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SNUD Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 27 août 2002




¸ 1440
V         La présidente (Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.))
V         

¸ 1445
V         La présidente
V         
V         La présidente
V         M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne)

¸ 1450
V         
V         

¸ 1455
V         La présidente
V         M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ)
V         
V         M. Réal Ménard
V         

¹ 1500
V         M. Réal Ménard
V         M. Gerry Harrington
V         M. Réal Ménard
V         
V         M. Réal Ménard
V         

¹ 1505
V         La présidente
V         M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.)
V         
V         M. Derek Lee
V         

¹ 1510
V         
V         M. Derek Lee
V         
V         
V         
V         
V         M. Derek Lee

¹ 1515
V         
V         M. Derek Lee
V         
V         M. Derek Lee
V         La présidente
V         M. Randy White (Langley—Abbotsford, Alliance canadienne)
V         
V         M. Randy White
V         
V         M. Randy White
V         

¹ 1520
V         
V         
V         
V         
V         
V         
V         La présidente

¹ 1525
V         
V         
V         La présidente
V         
V         La présidente
V         
V         La présidente

¹ 1530
V         
V         La présidente
V         
V         La présidente
V         
V         La présidente
V         M. Derek Lee

¹ 1535
V         
V         M. Derek Lee
V         M. Gerry Herrington

¹ 1540
V         M. Derek Lee
V         La présidente
V         M. Réal Ménard
V         M. Gerry Harrington
V         M. Réal Ménard
V         M. Gerry Harrington
V         M. Réal Ménard
V         M. Gerry Harrington
V         M. Réal Ménard
V         La présidente
V         M. Gerry Harrington

¹ 1545
V         La présidente
V         M. Gerry Harrington
V         La présidente
V         La présidente
V         

º 1615

º 1620
V         La présidente
V         M. Randy White
V         M. Terry Cormier
V         M. Randy White
V         M. Terry Cormier

º 1625
V         M. Randy White
V         M. Terry Cormier
V         M. Randy White
V         M. Terry Cormier

º 1630
V         M. Randy White
V         M. Terry Cormier
V         M. Randy White
V         M. Terry Cormier
V         M. Randy White
V         M. Terry Cormier

º 1635
V         M. Randy White
V         La présidente
V         M. Réal Ménard
V         M. Terry Cormier
V         M. Réal Ménard
V         M. Terry Cormier
V         M. Réal Ménard
V         M. Terry Cormier
V         M. Réal Ménard

º 1640
V         M. Terry Cormier
V         M. Réal Ménard
V         M. Terry Cormier
V         M. Réal Ménard
V         M. Terry Cormier
V         M. Réal Ménard

º 1645
V         M. Terry Cormier
V         M. Réal Ménard
V         La présidente
V         M. Derek Lee
V         M. Terry Cormier

º 1650
V         M. Derek Lee
V         M. Terry Cormier
V         M. Derek Lee
V         M. Terry Cormier
V         M. Derek Lee
V         M. Terry Cormier
V         M. Derek Lee
V         M. Terry Cormier

º 1655
V         M. Derek Lee
V         M. Terry Cormier
V         M. Derek Lee

» 1700
V         M. Terry Cormier
V         M. Derek Lee
V         M. Terry Cormier
V         M. Derek Lee
V         La présidente
V         M. Terry Cormier
V         La présidente

» 1705
V         M. Terry Cormier
V         La présidente
V         M. Terry Cormier
V         La présidente
V         M. Terry Cormier
V         La présidente

» 1710
V         M. Terry Cormier
V         La présidente
V         M. Terry Cormier
V         La présidente
V         M. Derek Lee
V         M. Terry Cormier
V         M. Derek Lee
V         M. Terry Cormier
V         M. Derek Lee
V         M. Terry Cormier
V         M. Derek Lee
V         M. Terry Cormier
V         M. Derek Lee
V         La présidente
V         M. Terry Cormier

» 1715
V         La présidente










CANADA

Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments


NUMÉRO 053 
l
1re SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 27 août 2002

[Enregistrement électronique]

¸  +(1440)  

[Traduction]

+

    La présidente (Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.)): Conformément à l'ordre de renvoi adopté par la Chambre des communes le 17 mai, nous sommes le Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments. Nous examinons les facteurs sous-jacents ou parallèles à la consommation non médicale de drogues ou de médicaments, et l'objet d'un projet de loi d'initiative parlementaire, le C-344, visant à modifier la Loi sur les contraventions et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances relativement à la marijuana.

