SNUD Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 18 avril 2002
¿ | 0905 |
¿ | 0915 |
M. John Graham (directeur exécutif, Charles J. Andrew Restoration Centre) |
La présidente |
La présidente |
M. Shaun Black |
La présidente |
M. Shaun Black |
La présidente |
M. Shaun Black |
La présidente |
M. Randy White (Langley--Abbotsford, Alliance canadienne) |
¿ | 0920 |
La présidente |
M. Shaun Black |
La présidente |
M. Shaun Black |
La présidente |
M. Shaun Black |
¿ | 0930 |
Une voix |
La présidente |
M. Shaun Black |
La présidente |
M. Shaun Black |
M. Randy White |
M. Shaun Black |
¿ | 0935 |
La présidente |
M. Derek Lee (Scarborough--Rouge River, Lib.) |
M. Shaun Black |
M. Derek Lee |
M. Shaun Black |
M. Derek Lee |
M. Shaun Black |
M. Derek Lee |
M. Shaun Black |
M. Derek Lee |
M. Shaun Black |
M. Derek Lee |
La présidente |
M. Randy White |
M. Shaun Black |
¿ | 0940 |
M. Randy White |
M. Shaun Black |
La présidente |
Une voix |
La présidente |
M. Shaun Black |
¿ | 0945 |
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne) |
M. Shaun Black |
M. Shaun Black |
M. Randy White |
M. Shaun Black |
M. Kevin Sorenson |
M. Shaun Black |
La présidente |
M. Shaun Black |
La présidente |
M. Shaun Black |
¿ | 0950 |
La présidente |
M. Réal Ménard (Hochelaga--Maisonneuve, BQ) |
La présidente |
À | 1000 |
M. John Graham |
À | 1025 |
Mme Cindy MacIsaac (directrice des programmes, Direction 180) |
M. Randy White |
À | 1030 |
La présidente |
Mme Cindy MacIsaac |
M. Randy White |
La présidente |
M. Randy White |
La présidente |
M. Randy White |
La présidente |
M. Réal Ménard |
M. Shaun Black |
À | 1035 |
M. Réal Ménard |
M. Shaun Black |
M. Réal Ménard |
M. Shaun Black |
M. Réal Ménard |
La présidente |
À | 1040 |
M. Shaun Black |
M. Réal Ménard |
La présidente |
M. Réal Ménard |
M. Shaun Black |
La présidente |
Mme Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.) |
À | 1045 |
La présidente |
Mme Cindy MacIsaac |
La présidente |
Mme Hedy Fry |
Mme Cindy MacIsaac |
Mme Hedy Fry |
M. Shaun Black |
La présidente |
M. John Graham |
À | 1050 |
Mme Hedy Fry |
M. John Graham |
Mme Hedy Fry |
M. John Graham |
La présidente |
M. Kevin Sorenson |
La présidente |
M. John Graham |
À | 1055 |
La présidente |
M. Shaun Black |
M. Kevin Sorenson |
M. Shaun Black |
M. Kevin Sorenson |
La présidente |
M. Kevin Sorenson |
M. Shaun Black |
La présidente |
M. Kevin Sorenson |
La présidente |
M. Kevin Sorenson |
La présidente |
M. Kevin Sorenson |
M. Shaun Black |
La présidente |
M. Shaun Black |
M. Kevin Sorenson |
M. Shaun Black |
Mme Cindy MacIsaac |
M. Shaun Black |
M. Kevin Sorenson |
M. Shaun Black |
M. Kevin Sorenson |
M. Shaun Black |
M. Kevin Sorenson |
M. Shaun Black |
M. Kevin Sorenson |
M. Shaun Black |
Mme Cindy MacIsaac |
M. Kevin Sorenson |
M. Shaun Black |
La présidente |
M. John Graham |
M. Kevin Sorenson |
La présidente |
M. Kevin Sorenson |
La présidente |
M. Derek Lee |
Á | 1105 |
Mme Cindy MacIsaac |
M. Derek Lee |
M. Shaun Black |
M. Derek Lee |
M. Shaun Black |
M. Derek Lee |
M. Shaun Black |
M. Derek Lee |
M. Shaun Black |
M. Derek Lee |
M. Shaun Black |
M. Derek Lee |
M. Shaun Black |
M. Derek Lee |
M. Shaun Black |
M. Derek Lee |
M. Shaun Black |
M. Derek Lee |
M. Shaun Black |
M. Derek Lee |
Mme Cindy MacIsaac |
M. Derek Lee |
Mme Cindy MacIsaac |
Á | 1110 |
M. Derek Lee |
Mme Cindy MacIsaac |
M. Derek Lee |
Mme Cindy MacIsaac |
M. Derek Lee |
Mme Cindy MacIsaac |
M. Derek Lee |
Mme Cindy MacIsaac |
M. Derek Lee |
La présidente |
M. Derek Lee |
La présidente |
M. Shaun Black |
M. Derek Lee |
M. Shaun Black |
Á | 1115 |
M. Derek Lee |
La présidente |
M. Derek Lee |
La présidente |
M. Derek Lee |
La présidente |
M. Derek Lee |
M. Shaun Black |
La présidente |
M. Shaun Black |
Á | 1120 |
M. Derek Lee |
M. Shaun Black |
La présidente |
M. Derek Lee |
La présidente |
M. Shaun Black |
La présidente |
M. Shaun Black |
La présidente |
M. Shaun Black |
La présidente |
M. Réal Ménard |
La présidente |
Á | 1125 |
M. Shaun Black |
La présidente |
M. Shaun Black |
La présidente |
M. Shaun Black |
La présidente |
M. Derek Lee |
La présidente |
M. Shaun Black |
La présidente |
M. Shaun Black |
La présidente |
M. Shaun Black |
La présidente |
M. Shaun Black |
La présidente |
M. Shaun Black |
Á | 1130 |
La présidente |
M. Shaun Black |
M. Kevin Sorenson |
M. Shaun Black |
La présidente |
M. Shaun Black |
La présidente |
M. Shaun Black |
La présidente |
M. Shaun Black |
M. Kevin Sorenson |
La présidente |
M. Derek Lee |
Mme Cindy MacIsaac |
M. Derek Lee |
Mme Cindy MacIsaac |
M. Derek Lee |
La présidente |
Mme Cindy MacIsaac |
M. Derek Lee |
Á | 1135 |
La présidente |
Mme Cindy MacIsaac |
La présidente |
Mme Cindy MacIsaac |
La présidente |
M. John Graham |
La présidente |
Mme Cindy MacIsaac |
Á | 1140 |
La présidente |
M. Shaun Black |
La présidente |
M. John Graham |
La présidente |
CANADA
Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le jeudi 18 avril 2002
[Enregistrement électronique]
¿ (0905)
[Traduction]
La présidente (Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.)): Bonjour. Je déclare ouverte cette séance et je souhaite la bienvenue à nos invités.
Nous sommes le Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments. Ce comité a été constitué en mai 2001 et il a pour mandat d'examiner la situation au Canada et de présenter des recommandations.
Nous sommes très heureux d'être ici à Halifax. Nous avons rencontré d'excellents groupes de témoins cette semaine, tant ici à Halifax que dans l'Île-du-Prince-Édouard.
Nous sommes très heureux d'accueillir John Graham, directeur exécutif du Charles J. Andrew Youth Restoration Centre. Du ministère de la Santé de la Nouvelle-Écosse, nous avons aussi Shaun Black, un pharmacologue qui travaille sur la pharmacodépendance dans la région centrale. Et enfin, pour Direction 180, nous avons Cindy MacIsaac, directrice de programme.
Bienvenue à tous. Je pense que vous avez déjà eu l'occasion de faire connaissance avec quelques-unes des personnes assises à cette table, mais je vais simplement les passer rapidement en revue.
Je suis Paddy Torsney. Je suis députée de Burlington, en Ontario, tout près de Toronto, et je préside ce comité.
Randy White est vice-président du comité, il est député de l'Alliance canadienne pour Langley--Abbotsford, une circonscription à environ une heure de Vancouver. Kevin Sorenson est aussi député de l'Alliance canadienne pour Crowfoot, dans le centre de l'Alberta. Réal Ménard est député bloquiste et représente la partie de Montréal appelée Hochelaga--Maisonneuve. Derek Lee est député libéral de Scarborough--Rouge River, qui fait partie de Toronto. Et Dominic LeBlanc est aussi député libéral et représente la circonscription de Beauséjour--Petitcodiac au Nouveau-Brunswick.
Marilyn Pilon et Chantal Collin sont nos attachées de recherche, avec lesquelles vous avez déjà peut-être bavardé.
Carol Chafe, avec laquelle vous avez certainement déjà discuté, est notre greffière. Si vous avez d'autres renseignements, d'autres idées, des témoins ou des personnes que vous voudriez nous suggérer d'entendre, c'est à elle qu'il faut transmettre ces informations pour qu'elle nous les répercute.
Et nous avons une superbe équipe derrière nous qui assure le bon déroulement de ces audiences—et tout d'abord, ils vous prient de ne pas toucher les micros—en nous fournissant l'interprétation de tout ce que nous disons dans les deux langues officielles.
Nous sommes aussi très heureux que Mme Hedy Fry fasse partie du comité. Elle vient de Vancouver-Centre.
Il y a aussi d'autres députés qui sont membres de ce comité mais qui ne sont pas présents ici. Néanmoins, ils reçoivent toutes les informations car nos délibérations sont enregistrées électroniquement, et ces informations seront d'ailleurs mises à votre dispositions et à la disposition de vos amis.
Alors, pourquoi ne pas commencer dans l'ordre où je vous ai présentés? Nous allons vous donner une dizaine de minutes par exposé. Je vous ferai signe quand vous serez arrivés à huit minutes, et si vous continuez vraiment, je vous ferai signe que votre temps est expiré. Si vous pouvez vous en tenir à 10 minutes, nous aurons plus de temps pour la période de questions et réponses. Et notre séance devrait durer environ jusqu'à 11 heures.
Monsieur Graham.
¿ (0915)
M. John Graham (directeur exécutif, Charles J. Andrew Restoration Centre): En fait, c'est Shaun qui est prêt à commencer, et nous changerons ensuite.
La présidente: Parfait.
Monsieur Black, c'est à vous.
M. Shaun Black (pharmacologue, Central Region, Nova Scotia Drug Dependency Services, ministère de la Santé, Gouvernement de la Nouvelle-Écosse): Bonjour à tous. Je m'appelle Shaun Black. Comme vous le savez, je suis pharmacologue aux Drug Dependency Services.
Ce que je souhaite faire ce matin, c'est essentiellement examiner les rapports sur la fréquence d'usage de drogues dans la province de Nouvelle-Écosse; évoquer la santé de la population et les retombées de la toxicomanie, et enfin parler très brièvement de la nicotine, de la caféine, de la marijuana, de l'ecstasy et des drogues utilisées pour faciliter les viols par une connaissance, le flunitrazépam et le gamma hydroxybutyrate, ou GHB.
Vous avez ici les informations statistiques sur l'ensemble de la province pour l'année civile allant de janvier 2001 à décembre 2001, pour l'alcool, la nicotine, le cannabis, la benzodiazépine, la cocaïne et les opiacés. Les colonnes rouges représentent les hommes et les colonnes bleu sarcelle les femmes. Vous avez là le pourcentage de consommation déclarée par les personnes qui font appel aux services dans toute la province.
Comme on peut s'y attendre dans une agence de traitement des toxicomanes, l'alcool est la drogue la plus fréquemment mentionnée, suivie par la nicotine. Dans le domaine de la toxicomanie, on commence à concentrer de plus en plus les initiatives de prévention et de traitement sur la cigarette et la nicotine et leur consommation par les adolescents comme les adultes.
Le cannabis est aussi l'une des drogues les plus fréquemment signalées. Les benzoates et les opiacés d'ordonnance viennent en quatrième et cinquième positions. Et ici, dans les Maritimes, il est certain qu'il y a aussi un approvisionnement en cocaïne aussi bien sous forme de chlorhydrate que de cocaïne épurée.
La présidente: Excusez-moi de vous interrompre, monsieur Black, mais OH, c'est l'alcool?
M. Shaun Black: Oui, excusez-moi. C'est ma déformation de chimiste.
Souvenons-nous que quand on parle de démarche axée sur la santé de la population, on examine la totalité de la population ou de certains groupes de cette population et on étudie les inégalités au sein de ces groupes. La notion de déterminants de la santé est fondamentale dans ce contexte. Notre organisation s'est appuyée sur une démarche de santé de la population pour étudier le problème de l'alcool dans la région centrale.
Vous avez ici une ventilation démographique de la population. Si vous ne connaissez pas Halifax, disons que la ville est divisée en plusieurs conseils de santé. Il y a sept conseils de santé communautaire dans le Capital Health District. Sur ce tableau, vous avez les pourcentages relatifs de ces populations dans ces sept zones.
Nous sommes en ce moment dans la péninsule de Halifax. Je pourrais vous donner beaucoup plus de précisions, mais ce n'est pas là qu'on trouve la majorité de la population. De l'autre côté de l'eau, c'est Dartmouth. La zone de la côte sud-est suit cette côte. La zone de West Hants est celle qui s'étend vers Windsor. Et la zone qui connaît la croissance la plus rapide dans le Capital Health District, c'est la zone de Cobequid. On y trouve près du quart de la population, constituée en grande partie de jeunes familles et d'adolescents. Donc, dans l'optique de la santé de la population, nous souhaitons nous intéresser au traitement des adolescents.
La présidente: Et cette zone se situe où?
M. Shaun Black: Vers Sackville, à une vingtaine de minutes d'ici. Si vous aviez été sur la route ce matin, la grande majorité des gens que vous auriez vus auraient été des gens qui venaient de la zone de Sackville pour travailler au centre-ville ici.
Nous avons donc une démarche axée sur la santé de la population, et encore une fois je ne vais pas vous assommer avec des détails démographiques. Sur ce tableau, vous avez les sept conseils de santé que je viens de vous mentionner et à gauche, vous avez le revenu familial moyen et à droite le pourcentage de personnes de 15 ans ou plus avec leur niveau d'éducation. Nous estimons qu'il est particulièrement important, dans l'optique des déterminants de la santé, d'examiner le niveau d'éducation et de revenu car il y a fréquemment un rapport entre ces niveaux et le degré de toxicomanie ou d'alcoolisme.
Notre organisation pense qu'elle peut mieux cibler ses ressources et son personnel en s'appuyant sur certaines données démographiques de la zone. Si vous prenez une zone particulière, même dans West Hants, la colonne en rouge correspond au niveau de scolarité des gens de ce quartier, alors que les colonnes en jaune représentent le revenu familial moyen. Nous nous sommes servis de ces informations pour cibler nos services.
Notre objectif est à l'état d'ébauche actuellement. Si nous voulons simplement parler de l'alcool, comme le montre notre diapositive, l'alcool est la drogue la plus fréquemment mentionnée. On a souvent tendance à l'oublier. Même quand on parle d'utilisateurs de drogues injectables, c'est quand même l'alcool qui est le premier problème de toxicomanie. C'est l'alcool qui entraîne les plus grands risques et il ne faut pas l'oublier. Si l'on envisage une proposition globale pour ce problème, il faudrait qu'elle vise à réduire les conséquences néfastes de la consommation d'alcool dans le Capital Health District.
Notre façon d'envisager cela est illustrée dans les deux tableaux que vous avez ici. Celui du haut est intitulé continuum de risque pour la santé. C'est quelque chose qui vient de l'Organisation mondiale de la santé, et notre organisation y a ajouté la partie en noir, qui correspond aux décès prématurés souvent liés à la toxicomanie et à l'alcoolisme. Ce continuum va d'une santé optimale sans aucune consommation de drogues à la mort en passant par des degrés faible, moyen et élevé d'exposition aux drogues. Grâce à ce tableau, nous pouvons étudier une zone particulière du Capital Health District et cerner les problèmes de la population dans cette zone. Nous pouvons le faire pour les adolescents, les adultes ou les personnes âgées. C'est un moyen pratique de schématiser la situation.
Le tableau du dessous présente les catégories de réponses au problème. Par exemple, si nous avons une exposition moyenne aux drogues, notre organisation va proposer un traitement spécialisé. Il s'agit dans ce cas de services de gestion du sevrage et de programmes pour les adolescents. Ce modèle nous permet de cerner les problèmes et de cibler nos ressources et notre personnel pour y répondre, dans le but de ramener les personnes vers la gauche du tableau.
La présidente: Excusez-moi, mais qu'est-ce que c'est que «Tx»?
M. Shaun Black: Le traitement.
La présidente: Ah bon, le traitement.
M. Shaun Black: Encore une fois, le panneau du haut donne une information démographique et nous aide à avoir un aperçu de la population, alors que celui du bas représente les ressources ou les programmes auxquels on fait appel pour répondre à ces problèmes, l'objectif étant de déplacer les personnes vers la gauche de ce continuum en haut.
Nous pouvons faire beaucoup de choses avec ce cadre conceptuel. Nous l'utilisons avec notre personnel et c'est un principe directeur pour notre organisation. Encore une fois, c'est un modèle qui vient de l'Organisation mondiale de la santé.
Si nous voulons vraiment réduire les conséquences négatives, encore une fois il ne s'agit que d'une ébauche ici, mais c'est un exemple des données que nous voulons pouvoir mesurer pour pouvoir mettre en oeuvre une telle démarche. Les services de toxicomanie ne pourraient pas faire cela tout seuls, mais la notion de partenariat est essentielle en matière de santé de la population.
Dans les cas graves de toxicomanie ou d'alcoolisme, nous examinons les taux d'admissions en salle d'urgence et les congés hospitaliers donnés à des personnes qui abusent de l'alcool. Cela nous permet de voir si notre démarche a des effets à long terme. L'étude du syndrome d'alcoolisme foetal ou des effets de l'alcoolisme foetal est une autre formule possible. Ce sont là diverses façons d'examiner les résultats. On peut avoir la bonne démarche, mais si l'on ne peut pas mesurer les résultats, il manque quelque chose.
