les mesures incitatives et l'assistance font défaut en ce qui concerne la formation dans les métiers ou le perfectionnement professionnel à la fin du programme.
Pour terminer, j'aimerais aborder un dernier point. Bien que nous ayons mentionné que notre programme est plutôt strict et rigoureux, nous sommes fiers d'avoir un taux de rétablissement atteignant environ 70 p. 100 à 80 p. 100. La plupart de nos clients terminent le programme après une phase initiale de colère et de choc, se réinsèrent de façon satisfaisante dans la société après avoir suivi le programme et continuent de participer à nos séances hebdomadaires de soutien, à nos rencontres de suivi ainsi qu'à nos autres activités.
Merci.
¿ (0935)
Mme Joyce Bernstein (vice-présidente, Santé publique de Toronto, Ville de Toronto): Merci. Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion d'être ici aujourd'hui. Veuillez excuser mon retard.
Peut-être est-ce une caractéristique de notre temps. Je suis censée représenter la santé publique de Toronto et le Drug Prevention Centre, mais ce centre n'existe plus en raison d'un manque de fonds.
Pour me présenter brièvement, je travaille comme épidémiologiste pour la santé publique de Toronto depuis 1989. J'étais notamment chargée de représenter cet organisme au Research Group on Drug Use (groupe de recherche sur la toxicomanie) ou RGDU, comme nous l'appelons, depuis 1990.
Ce groupe est un partenariat de représentants d'organismes concernés par la consommation locale de drogue. En plus de la santé publique, ses membres comprennent notamment le service de police de Toronto, la GRC, le bureau du coroner en chef de l'Ontario et le Centre de toxicomanie et de santé mentale.
Pendant la première partie de ma présentation, je traiterai des relations de longue date entre le RGDU et le réseau RCCET de Santé Canada. J'ai choisi de parler du RCCET, car c'est un organisme national dont le nom n'apparaissait pas très souvent dans vos notes de synthèse. Je ne suis pas ici pour représenter le RCCET, mais je crois que cette initiative devrait être conservée et étendue et ne devrait pas tomber dans certains pièges, dont je parlerai tantôt.
Après ces observations, je parlerai d'un genre de programme de prévention qui, je le crois, pourrait être incorporé au modèle du RCCET national.
Je crains que ce ne soit tout ce dont j'aurai le temps de parler.
Je commencerai par le RCCET. Pour celles et ceux d'entre vous qui ne connaissent pas le RCCET, ces initiales correspondent au Réseau communautaire canadien d'épidémiologie des toxicomanies. Ce réseau est formé de représentants de groupes régionaux de recherches sur les drogues et les médicaments, comparables au Toronto Research Group, de tout le Canada. Les groupes régionaux formant le RCCET comprennent aujourd'hui Halifax, St. John's, Fredericton, Moncton, Ottawa, Toronto, Kingston, Edmonton, Calgary, Winnipeg, Regina, Vancouver et même Whitehorse--et j'en ai peut-être oublié quelques-uns.
Des membres de l'organisme de coordination national font également partie du RCCET. Chaque site régional publie son propre rapport annuel sur les toxicomanies, en se servant de données provenant de diverses sources de la région que les membres du groupe chargés de la rédaction du rapport ont jugées utiles.
Si nous prenons l'exemple de Toronto, les rapports régionaux s'appuient sur des données sur les drogues et les médicaments provenant d'enquêtes régionales; de rapports de saisies effectuées par la police; de rapports sur la pureté rédigés par Santé Canada; de données tirées de systèmes provinciaux de contrôle du traitement; de données provenant des salles d'urgence des hôpitaux; de rapports médicolégaux sur les décès par surdose et ainsi de suite. En plus de rapports se concentrant sur la toxicomanie des groupes à haut risque, comme les toxicomanes de la rue, les femmes enceintes et les utilisateurs de drogues injectables, le rapport de Toronto se fonde également sur des rapports du programme d'échange de seringues de la ville, dont M. Long vous parlait tout à l'heure, ainsi que sur les intervenants de sensibilisation dans la rue, qui fournissent des renseignements sur des personnes sous-logées ou autrement à risque de se trouver aux prises avec de graves problèmes liés à la toxicomanie.
Tandis que le RCCET constitue un organe idéal d'échange d'information dans tout le pays, sept années de travail ont également révélé des problèmes éventuels que ce groupe en plein essor doit éviter. Ce sont ces problèmes que je voudrais brièvement aborder.
Je voudrais également mentionner que je ne suis pas médecin, que je possède un doctorat en statistiques et que j'aimerais que vous gardiez à l'esprit ces titres de compétence lorsque vous évaluerez le reste de mes observations.
Ma première mise en garde concerne les dépenses immenses et inutiles liées aux données que nous voyons souvent. Ces dépenses comprennent celles de gros projets qui ont pour but de mettre en œuvre des systèmes de données et de contrôle de portée nationale. Comme je suis régulièrement l'hôte du National Institute on Drug Abuse des États-Unis, j'ai eu l'occasion d'en apprendre davantage sur les systèmes de récolte de données de nos homologues américains.
Tandis que le système DAWN de contrôle de la consommation de drogues et de médicaments par les patients des salles d'urgence des hôpitaux et le système ADAMS d'estimation de la consommation de drogues et de médicaments chez les personnes arrêtées par la police aux États-Unis transmettent des données aux sites régionaux et à nos systèmes d'enregistrement nationaux, le coût élevé de ces systèmes provoque un énorme mécontentement et soulève de graves questions sur la validité scientifique des données communiquées. Ces systèmes font bien entendu les gros titres de CNN et de USA Today, mais je crois que c'est à peu près tout ce à quoi ils servent.
En parlant de projets coûteux, je sais que d'autres personnes qui vous ont parlé ont recommandé une enquête nationale sur la toxicomanie. Contrairement aux idées reçues, j'estime, en tant que statisticienne, qu'il y a peu à gagner et beaucoup à perdre à effectuer une enquête de ce genre, c'est-à-dire encombrante, coûteuse et biaisée du point de vue scientifique.
¿ (0940)
Ce genre de projet ne facilite que peu la planification ou la prestation d'un service. Ne vous y trompez pas: le fait de poser les mêmes questions dans tout le pays ne garantira pas des résultats scientifiques. Les renseignements réels portant sur l'endroit où surgissent les problèmes liés à la drogue, sur ce que sont ces problèmes et sur la meilleure façon de réagir sont plus susceptibles de provenir de rapports régionaux précis et ciblés. En tant que statisticienne conseil, je peux vous garantir que les arguments en faveur d'une démarche nationale ont peu de mérite du point de vue scientifique. D'un autre côté, si l'on jugeait absolument essentiel d'effectuer des estimations nationales, j'appuierais un système qui utiliserait des données régionales pour produire ces estimations.
La première diapositive que j'ai apportée illustre un deuxième piège éventuel des systèmes de données nationaux. Lors de tentatives malheureuses pour adapter de façon mathématique les réponses d'une enquête pour tenir compte des différents taux de réponse et d'autres facteurs géographiques, il est devenu habituel d'« adapter » les tendances des réponses effectivement observées dans les enquêtes de populations importantes. La plupart du temps, cela signifie toutefois que les réponses les moins représentatives d'une population sous-jacente seront celles qui auront le plus d'importance pour les responsables de l'enquête.
De façon pratique, c'est exactement ce que nous dit l'homme de ce dessin humoristique. Malgré les longues formules sophistiquées soigneusement construites, il n'est pas sûr de la signification des réponses finales. S'appliquent-elles vraiment à tout un chacun? Qui donc est ce toxicomane canadien moyen? D'où l'analogie avec les estimations nationales qui réunissent et brouillent les renseignements régionaux pour en faire de mystérieuses estimations pourtant dites normalisées.
Peu importe. Selon notre ami sur le transparent suivant, le caractère obscur de ces indicateurs ajoute à leur charme. En fait, il dit que le plus beau, c'est qu'avec ces estimations, personne ne peut dire quand il fait une erreur.
Une autre possibilité consiste à utiliser des données provenant d'organismes, qui documentent le nombre de personnes avec des problèmes de toxicomanie particuliers qui demandent des services particuliers. Bien que les données provenant de services directs aient leurs défauts, nous savons généralement quelles unités de mesure sont utilisées. Nous pouvons généralement prévoir les pièges éventuels et déceler les tendances que nous pouvons trouver dans ces données.
Dans la même idée que la production ou l'utilisation de données « surcuites », j'encouragerais le réseau à continuer de faire connaître des rapports axés sur des questions de prévention régionale plutôt qu'à aborder une technique de recherche plus académique. Comme vous l'avez probablement découvert dans les documents que vous avez consultés, les revues de sciences sociales comprennent un nombre apparemment sans fin de cadres conceptuels et d'autres constructions théoriques pour décrire des questions extrêmement complexes, comme la prévention et le traitement. Cependant, il est très difficile de comprendre l'utilité de ces documents toujours plus nombreux.
Comme ce ne sont pas les rapports qui manquent en ce qui concerne les problèmes particuliers mentionnés aujourd'hui par les membres de ce comité, dont la montée en flèche du nombre de cas d'hépatite C relevés chez les utilisateurs de drogues injectables, la pénurie d'installations pour les soins en établissement ou le pourcentage élevé de décès dans des accidents de la route causés par l'alcool ou d'autres drogues, il est difficile de comprendre l'utilité de nouvelles études théoriques pour promouvoir des mesures. Et ces mesures sont bien nécessaires, si nous voulons résoudre les problèmes accablants dont nous sommes tous témoins.
Je prendrai les quelques minutes qui restent pour parler de la prévention. Plus particulièrement, j'aborderai brièvement le potentiel des programmes de mentorat en milieu scolaire, une forme efficace et peu coûteuse de programmes de prévention qui se propage en Amérique du Nord, et avec raison.
L'idée à l'origine du mentorat est de jumeler un jeune jugé à haut risque relativement à certains types de problèmes et un adulte stable qui lui offrira son amitié et lui servira de modèle. Les avantages du fait d'encourager une relation avec un adulte sur qui compter pour un certain degré de réconfort et de soutien à l'école sont évidents pour celles et ceux qui connaissent bien les enquêtes sur la résistance et la jeunesse.
Le programme de mentorat individuel, géré par un partenariat entre la santé publique de la ville de Toronto, les conseils scolaires de la région, le Centre de toxicomanie et de santé mentale, le Boys and Girls Club de Toronto et le Rotary Club de Toronto, fournit actuellement des mentors à 80 jeunes à risque à Toronto.
¿ (0945)
Les enfants qui participent à ce programme et que, maladroitement, nous appelons « mentés », ne sont jamais forcés d'accepter un mentor, mais, à notre grande surprise et à notre grande joie, le fait d'avoir un mentor n'a, dans l'ensemble, pas semblé avoir de connotations négatives. En fait, c'est généralement considéré comme « cool ».
La plupart de nos mentés actuels et passés ont rencontré soit Barbara Hall qui, la première, avait approuvé le programme et qui avait l'habitude de patiner avec nous une fois par an, soit Mel Lastman. Presque tous ont une photo de groupe prise avec un maire.
Les programmes de mentorat dépendent de bénévoles et sont donc bon marché. Ils figurent parmi les formes les plus respectées de prévention de la toxicomanie axée sur les enfants vivant dans des situations à haut risque. La structure des programmes est simple. Les responsables des écoles recommandent des mentés pour le programme. Avec la permission des parents, nous attribuons un bénévole formé et présélectionné à chaque enfant participant. Le duo mentor-menté se rencontre à l'école une fois par semaine pour le repas de midi. Le mentor est invité à prévoir quelques activités amusantes.
Ma mentée de onze ans et moi-même lisons le journal ensemble en mangeant des sandwiches et des raisins au chocolat. Nous aimons aussi regarder des matchs et des entraînements de la WNBA. Nous faisons des projets d'artisanat, jouons au basket, faisons des jeux sur l'ordinateur et parlons de tout et de rien.
La participation au programme ne garantit évidemment pas une adolescence sans problème, mais je ne pense pas qu'il y ait beaucoup d'autre chose qui puisse autant aider les jeunes les plus vulnérables. La présentation de notre programme de mentorat faite par Toronto à la réunion nationale du RCCET en 1999 a été très bien reçue. La possibilité de soutenir une initiative de mentorat par le RCCET est une idée qui a du mérite.
La GRC a été un partenaire primordial pour les projets du RCCET dans tout le pays. Le fait de tirer profit de ce rapport pour aider à mettre en œuvre des programmes régionaux de mentorat en milieu scolaire pourrait favoriser le jumelage de davantage de mentors-mentés, ainsi que permettre de rétablir des services de prévention indispensables et leur personnel, comme les infirmières de l'école, les travailleurs sociaux et les conseillers d'orientation, qui sont menacés de disparition dans nos écoles publiques.
Je vais m'arrêter là. Je vous remercie encore une fois du temps que vous m'avez accordé.
¿ (0950)
La présidente: Merci pour votre présentation.
Nous allons maintenant passer aux questions des députés. Monsieur White, pour dix minutes.
M. White peut poser une question à une personne en particulier, mais si d'autres personnes indiquent qu'elles désirent répondre, j'en prendrai note.
M. Randy White (Langley--Abbotsford, Alliance canadienne): Merci, Paddy.
Bonjour à tous. Je crois que nous avons le temps pour deux tours. J'ai des questions à poser à chacun d'entre vous.
Joyce, vous venez d'anéantir d'un coup deux de mes théories.
J'aimerais poser une question à M. Paglia à propos du cannabis. Vous avez pratiquement consacré tout votre temps aux questions liées au cannabis. Bien des gens nous ont dit que nous devrions simplement soit dépénaliser soit légaliser le cannabis. Pourriez-vous me dire si, oui ou non, vous pensez que le cannabis crée une dépendance?
M. Remo Paglia: Avec notre présentation, en termes de Springboard, nous ne prétendons pas avoir de réponses cliniques ni médicales à ce sujet. Je ne suis pas qualifié pour débattre l'élément dépendance de cette question.
M. Randy White: D'accord. J'ai entendu des toxicomanes dire que ça l'était et que c'était un tremplin et que c'était une drogue qui menait à d'autres et tout ça. Je voulais juste savoir ce que vous en pensiez.
M. Remo Paglia: Je vais demander à ma collègue, Wanda McPherson, de répondre.
M. Randy White: Ne soyez pas timide. Je n'essaie pas de vous piéger.
Mme Wanda McPherson (coordinatrice, Bureau déjudiciarisation, Opération Springboard): Merveilleux.
En tant que coordonnatrice du programme, je travaille assez étroitement avec les personnes qui passent par nous. Nous avons indiqué que le nombre de personnes qui avaient suivi ce programme s'élevait à plus de 2 000 depuis ses débuts. D'après mon expérience, très peu de ces gens éprouvent des problèmes liés à la dépendance. Pour le peu qui en ont, c'est pour nous une excellente occasion de les diriger vers les services pertinents. Mais, en général, les personnes qui passent par ce programme ne semblent pas être toxicomanes.
M. Randy White: Merci.
M. Dennis Long: Oui. Je crois que cette affirmation est juste. Disons les choses simplement: habituellement, si une personne a une dépendance et qu'elle cesse de consommer, elle devient malade. Dans le cas de la marijuana, il est très difficile de parler d'état de manque. Il faudrait qu'une personne en fume des quantités extraordinaires pour qu'elle soit atteinte de ce syndrome, et en 20 années d'expérience clinique, je n'ai jamais observé de tel cas. Je crois donc que la réponse est non, la marijuana ne crée pas de dépendance. Mais du point de vue psychologique, elle en crée assurément, à tel point que les personnes peuvent en arriver à croire qu'elles ne pourront passer une journée sans en fumer.
Dans ces situations, et pour certaines plus que pour d'autres, il est également difficile de parler de forte dépendance. Mais dans la plupart des cas, je dirais que la grande majorité des personnes que nous traitons et qui ont des soi-disant problèmes de marijuana font généralement face à d'autres problèmes de vie plus importants, et le travail qu'il faut faire pour les aider à réduire leur consommation est relativement simple en comparaison du travail qui doit être fait dans les cas de consommation d'autres drogues comme la cocaïne ou le tabac.
¿ (0955)
M. Randy White: Ceci n'était qu'un exercice d'échauffement. Merde. Vous quatre...et en particulier vous trois...vous nous avez présenté une situation qui nous avait déjà été présentée de nombreuses fois. Vous dites que nous avons besoin d'une plus grande réinsertion. D'autres personnes disent que nous avons besoin de sites d'injection sécuritaires, que nous avons besoin de programmes d'échange de seringues, que nous avons besoin de ceci et de cela... Pourtant, le Canada connaît une crise des soins de santé puisque que nous ne pouvons réellement offrir les meilleurs soins à l'échelle nationale en raison d'un manque de ressources, de leur coût et des problèmes de ce genre.
Ce comité doit faire des recommandations à la Chambre des communes pour novembre et je demeure perplexe quant à la façon dont nous pourrons traiter toutes ces questions. Dans vos domaines de travail respectifs, vous avez tous dit essentiellement que les fonds manquaient. Comment, juste ciel, pensez-vous que nous pourrons mettre sur pied ce programme sur les drogues, compte tenu de l'insuffisance des ressources dans les soins de santé et du fait que le domaine des drogues n'est probablement pas prioritaire en ce moment, même si on prend de plus en plus conscience de ce problème? Bien sûr, il y a les problèmes du vieillissement de la population, du cancer, du virus du sida et ainsi de suite. Dites-moi, ne croyez-vous pas que vous perdez votre temps à ce stade-ci?
La présidente: Je vais désigner M. Long, puis Dr Bersntein.
M. Dennis Long: Nous ne perdons absolument pas notre temps, et permettez-moi de revenir sur ce que vous avez dit.
Oui, vous avez raison. La crise des soins de santé qui menace, ou qui sévit déjà dans ce pays, est liée à un certain nombre de facteurs, le vieillissement de la population étant probablement l'un des plus importants. Je compte moi-même parmi les personnes les plus âgées de la génération du baby-boom, j'ai observé les problèmes de soin de santé auxquels ont fait face mes amis et mes voisins et j'ai constaté l'ampleur que prendra ce problème.
Toutefois, nous devons étudier de très près les problèmes liés à la drogue: souvent, les gens ne se rendent pas compte de l'ampleur des répercussions des problèmes liés à la drogue. En Ontario, une estimation de ce coût circule et elle est établie à 9 milliards de dollars: elle comprend la perte de productivité et les coûts des soins de santé liés à la consommation d'alcool et d'autres drogues, licites ou illicites, dans cette province. Ce montant n'est pas banal, et j'estime qu'il est assez juste. Environ 20 p. 100 des admissions dans les hôpitaux sont liées à la consommation d'alcool et d'autres drogues, ce qui représente un pourcentage important des coûts liés aux soins de santé. La liste de ce type de statistiques est longue, et je pourrais certainement prendre beaucoup de temps pour les passer en revue.
