SNUD Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
37e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments
Témoignages du comité
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 26 février 2002
¹ | 1525 |
La présidente (Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.)) |
M. Paul Flynn (député travailliste de Newport West, Parlement de Westminster) |
¹ | 1530 |
¹ | 1535 |
¹ | 1540 |
¹ | 1545 |
La présidente |
M. Paul Flynn |
La présidente |
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne) |
M. Paul Flynn |
M. Kevin Sorenson |
M. Paul Flynn |
M. Kevin Sorenson |
M. Paul Flynn |
M. Kevin Sorenson |
M. Paul Flynn |
¹ | 1550 |
M. Kevin Sorenson |
M. Paul Flynn |
M. Kevin Sorenson |
La présidente |
M. Kevin Sorenson |
¹ | 1555 |
La présidente |
M. Kevin Sorenson |
M. Paul Flynn |
La présidente |
M. Kevin Sorenson |
La présidente |
M. Réal Ménard (Hochelaga--Maisonneuve, BQ) |
M. Paul Flynn |
M. Réal Ménard |
M. Paul Flynn |
M. Réal Ménard |
M. Paul Flynn |
M. Réal Ménard |
M. Paul Flynn |
M. Réal Ménard |
º | 1600 |
M. Paul Flynn |
º | 1605 |
M. Réal Ménard |
M. Paul Flynn |
La présidente |
M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.) |
M. Paul Flynn |
º | 1610 |
M. Derek Lee |
M. Paul Flynn |
M. Derek Lee |
M. Paul Flynn |
M. Derek Lee |
M. Paul Flynn |
º | 1615 |
M. Derek Lee |
M. Paul Flynn |
M. Derek Lee |
M. Paul Flynn |
M. Derek Lee |
La présidente |
M. Paul Flynn |
La présidente |
M. Paul Flynn |
º | 1620 |
La présidente |
M. Paul Flynn |
La présidente |
M. Paul Flynn |
º | 1625 |
La présidente |
M. Paul Flynn |
La présidente |
M. Paul Flynn |
La présidente |
M. Paul Flynn |
La présidente |
M. Kevin Sorenson |
M. Derek Lee |
M. Kevin Sorenson |
M. Paul Flynn |
La présidente |
M. Paul Flynn |
La présidente |
M. Paul Flynn |
M. Kevin Sorenson |
º | 1630 |
M. Paul Flynn |
La présidente |
M. Paul Flynn |
La présidente |
M. Paul Flynn |
La présidente |
M. Paul Flynn |
La présidente |
M. Paul Flynn |
La présidente |
CANADA
Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments |
|
l |
|
l |
|
Témoignages du comité
Le mardi 26 février 2002
[Enregistrement électronique]
¹ (1525)
[Traduction]
La présidente (Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.)): Nous sommes au Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments. Nous avons le grand plaisir de recevoir aujourd'hui, du Parlement britannique, le Parlement de Westminster, la mère de tous les parlements, M. Paul Flynn, député travailliste de Newport West.
Monsieur Flynn, je crois savoir que vous vous occupez beaucoup de la question de la drogue en Europe et au Royaume-Uni. Nous sommes très heureux qu'à la faveur d'autres réunions au Canada vous ayez accepté de nous consacrer quelques instants. Il s'agit d'une suggestion de notre collègue Derek Lee.
M. Paul Flynn (député travailliste de Newport West, Parlement de Westminster): C'est moi qui vous remercie. Merci bien de votre mot de bienvenue.
Le rapport que j'ai préparé et qui circule actuellement au Conseil de l'Europe porterait s'il s'agissait d'un article du journal le titre: «La législation antidrogue ne sert à rien». Je vous ai vu à la télévision hier soir, madame la présidente, et j'essaie de voir où en est votre propre comité. Je trouve fascinante la façon dont les parlements abordent la législation sur la drogue.
Permettez-moi de vous décrire ce qui a mon sens s'est produit au cours du siècle passé. Je crois que le moment est aujourd'hui propice à un changement et on est en train de le réaliser en Amérique du Nord, dans votre pays en tout cas, et dans de nombreuses régions d'Europe où de grands changements s'opèrent actuellement ou d'autres sont prévus dans les 12 prochains mois.
En ce qui concerne la consommation de la drogue, la première période à considérer est celle antérieure à 1920. Au XIXe siècle et jusqu'à cette date, la majorité de ce qui sont aujourd'hui des drogues illégales étaient librement disponibles, à l'exception des drogues chimiques de création récente. Il était très facile d'acheter de l'opium, la fille de l'opium, l'héroïne, du cannabis et de la cocaïne en préparations médicinales. Elles étaient en vente libre et il y avait très peu de problèmes. Il arrivait que quelqu'un devienne toxicomane, mais sa situation était semblable à quelqu'un aujourd'hui accoutumé aux benzodiazépines ou à d'autres médicaments. La toxicomanie est un problème, parfois pour toute la vie, mais le consommateur peut obtenir d'un médecin un approvisionnement propre à la puissance connue.
Telle était la situation jusqu'à 1920. Dans divers pays presque à la même époque—en 1923 au Canada je crois—la marijuana a été interdite à la suite de pressions venant d'un mouvement religieux intégriste aux États-Unis qui avait commencé à militer en faveur de la prohibition de l'alcool. Ces militants voulaient interdire toutes les drogues, dans l'espoir que la prohibition mettrait fin à leur consommation. Nous savons tous ce qui est arrivé à la suite de la prohibition de l'alcool. Elle a effectivement réduit la consommation d'alcool au début, mais elle a causé la mort de quantité de gens qui avaient consommé de l'alcool fabriqué sans contrôle; des gens sont morts empoisonnés. Mais son principal résultat était la création d'un empire du crime qui existe toujours aujourd'hui.
L'interdiction de certaines drogues ne s'est pas faite en fonction de justifications que l'on pourrait estimer aujourd'hui raisonnables. Il ne s'agissait pas des drogues les plus toxiques ni des plus accoutumantes, ni des plus délétères. À partir de ce moment, des années 20 aux années 60, on a assisté à une lente propagation de la consommation de toutes les drogues dans le monde.
La catastrophe est survenue en 1961, lorsqu'une convention de l'ONU a convaincu de nombreux pays de s'engager à interdire, de manière plus répressive que par le passé, la consommation de ces drogues. Paradoxalement, on a insisté à l'effet contraire. Cela a fini par conduire à un accroissement de la consommation. En Grande-Bretagne, si vous me permettez de vous donner le chiffre,—je le connais bien parce qu'on en discute aujourd'hui abondamment, parce que nous connaissons le chiffre exact—la marijuana n'a jamais été employée à usage récréatif avant d'être interdite. Dans les années 60, le nombre d'héroïnomanes ne dépassait pas 500 personnes. Certains d'entre eux étaient des soldats de la Première Guerre mondiale qui s'y étaient accoutumés sur le champ de bataille, après une intervention chirurgicale, et la recevaient en même temps que leur pension de retraite. Il y en avait 500, c'est tout. L'un d'eux était Enid Bagnold, la célèbre auteure de National Velvet—j'ignore si l'ouvrage est connu au Canada. Elle s'injectait des quantités prodigieuses d'héroïne, et elle a connu une mort sereine et calme dans son propre lit à l'âge de 91 ans.
¹ (1530)
Comparez cela à la situation aujourd'hui. Le nombre officiel d'héroïnomanes et de cocaïnomanes en Grande-Bretagne est de 280 000, alors que l'on a imposé en 1971 la Misuse of Drugs Act, dont le but était d'éliminer la consommation de drogues. Contrairement au cas d'Enid Bagnold, l'an dernier, 50 jeunes d'Écosse et d'Irlande se sont injectés une quantité beaucoup plus petite d'héroïne: ils ont connu une mort atroce dans une ruelle dans des circonstances sordides. Pour moi, ce n'est pas l'héroïne qui les a tués, ce n'est pas la drogue, c'est son interdiction. Ils ont été tués par un système qui les déclare toxicomanes mais qui ne les traite pas comme nous traitons les alcooliques, c'est-à-dire en malades, mais bien en criminels. «Débrouillez-vous sur le marché illégal». La conclusion qu'il faut en tirer, c'est que la meilleure manière—et sans doute la seule—de supprimer le trafic de la drogue par des criminels irresponsables est de le remplacer par le marché légal assorti de permis, de réglementation, de surveillance policière et de contrôles. C'est le point de départ.
Le document que j'ai préparé pour le Conseil de l'Europe recensait les résultats. La plupart des pays disent la vérité à propos de la situation de la drogue chez eux, mais ne la disent pas toute en ce qui concerne les autres. L'exemple le plus spectaculaire est celui du tsar américain de la drogue qui, il y a quelques années, a eu l'effronterie d'arriver à Amsterdam et de déclarer aux Hollandais, à des journalistes hollandais qui n'en revenaient pas, qu'à cause de la drogue, leur taux d'homicides était le double du taux américain. Il a dû se rétracter après coup, admettant que le taux d'homicides aux États-Unis est en fait quatre fois celui des Pays-Bas. Il a prétexté qu'il avait confondu les victimes d'homicides aux États-Unis et les victimes d'homicides et de tentatives d'homicides aux Pays-Bas. Pour se justifier, il a dit que les Hollandais étaient tellement bourrés à la drogue qu'ils n'arrivaient même pas à assassiner comme il faut.