Je le répète, notre organisation s'occupe tout particulièrement de la nicotine. Du point de vue pharmacologique, il n'y a pas de drogue pire que la nicotine. Elle intervient au niveau présynaptique et post-synaptique et provoque une décharge de dopamine. La dopamine est le neurotransmetteur de récompense primaire de notre cerveau. Quand les gens inhalent une bouffée de cigarette, non seulement ils absorbent de la nicotine, mais ils suscitent de la dopamine.
L'accoutumance à la nicotine et l'accoutumance à l'alcool sont très semblables. Il y a de nombreuses corrélations dans leur utilisation. Dans notre population, nous avons un fort pourcentage d'individus qui fument et qui consomment aussi de l'alcool. L'alcool et la nicotine peuvent provoquer toutes sortes de problèmes de santé par eux-mêmes, mais quand on les combine, les problèmes progressent de façon exponentielle.
Les médicaments utilisés pour lutter contre la dépendance à l'égard de la nicotine sont des agents de remplacement vendus en magasin qui relâchent de la nicotine en quantité plus faible et plus lentement. Certains agents de substitution de nicotine ne sont pas disponibles actuellement au Canada—ils sont présentés en pulvérisateur nasal et en inhalateur—et il existe aussi un antidépresseur appelé bupropion ou Zyban. En gros, ces médicaments administrent la nicotine beaucoup plus lentement et permettent à l'organisme d'absorber de la nicotine de façon plus progressive qu'en fumant.
Dans la diapositive dont je vous parlais, vous avez la corrélation qui existe chez les personnes qui consomment à la fois de l'alcool et des cigarettes. Il y a une corrélation très nette. Il y a deux ou trois fois plus de fumeurs chez les gens qui consomment de l'alcool; plus de 80 p. 100 de notre population fume. Les fumeurs qui ont une consommation excessive d'alcool ont beaucoup moins de chance de renoncer au tabac. Du point de vue de la désintoxication, on constate que les gens qui recommencent à fumer se retrouvent souvent ramenés à l'unité de sevrage. Il faut donc s'occuper du problème de la nicotine.
Je passe maintenant à la cocaïne. La pharmacologie de la cocaïne est fascinante. La cocaïne affecte la dopamine qui, je le répète, est un neurotransmetteur de récompense. Quand on parle de consommation non médicale de drogues, il faut se pencher sur la pharmacologie.
Ce qui se passe normalement dans le cerveau, c'est qu'il y a une décharge de dopamine qui se colle sur les récepteurs de dopamine et donne une sensation de plaisir. Par une journée de grande chaleur, si vous buvez un peu d'eau, vous avez un sentiment intrinsèque de plaisir. La cocaïne a un effet d'inhibiteur du recaptage de dopamine. Dans le modèle que vous avez devant vous, les points bleus, les molécules de dopamine, se répandent dans notre cerveau et créent une sensation de plaisir.
L'un des plus gros problèmes auxquels nous nous heurtons maintenant, c'est le traitement pharmacologique des cocaïnomanes, la possibilité de les traiter. Souvent, lorsqu'ils se présentent à un service de gestion du sevrage, nous pouvons nous occuper de leurs symptômes pendant la première semaine, mais les manifestations mentales de la cocaïne—l'irritabilité, la dépression, l'angoisse, la panique et les envies incontrôlées—reviennent. Or, nous n'avons pas d'outils pharmacologiques pour faire face à ces difficultés. Dans nos services de désintoxication, la cocaïne vient en deuxième place dans les drogues mentionnées, après l'alcool.
M. Randy White (Langley--Abbotsford, Alliance canadienne): Pourrions-nous revenir sur les deux dernières diapositives?
¿ (0920)
La présidente: Pourriez-vous revenir sur ces deux dernières diapositives? Personne ne nous a encore montré quelque chose comme cela. Vous êtes le premier et c'est fascinant.
Et je ne retirerai pas cela de votre temps de parole, ne vous inquiétez pas.
M. Shaun Black: En haut à gauche, vous avez une représentation du cerveau. Dans le cerveau, il y a des neurotransmetteurs appelés des dopamines, qui sont les neurotransmetteurs de récompense de notre cerveau. Ils sont représentés par des points bleus sur cette illustration. Quand il y a une décharge de dopamines, ces dopamines s'attachent à ce que l'on appelle des récepteurs de dopamines, quelque chose de bien spécifique. Il y a alors une sensation de plaisir, et ensuite la pompe de recaptage ramène les dopamines à leur site d'entreprosage. C'est quelque chose qui se passe dans notre cerveau à chaque milliseconde, en permanence.
La cocaïne donne une sensation de plaisir incroyable parce qu'elle agit sur les éléments chimiques de notre cerveau qui nous donnent une sensation naturelle de plaisir. C'est pour cela que j'utilise l'illustration de l'eau par une journée de grande chaleur. L'alimentation, l'eau et l'activité sexuelle sont liées à une sensation de plaisir déclenchée par le centre de récompense de notre cerveau. Malheureusement, la cocaïne bloque le mécanisme de recaptage qui ramène la dopamine à son centre d'entreposage. Le centre du plaisir du cerveau est alors inondé de dopamine qui provoque une sensation de plaisir. La plupart des cocaïnomanes pourront vous parler de cette sensation extraordinaire que donne cette drogue. Vous avez ici la représentation neurochimique du phénomène.
Il n'existe pas à l'heure actuelle de pharmacothérapie pour agir sur l'état de besoin, l'irritabilité, la dépression et l'anhédonisme qui accompagnent la phase aiguë de sevrage de la cocaïne. Dans nos services de désintoxication, la cocaïne est au deuxième rang des drogues qu'on nous mentionne.
Vous me suivez? Ce n'est qu'un diagramme, mais l'essentiel, c'est que dans la plupart des cas, quand nous accueillons des gens dans un centre de désintoxication, nous remplaçons leur drogue par un substitut pharmacologique, nous les stabilisons et ensuite nous les désintoxiquons. Dans le cas de la cocaïne, le traitement est très différent. Le problème, c'est que souvent, après avoir suivi une cure de désintoxication, ils ne reviennent pas se faire traiter. Vous imaginez bien ce que cela doit être de se sentir irritable, angoissé, déprimé et privé de plaisir. On peut apaiser tous ces problèmes en recommençant à consommer de la cocaïne, et c'est l'un des plus gros problèmes chez ces personnes.
La présidente: Et sur cette image, ce petit chapeau avec le jaune…
M. Shaun Black: Oui, c'est la cocaïne. Elle a bloqué…
La présidente: Elle remonte dans…
M. Shaun Black: Pas la dopamine. La cocaïne ne remonte pas. Elle bloque la dopamine.
À long terme, on change de modèle chez les cocaïnomanes, et il y a des problèmes mentaux de dépression et d'angoisse. C'est fréquent parce qu'on modifie la neurochimie du cerveau. C'est souvent l'un des fondements des maladies liées à la santé mentale.
Pour passer maintenant à la méthadone et aux opiacés, je dirai que nous n'avons pas d'héroïne dans le Canada atlantique. Il y a des exemples d'héroïne de la bordure du Pacifique, qui est généralement blanche, et d'héroïne brune du Mexique, qui est très bon marché. Au Canada atlantique, nous nous inquiétons toujours des drogues en provenance de la côte est. Vous imaginez, nous avons à peu près 4 000 kilomètres de côte souvent sans surveillance. Les trafiquants débarquent des cargaisons de drogue sur la côte, mais cette drogue est ensuite transférée vers le Haut-Canada. Souvent, elles vont revenir ensuite. Autrement dit, nous sommes surtout un point de passage mais il n'y a pas trop de consommation dans notre région.
Notre problème dans la région du Canada atlantique, ce sont les opiacés d'ordonnance. J'ai participé à plusieurs comités en divers endroits du Canada. Vous savez tous que Montréal, Toronto et Vancouver ont une dynamique bien particulière d'utilisation des drogues par voie intraveineuse alors que dans le reste du Canada, le problème est lié aux opiacés d'ordonnance, l'Hydromorphone/Dilaudid, la morphine et le MS Contin étant les principaux coupables, alors que l'OxyContin est aussi en progression maintenant.
Vous avez ici la mise en parallèle des effets de la consommation d'un opiacé et des effets du sevrage. Dans le cas du sevrage, vous avez exactement l'effet inverse. Quand vous consommez un opiacé, votre température et votre pression sanguine augmentent, vous avez une sensation de bouffée de chaleur, vos pupilles se contractent, vous faites de la constipation et votre respiration et vos pulsions sexuelles diminuent, vos muscles se relâchent, vous êtes dans un état d'hébétude, d'analgésie et d'euphorie. Dans le cas du sevrage, c'est exactement le contraire. Malheureusement, les consommateurs de produits opiacés sont plongés dans un cycle consommation-sevrage-consommation-sevrage, car l'effet de la drogue ne dure que de quatre à six heures.
Imaginez que vous vous sentiez très bien pendant quatre à six heures mais qu'une fois que les effets de la drogue s'estompent, votre température et votre pression sanguine retombent, vous avez la chair de poule, les poils de vos bras se hérissent, vous pleurez, vous avez le nez qui coule, vous avez de la diarrhée au lieu de la constipation, votre respiration change, vous avez des orgasmes spontanés au lieu d'une baisse de votre libido, vous manquez de souffle et vous avez des démangeaisons. Quand on parle de contrecoups, c'est de cela qu'il s'agit. La disparition de l'effet d'un opiacé provoque une décharge autonome du cerveau et on a des démangeaisons. C'est cela qu'on constate dans le sevrage de l'opium. Et il y a aussi l'insomnie qui vient remplacer l'envie de dormir, et la douleur, la dépression et l'angoisse.
On peut atténuer tous ces effets en réabsorbant de la drogue, et c'est pour cela que les toxicomanes sont plongés dans ce cycle consommation-sevrage. Et quand la drogue est absorbée par voie interveineuse, les conséquences pour la santé augmentent dramatiquement.
Dans les maritimes, nous avons deux catégories de personnes qui viennent demander un traitement à la méthadone, et vous pouvez voir cela dans le coin en haut à droite de la diapo. Il y a des consommateurs de produits opiacés qui absorbent la drogue par voie interveineuse ou orale. Dans le cas des intraveineuses, il n'y a pas d'héroïne, mais il y a l'Hydromorphone/Dilaudin et le MS Contin absorbés par voie orale. Nous n'avons pas beaucoup de problèmes d'utilisation par voie intraveineuse.
En matière de pharmacothérapie, nous avons la méthadone. Nous n'utilisons pas la morphine buprénorphine ici mais elle a été agréée. Et l'on a beaucoup parlé dans les ouvrages spécialisés du LAAM, méthadone de longue durée ou substitut de l'héroïne, mais je ne pense pas que nous devrions nous en servir pour des essais dans les Maritimes, tout au moins pas pour l'instant.
¿ (0930)
Une voix: Vous allez trop vite pour la traduction. C'est comme un opiacé aussi, n'est-ce pas?
La présidente: Prenez une grande respiration.
M. Shaun Black: J'essaie d'aller lentement.
La présidente: C'est toujours un peu plus difficile lorsqu'il y a des termes techniques.
M. Shaun Black: D'accord.
Si l'on regarde le panneau de gauche, les opiacés sont généralement des médicaments d'ordonnance dans les Maritimes. Le plus souvent, l'opiacé est ingéré oralement, ce que l'on peut probablement faire avec toutes les pilules. On en avale une, mais ça ne veut pas dire nécessairement que la pilule est absorbée oralement. C'est sans importance. Donc les pilules peuvent être…
Vous pouvez peut-être m'aider d'un autre point de vue, mais il ne faut pas avoir inventé la poudre pour moudre une pilule et la filtrer pour l'avoir sous forme injectable. C'est ce qui se passe ici pour deux médicaments prescrits, le Dilaudid, qui est de l'hydromorphone et le MS Contin, qui est un sulfate de morphine et une morphine à action prolongée. Donc même si ce sont des pilules destinées à être prises par voie orale, cela ne veut pas nécessairement dire que c'est comme ça qu'elles vont être utilisées.
Pour une personne qui utilise la voie intraveineuse, on peut maintenant utiliser un traitement qui consiste à remplacer la drogue injectée par une autre. Il y a beaucoup de formules, mais l'un des substituts serait la méthadone. Le corps considère la méthadone comme n'importe quel autre opiacé, de sorte qu'il peut servir à remplacer la drogue utilisée. Est-ce que je me fais comprendre? Si je me sers de Dilaudid et que je m'en injecte quatre, cinq ou six fois par jour, vous pouvez me donner de la méthadone une fois par jour, quoique je simplifie un peu trop le rôle de la méthadone ici.
M. Randy White: Pourriez-vous reprendre ce passage concernant la méthadone, s'il vous plaît?
M. Shaun Black: Bien sûr.
Vous voyez en bas à gauche, le schéma qui montre que les opiacés d'ordonnance ne sont pas toujours utilisés oralement. Dans les Maritimes, comme ailleurs au Canada, les produits de prescription peuvent être utilisés par voie intraveineuse. Lorsque des drogues peuvent être utilisées ainsi et que l'on veut les remplacer par une autre, on a quatre options.
La première que nous connaissons au Canada serait la méthadone. C'est un opiacé à action prolongée dont l'effet dure 24 heures. Par exemple, si vous prenez quelqu'un qui s'injecte un opiacé dans les veines quatre ou cinq fois par jour, on peut le mettre à la méthadone une fois par jour. Cela serait un élément de la stratégie de traitement parce que, dans ce cas-là, on ne fait que donner un substitut à action prolongée pour remplacer la drogue utilisée. On n'a rien fait pour traiter la dépendance. Donc voilà pour le côté opiacé.
Dans l'ensemble du Canada, monsieur, vous parliez du rapport de 1972, qui traitait de l'héroïne. On ne s'est pas rendu compte que la cocaïne commençait à être employée par voie intraveineuse, et c'est un énorme problème actuellement dans le monde des drogues absorbées par injection. Pour la plupart d'entre nous, quand nous pensons drogue absorbée par voie intraveineuse, nous pensons opiacé, mais nous oublions un grand coupable, en l'occurrence la cocaïne. Il y a deux formes de cocaïne. Un chlorhydrate que l'on peut renifler ou injecter, et une forme épurée qui peut être fumée. Le crack, c'est de la cocaïne épurée. Ce qui se passe, c'est que les gens prennent soit le chlorhydrate qu'ils peuvent s'injecter, soit leur cocaïne épurée, leur crack, qu'ils transforment en chlorhydrate pour se piquer à la cocaïne. Parfois, ils s'injectent même des opiacés avec.
Est-ce que certains ici sont assez vieux pour se souvenir des speedballs? Les speedballs, ce sont de l'héroïne et de la cocaïne. Dans les Maritimes, ce sont des opiacés de prescription et de la cocaïne. Quand les gens ont utilisé de la méthadone… permettez-moi de vous donner un exemple particulier. J'utilise de la cocaïne et des opiacés, et vous me mettez à la méthadone pour remplacer l'opiacé que je prends. Une fois que je suis stabilisé, pour quelle drogue pensez-vous que je vais avoir un résultat positif maintenant? La cocaïne.
Cela soulève des questions importantes au point de vue des politiques, de la procédure, du programme et de la communauté à propos de l'analyse d'urine positive à la cocaïne alors que l'on est traité à la méthadone. En outre, on monte encore d'un cran en ce qui concerne le rôle et l'importance des analyses d'urine pendant le traitement à la méthadone. Et j'ai expliqué tout cela pour vous montrer qu'il ne faut pas croire que les injections intraveineuses d'opiacés ne comprennent que des opiacés.
Deuxième élément important, souvent, lorsque les gens ont des problèmes de drogues injectées par voie intraveineuse, c'est l'alcool qu'ils ont utilisé en premier. L'alcool se trouve partout. Nous prenons de gros risques quand nous buvons. Je pense que c'est important de le savoir.
J'aime bien ce rythme. Je respire et je m'arrête.
Une voix: Oh, oh!
¿ (0935)
La présidente: Y a-t-il des questions à ce sujet? Derek.
M. Derek Lee (Scarborough--Rouge River, Lib.): Il n'est pas question que le témoin change de diapositive tant qu'il n'aura pas expliqué ce regroupement.
M. Shaun Black: Je m'inquiète toujours lorsque quelqu'un commence à prendre des notes.
M. Derek Lee: C'est juste, parce que je prends effectivement des notes.
En bas à gauche de votre diapositive, vous avez indiqué méthadone, buprénorphine, LAAM et héroïne. Pourriez-vous nous expliquer le sens de ce regroupement?
M. Shaun Black: En bas à gauche, c'est un groupe de drogues qui peuvent remplacer les opiacés injectables qu'ils utilisent. Ce sont tous des opiacés.
M. Derek Lee: Cela ne remplace pas la cocaïne?
M. Shaun Black: Non.
M. Derek Lee: Mais cela remplace les opiacés?
M. Shaun Black: Oui, mais les opiacés seulement. C'est pourquoi…
M. Derek Lee: Vous les considérez tous comme des produits de remplacement acceptables?
M. Shaun Black: Au plan pharmacologique, oui, parce que le corps les considère comme des opiacés. Ils agiraient sur les mêmes récepteurs.
Les avantages de la substitution—c'est-à-dire ce que l'on rechercherait dans un médicament—sont l'activité orale et une longue demi-vie, de façon à pouvoir donner le produit une fois par jour et à ne pas devoir l'administrer à des niveaux multiples.
La buprénorphine est à la fois agoniste et antagoniste, mais nous parlerons de l'importance de cela plus tard. Certains prétendent qu'il ne peut pas y avoir d'overdose avec la buprénorphine, parce qu'à doses plus fortes, elle agit comme un antagoniste, ce qui annulerait ses effets.