    Nous sommes très heureux d'accueillir cet après-midi, de l'Association canadienne de l'industrie des médicaments en vente libre, Gerry Harrington, qui est directeur des affaires publiques et professionnelles, et Robert White, qui est directeur des affaires scientifiques et réglementaires. Je vous souhaite la bienvenue.

    Je pense que vous avez préparé un exposé, et si nous pouvions y consacrer une dizaine de minutes, cela nous donnerait ensuite du temps pour une période de questions et réponses, de la part des députés au Parlement qui sont ici. Les membres du comité ne sont pas tous présents, mais tous auront accès au compte rendu. Comme il est inhabituel que nous nous réunissions durant l'été, nous n'avons pas le comité au grand complet, mais les membres présents s'intéressent beaucoup aux questions dont vous traiterez aujourd'hui.

+-

    M. Gerry Harrington (directeur, Affaires publiques et professionnelles, Association canadienne de l'industrie des médicaments en vente libre): Merci.

    Nous vous remercions de nous donner l'occasion de vous faire un petit exposé sur la question de la consommation non médicale de médicaments en vente libre. Notre organisation, l'Association canadienne de l'industrie des médicaments en vente libre, est une association industrielle qui représente les fabricants de médicaments en vente libre, de remèdes à base de plantes médicinales et d'autres produits de santé naturelle, ainsi que des trousses de diagnostic utilisées par les gens qui se soignent eux-mêmes. En gros, c'est une industrie de trois milliards de dollars. Elle joue un rôle essentiel dans le secteur des soins de santé des Canadiens et pour ce qui est de maintenir un régime de soins de santé à coût abordable. Je répète que nous sommes heureux d'avoir l'occasion de vous donner des explications sur les médicaments en vente libre et sur la question de la consommation non médicale des médicaments.

    Il semble que l'utilisation à des fins non médicales de médicaments en vente libre soit un phénomène relativement rare. En préparation de ma comparution, j'ai fait des recherches dans la littérature publiée, dans l'espoir de trouver un article relativement récent qui pourrait vous donner une vue d'ensemble de l'ampleur du problème. Je crains de ne pas avoir réussi. J'ai consulté les sites Web du Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies, du Centre de toxicomanie et de santé mentale et du National Institute on Drug Abuse des États-Unis, entre autres, et je n'y ai presque jamais trouvé l'expression même médicament en vente libre et aucune statistique intéressante. À la lumière de ce résultat et de nos quelque 40 ans d'expérience dans ce secteur, à nous deux, nous ne pouvons faire autrement que de conclure que c'est un problème qui, sans être pour autant non existant, loin de là, est beaucoup moins répandu que dans le cas des drogues illégales et de beaucoup de substances légales, notamment les médicaments d'ordonnance, les solvants ménagers, et divers autres produits courants. Cela dit, rien n'indique que l'absence de littérature sur le problème s'explique uniquement par la nouveauté du phénomène. En fait, dans les très rares documents que nous avons pu trouver, notamment des exposés de cas, nous avons retrouvé des citations qui remontaient aussi loin que les années 1940. Ce n'est donc pas un problème nouveau, c'est un problème qui est documenté, mais dont l'envergure est très limitée.

    En dépit de la rareté du problème, il y a bon nombre de mesures en place, aux niveaux fédéral et provincial, pour contrer l'abus potentiel de médicaments en vente libre. Il y a d'abord et avant tout les critères appliqués par Santé Canada pour décider si un médicament peut être venu sans ordonnance. L'un de ces critères stipule que si un médicament «peut potentiellement causer une dépendance ou des abus susceptibles d'entraîner une utilisation nuisible à des fins non médicales», c'est une raison suffisante pour maintenir ce médicament inscrit à l'annexe F de la Loi sur les aliments et drogues, à savoir l'instrument qui permet d'exiger une ordonnance d'un médecin pour acheter ou vendre un médicament.

    Une fois que la vente libre d'un médicament a été approuvée, il y a un certain nombre de mesures au niveau provincial pour s'assurer que le potentiel d'abus soit géré le plus étroitement possible. La réglementation des conditions de vente des médicaments qui n'exigent pas d'ordonnance est établie par une série de mesures en cascade que l'on appelle la mise sous contrôle des médicaments en vente libre. Pour toutes les provinces sauf le Québec, un comité d'experts administré par l'Association nationale des organismes de réglementation de la pharmacie, dont je crois que vous avez entendu les représentants ce matin, est l'organe décisionnaire clé à cet égard. Au Québec, l'Office des professions a un comité qui applique des critères semblables pour exercer une fonction du même ordre.