Moi, je suis allé dans quatre pays. Nous avons choisi les deux extrêmes. Il y a 43 États en Europe, chacun avec une situation différente, chacun ayant ses propres façons de mesurer la consommation de drogues. Les deux pays les plus pragmatiques au moment où j'ai préparé le rapport étaient les Pays-Bas et la Suisse, et les plus prohibitionnistes étaient le Royaume-Uni et la Suède. Nous avons obtenu les renseignements du pays et nous les avons versés à l'ordinateur pour nous assurer de mesurer des données équivalentes. Nous avons ensuite examiné les résultats sur une période pour laquelle nous disposions de données fiables, à savoir de 1986 à 1999. Vous le savez sans doute, mais les peines les plus lourdes sont de loin celles du Royaume-Uni et de la Suède. La Suède est toujours, je crois, le seul pays au monde, à l'exception des États-Unis, qui croit que l'on peut éliminer entièrement la consommation de drogues. Le pays l'a répété l'an dernier.
Mais l'essentiel du rapport établit une comparaison entre les résultats dans ces quatre pays. J'ai effectué cette comparaison de plusieurs façons. Les meilleurs chiffres, les plus solides, sont ceux qui opposent les Pays-Bas et le Royaume-Uni. Après 30 ans au Royaume-Uni, où la prohibition est la plus sévère d'Europe, la consommation de drogues a augmenté d'au moins 2 000 p. 100 dans toutes les catégories—je vous ai donné le chiffre pour la consommation d'héroïne. Après 25 ans de dépénalisation réglementée en Hollande, la consommation de drogues toutes catégories représente environ la moitié de celle du Royaume-Uni. Les décès attribuables à la drogue sont 10 fois inférieurs aux nôtres. Voilà donc une différence spectaculaire entre les deux. Si la législation antidrogue était efficace, si la prohibition l'était, les chiffres seraient exactement l'inverse. Mais la grande réussite, c'est aux Pays-Bas. Les chiffres figurent dans le rapport, que je vais vous faire tenir. J'ai employé comme formule le nombre de morts attribuables à la drogue par million d'habitants, et c'est un coefficient qui commence par 100. En Suède et au Royaume-Uni, le rythme d'augmentation des décès attribuables à la drogue—et je me suis servi d'autres facteurs ici—est au moins deux fois plus rapide que dans les deux pays qui ont adopté des politiques de pragmatisme.
¹ (1535)
Dans le rapport, nous avons loué le courage des Hollandais et des Suisses qui se sont attaqués à l'approbe publique, ont vu ce qui clochait et ont adopté des politiques pragmatiques qui ont été couronnées de succès. Vous connaissez sans doute l'expérience suisse, où il y a eu une baisse spectaculaire du nombre de crimes pour des raisons qui tombent sous le sens. Tant en Allemagne qu'aux Pays-Bas, il y a ce que l'on appelle des piqueries à l'intention des toxicomanes de longue date qui suivent un traitement pour leur permettre d'obtenir des seringues propres et, après s'être injectés, d'obtenir de l'aide.
Si vous comptez vous rendre en Europe, je vous recommanderais Paulus Kerk à Rotterdam, une église qui fait vivre environ 300 héroïnomanes dans un cadre décent, qui les forme en TI et qui les amène à trouver un emploi; elle publie son propre journal, très encourageant. Au lieu d'être laissés à leurs propres moyens, les toxicomanes reçoivent de l'assistance. Il s'agit donc d'un groupe recyclé qui se détache de la drogue.
Je crois qu'actuellement au Royaume-Uni un mouvement est en branle. En 1997, il a renouvelé sa politique d'interdiction, pour notre plus grande honte comme députés du parti ministériel, à mon avis. Nous avons un tsar de la drogue, aujourd'hui devenu une piètre figure plutôt pathétique comme c'est le sort des autres tsars. Il n'occupe plus ses fonctions à plein temps. Il avait une stratégie échelonnée sur 10 ans, aujourd'hui en ruines. Un de ses objectifs était de réduire de moitié la quantité d'héroïne importée. S'il avait réussi, il aurait lancé une vague de criminalité parce que les toxicomanes auraient dû voler davantage pour payer leur héroïne. Mais il se trouve que sa stratégie n'a eu aucun effet et que le prix de l'héroïne est un des rares produits du marché britannique dont le prix n'a jamais augmenté, même à cause de l'inflation, parce qu'elle entre au pays en grande quantité.
Actuellement, le gouvernement , à son deuxième mandat, s'est enhardi et abandonne progressivement sa stratégie d'interdiction accrue. Il y aura donc des changements. Il biaise. Le gouvernement a en effet demandé à notre comité sur l'abus des drogues s'il accepterait de recommander le reclassement du cannabis, qui passerait de la catégorie B à la catégorie C, ce qui signifie une infraction non passible d'arrestation. Le gouvernement semble avoir oublié que le comité lui a présenté cette demande il y a deux ans; nous savons donc tout à fait ce que le comité répondra.
Il y a aussi un autre groupe appelé The Police Foundation, semblable à votre Commission Le Dain et toutes les autres commissions qui ont produit des rapports dans les années 60 et 70 partout dans le monde, qui ont recommandé des politiques moins coercitives et auxquelles aucun gouvernement n'a donné suite. Mais le gouvernement a aussi indiqué à des comités spéciaux qu'il s'achemine dans le sens des recommandations du rapport. Il a recommandé que l'héroïne devienne disponible, non la méthadone. Elle est toujours là et est consommée par un nombre croissant de gens; le nombre de ceux qui suivent un traitement, lui, a augmenté. Mais l'héroïne sera disponible du service de santé pour un plus grand nombre de gens, pour assurer leur entretien et s'assurer qu'ils sortent du cercle vicieux qui consiste à consommer la drogue, commettre un crime et consommer à nouveau. Ils brisent aussi ce cercle vicieux dans leur vie, et c'est ce qui compte le plus. Le comité va proposer de classer l'ecstasy dans la catégorie B plutôt que la catégorie A. À l'heure actuelle, elle est dans la même catégorie que l'héroïne et la cocaïne.
Le problème ici, c'est le contact avec les jeunes. En 1997, n'ayant pas le courage d'un coup d'audace, le gouvernement a plutôt choisi des solutions de rechange et de consacrer plus d'argent aux programmes d'information. Je ne connais aucun cas, à l'exception possible de la Hollande, où un programme d'information a été examiné à l'aide d'un groupe témoin et où on a constaté au bout du compte une différence minuscule indiquant que le programme avait influé sur la consommation de drogues. Il y a des cas spectaculaires aux États-Unis où la sensibilisation à la drogue a en fait favorisé sa consommation. Je crois que la plus grande partie de l'information sur le sujet donnée en Grande-Bretagne est juste et aussi scientifique que l'instruction que j'ai reçue des Jésuites enfant, qui nous ont dit que certaines pratiques sexuelles allaient nous rendre aveugles. On a largement exagéré les dangers de beaucoup de drogues auprès des jeunes et il y a un problème de crédibilité. Je crois que si l'on reclasse l'ecstasy, c'est parce que les jeunes savent très bien qu'elle comporte des dangers, mais qu'ils ne sont en rien comparables à l'héroïne ou la cocaïne.
¹ (1540)
Des changements interviennent aussi dans d'autres pays. Ce qui est triste pour nous, les membres de la classe politique—je discutais avec un collègue du rôle du parlementaire; c'est quelque chose qui m'intéresse beaucoup et j'ai même écrit un livre sur le sujet il y a quelques années, croyez-le ou non—c'est qu'on nous court-circuite. Même si j'adorerais pouvoir affirmer que les changements en Grande-Bretagne sont la conséquence de mon militantisme de 15 ans, le fait est que les pressions sur le gouvernement sont venues des policiers, qui refusent d'appliquer la loi, qu'ils trouvent stupide. Pourquoi arrêter des gens pour un délit qui ne fait pas de victimes? Un policier d'un quartier de Londres a instauré presque de sa propre initiative une politique de dépénalisation de facto qui a énormément de succès. Il lui est arrivé quelque chose d'intéressant il y a quelque temps. Adoptant la ligne dure, il avait arrêté 24 revendeurs de drogues dures dans son secteur. Quinze jours plus tard, de nouveaux revendeurs avaient pris leur place, ceux-là armés. La situation était donc beaucoup plus grave qu'avant. Il y a d'autres incidents de ce genre.