Je ne crois pas que les gens savent à quel point la consommation abusive d'alcool et d'autres drogues est coûteuse pour notre pays. Toutefois, nous sommes engagés dans une guerre très coûteuse--probablement moins coûteuse que celle que livre les Américains, mais tout de même très coûteuse--fondée sur le principe selon lequel, si nous faisons respecter les lois de façon rigoureuse et si nous faisons appel à un nombre suffisant de personnes rattachées à l'application de la loi pour qu'elles se penchent sur le problème, nous serons en mesure de limiter la fourniture de drogues dans notre pays: et bien, ces mesures n'ont pas produit les résultats escomptés, elles ont complètement échoué.
Peut-être devrions-nous affecter certaines de ces ressources aux soins de santé, là où elles doivent être dépensées, puisque notre stratégie ne fonctionne pas.
Je vais vous donner un exemple personnel. L'été dernier, j'étais assis sur le quai à mon chalet. C'était un très beau matin d'été. Soudainement, j'ai entendu un bruit d'hélicoptère impressionnant, comme dans C'est l'apocalypse, puis un hélicoptère est arrivé et s'en est retourné et il a recommencé plusieurs fois. Les personnes dans l'hélicoptère cherchaient, dans la cour des gens, des portions où ils cultivaient de la drogue. Quand je suis allé en ville, j'ai interrogé les gens qui m'ont dit qu'il en coûtait 8 000 $ par jour pour que l'hélicoptère survole la région à la recherche de zones de marijuana dans la cour des gens. Je me suis interrogé sur l'efficacité de cette mesure.
À (1000)
La présidente: Merci.
Dr Bernstein.
Mme Joyce Bernstein: Il s'agit certainement d'une question très difficile, et je ne vous envie pas lorsque je pense aux décisions que vous devez prendre. Toutefois, j'ai deux recommandations à vous faire, recommandations qui ne vous surprendront pas, compte tenu de mes commentaires.
Il y a beaucoup de science de pacotille liée à la consommation abusive de drogues, et les chercheurs semblent s'en tirer. Considérez les rapports que vous recevrez des experts. Examinez particulièrement les rapports universitaires et d'autres exercices de tous genres, qui portent sur la théorie du ressort psychologique, les facteurs de prévention et les éléments qui rendent les personnes capables de récupérer rapidement ou vulnérables quant à la consommation de drogues.
Je viens du secteur universitaire. J'y ai passé du temps avant mon séjour actuel dans le milieu des soins de santé. Et je peux vous dire qu'il y a de la confusion entre les milieux universitaires, les consultants en matière académique et les problèmes de soins de santé à régler. On dépense de grosses sommes d'argent sans discernement.
Je dirais que ce gaspillage comprend les rapports dans lesquels les coûts de divers aspects du problème de la consommation de drogues sont estimés. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de mener d'autres études de ce genre. Elles me font penser à l'achat d'un ordinateur: dès que vous en avez fait l'achat, il est désuet.
De plus, je ne crois pas qu'il faille commencer par tracer le portrait complet de la consommation de drogues au pays. Je crois que le passage des problèmes locaux à une solution nationale représente un énorme problème. Un groupe national peut assurément aider de plusieurs façons--j'en ai mentionné quelques-unes--à suivre l'évolution des activités locales et provinciales, et à les encadrer. Toutefois, si le présent groupe recommandait de mener d'autres enquêtes nationales, je serais très découragée. Si les enquêtes et les rapports que nous avons sous la main n'arrivent pas à nous donner certaines orientations... Ils ne représentent peut-être pas des programmes idéaux et ils ne fournissent peut-être pas des démarches et des méthodes de prévention parfaites, mais ils constituent un point de départ. Et ce point de départ nous permettra de passer à l'action, ce qui est nécessaire.
La présidente: M. Paglia.
M. Remo Paglia: [Inaudible—Éditeur]...crois que le renouvellement de programmes de déjudiciarisation liés aux infractions mineures relatives au cannabis et à tout passage à l'ecstasy, les sommes économisées par l'application de la loi, par exemple, pourraient effectivement bénéficier au contribuable. Nous avons parlé d'économie de temps et d'argent relativement aux agents de police qui doivent témoigner en cour pour ces cas mineurs. Nous démontrons que ces types de programmes peuvent être utiles car l'argent économisé grâce à leur application peut être affecté à d'autres secteurs.
La présidente: M. Sergnese, avez-vous des commentaires?
M. White.
M. Randy White: Je veux faire une brève intervention.
Joyce, nous devons discuter. Depuis le début, je suis d'avis qu'il faut faire une enquête à l'échelle nationale. En fait, bon nombre de personnes nous ont dit que c'était nécessaire. Je crois que la dernière enquête remonte à 1997.
Le chercheur dit qu'elle remonte à 1994. Ce qui est pire.
J'ai le pressentiment que la situation s'aggrave. Nous savons que c'est le cas, mais nous ne savons pas jusqu'à quel point. Aujourd'hui, est-ce qu'on consomme des drogues dures et de la cocaïne dans les écoles primaires, ce qui n'était pas le cas auparavant, et la consommation a-t-elle augmenté dans les écoles secondaires? À quel point la situation s'est-elle détériorée? Quelle tournure prend-elle? Qui sont les personnes impliquées et quels sont les besoins? Ce sont ces types de renseignements que j'ai de la difficulté à évaluer.
Ce que j'ai compris de vos propos, c'est qu'une enquête nationale ne servirait à rien. En fait, c'est ce que vous avez dit. Comment une personne peut-elle se situer sans s'interroger sur sa situation?
Mme Joyce Bernstein: Comme je l'ai déjà dit, vous avez en main des rapports locaux préparés par des groupes dispersés partout au pays.
M. Randy White: Non, non, permettez-moi de faire le point à ce sujet. Ce n'est pas nécessairement le cas. Je sais que dans ma communauté et dans les autres communautés où je me suis trouvé, les services communautaires mènent parfois des enquêtes mineures, mais la ville ne le fait pas, ni la province. Les choses sont loin d'être uniformes dans notre pays.
Mme Joyce Bernstein: Mais croyez-vous qu'il faille interroger chaque habitant sur ses habitudes de consommation de drogues pour que nous puissions avoir des données qui nous permettraient de passer à l'action? Je crois que vous devriez étudier certains rapports existants.
Par exemple, considérons l'étude effectuée récemment à l'échelle provinciale par le gouvernement de l'Ontario et qui portait sur les habitudes de consommation de drogues. On a effectué cette étude à l'aide de l'enquête ontarienne sur la santé.
Les enquêteurs sont passés dans 49 000 foyers en Ontario et ils ont écrit un rapport spécial sur la consommation d'alcool ou d'autres drogues. La découverte majeure de cette enquête est que ce problème découle de facteurs sociaux, économiques et personnels. C'est la conclusion dominante du rapport. J'en ai une copie à mon bureau. Je peux vous en fournir une copie.
Cette conclusion est tirée de rapports d'enquêtes menées sur une grande échelle, peu importe l'endroit. Ces enquêtes peuvent être menées à l'échelle nationale par téléphone: vous n'obtenez alors aucun renseignement sur la consommation de drogues dans la rue, aucun renseignement sur les gens qui logent dans des hôtels ou sur les sans-abris, et ainsi de suite...
Je parie que votre enquête nationale sera très biaisée et qu'elle portera sur les Canadiens les plus sains que l'on puisse trouver. Ça, c'est le premier problème évident. Vous vous dites peut-être que nous pourrions combiner cette enquête avec des rapports plus précis sur divers groupes, mais nous avons déjà ce type de rapports en main. Ils existent. Il s'agit d'importantes études locales qui ont été faites un peu partout, bien que ce ne soit peut-être pas le cas dans votre village ou votre ville.
Mais ne serait-il pas préférable et beaucoup plus économique de recourir à un responsable à l'échelle provinciale qui vérifierait dans quelles régions particulières de la province on manque de renseignements, et ne serait-ce pas une bien meilleure façon de cibler des mesures précises? Cette personne pourrait parler aux experts locaux de ces régions et trouver quels problèmes importants lui sont propres. Je peux vous dire que cette approche vous fournira beaucoup plus de renseignements que n'importe quelle enquête menée au téléphone. De plus, vous obtiendrez des taux de réponse variables dans les différentes régions du pays. Vous ferez la pondération de données, ça, je peux vous le garantir.
Le Service de santé publique de la ville de Toronto n'a jamais été en mesure de recevoir les données brutes de l'enquête ontarienne sur la santé. Pourquoi? Et bien, nous soupçonnons que les données ne sont pas très fiables. Mais les personnes responsables de traiter les données de l'enquête les ont tellement manipulées que les chiffres qu'ils nous ont fournis n'avaient plus aucune signification pour nous. Ils étaient à ce point généraux et disparates qu'ils nous ont été d'aucune utilité.
À (1005)
La présidente: Merci.
M. White, M. Ménard.
M. Réal Ménard (Hochelaga--Maisonneuve, BQ): Je vais poser mes questions en français.
[Français]
C'est notre 25e rencontre depuis que le comité a été créé et, croyez-le ou non, chaque rencontre amène un cortège nouveau de questions. Alors, imaginez-vous, si on poursuit jusqu'au mois de juin, combien on va avoir de choses à démêler?
Moi, je pars de deux prémisses pour participer aux travaux de notre comité. La première prémisse, c'est que la meilleure solution à apporter à la question de la toxicomanie va venir du monde communautaire.
Ma deuxième prémisse, c'est qu'il ne faut pas voir les choses d'un point de vue moral. Ce sont les deux balises que je me suis fixées pour essayer de réfléchir sur ces questions-là.
J'adresse ma première question à l'Opération Springboard. Est-ce que j'ai bien compris qu'une fois que les gens ont fait un stage chez vous, c'est-à-dire qu'ils ont participé à quelques heures de service public, la Couronne peut toujours porter des accusations, après que l'implication communautaire du jeune ait été réalisée?
[Traduction]
M. Remo Paglia: Une fois que les heures de travaux communautaires sont écoulées, l'accusation est retirée. Si les jeunes ne donnent pas suite à leur sanction, qui consiste normalement en des travaux communautaires, la Couronne peut intenter des poursuites judiciaires.
Mme Wanda McPherson: Toutefois, si vous permettez que j'intervienne, nous avons parlé de deux programmes séparés. L'un de ceux-là est le programme de déjudiciarisation après la mise en accusation. C'est l'avocat de la Couronne qui le coordonne et qui détermine l'admissibilité du contrevenant. Si le jeune ou l'adulte se soumet aux conditions, l'accusation est retirée.
Mais nous avons aussi parlé d'un programme qui s'applique avant la mise en accusation et sur lequel nous travaillons en collaboration avec la police. Dans ce cas, on ne portera pas d'accusations, mais on nous les confiera, en tant qu'organisme de services sociaux. Nous examinerons alors quelle solution peut s'appliquer dans ce contexte, et encore une fois, si une personne se soumet aux conditions, l'accusation sera retirée.
Essentiellement, il faut donc compter deux programmes différents de décriminalisation de la marijuana.
[Français]
M. Réal Ménard: Je comprends.
Au début de nos travaux, nous avons rencontré notre collègue le sénateur Nolin qui nous a remis une étude—je ne sais pas d'ailleurs si la greffière pourrait vous en envoyer une copie—qui s'inspirait beaucoup de recherches qui avaient été faites en Grand-Bretagne, au Royaume-Uni, et qui prouvaient sur papier, de manière assez scientifique, que le cannabis n'avait pas d'incidence négative au niveau de la consommation, que ça ne créait pas de dépendance. Il me semble qu'une question va se poser pour ce comité. Si on a des données assez claires pour le cannabis, qui nous viennent, encore une fois je le répète, du Royaume-Uni, on n'a plutôt des données qui donnent à penser que pour l'ecstasy , l'héroïne, les drogues qu'on appelle dures...
Or, il y a un professeur de l'Université d'Ottawa qui nous a dit qu'on ne devait pas faire de distinction entre les drogues dures et les drogues douces, mais disons, pour les fins de notre échange, que je vais le faire.
Qu'est-ce que vous nous invitez à comprendre, comme cliniciens? Je m'adresse surtout à monsieur Long, mais à tous ceux qui voudront répondre aussi.
Est-ce que vous croyez qu'il faut faire cette distinction, que, comme parlementaires, on pourrait s'engager dans une voie de recommandations du côté du cannabis, mais maintenir des interdictions assez formelles et un cadre législatif assez rigoureux à l'endroit d'autres types de drogues?
À (1010)
[Traduction]
La présidente: M. Long sera le prochain intervenant, puis toute personne qui voudra faire des commentaires.
M. Dennis Long: Je crois que vous posez une bonne question, et je vais y répondre en deux volets.
En premier lieu, j'aime la prémisse de votre raisonnement sur le sujet, selon laquelle les meilleures solutions sont communautaires. En deuxième lieu, j'appuie de tout coeur votre idée selon laquelle nous ne devrions pas adopter de position morale.
Selon la position que j'adopte, et je crois que c'est celle que nous devrions probablement adopter, nous devrions envisager le problème de consommation de drogues d'un point de vue neutre; en d'autres mots, il ne s'agit pas d'un acte bon ou mauvais, mais de quelque chose qui fait simplement partie de l'existence humaine. Si nous acceptons cette prémisse, nous serons en mesure de réfléchir plus clairement sur la façon de traiter le problème de consommation de drogues au sein de notre société.
Si nous abordons toujours le problème d'un point de vue moral, selon lequel la consommation de drogues est male et la personne qui en fait usage n'est pas aussi correcte que nous d'un point de vue moral, je crois que nous éprouverons toujours des difficultés lorsque nous tenterons d'appliquer les lois et les mesures appropriées en vue de contrôler les méfaits qui découlent de cet usage.
Cela dit, je suis d'accord avec vous--et avec ceux qui ont mené cette étude en Angleterre--sur le fait que les répercussions de la consommation de marijuana sur notre société sont assurément négligeables, si on les compare à celles de la consommation d'autres substances comme l'alcool et le tabac.
Je crois aussi qu'on peut s'appuyer sur de bons arguments pour affirmer que les lois en vigueur sur les livres qui prescrivent la consommation de marijuana sont fondées sur une approche valeur et morale, et non sur des questions pratiques ou des questions de protection contre des méfaits.
Selon moi, elles ne nous protègent pas. Elles créent plutôt des difficultés et rendent plus difficile l'interaction avec une minorité de personnes qui sont aux prises avec des problèmes de drogues.
Personnellement, d'un point de vue très théorique, j'adopterais la même approche envers tous les autres types de drogues. Je suis d'accord avec la personne à Ottawa qui a dit qu'on ne devrait pas faire de distinction entre les drogues dures et les drogues douces. Il serait beaucoup plus facile pour nous de traiter les problèmes liés aux autres drogues si elles n'étaient pas interdites et si nous n'avions pas à composer avec les mécanismes plutôt lourds des cours, des lois, et ainsi de suite, quand nous tentons de régler des problèmes qui sont essentiellement d'ordre personnel et social.
Toutefois, je crois que la cause de cette situation est toute autre. Il pourrait être très difficile de convaincre les Canadiens que la décriminalisation de l'héroïne, par exemple, serait une bonne chose, qu'elle serait bénéfique à tous dans notre société, ce qui selon moi est le cas.
Toutefois, d'un point de vue pratique, il serait probablement préférable de commencer par légaliser la marijuana, d'aller de l'avant avec ce projet, puis de tenter à tout le moins d'arrêter l'hémorragie, puisque nous dépensons d'énormes sommes d'argent et d'énergie pour appliquer des lois qui sont essentiellement inefficaces.
[Français]
M. Réal Ménard: Par exemple, hier, nous avons vécu une expérience dont nous allons nous rappeler beaucoup. Je suis député d'Hochelaga—Maisonneuve, qui est un quartier relativement défavorisé. Évidemment, ce n'est pas qu'un quartier défavorisé, mais c'est un quartier où il y a une question de dépendance. Hier, on était à Burlington, qui est une classe moyenne supérieure, et on a rencontré des intervenants communautaires qui intervenaient dans un programme d'échange de seringues. J'ai posé une question sur le profil de leur clientèle et j'ai bien compris que le lien un peu facile qu'on peut faire parfois entre les milieux défavorisés et la consommation de drogue ne résiste pas à l'analyse, puisque la consommation de drogue recouvre l'ensemble des segments de la population canadienne.
Plus tôt, vous avez dit que la prescription d'héroïne pourrait donner des résultats. On ne peut quand même pas mettre sur le même pied d'égalité la marijuana et l'héroïne. Qu'est-ce que vous aviez à l'esprit quand vous avez dit que la prescription d'héroïne pourrait donner des résultats?
Deuxièmement, je pose une question à l'ensemble des témoins. Il y a une controverse parmi nous, collègues députés. On ne s'entend pas sur un point. Est-ce que, dans les communautés où il y a des programmes d'échange de seringues, cela amène une consommation accrue?
On a posé la question. On a eu des réponses diverses là-dessus. Quel est votre point de vue?
À (1015)
[Traduction]
La présidente: M. Long.
M. Dennis Long: Je vais laisser Joyce parler du programme d'échange de seringues, puisqu'elle est à la tête d'un programme beaucoup plus important que le mien. Ma réponse est non, mais je vais lui laisser donner l'essentiel de la réponse.
Ce que nous constatons chez nos clients, c'est que le fait de pouvoir obtenir des seringues désinfectées n'a aucune incidence sur la quantité de leur consommation.
Toutefois, pour revenir à votre question sur l'interdiction de l'héroïne, nous sommes en accord avec vous. J'ai affirmé au début de la réunion d'aujourd'hui que la grande majorité des méfaits qui résultent de la consommation de drogue sont liés à l'aspect juridique, au fait que les drogues ne sont pas prescrites. Je veux dire qu'ils peuvent obtenir des posologies impures et variables; ils doivent faire affaire avec des criminels pour obtenir leur drogue; ils se retrouvent souvent au sein de groupes violents et difficiles. Le commerce même engendre de la violence et des situations nuisibles au point de vue social. Tous ces facteurs ne sont pas proprement liés à la drogue, qui est, pardonnez l'expression, relativement sécuritaire si on sait comment la consommer... Je vois que vous êtes sceptique. Mais c'est un fait.
Si une personne est en mesure de se procurer de l'héroïne inoffensive et titrée, elle peut vivre longtemps, sainement et être heureuse même si elle consomme de l'héroïne tous les jours. Je soutiens que ce n'est pas le cas de l'alcool et du tabac. Ces substances ne sont pas aussi sécuritaires. L'héroïne est relativement sécuritaire. Mais pas de la façon dont elle est fournie actuellement: les quantités varient, les combinaisons et les concentrations sont inconnues, et plusieurs autres facteurs importants pour consommer cette drogue sont également inconnus. De plus, il faut se la procurer auprès de personnes hors-la-loi.
Au sujet de l'autre point que vous avez abordé, à savoir si c'est un problème qui touche toutes les couches de la société, je peux vous dire ceci: parmi les personnes qui suivent notre traitement d'entretien à la méthadone, certaines sont diplômées en droit et se déplacent en Mercedes, d'autres sont des sans-abri, et les autres se situent entre ces deux pôles. Je soutiens que la consommation de drogues est répandue dans toutes les couches de la société; en particulier, la consommation d'héroïne n'est pas limitée aux personnes pauvres et sans ressources, mais elle se fait dans toutes les couches de la société. Vous seriez surpris de le constater.