    En fonction des possibilités d'abus et d'autres critères publiés, les médicaments qui n'exigent pas d'ordonnance peuvent être mis en vente dans n'importe quel point de vente, vendus seulement sous la supervision d'un pharmacien, c'est ce que l'on appelle l'annexe III, ou vendus seulement sous la surveillance directe d'un pharmacien, c'est-à-dire l'annexe II, auquel cas les médicaments sont conservés derrière le comptoir et le consommateur ne peut pas opérer son choix lui-même.

¸  +-(1445)  

    Un exemple du fonctionnement de cet ensemble complexe de règlements serait la disponibilité sans ordonnance de médicaments qui contiennent de la codéine, la codéine étant bien sûr un opiacé utilisé comme analgésique et agent antitussif. Au niveau fédéral, la codéine peut être vendue sans ordonnance, mais seulement à très petites doses, 8 milligrammes par dose unitaire, et doit être combinée à au moins deux autres ingrédients, car on considère que cette mesure en réduit le potentiel d'abus. Une fois cette approbation obtenue, au niveau provincial, les dix instances--je devrais plutôt dire les 13, car les trois territoires suivent le régime de l'une des provinces voisines--exigent que les préparations qui contiennent de la codéine soient vendues sous la surveillance immédiate et directe d'un pharmacien, c'est-à-dire l'annexe II. En pareil cas, les pharmaciens ont l'obligation professionnelle--je pense d'ailleurs que vous avez entendu des témoignages là-dessus ce matin--de s'assurer que l'usage qu'on en fait est approprié.

[Français]

Dans la province de Québec, il y a aussi une exigence pour faire un ajustement aux dossiers des médicaments des patients.

[Traduction]

    Ces contrôles, bien sûr, ne sont pas étanches. Comme nous l'avons dit tout à l'heure, il y a quand même des abus. Les cas les plus fréquemment cités d'abus de médicaments en vente libre mettent en cause la codéine, dont je parlais tout à l'heure, et aussi le dimenhydrinate, qui est un antiémétique vendu notamment sous la marque de commerce Gravol, et l'antitussif dextrométhorphane, lequel est vendu dans une grande variété de produits dont le nom comporte habituellement le suffixe DM. Des rapports plus rares ont également été publiés sur des cas d'abus de l'antihistaminique courant diphénhydramine, lequel est également vendu sous un grand nombre de marques de commerce, notamment Benadryl, et du décongestif courant nommé pseudoéphédrine. Dans le cas de la pseudoéphédrine, les abus ne sont pas tellement à des fins de loisirs, comme dans le cas des autres médicaments que j'ai nommés, mais plus souvent dans le but d'augmenter les performances. En fait, certains d'entre vous se rappellent peut-être l'incident mettant en cause une célèbre rameuse canadienne. La grande majorité des cas d'abus cités dans la littérature ne sont pas accompagnés de rapports de conséquences graves à long terme pour la santé. Ce sont des cas isolés et de courte durée.

    Comme pour tout exercice de gestion du risque, il est important de noter que ces mesures sont en partie le résultat d'une analyse des risques et des avantages. Bien qu'il existe un potentiel limité d'abus pour un petit nombre de médicaments en vente libre, et même si ce risque est reconnu, on considère quand même que c'est une politique publique valable que d'en permettre la vente sans ordonnance. En effet, il faut mettre dans la balance le fait que ces médicaments, pourvu qu'ils soient disponibles, peuvent réduire la demande de services des médecins et d'autres services de santé financés à même les deniers publics. Ainsi, les avantages potentiels de toute nouvelle mesure de contrôle doivent être évalués en tenant compte de l'impact que de tels contrôles pourraient avoir sur les services de santé financés publiquement.

    Enfin, je voudrais soulever une dernière question avant de passer à la période de questions et réponses. Il s'agit de la question du détournement des médicaments en vente libre comme précurseurs pour la fabrication de drogues illégales. Le cas le plus notable est l'utilisation de la pseudoéphédrine pour fabriquer de la méthamphétamine. Nous travaillons en étroite collaboration avec Santé canada et la GRC à l'élaboration de règlements pour enrayer ce détournement au Canada, essentiellement pour assumer nos obligations aux termes des conventions de l'ONU datant de 1988. Nous croyons que les règlements en question seront en place au début de 2003. Nous faisons tout en notre pouvoir pour nous assurer qu'ils soient mis en oeuvre au niveau de la fabrication dans les plus brefs délais.