Nous sommes sur le point de légaliser le cannabis médicinal, mais ici encore, c'est le résultat de la désobéissance civile. Tout d'abord, la police hésite à procéder à une arrestation, même lorsque la personne consomme au grand jour, quoiqu'il y a quatre ans encore, deux personnes ont été emprisonnées au Pays de Galles pour en avoir consommé, même si ces personnes étaient gravement malades. Il y a aujourd'hui du cannabis cultivé par l'État en Grande-Bretagne, consommé par 300 ou 400 bénévoles, la plupart d'entre eux atteints de la sclérose en plaques ou de douleurs chroniques. Dans le cas de la douleur chronique, les résultats sont merveilleux. Un des chercheurs est venu nous voir et tenait absolument à en parler. Toute ma vie, a-t-il dit, j'ai effectué des travaux de recherche sur la drogue, les médicaments et ce produit est vraiment efficace. Il m'a donné un exemple intéressant et divertissant à la fois. Il m'a parlé de quelqu'un dont la douleur était de catégorie 10, la pire douleur, une douleur insoutenable qui le forçait à prendre une drogue chimique qui ne lui laissait aucune sensation dans les jambes—si son chien venait lui ronger la jambe pendant qu'il regardait la télévision, il ne s'en rendait pas compte. Après avoir pris du cannabis, par contre, il était à l'aise, il avait des sensations mais la douleur était prise en charge: excellent nouvelle pour le malade, terrible nouvelle pour le chien.
Il y a autre chose. Il y a un tribunal du cannabis médicinal où la police a eu la sottise de traîner des gens. Il y a eu un cas célèbre où un homme a admis avoir exploité une coopérative et fourni du cannabis à 30 personnes. Pour ce délit, il est passible de prison à perpétuité en Grande-Bretagne. Il a été porté en triomphe par l'auditoire parce que le jury a dit qu'il n'allait pas envoyer en prison un homme cloué dans un fauteuil roulant pour avoir pris un médicament. Il y a donc eu un changement là aussi.
Il y a aussi l'opinion publique. L'opinion publique devance de loin l'opinion politique. Je crois qu'il y a eu une période de pusillanimité chez de nombreux parlementaires dans ce dossier, en particulier de la part des chefs de parti. Le changement va se faire en Grande-Bretagne. En Belgique, on adoptera je crois sous peu une politique très semblable à celle des Pays-Bas. Le Portugal quant à lui a légalisé toutes les drogues destinées à la consommation personnelle. Et nous savons ce qui s'est passé aux Pays-Bas et en Suisse.
Je suis aussi ravi de ce que j'ai appris de l'interview que vous avez donnée hier soir à la télévision, madame la présidente. J'espère que le Canada ne sera pas seulement le médaillé d'or au hockey mais aussi le médaillé d'or de l'Amérique du Nord dans la lutte contre la législation antidrogue.
¹ (1545)
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Flynn.
Pour ceux d'entre vous qui me regardent toujours, j'ai eu une petite entrevue avec la chaîne parlementaire hier soir et je suis heureuse que cela vous ait intéressé. C'était une discussion générale, sans tirer trop de conclusions, à mon avis, au sujet de ce que le comité est en train de faire, là où il en est, et les témoignages que nous entendons. C'était assez factuel, je l'espère.
Si cela vous convient, nous avons sans doute plusieurs questions à vous poser.
M. Paul Flynn: Très bien.
La présidente: Il nous reste environ trois quarts d'heure.
Monsieur Sorenson, voulez-vous commencer?
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne): Je vous remercie d'être venu nous rencontrer et bienvenue au Canada.
Vous avez dit qu'il y a environ 280 000 toxicomanes à l'heure actuelle en Grande-Bretagne. Vous avez dit par ailleurs qu'il y en avait 50 qui ont été tués par ce que vous appelez la prohibition. Est-ce 50 par année, par jour ou par semaine?
M. Paul Flynn: Chaque année, il y a un peu moins de 3 000 décès attribuables aux drogues illicites—c'est le nombre de décès pour 1999. Il y a de nombreux toxicomanes qui subviennent à leurs besoins grâce aux services de santé et aux drogues qu'ils peuvent obtenir, s'ils peuvent garantir un approvisionnement propre. Ce système fonctionne très mal pour les gens qui sont au bas de l'échelle. Je suppose qu'au Canada ce sont les Autochtones qui souffrent le plus. Il y a une différence de 30 p. 100 entre les gens qui meurent des effets nuisibles de la drogue dans les régions plus pauvres et ceux qui en meurent dans les régions les moins pauvres.
M. Kevin Sorenson: Préconisez-vous ici l'accès aux drogues dures, les drogues propres, ou leur légalisation?
M. Paul Flynn: C'est une approche progressive. Je crois que nous aurons bientôt des règles raisonnables en ce qui a trait au cannabis médicinal, et il faut dire qu'il s'agit là d'un médicament ancien qui a été oublié et qui a d'excellents avantages. Je pense que cela se fera en premier. L'étape suivante pour le Royaume-Uni sera d'avoir des cafés ou des endroits semblables où on peut consommer du cannabis, où le cannabis est disponible sur une base régulière. C'est la seule façon, je pense, de faire en sorte que le cannabis ne soit pas accessible aux enfants, qui peuvent l'obtenir librement à l'heure actuelle. Une étude qui a été publiée en France hier révèle que 53 p. 100 des jeunes hommes et 48 p. 100 des jeunes femmes de 18 ans dans ce pays ont déjà fait usage du cannabis à cet âge.
M. Kevin Sorenson: Donc, en rendant le cannabis plus accessible, c'est une meilleure façon de...
M. Paul Flynn: Non, moins accessible. Eh bien...
M. Kevin Sorenson: Ce sera accessible, les gens sauront où se rendre pour en obtenir. Vous croyez que cela fera en sorte que le cannabis sera moins accessible aux enfants. Je pense que s'il est accessible aux adultes, il sera plus accessible pour les enfants.
M. Paul Flynn: Il y a deux choses ici. Je ne pense pas qu'il y ait un seul enfant en Grande-Bretagne, que ce soit dans les régions rurales ou urbaines, qui ne puisse obtenir de cannabis à l'heure actuelle s'il souhaite y avoir accès. Le cannabis est disponible partout, ça ne pose de problème nulle part. Les chiffres le prouvent. La grande majorité des jeunes ont déjà essayé le cannabis à un moment donné. Cela fait partie de leur vie sociale.
Je voudrais en tant que chimiste souligner que le problème ce n'est pas les drogues comme telles, c'est la façon dont les drogues sont prises. Et au Royaume-Uni, le cannabis est consommé sans doute dans la pire forme possible, c'est-à-dire en le fumant. On le mélange avec une drogue toxicomanogène, une drogue qui tue, le tabac. Si on ingère le cannabis d'une autre façon, en le mangeant, par exemple dans un gâteau, les risques pour la santé sont très peu élevés par rapport à la fumée.
En Suède—et ce pays en est très gêné—on se demande si on doit opter pour minimiser l'effet nocif ou poursuivre sur la voie de l'élimination totale de l'usage de la drogue. Ce pays est cependant celui dans toute l'Europe qui a le mieux réussi à minimiser l'effet nocif de la drogue, c'est-à-dire le nombre d'hommes qui meurent du cancer causé par le tabac. Chez les femmes en Suède, la moyenne est exactement la même qu'en Europe. La moyenne pour les hommes en Suède est deux fois moins élevée que la moyenne européenne, et ce, parce qu'ils prennent leur nicotine sans la fumer. Ils la prennent sous la forme de snus, un tabac humide sans fumée. En Suède, 20 p. 100 des hommes font usage du snus, et 17 p. 100 fument du tabac. Le snus est en fait illégal au Royaume-Uni, il est illégal ailleurs en Europe, car on croyait qu'il allait causer d'autres formes de cancer, notamment le cancer de la bouche. Cela n'est pas le cas, cela ne s'est pas concrétisé. La Suède a donc réussi à minimiser les effets nocifs en modifiant la façon dont les drogues sont consommées.
L'avantage d'un marché légal de cannabis c'est que ce produit est alors consommé, je pense, sous d'autres formes, sous des formes moins dangereuses. Si on a un marché légal, les gens ont le choix, et bon nombre d'entre eux ne choisissent pas la forme la plus forte de drogue. La plupart d'entre nous boivent je pense de la bière ou du vin plutôt que des spiritueux. Les gens choisissent le café décaféiné. En Hollande, où il y a toute une liste de drogues disponibles dont la force est connue, les gens ne choisissent pas les drogues les plus fortes, car ils ne veulent pas être complètement partis—ils veulent faire quelque chose, s'amuser un peu, je ne sais pas. Dans un marché libre, on choisit généralement la forme la plus faible de drogue, mais dans un marché qui est prohibitionniste, il n'y a pas beaucoup de choix et les gens doivent prendre ce qu'on leur donne, ce qui est habituellement la forme la plus forte.
¹ (1550)
M. Kevin Sorenson: Si le tabac sans fumée ou le snusest illégal en Grande-Bretagne, ce n'est pas étonnant que le rodéo et le baseball ne soient pas tellement populaires là-bas.