Le LAAM est un produit qui fait actuellement l'objet d'études aux États-Unis. La méthadone est administrée une fois par jour. Le LAAM peut être donné tous les deux jours, ce qui présente certains avantages.
Et ensuite, il y a d'autres choses qui se passent dans le monde à propos de substitution de l'héroïne. Si je suis un héroïnomane et que vous avez essayé de me traiter à la méthadone mais que le traitement n'a pas réussi, l'étape suivante sera peut-être de la remplacer par l'héroïne. J'ai de l'héroïne pure, une aiguille. C'est une autre approche, mais je ne dis pas du tout que ce soit la bonne. Je parle uniquement de la pharmacologie. C'est logique, parce que ce sont tous des opiacés. Mais ce qui est bien, c'est la durée de leur effet.
M. Derek Lee: Bien, nous devrons déterminer si ce choix est le bon, mais merci d'avoir attiré notre attention sur ce point.
La présidente: Merci, monsieur Lee.
M. White a une petite question à poser.
M. Randy White: Tout cela est vraiment très intéressant. J'essaie de faire le lien entre ces deux transparents que vous nous avez montrés et celui qui se trouve ici.
Si vous ne devez prendre de la méthadone qu'une fois par 24 heures alors qu'il vous aurait fallu trois, quatre, ou six doses de cocaïne ou d'héroïne par jour , je suppose que la différence réside dans l'état high que l'on obtient, d'après ce que vous décrivez.
M. Shaun Black: La différence principale, c'est qu'il y a un certain nombre d'états high possible avec un opiacé. Entre autres, ce pourrait être simplement l'usage de l'aiguille. Peut-être que mon collègue ici pourrait vous en parler, mais les toxicomanes ont une relation particulière avec leurs aiguilles.
Si la demi-vie est courte avec l'héroïne ou le Dilaudid, il faut injecter la drogue quatre, cinq et six fois par jour, mais on ne le fait pas de façon sécuritaire. Les toxicomanes ne sont pas des médecins et donc, il se peut qu'ils manquent leurs veines, ou qu'ils se les abîment. À un niveau très fondamental, si je prends une drogue quatre, cinq et six fois par jour et que j'utilise des aiguilles sales sans savoir exactement comment je m'y prends, si l'on compare avec une drogue qu'on prend une fois par jour par la bouche, à ce niveau-là, je conclurais que c'est cette dernière formule qu'il faut choisir.
C'est une réponse très superficielle, mais on pourrait passer des mois à discuter de la dépendance à l'égard de la méthadone.
Est-ce que cela répond à votre question, monsieur?
¿ (0940)
M. Randy White: J'y reviendrai. Je ne veux pas vous prendre trop de temps.
M. Shaun Black: Par ailleurs, nous avons ici quelqu'un… en réalité, nous proposons de la méthadone dans notre organisation, mais les gens qui viennent ne prennent pas que des opiacés, mais aussi de la benzodiazépine, de la cocaïne, de la marijuana et de l'alcool. Donc la situation des opiacés est vraiment très complexe.
Est-ce que j'enlève du temps à mes collègues ici, madame la présidente?
La présidente: Non, je veillerai à leur donner assez de temps. Votre exposé est probablement le plus technique de tout ce que nous avons entendu au cours de nos audiences, donc nous passons un peu plus de temps avec vous que nous ne le faisons généralement. J'ai laissé le temps passer, mais je crois que mes collègues conviendront avec moi que ceci est très intéressant au plan technique.
Une voix: Et nous voulons rester.
La présidente: La marijuana.
M. Shaun Black: En matière de marijuana, la science progresse par bonds. On voit sur cette figure, le THC, l'ingrédient actif de la marijuana, le , tétrahydrocannabinol. C'est une chaîne de 473 acides aminés, et il y a un récepteur, une partie du cerveau à laquelle se fixe le THC lorsqu'une personne fume de la marijuana. Nous savons cela maintenant. Nous savons aussi maintenant quelle est la structure du récepteur lui-même.
Pour vous donner une idée de ce que sont les récepteurs, pensez à une serrure et à une clé. Une clé peut être une drogue ou un neurotransmetteur, et le récepteur est la serrure. La clé va dans la serrure et la porte s'ouvre. Le TCH va dans un récepteur de THC et l'on obtient un effet. Et nous connaissons maintenant le récepteur.
Nous savons où sont ces récepteurs. Il y a deux types de récepteurs de cannabis, un CB1 et un CB2. Le récepteur CB1 se trouve un peu partout dans l'ensemble du cerveau, dans l'hippocampe, le cortex—la partie supérieure du cerveau—le cervelet, et les ganglions juste au milieu. Au plan technique ici—ce n'est pas important—nous savons que lorsque le cannabis pénètre dans le corps, le récepteur, la protéine G, s'associe à l'adénylcyclase. Nous pensons que lorsque quelqu'un utilise le THC, cela empêche la libération dans le cerveau de substances neurochimiques appelées acétylcholine, noradrénaline et glutamate.
Ce qui est vraiment très important en ce qui concerne la substance chimique ou le neurotransmetteur glutamate, c'est qu'il est responsable de la mémoire. C'est technique, mais si l'on cherche à savoir quels sont les effets à court terme du cannabis, on voit dans toutes les publications sur le sujet, qu'il porte atteinte à la mémoire à court terme. C'est bien connu. Personnellement, je peux vous dire pourquoi cette mémoire est affectée. Je peux vous dire où sont les récepteurs et quelles sont les substances chimiques en jeu dans le cerveau. La science nous permet maintenant de comprendre pourquoi ces effets se produisent. Donc, nous savons qu'il y a un problème lorsque nous voyons des jeunes utiliser du cannabis et leur mémoire à court terme en souffrir.
Il y a un deuxième élément important. Un autre groupe de récepteurs appelés CB2 intervient dans nos réactions neurologiques. Ils peuvent être responsables des effets amino-suppresseurs du cannabis et de la marijuana. Au plan médicinal, il est important d'en parler. Lorsqu'on parle des utilisations médicinales de la marijuana et que l'on mentionne une augmentation de l'appétit, qu'on dit que les gens vont manger et que ce sera une bonne chose, je réponds qu'en fait ils risquent d'affaiblir leur système immunitaire. Même si l'on mange, on risque de compromettre son système immunitaire, et je pense donc qu'il faut tenir compte de cet élément. L'autre n'est pas aussi important.
Cessons de parler de pharmacologie pour passer à ce qui est véritablement important. Il y a là un message à retenir. J'ai ici en Nouvelle-Écosse une étude sur la consommation de drogues chez les étudiants de Nouvelle-Écosse qui a été effectuée sur trois années. On voit en bas la consommation d'alcool, de nicotine, de cannabis et de LSD. L'axe Y donne le pourcentage de consommation déclarée en Nouvelle-Écosse par les étudiants de 12e, 10e, 9e et 7e années, en les regroupant tous. Pour ce qui est de l'identification, 1991 est en bleu, 1996 en vert gris, 1998 en rouge et il y en a une autre en cours actuellement.
Pour l'ensemble, alcool, nicotine, cannabis et LSD, de 1991 à 1998, la consommation déclarée par nos étudiants de 7e, 9e, 10e et 12e années pour les cannabis, la nicotine et l'alcool, était en augmentation. Je pense donc qu'il est très important d'examiner ceci lorsque nous parlons de la marijuana et de sa consommation, parce qu'au fur et à mesure qu'elle devient plus accessible… l'offre et la demande sont toujours reliés.
J'essaie simplement d'expliquer que nous connaissons maintenant la pharmacologie et les conséquences négatives de la marijuana. Chez nos étudiants, le cannabis est la drogue que la plupart d'entre eux déclarent. Je viens des services de toxicomanie, où nous avons un programme pour adolescents. La première drogue utilisée est la marijuana.
Je dis donc simplement que nous connaissons la pharmacologie, qu'il reste beaucoup de travail à faire et que nous examinons toutes les questions connexes.
¿ (0945)
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne): S'agit-il de consommation régulière?
M. Shaun Black: C'est la consommation déclarée. Ça pourrait être une fois ou ça pourrait être tous les jours. C'est ce que les étudiants ont déclaré et la question portait sur la consommation au cours de l'année écoulée.
M. Shaun Black: Oh, oui, merci de me le demander. Elles sont restées pareilles au fil des années.
C'est le Dr Christiane Poulin, de l'Université Dalhousie, qui est l'épidémiologiste responsable de cette enquête. Il y en a une autre en cours actuellement, ce qui nous donnera quatre ans de données. Elle est effectuée ici en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick, à l'Île-du-Prince-Édouard et à Terre-Neuve, de façon à avoir toutes les provinces atlantiques.
M. Randy White: Qu'en est-il de la mémoire à court terme? Qu'entend-on exactement par court terme?
M. Shaun Black: Pouvons-nous sortir de la séance officielle un instant pour que je vous parle de la mémoire à court terme?
M. Kevin Sorenson: Vous êtes affecté pendant un jour, deux jours, trois jours?
M. Shaun Black: Nous ignorons la réponse à cette question pour l'instant.
La présidente: Au fait, c'était une excellente question, Randy.
M. Shaun Black: En effet.
J'ai terminé maintenant. Mais mes collègues peuvent rectifier certaines choses.
Pour ce qui est de l'ecstasy, on en parle dans tous les journaux, vous le savez bien, donc il est important d'en discuter. La dynamique dans le Canada atlantique est la même qu'ailleurs au Canada. Quand on parle d'ecstasy… vous connaissez?
La présidente: Oui.
M. Shaun Black: Si vous voulez plus d'information sur l'ecstasy, je vous conseille de consulter le Web. Il n'y a pas besoin d'avoir inventé la poudre. C'est de là que viennent les images que je vous montre.
Sur l'image du haut, vous voyez des bébés ravers ou candy ravers. Il y a tout un code vestimentaire dans les raves. Le suçon de la jeune femme… non, disons une jeune fille. La crispation des mâchoires est l'une des manifestations les plus communes lors de l'absorption d'un stimulant.
Le nom scientifique de l'ecstasy, et je vais le lire lentement, est méthylènedioxyméthamphétamine, et l'acronyme utilisé est MDMA. Pour ceux d'entre vous qui connaissent le monde de la drogue et s'y sont intéressés, la méthamphétamine est aussi appelée ice, crank ou crystal. La drogue ecstasy est essentiellement un stimulant à action longue.
En dessous, vous avez une photo d'un rave. Regardez bien le dos de la jeune fille en bas à droite. C'est de la sueur. C'est ce qui se passe dans les raves ou dans ce genre d'endroits. Si vous prenez une drogue qui est un stimulant, vous transpirez, votre température augmente et votre rythme cardiaque s'accélère. Quand votre température augmente et que votre rythme cardiaque s'accélère, vous risquez la crise d'épilepsie ou le collapsus cardiovasculaire.
Sur cette photo, les jeunes ont l'air de sardines. Les raves ne sont pas organisés dans des locaux bien ventilés ou dans des endroits connus de tout le monde. Ils ont lieu dans des entrepôts, discrètement, en général entre minuit et six ou sept heures du matin, et l'assistance est composée de jeunes filles de 13 et 14 ans et de jeunes gens de 25 ans.
Les raves sont des endroits où les gens dansent. Je ne dis absolument pas que tous les participants consomment de la drogue. Mais une jeune fille de 13 ou 14 ans—je ne le dis pas avec condescendance; je ne suis pas parent et je n'ai donc pas ce droit—est certainement très différente d'une jeune homme de 25 ans entre minuit et huit heures du matin. C'est une autre façon de voir les choses.
Voici une diapositive montrant le cerveau, mais ce n'est pas une de ces photos de «votre cerveau sous l'emprise de la drogue». À gauche, vous avez une coupe de TEP—là encore, il y a un long nom scientifique, c'est la tomographie par émission de positrons—qui permet de mettre en évidence les transporteurs de sérotonine. La pharmacologie n'a pas d'importance ici. Ce qui est important, ce sont les couleurs.
À droite, vous avez un scintigramme d'un ancien consommateur d'ecstasy qui en a pris pendant un an et demi et pour lequel on a 80 rapports distincts de consommation d'ecstasy. La couleur lavande correspond à la présence de sérotonine dans le cerveau. La sérotonine est un produit chimique de notre cerveau qui affecte l'humeur, le comportement, le sommeil et l'appétit. Dans la photo de gauche, dans le cerveau d'une personne normale, il semble y avoir beaucoup plus de circulation de la sérotonine. Les recherches scientifiques tendent à montrer que l'ecstasy a des retombées néfastes sur la sérotonine. Beaucoup de nos antidépresseurs sont appelés des inhibiteurs spécifiques du recaptage de la sérotonine. Ils ont un effet sur la sérotonine. Dans le cas particulier de cet ancien consommateur d'ecstasy, trois semaines après sa dernière dose, les voies de circulation de la sérotonine semblent détruites. On n'a pas encore déterminé la signification clinique de ce constat.
Ce problème de l'ecstasy est inquiétant—et peut-être mes collègues ici pourront-ils vous en parler un peu—car il ne s'agit pas simplement d'une poignée d'utilisateurs.
Je vais terminer par quelques mots de notre programme pour les adolescents. Sur ce dernier transparent, vous avez les résultats d'une recherche présentée en trois tableaux. Dans celui de gauche, vous avez le cortex cérébral, ou la partie d'apprentissage supérieure du cerveau, au sommet. Cette image représente de la sérotonine marquée chez un singe. Deux semaines après la consommation d'ecstasy, là où l'on voyait cette sérotonine marquée, il n'y a plus grand-chose. La composante de sérotonine dans le cerveau a pratiquement disparu.
Les chercheurs ont laissé d'autres singes continuer à vivre pendant sept ans encore sans consommer d'ecstasy. Si vous comparez le tableau de droite à celui de gauche, vous voyez qu'il n'y a pas du tout la même quantité de sérotonine marquée dans leurs cerveaux.
Encore une fois, les scientifiques connaissent mal la signification clinique de cette situation. Je ne suis pas ici pour faire peur à qui que ce soit, car dans notre organisation nous avons à coeur de savoir de quoi nous parlons. Néanmoins, c'est un problème sur lequel nous devons nous pencher car la sérotonine est un produit chimique psychotrope.
Je terminerai par ceci. Les adolescents qui consomment de l'ecstasy font un peu de travail de pharmacologie. Ils ont lu ou entendu dire que l'ecstasy détruisait la sérotonine. Ils consomment de l'ecstasy pendant la fin de semaine, et le lundi matin ils prennent du Prozac. Ils veulent prendre du Prozac parce qu'ils savent que le Prozac est lié à la dépression et qu'il affecte la sérotonine.
Les adolescents d'aujourd'hui sont beaucoup mieux renseignés que nous ne l'étions vous et moi. Cela ne veut pas dire qu'ils sont plus intelligents. Ils ont simplement beaucoup plus d'informations. Physiologiquement et psychologiquement, ils se développent de la même façon. Simplement, ils disposent d'une énorme quantité d'informations qu'ils peuvent organiser judicieusement le cas échéant. Mais réfléchissez-y: l'ecstasy la fin de semaine et le Prozac le lundi pour contrer ses effets.
¿ (0950)
La présidente: Merci, monsieur Black. Vous nous avez donné abondamment matière à réflexion.
[Français]
M. Réal Ménard (Hochelaga--Maisonneuve, BQ): Est-ce qu'on pourrait avoir une copie de ces diapositives?
La présidente: Il faut avoir la traduction avant d'avoir les diapositives.
À (1000)
[Traduction]
M. John Graham: Je m'appelle John Graham et je suis directeur exécutif du Charles J. Andrew Youth Restoration Centre à Sheshatshiu, au Labrador.
Je vais aussi vous faire une présentation en PowerPoint. Au cours des cinq prochaines minutes, j'aimerais faire le point de certaines choses que nous avons apprises depuis 1994, où une campagne des médias a attiré l'attention des Canadiens sur l'abus de solvants. J'aimerais vous parler d'un certain nombre de mesures que nous prenons pour nous attaquer à ce problème d'abus de solvants et évoquer certaines recommandations de prévention et d'intervention.
Dans notre exposé de mission, nous disons que le Charles J. Andrew Youth Restoration Centre «est déterminé à démarginaliser les jeunes Autochtones grâce à un programme global de guérison». Je précise que nous ne sommes que l'un des neuf centres qui ont été créés au Canada depuis 1994 pour faire face au problème de l'abus de solvants dans les collectivités autochtones. Le nôtre est le plus récent, et nous fonctionnons depuis avril 2000.
Comme je l'ai dit, les centres de traitement contre l'abus de solvants remontent à 1994. Cette année-là, une vaste campagne des médias a attiré l'attention sur le problème, et a déclenché l'organisation d'une enquête nationale pour déterminer l'ampleur de l'abus de substances inhalées dans les réserves des Premières nations du Canada. Cette enquête a montré que cette pratique était très répandue. En conséquence, Santé Canada a financé la création de six centres. Plus tard, en 1998, la Saskatchewan a ouvert un deuxième centre et en 2000, l'Alberta et le Labrador ont aussi ouvert leurs installations de traitement.
Maintenant, je vais vous demander d'excuser mon français, mais je vais faire un effort ici.
[Français]
Il y a neuf centres de traitement dans chaque région du Canada. Huit centres ciblent les jeunes de 12 à 19 ans et un cible les jeunes de 16 à 25 ans. Les neuf centres au Canada peuvent accueillir 114 clients.
[Traduction]
Autrement dit, il y a 114 lits au Canada.
[Français]
Le cycle de traitement est de 180 jours et les centres oeuvrent de concert avec les collectivités pour optimiser le soutien aux jeunes.