    Cela met fin à mon exposé. Je vous remercie pour votre attention. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.

+-

    La présidente: Monsieur White, voulez-vous ajouter quelque chose?

+-

    M. Robert White (directeur, Affaires scientifiques et réglementaires, Association canadienne de l'industrie des médicaments en vente libre): Je suis ici pour aider à répondre à toute question qui pourrait être posée, mais je n'ai pas préparé d'exposé.

+-

    La présidente: Merci à tous les deux.

    Quelqu'un va sûrement me le demander, et je voudrais donc préciser que les sigle que vous avez utilisés en anglais, OTC et NDMA, signifient respectivement médicament en vente libre et Association canadienne de l'industrie des médicaments en vente libre. J'ai noté cela au début, et je n'étais pas certaine que l'interprète l'ait bien rendu.

    Monsieur Sorenson.

+-

    M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne): Je pense que la présidente vous a déjà remerciés d'être venus.

    Je pense que notre examen détaillé de la consommation nom médicale des médicaments a empiété sur l'utilisation des médicaments à des fins médicales. Personnellement, j'ai été troublé par certaines constatations que nous avons faites, pas tellement pour les médicaments en vente libre, mais peut-être surtout pour les médicaments d'ordonnance qui sont utilisés à des fins non médicales, plus comme euphorisants que comme médicaments.

    Je n'ai pas beaucoup de questions à poser à votre groupe. Nous voyons arriver au Canada de nouveaux médicaments dont nous n'avions jamais entendu parler il y a des années, de petites pilules ornées de visages souriants, des pilules avec lesquelles les enfants s'amusent et qu'ils appellent ecstasy. Ce matin, dans une observation adressée à l'un des témoins, M. Randy White a dit que nous vivons à une époque où nous avons tous une dépendance envers quelque chose. J'ignore si vous trouverez là-dedans une question à laquelle répondre, mais ce qui me préoccupe, ce sont les ingrédients qui composent ces drogues synthétiques. Vous avez parlé du Gravol, du Tylenol 2 et d'autres médicaments. Est-ce que certains de ces médicaments sont utilisés pour faire d'autres drogues? L'ecstasy étant une drogue synthétique, nous savons quels en sont les ingrédients. Est-ce qu'il y a une inquiétude légitime parce que les ingrédients qui composent vos médicaments sont disponibles et que les gens peuvent les détourner pour fabriquer des drogues dans leur garage.

¸  +-(1450)  

+-

    M. Gerry Harrington: Vous avez posé deux questions distinctes, si j'ai bien compris votre propos. Dans un premier temps, il y a eu des cas documentés, notamment pour un produit comme le dimenhydrinate et l'information circule à ce sujet, en particulier parmi les mineurs. C'est beaucoup plus répandu parmi les jeunes enfants, qui n'ont peut-être pas accès aussi facilement aux drogues illégales habituelles, de sorte qu'ils peuvent induire une sorte d'euphorie récréative en abusant de médicaments en vente libre. À notre époque, alors que nous avons un élément tout nouveau qui n'existait pas dans notre enfance, je veux parler bien sûr de l'Internet, cette information circule en même temps qu'une abondante désinformation, et c'est peut-être un facteur qui contribue à tout cela.

    Dans le cas d'un produit comme le dimenhydrinate, c'est très intéressant de voir quelles sont les tendances, parce qu'on note généralement des flambées d'utilisations localisées et de très courte durée. Autrement dit, dans une communauté précise, on peut avoir un certain nombre de cas signalés dans une brève période, après quoi le problème se résorbe assez rapidement. L'une des principales raisons de cet état de chose est simplement que les autorités réglementaires ont, je crois, réussi très efficacement à faire comprendre que les médicaments en vente libre ne se prêtent pas tellement bien, du point de vue pharmacologique, à leur utilisation à des fins récréatives, autrement dit elles ne produisent pas une expérience particulièrement plaisante pour l'utilisateur. Néanmoins, des enfants qui n'hésitent pas à faire des expériences peuvent en faire l'essai. Il est indéniable que certains de ces médicaments, pris en quantité suffisante, peuvent produire des hallucinations, il n'y a aucun doute qu'il y a des effets psychotropes, mais la consommation abusive ne semble pas s'installer à long terme, simplement parce que ce n'est pas une expérience particulièrement plaisante. L'écart entre la dose produisant ces effets et la dose à partir de laquelle l'expérience devient déplaisante est assez mince. Du point de vue pharmacologique, ce ne sont tout simplement pas ce qu'on pourrait appeler des drogues idéales pour les toxicomanies. Elles n'ont pas grand-chose à offrir à l'utilisateur. Voilà pour la première question.