Quel est à votre avis la mesure la plus importante que pourrait prendre votre gouvernement ou notre gouvernement pour combattre des problèmes de toxicomanie? Vous avez parlé de changements progressifs. Lorsque je pense à des mesures progressives, je pense justement à cela, des mesures qui font en sorte que nous puissions aller de l'avant. Peut-être que je n'a pas la bonne approche, mais je dirais que les mesures que vous proposez ne vont pas nous permettre de progresser, mais nous feront plutôt revenir en arrière.
M. Paul Flynn: Le principal problème des drogues illicites, à mon avis, c'est précisément leur caractère illicite. Je milite contre les décès dus aux analgésiques. Je vous ai cité des données concernant les drogues illicites, mais voilà un analgésique vendu en Grande-Bretagne, le paracétamol, qui a provoqué 600 décès l'an dernier, l'année précédente et l'année d'avant également. La dothiépine, un antidépressif, a fait 250 victimes, tandis que dans l'ensemble, les antidépresseurs ont tué plus de 500 personnes.
Si l'on considère la portée des méfaits de la drogue, celles qui sont vraiment le plus préjudiciables sont le tabac et l'alcool, de par leur nature. Toutefois, bon nombre de drogues sont dangereuses principalement en raison de leur caractère illicite. C'est dû principalement, à mon sens, à la décision prise dans les années 20, dans cet esprit extraordinaire de recrudescence du fondamentalisme, en vue de faire la distinction entre certaines drogues en disant, celles-ci sont terriblement dangereuses et nous devons les interdire, elles sont terribles, mais les autres sont acceptables.
Une des solutions proposées à l'heure actuelle, c'est de prendre le cannabis et de séparer les ingrédients. Il y a 600 ingrédients dans le cannabis naturel, comme il y a des ingrédients dans presque toutes les substances, ou même dans le chou. Il y a au moins 5 000 ans que nous utilisons le cannabis sous sa forme naturelle. Si l'on supprime l'un des cannabinoïdes et qu'on l'utilise, le cannabinoïde 37, nous risquons de constater que le cannabinoïde 58 est celui qui le neutralise, et on s'apercevra que si l'on a un extrait chimique, cela crée de nouveaux problèmes. Pratiquement tous les problèmes que nous avons eus avec la thalidomide, l'oprin et d'autres au fil des ans étaient liés aux drogues chimiques.
Il y a un précédent qui remonte à l'année 1894, où les chimistes se sont mis au travail dans leur laboratoire. Ils se sont dit: Nous avons une drogue appelée opium et elle se vend mal, c'est un marché à la baisse, associé aux immigrants—il y avait à l'époque en Grande-Bretagne principalement des immigrants d'origine chinoise—elle a une mauvaise réputation et nous devons vraiment la vendre en la présentant sous un nouveau jour. On a donc mis les chimistes au travail en disant, nous ne voulons pas de l'opium, nous voulons une poudre blanche brillante, bien propre et belle à regarder que l'on pourra emballer dans de belles boîtes blanches. C'est ce qu'ils ont fait. Les chimistes se sont mis au travail et ont produit cet extrait de l'opium. Ils se sont ensuite demandé comment faire pour vendre ce produit. L'opium est considérée comme la drogue des minables, nous voulons la commercialiser comme la drogue des champions. Quel terme pourra être associé à champion? Ils ont donc choisi un nom qui sonnait comme héroïsme en allemand et en anglais et l'on appelé héroïne. En nous efforçant d'obtenir une forme de drogue non dangereuse et commercialisable, nous avons produit une drogue chimique qui crée plus d'accoutumance que l'opium lui-même.
Ce que je veux dire, c'est que si nous utilisons le cannabis sous sa forme naturelle et que les gens le consomment sous forme de boissons ou d'aliments, le méfait est bien moindre.
M. Kevin Sorenson: Très bien.
Il y a à l'heure actuelle 280 000 héroïnomanes en Grande-Bretagne. Que fait-on pour prévenir les problèmes socio-économiques et de santé parmi ces utilisateurs de drogues injectables? Nous avons fait une visite dans Toronto et on nous a dit que, en raison du programme d'échange de seringues en vigueur au Canada, on assiste en fait à une recrudescence du VIH et...
La présidente: Ce n'est pas vrai. C'est uniquement le cas à Ottawa.
M. Kevin Sorenson: À Ottawa, c'est vrai.
¹ (1555)
La présidente: Et c'est parce qu'il s'agit d'une forme différente d'échange de seringues.
M. Kevin Sorenson: D'accord.
La toxicomanie est à la hausse, ainsi que les problèmes de santé, à cause des gens qui utilisent ce genre de drogue, bien évidemment. Quelles initiatives mettez-vous en oeuvre, ou votre gouvernement va-t-il mettre en oeuvre, pour ces 280 000 héroïnomanes, afin d'essayer de résoudre certains problèmes qui se posent et qui sont directement liés à l'accoutumance?
M. Paul Flynn: La seule initiative prise par le gouvernement britannique au cours des 30 dernières années dont je sois fier est l'échange de seringues. Nous autorisons l'échange de seringues, nous l'encourageons et pour cette raison, le taux d'infection est très bas parmi les utilisateurs de drogues injectables. Nos résultats sont bons dans ce domaine et les données se trouvent dans le rapport. Toutefois, nous ne sommes pas allés jusqu'à appliquer le programme dans les prisons. C'est logique de le faire car il y a des toxicomanes dans toutes les prisons du Royaume-Uni. Cela fait partie intégrante de la corruption découlant de l'interdiction. Les gardiens de prison sont corrompus, les policiers aussi, et les États sont corrompus dans certaines régions du monde à cause de l'interdiction. Toutefois, nous ne le ferons pas parce que nous ne donnons pas des seringues gratuites à de nombreuses personnes qui souffrent de diverses maladies. C'est une décision politique due à une certaine timidité de la part des politiques. Cependant, le programme d'échange de seringues a été couronné de succès au Royaume-Uni.
La présidente: Malheureusement, étant donné que la consommation de drogues dans les prisons est l'un des dadas de M. Sorenson, il n'a plus de temps. Je sais que cela allait être votre question suivante.
M. Kevin Sorenson: C'est une bonne question.
La présidente: M. Flynn vous a expliqué pourquoi il en est ainsi.
Monsieur Ménard.
[Français]
M. Réal Ménard (Hochelaga--Maisonneuve, BQ): Merci, madame la présidente.
Merci d'être venu nous visiter aujourd'hui. Je vous félicite pour la bataille que vous livrez qui, je crois, a suscité un certain appui de la famille royale.
Des voix: Ah, ah!
M. Réal Ménard: C'est une blague, madame la présidente.
Je veux vous poser trois questions. Ma première question est d'ordre plutôt personnel. De quel comté êtes-vous député? Ensuite, j'aimerais savoir comment vous en êtes venu à vous intéresser à ça. Je vous pose une dernière question juste pour ajouter à notre culture personnelle. Croyez-vous que votre premier ministre, que nous avons accueilli ici même l'an passé, je crois, partage votre point de vue?
Après vous avoir entendu, je vous poserai d'autres questions sur le fond.
[Traduction]
M. Paul Flynn: Ma circonscription est Newport, en Galles du Sud. J'étais chimiste avant d'être député. Je mène campagne avec énergie contre l'utilisation de toutes les drogues, illicites ou non. Il paraît peut-être évident à certains que je souffre d'arthrite, je marche d'une très drôle de façon, mais je n'ai pris aucun médicament contre cette maladie depuis 25 ans. Je suis tout à fait opposé à la consommation de drogues et médicaments, et c'est ma position de départ: l'utilisation de drogues et médicaments est dangereuse, tous ces produits-là sont dangereux. Nous vivons dans une société obsédée par les produits pharmaceutiques. Nous pensons qu'ils peuvent offrir un soulagement à toutes nos douleurs, peines et inconforts. C'est donc mon postulat.
Mes campagnes visent l'utilisation de neuroleptiques chez les particuliers, et la consommation excessive, comme je l'ai dit plus tôt, d'antidépresseurs et d'analgésiques. On nous apprend, on nous conditionne à croire que si nous nous sentons plus tristes aujourd'hui qu'hier, nous sommes malades et nous devons prendre un antidépresseur. Donner un médicament antidépressif à une personne déprimée, c'est comme lui donner un revolver chargé, bien souvent. Moi, je préfère faire disparaître le revolver.
C'est ce qui me motive à m'occuper de cette question. Nous avons une politique qui cause des méfaits sur une grande échelle. Les décès dus à l'héroïne en Grande-Bretagne ne sont pas directement le fait de la drogue elle-même, mais plutôt de l'interdiction visant les drogues. Ce sont nous, parlementaires, qui pouvons changer les choses. Nous pouvons modifier la législation pour que les héroïnomanes soient considérés comme des patients et non des criminels. Le pire, c'est les envoyer en prison.