[Traduction]
Il y a neuf centres. Il y en a un à Sheshatshiu, au Labrador, un autre au Québec et deux en Ontario, dont un dans la région de London, et l'autre, je m'excuse, j'oublie dans quelle région il se trouve. Nous en avons aussi un au Manitoba, deux en Saskatchewan, un en Alberta et un en Colombie-Britannique.
[Français]
Le programme de traitement de l'abus de solvants chez les jeunes améliore la qualité de vie et les capacités fonctionnelles des personnes ayant une dépendance à l'égard des solvants. Cela comprend un programme d'extension de services, de sensibilisation des travailleurs communautaires et des familles, et un suivi des clients quand ils retournent dans la communauté. Pour les neuf centres, cela coûte 13 millions de dollars par année.
[Traduction]
Les directeurs exécutifs des neuf centres se réunissent chaque trimestre pour établir un programme de qualité pour l'ensemble du Canada et s'échanger des informations. Ce comité se réunit régulièrement et notre objectif est d'élaborer un partenariat pour assurer des services de traitement de qualité pour les jeunes Inuits et les jeunes des Premières nations qui abusent de solvants et pour leurs familles.
La mission de notre comité des jeunes intoxiqués aux solvants est de créer un réseau de récupération pour les jeunes des Premières nations et les jeunes Inuits ainsi que leurs familles et leurs communautés. Ce continuum national de services de soutien de qualité sera fondé sur les principes et valeurs des Inuits et des Premières nations dans un esprit d'élaboration de partenariats.
Autrement dit, nous veillerons à ce qu'il y ait une composante culturelle dans les centres. Par exemple, dans notre centre, nous avons une suerie, qui aide aussi à la désintoxication. Cette étuve aide les jeunes à transpirer et à évacuer certains des solvants stockés dans les tissu adipeux.
Tout récemment, deux de nos jeunes ont participé à une marche dans la campagne. Ils ont passé quatre semaines à suivre un chemin autochtone traditionnel. Ils ont préparé et fabriqué leurs propres raquettes avant de partir, ils ont fabriqué leurs propres mocassins et leurs toboggans et c'est avec cela qu'ils ont voyagé pendant quatre semaines. Ces deux jeunes sont revenus avec des sourires d'une oreille à l'autre et un bronzage superbe. Ils avaient travaillé très fort mais ce voyage a été une réussite totale pour eux.
Notre objectif est aussi de reconnaître et de respecter la valeur naturelle des jeunes Inuits et des jeunes des Premières nations et de les aider à récupérer leur estime d'eux-mêmes et leurs sentiments d'appartenance et d'équilibre au sein de leur famille et de leur communauté. Dans nos centres partout au Canada, nous essayons de nous rapprocher le plus possible des communautés d'où viennent ces jeunes. Notre centre s'adresse particulièrement aux jeunes du Labrador. Comme les autres centres, nous avons accueilli des jeunes de partout au Canada, mais nous essayons de situer ces centres le plus près possible des communautés autochtones.
Le réseau des centres pour les jeunes qui abusent de solvants, le réseau YSAC, sera une première. Parmi les succès que le comité YSAC a remporté… je parle de l'YSAC parce que nous essayons de fournir des services de qualité dans tout le pays tout en échangeant nos expériences. C'est un domaine assez nouveau et le Canada est un des leaders mondiaux dans la recherche de solutions pour les personnes qui abusent de solvants.
Nous nous sommes efforcés d'obtenir une accréditation pour les neuf centres. Quatre d'entre eux sont maintenant accrédités et je crois qu'ils le seront tous d'ici février prochain. L'agence qui donne cette accréditation est l'agence qui accrédite tous les hôpitaux du Canada, donc nous demandons que des normes très élevées soient appliquées à nos centres de traitement. Nous deviendrons ainsi le premier réseau au monde dont tous les centres de traitement seront accrédités.
Pour ce qui est d'élaborer un manuel de pratiques exemplaires, nous faisons des recherches dans le monde entier mais nous sommes en train de constater que nous avons à peu près toutes les informations ici. En fait, les Américains du centre de traitement de l'abus de solvants en Alaska viennent assister aux réunions de notre comité. Ils examinent nos pratiques exemplaires et nous demandent de les aider à élaborer leur programme.
Nous sommes aussi à l'origine de l'élaboration d'un système d'information sur la toxicomanie chez les Premières nations et les Inuits. Nous essayons de nous assurer que les modèles de traitement que nous élaborons sont fondés sur des recherches. Nous allons voir ce qui se passe sur place et nous essayons de continuer à développer notre programme de manière efficace.
Qu'avons-nous appris? Nous savons que 25 p. 100 des jeunes qui ont été traités venaient de la région atlantique et qu'ils étaient pour la plupart du Labrador. Nous savons que 7 p. 100 viennent du Québec, 17 p. 100 de l'Ontario, 24 p. 100 du Manitoba, 18 p. 100 de la Saskatchewan, 4 p. 100 de l'Alberta et 5 p. 100 de la Colombie-Britannique, et 1 p. 100 seulement des Territoires du Nord-Ouest.
Les statistiques que nous recueillons depuis deux ans montrent que le taux d'occupation de nos lits est très élevé. Nous avons pu les remplir à peu près tous, de sorte qu'ils sont rentables. Nous fonctionnons pratiquement à pleine capacité.
Nous savons que 75 p. 100 des jeunes qui viennent à notre centre n'allaient pas à l'école avant de se présenter chez nous. La plupart ont de 12 à 18 ans et la plupart n'allaient pas à l'école avant de se présenter chez nous.
Nous savons que plus de la moitié d'entre eux ont eu des idées suicidaires avant de se présenter pour obtenir un traitement.
Nous savons qu'il y a de très forts antécédents familiaux de toxicomanie chez eux. Ces jeunes qui se présentent à nos centres viennent de familles où il y a déjà d'autres formes de toxicomanie.
Nous constatons aussi qu'il y a tout un passé de victimisation sexuelle. Là encore, il s'agit de plus de la moitié de ces jeunes.
Il y a aussi un historique de violence familiale. Là encore, l'incidence est assez élevée.
Nous constatons aussi qu'il y a des démêlés avec la justice. Près de la moitié de ces jeunes ont déjà eu des démêlés.
Et enfin, nous constatons que 34 p. 100 d'entre eux ont déjà suivi un programme de traitement.
Au Labrador, on a fait des recherches dans ce domaine. Une très importante étude a été réalisée sur le développement d'une infrastructure de santé publique locale. Les chercheurs ont enquêté auprès de 2 000 jeunes et de leurs familles dans de nombreuses localités. Au cours de cette recherche menée en octobre 1999, les chercheurs ont enquêté dans la plupart des communautés du Labrador. L'enquête était organisée par la Health Labrador Corporation, le Sheshatshiu Innu Band Council et CIET Canada.
J'aimerais vous présenter les grandes lignes des conclusions de cette enquête. Elle nous a aidés à programmer nos activités de la façon la plus efficace possible. Environ 52 p. 100 des jeunes interrogés ont dit qu'ils avaient déjà reniflé des vapeurs d'essence. Même s'ils ne l'ont fait qu'une seule fois, ils sont comptabilisés ici. Chez les Sheshatshiu, 24 p. 100 des jeunes reniflent régulièrement de l'essence. Il s'agit simplement de cette communauté, mais comme je vous l'ai dit, l'enquête a porté sur l'ensemble du Labrador mais je m'en tiens à quelques points ici; quand on dit régulièrement, cela veut dire plus de deux fois par mois.
Quels sont les risques qu'on constate chez ces jeunes qui reniflent de l'essence? Ils risquent cinq fois plus de provoquer des dégâts matériels et trois fois plus de consommer d'autres drogues. Si leurs amis reniflent de l'essence, les jeunes Inuits Sheshatshiu risquent sept fois plus d'en renifler eux-mêmes.
La scolarisation semble être un facteur de protection. Nous avons constaté que 16 p. 100 des élèves qui allaient à l'école reniflaient de l'essence—encore une fois, il s'agit de ceux qui le font au moins deux fois par mois. En revanche, chez ceux qui n'allaient pas à l'école, 36 p. 100 reniflaient régulièrement de l'essence. On voit donc qu'une des stratégies d'intervention consiste à ramener ces jeunes à l'école.
Si les parents ont un score de maîtrise faible, on constate que leurs enfants risquent cinq fois plus de respirer de l'essence. Là encore, une stratégie de prévention pourrait consister à aider les parents à améliorer leurs compétences parentales.
À (1025)
Mme Cindy MacIsaac (directrice des programmes, Direction 180): Je peux facilement le comprendre, mais nous sommes plus ouverts au processus, même si celui-ci ne fonctionne pas toujours correctement pour tout le monde. Si nous disions à nos clients qu'ils seront jetés dehors s'ils prenaient cinq fois une autre drogue, il est probable que la plupart seraient jetés dehors: ils recommenceraient alors à prendre des drogues injectables, à se livrer à des activités à risque élevé comme la prostitution, à avoir des démêlés avec la justice et à subir tous les effets à long terme. Par conséquent, notre principe, c'est que c'est un processus.
Les tests révèlent que nos clients consomment encore d'autres drogues. Toutefois, la consommation d'opiacés a diminué. Mainline Needle Exchange a distribué 54 p. 100 de moins de seringues que l'année dernière, depuis que notre programme a commencé. Cela seul nous indique que, sur le plan de l'utilisation de drogues injectables, nous avons une certaine réduction des méfaits, une certaine diminution.
M. Randy White: Pas nécessairement. J'ai parlé à des gens qui m'ont dit qu'ils ont donné une centaine de seringues à certaines personnes. Cela ne signifie pas que l'utilisation des seringues a augmenté, cela veut dire tout simplement qu'ils ont donné 100 seringues. Je ne considère pas cela comme un...
À (1030)
La présidente: Nous parlons cependant de seringues propres.
Mme Cindy MacIsaac: Des seringues propres, oui.
M. Randy White: C'est très bien, mais je considère l'autre côté. Je ne suis pas sûr que le nombre de seringues distribuées, qu'il soit élevé ou bas, permette d'estimer le succès.
Combien de temps me reste-t-il encore?
La présidente: Vingt secondes.
M. Randy White: Vingt secondes?
Eh bien, je pose toujours cette question et je vais le faire encore une fois aujourd'hui. Peut-être pourrez-vous me répondre à la fin, parce que nous avons besoin de vos réponses.
Notre comité est chargé d'un très gros dossier, allant de la réadaptation à l'intervention, du traitement à l'exécution, de la stratégie fédérale antidrogue au financement, de la coordination aux définitions et des modifications législatives à la date de nos enquêtes. J'aimerais que chacun d'entre vous nous donne ses deux plus grandes priorités, les deux points les plus importants qu'il ou elle aimerait voir le comité examiner de près. Je veux savoir ce qui vous préoccupe le plus et les domaines dans lesquels vous croyez que notre comité devrait formuler des recommandations pour modifier la situation au Canada.
Voilà, il ne me reste plus de temps. Peut-être ne pourrez-vous pas répondre. Peut-être aussi la présidente voudra bien nous donner quelques instants à la fin de la séance pour vous permettre de nous dire quelles sont les deux choses qui vous importent le plus et que nous devrions régler en priorité, à votre avis.
La présidente: Voulez-vous que les témoins répondent tout de suite ou à la fin?
M. Randy White: J'aimerais qu'ils réfléchissent avant de répondre.
La présidente: Nous reprendrons cette question plus tard. Pensez-y donc pendant que nous vous poserons d'autres questions. Nous y reviendrons ensuite.
Monsieur Ménard.
[Français]
M. Réal Ménard: Je voudrais, pour ma première question, aborder aussi toute la question de la méthadone. Je viens d'Hochelaga--Maisonneuve, dans l'est de Montréal. C'est un quartier où il y a aussi un site d'échange de seringues et où il y a aussi une problématique assez préoccupante de consommation de drogue. On l'a d'ailleurs visité il y a quelque temps. Quand j'ai commencé mon implication au sein de ce comité, dans mon quartier, on présentait la méthadone comme une drogue de substitution. J'avais l'impression que le traitement à la méthadone était une condition très plausible, très crédible de réduction des méfaits et pour stopper la progression.
Quand vous avez répondu à la question de Randy, monsieur Black, j'ai eu l'impression que vous mettiez un peu la méthadone sur le même pied d'égalité que d'autres types de drogues, d'opiacées.
Pourquoi, dans certains milieux, a-t-on l'impression que le traitement à la méthadone est une étape vers une transition de consommation moindre de drogue? Pourquoi présente-t-on cela comme un traitement de substitution?
[Traduction]
M. Shaun Black: Votre question comporte deux volets.
Tout d'abord, la méthadone est un substitut pharmacologique de l'opiacé utilisé. L'organisme y réagit exactement comme il le fait à l'opiacé. La littérature établit que la méthadone réduit la consommation d'autres drogues. On atteint donc ces deux objectifs particuliers. Pour ce qui est de notre programme, nous pouvons clairement démontrer une baisse des tendances de consommation en comparant la situation des personnes en cause avant et après l'utilisation de la méthadone. La situation est donc la suivante: pour un client qui consomme une drogue injectable, la méthadone va se substituer à cette drogue, mais le client n'aura à la prendre qu'une seule fois par jour par voie orale.
Pourquoi préférons-nous la méthadone? Pourquoi ne pas donner de la morphine ou un autre produit? Si nous devions remplacer une drogue injectable par de la morphine, nous aurions à l'administrer quatre fois par jour. Avec la morphine, si un client en a déjà consommé auparavant, il a des démangeaisons et se gratte constamment. Par conséquent, la méthadone est surtout choisie à cause de ses caractéristiques pharmacologiques. Rien de plus. On ne fait que substituer une drogue à une autre.
Dans nos deux programmes, nous avons pu constater des changements considérables dans la qualité de vie. Avec la méthadone, j'ai parfois l'impression que les observateurs extérieurs recherchent essentiellement un seul résultat: l'abstinence. De notre côté, les résultats que nous cherchons, dans le cas de la méthadone, vont bien au-delà de l'abstinence.
La méthadone est-elle efficace dans tous les cas? Je crois, monsieur, que c'est ce que vous voulez savoir ici. Non, à mon avis, ce n'est pas le cas. Aucun produit pharmaceutique n'agit sur tout le monde. La méthadone n'est pas différente à cet égard.
En cas de toxicomanie, le problème, quand on parle de méthadone, c'est que les gens pensent que ce produit marche pour tout le monde. À mon avis et d'après mon expérience, ce n'est pas le cas. On suppose toujours que c'est universellement efficace, mais ce n'est sûrement pas vrai.
Est-ce que cela répond au moins partiellement à votre question?
À (1035)
[Français]
M. Réal Ménard: Oui, c'est parfait. D'ailleurs, notre collègue Hedy Fry nous avait déjà fait un exposé sur la raison pour laquelle il y a des gens qui en viennent à résister à la méthadone. Tout cela est très clair dans mon esprit.
Je voudrais que l'on parle un petit peu de l'ecstasy. Mon comté, c'est Hochelaga--Maisonneuve, mais j'ai plein d'amis qui sont des professionnels, des ingénieurs, des avocats, des architectes, des gens qui gagnent bien leur vie. Ils sont un petit peu plus jeune que moi. J'aurai 40 ans le 13 mai. Je ne sais pas si ça passera inaperçu; on verra. J'ai donc plein d'amis qui sont des professionnels et qui prennent de l'ecstasy. Ce sont des jeunes qui ont réussi dans la vie, pour qui ça va bien, qui gagnent beaucoup d'argent et qui font du lobbying auprès de moi en disant que les législateurs devraient légaliser l'ecstasy.
Je vais retenir l'image du cerveau que vous nous avez montrée, avec des membranes blanches. On m'a déjà présenté l'ecstasy comme la drogue de l'humeur. On me disait que ceux qui prenaient de l'ecstasy devenaient dépressifs pendant plusieurs jours après et qu'à long terme, il y avait un risque qu'une trop grande consommation d'ecstasy conduise à une génération de gens déprimés.
Est-ce qu'on a vraiment des études scientifiques, un peu longitudinales, qui peuvent nous amener à soutenir, comme comité, que la consommation de l'ecstasy sur une large échelle et avec récurrence mène à coup sûr vers des phénomènes de dépression et des phénomènes de mal de vivre, finalement?
[Traduction]
M. Shaun Black: Est-ce que la question s'adresse à nous trois?
[Français]
M. Réal Ménard: La question s'adresse à celui ou celle qui pourra y répondre.
[Traduction]
M. Shaun Black: Compte tenu de la façon dont nous et les législateurs considérons la drogue, il est extrêmement important, lorsque les législateurs considèrent la politique à adopter, qu'ils ne fassent pas l'erreur d'écouter quand une personne leur dit qu'elle a pris de la drogue et ne s'en est pas ressentie. Je ne sais pas si je me fais comprendre. Quand on a 40 ans et qu'on a du succès...
Prenons l'alcool, par exemple, et la façon dont nous en consommons dans notre société et notre culture. Traditionnellement, nous en prenons quand il y a une naissance, quand il y a un décès, quand quelqu'un obtient un diplôme. Beaucoup d'entre nous sont allés à l'université et en ont consommé, peut-être plus que de raison, puis ont évolué par la suite pour adopter un mode de vie différent, plus sain. Nous pouvons donc penser que la consommation d'alcool ne pose aucun problème... Je crois que c'est un point important à signaler. Ce n'est pas néanmoins une bonne façon de penser aux conséquences, d'un point de vue législatif ou du point de vue de la formulation des politiques.
En ce qui concerne l'utilisation à long terme de l'ecstasy et des dommages qui peuvent en résulter, je voudrais encore une fois mentionner l'étude de Jim Anderson de Santé Canada sur la toxicologie de cette substance. Je crois qu'il a adopté un point de vue très général et très vaste. Quand j'en parle moi-même, j'adopte souvent un point de vue beaucoup plus étroit, en abordant la question des neurotransmetteurs.