Je soutiens donc que la prescription d'héroïne constituerait une approche très positive et qu'elle permettrait de réduire considérablement les méfaits liés à la consommation de cette drogue.
La présidente: Dr Bernstein.
Mme Joyce Bernstein: Merci.
Je dirais que le terme «échange de seringues» est quelque peu désuet. On a mis sur pied ces programmes à la fin des années quatre-vingt-dix en réaction à la propagation du VIH et de l'hépatite chez les utilisateurs de drogues injectables; ils sont devenus de merveilleux outils pour aider ceux qui, autrement, n'auraient pu bénéficier des services de santé, des services de counselling ou d'autres services sociaux.
L'un des principaux programmes d'échange de seringues est appliqué dans l'édifice où je travaille. À tout moment durant la journée, si on descend au local où se fait l'échange de seringues, ce qui est souvent mon cas, on y trouve beaucoup de clients, et la plupart d'entre eux ne sont pas là pour recevoir une injection. Ils reçoivent plutôt des conseils de la part des infirmières, se font administrer des tests, sont dirigés vers d'autres bureaux ou obtiennent de l'aide pour trouver un logement. Ce programme est à ce point efficace que je recommande--et cette recommandation provoquera probablement quelques froncements de sourcils--que l'on distribue des pipes de crack pour les toxicomanes de notre région, puisque le crack est actuellement le problème de toxicomanie le plus important à Toronto.
Je répète que cela m'importe peu si on utilise les pipes ou non. Ce n'est pas ce qui compte. L'objectif est de communiquer aux personnes que même si elles utilisent du crack, elles demeurent admissibles aux services de santé. En fait, nous croyons que ces personnes ont un plus grand besoin de ces services de santé que toute autre personne.
À (1020)
[Français]
M. Réal Ménard: Il y a une question sur laquelle j'aimerais avoir votre point de vue. Nous, comme comité, sommes assez sensibilisés au fonctionnement des sites d'échange de seringues, mais là où ne s'entend pas entre nous, c'est sur la question suivante. Est-ce que, dans une communauté qui reçoit un site d'échange de seringues, cela entraîne une consommation accrue de drogue, à votre avis?
Par exemple, si demain matin on implantait des sites d'échange de seringues dans 10 villes canadiennes où il n'y en a pas, est-ce que ça aurait une incidence à la hausse sur la consommation dans ces communautés-là?
À Burlington, hier, on nous a dit que non.
[Traduction]
Mme Joyce Bernstein: Il existe d'excellents rapports internationaux sur les échanges de seringues. L'un d'entre eux provient de l'université de la Californie à Berkeley. Il a été écrit au début des années quatre-vingt-dix. C'est un excellent rapport, et il indique clairement que les programmes d'échange de seringues n'entraînent pas une augmentation de consommation de drogue.
Mais ne serait-ce pas le cas chez certaines personnes? Un toxicomane qui vient d'utiliser sa dernière seringue ne se serait peut-être pas administré une autre injection s'il n'avait pas pu obtenir une seringue du programme d'échange de seringues. Mais je vous dirais qu'il s'agit ici de l'exception, et non de la règle. À part cet aspect, les programmes d'échange sont adéquats.
La présidente: M. Long.
M. Dennis Long: Pour ajouter à ce que Joyce a dit, à savoir si ces programmes entraînent une augmentation de la consommation, je dirais que cela se discute. Je crois que ce n'est probablement pas le cas. Toutefois, cela rend la consommation plus visible. Nous devenons certainement plus conscients de ce problème. Un plus grand nombre d'utilisateurs de drogues nous visitent et nous pouvons les voir. Si les personnes ne viennent pas chercher de seringues, nous ne les voyons pas. Lorsqu'elles viennent chercher des seringues, nous savons alors qui sont ces personnes.
Comme Joyce l'a mentionné, je crois qu'il s'agit d'un aspect très important du programme d'échange de seringues. Nous pouvons établir des liens utiles et très bénéfiques, et nous pouvons en savoir davantage sur les utilisateurs de drogues que si le programme n'existait pas.
[Français]
M. Réal Ménard: J'ai une dernière courte question pour monsieur Elio.
Est-ce que l'approche que vous nous avez décrite s'inspire de l'approche de la réduction des méfaits? Vous semblez dire que les gens qui se présentent chez vous doivent être sevrés ou abstinents depuis cinq jours, que votre programme a quatre phases, que vous avez un taux de réussite de 76 p. 100, que vous offrez même l'apprentissage de divers métiers. Peut-on dire que votre façon de fonctionner est un modèle qui s'inspire de l'approche de la réduction des méfaits?
[Traduction]
La présidente: M. Sergnese.
M. Elio Sergnese: Depuis le début, je suis assis ici et j'écoute le comité répondre à beaucoup de questions, et selon moi, il est très difficile de répondre à certaines de vos questions.
Notre programme et notre philosophie sont fondés sur l'abstinence. Il y a quatre ou cinq ans, nous étions très rigides sur ces questions. Pour qu'une personne puisse bénéficier de services, il fallait qu'elle se soit abstenue de consommer et qu'elle soit désintoxiquée. Aujourd'hui, nous comprenons que beaucoup de personnes ou certains groupes peuvent avoir des problèmes avec ce genre d'exigences.
Par exemple, nous avons des difficultés avec les personnes qui viennent nous voir pour régler des problèmes de dépendance à la méthadone. Leur admission à un centre de traitement dépend de la quantité de méthadone qu'ils ont consommée. Ils risquent donc d'être laissés à eux-mêmes. Dans le passé, nous devions les admettre et les aider à réduire progressivement leur consommation. Toutefois, nous n'avons pas nécessairement les ressources pour exécuter ce type de tâches. Ce n'est pas ce qu'il y a de plus sécuritaire pour nous non plus, et nous ne pouvons continuer à le faire sans apporter des changements.
[Français]
M. Réal Ménard: Je termine là-dessus, madame la présidente.
Est-ce qu'on peut dire que la différence entre votre approche et celles que d'autres de vos collègues nous ont exposées aujourd'hui est définitivement la présence d'un volet pastoral dans votre approche?
[Traduction]
M. Elio Sergnese: Si votre question a trait au fait que le fondateur de l'organisation est un prêtre catholique, alors la réponse est non, il n'impose ses croyances religieuses à personne. Le programme a été fondé il y a 20 ans et il a été modelé d'après des communautés thérapeutiques qui se trouvent dans le monde entier, surtout en Italie.
[Français]
La présidente: Merci beaucoup à vous et à M. Ménard.
Maintenant, c'est à vous, monsieur Lee.
À (1025)
[Traduction]
M. Derek Lee (Scarborough--Rouge River, Lib.): Merci.
Je crois que nous nous entendons tous pour dire que les décideurs du gouvernement ont besoin d'être renseignés avant de pouvoir prendre des décisions éclairées. C'est pourquoi nous cherchons à avoir en main diverses données.
Je sais que plusieurs d'entre vous et beaucoup d'autres témoins effectuez un travail étroitement lié au domaine dont nous discutons et que vos connaissances sont nombreuses à ce sujet. Mais ce n'est pas notre cas à nous, les décideurs; nous avons donc besoin qu'on nous fournisse des renseignements. C'est pourquoi, comme députés à la Chambre des communes, nous devons nous renseigner sur un sujet avant de faire des recommandations à son égard. C'est aussi la raison pour laquelle nous avons fait appel à vous. Merci d'avoir répondu à cet appel.
Nous avons eu des douzaines de témoins dont le travail, la carrière et les aspirations de vie--bénévoles ou professionnelles--sont axés sur la prise de mesures de correction du dysfonctionnement ou de l'échec du modèle d'interdiction actuel du système de justice pénale pour traiter le problème de la drogue.
Ils rament à contre-courant à l'égard des circonstances, d'un modèle social, d'un modèle moral, des institutions gouvernementales, des politiques du gouvernement, du code criminel, de l'application de la loi qui sont presque tous dysfonctionnels, inefficaces et en faillite. Peut-être que comme politiciens, nous ne voyons pas tous les choses de cette façon, mais c'est la perception qu'ont un grand nombre de personnes parmi nous, et nous avons besoin d'être renseignés.
Je veux m'adresser à M. Bernstein et revenir sur la question qu'il a abordée. Vous avez donné l'impression que vous n'étiez pas favorable à une soi-disant enquête nationale, qui est une énorme collecte de données, comme un énorme aspirateur. Avant que l'on sorte les déchets du sac de l'aspirateur, ils ont été recombinés, de sorte qu'ils ne donnent peut-être pas un juste aperçu des choses. Mais sans aspirateur, il n'y a aucun portrait, il n'y a rien.
Malgré que vous soyez désabusé des sommes considérables dépensées et gaspillées pour mener une enquête nationale et malgré le domaine dans lequel vous travaillez, où vous avez accès à des tas de données locales et régionales, ne croyez-vous pas qu'une fonction centrale d'information à l'échelle nationale serait utile pour appuyer le travail des décideurs? Nous pourrions alors compter sur un certain nombre de données crédibles. Nous ne pouvons pas partir de rien. Nous avons besoin d'une certaine quantité d'informations.
Mme Joyce Bernstein: Puis-je vous demander ce que vous entendez par fonction centrale d'information?
M. Derek Lee: Je veux dire qu'il faudrait dépenser l'argent des contribuables pour mettre sur pied un service où on communiquerait par téléphone, par la poste ou par courrier électronique avec des personnes comme vous, pour fournir des données sur copie papier ou en un format électronique, et où on déterminerait si ces données sont crédibles et utiles. Le service traiterait les données et les remettrait à des personnes comme nous en disant: «Voici le portrait de la consommation de drogue (ou d'une autre substance) à Moose Jaw».
Mme Joyce Bernstein: C'est une question complexe. Je crois qu'une partie importante de la question qui a trait à cette fonction consiste à déterminer qui serait à la tête de ce service?
Ce pourrait être un chercheur comme le type de la deuxième illustration, qui aime calculer de longues formules--j'ai observé cette situation dans le réseau RCCET local que nous avons--et ce qu'on appelle des «fractions attribuables» grâce auxquelles, selon sa conviction, on peut dresser un portrait clair des coûts des divers services et problèmes de traitement de tout groupe auquel vous pourriez penser. Cette personne pourrait probablement vendre cette idée à n'importe qui, si elle était à la tête de ce service.
Les partis pris des personnes travaillant à ce service pourraient donc poser des problèmes. Si personne ne remet en question la méthodologie utilisée au service central, les informations traitées manqueront d'objectivité; en fait, c'est l'opinion des auteurs de l'enquête qu'elles exprimeront.
Je ne crois pas que ce soit le type d'informations dont vous avez besoin. Vous avez besoin de renseignements, mais des renseignements significatifs. Des tas de renseignements ne vous aideront pas. Des informations fournies par un service central ne vous aideront pas. Selon ce que je constate dans vos notes, vous avez besoin de trouver une façon de sélectionner un échantillon parmi les données de la recherche. J'étais heureux de voir que dans un extrait, vous n'avez pas tenté de tout lire. Vous avez besoin de trouver une façon de classer et d'évaluer les informations existantes.
Je répète que si le prochain pas consiste à mener une enquête nationale, un grand nombre de personnes seront probablement rassurées, croyant que maintenant nous avons tous les renseignements en main et que nous avons un portrait de tout le pays.
Examinons les statistiques: 2 p.100 des personnes que nous avons appelées au Canada disent avoir un problème de consommation de la cocaïne. Ces chiffres vous indiquent-ils quelle est la première mesure à prendre pour tenter de solutionner le problème? Le portrait, je le répète, sera celui de personnes qui se trouvent à la maison. En réalité, cette estimation ne vous donnera aucun renseignement sur la nature du problème, les solutions qu'on a mises à l'essai, les situations de vie et d'emploi, etc.
Oui, vous aurez en main tout un ensemble de chiffres sur la situation nationale qui impressionneront grandement les gens. Mais je me permets de vous dire que ces renseignements ne sont pas toujours significatifs.
À (1030)
M. Derek Lee: Hier, nous étions dans la région de Halton, dans une clinique de santé communautaire. Nous avons des données de la clinique. Nous avons des statistiques, ou nommez-les comme vous le voulez, sur des incidences provenant d'enquêtes locales ou d'autres méthodes de collecte de données. Ils savent ce qu'ils font.
L'un des domaines qu'ils ont traités était l'étendue de l'utilisation de drogues de divers types en fonction de diverses catégories d'âge. J'ai trouvé cela très utile. Le portrait dressé est supposé donner un aperçu de la région de Halton, s'il est exact. Mais je ne sais s'il est exact. Pour déterminer s'il est exact, il faut des professionnels capables d'évaluer comment les données ont été recueillies, comment elles sont multipliées, divisées, comment on a calculé les moyennes ou fait une autre opération, comme la formule que vous avez présenté plus tôt. Mais je crois que nous avons besoin de ces renseignements.
Je comprends votre point de vue. Je suppose que nous pourrions dépenser 50 millions de dollars pour mener une enquête nationale qui s'échelonnerait sur deux ou trois années et nous retrouver avec des renseignements peu significatifs. C'est ce que vous laissez entendre. Nous pourrions nous en sortir en dépensant 10 millions de dollars et en affectant l'autre 40 millions de dollars à une méthode de collecte de données plus directe. N'est-ce pas ce que vous croyez?
Mme Joyce Bernstein: Oui. Je ne dis pas que tous les renseignements locaux sont utiles. Quand on examine des données, il est utile de savoir si elles sont représentatives des réponses données par les personnes interrogées en termes de catégorie d'âge, du type de substance consommée ou de tout autre sujet abordé. On peut alors évaluer soi-même les résultats. Il n'est pas nécessaire de recourir à un statisticien ou un épidémiologiste bien rémunéré pour déterminer si les données ont été bien interprétées, ce qui n'est pas le cas d'une enquête nationale, dont les chiffres sont grandement manipulés. Je soutiens qu'ils ne vous seront d'aucune utilité.
M. Derek Lee: Au sujet de la réduction des méfaits, vous avez fait un commentaire sur l'utilité de distribuer des pipes pour le crack. Pourriez-vous fournir des données de référence tangibles à ce sujet?
Je suis sûr qu'il existe des données de référence, mais le dossier ne les indique pas. Quelles données tangibles démontrent que la distribution de pipes de crack réduirait les méfaits causés par la consommation de cette drogue?
Mme Joyce Bernstein: On a formé de nombreux groupes de discussion avec les utilisateurs de drogue actuels et mené de nombreuses études sur eux, et ce, dans le monde entier. Des tas de rapports font état du fait que les personnes qui utilisent les soi-disant drogues dures ne bénéficient pas des services de soins de santé. Je crois que c'est aussi simple que cela.
Je dois ajouter que récemment, pendant une grève à Toronto, j'ai eu le privilège de remplacer l'un des travailleurs de notre syndicat et de conduire la camionnette du programme d'échange de seringues dans les rues de Toronto entre minuit et deux heures. Mes enfants m'ont photographié.
Le témoignage des personnes qui viennent vous voir à la camionnette pour vous remercier parle de lui-même. Des prostituées de seize ans de la rue Jarvis viennent chercher des condoms et prennent rendez-vous pour subir un test VIH: elles ne pourraient recevoir de l'aide médicale s'il fallait qu'elles se présentent dans un bureau de médecin habituel. Elles ne pourraient même pas prendre rendez-vous, elles n'ont pas de téléphone. Si elles se rendaient dans une clinique sans rendez-vous en banlieue, elles ne recevraient pas de soins. Elles n'auraient donc aucun contact avec les services de santé. Je me permets donc d'affirmer simplement que ce service permettrait d'établir un contact entre les deux.
À (1035)
M. Derek Lee: Le mécanisme de distribution augmenterait les chances qu'un utilisateur de drogues qui a besoin de services de santé ou de services sociaux puisse entrer en contact avec ceux qui peuvent les envoyer à ces services. Cela crée un climat de confiance et permet à la communauté de prendre connaissance des problèmes de santé dans la communauté et d'aider. N'est-ce pas ce que vous voulez dire?
Mme Joyce Bernstein: Tout à fait.
M. Dennis Long: Je voudrais ajouter quelque chose qui pourrait réellement illustrer ce que Joyce a dit.
La fréquence de contamination par le virus de l'hépatite C chez nos clients du programme de traitement à la méthadone et du programme d'extension s'adressant aux marginaux de la rue est supérieure à 90 p. 100. Et la raison pour laquelle cette fréquence n'est pas plus près de 100 p. 100 est qu'un grand nombre de personnes sont avec nous depuis longtemps, avant l'épidémie du virus de l'hépatite C. Désormais, pratiquement 100 p. 100 des personnes admises dans les deux programmes sont atteintes du virus de l'hépatite C. Elles ne bénéficient pas de soins de santé adéquats.
Elles transmettent la maladie à d'autres personnes. Entre autres, la maladie est transmise par la façon dont on fume le crack; sur des lèvres fissurées et fendues, on pose des canettes de boisson gazeuse écrasées ou d'autres objets, puis on se passe cet objet directement d'un utilisateur de drogue à l'autre. C'est une façon de transmettre l'hépatite C, entre autres maladies.
Ce type d'interventions, par lesquelles les personnes obtiennent des soins de santé adéquats à un stade précoce de la maladie et sont traitées efficacement--et si le traitement n'est pas efficace, nous pouvons à tout le moins prolonger la période pendant laquelle elles se portent bien malgré la maladie--n'est pas possible si nous ne créons pas d'occasions d'entrer en contact avec les personnes et si nous ne trouvons pas des façons efficaces tout au moins de réduire la transmission de la maladie.
M. Derek Lee: Merci.
La présidente: Merci.
Chers collègues, je vous propose de faire une pause de cinq minutes pour marcher un peu ou pour aller chercher une tasse de café ou faire autre chose, puis nous reprendrons.
À (1041)
La présidente: Nous reprenons nos travaux. Juste avant que nous fassions un deuxième tour, chers collègues, je voudrais poser quelques questions à Operation Springboard.
Quels types de contrevenants ne sont pas admis au programme? Si la possession de petites quantités de marijuana était décriminalisée, votre programme n'existerait plus et un grand nombre d'heures de travail communautaire ne serait pas fait. Qu'en pensez-vous?
De plus, avez-vous appris des choses au sujet de vos clients qui nous aideraient à prévenir la consommation de la marijuana ou à inciter les personnes à remettre à plus tard cette consommation, à une période de leur vie plus propice? Pouvons-nous changer quelque chose au modèle de réduction des méfaits?
Je demande à M. Sergnese si vos clients vous ont dit des choses qui nous aideraient à prévenir la consommation de drogues illicites ou à aider les utilisateurs de drogues à adopter un style de vie sain tôt dans leur vie. Nous pourrions utiliser ces éléments pour améliorer le programme de prévention.