M. Réal Ménard: Ne parlez pas si vite. Vous parlez plus vite que Hedy Fry.
[Français]
M. Paul Flynn: Je suis désolé. C'est impossible pour moi. Je parle mal le français.
[Traduction]
M. Réal Ménard: Non, vous pouvez parler anglais, mais un peu plus lentement.
M. Paul Flynn: Très bien, je vais essayer.
Voilà ma position sur cette question, et je suis un député militant. On dit généralement de moi que je suscite des controverses. Cela signifie que certaines personnes approuvent tout ce que je dis dix ans après le fait. Je disais la même chose il y a 15 ans. Or, des gens me disent aujourd'hui: Quel sera l'objet de votre prochaine campagne? On se rend compte au Royaume-Uni que nous avons terriblement cafouillé dans ce domaine, et cela vient de tous côtés.
[Français]
M. Réal Ménard: Je comprends que la bataille que vous livrez est une bataille de parlementaires. Vous ne vous présentez pas aujourd'hui devant nous en exprimant la position officielle du British Labour Party. Dans notre parti, on a le droit d'être marginal. Ce n'est pas un problème ici.
[Traduction]
M. Paul Flynn: Les députés d'arrière-ban ont un rôle très honorable à jouer et je vous conseille de visiter mon site Web: vous y trouverez ce que j'ai écrit sur cette question. Il incombe à un député d'arrière-ban de poser des questions à l'exécutif, qu'il s'agisse du même parti ou d'un autre parti. J'ai de nombreux alliés, et je pense que la majorité des députés quel que soit leur parti, seraient d'accord.
Un changement fondamental s'est produit il y a 18 mois, lorsque Ann Widdecombe, personne très connue en Grande-Bretagne qui était candidate à la direction du Parti conservateur, a fait un discours en disant que tous ceux qui consomment du cannabis devraient être emprisonnés. Au sein de son propre parti, sept membres du cabinet fantôme ont déclaré: nous consommons du cannabis et nous ne nous sommes pas retrouvés au fond du caniveau avec une aiguille plantée dans le bras, mais nous nous sommes retrouvés sur les banquettes ministérielles du Parti conservateur—ce qui est quand même beaucoup mieux que d'échouer dans un caniveau.
[Français]
M. Réal Ménard: Si vous me le permettez, je vais poser mon autre question.
Ce que vous avez dit de plus important, quant à moi, c'est que dans une ville comme Amsterdam, où l'on a mis de côté les stratégies prohibitionnistes, la consommation a été réduite de moitié. Dans les pays où l'on continue à avoir des stratégies prohibitionnistes, il y a une augmentation notoire, notamment dans plusieurs pays européens.
Je crois que nous allons nous-mêmes aller à Amsterdam si les choses vont comme il est prévu. Évidemment, il faut s'entendre là-dessus.
Vous pourriez peut-être nous donner un peu plus d'information là-dessus parce que, quant à moi, c'est là que se trouve l'aspect le plus important.
º (1600)
[Traduction]
M. Paul Flynn: Il y a eu une augmentation dans la consommation de certaines drogues à Amsterdam, mais ce n'est pas directement lié à la dépénalisation. Dans son rapport, notre Fondation policière signalait que la consommation de drogues avait augmenté à Amsterdam au lendemain de la légalisation, mais qu'elle avait augmenté bien davantage en Amérique et dans de nombreux autres pays, en Norvège, et en Grande-Bretagne.
Ce n'est pas une science exacte. Nous, les politiques, avons tendance à voir qu'il existe un rapport de cause à effet entre nos politiques et ce qui se passe à l'extérieur. Cette évolution dans la consommation de drogues est le fait de tendances nationales. Aux pays de Galles, nous avons mené une campagne—dont nous étions très fiers—appelée «Smokebusters». C'était une campagne extraordinaire qui s'est déroulée de 1994 à 1998, et où l'on cherchait avant tout à convaincre les jeunes de ne pas fumer. Les organisateurs de la campagne, soit le lobby de l'interdiction, ont dit que c'était très bien, qu'ils avaient dépensé beaucoup d'argent, collé de nombreuses affiches, tenu un grand nombre de réunions, parlé à des milliers de jeunes, et que tout ça devait avoir des résultats formidables. En effet, ce fut une campagne formidable. Le problème, c'est qu'au cours de cette période de quatre ans, le nombre de jeunes femmes qui fument a augmenté de 50 p. 100. Cela n'avait rien à voir avec la campagne. Il en est allé exactement de même à Malte et en Irlande, et peut-être aussi au Canada. La raison, c'est que les jeunes femmes veulent rester minces et qu'elles pensent que le fait de fumer les aidera à le faire. C'est donc lié à une tendance mondiale de la mode.
Je ne cherche pas à vous induire en erreur. Nous partons d'un indice de 100, pour la période 1986-1999, relativement aux décès dus aux drogues. Cet indice de 100, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en Suède et en Suisse, a augmenté pour atteindre respectivement 219, 145, 199 et 144. Les deux pays qui imposent des interdictions ont donc connu un taux d'augmentation deux fois plus important que ceux des pays pragmatiques. C'est la conclusion à laquelle on en est arrivé.
Le succès en Hollande vient du partage du marché. Les jeunes peuvent faire l'expérience du cannabis, et la plupart des jeunes veulent le faire. Ils peuvent le faire sans franchir le cap de l'illégalité et s'exposer à l'attraction des drogues dures. Il y a dans ce pays une politique visant l'entretien des toxicomanes consommateurs de drogues dures. L'âge moyen est un facteur important aux Pays-Bas: il était auparavant de 28 ans, tout comme en Grande-Bretagne au début des années 80; il a atteint aujourd'hui 40 ans, parce que les consommateurs vieillissent et que les jeunes ne commencent pas à consommer ce genre de drogue. Il existe en Hollande un foyer pour les héroïnomanes du troisième âge.
J'ai un bon ami journaliste en Grande-Bretagne, Nick Davis, qui a écrit une polémique brillante au sujet de sa propre famille. Il n'a pas précisé de qui il s'agissait dans sa famille, mais un parent proche est arrivé, et il a découvert qu'il consommait de l'héroïne. Il lui a fallu des mois pour découvrir la source, et il s'agissait d'un médecin. Le médecin a demandé à Nick Davis ce qu'il voulait qu'il fasse. C'était une femme médecin dont le cabinet se trouvait sur Harley Street. Elle lui a dit qu'elle pouvait mettre son parent sur un programme d'entretien en lui fournissant de l'héroïne propre, et qu'il pourrait très bien mener une vie tout à fait normale. Il y a une faible possibilité qu'il s'en sorte, mais c'est un vrai toxicomane. Si je ne lui fournis pas la drogue, il va vous voler, il va voler votre famille, il va voler la société et devenir un criminel. Ce qui le tuera, ce n'est pas l'héroïne, mais plutôt le mode de vie chaotique du toxicomane et l'utilisation de drogues contaminées. Si vous voulez rencontrer une personne qui est un champion passionné de cette cause, Nick Davis a fait une énorme impression devant notre comité spécial.
Je regrette, j'utilise votre temps de parole.
º (1605)
[Français]
M. Réal Ménard: Y a-t-il présentement, au niveau du Parlement européen, des campagnes qui sont engagées et qui regroupent plusieurs formations politiques émanant de différents pays qui sont en faveur d'une position comme celle que vous exprimez devant ce comité?
[Traduction]
M. Paul Flynn: Ce rapport a été approuvé à l'unanimité par le comité de la santé sociale et des affaires familiales. Le conseil proprement dit hésite beaucoup à l'approuver, car il existe en Europe un profond clivage entre les partisans de la prohibition et ceux de la réforme. Les Nations Unies et d'autres, qui font campagne pour la disparition totale des drogues, tiennent la majorité des manettes de la propagande dans ce dossier. Ils exercent une influence dominante dans de nombreux endroits en Europe. Une bataille sérieuse oppose les deux camps au Conseil de l'Europe proprement dit. Le comité qui se penche sur cette question depuis deux ans et qui connaît bien la question a adopté le rapport à l'unanimité. On comprend beaucoup mieux le problème aujourd'hui.
Je ne voudrais pas abuser de votre temps, mais voici la principale conclusion de ce rapport:
Rien ne prouve que les mesures visant à dissuader les toxicomanes ont la moindre incidence sur la consommation de drogues. |
Personne n'a jamais contesté les données et les conclusions du rapport à ce sujet. On ne peut pas établir de liens entre des sanctions sévères, l'emprisonnement des gens et la diminution de la consommation de drogues. Le problème est le même pour le programme de sensibilisation. Il est très difficile de trouver un programme qui a permis, preuves à l'appui, de réduire les méfaits et l'utilisation de la drogue.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Ménard.
Monsieur Lee—et encore une fois merci d'avoir organisé cette rencontre.
M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.): De rien.