En tant que parents—nous avons déjà abordé ce point—, il faut considérer que lorsque des jeunes prennent des stimulants entre minuit et huit heures du matin, ils vont souvent dormir pendant les 24 heures suivantes. Les jeunes ont généralement une bonne santé et si l'on n'envisage que les effets à court terme...
[Français]
M. Réal Ménard: Ce n'est pas ma question. Je reformule ma question. Je ne pense pas [Note de la rédaction: Inaudible]. Ce n'est pas ce que j'ai dit. Ce que j'essaie de comprendre, c'est que la particularité de l'ecstasy, d'après ce que je constate empiriquement... Dans mon quartier, il y a des gens qui prennent de la cocaïne et de l'héroïne et qui sont pockés, qui ont des problèmes fonctionnels. Les gens que je connais dans mon environnement qui consomment de l'ecstasy le font dans desrave, mais ce sont des professionnels, des architectes, des ingénieurs, des avocats qui, en apparence, n'ont pas de problèmes de fonctionnement.
Si on légalise la marijuana, est-ce qu'on devrait légaliser aussi l'ecstasy? L'argument qu'on nous apporte, c'est que l'ecstasy crée un problème, que ça attire vers le bas la sérotonine, ce qui fait en sorte qu'une trop grande consommation entraîne des problèmes d'humeur qui mènent à des dépressions. Alors, est-ce que la sérotonine est une chose qui se reproduit? Qu'est-ce qu'on a comme information sur le plan des dommages qui sont causés à l'équilibre, à l'humeur et à la joie de vivre? C'est ce que je veux comprendre.
Peut-être que vous n'êtes pas la personne pour répondre à cette question. À ce moment-là, on pourra essayer de faire venir l'article que vous avez cité, que j'ai pris en note. Votre collègue... Alors, peut-être qu'on pourra le faire venir, mais j'essaie de comprendre les conséquences réelles de l'ecstasy et ce que ça pourra vouloir dire dans un processus de légalisation, si c'est la voie que ce comité choisit.
[Traduction]
La présidente: Y a-t-il, par exemple, des études sur les effets dépressifs à long terme de l'ecstasy?
À (1040)
M. Shaun Black: Le problème est que l'ecstasy n'est pas consommée depuis assez longtemps au Canada. Elle n'existe que depuis une dizaine d'année. Tout dépend donc de ce que vous entendez par «long terme».
Deuxièmement, si vous voulez des renseignements sur les dégâts sérotoninergiques, je peux vous montrer ces deux diapositives basées sur des modèles animaux. Elles révèlent des effets semblables aux dégâts fonctionnels constatés dans le cerveau des rats.
Pour ce qui est de la légalisation, l'ecstasy est en fait un médicament anorexigène produit en 1914 par la société pharmaceutique Merck. Elle a été utilisée pendant la Première Guerre mondiale. Les soldats en prenaient. Sur le plan clinique, on avait alors constaté qu'ils avaient des réactions comportementales bizarres. Les stimulants sont censés garder les gens réveillés. L'ecstasy a été retirée du marché en 1915 ou 1916, très peu de temps après sa mise en vente. Pour moi, c'était parce que...
Pour moi, la légalisation n'est pas vraiment en cause. La question qui se pose est de savoir si un médicament a ou non une valeur thérapeutique quelconque. En 1985, quand les psychologues et les psychiatres s'en servaient censément pour améliorer les capacités sexuelles de leurs clients, l'Administration des aliments et drogues des États-Unis l'a retirée de ce marché-là aussi. Je crois donc que nous disposons de tonnes d'information là-dessus.
Pour ce qui est de la légalisation, nous devons nous demander si cette substance a une valeur thérapeutique. Répondez à cette question d'abord. Vous pourrez ensuite prendre une décision au sujet de la légalisation.
[Français]
M. Réal Ménard: Est-ce que j'ai le temps de poser une dernière question?
La présidente: Toute petite.
M. Réal Ménard: Ça fait quelque fois qu'on entend dire à ce comité que la différence entre ceux qui fumaient de la marijuana dans les années 1960 et ceux qui en consomment maintenant, c'est qu'il y a une plus grande densité en THC et que, par conséquent, ça peut être plus nocif. Un des premiers témoins que l'on a entendus a déposé un rapport dans lequel on faisait allusion à une étude du Royaume-Uni qui disait qu'il y avait peu de conséquences négatives pour la légalisation de la marijuana.
Est-ce que, à votre connaissance, les laboratoires de Santé Canada ou d'autres laboratoires au Canada ont fait des études vraiment très sérieuses sur la question de la marijuana, le THC et la mémoire à court terme?
[Traduction]
M. Shaun Black: Il y a un article soit dans le Lancet soit dans le New England Journal of Medicine sur les conséquences préjudiciables du cannabis. L'article considère la dépendance, la réaction immunologique, la grossesse et la mémoire à court terme, mais je ne pourrais pas vous citer le contenu exact.
Pour ce qui est de Santé Canada, je crois que c'est la question qui se pose actuellement au sujet des permis de possession de marijuana à des fins médicales. Je crois que Santé Canada a fait preuve de leadership en chargeant une société de la Saskatchewan de produire, dans le cadre d'un contrat de 5 ans, de la marijuana à 5 % de THC tant en vrac que sous forme de cigarettes, afin d'examiner sa valeur médicale. Avec une étude scientifique menée dans des conditions contrôlées, nous pourrons déterminer les effets de cette drogue sur la santé.
Pour répondre à votre question concernant les effets à long terme et à court terme, je ne peux pas vous citer un article de revue. Je peux seulement vous dire que vous trouverez un article dans le Lancet ou dans le New England Journal of Medicine.
La présidente: Merci, nous trouverons cet article.
Y a-t-il d'autres commentaires? Non?
[Français]
Merci beaucoup.
[Traduction]
Docteur Fry.
Mme Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.): Merci beaucoup. J'aimerais poser une question à M. Black.
Vous venez de mentionner un point très important qui correspond exactement à ce que le comité doit faire. La question n'est pas vraiment de savoir si une substance engendre ou non la dépendance. L'abus d'une substance quelconque dépend du mal qu'elle peut faire à l'individu et du mal qu'elle peut faire à la société. C'est vraiment ainsi que nous devrions considérer les choses. À ma connaissance, aucune drogue, aucun médicament n'est totalement inoffensif. Autrement dit, ce qui importe, c'est de savoir quand et comment on le consomme. Nous avons tendance à croire que si un produit n'engendre pas la dépendance, on peut considérer qu'il ne fait aucun mal. Certains diront qu'ils peuvent très bien le supporter et qu'ils devraient donc être autorisés à en prendre à volonté.
Je voulais vous poser une question au sujet de la méthadone. Certains croient que c'est un moyen de faire la transition, d'aider les gens à se déshabituer de l'élément actif potentiellement dangereux d'une drogue injectable en les faisant passer à un espace différent dans lequel ils pourront commencer à vivre différemment et à se passer de la drogue. Nous savons qu'il y a des gens qui résistent à la méthadone. En fait, ce n'est pas de la résistance, c'est juste qu'elle ne fonctionne pas chez eux.
Vous avez également parlé du LAAM, mais certains pensent qu'on pourrait envisager, pour les personnes qui résistent à la méthadone, d'utiliser l'héroïne. On n'a pas encore essayé des traitements à l'héroïne, mais que penseriez-vous de l'idée d'un tel essai s'il était effectué dans des conditions parfaitement contrôlées? Il pourrait s'agir d'une analyse en double aveugle portant sur une certaine période et suivie d'excellentes évaluations, strictement pour des personnes qui ne peuvent pas utiliser la méthadone. J'aimerais connaître votre réponse à cette question.
Enfin, monsieur Graham, pourquoi l'utilisation de solvants est-elle tellement élevée dans les collectivités autochtones? S'agit-il simplement d'une question de facilité d'accès? Est-ce la seule raison? L'utilisation des solvants n'est pas aussi courante dans les collectivités non autochtones. Comme il est extrêmement facile de se procurer les solvants, comment se fait-il qu'il n'y ait pas plus de jeunes qui en abusent?
C'était mes deux questions.
À (1045)
La présidente: Je crois que Mme MacIsaac voudra aussi dire quelques mots au sujet de la méthadone.
Voulez-vous commencer, madame MacIsaac?
Mme Cindy MacIsaac: Je pensais à la méthadone et à l'héroïne. Shaun pourrait en savoir davantage à ce sujet, mais la méthadone n'a pas d'effet euphorisant. Je ne sais pas s'il est possible d'empêcher l'euphorie en cas de traitement à l'héroïne. Je crois que l'héroïne est davantage un produit de substitution.
La présidente: Mais que penseriez-vous d'un essai...
Mme Hedy Fry: ...un essai sur des personnes qui ne peuvent pas du tout tolérer la méthadone? C'est ce que je veux savoir.
Mme Cindy MacIsaac: Je ne sais pas s'il y a des gens qui ne tolèrent pas du tout la méthadone. C'est simplement que je ne suis pas sûre que tout le monde est disposé à travailler avec la méthadone.
Mme Hedy Fry: Shaun, aimeriez-vous répondre à cette question?
M. Shaun Black: Oui.
Comme scientifique ou comme chercheur, si vous me parlez d'un «essai contrôlé en double aveugle» respectant tous les critères éthiques, etc., je serais bien obligé de vous répondre que j'y suis favorable. Mes professeurs de l'université m'en voudraient sûrement si je vous répondais que ce n'est pas une bonne idée. Pourtant, pour notre pays et compte tenu du stade où nous en sommes dans nos études sur l'utilité et les modes d'administration de la méthadone, je dois vous dire que je suis opposé à une telle étude. Je ne crois vraiment pas que nous ayons fini d'analyser tous les modèles applicables en ce qui concerne la méthadone.
Deuxièmement, les effets pharmacologiques de l'héroïne sont extrêmement différents de ceux de la méthadone. Comme Cindy l'a signalé, il n'y a pas de commune mesure entre les deux en ce qui concerne l'effet euphorisant.
Maintenant, est-ce le meilleur moyen pour des scientifiques d'envisager les choses? Je m'inquiète des possibilités de détournement, parce qu'il y a déjà un certain détournement, même dans le cas de la méthadone. Par conséquent, même si on a fait dans le monde des essais de substitution pour les clients qui résistent à la méthadone, je n'y suis pas favorable dans le cas du Canada. Je reconnais que je suis subjectif en disant cela. Je m'inquiète des conséquences possibles d'un tel essai. De plus, d'un point de vue scientifique, nous—je veux dire Santé Canada et le pays—n'avons pas fini d'étudier toutes les possibilités et tous les avantages de la méthadone. Je crois qu'une telle étude peut avoir des effets considérables sur les soins de santé.
La présidente: Merci.
Monsieur Graham.
M. John Graham: Pour ce qui est de l'abus de solvants chez les jeunes autochtones, c'est une bonne question, à laquelle il est difficile de répondre. Certains des renseignements que je vous ai montrés plus tôt...
Il n'y a pas de doute que la facilité d'accès joue un rôle. Il est toujours facile de trouver de l'essence. Il y en a partout autour de nous.
Les collectivités autochtones sont également isolées. Beaucoup des drogues dont mes collègues ont parlé ne posent pas de problèmes au Labrador. Ici, nous n'avons en général affaire qu'à l'alcool, la marijuana et le LSD. Nous voyons aussi d'autres drogues, mais elles ne constituent pas vraiment un problème. Pour en revenir cependant aux collectivités autochtones, il n'est pas facile de se procurer de l'alcool et de la drogue dans beaucoup des localités isolées. On n'y trouve pas, par exemple, de débits d'alcool. L'alcool qu'on y trouve doit venir par avion ou par d'autres moyens. Par conséquent, la facilité d'accès est sûrement un facteur.
Nous constatons que les jeunes commencent à prendre des solvants vraiment très tôt, parfois dès 6 ans. Il y a beaucoup de jeunes de 12 à 16 ans qui s'y adonnent. Nous constatons par contre qu'à partir de 16 ou 17 ans, ils passent plutôt à l'alcool ou à d'autres drogues, comme la marijuana ou le LSD.
Je voudrais vous mentionner l'une de mes diapositives qui montrait que, parmi les jeunes qui arrivent dans les centres de traitement par suite d'abus de solvants, environ 90 % ont un membre de la famille qui est toxicomane. Il y a donc un problème d'éducation parentale. Il faudrait que les parents sachent où se trouvent leurs enfants et soient capables de les discipliner. Voilà quelques-uns des problèmes auxquels il faut s'attaquer dans les collectivités où nous travaillons.
Est-ce que cela répond à vos questions?
À (1050)
Mme Hedy Fry: En partie seulement.
Le facteur de la facilité d'accès est le même pour n'importe quel jeune vivant dans n'importe quelle collectivité rurale. Je veux savoir plus précisément pourquoi les jeunes autochtones sont plus susceptibles de prendre des solvants que d'autres jeunes non autochtones vivant également dans des régions isolées, c'est-à-dire ayant les mêmes problèmes d'accès à d'autres drogues et la même facilité d'accès aux solvants. Y a-t-il des facteurs physiologiques, pharmacologiques, culturels...? Y a-t-il d'autres éléments que nous ne comprenons pas?
M. John Graham: Je n'ai vu aucune étude, aucun renseignement qui puisse nous permettre de croire qu'il existe un facteur physiologique.
Mme Hedy Fry: Est-ce donc culturel?
M. John Graham: Oui, on semble porté à croire à un facteur culturel.
Nous avons observé beaucoup de collectivités. Même en considérant le Labrador, on s'aperçoit que le problème ne touche pas toutes les collectivités autochtones. Encore une fois, les facteurs en jeu comprennent probablement l'éducation donnée par les parents et l'ennui. La plupart des jeunes qui s'adonnent aux solvants nous disent qu'ils s'ennuient. Nous avons constaté que l'abus des solvants tend à être moins courant dans les collectivités qui ont de bons programmes récréatifs et dont les enfants fréquentent l'école de façon régulière.
La présidente: Merci, docteur Fry.
Monsieur Sorenson, puis monsieur Lee.
M. Kevin Sorenson: Je vais poursuivre dans la même voie que Mme Fry. Monsieur Graham, vous venez de mentionner certains des éléments qui, d'après vos recherches, pourraient aider les collectivités autochtones et les autres collectivités que vous desservez. Il s'agit de la promotion de la famille, du renforcement des études et des compétences professionnelles, du mentorat et du renforcement des compétences sociales.
Je me suis occupé de collectivités autochtones. Êtes-vous d'avis que la situation de ces collectivités pourrait être essentiellement attribuable à un affaiblissement de l'unité familiale, qui serait plus marqué que dans les autres collectivités? Nous avons certainement un manque d'études et de compétences professionnelles dans beaucoup de nos collectivités autochtones. Ne pouvons-nous pas, pour répondre à Mme Fry, dire que ces facteurs contribuent aux problèmes qu'on constate dans ces collectivités?
Je veux moi aussi revenir à la question de la méthadone. J'ai beaucoup de difficulté à comprendre. J'ai toujours pensé que la méthadone servait à détacher les toxicomanes de la drogue. Aujourd'hui, j'ai l'impression qu'on nous dit que c'est juste une autre drogue, mais qu'elle a l'avantage de pouvoir être administrée une fois par jour au lieu de quatre, et qu'elle peut être prise par voie orale au lieu d'être injectée. En fait, la méthadone servirait davantage à la réduction des méfaits qu'à combattre la toxicomanie. Est-ce que je me trompe?
La présidente: Tout d'abord, monsieur Graham, pourriez-vous répondre à l'autre question qui a été posée?
M. John Graham: Je dirais que oui. Lorsque nous pensons à la prévention, l'une des choses à considérer est en fait d'aider les familles qui ont elles-mêmes des problèmes de dépendance. Si des jeunes viennent suivre un traitement dans nos centres, puis rentrent chez eux dans un milieu familial qui n'a pas changé, les chances d'échec sont très élevées. Autrement dit, nous devons nous occuper non seulement des difficultés des jeunes qui viennent nous voir pour un traitement, mais aussi de la toxicomanie qu'ils peuvent avoir chez eux, à la maison.
Des jeunes viennent dans notre centre, ils font des études, ils acquièrent des compétences et ont une meilleure idée de leur propre destin. Nous constatons qu'ils arrivent à maîtriser ces choses et qu'ils enregistrent certains succès. Ils rentrent ensuite dans leurs collectivités, participent à des programmes scolaires et utilisent ces programmes comme une bouée à laquelle ils se raccrochent pour rester sobres.
Même au Labrador, nous constatons des différences entre les collectivités autochtones. Je ne veux pas donner l'impression qu'il y a un affaiblissement de l'unité familiale dans toutes ces collectivités, mais nous le constatons dans certaines d'entre elles. Il y a aussi des collectivités où les familles sont fortes. Quand il existe de bons programmes récréatifs et d'autres facteurs de ce genre, les jeunes n'ont pas autant de difficultés que dans les autres collectivités.
Vos commentaires reflètent bien ce que j'ai dit au sujet des besoins dans le domaine de la prévention: il faut cibler les familles, les renforcer et les aider à s'occuper de leurs jeunes et à développer leur sens de la maîtrise de soi; il faut amener les parents à contrôler leur propre sort, à influencer l'avenir de leurs enfants, à les discipliner s'ils ont besoin et à les surveiller s'ils sortent la nuit.
Je vous remercie de votre question.
À (1055)
La présidente: Monsieur Black ou madame MacIsaac.
M. Shaun Black: Puis-je vous demander de répéter la dernière partie de ce que vous avez dit au sujet de la méthadone? Peut-être Cindy et moi-même pourrons vous répondre.
M. Kevin Sorenson: Je parlais en fait de la substitution des drogues. Je m'inquiète de voir que nous utilisons la méthadone comme traitement de substitution parce que ces gens n'arrivent plus à se payer leur drogue habituelle dans la rue. Lorsque nous établissons un programme de traitement à la méthadone, que pouvons-nous faire pour nous assurer que ce n'est pas un simple programme de remplacement de la drogue?