Je cède d'abord la parole aux membres de Operation Springboard.
À (1045)
Mme Wanda McPherson: Je vais d'abord parler des personnes qui ne sont pas admises au programme. D'après l'organisation actuelle, l'avocat de la Couronne détermine qui est admissible au programme. Les facteurs considérés comme aggravants et qui peuvent empêcher une personne d'être admise au programme lorsqu'on la trouve en possession de marijuana sont les faits de trouver cette personne à un établissement scolaire, dans un véhicule automobile ou dans un parc public où se trouvent des enfants. Ils considèrent ces facteurs comme aggravants et dans ces cas, ils refusent souvent qu'une personne soit admise au programme.
La présidente: Je comprends, mais je croyais qu'il s'agissait des seules raisons pour lesquelles des personnes étaient accusées de possession de petites quantités de marijuana. Quelles personnes sont accusées?
Mme Wanda McPherson: Des personnes de tout âge sont accusées, mais surtout les jeunes. Ils constituent une grande partie de notre groupe de clients parce qu'ils ne possèdent pas de maison où ils peuvent s'asseoir et fumer de la marijuana sans se faire arrêter.
Ces facteurs sont considérés comme aggravants et on estime que ces personnes ne sauraient bénéficier de ce type de programme d'éducation pour la réduction des méfaits. On ne les admet pas.
Depuis la mise sur pied de ce programme, nous n'avons cessé de chercher à élargir les critères d'admissibilité. Nous avons fait beaucoup de chemin depuis le tout début, et nous continuerons à chercher à faire changer quelque peu l'interprétation de ces facteurs aggravants. Je répète que lorsque les valeurs morales des personnes entrent en jeu, ce type de situation se produit.
Par exemple, de nombreux jeunes passent leur temps dans la cour d'école. C'est toujours là qu'ils se trouvent. Alors si on les arrête pour une raison quelconque, qu'on les fouille et qu'on découvre qu'ils possèdent de la marijuana, on interprétera en cour qu'ils en fumaient devant des plus jeunes qu'eux et tentaient de les inciter à faire de même, même si ce n'est pas le cas.
La même situation se produit s'ils sont passagers dans un véhicule automobile. Le ministère de la Justice commence lentement à voir de quelle façon, s'ils ne fument pas de marijuana, il pourrait les rendre admissibles au programme. Nous cherchons constamment des façons d'admettre un plus grand nombre de personnes.
À (1050)
Lorsque vous parlez des moyens de retarder l'utilisation de drogues ou de donner de l'information ou une éducation, plus il y a de personnes qui ont accès au programme par le biais du système judiciaire, plus il y a de personnes qui ont l'occasion de réfléchir sur leur utilisation de drogues, le mal qu'ils se font ou non à eux-mêmes, les préjudices qu'ils peuvent causer à la collectivité, p. ex. les quartiers où les taux de criminalité sont les plus élevés, où le trafic de drogue est important et où ce genre de choses se produit. En faisant leur travail communautaire, ils ont l'occasion de voir ce côté des choses.
Nous sommes en mesure d'expliquer les implications d'une condamnation au criminel en ce qui concerne l'accusation en question, et les implications sont relativement sévères quand vous tenez compte du fait que... la plus petite dose que j'ai eu est de 0,02 grammes de marijuana. Mais une condamnation est une condamnation, et traverser la frontière devient difficile; obtenir certains emplois devient difficile. En réalité, les enjeux d'une condamnation pour l'utilisation de ce que nous appelons les «drogues douces» sont relativement élevés.
Par conséquent, je pense que ces programmes aident à cet égard. Vous dites ensuite et si la marijuana était légalisée, décriminalisée, et je dis hourra, nous pouvons commencer à nous intéresser aux autres drogues. Nous pouvons commencer à utiliser ces programmes de manière beaucoup plus efficace, si nous commençons à nous intéresser à différentes...
La collectivité a déjà cette mentalité et elle est prête à appuyer ces personnes. La collectivité est prête à prendre en charge ces personnes et cela est illustré par les 211 organismes communautaires qui participent au programme à l'heure actuelle. Ils offrent des stages de bénévolat. Ils offrent également des services à ces personnes afin qu'elles se sentent solidaires de la collectivité--services d'établissement pour les nouveaux arrivants au Canada, services d'emploi pour les jeunes et les adultes qui sont sans emploi à l'heure actuelle.
Par conséquent, ce programme répond vraiment à bien davantage qu'une simple condamnation pour marijuana. Nous cherchons à savoir s'il existe des problèmes de base auxquels nous devons répondre et dans bien des cas pour ce genre de condamnations, il n'y a pas beaucoup de personnes qui sont confrontées à des difficultés insurmontables.
Je pense donc que la décriminalisation serait formidable. Nous pourrions ensuite concentrer nos efforts sur d'autres drogues et faire profiter d'autres personnes du programme.
La présidente: Possédez-vous des statistiques sur les personnes qui sont généralement inculpées, ainsi que les raisons et les circonstances? L'information qui nous est communiquée est que la plupart des services de police ne se donnent pas la peine d'inculper pour les petites quantités, et que les seules fois où ils sont obligés d'inculper sont dans les circonstances que vous nous avez décrites, dans ces cas-là ils ne répondent pas aux conditions requises pour votre programme. Par conséquent, il y a 2 300 personnes qui ont été inculpées par les forces de police pour lesquelles on nous informé qu'ils ne font pas cela.
Mme Wanda McPherson: Oui. Ils le font, d'après toutes les personnes qui franchissent ma porte. Quiconque est en possession de marijuana peut être inculpée. Bien souvent, par exemple, un groupe de jeunes hommes--et quand je dis «jeunes», je veux dire entre 13 et 24 ans--s'ils se joignent à n'importe quel groupe--et qu'il comprend trois personnes--, la police les interpellera, semble-t-il, pour les interroger, voir s'il se passe quelque chose et ils peuvent les appréhender de cette manière.
Certaines personnes sont appréhendées pour possession de marijuana lorsqu'elles sont appréhendées pour une autre infraction, par exemple un vol à l'étalage. Lorsqu'elles sont fouillées, elles sont prises en délit de possession de marijuana.
Cependant, comme vous le savez, nous avons toute sorte de personnes qui viennent d'être appréhendées dans toute sorte de circonstances. La police juge qu'il y a des motifs valables pour interpeller ces personnes, les fouiller et ils les prennent en délit de possession de marijuana ou bien ils les ont vu fumer un cigarette de marijuana ou autre dans un coin quelque part.
Mais non, comme je l'ai dit, la plus petite quantité que j'ai eu est 0,02 grammes. Cette personne a été inculpée et traduite en justice. Le tribunal a gaspillé des ressources énormes pour ce cas. La personne inculpée doit..., disent-ils pour conclure une affaire devant le tribunal, vous devez comparaître six fois en moyenne. Si c'est la quantité dont il s'agit, 0,02 grammes de marijuana, c'est très décourageant.
Par conséquent, lorsque nous avons parlé plus tôt d'où proviendraient les fonds, voici d'où les fonds peuvent provenir--toutes les ressources qui sont dépensées pour ces types de condamnation à l'heure actuelle, lorsque nous avons une collectivité qui, comme nous le prouvons, est prête à fournir des réponses à ces types d'infractions.
M. Dennis Long: J'aimerais juste préciser à ce propos, parce que je pense que c'est une des questions vraiment importantes en ce qui concerne la décriminalisation--et la prohibition--, ce que je n'aime pas, c'est qu'elles ont tendance à victimiser les personnes les plus vulnérables. Mes confrères et mes amis qui fument de la marijuana sont probablement plus ou moins soustraits à toute poursuite; ils ne se feront pas prendre.
La présidente: Ils ont des maisons.
M. Dennis Long: Ils ont des maisons, des voitures--des BMW--et d'autres choses, et ils ne se feront pas interpellés dans la rue par un policier pour un caprice parce qu'ils ont l'air louche, parce que ce n'est pas le cas, même pour ceux qui sont d'une autre origine ethnique. Par contre, les enfants des rues, les gens vivant dans la rue, les personnes vulnérables dans notre société qui sont sans ressource, et bien oui, elles seront inculpées.
Elles seront souvent inculpées pour la simple raison que le policier n'aime pas leur apparence et cherche une raison de les inculper et trouve un peu de marijuana. C'est donc très inéquitable et très injuste.
À (1055)
La présidente: Merci.
Monsieur Sergnese.
M. Elio Sergnese: Avant de répondre à votre question, puis-je m'en tenir à quelque chose que Dennis vient de dire. C'est la question des enfants des rues et de la décriminalisation de la marijuana. Je tiens juste à préciser que, parfois pour les enfants des rues, l'inculpation peut être un point tournant décisif.
En ce qui concerne la question que vous m'avez posée, mes clients ne sont pas nécessairement les personnes qui ont eu recours aux autres programmes. Un grand nombre d'entre eux ont des problèmes bien enracinés. Nous ne nous concentrons pas nécessairement sur les drogues ou l'alcool, mais plutôt sur leur comportement et leur attitude. Après avoir suivi un programme à long-terme et avoir réussi à comprendre l'origine de leur problème, ils arrivent aussi à comprendre pourquoi les drogues et l'alcool sont des symptômes, ils ne peuvent pas les utiliser à nouveau parce qu'ils pourraient déclencher à nouveau le même comportement et la même attitude.
Un grand nombre de mes clients ont également commencer leur «carrière» de toxicomanes avec la marijuana.
La présidente: Nous n'avons pas de plage d'âge pour vos clients. Pensez-vous pouvoir nous envoyer ces renseignements? Il n'est pas nécessaire que vous les ayez à votre disposition tout de suite. Il serait utile d'avoir un profil des personnes qui utilisent vos services, tant les hommes que les femmes.
M. Elio Sergnese: Ils ont de 16 à 60 ans.
La présidente: En ce qui concerne l'introspection, quels sont certains des éléments qui seraient utiles selon ce qu'ils vous ont communiqué, par exemple, si quelqu'un m'avait dit, si seulement j'avais réalisé ou si j'avais de meilleures aptitudes? Quels sont certains des facteurs sur lesquels nous pourrions agir et qui pourraient entraîner certains changements ou leur éviter d'utiliser les drogues?
M. Elio Sergnese: Ma réponse à votre question n'est probablement pas très utile. Je dirais qu'il faut mettre l'accent sur la famille et la situation au sein de la famille. En fin de compte, c'est ce qui les a poussés. Nos parents sont nos premiers enseignants.
Si je demandais à mes clients ce qui aurait pu les empêcher d'utiliser des drogues, je ne pense pas qu'ils auraient être capables de répondre à cette question. Ils parlent des conflits dans leurs foyers, tels que vivre dans une maison où la mère et le père ne s'aiment pas; de familles monoparentales et des conflits afférents; et d'abus sexuels, physiques et émotionnels et de ne pas être capables de les résoudre en grandissant.
La présidente: Dr Bernstein, je suis d'accord sur le besoin de recueillir ou d'avoir accès à des informations plus pertinentes, telles que les ressources communautaires. Si vous prenez l'exemple du programme d'Halton, vous auriez dit qu'ils n'y avaient pas d'héroïnomanes jusqu'à ce qu'ils mettent sur pied ce programme et qu'ils aient finalement des contacts avec les personnes qui utilisent le programme d'échange des seringues. Ils ont alors découvert qui étaient ces personnes et de quels autres services ils avaient besoin.
Cette information est très utile pour progresser. Elle est également très utile pour mesurer les tendances ou les changements. Elle est utile pour mesurer le succès pour éviter la contamination du VIH ou de l'hépatite C, pour diminuer l'utilisation des drogues ou les inciter à vivre des vies plus saines. Il y a indubitablement beaucoup de renseignements statistiques qui sont utiles dans ce processus.
Mme Joyce Bernstein: Je vous encourage de nouveau à étudier tous les rapports du RCCET sur les sites locaux. Celui que je connais le mieux est le rapport de Toronto. Ce n'est pas le seul, ni la fin des fins.
Nous rédigeons ce rapport sur l'utilisation de drogues depuis onze ans et nous avons donc des données qui remontent dans beaucoup de cas aux années 70. Nous avons les tendances à long terme. Aucune donnée particulière n'est la meilleure, ni la donnée exclusive sur laquelle nous devons miser, mais regroupées ensemble dans ce rapport, je pense qu'elles commencent à souligner les dimensions extrêmes d'un problème.
Vous remarquerez peut-être ma frustration lorsque je parle de ces estimations nationales. Lorsque j'utilise le terme de «science de merde», les gens me regardent d'un drôle d'air, donc je devrais peut-être expliquer.
Lorsque j'ai commencé à travailler pour la ville de Toronto, on m'a demandé d'utiliser les résultats d'une enquête auprès des habitants de Toronto. Je crois que 50 000 personnes avaient été interviewées. Cette enquête devait aider à résoudre des problèmes de planification interne. Une des données statistiques que j'ai lue, ou une parmi bien d'autres, était que plus de 50 p. 100 des Torontois mangent six portions de légumes par jour. En ce qui concerne l'utilisation de drogues, les statistiques indiquaient qu'aucune adolescente dans la ville ne fumait du tabac, ce que j'ai trouvé fort intéressant.
Ce que je veux dire, c'est que vous avez peut-être des statistiques que vous trouvez sécurisantes--vous savez, voici des éléments que nous pouvons utiliser--, mais que veulent-elles vraiment dire? Les gens vous ont-ils dit la vérité? C'est le message que j'essaie de faire passer. Il y a trop de problèmes avec les statistiques à grande échelle pour faire la part des choses. Avec des statistiques au niveau local qui ont été suivies pendant un certain temps, vous pouvez plus ou moins vous faire une idée du problème, des tendances et de quelques mesures de prévention et de traitement.
Á (1100)
La présidente: Un défi auquel le comité doit faire face est que certaines personnes qui ont eu des contacts avec Vancouver-Est, y travaillent ou y sont passées, reconnaissent qu'il y un problème. Les personnes qui habitent à proximité de Queen Street East à Toronto reconnaissent certainement qu'il y a un problème.
Certaines choses que nous pourrions suggérer pour aider à pallier à ce problème ou à empêcher les gens de venir des banlieues dans ces quartiers pourraient susciter la colère des gens qui habitent dans les autres collectivités et qui pensent qu'ils n'y a aucun problème de drogue, et on nous demanderait: «Comment osez-vous agir de la sorte?». Recommandez à certaines personnes des sites d'injection sans danger reviendrait à dire que tous les enfants à l'école maternelle devrait avoir de l'héroïne au petit déjeuner.
Nous devons donc aider les gens à comprendre l'étendue du problème et les raisons pour lesquelles ces choses se produisent. Sinon, nous ne continuons pas à changer et à améliorer la situation. Une des manières de concentrer les efforts sur cette situation est d'arriver à comprendre ce qui se passe dans notre pays. Bien qu'il existe certaines informations très importantes au niveau local, il me semble que dans d'autres domaines, il y a une véritable pénurie d'informations qui nous aideraient à comprendre. Peut-être faudrait-il mettre l'accent sur l'examen des données par le vérificateur général qui dirait: «Regardez ce que vous avez dépensé pour la répression. Avez-vous fait des progrès? Regardez aussi ce que vous n'avez pas dépensé pour la prévention et le traitement». Cette manière d'examiner les informations pourrait être vraiment utile.
Par conséquent, j'ai besoin de comprendre en quelque sorte ce que vous pensez qu'il manque effectivement pour aider les gens à comprendre que nous devons faire mieux, que nous devons peut-être offrir d'autres options pour les programmes Caritas, les programmes pour les jeunes ou autres. Quelle information est la bonne, quels renseignements devons-nous recueillir que nous n'avons pas déjà et dans quels domaines devons-nous faire moins?
Mme Joyce Bernstein: Ce n'est pas facile. Le principal type d'information dont vous avez besoin, à votre avis, est probablement une vue d'ensemble. Je répète que je ne pense pas que vous trouverez des données qui vous donnerons une vue d'ensemble. Je pense qu'il s'agit d'examiner les données que nous avons et d'évaluer vous-même ce en quoi vous croyez--en parlant aux gens, en comprenant les problèmes, en arrivant à un point de départ et en agissant dans cette direction.
Si vous attendez d'avoir une vue d'ensemble, une étude définitive, les données adéquates, je crois que vous vous faites des illusions. Il peut être sécurisant d'avoir un document entre les mains stipulant que nous devons dépenser tant pour la cocaïne, tant pour l'héroïne, etc. Cela vous donnera un point de départ, mais vous devrez décider ce que vous jugez comme un point de départ valide et la manière de procéder.
La présidente: Vous n'êtes pas obligé de répondre à cette question aujourd'hui, mais vous pouvez peut-être nous dire quelles sont les lacunes de l'information sur les statistiques, ou même d'un point de vue qualitatif--
Mme Joyce Bernstein: Je ne pense pas qu'il manque quelque chose. Je pense que c'est une question de volonté de choisir un nouveau point de départ.
La présidente: D'accord, mais supposons que nous recommandions de mettre en place certaines actions. Existe-t-il quelque chose qui serait utile plus tard pour une mesure ou l'autre? Manque-t-il un maillon dans le processus de collecte des informations?
Mme Joyce Bernstein: Dans la mesure où il est possible d'obtenir des informations exactes et fiables, vous pouvez toujours obtenir plus de données, mais je ne pense pas qu'il manque quoi que ce soit pour empêcher un bon début et pour entreprendre une action adéquate sur plusieurs fronts afin de commencer tout de suite à aider les gens.
Á (1105)
La présidente: En dernier lieu, Opération Springboard, travaillez-vous en collaboration avec le tribunal consacré en matière de drogues ou êtes-vous relativement indépendants?
Mme Wanda McPherson: Nous sommes indépendants, mais nous travaillons parfois avec le tribunal de traitement de la toxicomanie, le projet pilote dans l'Old City Hall Court House, où nous nous situons également. Nous travaillons parfois en partenariat avec eux.
Nous aidons les personnes qui doivent faire du service communautaire ou du bénévolat dans la collectivité.
La présidente: Avez-vous beaucoup d'heures de service communautaire?
Mme Wanda McPherson: Oui. C'est un peu différent et c'est remarquable. Je veux juste prendre deux minutes pour définir le service communautaire en ce qui nous concerne, nous et notre programme.
Je vous citais les heures et les informations que nous avons fournies sur le service communautaire réalisé par nos clients. Le service communautaire constitue du bénévolat pour des organismes à but non lucratif pour la ville de Toronto. Bons nombres de ces tâches sont exécutées pour les organismes bénévoles.
Dans ce contexte, j'inclus également les heures lorsque je présente quelqu'un à un programme d'emploi des jeunes en vue d'un emploi, lorsque je recommande quelqu'un à un programme de maîtrise de la colère, par exemple, ou à tout autre service social, counselling, service d'établissement ou autre programme. Je les inclus dans le service communautaire parce que nous les définissons comme des outils précieux pour aider la personne à mener une vie plus respectueuse des lois et à s'adresser aux causes profondes pour lesquelles elle a aussi pu être inculpée devant le tribunal.