Votre présence ici aujourd'hui est très rassurante. Je suis heureux de voir que des assemblées législatives d'autres pays sont un peu plus avancées dans leurs politiques que nous au Canada. C'est l'une des raisons pour lesquelles je suis ravi de vous avoir parmi nous, pour vous poser des questions pertinentes quant à ce qui nous attend un jour prochain.
Vous avez pu voir ce qui se passait dans les autres pays d'Europe, outre la Grande-Bretagne. Convenez-vous que les deux raisons principales pour lesquelles les gens appuient le modèle de la prohibition, c'est parce qu'ils s'appuient sur leur propre vision de la moralité ou parce qu'ils font partie d'une famille de criminels, d'un syndicat du crime et que le modèle de la prohibition représente leur pain quotidien? Faut-il prendre ces deux raisons avec un grain de sel?
M. Paul Flynn: Je pense que c'est bien. Je n'ai jamais compris l'argument moral. Le cannabis fait partie de la nature, c'est un don de Dieu que l'on peut utiliser à bon ou à mauvais escient, comme bien d'autres éléments de la nature. Les drogues chimiques sont différentes. Comme vous l'avez signalé à juste titre, ceux qui appuient avec le plus d'enthousiasme cette campagne sont les trafiquants de drogues eux-mêmes. Ils participent à une industrie merveilleuse, qui vient au second rang en importance dans le monde. Ils ne paient pas d'impôts et ils sont les seigneurs de tous ceux qui dépendent d'eux. Les risques de se faire prendre sont de moins en moins grands d'année en année. Le gros problème, c'est que si un gamin qui vit du mauvais côté de ma ville, dans ma circonscription, n'a pas reçu une bonne éducation, n'a pas suivi de formation, la seule façon pour lui de se procurer une BMW lorsqu'il sera grand, c'est de participer au commerce la drogue. C'est un choix qu'il fera.
Il existe dans le monde entier un énorme marché des drogues, et il existe à mon avis un problème plus grand encore, qui pose de sérieux dangers pour nous, si nous suivons la voie des Américains en Colombie, c'est le fiasco total de la politique américaine. Les Nations Unies ont actuellement pour politique, si absurde que cela puisse paraître, de détruire toutes les cultures de pavot et de coca. On pénalise un pays du tiers monde pour lequel le coca est un aliment de base servant à lutter contre le mal des montagnes et à réduire l'appétit. C'est un Occidental—je suis sûr que c'était un homme et non une femme—qui a découvert que si l'on prend ce produit sans le manger, sans que la salive n'entre en contact avec lui, il a un effet hallucinogène.
Le grand risque pour le moment, et c'est l'argument contraire que d'autres avanceraient, c'est l'Afghanistan où les Talibans ont réussi pendant leur règne à réduire de 91 p. 100 la culture du pavot, tandis que celle-ci a triplé chez nos camarades d'armes de l'Alliance du Nord. Nous risquons de voir, s'ils appliquent cette politique colombienne des États-Unis, et que le monde suit leur exemple, en Afghanistan, la colombianisation de ce pays, du Pakistan, du Myanmar, du Turkmenistan, etc. On risque de voir une région énorme connaître les mêmes problèmes que la Colombie connaît aujourd'hui.
º (1610)
M. Derek Lee: J'ai lu avec plaisir un rapport du Myanmar, où les responsables étaient heureux d'annoncer qu'ils avaient brûlé une colline de culture de pavot et qu'ils essayaient de former les agriculteurs locaux à la culture du sarrasin importé du Japon. C'est, je suppose, une sorte de modèle multi-culturaliste de la lutte contre la drogue, avec des hélicoptères américains survolant la jungle dans des régions éloignées—autant de choses qui n'ont pratiquement aucune incidence au centre-ville de Toronto.
M. Paul Flynn: On essaie de résoudre les problèmes dans les rues de Chicago en appauvrissant encore davantage un pays du tiers monde. Comment peut-on ne pas considérer comme un fiasco monumental la politique antidrogue des États-Unis au cours des 40 dernières années, cela m'échappe. Il suffit de voir les gens dans les prisons. Il y en a 133 pour 100 000 au Canada, je pense. Au Royaume-Uni, le taux est de 120 pour 100 000, ce qui est beaucoup plus que la moyenne des pays d'Europe. Les Américains ont en moyenne 700 personnes sur 100 000 qui sont détenues, la plupart pour des infractions liées à la drogue.
M. Derek Lee: Vous qui voyez les États-Unis d'Amérique depuis plus loin que nous, pensez-vous qu'ils ont enregistré certains succès dans cette politique?
M. Paul Flynn: Les États-Unis?
M. Derek Lee: Avez-vous enregistré certaines marques de succès aux États-Unis, grâce à leur politique qui se veut prohibitionniste? En voyez-vous des preuves depuis l'Europe?
M. Paul Flynn: Pas du tout. Nous sommes aussi proches de l'Amérique que vous sur le plan culturel, et nous sommes tous envahis par les Simpsons et Frasier et tout le reste de l'Amérique, mais la politique antidrogue de ce pays est et a toujours été un vrai fiasco. Il y a eu aux États-Unis des commissions dont les rapports ont été jetés à la poubelle par les politiques. Reagan s'est débarrassé du rapport qu'il avait reçu. Toutes les commissions qui ont présenté un rapport se sont penchées sur ce problème en Grande-Bretagne, dans les Amériques, et toutes ont déclaré que les politiques sont un échec et qu'il faut trouver une autre stratégie.
Et ce sont les politiques. C'est une façon facile de gagner des électeurs. Il suffit de dire: je suis contre la drogue et le prochain gouvernement dira: je suis encore plus contre la drogue, alors qu'en fait ses politiques ne sont pas sévères, elles sont stupides et inutiles. Aucun parti en Grande-Bretagne n'a osé dire qu'il n'allait pas adopter une politique stricte mais plutôt une politique intelligente qui réussit vraiment à réduire les méfaits de la drogue. En Grande-Bretagne, les statistiques sont très révélatrices en ce qui a trait aux décès liés à la toxicomanie, et il n'y a jamais eu une baisse véritable depuis l'adoption d'une vraie politique d'interdiction en 1971.
Les États-Unis aiment bien dire qu'ils ont franchi un tournant. Tous les présidents l'ont dit. Ils ont tellement souvent pris un tournant qu'ils ont déjà fait le tour du quartier une douzaine de fois, mais ils sont toujours confrontés aux pires problèmes du monde et continuent d'avoir l'audace de nous faire la morale. Il y au aux États-Unis une énorme industrie de la prohibition. Il y a en Amérique des initiatives comme le programme DARE pour l'éducation, et rien ne porte vraiment fruit. Aucune analyse indépendante portant sur ces initiatives n'a révélé qu'elles ont vraiment permis de réduire les méfaits de la drogue, mais les États-Unis exportent quand même ces programmes.
º (1615)
M. Derek Lee: À Montréal, nous avons entendu des témoignages selon lesquels—si l'on peut parler de point de référence—80 p. 100 de nos billets de 20 $ sont recouverts d'ions de cocaïne détectables par nos machines de détection spéciales. Cela en dit long.
M. Paul Flynn: C'est évident.
M. Derek Lee: En tant que décideur élu au Royaume-Uni, pensez-vous que la démarche pragmatique réformiste a eu des répercussions négatives, sur le plan politique, sur les élus de votre pays? Il y a des réticences, il y a une mollesse politique dans ce secteur, et nombre de mes collègues à la Chambre des communes hésiteraient à adopter une politique réformiste, pour certaines raisons dont vous avez parlé, et ils ont tout simplement peur des conséquences politiques. Pourriez-vous dire au comité si vous avez été témoin de telles conséquences négatives du point de vue politique?
M. Paul Flynn: Je suis le plus franc des politiques britanniques dans ce domaine depuis 1987. J'ai été élu comme conservateur et ma majorité augmente à chaque fois. J'ai perdu des voix pour cette raison, surtout parmi les personnes âgées, mais j'espère en gagner parce que je m'intéresse de près aux questions touchant le troisième âge, vu mon grand âge. J'ai 67 ans et je suis retraité, de sorte que toutes ces questions m'intéressent aussi vivement. En revanche, j'ai gagné énormément de voix chez les jeunes en général, les jeunes qui d'habitude ne votent même pas mais qui, s'ils décident d'aller voter, voteront pour moi. Ce n'est pas parce qu'ils veulent utiliser de la drogue, mais parce qu'ils voient que j'essaie de comprendre. Il y a un contact entre nous, tandis que, étant donné le discours des principaux partis, on a l'impression qu'ils s'adressent à une espèce venue d'une autre planète, car ils leur parlent avec condescendance, leur font la morale, et que l'expérience des jeunes est très différente.