M. Shaun Black: Tout d'abord, on l'appelle ordinairement traitement d'entretien à la méthadone. Cela veut dire que l'un de ses aspects consiste bien à procéder à une substitution pharmacologique.
Je me suis conformé aux directives de la présidente. J'ai inspiré, arrêté, expiré, puis recommencé encore et encore à expliquer la substitution, c'est-à-dire le remplacement de la drogue injectable par quelque chose qui a une plus longue demi-période et qui se prend par voie orale. Dans tout programme de méthadone, il y a la longue série d'attentes cliniques et de résultats qui vont bien au-delà de la substitution.
Santé Canada doit bientôt publier un manuel de pratiques exemplaires en matière de traitement d'entretien à la méthadone. Ayant fait partie du groupe de travail qui a supervisé ce projet, je peux vous assurer que le manuel couvrira un grand nombre de questions d'un point de vue clinique.
Une fois la substitution pharmacologique réalisée, la méthadone reste la drogue de choix, à mon avis. En ce qui concerne les résultats de l'entretien à la méthadone, les autres caractéristiques sont bien décrites dans la littérature. Il y a eu des améliorations sur les plans de l'emploi et des compétences parentales. Je sais que ce sont des résultats indirects, mais ils sont extrêmement importants.
Je vais vous donner un exemple. Il y a quelques années, nous avons eu 35 personnes qui suivaient un traitement d'entretien à la méthadone et qui devaient s'occuper de 38 enfants. Chez les toxicomanes, les compétences parentales sont sensiblement réduites, mais après le passage à une drogue à prendre une seule fois par jour, ces compétences s'améliorent. Il y a aussi des avantages économiques pour la société. Les activités criminelles destinées à financer la drogue sont également réduites et la méthadone a d'énormes avantages en cas de grossesse. J'espère donc que ni Cindy ni moi-même ne vous avons laissé entendre d'une façon quelconque que le traitement à la méthadone n'est rien qu'une substitution pharmacologique.
Notre programme particulier, aux Services de pharmacodépendance, a une durée de douze semaines: pendant les six premières semaines, les patients viennent une fois par jour; pendant les six semaines suivantes, ils viennent également une fois par jour, mais pas pendant le week-end, et tout cela, avant de reprendre contact avec la collectivité. Nous avons un groupe de récupération, un service de vaccination et nous avons aussi des partenaires à l'extérieur, où se trouvent en outre tous nos services de counselling relatifs à la toxicomanie. C'est ainsi que je vois un programme de traitement à la méthadone. Celle-ci n'occupe la première place qu'au tout début. Le reste suit.
Je crois que vous avez soulevé un excellent point parce que j'ai répété et répété cette question en parlant lentement et en ponctuant mes phrases. J'ai répété encore et encore cette question d'une dose par jour, mais ce n'est qu'une toute petite partie du traitement d'entretien à la méthadone.
M. Kevin Sorenson: Disons que nous avons eu une discussion sur le rôle de la marijuana comme tremplin vers d'autres drogues. Disons que nous sommes dans une prison où un détenu n'a pas...
La présidente: Mais nous n'avons pas discuté de cela avec le groupe.
M. Kevin Sorenson: Non, mais nous avons entendu d'autres gens dire, la semaine dernière, que la marijuana mène à d'autres drogues.
Nous avons donc en prison un détenu qui n'a consommé ni héroïne ni cocaïne, mais qui a pris de la marijuana assez régulièrement pendant une certaine période. Que lui arriverait-il s'il commençait à prendre de la méthadone?
M. Shaun Black: Supposons que vous et moi soyons des toxicomanes intolérants et que notre réaction soit la même que celle d'une personne qui vient d'arriver en prison. La méthadone est un opiacé. Si vous avez jamais subi une opération et qu'on vous ait donné du Demerol ou de la morphine à votre réveil, vous savez combien on se sent bien quand la douleur disparaît et qu'on passe à un état second situé entre le rêve et la réalité. C'est exactement l'effet d'un narcotique. Si vous avez reçu la dose voulue, votre douleur disparaît instantanément. Vous vous assoupissez. Votre système respiratoire ralentit et peut même s'arrêter complètement, entraînant la mort, selon la dose administrée.
En réalité, quand vous alignez une série de drogues devant des gens sans leur dire quelle est la bonne dose à prendre et sans leur préciser la nature de chaque drogue... Si j'alignais tout cela sur la table et que vous en preniez tous, je vous garantis que nous ne réagiriez pas tous de la même façon.
La présidente: Puis-je demander une précision? On n'obtient pas de la méthadone pour remplacer la marijuana.
M. Kevin Sorenson: Non, je n'ai pas dit cela. Ce que j'essaie de dire, c'est que dans un milieu correctionnel où certains détenus sont toxicomanes, si on établit un centre de traitement à la méthadone...
La présidente: [Note de la rédaction: Inaudible]
M. Kevin Sorenson: D'accord pour l'héroïne, mais je veux savoir s'il y a ou non un avantage pour un détenu qui cherche à avoir quelque chose, puis qui s'aperçoit tout à coup qu'il peut obtenir de la méthadone.
La présidente: Un détenu qui n'aurait jamais consommé de drogue auparavant?
M. Kevin Sorenson: Il pourrait peut-être avoir consommé de la marijuana, mais pas de l'héroïne.
M. Shaun Black: En milieu correctionnel, il est impossible de prendre un médicament d'ordonnance avant d'avoir subi une évaluation complète.
La présidente: On n'obtiendrait pas de médicaments pour le coeur ou de l'insuline sans...
M. Shaun Black: Non, jamais. Les médecins de l'établissement ne le permettraient jamais.
Ensuite...
M. Kevin Sorenson: Il est possible d'avoir n'importe quoi n'importe quand au marché noir.
M. Shaun Black: C'est entendu, mais vous laissiez entendre que ce serait accessible à tout le monde. Tout détournement vers le marché noir dans un établissement correctionnel nous rendrait tous vulnérables. Il y a une dose mortelle pour la méthadone. Elle n'est que de 70 mg dans le cas d'une personne intolérante. Si vous faites partie d'une programme de traitement à la méthadone, vous avez sûrement subi une évaluation complète avant d'y être admis. Comme Cindy et moi-même l'avons dit, vous n'avez aucune chance d'être admis si vous ne manifestez pas des symptômes de retrait par rapport à un opiacé. Je ne pense donc pas qu'il y ait des risques que cela puisse se produise.
Mme Cindy MacIsaac: Il y aurait aussi des analyses d'urine et de sang.
M. Shaun Black: Oui, il y aurait une analyse d'urine pour déterminer si vous être vraiment dépendant à un opiacé.
M. Kevin Sorenson: J'a une autre question rapide à poser au sujet de la dernière diapositive que vous nous avez montrée, monsieur Black, au sujet de l'ecstasy et de la sérotonine. La diapo montrait comment certaines parties du cerveau avaient été détruites et comment certaines membranes s'étaient détériorées. À quelle fréquence la drogue avait-elle été administrée?
M. Shaun Black: Je ne suis pas sûr. Les essais avait été faits sur un animal...
M. Kevin Sorenson: Il s'agissait d'un singe, mais avez parlé de sept ans... Est-ce que c'était bien sept ans?
M. Shaun Black: Dans ce modèle particulier, c'était la période normale sans administration de drogue. Les singes ont été exposés pendant deux semaines, puis l'un d'entre eux a été autopsié. Ensuite, on n'a rien administré pendant sept ans. Il s'agissait de prouver...
M. Kevin Sorenson: Ainsi, la période de consommation a été de deux semaines seulement.
M. Shaun Black: Oui, deux semaines.
M. Kevin Sorenson: Et, après sept ans, on voyait encore ces effets tellement importants et les changements radicaux qui s'étaient produits dans le cerveau.
M. Shaun Black: Oui.
Pour en revenir à l'aspect scientifique, c'est-à-dire à l'importance clinique, à la recherche et à la méthodologie, disons que cela a été plus ou moins démontré pour nous permettre de parler de cette question sur le plan de la politique. Mais l'importance clinique reste encore à déterminer. Toutefois, d'après ce que j'en ai vu, c'est effrayant du point de vue de la dépendance. Compte tenu de la population dont Cindy s'occupe, je ne sais pas si elle a pu constater des effets à long terme pour l'ecstasy.
Mme Cindy MacIsaac: La consommation n'est pas très importante. Nous ne voyons pas beaucoup de cas.
M. Kevin Sorenson: M. Graham a mentionné l'utilisation d'étuves. D'un point de vue pharmaceutique, est-ce que l'étuve est efficace? Nous savons qu'il est possible d'exsuder l'alcool et d'autres substances, mais, d'un point de vue pharmaceutique, est-il possible de se débarrasser d'autres drogues par transpiration dans une étuve?
M. Shaun Black: Je n'ai pas lu l'étude et je m'en remets à John pour cette question. Je dois reconnaître franchement que je ne le sais pas.
La présidente: John, connaissez-vous des études qui prouvent qu'on peut débarrasser l'organisme des drogues par transpiration?
M. John Graham: Je n'ai vu aucune étude. Dans le cas des jeunes qui sont passés par l'étuve du centre et qui n'avaient pas reniflé de vapeurs d'essence depuis un certain temps, on remarque qu'après une partie de basket au gymnase, on peut sentir une odeur d'essence. Les vapeurs sont fixées dans le tissu adipeux et sortent de leur organisme dans la sueur. Nous croyons que c'est ainsi que le processus fonctionne et que cela contribue à la désintoxication.
M. Kevin Sorenson: Cela explique que les gens sentaient le hamburger quand je suis allé dans un gymnase.
Des voix: Oh, oh!
La présidente: Je ne crois pas que nous ayons à étudier les effets pharmacologiques de ce phénomène.
M. Kevin Sorenson: Merci, madame la présidente.
La présidente: Merci.
Monsieur Lee.
M. Derek Lee: Merci, madame la présidente.
Cela ressemblait à une annonce de restaurant rapide.
J'avais plusieurs questions à poser, mais les principales ont déjà été abordées par M. Sorenson. Il y avait une chose que je voulais savoir. J'ai posé la question hier. Est-ce que l'un de nos témoins a une idée approximative de la taille de la population des toxicomanes dans le grand Halifax? Est-ce qu'on a jamais essayé de chiffrer cette population? Y en a-t-il 200? 2 000?
Á (1105)
Mme Cindy MacIsaac: Nous avons 500 toxicomanes enregistrés qui recourent au service d'échange de seringues Mainline Needle Exchange, surtout dans la région Halifax-Dartmouth. Nous avons également des gens qui viennent de régions rurales pour avoir accès à l'échange de seringues.
M. Derek Lee: À part les gens qui prennent des drogues injectables, y en a-t-il d'autres qui sont dépendants aux opiacés, mais qui ne les prennent pas par voie intraveineuse?
M. Shaun Black: Oh, oui. Nous avons actuellement un programme de surveillance des ordonnances en Nouvelle-Écosse. Nous savons grâce à ce programme—ce ne sont que des estimations, mais je crois les chiffres assez exacts—que 250 000 ordonnances d'opiacés sont délivrées chaque année et que 175 000 d'entre elles portent sur des produits à base de codéine.
Nos centre de désintoxication n'accueillent pas seulement des gens qui prennent des drogues injectables. Il peut s'agit de personnes qui prennent des médicaments aussi simples que du Tylenol 1, qui est en vente libre, mais qui contient 8 mg de codéine. Le plus grand problème de ce médicament réside dans sa teneur en acétaminophène, qui peut détruire le foie. Beaucoup de gens ont des ennuis en consommant du Tylenol 3, du Percodan, du Percocet, du Darvon et d'autres spécialités prises par voie orale. Autrement dit, le comité ne devrait pas sous-estimer les problèmes dus aux opiacés oraux.
Pour ce qui est des nombres, on trouve des estimations dans la littérature. On estime par exemple qu'il y a au Canada entre 60 000 et 90 000 personnes qui consomment illégalement des opiacés. Les taux de prévalence mondiaux se situent entre 1 000 et 4 000 par million. On peut se servir de ces chiffres pour des estimations approximatives. Avec Cindy, nous avons eu 225 personnes distinctes qui ont suivi notre programme de traitement à la méthadone depuis 1996.
Enfin, il n'est pas facile de recenser la population des consommateurs d'opiacés injectables, parce qu'il arrive souvent qu'ils consomment simultanément d'autres drogues également injectables. En fait, le plus grand changement que nous constatons aujourd'hui, c'est l'abus de drogues multiples. Essayer donc de déterminer combien prennent de l'alcool, combien s'adonnent aux benzoates et combien abusent d'opiacés devient très difficile.
M. Derek Lee: Est-il presque certain que le nombre dans la région de Halifax serait supérieur à 1 000 personnes?
M. Shaun Black: Non, la population est d'environ 400 000 habitants et la province en compte 1 million.
M. Derek Lee: Je regrette, je veux parler de toxicomanes, pas du nombre d'habitants.
M. Shaun Black: Quel était encore votre chiffre?
M. Derek Lee: Je voulais savoir s'il y aurait à Halifax et aux environs plus d'un millier de personnes dépendantes aux opiacés. D'après vos statistiques, nous pourrions même en avoir 2 000.
M. Shaun Black: Je parlais du taux de prévalence mondial. Les caractéristiques culturelles et sociales de la population sont différentes au Canada de ce qu'elles sont ailleurs, mais, vous avez bien raison, c'est possible.
M. Derek Lee: Ainsi, si je disais qu'il y en a entre 1 000 et 2 000, vous ne me jetteriez pas par-dessus bord.
M. Shaun Black: Cela dépendrait de la taille du navire...
M. Derek Lee: Mais vous ne me jetteriez pas.
M. Shaun Black: ...et de la quantité de vivres qu'il y a à bord.
M. Derek Lee: Ces chiffres pourraient être exacts? Ils ne seraient pas...
M. Shaun Black: Non, vous ne seriez pas complètement... Cela fait partie de ce que Cindy, d'autres et moi-même avons dit. Il est possible que les nombres réels soient trop importants pour que nous puissions les traiter tous.
M. Derek Lee: Les utilisateurs de drogues injectables comptent parmi les groupes qui peuvent faire le plus de tort à la société à cause du risque de propagation de maladies mortelles comme le sida et l'hépatite C. Ces maladies ont une issue fatale et elles sont propagées par la consommation de drogues injectables, n'est-ce pas?
M. Shaun Black: Oui.
M. Derek Lee: Ces gens forment donc un important groupe cible du point de vue de la santé publique.
M. Shaun Black: Il est possible que les services offerts aux utilisateurs de drogues injectables aient aussi joué un rôle à cet égard. Quand on commence à établir et à dispenser des services et à modifier la culture de certaines organisations, on arrive à attirer des gens qui n'avaient peut-être pas accès aux services auparavant. Plus nous parlons de ce problème, plus nous nous rendons compte de la nécessité d'éviter de marginaliser et de stigmatiser les utilisateurs de drogues injectables en abordant la question au sein des groupes communautaires. Cela rend nos services un peu plus conviviaux.
M. Derek Lee: Vous avez dans la région de Halifax 500 personnes inscrites dans un système provincial. C'est ce que j'ai cru comprendre.
Mme Cindy MacIsaac: Nous avons 500 personnes codées...
M. Derek Lee: Que voulez-vous dire par «codées»?
Mme Cindy MacIsaac: Cela désigne les clients dont nous avons le prénom ou qui viennent régulièrement. Il peut y avoir d'autres qui viennent aussi sur une base régulière.
Á (1110)
M. Derek Lee: Qui viennent où?
Mme Cindy MacIsaac: Au centre d'échange de seringues.
M. Derek Lee: Oh! Vous parlez de votre centre d'échange de seringues, que 500 personnes ont contacté.
Mme Cindy MacIsaac: Ces personnes nous ont contactés ou sont revenues pour échanger des seringues.
M. Derek Lee: Très bien. Et vous avez aussi un programme qui permet d'administrer un traitement d'entretien à la méthadone à une soixantaine de personnes.
Mme Cindy MacIsaac: Oui.
M. Derek Lee: Très bien, c'est ce que je voulais savoir.
Mme Cindy MacIsaac: Pour ce qui est du risque pour la population cible qui consomme des opiacés, je dirais que 85 à 90 p. 100 de ceux qui sont dépendants ont commencé à prendre des opiacés en pilules. Très souvent, c'est à la suite d'une blessure, les opiacés servant alors à calmer la douleur. Ces gens constatent ensuite qu'ils ont développé une certaine tolérance et...
M. Derek Lee: Je comprends cela. Nous avons souvent eu des cas de ce genre. Et cela m'amène à la prochaine question.
Vous ne disposez probablement pas des éléments techniques nécessaires pour répondre à cette question, mais je vais la poser quand même. Comment se fait-il qu'il y ait tellement d'abus de médicaments d'ordonnance, des médicaments que les médecins et les pharmaciens sont censés contrôler? Nous entendons constamment parler de gens qui ont développé une dépendance à ces médicaments et qui satisfont leur dépendance par ce mécanisme.
À titre de législateur, je crois que le système de contrôle des médicaments d'ordonnance, du moins dans cette région, se trouve dans une situation déplorable. Il y a sûrement quelqu'un qui ne fait pas son travail, parce que nous voyons trop de gens, à trop d'endroits, qui deviennent toxicomanes à cause de médicaments obtenus directement ou indirectement sur ordonnance.
Je pourrais énumérer toute la liste, mais nous en avons déjà parlé aujourd'hui. Ce n'est pas l'héroïne ou la cocaïne du marché noir qui est en cause, bien que ces drogues jouent sûrement un rôle. Ce sont plutôt les médicaments vendus à la pharmacie et qui sont dispensés sur ordonnance.