La présidente: D'accord, merci.
Monsieur White, avez-vous d'autres questions?
M. Randy White: Merci.
Je travaille sur les problèmes liés aux drogues depuis plusieurs années. Je suis souvent contraint de me recycler ou de me concentrer à nouveau sur certaines questions.
Un des éléments que j'aimerais obtenir à cet égard--je pense que vous l'avez peut-être demandé Betty--est plus d'information sur les inculpations pour marijuana. Cela me préoccupe beaucoup que cela se produise. Cependant, j'aimerais en savoir davantage maintenant. Dans quelle proportion cela se produit-il? Est-ce que c'est uniquement à Toronto ou dans chaque ville? J'ai toujours entendu dire que ce n'est pas le cas.
Je dois donc me recycler et concentrer à nouveau mes efforts et une des prémisses sur lesquelles je dois commencer à travailler est le concept selon lequel l'héroïne est une drogue relativement sans danger. Pensez-vous que c'est une prémisse sur laquelle je peux travailler--ou nous devrions tous travailler?
M. Dennis Long: Oui, je le pense effectivement et je n'essaie pas de prêter à controverse. Je pense que c'est un fait bien établi que l'héroïne a une action pharmacologique sur les sites récepteurs du cerveau--uniquement, en fait--et relativement inoffensive sur le reste du corps.
L'alcool, par exemple,--ou le tabac en est un autre exemple--agit et affecte tout un ensemble de systèmes corps. Si vous abusez d'alcool pendant 10 à 15 ans, votre appareil digestif commencera sans doute à se détériorer; vous avez des risques de cancer de l'oesophage, d'ulcères, de toutes sortes de maladies; votre système neurologique commencera sans doute à se dégrader; vous aurez des trous de mémoire; votre mémoire à court-terme sera gravement affectée, peut-être pour toujours; votre foie aura des cicatrices; vous contracterez peut-être une cirrhose, une maladie fatale; etc.
Si vous utilisez un opioïde, dont fait partie l'héroïne, avec du matériel bien aseptisé et le bon titrage de doses afin que vous sachiez exactement quelle dose vous prenez, vous pourriez vivre très longtemps et en excellente santé. Il y a des exemples. Je ne me rappelle pas du nom de cet homme, mais il y avait un professeur de médecine aux États-Unis voici quelques années qui était un chirurgien chef de file. Il a été morphinomane toute sa vie. Il a utilisé de la morphine quotidiennement et a mené une vie très longue et très productive. Cet homme était en excellente santé et il est décédé, je crois, d'une crise cardiaque, ou d'autre chose qui n'avait rien à voir avec la drogue, à un âge avancé.
Je ne pense pas que nous puissions dire autrement: c'est une drogue relativement sans danger. Oui, bien sûr, vous pouvez prendre une overdose.
M. Randy White: Nous pourrions en faire une campagne publicitaire à la télévision en disant: «Prenez de l'héroïne en quantités raisonnables; c'est moins dangereux qu'une cigarette».
M. Dennis Long: Je ne le ferais certainement pas. Je pense qu'il convient de faire ressortir que les drogues licites auxquelles nous livrons bataille dans notre pays à l'heure actuelle sont, de nombreuses façons, bien plus destructrices que les drogues illicites.
De nombreuses personnes demandent si les héroïnomanes décèdent fréquemment d'une overdose. Dans une certaine mesure, c'est vrai. Pourquoi décèdent-ils d'une overdose? La plupart des héroïnomanes ne cherchent pas à décéder d'une overdose, mais on leur fournit de l'héroïne de force différente. Nous voyons régulièrement beaucoup de gens mourir à Toronto parce que de l'héroïne beaucoup plus forte que d'habitude est vendue dans la rue. Les utilisateurs ne le savent pas, ils l'utilisent comme d'habitude et décèdent.
Á (1110)
M. Randy White: Je vais vous dire ce qui me gêne avec ce concept. J'ai 53 ans. Il m'a fallu des années pour en arriver au point où je pense presque que nous pouvons peut-être distribuer la marijuana d'une autre manière. Puis, voici un autre porte-parole qui dit, eh bien, oui, d'accord, nous avons la marijuana, mais n'oublions pas, l'héroïne est une drogue relativement sans danger.
Je me demande où est la limite.
M. Dennis Long: Je comprends.
M. Randy White: J'ai besoin de votre aide pour fixer la limite. Pourriez-vous définir «réduction des préjudices» pour moi? Je pense que c'est la limite que nous essayons de tracer. J'essaierai de le faire pour vous. Corrigez-moi si je me trompe.
Voici les composantes de la réduction des préjudices. Je n'essaie pas de vous jouer un tour. J'essaie juste de comprendre un concept. La réduction des préjudices consiste en l'échange de seringues, la distribution de préservatifs, de pipes de crack et d'héroïne, le traitement d'entretien à la méthadone et des sites d'injection sans danger. Pouvons-nous dire que ce sont les composantes fondamentales de la réduction des préjudices, non pas la définition, mais les composantes?
M. Dennis Long: Je pense que ce sont réellement certaines composantes de la réduction des préjudices.
M. Randy White: Ajouteriez-vous d'autres composantes?
M. Dennis Long: Franchement, je pense que nous avons besoin de réformer les lois. Comme je l'ai dit auparavant, je pense que la réduction des préjudices consiste en partie en la défense contre les lois qui portent davantage préjudice aux individus qui utilisent des drogues.
Dans le cas de l'héroïne, à l'heure actuelle, je dirais que bien plus de 90 p. 100 des préjudices liés à l'utilisation de l'héroïne sont directement reliés au fait que c'est une substance illicite. Si c'est le cas et si nous voulons être efficace en termes de réduction des préjudices, nous devons alors modifier les lois afin que l'individu ne soit pas exposé aux préjudices liés au fait que la substance est illicite. Si les lois étaient efficaces, dans un certain monde où nous pourrions prohiber l'utilisation de l'héroïne de manière efficace, personne ne l'utiliserait et ce serait efficace, évidemment. Ce n'est pas le cas.
M. Randy White: Avez-vous d'autres exemples de composantes de la réduction des préjudices? Quelqu'un d'autre?
Joyce?
Mme Joyce Bernstein: Un exemple relativement pratique pour Toronto Public Health est que, bien que nous sachions qu'environ 30 p. 100 des jeunes en écoles secondaires fument de la marijuana, il nous est interdit de réaliser des activités de prévention quelconques, telles d'encourager les gens qui peuvent avoir fumé à utiliser le système du conducteur désigné. Nous pouvons le faire. Nous encourageons les gens en écoles secondaires qui peuvent avoir consommé de l'alcool à le faire, bien qu'il soit probablement illégal pour la plupart des enfants de boire aussi, l'âge légal pour boire étant 19 ans. Nous ne pouvons pas mentionner la marijuana ou les conducteurs désignés dans la même phrase lorsque nous visitons les écoles.
Pour moi, l'approche de réduction des préjudices serait de reconnaître que nous parlons d'une substance illicite. Nous ne disons pas que vous, les étudiants, utilisez cette drogue. Cependant, si vous connaissez quelqu'un qui a utilisé cette drogue, ne montez pas en voiture si cette personne conduit. C'est dangereux. Pour moi, il s'agirait d'une forme de réduction des préjudices.
M. Randy White: Y a-t-il d'autres composantes que je n'ai pas inclues dans cette définition? Ce débat est réellement important pour nous parce que nous devons essayer de définir ce que vous voulez dire par réduction des préjudices.
Mme Joyce Bernstein: La réduction des préjudices ne devrait pas être définie par les programmes. La réduction des préjudices est un concept très simple. Cela veut tout simplement dire que pour toute activité donnée, vous aimeriez réduire le préjudice.
J'ai un ami qui est conseiller, qui rédige à l'heure actuelle un mémoire sur la définition de la réduction des préjudices et qui sera payé 40 000 $ lorsqu'il remettra le mémoire.
Nous en revenons à nouveau aux universitaires. C'est un concept dont il est si difficile de parler. Il est si ahurissant pour beaucoup d'entre nous de penser à la réduction des préjudices non pas par le biais des programmes qu'elle peut engendrer, mais au concept même. Nous essayons juste de réduire les préjudices.
M. Randy White: Certaines personnes diront que la réduction des préjudices, sous la forme de programmes d'entretien à l'héroïne ou de sites d'injection sans danger, ne fait qu'augmenter les préjudices.
Á (1115)
Mme Joyce Bernstein: Oui, il y a beaucoup de discussions à ce sujet.
M. Randy White: Vous ne réduisez pas les préjudices, vous ne faites que les augmenter.
Mme Joyce Bernstein: C'est sujet à discussion.
M. Dennis Long: J'allègue qu'ils ont tout à fait tort.
M. Randy White: Je suggère que les propos d'Elio..., c'est une forme de réduction des préjudices.
M. Dennis Long: Dans une certaine mesure, je pense que c'est vrai, mais ce n'est pas la limite de la réduction des préjudices. Je ne vois pas comment certains services, tels que des sites d'injection sans danger, la prescription d'héroïne, etc., augmentent les préjudices d'une manière quelconque. Ils rendent les drogues moins dangereuses pour les personnes qui les utilisent et qui pour une raison ou une autre, n'arrêteront probablement pas de les utiliser.
Si nous pouvions être certains de pouvoir mettre fin à l'utilisation de drogues par ces personnes, j'appuierais indubitablement toute initiative à cet égard. Cependant, cela ne va tout simplement pas se produire et je soigne des gens pour abus de substances psychoactives depuis 20 ans. Il y a des gens, qui pour de bonnes ou de mauvaises raisons, n'arrêteront tout simplement pas de les utiliser.
M. Randy White: Êtes-vous médecin en titre?
M. Dennis Long: Non, je ne le suis pas.
M. Randy White: Puis-je alors juste résumer--
La présidente: Désolée, juste deux secondes. Deux autres personnes veulent répondre à vos questions précédentes.
M. Randy White: Très bien.
Mme Wanda McPherson: D'abord, nous observons la réduction des préjudices que notre programme est en mesure d'offrir--en gardant à l'esprit à nouveau que ce qu'ils disent est tout à fait vrai--. J'aimerai juste ajouter qu'être en mesure de donner à ces individus des informations sur les drogues, leur utilisation et une occasion de réfléchir sur les raisons pour lesquelles ils utilisent des drogues et à quelle fréquence permet d'identifier s'ils ont besoin de ressources additionnelles dans la collectivité.
À notre avis, la réduction des préjudices consiste également à expliquer le processus pénal, le processus judiciaire et à soutenir les gens à cet égard. Il faut également leur donner des explications sur les conséquences de leur utilisation de la drogue au niveau social, pénal, etc., afin qu'ils puissent prendre des décisions éclairées à l'avenir.
Ils ont maintenant tous les renseignements dont ils ont besoin et s'ils choisissent de continuer à utiliser de la marijuana, ils ont au moins pris une décision éclairée, ou mieux éclairée qu'avant leur participation au programme.
Dans l'ensemble, c'est la manière dont nous voyons les choses. Nous les mettons en relation avec la collectivité pour traiter d'autres questions. La marijuana peut être une drogue d'introduction. Ce n'est pas le cas pour certaines personnes, mais nous leur fournissons des occasions d'établir des relations avec leur collectivité. Je ne peux pas suffisamment dire que les collectivités assument leur part de responsabilité.
M. Remo Paglia: Toute loi ou politique qui interdit la communication d'information va à l'encontre du but recherché et je pense que c'est vraiment ce qui nous pose de gros problèmes à ce sujet. L'information doit être communiquée, elle doit être communiquée aux jeunes suffisamment tôt et le système éducatif doit être impliqué.
M. Dennis Long: À un autre niveau, comme Joyce l'a dit toute la matinée, la collecte des données devient très difficile, lorsqu'une substance psychoactive est prohibée. Nous connaissons, par exemple, la quantité d'alcool que les gens boivent dans notre pays à la goutte près parce que les boissons alcoolisées sont toutes produites et distribuées sous surveillance gouvernementale, mis à part quelques exceptions évidemment. Cependant, dans l'ensemble, nous avons une bonne maîtrise de la situation.
Nous ne savons absolument pas quelle quantité d'héroïne se trouve dans notre pays et quelle quantité est distribuée. Nous ne saurons jamais parce que les gens qui la vendent n'enverront certainement pas de rapports au gouvernement tous les mois pour dire qu'ils ont vendu trois onces ce mois-ci. Cela rend tous ces travaux très difficiles.
La présidente: Merci. Malheureusement, nous n'avons plus de temps.
Monsieur Ménard.
[Français]
M. Réal Ménard: Quand on a commencé nos travaux, au mois de mai, chacun des députés membres du comité a eu accès à un certain nombre d'études qui avaient été colligées, je pense, par nos recherchistes. Évidement, les études partent de l'enquête de 1994 et on nous parle du Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et la toxicomanie. Il y a trois ou quatre études. Santé Canada, apparemment, en a fait dans l'enquête nationale sur la santé de la population. Je me rappelle avoir lu cela très sérieusement, et ce qui ressortait de ces études, c'est que, contrairement à ce qu'on pouvait penser, sauf pour le cannabis, on n'était pas dans une société où les gens consommaient de plus en plus de drogue. Il y avait une certaine stagnation dans les études qu'on a portées à notre connaissance. Pour le cannabis, on disait que nous étions passés de 4,4 p. 100 à environ 8 p. 100 de gens qui fument du cannabis. Pour le reste, pour les drogues dures, disons, pour les fins de notre échange, il y a une stagnation.
Moi, ce que je suis intéressé à comprendre, c'est ce qui suit. Ce qui fait que l'on consomme de la drogue, ce n'est pas simple à comprendre. Ce n'est pas lié à la classe sociale, ce n'est pas nécessairement lié à l'indice de richesse. Le mal de vivre peut frapper tout le monde. Peut-être que dans cinq ans, c'est moi qui développerai une dépendance à la drogue. On ne sait jamais dans la vie quelles seront les circonstances qui déclencheront une situation où on se retrouvera dans une détresse et où on voudra donner un sens à la vie, par la drogue.
Donc, notre travail, comme législateurs, selon moi, c'est de s'assurer que ceux qui consomment de la drogue le fassent dans des conditions qui soient sécuritaires au maximum. Si j'avais le choix, sur le strict plan moral... Je n'ai jamais fumé de ma vie. Je n'ai même jamais tenu une cigarette dans mes mains. Ce n'est pas une chose qui m'attire, mais on ne peut pas se situer d'un point de vue moral. Il faut se situer d'un point de vue où on a à intervenir sur un large ensemble et avoir des façons de rejoindre les gens et s'assurer que les gens le fassent de la manière la plus sécuritaire.
Le modèle qui nous est proposé, c'est celui de la réduction des méfaits, et ce modèle-là, nous dit-on, a donné des résultats sur la question des pratiques d'innocuité et des pratiques les plus sécuritaires possibles. Donc, c'est la prémisse sur laquelle, si vous voulez, je base mon raisonnement.
Je pense que c'est Elio qui a dit cela plus tôt, mais je veux seulement m'assurer que j'ai bien compris. Est-ce qu'on peut soutenir qu'une personne qui consomme du cannabis a de bonnes chances de connaître un effet de cascade et de vouloir essayer d'autres types de drogues? Est-ce qu'il y a une corrélation statistique entre le fait de fumer du cannabis et de connaître un effet de cascade conduisant vers l'héroïne ou d'autres types de drogues? C'est ma première question. Est-ce qu'elle est claire?
Á (1120)
[Traduction]
La présidente: Merci.
Dr. Bernstein.
Mme Joyce Bernstein: J'aimerais commencer en faisant remarquer que nous estimons qu'environ 30 p. 100 des étudiants des écoles secondaires de premier et de deuxième cycles utilisent de la marijuana. Nous estimons qu'environ 1 p. 100 des adultes utilise de la cocaïne, moins que cela de l'héroïne ou une autre drogue dure. De plus, 30 p. 100 est sans doute une sous-estimation parce que les étudiants sous-estiment peut-être l'utilisation qu'ils font de la drogue lors d'une enquête écrite.
Quoiqu'il en soit, je pense que ces deux résultats vous indiquent qu'une majeure partie des gens qui n'essaient pas la marijuana n'ont jamais de problèmes avec d'autres de ces drogues soi-disant plus dures.
La présidente: Monsieur Long.
M. Dennis Long: Je soigne de nombreux héroïnomanes. Je n'ai encore jamais entendu quelqu'un dire, eh bien, si je n'avais pas fumé mon premier joint, je n'en serai pas là aujourd'hui. Pratiquement personne parmi nos clients n'attribue leur héroïnomanie au fait de fumer de la marijuana. Par contre, j'ai également 53 ans et j'avais entre 20 et 25 ans dans les années 60 et 70 et la plupart de mes amis fumaient de la dope; je ne parle pas de moi pour l'instant. J'observe autour de moi et j'essaie de comprendre--
La présidente: Vous avez l'objet d'une enquête par le Globe and Mail tout comme nous.
M. Dennis Long: Exactement, je n'en parlerai même pas.
J'observe et j'essaie de voir si certains d'entre eux sont des héroïnomanes ou utilisent d'autres substances psychoactives aujourd'hui et la réponse est non. Je pense donc que c'est un vieux de cheval de bataille. Oui, il y a des drogues d'introduction, c'est possible; c'est un concept que j'ai beaucoup de mal à comprendre. Personne ne dit, eh bien, si vous buvez de l'alcool, vous prendrez des drogues plus dures. Cela n'est pas un concept valable.
[Français]
M. Réal Ménard: Votre remarque est très intéressante parce que, comme législateur, j'ai été membre du Comité de la santé qui a revu toute la question des produits du tabac, de l'étiquetage des produits du tabac, et toute la question de la publicité. On vit dans une société où il y a un assez bon consensus sur le fait qu'il faut dissuader les gens de fumer, et on a des profils très précis de qui fume. Par exemple, dans la société canadienne, les femmes fument plus que les hommes. Les jeunes de 18 à 30 ans fument plus que leurs aînés. De tous les segments, ceux qui ont le moins délaissé le tabagisme, ce sont les jeunes.
Alors parfois, comme législateurs, on se fait poser la question suivante: pourquoi ferait-on des campagnes pour dissuader les gens de fumer d'un côté, alors que de l'autre côté, on permettrait de légaliser la marijuana?
Qu'est-ce que vous répondez à ça, vous, quand on vous pose la question?
[Traduction]
M. Dennis Long: Nous devrions. Je tiens à faire connaître ma position, parce que quelqu'un a réagi plus tôt à l'idée de légalisation et de décriminalisation. La décriminalisation est tout simplement inopportune à mon avis.
Si vous légalisez une substance psychoactive, vous êtes en mesure de surveiller et de réglementer sa distribution. Si vous la décriminalisez et considérez toujours sa distribution comme une activité criminelle, vous êtes assis entre deux chaises. Ce n'est pas une position confortable parce que vous vous trouvez dans une situation où il est toujours illégal de posséder des drogues à des fins de commerce illicite. Par conséquent, quiconque utilisent des drogues, bien qu'il ne soit pas un criminel, doit parler à un criminel afin d'en obtenir. J'affirme que la meilleure manière de procéder est de tout légaliser et réglementer et d'imposer au maximum.