Comment expliquer qu'il y ait en Grande-Bretagne de deux ou trois millions de personnes qui prennent de l'ecstasy toutes les semaines? C'est une drogue dont j'ai horreur, en tant que père et grand-père, à cause de ses effets inconnus sur l'activité mentale. Cette drogue trouble l'activité mentale. Elle est au moins aussi dangereuse que le Prozac, à mon avis. Cela m'inquiète vivement. Toute drogue qui perturbe le fonctionnement du cerveau au cours d'une longue période a des effets incertains, mais les jeunes l'acceptent et deux ou trois millions d'entre eux l'utilisent. Cette drogue fait parfois des morts, mais ceux-ci sont rares par rapport aux décès dus aux médicaments ou à d'autres drogues. Les jeunes refusent toutefois de croire qu'elle est aussi dangereuse que l'héroïne ou la cocaïne, comme le stipule la législation britannique. Il y a eu des cas horribles de jeunes étudiants dont la vie a basculé parce qu'ils ont été arrêtés et emprisonnés pendant deux ou trois ans pour avoir consommé d'une drogue que prennent des millions de leurs amis.
M. Derek Lee: Merci.
La présidente: Pourquoi ne pas simplement supprimer la loi? Que se passerait-il alors? Si on laisse les coudées franches à ceux qui vendent de l'héroïne et de la cocaïne, un beau jour ils en vendront peut-être à vos petits-enfants. Êtes-vous quand même en faveur de certaines limites?
M. Paul Flynn: Cette stratégie a déjà été mise à l'essai, par la Suède il y a un certain temps. La Suisse a mis à l'essai les parcs de seringues, une idée désastreuse, où il y avait des zones ouvertes à tous. Aucun défenseur sérieux de cette cause ne peut préconiser ce genre de chose. Il faut qu'il y ait des mesures de contrôle, des choses autorisées et d'autres non. Lorsqu'on va en Hollande, on voit les mesures de contrôle qui sont en place. On ne peut pas vendre de drogue en même tant que de l'alcool, et on ne peut pas en vendre aux mineurs. Il nous faut une stratégie assortie de mesures de contrôle strictes tout comme pour la vente de l'alcool à l'heure actuelle. Ce serait loin d'être parfait, mais je suis convaincu que les méfaits seront moindres en vertu d'une légalisation déréglementée et contrôlée que si l'on confie tout ce commerce à des gens qui ne respectent aucune règle, pas plus que les principes commerciaux courants.
La présidente: Dans le cadre d'une telle stratégie, y aurait-il une garantie quant à la qualité ou l'uniformité des règles relatives aux drogues?
M. Paul Flynn: Si le cannabis est légalisé en Grande-Bretagne, la première campagne visera à empêcher les gens d'en fumer, à recommander aux femmes enceintes et aux enfants de ne pas en consommer. À l'heure actuelle, si on recommande ce genre de chose, on met de côté ce gouvernement dépassé qui n'a aucune crédibilité. Il faudrait offrir une aide véritable. Les dangers sont sérieux. Je le répète, s'agissant de l'ecstasy, mes enfants ont dit qu'il fallait absolument éviter d'en prendre, mais que si on en prenait, il fallait éviter que sa température monte, boire plus d'une pinte d'eau par heure, ne jamais en consommer seul mais le faire avec des amis, appeler un médecin si l'on a des problèmes et ne pas s'inquiéter. Si on donne de simples conseils aux gens, on évite des décès. Nous avons tendance à oublier ce que nous éprouvions à 15 ans, quand mes parents me disaient, comme l'ont fait nombre de parents à l'époque, de ne pas fumer ni boire de la bière. À la première occasion qui nous était donnée, nous le faisions.
º (1620)
La présidente: Beaucoup de gens nous ont dit que nous devions faire preuve de leadership, que nous devions avoir un tsar de la drogue, un point central au sein du gouvernement qui s'occupe de toutes ces questions. Je pense qu'en partie les gens sont frustrés que techniquement nous ayons une politique en matière de drogues dont toute une série de différents ministères s'occupent, mais ces derniers semblent passer plus de temps à organiser des réunions ou à se réunir, sans vraiment faire quoi que ce soit de concret. Je vous ai entendu dire dans vos remarques liminaires, que vous n'étiez pas en faveur d'un tsar de la drogue ou d'un leader à cet égard.
M. Paul Flynn: Ce fut la dérobade en Grande-Bretagne. Le gouvernement est intervenu et a demandé ce qu'il fallait faire au sujet de la drogue, qui est un gros problème. Il a refusé de s'y attaquer. Un membre distingué du dernier gouvernement a dit très ouvertement qu'elle voulait s'y attaquer, opter pour la décriminalisation. La raison pour laquelle on ne l'a pas fait c'est qu'on craignait les retombées politiques, on craignait d'être accusés d'être mous à l'égard de la drogue. Cela a donné pour résultat plusieurs centaines de décès en Grande-Bretagne qui auraient pu être évités. J'ai dit sans ambages à Tony Blair qu'il avait tué des gens. En politique, on ne peut pas toujours bien faire, mais on devrait éviter de causer des préjudices, et la politique de mon parti et de tous les autres partis en Grande-Bretagne a tué des Britanniques qui seraient toujours en vie aujourd'hui si nous avions adopté une politique plus pragmatique, la politique néerlandaise.
Ce que nous avons fait, c'est donner l'apparence d'activité. On nomme un tsar de la drogue, et on fait beaucoup de publicité à ce sujet. Le tsar de la drogue que nous avons nommé était distingué, car pour un policier, il avait la coupe de cheveux la plus coûteuse de tout l'hémisphère Nord, mais sa carrière ne se distinguait pas d'autre façon. C'était un triste personnage.
Nous avons ensuite décidé de dépenser plus d'argent pour la bureaucratie, et nous avons envoyé partout des équipes d'intervention pour la drogue. Ce que nous avons fait, c'est faire en sorte que tout le monde fasse la même chose que nous avons toujours faite—peu importe de quelle façon on s'y prend, c'est toujours la même chose, ce n'est pas sérieux. On met sur pied toute une bureaucratie qui n'arrive pas à faire quoi que ce soit. Encore une fois, cela donne une apparence d'activité. Que fait-on vraiment au sujet de la drogue? Nous mettons sur pied des équipes d'intervention, nous avons un tsar de la drogue.
De toutes les choses que nous avons faites, la seule qui était utile a été d'augmenter le traitement. C'est une honte en Grande-Bretagne. Étant donné le poste que j'occupe, je reçois de nombreux appels de mères. Une mère m'appelle et me dit qu'elle achète de l'héroïne pour son fils, et je dois lui dire que c'est sans doute ce que ferait une mère qui aime son fils. S'il devait aller dans la rue commettre un crime, il aurait un mode de vie chaotique et sa vie serait en danger. C'est ce que doivent faire des parents qui aiment leurs enfants. Peut-elle l'envoyer se faire traiter? Oui, elle peut le faire, six mois à la fois. Comme vous le savez tous, dans ce domaine, les toxicomanes, visages tristes, se retrouvent soudainement avec un changement dans leur vie, un décès, une aventure amoureuse, quelque chose change et ils veulent cesser de prendre de la drogue. Cette situation ne dure peut-être que quelques heures, quelques jours, et ils croient que le traitement sera un succès. S'ils attendent six mois, ils seront peut-être morts, ou ils n'auront jamais à nouveau la volonté de renoncer à la drogue.
La présidente: Je suis désolée si mes questions sont décousues, il n'y a pas de thème central, mais je crois avoir vu un documentaire. Si j'ai bonne mémoire, il s'agissait de Liverpool et les gens avaient un programme d'entretien pour l'héroïne. Je me demande ce qui est arrivé à ce programme.
Vous avez aussi mentionné la question des prisons. Certaines personnes disent que nous avons des règles, qu'il suffit de les respecter. Quel est le problème? Ils n'ont qu'à obéir à la loi.
M. Paul Flynn: C'est une triste histoire, le projet Mersey, car l'affaire était menée par un médecin visionnaire qui prescrivait de l'héroïne à ses patients. Les résultats étaient spectaculaires. Le taux de criminalité a diminué, les magasins Woolworths locaux lui ont accordé une subvention, car le vol à l'étalage avait presque disparu. Cet essai a eu un énorme succès, et j'ai bien peur que ce soit les forces du mal qui l'aient forcé à prendre fin.
º (1625)
La présidente: Ah bon, le programme a pris fin.
M. Paul Flynn: Le médecin en question vit maintenant en Nouvelle-Zélande. Si on regarde cet essai et l'essai Suisse, les arguments sont fermement renforcés par l'expérience. C'est dommage que nous n'ayons pu reproduire cela en Grande-Bretagne, mais c'est ce que recommandera, je pense, le comité de l'intérieur.
Je ne voudrais pas être méchant envers les Conservateurs, et j'aurais dû parler du cas de la famille royale, car il y a une longue tradition d'usage de drogues dans la famille royale. La reine Victoria, qui orne votre bibliothèque ici, a fait usage de cannabis pendant toute sa vie adulte. L'une des meilleures polémiques a été écrite par Alan Duncan, l'un des Conservateurs les plus en vue dans l'opposition à l'heure actuelle. Les Conservateurs libertariens en Grande-Bretagne font valoir que nous ne devrions pas nous ingérer ainsi dans la vie des gens. Cela ne se limite donc pas à un côté du spectre politique, et des gens dont les positions sont fondées sur des principes et qui proviennent de tous les horizons politiques appuient les réformes sous forme de décriminalisation.