Il y a sûrement quelqu'un qui est responsable. Qu'est-ce qui explique cette situation? Y a-t-il plus qu'un lien? Nos médecins et nos pharmaciens conspirent-ils pour saper l'ordre social en prescrivant ces médicaments? Que se passe-t-il?
La présidente: Ils n'ont pas l'air de s'en soucier.
M. Derek Lee: Je ne sais pas ce qui se passe. Je dois admettre que, dans les différentes régions du pays, il y a différentes drogues privilégiées et différentes sources. On trouve de l'essence à certains endroits, de la laque pour les cheveux à d'autres et de la codéine ailleurs. Il se trouve que dans cette région particulière, c'est plutôt les médicaments d'ordonnance.
Est-ce que l'un d'entre vous aurait des commentaires à ce sujet?
La présidente: Monsieur Black?
M. Shaun Black: Oui, j'en aurais quelques-uns.
Le problème des médicaments d'ordonnance n'est pas entièrement dû à des défauts du système. L'un des éléments du problème se situe au niveau de l'éducation que nos médecins et nos pharmaciens reçoivent dans le domaine de la toxicomanie. Au cours de leurs études, on leur enseigne beaucoup de choses sur des questions qu'ils n'auront probablement jamais à affronter. À mon avis, le problème d'une personne ordinaire qui a un problème de drogue ou d'alcool et qui se présente chez un omnipraticien n'est pas abordé d'une façon uniforme dans les écoles de médecine du pays.
Soyons honnêtes. Aborder un problème de toxicomanie avec un patient... Imaginez simplement devoir aborder vous-même un problème de ce genre avec une personne qui vous est chère. Je crois que cela pose beaucoup de difficultés. Assurer à nos professionnels de la santé un niveau de formation approprié nécessite d'examiner tout un éventail de questions.
Dans tout le pays, il y a des endroits où cette question est étudiée. Toutefois, je peux vous dire ici, du moins pour notre ville, que la formation de nos professionnels de la santé ne comprend pas grand-chose concernant la toxicomanie et les traitements.
Un autre problème se pose dans le cas des opiacés. Quand les gens développent une certaine tolérance à un produit prescrit pour calmer la douleur, les doses peuvent souvent augmenter considérablement. C'est une question qui relève d'une bonne gestion des soins de santé. Dans le cas des opiacés, il s'agit d'atténuer la douleur. Parfois, tout le monde s'inquiète de la dépendance quand un opiacé est prescrit. Toutefois, quand on examine les statistiques du nombre d'ordonnances et du nombre de personnes qui développent une dépendance, le rapport entre les deux nombres est relativement petit.
Compte tenu de ce fait, je ne peux pas appuyer l'hypothèse d'un écroulement de l'ensemble du système. Les gens, dans leur grande majorité, n'aiment pas les effets des opiacés. S'ils ne les aiment pas, ils ne s'orienteront pas nécessairement dans cette direction. S'ils le font, les conséquences peuvent être très graves.
En fait, lorsque nous posons des questions au sujet des médicaments prescrits et de la dépendance, quand les doses deviennent très élevées, il est évident que la formation améliorerait la situation. Je ne suis donc pas d'accord pour dire qu'il y a des défauts fondamentaux dans le système.
Deuxièmement, les gens ont l'impression que les médicaments d'ordonnance ne comportent aucun danger. Si je me présente chez un médecin et qu'il me donne une ordonnance, je peux supposer que le médicament prescrit est sûr pour moi. C'est ce que je déduis. En fin de compte, c'est une personne hautement instruite qui me dit de prendre ce médicament. De plus, je l'obtiens dans une pharmacie, lieu qui évoque encore une fois la sécurité et la protection. Le patient ressent donc un sentiment intrinsèque de sécurité. Toutefois, quand les doses augmentent, il peut commencer à aimer les effets. Dans le cas du traitement de la douleur, on peut avoir tendance à prendre des doses de plus en plus grandes.
Je ne veux pas poursuivre indéfiniment, mais vous me demandez où se trouvent les défauts. Je crois qu'il y a des lacunes dans la formation donnée aux professionnels de la santé au sujet de la toxicomanie. Il y a aussi certain lacunes dans le financement des organismes qui assurent le traitement. Ensuite—et ce point a son importance—quand on examine le pourcentage des personnes qui développent une dépendance et qu'on le compare aux fonds affectés à l'heure actuelle à ce problème, on constate que ces fonds sont totalement insuffisants. Je ne suis pas politicien, mais c'est un aspect très important. Il n'y a pas assez d'argent pour combattre ce problème dans les organisations où nous travaillons.
Je crois que je vais m'arrêter là.
M. Derek Lee: Je vous remercie.
M. Shaun Black: Permettez-moi d'ajouter un dernier point. Le Programme de surveillance des ordonnances de la Nouvelle-Écosse—je suis membre sans droit de vote du conseil d'administration de ce programme—fait un travail absolument extraordinaire de concert avec des partenaires communautaires comme nous. Ses représentants ont assisté à quelques-unes de nos réunions. Ils savent que le système a des défauts.
Je ne sais pas si vous avez entendu parler de cela dans le reste du pays, mais, dans le cadre de la surveillance des ordonnances, nous avons des difficultés en ce qui a trait à la divulgation de l'information recueillie. Dans les Maritimes, les programmes permettent de surveiller les opiacés, les amphétamines et les barbituriques, mais si vous êtes un omnipraticien, il y a toutes sortes de restrictions sur l'information qui vous est transmise. Il arrive même qu'un médecin de famille ait de la difficulté à recevoir de l'information.
Á (1115)
M. Derek Lee: Je voudrais poser deux autres questions rapides.
Vos statistiques sur la consommation de cannabis parmi les jeunes—ou peut-être dans l'ensemble de la population—s'établissaient aux alentours de 40 p. 100. Ce chiffre est assez élevé. Il dépasse même le taux des fumeurs dans un cas ou dans un groupe d'âge. Il est illégal de posséder cette drogue, ce qui signifie que nous avons ici un pourcentage très élevé de citoyens qui enfreignent la loi. Qu'est-ce qu'il y a d'autre? Je ne le sais pas. Mais ces statistiques ne cessent pas de monter d'une année à l'autre. Nous n'en sommes pas arrivés là du jour au lendemain.
Avez-vous des commentaires à formuler sur les incidences sociales, s'il y en a, de ce taux relativement élevé de consommation de cannabis?
La présidente: Une petite précision, d'abord : ces statistiques sont celles de Christiane Poulin.
M. Derek Lee: Les mêmes statistiques?
La présidente: Oui, et elles ne portent que sur 1998. Cette année-là, le cannabis a dépassé la nicotine.
M. Derek Lee: Oui, je l'ai vu sur le graphique ce matin. Il y a plus de gens qui fument la marijuana qu'il y a de fumeurs de tabac, mais il serait difficile d'arriver à cette conclusion en posant la question au détaillant du coin.
La présidente: Non.
Monsieur Black, avez-vous des commentaires?
C'est peut-être un point au sujet duquel nous devrions envoyer une question à Mme Poulin plutôt qu'à ces gens.
M. Derek Lee: Je vais quand même lui poser la question.
M. Shaun Black: Il y a un certain nombre de points à considérer ici. L'étude a porté sur des élèves de 7e, 9e, 10e et 12e année. C'est le premier point. D'importants changements se produisent chez les élèves mêmes entre la 7e et la 12e année. Dans notre organisation, la consommation de cannabis dépasse celle du tabac. Nous tenons ce renseignement de CHOICES, notre programme pour adolescents.
J'ai entendu parler de la notion de drogue tremplin. Il y a un grand débat à ce sujet si l'on fume des cigarettes. Quand un jeune adolescent fume la cigarette, il apprend la technique d'introduction du cannabis dans les poumons. Si j'ai le choix entre fumer du cannabis ou du tabac et que le cannabis me donne une sensation d'euphorie, je préférerais probablement le tabac. Nous avons tous été jeunes.
La présidente: Vous voulez dire que vous préférerez le cannabis?
M. Shaun Black: Dans une perspective de traitement, je crois que si un jeune adolescent a le choix entre le cannabis et la cigarette et s'il fume déjà, il est probable qu'il choisira le cannabis. Cela explique les chiffres plus élevés de consommation.
Je crois que l'augmentation est différente selon qu'il s'agit de tabac ou d'autres produits. Comme vous le savez, si vos parents fumaient, vous avez plus de chances de le faire. D'un point de vue social, ce qui s'est dit ces dix dernières années au sujet de la légalisation ainsi que le point de vue des parents se sont transmis à nos enfants. Cela pourrait expliquer la situation.
Je ne peux pas prétendre que je comprends tous les facteurs qui ont contribué à l'évolution de la consommation constatée dans les dix dernières années.
Á (1120)
M. Derek Lee: Vous n'êtes pas le seul.
M. Shaun Black: Oui.
La présidente: Puis-je poser une question pendant que vous réfléchissez à celle que vous allez poser en dernier, monsieur Lee?
M. Derek Lee: Oui, madame la présidente, je vous en prie.
La présidente: Monsieur Black, à quel comité de produits pharmaceutiques siégez-vous?
M. Shaun Black: Je suis membre sans droit de vote du Programme de surveillance des ordonnances de la Nouvelle-Écosse. Le conseil d'administration compte six membres ayant droit de vote, qui représentent les pharmaciens, les dentistes et les médecins.
La présidente: Eh bien, on peut dire que nous avons été extrêmement surpris par la fréquence à laquelle le Dilaudid est prescrit dans cette province et par la facilité que les gens semblent avoir à obtenir ce médicament. Ce n'est d'ailleurs pas seulement cette facilité qui est surprenante, c'est aussi la possibilité de doubler, tripler... je ne sais même plus comment dire multiplier par huit.
Le fait est que nous avons rencontré des gens qui avaient reçu 270 pilules dans une clinique sans rendez-vous, avec deux possibilités de répétition. Je peux facilement comprendre l'utilité d'une clinique sans rendez-vous le samedi soir, quand on a besoin de quelques pilules pour tenir jusqu'au lundi ou jusqu'au rendez-vous avec votre propre médecin. Mais le fait d'obtenir 270 pilules et d'avoir la possibilité d'en avoir 540 de plus immédiatement... Parce que je suppose que vous n'avez pas besoin d'attendre la fin de votre provision pour la renouveler. C'est une industrie. On obtient des pilules, puis on les vend. On satisfait ses propres habitudes et on gagne un peu sa vie. Je ne comprends pas ce que les gens font.
Nous avons tous été stupéfiés par ce que nous avons entendu. Certains nous ont dit que cela ne s'arrêtait pas au Dilaudid. Si ce n'est pas du Dilaudid, cependant, il pourrait s'agir d'héroïne ou d'autre chose. Quoi qu'il en soit, on n'a pas l'impression que c'est un très bon système de surveillance.
Hier, il y a quelqu'un qui nous a dit que les médecins ne disposaient pas de renseignements en direct, ce qui ne les aide pas. Les pharmaciens non plus n'ont pas de renseignements en direct. Mais cela a peut-être été mentionné au Nouveau-Brunswick.
C'est dommage que nous n'ayons pas obtenu le nom du médecin. Je crois qu'il faudrait le signaler, compte tenu des renseignements que nous avons obtenus hier. C'est tout à fait inacceptable.
Nous avons également appris à la clinique, Cindy, qu'on laissait des gens quitter l'hôpital un samedi, après leur avoir donné du Dilaudid—je n'en suis pas sûre—peut-être pour la première fois, mais sans les avertir qu'ils pourraient avoir des symptômes nécessitant une intervention médicale. Personne ne leur avait dit qu'il y avait une procédure à suivre en quittant l'hôpital après leur opération, peut-être parce qu'on pensait qu'il pourrait y avoir d'autre problèmes. Ce n'est pas comme si on leur avait dit: «Incidemment, vous êtes sorti depuis deux jours, vous passez par une période de retrait et nous allons donc vous faire reprendre ce médicament.»
Monsieur Black, vous avez dit qu'il n'y avait pas suffisamment d'éducation et de sensibilisation. Je ne comprends pas pourquoi on n'insiste pas pour que la faculté de médecine Dalhousie—je crois que c'est votre école de médecine locale—fasse un travail sérieux en sachant que beaucoup de ses diplômés vont pratiquer la médecine dans la région. Bien sûr, nous devrons faire quelque chose à l'échelle nationale, mais, pour la plupart d'entre nous au comité, ce qui se passe dans cette région est tout simplement scandaleux.
J'ai fait aucune déclaration au lieu de poser une simple question, mais n'est-il pas possible de faire quelque chose à ce sujet? Y a-t-il quelque chose que nous avons manqué? Y a-t-il des choses que nous ne comprenons pas?
Vous êtes membre sans droit de vote, mais, parmi nos témoins, vous êtes celui qui connaît le mieux cette commission.
M. Shaun Black: Je vous en prie, je ne voudrais pas que vous quittiez les provinces de l'Atlantique en pensant que nos professionnels de la santé et d'autres ne contrôlent pas la situation et que nous avons un problème énorme sur les bras. Je mets n'importe qui au défi de réfuter qu'en dehors de Montréal, Toronto et Vancouver, le principal problème de drogue n'est pas relié aux ordonnances. En fait, je peux vous mettre au défi parce que j'ai siégé au conseil d'administration...
La présidente: Vous voulez dire est relié aux ordonnances.
M. Shaun Black: Vous avez raison,est relié aux ordonnances.
Alors, je vous en prie, ne partez pas des Maritimes en pensant qu'il y a des tonnes d'ordonnances jetées dans la rue et que nous sommes très différents de n'importe où ailleurs, à part les trois villes que j'ai nommées. Ce serait affreux...
La présidente: Vous avez tout à fait raison. Nous passons plus de temps dans les grandes villes.
M. Réal Ménard: Il n'y a pas de doute qu'il y a une différence entre Montréal, Toronto et Vancouver.
La présidente: Je pense que l'argument de M. Black est valide, monsieur Ménard. Nous allons dans les grandes villes, mais nous n'allons pas aussi souvent en milieu rural. Et même si Halifax est la plus grande ville de cette région, elle se classe peut-être davantage dans la catégorie rurale ou, en tout cas, dans une catégorie différente de celle de Toronto, Vancouver et Montréal.
Á (1125)
M. Shaun Black: Compte tenu des caractéristiques de l'héroïne, il faut une importante population pour la vendre. Pour établir l'héroïne ici, il faudrait sans doute la faire venir de l'Ouest. Il y aurait toutes sortes de difficultés à surmonter, comme la police, la GRC, etc. Nous n'avons probablement pas une population suffisante pour permettre la vente de l'héroïne.
La présidente: J'espère pour vous que vous ne l'aurez jamais.
M. Shaun Black: Oui, avec l'aide de Dieu. Espérons que nous n'aurons jamais ce problème.
Pour revenir à notre sujet, vous avez demandé quelles sont nos impressions sur certaines de ces choses...
La présidente: D'accord. Disons qu'il y ait un problème dans les régions rurales du Manitoba, de l'Ontario ou d'ailleurs. Supposons que ce problème se pose. Vous avez une clientèle captive ici. Vous avez une faculté de médecine, une association provinciale de pharmaciens, etc. Quels sont les initiatives dont nous n'avons pas entendu parler et qui pourraient améliorer la situation, qui pourraient atténuer l'intensité du problème?
Vous avez raison. Cela ne touche probablement pas la majorité de la population. Même pour ce qui est de la majorité des gens qui absorbent régulièrement des opiacés pour calmer la douleur, il ne s'agit que d'un sous-groupe. Nous semblons cependant avoir rencontré certaines de ces personnes, et nous trouvons extrêmement troublante la facilité avec laquelle ils sont approvisionnés. Ce ne sont pas les clients de Mme MacIsaac, ce ne sont pas des gens que les médecins aident en attendant de les inscrire au programme de traitement à la méthadone. Ce sont des gens qui ont reçu 270 pilules sur une ordonnance autorisant deux répétitions, en s'adressant à une clinique sans rendez-vous de Halifax. Ces gens ont un sérieux problème de toxicomanie, et je ne pense pas qu'un médecin quelconque aurait dû leur prescrire ce médicament.
M. Shaun Black: Cette ordonnance n'aurait pas dû être délivrée. Le Programme de surveillance des ordonnances établit des plafonds. Au-delà, le médecin reçoit une demande d'explications ou une lettre de mise en garde. Dans le cas de la demande d'explications, le médecin doit répondre en disant pourquoi il a prescrit autant du médicament en cause.
Ensuite, lorsqu'une personne se présente dans l'une de ces cliniques sans rendez-vous, elle peut recourir à différents moyens pour donner un faux numéro de carte de santé. Dans le cas particulier que vous mentionnez, je suis tout à fait d'accord avec vous. Cette ordonnance n'aurait jamais dû être délivrée et n'aurait jamais dû être exécutée.
Quand vous avez reçu ce renseignement, venait-il d'une source digne de foi? D'où tenez-vous ce renseignement?
La présidente: Il venait du toxicomane qui a reçu les pilules. Fait intéressant, cette personne a ensuite vu le médecin du centre de réadaptation parce qu'il avait un problème.
M. Derek Lee: Le renseignement n'a donc pas été corroboré.
La présidente: Pas ce médecin, un autre médecin.
M. Shaun Black: Quand vous recevez ce genre de renseignement, assurez-vous qu'il s'agissait vraiment de 270 pilules et non d'un autre nombre.
La présidente: D'accord, mais les deux répétitions sont déjà suffisamment troublantes.
M. Shaun Black: Certainement, si elles étaient bien là. Tout ce que je veux dire au sujet de ce que cette personne vous a affirmé, c'est la façon dont un toxicomane pourrait avoir accès...
La présidente: Je m'excuse. On me dit qu'il y avait trois ordonnances distinctes. Le chiffre de 270 était la somme des trois. La première ordonnance prescrivait 90 Percocet, la seconde 90 Dilaudid, puis il y avait différentes autres choses.