    La deuxième question, que je trouve plus pertinente et je vais demander à mon collègue d'y répondre, est toute la question de l'utilisation des ingrédients des médicaments en vente libre pour fabriquer des drogues illégales comme ce qu'on appelle le speed.

+-

    M. Robert White: Le seul ingrédient des médicaments en vente libre qui peut être transformé en drogue illégale comme la méthamphétamine est la pseudoéphédrine. La pseudoéphédrine est un décongestif nasal. Il est un ingrédient de nombreux remèdes de marque contre le rhume et la toux, comme le Sudafed. Après avoir acheté ce produit, on peut le transformer par synthèse chimique et il prend une autre forme, celle d'un comprimé de méthamphétamine. La plupart du temps, ce sont des groupes du crime organisé qui font cette opération, parce qu'il y a d'énormes profits à faire à l'aide de cette synthèse chimique.

    Si quelqu'un voulait tenter de reproduire chez lui cette synthèse chimique, ce n'est pas si difficile. Cela comporte un certain danger, parce qu'il y a des solvants qui peuvent causer certains problèmes à la maison, et il y a aussi le problème de savoir comment se débarrasser des produits chimiques après leur utilisation, dans l'environnement.

    Comme je l'ai dit, c'est plutôt le fait du crime organisé. Ce ne sont pas des manipulations auxquelles se livrent la plupart des gens ou des jeunes. Vous parliez de l'ecstasy et d'autres drogues récréatives qui circulent actuellement; elles sont fabriquées par synthèse chimique à partir de divers produits chimiques, mais que l'on ne trouve pas dans les médicaments en vente libre. Même l'ingrédient qui se trouve effectivement dans un médicament en vente libre ne peut pas être transformé en méthamphétamine; il faut d'autres produits chimiques pour opérer cette transformation chimique.

¸  +-(1455)  

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Monsieur Ménard.

[Français]

+-

    M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): J'ai plusieurs questions que je vais poser en français, si vous me le permettez.

    D'abord, je comprends qu'à l'intérieur de votre association, on est susceptible de retrouver autant des compagnies qui fabriquent des médicaments génériques que des médicaments d'origine. C'est clair, d'accord.

    Rappelez-nous donc concrètement le cadre réglementaire d'approbation des médicaments. Je me suis beaucoup intéressé à cette question. Je travaille d'ailleurs sur des propositions que je compte soumettre au Comité permanent de la santé concernant le coût des médicaments, qui est un autre débat évidemment qui ne concerne pas ce comité.

    Cependant, au niveau du cadre réglementaire pour Santé Canada, même un médicament en vente libre doit faire l'objet d'une approbation réglementaire. Rappelez-nous rapidement de quelle direction cela relève et qu'est-ce que cela veut dire.

[Traduction]

+-

    M. Gerry Harrington: La réglementation des médicaments en vente libre au niveau fédéral est très semblable à la réglementation des médicaments d'ordonnance. C'est un système semblable comportant des contrôles et des examens, le tout fondé sur des données remises par les fabricants. Dans le cas des médicaments en vente libre, notre domaine de compétence, il y a très peu de distinction entre les médicaments brevetés ou de marque et les médicaments génériques, parce qu'il y a très peu d'ingrédients brevetés en vente libre. Presque tous les médicaments en vente libre sont, en ce sens, des produits génériques. Les exigences réglementaires sont généralement moins rigoureuses, parce que ce ne sont habituellement pas de nouveaux médicaments, mais plutôt des médicaments qui ont déjà été évalués par Santé Canada, très souvent quand ils étaient à l'origine des médicaments d'ordonnance, pour en évaluer l'innocuité, l'efficacité, etc.

    Le régime réglementaire est essentiellement fondé sur les mêmes éléments de base que pour les médicaments d'ordonnance, mais dans la plupart des cas, ce sont des médicaments bien établis dont l'innocuité et l'efficacité ont déjà été déterminées. Au niveau provincial, il y a habituellement en place des contrôles additionnels, un régime plus complexe de contrôles pour les médicaments d'ordonnance.