La présidente: Et lorsqu'il s'agit de suivre les règles et de respecter les lois, particulièrement lorsqu'on se retrouve en prison?
M. Paul Flynn: Vous pouvez répéter?
La présidente: Lorsqu'on parle de respecter les lois, particulièrement dans nos établissements correctionnels: la loi existe, il faut cesser de faire usage des drogues, alors pourquoi y a-t-il un tel problème de drogue?
M. Paul Flynn: Par établissements correctionnels, vous voulez parler des prisons et ainsi de suite?
Nous avons un groupe à la Chambre des communes qui a entendu des témoignages au sujet des drogues dans les prisons. Un jour, nous avons reçu une lettre qu'un Conservateur député qui est décédé depuis, Alan Clark, avait reçue d'un de ses électeurs, un policier, qui disait que dans cette prison en particulier où nous avions entendu des témoignages certains gardiens se faisaient payer 1 000 £ livres par semaine pour laisser entrer les drogues. L'usage de drogues dans les prisons britanniques a atteint un point où si c'était les visiteurs qui faisaient entrer la drogue, ils arriveraient chaque semaine avec des camions pleins de drogues. Avec la prohibition, on a la corruption, et il est reconnu que l'usage de drogues dans les prisons est attribuable en partie à la corruption des policiers. Le gouverneur a comparu devant nous, et nous lui avons posé les questions suivantes: Pourquoi y a-t-il autant de drogue? Qui fait entrer la drogue? Vous fouillez les prisonniers—comment peuvent-ils réussir à faire entrer autant de drogue? Comment la drogue peut-elle être aussi facilement disponible? Il a explosé et il a répondu: Vous rendez-vous compte de l'argent que cela représente? Il a pratiquement dit qu'il s'agissait là d'un commerce de millions de livres.
Les drogues déterminent le régime disciplinaire dans les prisons. On dit qu'à Swansea dans le pays de Galles, la police avait fait une descente et nettoyé tout le cannabis des rues, et que par conséquent on a fait sortir la drogue en contrebande de la prison de Swansea pour la vendre dans les rues, car c'est là où se trouvait le marché. Cela a sans doute été une bonne chose, car en Irlande, à une certaine période il y a eu une famine de cannabis et les jeunes se sont mis à prendre de l'héroïne.
Nous avons là un marché extraordinaire dans les prisons, mais les prisons représentent pour nous un échec, car si on ne peut empêcher les drogues d'entrer dans un milieu fermé qui se trouve derrière des murs de 30 pieds de haut, avec des barrières de sécurité, quelles sont alors nos chances d'empêcher qu'elles entrent dans les clubs, les pubs et les écoles? C'est abslolument peine perdue.
La présidente: Monsieur Flynn, c'est vraiment dommage que vous ne puissiez rester avec nous pendant de nombreuses heures encore.
Vous avez une observation à faire rapidement, monsieur Sorenson?
M. Kevin Sorenson: J'ai une question et deux petites observations.
Tout d'abord, j'ai demandé des éclaircissements pour dissiper deux idées fausses. Monsieur Lee, je pense que c'est vous qui avez dit que 80 p. 100 des billets de 20 $ portaient des traces de résidus de drogue.
M. Derek Lee: De cocaïne.
M. Kevin Sorenson: De cocaïne. Merci pour cette précision. Pendant toutes ces semaines, je pensais que 80 p. 100 de vos billets de 20 $ portaient des traces de résidus de cocaïne.
Cela vaut également la peine de mentionner l'observation sur ce que nous appelons les centres d'injection légale. Je ne sais pas exactement comment on les appelle en Suède, mais vous avez dit qu'ils étaient un désastre.
M. Paul Flynn: Non. Ceux de Hollande, d'Allemagne et de Suisse fonctionnent très bien.
La présidente: Ce qui n'a pas bien fonctionné, c'est le «parc des seringues» à Zurich.
M. Paul Flynn: Le parc des seringues a été un désastre en Suisse. Dans certains secteurs, c'était l'anarchie. Non seulement les drogues y étaient utilisées librement, mais il y avait aussi d'autres activités illégales.
La présidente: Nous avions nous aussi quelque chose de semblable.
M. Paul Flynn: Si on regarde les résultats en Suisse, on constate une hausse pendant la période où il y avait les parcs de seringues. À l'heure actuelle, il y a une baisse. Leur principal succès est l'injection d'héroïne sous surveillance. Cela a été un succès remarquable à Zurich.
M. Kevin Sorenson: Êtes-vous prêt à accroître la toxicomanie dans la population pour réduire les méfaits de la drogue?
º (1630)
M. Paul Flynn: Non. Je ne pense pas que cela se produira. Je pense qu'à l'heure actuelle nous avons presque atteint un niveau de saturation en ce qui concerne la toxicomanie. Quiconque désire prendre des drogues peut les prendre librement, et le problème, particulièrement chez les jeunes, c'est la pression des pairs, surtout, pour prendre de la drogue illicite.
Je vais vous donner un dernier exemple. Vous avez été très généreux de votre temps. Un exemple de ce qu'il ne faut pas faire, c'est ce qui s'est passé aux États-Unis dans les années 50 et 60. L'usage de drogues dans les grandes villes était tellement répandu, qu'ils ont décidé d'aller dans les Prairies. Ils ont envoyé des équipes pour dire aux jeunes qu'ils ne devaient pas prendre de drogue. Ils ont envoyé des toxicomanes de 29 ou 30 ans, les cheveux longs, des gens attrayants, qui jouaient de la guitare, chantaient des chansons, pour dire aux jeunes enfants dans les écoles qu'ils ne devaient pas prendre de drogue, qu'eux l'avaient fait, en avaient fait l'expérience, qu'ils avaient essayé toutes les sortes de drogues. Ils leur ont dit qu'ils s'étaient livrés à des expériences dégradantes, des orgies sexuelles, que cela était terrible et qu'ils ne devaient pas prendre de drogues, car leurs parents n'aimeraient pas cela, que c'était très vilain. Imaginez, si vos parents ne veulent pas que vous preniez de la drogue et que c'est une vilaine chose à faire—que pensez-vous que les enfants veulent? C'est là une offre très dangereuse, irrésistible pour les jeunes. Tous les jeunes savaient qu'ils étaient immortels, qu'ils n'allaient jamais mourir de toute façon. Par la suite aux États-Unis, il est aussi sûr que la nuit suit le jour qu'on a dû ensuite mettre en place des programmes d'éducation antidrogue.
Je pense que souvent, les gens sont bien intentionnés et tentent de réduire les méfaits de la drogue, mais en fait, ils les augmentent. C'est ce qui se passe je crois aux États-Unis et dans le reste du monde, je crois que la prohibition est l'ennemi, la prohibition a alimenté la dépendance pour toutes les drogues. Si on regarde ce qui se passait avant 1920, avant 1960, c'est extrêmement convaincant.
La présidente: Merci. Nous allons prendre des dispositions pour que vous dîniez avec M. Sorenson ce soir et peut être aussi avec M. Lee. En fait, ce serait utiliser le budget du comité à bon escient. Ça été formidable de profiter de votre expérience. Ce n'est pas facile d'être pionnier—quel terme avez-vous utilisé?
M. Paul Flynn: De susciter la controverse.
La présidente: De susciter la controverse, désolée. Il est clair que vous faites des progrès dans votre propre pays. Certaines choses dont vous nous avez parlé aujourd'hui nous encouragent et nous donnent aussi peut-être matière à réflexion. Je crois que vous avez un site Web, monsieur Flynn.
M. Paul Flynn: Oui.
La présidente: Je vais en obtenir l'adresse pour tous les membres du comité, et nous pourrions peut-être recevoir des mises à jour de temps à autre.
M. Paul Flynn: Certainement. Si vous venez en Europe, laissez-moi savoir. Je peux vous proposer des gens que vous devriez rencontrer pour entendre les pours et les contres, afin que vous ne perdiez pas votre temps car il y a encore, même en Europe, des gens qui vivent toujours dans le passé. Il y a des exemples dramatiques de la façon dont la prohibition a été un échec en Europe. Tout cela est en train de changer.
La présidente: Nous apprécions aussi votre passion pour la question, et nous vous souhaitons bonne chance dans votre carrière de parlementaire. C'est gentil d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer. Je ne sais pas exactement quelles étaient vos autres options, mais nous vous remercions vraiment pour le travail que vous faites pendant que vous êtes ici.
Merci beaucoup.
M. Paul Flynn: Tout le plaisir est pour moi.
La présidente: Chers collègues, je vais lever la séance, mais ne quittez pas la salle. La prochaine réunion aura lieu demain au 536 Wellington. Nous recevrons le ministère de la Santé.