Á (1125)
La présidente: Monsieur Paglia voulait parler d'autre chose.
M. Remo Paglia: Je veux juste parler brièvement des valeurs et des stigmates. C'est une question très importante dont vous avez parlé.
L'idée qui consiste à essayer de mettre sur pied une stratégie nationale ou même locale en ce qui concerne les drogues, sans adresser la stigmatisation liée à l'étiquetage qui est associé au casier judiciaire, a une importance primordiale. La seule raison pour laquelle nous réintégrons les jeunes avec qui nous travaillons dans la société est de réaffirmer la valeur qu'ont les jeunes en tant que membres de notre collectivité et que la stigmatisation est ce qui les empêche souvent de faire des progrès. Nous voulons faire valoir le point essentiel qu'il faut intégrer cette valeur, que ce se sont des membres de la collectivité.
[Français]
M. Réal Ménard: Monsieur Long n'a pas répondu à ma question. Je sais qu'il ne l'a pas fait délibérément, mais en conclusion, ce qu'on peut dire, c'est que sur la base de données qui nous sont accessibles, on peut affirmer, comme parlementaires, que le fait de fumer de la marijuana ne conduit pas à d'autres types de drogues. Ça, vous êtes tous catégoriques là-dessus.
Deuxièmement, c'est plus nocif de fumer du tabac que de fumer de la marijuana. Quand, comme parlementaires, on se fait interpeller sur le fait qu'on a adopté des mesures législatives pour dissuader les gens de fumer, ce qu'on peut répondre, c'est que sur la base de données scientifiques disponibles, c'est plus nocif de fumer des cigarettes que de fumer de la marijuana. Je comprends bien que c'est la réponse qu'il faut donner. Parfait.
[Traduction]
La présidente: Vous devez dire quelque chose afin que ce soit inscrit au compte rendu. Les signes d'assentiment ne sont pas rapportés dans le compte rendu.
M. Dennis Long: Je suis tout à fait d'accord avec ce que vous venez de dire. Je pense que cela fait référence à l'argument mentionné plus tôt par Joyce, à savoir que vous ne pouvez pas promouvoir la santé en parlant d'une substance illicite. Il est quasiment impossible de promouvoir la santé de manière efficace et de travailler sur la réduction des préjudices pour une substance illicite. Comme elle l'a dit, elle ne peut pas parler de marijuana et de conduite prudente en même temps parce que c'est une substance illicite et cela pose un problème. Vous ne pouvez pas parler de l'innocuité de la marijuana parce que c'est une substance illicite. Cela pose un réel problème en termes d'efficacité de la promotion de la santé et de travail de prévention. Nous pouvons assurer la promotion de la santé et réaliser un travail de prévention avec efficacité pour le tabac parce que c'est une substance licite.
La présidente: Dr. Bernstein.
Mme Joyce Bernstein: J'ai juste un bref commentaire. Je suis également une adepte de la légalisation de la marijuana, mais de là à en conclure que c'est moins dangereux que le tabac n'est pas quelque chose dont nous avons la preuve médicale à l'heure actuelle. Je pense que les recherches actuelles de Santé Canada sur l'utilisation médicale de la marijuana donneront un coup de pouce remarquable à la recherche qui peut être menée, mais pour l'instant, il n'existe que très peu de recherches de qualité et à long terme sur les effets physiques de la marijuana. Il y a beaucoup de personnes qui souffrent de cancer du poumon, de cancer de la gorge, etc., mais nous ne connaissons pas les antécédents de ces personnes en ce qui concerne l'utilisation de marijuana et nous pouvons donc pas encore en arriver à cette conclusion à l'heure actuelle.
[Français]
M. Réal Ménard: [Note de la rédaction: inaudible] les données de la Grande-Bretagne.
Je crois, madame la présidente, qu'on devrait faire parvenir une copie du document que le sénateur Nolin nous a remis. Je ne me rappelle pas le nom du docteur. Rappelez-vous le document rouge de 200 pages qu'on vous a remis à la troisième séance, avec le sénateur Nolin. Les études du Royaume-Uni étaient catégoriques sur le caractère non nocif de la marijuana. Je ne sais pas si au Canada il y a des études. D'ailleurs, nous devrions rencontrer Santé Canada à un moment donné.
La présidente: Ça, c'est une étude.
M. Réal Ménard: Oui, c'est une étude du Royaume-Uni, pas du Canada.
[Traduction]
Mme Joyce Bernstein: J'aimerais prendre connaissance de cette étude. De nouveau, c'est une étude. Je n'ai pas d'autres commentaires.
La présidente: Merci.
Monsieur Lee.
Á (1130)
M. Derek Lee: Je voulais parler de la question concernant cette drogue d'introduction, mais je pense que je vais omettre ce point. Il a été bien débattu.
Je voulais, dans l'éventualité où cela ne figurerait pas dans le compte rendu, examiner avec M. Sergnese l'utilité du modèle de traitement à plus long terme en tant que porte de sortie pour les personnes qui veulent sortir de leur dépendance à l'égard d'une ou de plusieurs drogue(s). Mon impression lorsque je parle aux autres est que c'est un concept relativement coûteux, mais beaucoup moins coûteux que de mettre quelqu'un en prison pendant un an ou deux, là où il doit toujours subir un traitement de toute manière. Espérons du moins qu'il y ait un traitement; ce n'est peut-être pas toujours le cas.
Dans tous les cas, je pense que vous nous avez dit combien d'individus votre programme est en mesure de soigner, ou de traiter ou d'aider pendant un an. Pourriez-vous répéter? Combien de personnes êtes-vous en mesure d'aider sur une période d'un an ou deux?
M. Elio Sergnese: Nous avons de la place pour 50 personnes. En même temps, je pense que je peux dire que si la demande devait augmenter, il ne serait pas compliqué de louer une autre maison et nous pourrions facilement y placer 10 autres personnes.
M. Derek Lee: Avez-vous une estimation des coûts? Supposons que quelqu'un reste pendant un trimestre entier. Vos clients ne restent peut-être pas tous pendant tout un trimestre, mais supposons que cette personne suive ce que vous considérez comme un programme complet, un trimestre entier. Avez-vous une estimation raisonnable des coûts pour cette personne?
M. Elio Sergnese: Les coûts pour le client?
M. Derek Lee: Non, les coûts du programme. Combien cela coûte-t-il pour offrir le programme à cette personne?
M. Elio Sergnese: Je n'étais pas préparé à répondre à cette question ou à ce fait particulier. Je peux vous dire que nous faisons payer 450 $ par mois à nos clients.
M. Derek Lee: Combien?
M. Elio Sergnese: Quatre cent cinquante dollars.
M. Derek Lee: Quatre cent cinquante par mois.
M. Elio Sergnese: Oui. Par conséquent, sur une période de 25 mois, cela s'élève à environ 10 000 $.
M. Derek Lee: Eh bien, cela semble relativement raisonnable.
M. Elio Sergnese: C'est ce que nous faisons payer au client. Nous sommes également subventionné par le ministère de la Santé et le reste des fonds provient de dons. Par conséquent, à bien des égards, c'est la collectivité qui aide. La collectivité participe au programme.
M. Derek Lee: Personne ne s'attend à ce que tout le monde qui suit le programme réussira à atteindre ses propres objectifs personnels. Cependant, si l'objectif de la société et de la collectivité est de permettre à certaines personnes de contrôler leur dépendance à l'égard de la drogue dans une certaine mesure et de s'en sortir totalement par le biais de l'abstinence ou au moins de contrôler leur vie afin que, lorsqu'elle quitte le programme, elles n'aient pas besoin de revenir et peuvent poursuivre leur vie, quelle sorte de succès, et dans quel pourcentage, considérez-vous que vous avez? Est-ce que c'est la moitié des personnes qui suivent le programme? Est-ce que c'est le quart ou 10 p. 100? Nous réalisons que ce n'est pas facile à déterminer. Avez-vous une idée du succès que vous rencontrez pour aider les gens à sortir de leur dépendance ou à la contrôler?
M. Elio Sergnese: Afin qu'elles s'abstinent entièrement?
M. Derek Lee: Non, je ne dirais pas cela. Vous devez avoir une idée, lorsque quelqu'un quitte le programme, s'ils y sont arrivés. Je veux dire, un A serait une note entre 75 et 100 ou quelque chose comme cela. À combien de personnes accorderiez-vous un A? Même si elles ne s'abstinent pas ou ne contrôlent pas leur vie entièrement, au moins lorsqu'elles quittent le programme, elles peuvent retourner au travail ou dans leur famille ou quelque chose de semblable.
M. Elio Sergnese: Je pense que je comprends votre question. Je ne suis pas vraiment sûr si vous serez content de ma réponse.
Je ne peux pas vraiment chiffrer cela, en gros parce que la réussite ne dépend pas de votre abstention. C'est ce que nous visons, de la même façon qu'un enseignant vous pousse à faire 100%. Alors, si nous obtenons 80%, j'en serai content.
D'une certaine façon, le succès est défini de façon individuelle. Si nous considérons la personne et que nous comparons ce qu'elle était en arrivant avec ce qu'elle est en partant.
Ce j'essaie de dire c'est que l'accent est mis sur le changement et son étendue
Á (1135)
M. Derek Lee: Puis, comment ça va? Comment s'en tire Caritas dans la situation?
M. Elio Sergnese: Plus ils resteront, meilleurs seront les résultats. Ainsi, parmi lceux qui complètent le programme, huit sur dix réussissent.
M. Derek Lee: Bon. Cela ressemble à un bon taux de réussite.
Je n'ai pas plus de questions à ce sujet.
La présidente: Pour répondre à votre question, le client paie 450 $ par mois etlaprovince paie combien par mois?
M. Elio Sergnese: La province nous donne 33 p. 100 de notre financement. Cela fait environ 324 000 $ par an.
La présidente: Cela fait 324 000 $ divisé par 50 lits.
M. Elio Sergnese: Oui.
La présidente: Donc, ils ne vous donnent pas de paiement mensuel par personne, par lit?
M. Elio Sergnese: Non.
La présidente: Bon. C'est un peu plus dur à calculer.
Et vous avez dit que vous mettriez plus de lits si la demande était plus forte. Mais est-ce parce que vous n'avez pas plus de demande pour votre programme ou parce qu'il n'y a pas plus de demandeurs de traitement? Tout ce que nous avons entendu indique que le traitement est vraiment difficile à trouver si vous êtes prêt à changer de comportement.
M. Elio Sergnese: Cela dépend de quel traitement vous cherchez.
La présidente: D'accord.
M. Elio Sergnese: La demande pour nous a dimimué, particulièrement avec des approches de réduction du préjudice. Il y a 20 ans, les héroïnomanes venaient chez nous, après, ils ont commencés à aller vers la méthadone, et cela se comprend. En même temps, nous avons maintenant affaire aux clients qui n'ont pas réussi avec la méthadone. Ce sont ceux qui ont suivi le programme pendant plusieurs années, qui prennent encore des doses élevées et qui continuent aussi à utiliser d'autres drogues illicites. Ils veulent se libérer de tout.
Je les ai classés ainsi. mais je présume que ce que nous faisons avec les gens irresponsables est la vraie classification . Si vous prenez le groupe des toxicomanes qui se droguent et qui sont fonctionnels dans la société, l'autre groupe serait ceux qui se droguent et qui ne sont socialement fonctionnels; ils sont complètement irresponsables. C'est le groupe que nous suivons.
Pour l'autre groupe, des approches comme la réduction du préjudice et certaines des autres approches, programmes à court terme ou de jour, ou simplement des rencontres hebdomadaires, marchent ou peuvent marcher dans leur cas.
La présidente: Nous pourrions passer le reste de la journée sur le mot «irresponsable». Mais je dirais que ce vous faites est de la réduction de préjudice d'une certaine façon. Si 80 p. 100 des personnes ne réutilisent jamais de drogues, dans leur cas c'est 100 p. 100 de réduction de préjudice liés aux drogues. Vous avez donné d'autres moyens aux 20 p. 100 de gens qui peuvent rechuter, . Vous avez peut-être réduit le préjudice en leur donnant des outils, ils travaillent et ils peuvent d'assumer leur habitude différemment, ou ils savent qu'il y a des choses qu'ils peuvent essayer d'obtenir en les refaisant straight and narrow ou en étant responsables par exemple.
Pour les gens chez qui cela va marcher ou qui veulent une telle réduction du préjudice, vous faites donc partie de la réduction du préjudice, nest-ce pas?
M. Elio Sergnese: Je ne suis pas forcément en désacord avec vous. Seulement, je ne suis pas sûr que d'autres personnes mettent mon programme ou mon approche dans la catégorie de réduction du préjudice.
Vous qui êtes en ligne de front, vous ne m'avez pas dit si vos clients veulent un programme résidentiel que vous leur recommanderiez, ce qui existe, et s'il y a des statistiques là-dessus. J'ai entendu deux choses ce matin. Soit, il s'agit de deux programmes à l'intention de la jeunesse, ou un seul. Je ne sais pas combien de lits il y a et quelle est la fréquence de leur disponibilité. Tout ce que vous pourrez nous dire sera utile.
Á (1140)
M. Dennis Long: Parlons brièvement des programmes à l'intention de la jeunesse. Longtemps, la situation a été chronique et difficile. Un programme dans la province s'adresse aux jeunes de moins de 16 ans. Il s'agit de la Smith Clinic, à Thunder Bay. Un autre programme, Alwood, au sud d'Ottawa, s'occupe des jeunes de18 ans et plus. À l'occasion, ils prennent des plus jeunes, mais il s'agit aussi d'un programme très différent, qui ressemble plus au programme d'Elio par son approche.
Par exemple, parmi les gens qui viennent, mon organisme peut en envoyer deux à trois en moyenne par mois.en traitement résidentiel. On ne peut pas dire à un enfant de Toronto centre qu'il ira à Thunder Bay. Dans beaucoup de cas, ils y vont, tout simplement... En plus, cela compromet toute espèce d'action familiale, qui est réellement indiquée dans de tels cas, car ils sont à des kilomètres de leur famille.
La présidente Mais ce sont des enfants 17 et 18 ans.
M. Dennis Long: Ceux-là ont moins de 16 ans. Cela fait neuf mois maintenant que nous faisons pression pour augmenter la capacité d'accueil de telles résidences.
La présidente: Et combien de lits y a-t-il?
M. Dennis Long: Je ne peux pas vous le dire de tête; je pense qu'il y en 12 environ. Le problème est qu'il doivent desservir une zone locale à laquelle ils acordent la priorité. Nous y recevons environ une personne tous les six mois.
La présidente: Et vous avez deux à trois enfants par mois?
M. Dennis Long: Oui, et leur diagnostic clinique recommande un programme résidentiel. Nous ne pouvons pas les y placer, et nous devons improviser quelque chose qui pourrair marcher.
La présidente: Et Portage à Aurora s'occupe des enfants qui ont contevenu à la loi.
M. Dennis Long: Exactement. Et nous ne pouvons pas avoir d'enfants qui n'ont pas un grand...pour arriver ici, ils doivent passer par le système correctionnel et judiciaire.
La présidente: Et pour beaucoup de vos enfants, c'est rapide de se retrouver en face de la correctionnelle.
M. Dennis Long: Presque tout le temps et pour presque tous. Il est toutefois difficile de placer des enfants à Portage, et c'est un problème. Vous savez, nous n'utilisons pas Portage pour... Notre organisme ne peut pas didriger directement sur Portage.
La présidente: Bon. Merci.
Elio et Remo
M. Elio Sergnese: Souvent, nous avons des adolescents qui viennent surtout parce que les membres de leur famille commencent à fréquenter nos groupes de soutien et sont conscients de l'urgence de faire quelque chose pour leurs enfants.
Par le passé, nous avons pris des jeunes de 14 ans, seulement parce que leur frère ainé de 18 ans y était et aussi parce que société de protection de l'enfance était au courant. Cela ne marche pas forcément car... C'est évident, je pense. Des gens de 14ans sont mélangés avec ceux de 30 et de 60 ans, et il leur est difficile de se situer. Quand l'un pense à jouer au Lego, l'autre pense aux affaires qui ont échoué et ainsi de suite.
Il m'est extrêmement difficile de voir une mère venir sans arrêt, semaine après semaine, et pleurer car son fils est à deux pas d'avoir des problèmes avec le système de justice pénale. Cela ne signifie qu'il n'a pas encore enfreint la loi, car il l'a fait, mais les parents ne l'ont pas signalé ou intenté de poursuites judiciaires car ils ont peur.
Ainsi, je ne peux pas les placer à Portage- en fait, je peux, en faisant payer le client,mais c'est tout simplement trop cher.
La présidente: M. Paglia, Mme McPherson, quelque chose à ajouter...? Non? Dr. Bernstein, à propos des clients, jeunes ou adultes, demandeurs d'un programme axé sur les foyers de groupes...?
Mme Joyce Bernstein: Techniquement, je ne suis pas un travailleur de première ligne, et ma seule observation est que j'ai beaucoup de contacts chez les enfants des rues.
Il est évident que beaucoup d'enfants des rues ont de très graves problèmes de toxicomanie et dans la rue, on s'améliore pas. Pour ces jeunes, l'absence de traitement résidentiel est un grand problème.
M. Dennis Long: Juste pour y revenir, votre question portait sur les jeunes et les adultes et nous n'avons pas abordé ces derniers, la capacité résidentielle de la province est nettement plus grande pour les adultes, mais elle est débordée. La plupart des programmes axés sur les foyers de groupes signalent des listes d'attente de six mois ou plus.
Le meilleur endroit pour avoir des données là-dessus est probablement le système DART, le registre de traitement de l'alcool et de la drogue, situé à London. Cela vous donnera de très bonnes données sur la nature de la capacité, et dans une certaine mesure, sur la nature de la liste d'attente.
Á (1145)
La présidente: Eh bien, au nom des membres du comité, de ceux qui sont ici et de ceux qui liront le document sur papier ou à l'écran, merci beaucoup à tous.
Le comité entendra des gens de tout le pays et de l'étranger jusqu'à la fin juin probablement. Si vous voulez nous signaler quelque chose, nous faire une observation, si vous avez des clients qui veulent participer au processus--nous sommes particulièrement intéressés d'entendre les jeunes; je pense que cela pourrait faire partie de leur service communautaire--nous vous encorageons à nous envoyer un courriel à snud@parl.gc.ca. Il s'agit du Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments. Il faut que cela soit une chose qui fonctionne. Une telle information sera distribuée.
Notre greffière, Carol Chafe, le distribuera. Si vous avez des références relatives à des choses comme une étude quelque part, nous erons très heureux de l'apprendre car Chantal Colin et Marylin Pilon sont très bonnes pour nous aider à les localiser.