M. Shaun Black: Avez-vous ces ordonnances?
La présidente: Non, vous avez raison, nous devrions toujours nous méfier de ce genre d'information.
M. Shaun Black: Oh, oui, je vous en prie.
La présidente: Toutefois, ces renseignements ne semblaient pas extraordinaires. Ils ne paraissaient pas exceptionnels. Les chiffres semblent très élevés, mais il y a plus... De toute façon, vous convenez vous-même qu'il est nécessaire de sensibiliser davantage les gens. Que fait-on dans le cas des médecins qui sont formés à Dalhousie? Vous ne le savez peut-être pas, mais y a-t-il des initiatives tendant au moins à leur faire suivre un cours sur la toxicomanie?
M. Shaun Black: Il y a quelques années, John Ruedy réunissait un certain nombre de personnes lorsque les étudiants quittaient l'Université Dalhousie. Je ne sais même pas comment s'appelait le test qu'ils devaient subir. Les médecins qui venaient de recevoir leur diplôme n'obtenaient pas d'assez bonnes notes sur la partie de ce test concernant la toxicomanie. Un certain nombre de personnes se sont réunies pour examiner cette question.
Le Programme de surveillance des ordonnances de la Nouvelle-Écosse a un comité d'exploitation des programmes qui examine les questions entourant l'exécution des ordonnances. Le district de santé de la capitale a convoqué une réunion en mai de l'année dernière et a invité des partenaires de la province pour en discuter. Le Mainline Needle Exchange et Direction 180 étaient représentés à la réunion, de même que le district de santé de la capitale et le ministère provincial de la Santé. La réunion était organisée par le district de la capitale, mais la province y était représentée. Je copréside actuellement un groupe qui cherche à pousser plus loin cette initiative afin d'examiner la question des opiacés d'ordonnance et leurs répercussions sur le traitement à la méthadone.
Vous devez vous rendre compte qu'en ce qui concerne la dépendance aux opiacés et les ordonnances dans les Maritimes, nous sommes peu nombreux. À cet égard, il devient maintenant un peu plus facile de rencontrer les gens en cause et de les réunir pour lancer des projets. Par conséquent, oui, nous sommes à la hauteur de la situation.
Pour revenir à votre exemple des trois ordonnances distinctes, je dois vous dire qu'un médecin ne peut pas prescrire trois ordonnances d'opiacés à la même personne dans une période de 30 jours. Cela est impossible.
Á (1130)
La présidente: Je vais peut-être essayer d'obtenir le nom du médecin et celui de la pharmacie.
M. Shaun Black: Je conteste l'histoire. C'est tout.
M. Kevin Sorenson: Qui est-ce qui déclenche l'envoi de ces lettres? Est-ce la pharmacie, les gens de Santé Canada ou encore la personne qui acquitte la facture à la pharmacie?
M. Shaun Black: Non, il y a des demandes d'explication et des lettres de mise en garde. La lettre de mise en garde vous avertit que vous avez prescrit tel produit à une certaine personne et que quatre autres médecins lui ont également délivré une ordonnance d'opiacés. Le problème, c'est que quand vous recevez la lettre de mise en garde, on ne vous dit pas qui sont les quatre autres médecins.
La présidente: Qui écrit la lettre?
M. Shaun Black: C'est le programme de surveillance des ordonnances qui envoie la lettre quand le système d'entrée de données signale lui-même l'anomalie.
La présidente: Toutes les ordonnances d'opiacés sont donc introduite dans le système?
M. Shaun Black: Oui, et le système signale les anomalies par rapport à des normes concernant la quantité et l'intervalle de temps entre des ordonnances successives.
La présidente: Ainsi, si j'atteint 99, tout va bien, mais à 100, je vais déclencher l'envoi d'une lettre.
M. Shaun Black: Le nombre d'ordonnances par rapport à l'intervalle de temps a toujours posé un problème, que nous étudions actuellement. Nous sommes en train de former un groupe chargé d'établir des lignes directrices concernant les ordonnances de narcotiques.
M. Kevin Sorenson: De toute évidence, il devrait y avoir collaboration entre le médecin et le pharmacien. Si le pharmacien ne s'en aperçoit pas, qui va signaler l'anomalie après lui? Y a-t-il quelqu'un qui puisse le faire?
La présidente: Ce n'est pas le pharmacien qui écrit la lettre, c'est la commission de surveillance. La commission surveille le pharmacien qui exécute les ordonnances et le médecin qui les délivre.
Derek a une question rapide. Ensuite, je demanderai à chacun d'entre vous quelles sont ses priorités, puis nous lèverons la séance.
M. Derek Lee: Je vais revenir un peu en arrière. Je suis généralement en faveur du traitement d'entretien à la méthadone, du moins tel qu'il est appliqué et étudié à l'heure actuelle. Je tiens cependant à souligner un point.
Nous avons entendu M. Black parler des effets positifs de la méthadone sur les clients. Il a même donné une petite liste des avantages un peu plus tôt. Je veux néanmoins demander à Mme MacIsaac la question inverse. Compte tenu de votre expérience, que penseriez-vous si nous vous retirions le financement du programme d'entretien à la méthadone auquel sont actuellement inscrites 60 personnes? Quels en serait les effets négatifs? Qu'est-ce que cela signifierait pour ces gens sur le plan social, financier, etc.?
Je suis vraiment surpris, bien sûr, de constater que le financement de ce programme vient non pas du système de soins de santé ou du système judiciaire, mais d'un programme fédéral de logement. Cela m'a tellement secoué que je suis sur le point de tomber de ma chaise. Et voilà que M. White fait du bruit. Je ne comprends pas du tout comment un programme de logement—que je croyais bien comprendre dans l'optique torontoise—peut être utilisé ainsi. Je n'en suis pas du tout mécontent, pour la raison que j'ai mentionnée, mais je tiens à ce que ce soit consigné dans le compte rendu.
Pouvez-vous donc nous dire ce qui, à votre avis, arriverait à vos clients en cas de retrait du financement de ce programme?
Mme Cindy MacIsaac: Tout d'abord, je quitterais très rapidement la ville.
Je crois que ce serait catastrophique pour nos clients. Certains pourraient probablement s'adresser aux Services de pharmacodépendance et arriver ainsi à s'en tirer. Ils auraient de bonnes chances de tenir le coup et de réussir à s'en sortir. Mais d'autres reviendraient probablement à leurs anciennes habitudes et trouveraient des moyens de se procurer de la drogue. À mon avis, la demande augmenterait sensiblement dans la région, et je ne sais pas ce que cela finirait par nous coûter.
Sur le plan socio-économique, je crois que les tout petits pas en avant que nous avions réussi à franchir cette dernière année seraient très rapidement suivis par des pas de géant en arrière. Voilà ce qui arriverait à mon avis.
M. Derek Lee: Taux de criminalité, comparution au tribunal, exécution de la loi et tout le reste...
Mme Cindy MacIsaac: C'est tout à fait ça.
M. Derek Lee: Je vous suggère peut-être un peu trop vos réponses, mais croyez-vous vraiment que tout cela monterait?
La présidente: Pourriez-vous nous dire exactement par quoi cela se traduirait?
Mme Cindy MacIsaac: Ces gens retomberaient dans le crime, la prostitution, le vol, les attaques à main armée et la vente de drogue, sans compter que la consommation d'autres drogues et de cocaïne monterait probablement. Je crois que leur sentiment de bien-être et leur estime de soi baisseraient considérablement et qu'ils perdraient les liens familiaux qu'ils ont établis. Beaucoup seraient incarcérés.
Je pense aussi que l'Hôpital de la Nouvelle-Écosse serait obligé de prendre un grand nombre d'entre eux. Nous avons plusieurs clients qui ont des troubles mentaux, mais à qui la méthadone a permis de devenir stables et de prendre régulièrement les médicaments nécessaires. Ce serait donc un autre problème. Leur santé se détériorerait.
M. Derek Lee: Je vous remercie.
Á (1135)
La présidente: Merci.
Certains soutiennent que le programme d'entretien à la méthadone ne fait que perpétuer les méfaits. En d'autres termes, au lieu de réduire les méfaits, il en prolonge la durée. Vous avez expliqué pourquoi, à votre avis, les méfaits devraient comprendre les répercussions sur la collectivité et sur le système de soins de santé. Dans le cas du programme d'échange de seringues, en particulier, la lutte contre la transmission de l'hépatite C ne concerne pas seulement les consommateurs de drogues injectables et d'autres personnes qui ont un comportement à très haut risque. Elle nous concerne tous. Elle peut me toucher moi-même, si je ne suis pas au courant. Vous avez mentionné la prostitution, qui touche tous les aspects de notre société, et particulièrement les jeunes hommes qui ont souvent un bon poste, une famille, etc. Les effets s'étendent donc à l'ensemble de la population.
Qu'avez-vous donc à dire à ceux qui soutiennent que ces programmes perpétuent les méfaits?
Mme Cindy MacIsaac: C'est une question controversée. Je l'entends souvent dire. Les gens pensent que nous donnons aux toxicomanes une autre drogue et nous demandent quels méfaits nous réduisons. La réponse, c'est que nous réduisons la propagation des maladies transmises par le sang, nous réduisons les risques connexes et le comportement criminel. Nous assurons différents niveaux de stabilité. Je ne prétendrai pas que tous les toxicomanes traités à Direction 180 mènent une vie stable et ont réglé les innombrables problèmes auxquels ils sont confrontés, mais petit à petit...
La présidente: Ils n'ont pas deux enfants, une voiture et une belle maison en banlieue.
Mme Cindy MacIsaac: Non, mais ils commencent à affronter certains de leurs problèmes et à mener une vie un peu plus saine. Ils font des choix plus sains. Si vous considérez la situation dans cette optique, vous ne manquerez pas d'y voir une réduction des méfaits associés à la consommation de drogues injectables.
La présidente: Très bien, je vous remercie.
Nous avons largement dépassé les délais prévus. Je m'en excuse à tous. Je voudrais néanmoins, monsieur Graham, vous poser une question que j'avais oubliée.
Combien d'enfants traitez-vous à votre centre? Quels résultats obtenez-vous? Avez-vous des renseignements à nous donner à ce sujet? Vous avez commencé en avril 2000, ce qui fait que vous y travaillez depuis deux ans. Avez-vous noté une différence marquée? Y a-t-il des choses qui se passent à Sheshatshiu? Est-ce que ces enfants auront de meilleures chances dans la vie?
M. John Graham: Je n'ai pas sur moi beaucoup de renseignements statistiques, mais j'en ai quelques-uns. Le centre compte 12 lits et peut donc accueillir 12 jeunes à la fois. Notre programme dure environ six mois, ce qui signifie que nous pouvons traiter 24 jeunes chaque année. Nous avons un programme d'accueil continu. Ainsi, si quelqu'un s'en va plus tôt, un autre peut prendre sa place. À la fin de l'année, nous pouvons donc avoir traité plus de 24 jeunes.
Juste avant d'arriver ici, nous avons bavardé avec des agents de la GRC à Davis Inlet. Ils nous ont dit qu'ils y avaient noté une différence marquée. Ils ne voient plus autant de jeunes dans la rue en train de renifler des vapeurs d'essence, ils ne voient plus autant de vandalisme. Ils ont ajouté qu'ils n'avaient vraiment des problèmes, pour le moment, qu'avec trois jeunes. La situation est donc très sensiblement différente de ce qu'elle était il y a deux ans, pour ce qui est du nombre de jeunes qui reniflaient l'essence.
Je crois par conséquent que nos efforts ont donné des résultats, mais le problème existe encore et pourrait s'aggraver à nouveau. Peut-être aurons-nous d'autre problèmes à l'avenir, mais je ne sais pas lesquels exactement. Peut-être aussi avons-nous déclenché un mouvement qui pourra s'entretenir lui-même et persister.
La présidente: Merci.
Notre comité entendra probablement des témoignages jusqu'à la fin juin. Si vous avez d'autres renseignements ou s'il y a des développements—par exemple, madame MacIsaac, si l'un de vos clients veut participer plus activement au processus—, Carol Chafe sera... Oh, je m'excuse, avant d'en arriver là, il faut que je vous demande, au nom du comité, quelles sont vos deux plus grandes priorités. Que voudriez-vous que le gouvernement fasse différemment? Vous pouvez répondre en premier, madame MacIsaac.
Mme Cindy MacIsaac: En ce qui concerne la consommation de drogues injectables, je crois qu'il faudrait commencer par les personnes qui s'occupent de ces gens. Dans les collectivités et au gouvernement, nous devons considérer la toxicomanie comme une maladie. La toxicomanie n'est pas une déficience morale. Nous ne pouvons pas l'examiner dans une perspective criminelle. Nous devons considérer les toxicomanes comme des personnes handicapées, parce qu'ils sont atteints d'une maladie.
Ensuite, nous devons adopter des approches basées sur des pratiques exemplaires pour nous occuper de ces gens de façon à ne pas toucher ceux qui ne sont pas atteints, la société et le système de soins de santé. Autrement, les coûts seront d'autant plus importants.
Á (1140)
La présidente: Merci.
Monsieur Black.
M. Shaun Black: Lorsque nous parlons de toxicomanie, nous parlons d'environ 10 p. 100 de notre population qui a une dépendance à une chose ou à une autre. Or, pour chacune de ces personnes, dix autres sont touchées. Si on considère les chiffres de tout le pays, rien n'affecte autant nos familles, nos collectivités et la société que la toxicomanie. Sur le plan du financement des soins de santé, c'est l'un des aspects de la santé qui est le moins bien financé dans tout le pays.
Je n'ai jamais réussi à bien saisir cette question. D'une façon générale, la plupart des organisations se plaignent d'un manque de fonds, des problèmes qui deviennent plus complexes et de l'augmentation du nombre de leurs clients. Je ne veux pas revenir là-dessus, mais je n'ai pas de meilleures idées. Il doit y avoir un autre moyen d'aborder les besoins, mais dans le cas du traitement des toxicomanes, c'est une question qui touche tant de gens. C'est une chose dont la plupart des gens n'aiment pas parler, mais je crois que Santé Canada doit assumer un rôle de leadership pour en faire une priorité nationale.
Le second point concerne la philosophie de Santé Canada en matière de santé de la population, les déterminants de la santé étant les bases de cette philosophie. On dit que le revenu et l'instruction constituent des déterminants de la santé, mais je soutiens que l'alcool et la drogue sont aussi des déterminants de la santé. C'est mon avis. Est-ce que j'ai des preuves scientifiques pour étayer cette assertion? Non. Mais quand on pense à un déterminant de la santé, c'est une chose qui affecte tant votre santé que toute la population. Et rien n'affecte la santé plus que l'alcool et la drogue. Ils ont une influence sur tout.
Mes deux voeux sont donc les suivants: le financement d'abord, ensuite, l'intégration de la toxicomanie dans le secteur de la santé de la population en tant que déterminant de la santé.
La présidente: Merci.
Monsieur Graham.
M. John Graham: On dit qu'il faut toute une collectivité pour élever un enfant. Quand je considère les collectivités dont je m'occupe, je crois que c'est dans la prévention que nous devrions investir nos ressources. Il faut des ressources pour créer des capacités dans la collectivité, et il en faut aussi pour aider les parents à assumer leur rôle parental à l'égard de leurs enfants.
Deuxièmement, je dirais que nous devons fonder nos modèles de traitement sur une bonne information. Nous devons financer les systèmes d'information sur la toxicomanie. Nous devons réunir des données sur nos collectivités particulières, mais aussi sur l'ensemble du pays. Nous avons besoin d'établir des pratiques exemplaires, d'apprendre à connaître ce qui marche ailleurs dans le pays, puis de réunir les deux et de faire les adaptations culturelles nécessaires pour répondre à nos besoins. Mais nous avons besoin de recueillir une bonne information.
La présidente: Merci.
C'est toujours une excellente question que nous aimons poser aux gens, parce qu'elle nous rapporte de très bonnes idées. Vous avez pleinement répondu à nos attentes sur ce plan.
Nous vous remercions très sincèrement du temps que vous avez pris pour venir témoigner. Comme je l'ai dit, nous avons un processus en marche et nous continuons à écouter des témoins. Si vous avez d'autres renseignements à nous envoyer, si vous croyez connaître une personne à qui nous devrions parler ou si vous voulez que les enfants inscrits à votre programme nous fassent part de leurs impressions, monsieur Graham, nous vous encourageons à nous le dire.
Nous apprécions beaucoup les efforts que vous avez faits pour préparer vos exposés et pour venir les présenter. De plus, chacun des membres du comité tient à vous remercier de l'énergie et de l'engagement dans vous faites preuve dans vos fonctions. Nous vous souhaitons beaucoup de succès et nous espérons que vous continuerez à travailler avec le même enthousiasme.
À titre de membres du comité, nous avons parfois ressenti une certaine frustration devant l'ampleur de notre mandat. Nous souhaitons parfois avoir une baguette magique qui nous permettrait de faire disparaître les problèmes pour que chacun puisse mener une vie plus saine et plus heureuse. Nous ne l'avons malheureusement pas, et il nous arrive donc de manifester notre frustration.
À Halifax et dans l'Île-du-Prince-Édouard, nous avons eu d'excellents groupes de témoins. Nous avons vu des groupes de réduction des méfaits, d'exécution de la loi, de recherche, et maintenant ce groupe de prévention et de traitement. Nous avons également effectué des visites sur place, qui ont été une occasion extraordinaire d'en apprendre davantage. Comme vous l'avez signalé, monsieur Black, ce n'est pas seulement ce qui se passe dans cette région, mais ce qui se passe dans beaucoup de petites localités du pays.
Nous vous sommes donc très reconnaissants d'avoir bien voulu nous faire part de vos connaissances et de votre expérience. Merci tout le monde. Nous avons eu une excellente réunion.
La séance est levée.