En notre nom à tous, vous faites un travail vraiment important chacun dans votre domaine d'expertise. Nous vous encourageons et vous en remercions, et vous souhaitons un succès renouvelé, même s'il est mesuré. Merci beaucoup pour le temps consacré à préparer vos présentations et pour le temps passé avec nous ce matin. Cela fait vraiment une grande différence. Merci beaucoup.
Nous allons suspendre juste assez longtemps pour permettre aux noveaux témoins de venir à la table
Á (1149)
La présidente Je déclare la séance ouverte.
Nous sommes le Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments. Nous avons aujourd'hui des représentants de diférents partis politiques.
Je suis Paddy Torsney, députée fédéral de Burlington. M. White est le vice-président du comité et député fédéral de Abbotsford, en Colombie-Britannique. M. Ménard est député du Bloc Québecois de Hochelaga--Maisonneuve. M. Lee est député libéral de Scarborough--Rouge River.
Et vous, Raffi Balian, co-fondateur, et Marc McKenzie, appartenez à Illicit Drug Users Union of Toronto.
Á (1150)
M. Balian, nous vous suggérons de nous parler environ sept à 10 minutes, à votre choix, mais il se peut que je vous arrête au bout de 10 minutes afin que nous posions quelques questions. Si vous ne voulez pas, vous n'avez pas à parler tout ce temps. Nous vous sommes vraiment reconnaissants d'être ici aujourd'hui pour nous faire bénéficier de vos connaissances.
Á (1155)
M. Raffi Balian (co-fondateur, Illicit Drug Users Union of Toronto): Merci de m'avoir invité. Je veux faire une ou deux déclarations.
D'abord, je m'excuse d'avoir de la gomme dans la bouche. J'ai tout le temps la bouche qui sèche parce que je prend de la méthadone en ce moment. Ensuite, je tiens à répondre à une des questions posées ici aux témoins avant.
Apporter des changements est une entreprise difficile. Sinon, chacun aurait un doctorat, serait en forme ou se serait réalisé. Le changement est presque impossible quand toute sorte de forces historiques et sociales conspirent contre vous. Beaucoup de nos membres, usagers de drogue, sont sévèrement marginalisés dans cette catégorie. Gardez une personne en traitement aussi longtemps que vous voulez, ayez autantde conseillers que vous voulez, mais is vous la remettez dans le même milieu qu'avant, son usage illicite de drogue n'est qu'une question de temps.
En préambule à mon exposé, j'ai abordé plusieurs questions. Vous avez mes notes.
La tendance au compromis est une des premières choses que j'ai apprises au sujet des Canadiens. C'est une grande chose qui leur très bien profité. Mais, avec les virus il ne peut y avoir de compromis. Ni avec la maladie. Elle vous battra, à moins de la combattre avec tout votre arsenal.
Je veux dire que l'usage illicite de la drogue et le VIH ainsi que tous les effets secondaires de l'usage de drogue ne sont pas des questions conventionnelles. Tout programme ou stratégie visant à les combattre de maière conventionnelle est voué à l'échec. Je m'attarderai là-dessus plus tard.
La réduction de préjudice a existé bien avant de devenir pratique courante. Les usager de la drogue le pratiquent depuis longtemps. Quand les utilisateurs se disent que tel narco-trafiquant est violent ou que tel autre vend moins cher, c'est de la réduction de préjudice. Ce qui me trouble personnellement est que la reéduction de préjudice soit devenue courante pour de mauvaises raisons. Il est bon de faire de la réduction de préjudice pour prévenir le VIH,mais nous ne l'avons adoptée que quand la société a remarqué que les usagers de drogue n'étaient pas sur une île, et que leur maladie allait devenir celle de la collectivité. Je suis venu vous dire que les usagers de drogue peuvent être de bonnes personnes --beaucoup d'entre eux le sont-- et que leur santé doit présider au changement de politique, pour rendre la société plus humaine pour tous.
Pour les usagers de drogue illicite, la moralité est devenue un concept utile seulement pour les gens qui peuvent se le permettre, étant donné l'aspect criminels des politiques en matière de drogues.
Quand les valeurs morales sont si fortes qu'elles sont érigées en loi pour une certaine population, cette dernière est totalement criminalisée. Bien sûr, pour les usagers de drogue, il s'agit d'un coup double (double whammy). Les travailleurs dans ce domaine savent très bien que le préjudice fait aux usagers de drogue vient en grande partie de la criminalisation de la drogue.
Il y a une question dans un des termes de référence, vous demandez s'il devrait y avoir une recherche pour montrer la nature des dommages causés par l'usage des drogues illicites. Je pense que la recherche devarit le faire mais elle devrait aussi étudier le pourcentage d'usagers de drogue qui utilisent des drogues illicites sans dommage pour eux.
J'habite dans une rue où il y a un des plus grands refuges, et beaucoup de drogue se vend dans cette rue. Si vous veniez chez nous un vendredi ou un samedi, vous verriez les gens en BMW qui en achètent. La plupart le font impunément et peuvent garder leur emploi car ils ont tous les outils pour se protéger. Les lois en matière de drogues marginalisent la plupart des personnes qui le sont déjà.
Si nous savions sur les drogues illicites ce que nous savons sur les aliments, nous pourrions défendre un point de vue et utiliser la logique prohibitionniste pour pénaliser les blancs d'oeufs et beaucoup des fraindises.
Je m'excuse de l'erreur sur mon mémoire. Il suffit d'enlever les chiffres. Mon ordinateur faisait des siennes.
Que faire? Si vous demandez à un usager de drogue, il vous dira que lapénalisation est le problème numéro un. Je suis sûr que vous en avez entendu parler encore et encore, et je n'y reviendrai que si vous avez des questions à me poser à ce sujet.
Le temps viendra où les gens regarderont ces lois en se disant que ce n'est pas croyable. Je sais qu'il est difficile de réglementer une chose à laquelle les gens s'opposent avec tant de passion, et de recevoir des avis informes. Le problème est de faire ce qu'il faut et pas ce que l'opinion publique, populaire en particulier, vous pousse à faire. C'est la seule façon d'avoir une société humaine et équitable.
Les gens qui ont étudié le droit--comme certains d'entre vous, je suppose--connaissent la règle de l'ostrakon selon laquelle le public jugeait les gens et jetait des os quand il décidait qu'ils étaient coupables. Beaucoup ont été condamnés à tort.
 (1200)
L'autre chose est que je vous exhorte à aider les usagers de drogue illicite à s'organiser. Nous savons ; nous sommes les experts. Nous savons ce qui est le mieux pour nous. Nous savons quels sont les priorités. Nous savons quelles questions poser et quelle recherche urgente doit se faire.
Par exemple, il y a une pénurie de vraie recherche sur la méthadone. Il n'y a pas de recherche sur la méthadone dans la grossesse. Il n'y a pas de recherche sur méthadone et ses effets sur les dents, les os.
Par exemple encore, d'une pharmacie à l'autre, le dosage de la méthadone varie car c'est ainsi qu'elle est distribuée, qu'elle est fabriquée. Il n'y a pas de réglementation là-dessus.
Nous connaissons nos problèmes et il existe des modèles que nous pouvons suivre. Par exemple, la Danish Drug Users Union est très bien organisé. Ils ont constitué des partenariats avec la police, des politiciens, et des centres de traitement de la toxicomanie, et ils s'occupent bien de leurs membres.
L'autre chose c'est que, rapport après rapport, on a essayé d'inclure les usagers de drogue illicite dans des programmes, de faire des programmes déterminés par les usagers. En ce moment, actuellement, les programmes sont centrés sur les usagers ; l'usager est au centre et les décisions sont prises pour l'usager, plutôt que par l'usager. L'usager a au moins une partie du pouvoir de décider quoi faire et comment le faire.
L'autre chose est la politique de pure forme. Actuellement, il y a des projets homologues, et bien sûr le mot lui-même, homologue, détermine le salaire de la personne. Il faut moins de 15 $, même s'il y a des personnes plus compétentes que d'autres, elles ne sont pas payées de manière équitable. En plus, certaines organisations pensent c'est leur mandat, que c'est leur quota. Ils ne font plus confiance aux travailleurs utilisateurs de drogue pour faire le véritable travail.
En tant que fournisseur de service, et cela surprend tout le monde, selon moi, la questions la plus fréquemment posée est Avez-vous du travail pour moi? La plupart des usagers de drogue illicite veulent travailler. Malheureusement, il y a cette politique de pure forme, ou, même quand il y a du travail, les lois, les règlements et les horaires militent contre eux. Par exemple, si une personne prend de la méthadone et qu'elle doit aller à la pharmacie chaque matin pour l'obtenir, il lui est impossible d'être au travail à 9 heures. Il faut des horaires et des emplois du temps qui tiennent compte de la réalité de l'utilisateur.
La réglementation pour protéger les employés usagers de drogues illicites injectables ainsi que les travailleurs de première ligne, usagers ou non, tout cela est très important. Des cas ont été signalés, des gens ont été employés parce qu'ils étaient usagers de drogues et mis dehors parce qu'ils étaient usagers de drogues. Alors, s'il y a quelque chose qu'on n'aime pas chez une personne, sa consommation de drogue, la cible est très facile ; l'usager de drogue peut constituer la cible.
Dans certains cas, et je m'inclus là-dedans..., j'ai commencé à en prendre au travail, comme cinq autres personnes avant moi. Il n'y avait pas de formation ; il n'y avait pas de soutien. Et j'ai de la chance parce que je suis ici à vous parler. Un de mes collègues s'est tué et un autre est mort d'overdose.
 (1205)
Vous avez aussi entendu parler des piqueries et des fumeries plus sécuritaires. En 18 mois, j'ai perdu quatre assistants dans le programme. J'assure la coordination d'un programme qui est administré par et pour les usagers de drogues. Sur ces 18 mois, même si ces personnes savaient tout de l'usage de drogue, deux d'entre elles sont mortes suite à des complications liées au VIH/SIDA, une est morte d'overdose, et une est morte de septicémie. La septicémie a commencé dans une petite blessure sur un orteil et il avait le diabète. Nous ne savions pas que son diabète et son abcès étaient sérieux, et il est mort d'un arrêt cardiaque suite à l'infection.
Cela est si courant chez nos membres que parfois je me critique de ne plus être touché quand des gens meurent ; je dois me protéger.
Pour ce qui est des piqueries, il y a beaucoup de mères, ce qui est peu connu, et les femmes usagers de drogue ont leurs besoins et problèmes propres. Une des choses, c'est que beaucoup d'hommes visent la reproduction de la femme. Par exemple, dans le cas d'amoureux plaqués, ils menacent de s'adresser à la société de protection de l'enfance, ou ils les maintiennent dans un état de dépendance totale en ce qui concerne l'approvisionnement en drogue, le piquage, l'injection. Alors, beaucoup de femmes restent dans des situations d'abus vraiment mauvaises parce qu'elles ne peuvent pas se permettre de laisser partir leur partenaire.
L'autre chose c'est qu'il existe beaucoup de piqueries non officielles. Le mari d'une de mes anciennes assistantes possédait une piquerie. Quand elle a commencé à apprendre et qu'elle a eu accès aux outils et à l'information, elle en a fait un endroit presque sans infection.
Un des problèmes des piqueries est qu'il y a beaucoup de gens qui se piquent en même temps, et l'usage de la drogue par injection, en particulier l'usage de la cocaïne par injection, est souvent une activité sociale. Beaucoup de gens se rencontrent, et dans le feu de l'action, ils ne savent plus quelle seringue leur appartient, ou s'ils ont utilisé telle seringue avant ou pas. Cette personne a ainsi créé une station avec des seringues neuves, des contenants à seringues et des tampons alcoolisés, avec de l'information à l'entrée. Ainsi, même cette piquerie non officielle représentait une bonne stratégie de réduction des méfaits.
La dernière chose que je tiens à dire--je prépare un article là-dessus et je pensais qu'il serait prêt, mais il y a eu trop de choses-- c'est que beaucoup d'usagers de drogue injectable n'ont plus de veine. Leurs veines sont éclatées et ils risquent l'overdose ou de ne pas avoir de traitement médical d'urgence car les travailleurs de la santé et le personnel infirmier ne peuvent pas trouver de bonnes veines.
C'est la première fois que j'en parle, je sais que cela se reproduira à l'avenir, mais pour certains usagers de drogue injectable, particulièrement les usagers de longue date, je propose de leur installer des cathéters car il leur faudra moins de seringues.
 (1210)
Cela prévient l'overdose. Cela peut paraître bizarre mais les gens ayant des veines éclatées savent que seul un certain pourcentage de ce qu'ils s'injectent va dans leur système, et ils mettent habituellement dans la seringue deux ou trois fois la dose. Mais quelquefois ils reçoivent toute la quantité. Cela n'arrive pas beaucoup de fois mais ça arrive. Alors, brusquement, ils font une overdose. Et c'est un problème énorme.
L'autre problème, comme je l'ai dit, c'est qu'ils peuvent aller à l'hôpital pour d'autres raisons--ou encore, disons, pour une overdose d'héroïne--et il leur faut... c'est quoi le nom de...?
La présidente: Une antidote?
M. Raffi Balian: C'est une antidote mais elle a un nom. En tout cas, elles ne peuvent pas donner l'antidote à temps, et les infirmières doivent l'injecter dans les artères, et c'est un des problèmes.
L'autre problème, bien sûr, c'est que pour les gens qui ont des veines éclatées, la quantité de sang qui va avec l'usage des drogues injectables est phénoménale. J'ai vu des gens se couvrir de journaux parce qu'il y a beaucoup de sang, en particulier dans l'injection de cocaïne. Habituellement, quand une personne a de bonnes veines, il faut dix injections pour un gramme de cocaïne. Mais j'ai connu des gens qui se piquaient 100 à 150 fois pour avoir un gramme de cocaïne dans leur système, parce qu'ils ne peuvent pas trouver de veine, et ils passent d'une veine à l'autre. Pour les gens proches de cette personne, cela crée un risque de maladies de toutes sortes. C'est une façon d'empêcher les gens de transmettre les maladies à d'autres.
Je vais m'arrêter maintenant.
 (1215)
La présidente: Merci.
Nous allons peut-être passer à quelques questions.
Monsieur White?
M. Randy White: Est-ce que Mark va témoigner?
La présidente: Mark pourrait répondre à une question si cela l'intéresse.
M. Randy White: Je veux revenir à une question que j'avais hier. Pour une personne qui prend de l'héroïne ou du crack, disons pour la première fois, combien d'injections cela prend-il pour en arriver à dire qu'elle en a besoin ou qu'elle en est dépendante?
M. Raffi Balian: Il faut s'y mettre pour devenir dépendant. Ça prend pas mal de temps. Souvent, l'injection vient en dernier. Les gens en reniflent d'abord. Mais quand le corps commence à résister à la drogue, c'est juste une question de temps ; des raisons économiques obligeront la personne à se faire des injections car il lui en faut de plus en plus. Le prix de l'héroïne est assez élevé ; actuellement, c'est 200 $ à Toronto, bien moins cher qu'avant mais toujours cher et inaccessible pour beaucoup de gens. Alors ce la prend du temps.
Cela dépend aussi de la personne et de facteurs sociaux comme le nombre d'usagers d'héroïne parmi ses amis. Il y a tellement de facteurs et c'est difficile à dire. Pour moi, cela a pris entre six et neuf mois. Comme je l'ai dit, j'ai commencé au travail ; j'étais enseignant avant ça, et sans dépendance.
M. Randy White: Je comprends que c'est plus rapide avec le crack.
M. Raffi Balian: Probablement. Mark en sait plus probablement.
M. Marc McKenzie (bénévole, Illicit Drug User Union of Toronto): Typiquement, oui. Je n'ai jamais entendu parlé de personne qui est dépendant de cette substance et pour qui cela a pris de six à neuf mois pour y parvenir. Cela étant dit, encore une fois cela varie d'une personne à une autre. Un des facteurs importants est la nature de l'ensemble des compétences qu'une personne apporte lorsqu'elle commence à prendre de la drogue.
Fondamentalement, au fond, les gens utilisent la drogue comme une forme de fuite, et ce n'est pas une question morale mais un dilemme relié à la drogue au point que, même si une personne a déjà touché à la drogue pour des besoins récréatifs, le côté chimique, physiologique et la prédisposition peuvent intervenir. Il reste que, si une personne est capable de chercher une aide à ses problèmes émotionnels dans un endroit sécuritaire, alors, d'une certaine façon, la personne n'en prendra peut-être pas aussi souvent au début.
Disons que, si tous les gens qui consomment du crack se contentaient de s'asseoir et d'en prendre, je dirais qu'on serait probablement mordu au bout d'une semaine. Pour ma part, on ne l'utilise pas en solitaire ; voilà tout ce qu'on en sait, du moins tout ce qu'on nous en a dit au début, et cela a son rôle.
Pour moi par exemple, le jour suivant ma première prise, j'ai eu une grande crise émotionnelle. Bon Dieu, j'avais 35 ans quand j'en ai pris pour la première fois, et si quelqu'un, une heure avant, m'avait dit que j'allais prendre ça avant de l'essayer, j'aurais dit jamais de la vie. Mais je l'ai fait cette nuit-là.
Le jour suivant, j'ai eu de gros problèmes avec. Si j'avais senti qu'il y avait un endroit sûr où j'aurais pu aller en parler, parler de mes émotions et ainsi de suite, je n'y serais jamais retourné ou je me serais empêché d'en reprendre pendant un certain temps. C'est ce que j'essaie de dire.
Je présume que si vous prenez régulièrement du crack pendant une semaine, sur le plan biochimique et biologique, vous êtes mordu en l'espace de quelques jours probablement. Mais la consommation n'est pas seulement le facteur unique ; il y a beaucoup d'autres facteurs en jeu.
 (1220)
M. Raffi Balian: En fait, beaucoup prennent du crack ou de l'héroïne lors d'activités sociales. Des études en Europe ont montré que la grande majorité d'usagers de drogue illicite le font lors d'activités sociales. En fait, je connais beaucoup de gens qui prennent du crack seulement certaines fins de semaine et qui ne le font pas autrement. Ce n'est donc pas un prérequis.
Comme Mark l'a dit, il y a tout le reste, le genre de mécanisme d'adaptation que vous avez... Si vous n'avez pas de bons mécanismes d'adaptation ou pas d'accès à de bons mécanismes d'adaptation, par exemple le sport, ou si vous n'avez pas accès à un gymnase ou à une bonne alimentation... En tout cas, sans de meilleurs mécanismes d'adaptation, la probabilité que vous soyez mordu est beaucoup plus...
M. Randy White: Pourquoi prendre du crack ou de l'héroïne? Pourquoi ne pas s'en tenir à la marijuana ou au rhum?
M. Mark McKenzie : : Cela dépend du système de chacun. Je dirais que je n'ai pris aucune sorte de drogue, l'alcool y compris, avant d'avoir 20 ou 21 ans. À 20 ans, je me suis mis à fumer du cannabis. À 30 ans, j'ai arrêté d'en fumer. Je ne buvais pas beaucoup. J'avais trop fumé de cannabis. Je n'y ai pas trouvé ce que je voulais. À l'âge de 35 ans, au bord d'une dépression nerveuse, j'ai essayé la cocaïne mais ce n'était pas la première fois. J'en ai vu alentour et ainsi de suite, mais en gros, je ne sais pas, peut-être mon système a-t-il changé ou je ne sais pas quoi. Mais brusquement, j'avais envie de cette drogue qui ne m'avait rien fait auparavant quand je l'avais goûter une ou deux fois.
Il existe une progression dans la durée de la dépendance dans le système; il y a une progression qui se fait. Je n'avais pas de penchant pour une chose avant, et plus tard, je découvre que j'ai un goût pour ça.
M. Raffi Balian: Pourquoi le saut à l'élastique? Pourquoi l'alpinisme? Les gens s'adaptent de différentes façons et quelques fois, c'est tout ce qu'il y a. Que font les autres gens autour de vous? Et pourquoi le rhum? Le rhum est assez dangereux pour le foie. En fait, il est vraiment difficile d'expliquer rationnellement pourquoi les gens prennent de l'alcool et n'ont pas le droit de prendre des opiacés. En étudiant les catégories de méfaits, même les chercheurs les plus conservateurs ont mis l'alcool et le tabac au sommet, suivis par la cocaïne. Ils ne savaient pas où placer les opiacés car ils n'y voyaient pas de préjudice à long terme.
En ce moment, j'ai une dose de méthadone qui peut tuer un cheval, mais je peux quand même venir témoigner, aller au travail, être un bon père et un bon mari. En étant légalisée, la méthadone devrait être la preuve que les gens peuvent être de bonnes personnes fonctionnelles dans la société.
 (1225)
M. Randy White: Devrions-nous légaliser la marijuana, la cocaïne et l'héroïne?
M. Raffi Balian: Tout, bien sûr. La plupart des mots qui touchent les gens proviennent de la pénalisation de ces drogues.
M. Randy White: Mais vous deux, vous n'avez pas pris d'héroïne et de cocaïne parce que c'était illégal; vous en avez pris parce que vous en vouliez. Est-ce exact?
M. Raffi Balian: Oui, mais mes problèmes ont commencé quand j'ai dit à d'autres personnes que j'en prenais. Brusquement, il n'existait plus de marge entre l'usage sécuritaire et non sécuritaire de la drogue. Par exemple, quand j'ai dit à ma femme que j'en prenais, je lui ai également parlé des effets secondaires. Elle savait alors exactement quand j'étais high, alors j'en prenais excessivement quand elle était au travail ou quand j'avais deux heures libres.
J'ai vu cela chez des parents qui ne veulent pas du tout que leurs enfants fument mais les enfants ont décidé de fumer. Fumer devient alors beaucoup plus nocif parce qu'ils en prennent le maximum dans la salle de bain, en fumant deux cigarettes à la fois au lieu de le faire de manière rationnelle. En outre, pour des jeunes rebelles, c'est un défi de faire ce que les gens leur disent toujours de ne pas faire.
M. Randy White: Merci.
La présidente: Merci, Monsieur White.
Monsieur Ménard
[Français]
M. Réal Ménard: Je me joins à notre présidente pour vous souhaiter la bienvenue. Je n'ai pas bien saisi quel est le rôle de votre association exactement. Est-ce que vous pouvez me rappeler quel est précisément le rôle de votre association?
M. Raffi Balian: Je m'excuse, mais je vais...
[Traduction]
M. Réal Ménard Vous pouvez le dire en anglais.
M. Raffi Balian: J'allais le dire en français mais j'ai besoin de plus de pratique.
Le mandat de notre association est de défendre les droits des usagers de drogues et de tenter d'obtenir des droits et privilèges identiques à ceux que les usagers de drogue licite prennent pour acquis. Nous voulons également nous assurer que nos membres ne sont pas recrutés et renvoyés de manière arbitraire ni expulsés de leur maison. Nous voulons sensibiliser le public à ces questions et sensibiliser nos membres aux questions relatives à un usage plus sécuritaire.
En rassemblant nos membres, nous leur donnons également la possibilité de se soutenir les uns les autres. Récemment, par exemple, une de nos membres, une mère célibataire, était en sevrage et les autres membres se sont relayés pour prendre soin de l'enfant. Nous assurons donc beaucoup de fonctions.
[Français]
M. Réal Ménard: M. McKenzie, lui, intervient-il à titre de spécialiste sur la question de la lutte pour la réduction des méfaits, ou comme utilisateur?
[Traduction]
M. Marc Mckenzie: Actuellement, je n'en prends pas par intraveineuses. J'en prenais avant. Toutefois, je peux vous dire que le concept de la réduction des méfaits a joué un rôle fondamental en me permettant de ne plus en prendre à ce stade de ma vie. Je vais vous dire pourquoi.
D'abord, je ne prends un stimulant puissant qui me fait sortir de mon état conscient que si j'en ressens le besoin suite à une crise émotive. Je me sens déjà marginalisé d'une certaine façon, et ce, en moi-même, dans mon lieu de consommation. Puis, je vois cette idée de moi-même renforcée dans la culture globale environnante car, en gros, les gens qui prennent de la drogue sont marginalisés par la population en général.
Il se produit un isolement sur le plan émotionnel. Quand j'avais vraiment de la douleur, la réduction des méfaits en tant qu'idée et élément faisant partie de notre culture, m'a permis de trouver en moi l'idée que je valais peut-être la peine d'être sauvé. Malgré mon usage de la drogue, des organismes m'avaient offert des soins.
Psychologiquement, c'était une petite graine très subtile mais puissante. C'était comme un gland qui avait en lui le potentiel d'un arbre entier. Pour moi, il a constitué ce qui m'a poussé à me tourner vers moi-même et de voir qu'il y avait une représentation extérieure de moi-même, alors que je ne pouvais pas la trouver de l'intérieur, que malgré mon usage de la drogue, je méritais des soins. À un certain point, j'ai commencé à l'accepter, à en prendre possession et l'adopter. Ce n'est pas chaque usager qui en ferait nécessairement de même. Certains peuvent en prendre toute leur vie. Je pense qu'il est important d'avoir des organismes de cette valeur.
Je vais m'arrêter ici pour le moment.
 (1230)
[Français]
M. Réal Ménard: Au fond...
[Traduction]
M. Raffi Balian: La chose utile en ce qui concerne la réduction des préjudices, et c'est très important, est la propension des gens à traiter les toxicomanes malgré leur utilisation de drogues et de ne pas les regarder avec arrogance. À l'heure actuelle, toute autre organisme de soins n'interviendrait que lorsque vous êtes prêt à quitter.
Certaines personnes ne sont pas prêtes à quitter. Certains de nos auxiliaires, comme Mark, ont quitté, ont pris de la méthadone après leur association avec nous ou ont trouvé un emploi à temps plein. Nous avons deux personnes qui ont trouvé un emploi à temps plein. EIles travaillent depuis deux ans maintenant.
[Français]
M. Réal Ménard: Dans le fond, ce que vous nous invitez à comprendre ce matin, c'est qu'on peut être utilisateur de drogues, et non seulement de marijuana, mais de drogues un peu plus dures, et être fonctionnel dans la société, occuper un emploi, être père de famille, avoir des responsabilités, qu'il faut briser ce mythe selon lequel si on consomme des drogues dures, on est automatiquement, de facto dysfonctionnel et on ne peut pas être un bon citoyen. C'est le témoignage que vous nous livrez ce matin et pour moi, il est précieux parce que je crois que c'est la première fois qu'on est directement en présence de gens qui sont des consommateurs. C'est ma première question.
Ma deuxième question est la suivante. Comment pourrait-on essayer de comprendre, pas pour juger mais simplement pour une compréhension intellectuelle, à titre de parlementaires, quel est l'élément déclencheur?
Vous, Marc, avez parlé de crise émotive. Vous, Raffi, avez dit que vous étiez un ancien enseignant et que vous n'aviez pas eu d'appui dans votre milieu professionnel. Alors, j'aimerais que vous nous donniez un peu votre point de vue sur ce qui peut être l'élément déclencheur.
 (1235)
[Traduction]
M. Raffi Balian: Il y a autant de déclencheurs que d'utilisateurs de drogues illicites; ils sont propres à chacun. Le mien a été, je le répète, le soutien. J'ai écrit un article à ce sujet qui a été publié. Une des choses était..., c'était une question de démarcation des limites.
Dans notre métier, lorsque vous commencez, de temps à autre, à être confrontés à des obstacles et que vous ne pouvez rien faire pour vos clients et les utilisateurs de vos services, ce qui ce passe, c'est que vous vous sentez solidaires et que vous vous identifiez à ces personnes. Cette solidarité culturelle du milieu existait les premiers mois où j'ai travaillé dans le programme.
Puis, pour les intervenants de première ligne, c'est un emploi sans issue. Il n'y a rien d'autre après. Cela est lié à la solidarité culturelle du milieu également. Vous voulez vous sentir comme eux; vous voulez qu'ils sachent que vous vous intéressez vraiment à leur santé.
Il y a d'autres raisons. Dans mon programme--et je le fais toujours--, tous mes employés reçoivent une formation. Si nous intervenons sous forme d'échanges dans les foyers des utilisateurs, c'est très utile parce que nous pouvons procéder à des interventions en fonction de ce que nous observons. Cependant, nous nous désensibilisons aussi aux injections.
Par exemple, il y a une grande peur quant à l'utilisation de seringues et aux injections--et j'ai vu les changements d'expression sur les visages à plusieurs occasions ce matin--, mais cela disparaît. Lorsque vous observez des injections à maintes reprises, un énorme obstacle psychologique est franchi et vous passez à l'étape suivante, qui est bien sûr que vous êtes parti plus vite, ce qui crée également une dépendance psychique.
Oui, les toxicomanes peuvent être fonctionnels. En fait, la majorité des toxicomanes sont des personnes très débrouillardes. Nous devons l'être, étant donné la criminalisation des drogues. Sinon, nous finirons tous en prison ou morts.
M. Marc McKenzie: D'après mon expérience,...et je suis d'accord avec Raffi, il y a autant de déclencheurs qu'il y a d'utilisateurs et que chaque personne est un complexe en elle-même... Mes déclencheurs sont un complexe de... Il y a toute une coalition de choses qui se passent.
Ce à quoi Raffi faisait allusion concernant la désensibilisation des personnes aux injections, etc., je l'applique à toute personne dans tout autre aspect des soins de santé, une infirmière ou un professionnel de la santé qui a administré x injections d'insuline, par exemple, pour sauver la vie de quelqu'un. À un certain moment, le sang ne vous dérange plus, vous surmontez votre délicatesse et vous êtes en mesure de résoudre directement le problème, peu importe la crise du moment.
En fait, d'après mon expérience--et les seringues n'ont jamais fait partie de mon utilisation de drogues--, mais elles sont devenues pour moi..., elles me servent d'endroit où je ne veux pas aller. Je vois comment le mal est fait, cependant, en même temps, je le vois sans porter de jugement parce que je suis indubitablement familier avec l'expérience liée à l'utilisation de drogues. J'ai choisi d'arrêter à ce point, mais je peux sympathiser avec ce qu'expérience l'individu.
Pour ce qui est de la question de savoir si un utilisateur peut être fonctionnel, etc., eh bien, la preuve est représentée ici. Je vous dirais qu'étant donné la nature criminelle de l'utilisation de drogues à l'heure actuelle, une quantité horrible et anormalement élevée d'énergie est dépensée pour obtenir une seule drogue. Je me souviens que me poser la question lorsque j'étais sous l'influence du crack que mis à part le fait que je devais dépenser tant d'énergie, de ma peur d'être pris, etc.
J'ai commencé à me demander combien d'énergie il me resterait pour des poursuites positives qui comptaient toujours parmi mes aptitudes et mes intérêts, si je ne dépensais pas tant d'énergie pour protéger cela en raison du stigmate social? Mais, en raison de la peur insurmontable d'être pris et des autres implications de l'utilisation de drogues--une quantité incroyable de mon énergie--, c'est devenu une situation dégénérative pour moi. Je pense que la drogue influence de manière très similaire le psychisme de tout utilisateur de drogue à l'heure actuelle.
La présidente: Merci beaucoup.
Monsieur Lee.
 (1240)
M. Derek Lee: L'un d'entre vous, ou vous deux, pourrait-il commenter--ne vous sentez pas obligés, parce que je ne vais pas insister pour obtenir une réponse--vos rapports personnels ou votre contact avec le système de justice pénal? En d'autres termes, avez-vous eu des contacts avec le système pénal, et si c'est le cas, quelle en a été l'intensité? Avez-vous été criminalisés à tel point qu'une bonne partie de votre vie a été passé avec Sa Majesté ou--
La présidente: Avant de répondre, si vous voulez nous donner les informations, mais que vous ne voulez pas qu'elles soient enregistrées, ou que nous ne voulez plus rien nous dire, si vous voulez que nous prononcions le huis clos afin que ce ne soit pas enregistré pour diffusion publique, vous pouvez nous le demander.
M. Derek Lee: Oui, nous pouvons faire cela. Nous pourrions prononcer le huis clos, si vous préférez.
M. Raffi Balian: Pas pour moi. Cela ne me dérange pas, mais cela peut poser des problèmes--
La présidente: Alors, pourquoi ne pas prononcer le huis clos?
M. Derek Lee: Oui, prononçons le huis clos. Cela ne sera pas inclus dans le compte rendu.
[Les débats se poursuivent à huis clos.]
[Les débats publics reprennent.]
 (1250)
La présidente: Nous sommes de retour.
Cela coûte donc 5 $ pour une cigarette.
M. Marc McKenzie: Un client me l'a dit assez récemment. Il venait d'être libéré de prison et il a dit qu'il était sous l'influence d'une cigarette de 5 $ achetée avec l'argent du commissariat.
La présidente: Merci.
M. Marc McKenzie: Brièvement, à propos de mes commentaires sur la question des centres de traitement, lorsque j'ai entendu prononcer ce terme par le panel précédent, ce qui m'a frappé est que quelqu'un a utilisé «centre de traitement» comme un terme général. Il existe différentes sortes de centres de traitement. Certains fonctionnent sur le modèle de l'abstinence et certains sur le modèle de la réduction des préjudices. C'est le point critique, d'après mon expérience. J'ai été un client des deux approches. Je dois vous dire qu'en ce qui me concerne au moins, le modèle de réduction des préjudices a été beaucoup plus efficace. Il m'a offert un endroit où j'ai pu commencé à nourrir une certaine sorte de compassion.
Plutôt que de surmonter la culpabilité et la honte, la même psychologie qui a motivé mon utilisation de drogues, me rendre dans un milieu structuré, institutionnel, pour essayer d'obtenir une sorte de guérison, travaillait vraiment à contre-sens. J'ai craqué avec cette approche.
La réduction des préjudices m'a fait comprendre qu'il s'agit d'un processus. J'en avais conscience, mais il y avait une structure externe qui partageait la même opinion et était prête à garder une place pour moi. Par conséquent, comme un enfant, je pouvais me lever et apprendre à marcher sans danger. Je tomberai, mais je ne serai pas jeter en prison pour cela. Le parent reviendrait et m'aiderait à le faire. Le processus a commencé de cette manière.
C'est le même mécanisme que lorsqu'on apprend à faire n'importe quoi. C'était donc cohérent avec tout ce que j'avais appris depuis que j'étais né.
La présidente: Monsieur Balian, pour conclure.
M. Raffi Balian: Je sais que cette question du traitement a été abordée auparavant. La réduction des préjudices, de par son nom, consiste en la réduction des préjudices liés aux drogues. La réduction des préjudices s'adresse aux utilisateurs de drogues.
Il y a une raison très pratique de faire la différence entre l'abstinence et la réduction des préjudices. Vous ne pouvez pas avoir de réduction des préjudices basée sur l'abstinence. Je vais vous dire pourquoi. En qualité de fournisseur de services, lorsque l'objectif est d'arrêter d'utiliser les drogues, toute autre chose est un échec. Cette sorte d'échec, vous en avez fait l'expérience vous-même, vous en avez fait l'expérience dans d'autres endroits, avec des conseillers, des psychiatres, des psychologues,... Je les ai tous vu et chaque fois que j'échoue--d'abord, c'est très dur de me convaincre que j'ai échoué. C'est très traumatique d'une certaine manière. Puis, informer mon conseiller, qui a mis tous ces efforts pour m'aider à arrêter d'utiliser des drogues, sera également très difficile.
Ce qui se produisait avec mes clients, avec les utilisateurs que j'aidais lorsque je faisais du conselling basé sur l'abstinence, était que j'apprenais par ses ami(e)s qu'il ou elle utilisait de la drogue à nouveau. Mais, il ou elle n'avait pas recours au service de réduction des préjudices, au programme d'échange de seringues ou toute autre chose qui aiderait cette personne.
Vous avez perdu cette personne parce que vous êtes en mode de traitement.
J'ai arrêté de fonctionner comme cela. Dès que la personne parle d'arrêter d'utiliser des drogues, je dis que c'est une bonne option mais que je les référerai à un spécialiste dans ce domaine et je les réfère à un conseiller en abstinence. C'est très important.
Aujourd'hui, le terme est la réduction des préjudices. Même la police l'utilise. Seuls 5 p. 100 des fonds affectés à l'utilisation des drogues sont dépensés pour la réduction des préjudices. Si une partie de ces 5 p. 100 est donnée à la police et à d'autres organismes utilisant l'approche de l'abstinence qui préfèrent la réduction des préjudices, cela crée une concurrence déloyale.
Je parlais de la concentration des drogues utilisées et du manque d'outils. Je suis sûr que vous avez eu des témoignages du PASAN. J'ai entendu dire que c'est le cas et que ce point a été soulevé. Dans le comité des détenus, j'ai vu deux personnes assises à une table. Une mélange les drogues et l'autre prend l'argent. La première personne vient et paie. Il y a une seule seringue. Vous espérez seulement que la personne qui souffre d'hépatite C ou de VIH est à la fin de la queue, parce que si cette personne est au début, toutes les personnes après elle seront infectées. C'est la réalité des pénitenciers canadiens.
La présidente: Merci à tous les deux, M. McKenzie et M. Balian, d'avoir pris le temps de venir communiquer vos questions. Je m'excuse pour le retard d'environ 50 minutes. Si vous voulez nous faire part d'autres choses, nous avons une adresse courriel et nous serions ravis de tirer profit de votre expérience. Si vous avez des amis ou des collègues qui aimeraient contribuer aux travaux du comité, nous entendrons des témoignages jusqu'à la fin juin.
Votre témoignage d'aujourd'hui est d'une très grande valeur pour les travaux que nous essayons d'exécuter et pour notre compréhension de ce qui se passe au Canada.
Nous vous souhaitons un bon travail continu en termes de réduction des préjudices et d'aide aux personnes afin qu'elles se trouvent en meilleure position et se sentent aptes à certains changements. Félicitations pour le travail que vous faites, et au nom du comité, je vous invite à poursuivre votre bon travail. Merci beaucoup.
La réunion est suspendue jusqu'à 14 heures.