[Français]

+-

    M. Réal Ménard: Deuxièmement, vous savez peut-être que ce comité a voyagé partout à travers le Canada, dans la plupart des grandes villes, de Burlington à Toronto en passant par Montréal jusqu'à Vancouver et aussi dans les provinces Maritimes. Madame la présidente, vous comprendrez que Burlington est une très grande ville aussi.

    Dans les provinces Maritimes, c'est peut-être la première fois que le comité a été très sensibilisé au fait que lorsqu'on s'intéresse aux drogues, il y a effectivement, au niveau des médicaments, une consommation qui est hors champ, hors contexte et cela doit faire l'objet d'une préoccupation de la part de ce comité. J'ai demandé tantôt à nos recherchistes de me rappeler le nom du médicament. Il s'agit du Dilaudid qui fait l'objet d'une préoccupation particulière dans les provinces Maritimes.

    Pouvez-vous confirmer qu'il n'existe pas au Canada un fichier central qui permet à une autorité quelconque d'avoir un certain contrôle. Par exemple, est-ce qu'une personne qui va chez un médecin en Nouvelle-Écosse et obtient une prescription de médicament, pourrait se présenter chez un médecin à l'Île-du-Prince-Édouard et obtenir la même prescription, sans qu'il soit, à toute fin pratique, impossible d'avoir un contrôle sur la prescription de l'un ou de l'autre endroit. Est-ce que vous confirmez qu'un tel système n'existe pas et est-ce que vous y voyez là quelque chose de problématique? Enfin, est-ce que vous souhaitez faire des recommandations au comité?

[Traduction]

+-

    M. Gerry Harrington: Il y a assurément un problème, globalement, causé par l'absence de réseaux entre les diverses instances provinciales. Je descendrais même d'un cran plus bas et je dirais qu'il y a absence, dans la plupart des instances, de réseaux faisant le lien entre les pharmacies et les cabinets de médecin pour minimiser le risque de la course aux ordonnances, pour utiliser une expression, c'est-à-dire que les gens peuvent s'adresser à de nombreux médecins pour obtenir de multiples ordonnances, toutes visant l'obtention d'une substance qu'ils n'utilisent peut-être pas à des fins appropriées. C'est une question qui ne relève pas tout à fait de notre domaine d'intérêt, à titre d'association représentant les fabricants de médicaments en vente libre, mais il y aurait certainement des avantages dans l'ensemble du régime des soins de santé.

    Puisque nous sommes à l'ère des technologies de l'information, je pense qu'il y aurait des solutions très simples pour réduire la probabilité de cette espèce de course aux ordonnances, afin d'empêcher l'obtention d'ordonnances multiples pour la consommation non médicale de médicaments. Par exemple, le Québec est un chef de file pour ce qui est de s'assurer que tous les achats de médicaments inscrits à l'annexe II, c'est-à-dire ceux que seul un pharmacien peut vendre derrière son comptoir, sont inscrits à la fiche médicale du patient. C'est une exigence unique qui existe seulement au Québec. Ce contrôle offre certainement la possibilité de partager l'information entre les pharmacies, et aussi d'en avertir les médecins qui rédigent les ordonnances en cas de conflits potentiels.

¹  +-(1500)  

[Français]

+-

    M. Réal Ménard: Mais l'annexe dont vous parlez, cette catégorie de médicaments, ce sont des médicaments que l'on obtient sur prescription.

    M. Gerry Harrington: Non.

    M. Réal Ménard: Ça peut aussi être des médicaments en vente libre?

    M. Gerry Harrington: Oui.

    M. Réal Ménard: Donc, ça va de l'«antiphlogistine », en passant par tout ce qui est possible?

+-

    M. Gerry Harrington: Non. Il y un nombre de médicaments assez limité dans l'annexe II. C'est une petite minorité des médicaments disponibles en vente libre qui font l'objet de cette exigence.

+-

    M. Réal Ménard: Est-ce que vous iriez jusqu'à dire—et ça pourrait être intéressant, madame la présidente—que ce comité devrait faire une recommandation à l'effet que le modèle québécois, pour ce qui est de l'obligation d'inscrire dans le dossier médical, devrait faire l'objet d'un rayonnement à travers le Canada?

[Traduction]

+-

    M. Gerry Harrington: Je pense que pour donner suite à une telle recommandation, il faudrait un contexte qui n'existe pas encore. Je pense qu'il y a ici chevauchement entre les préoccupations directes du comité, nommément la consommation et l'abus de médicaments à des fins non médicales, et certains avantages très importants qui pourraient en découler--je m'aventure ici en territoire inconnu--pour l'ensemble du système des soins de santé, si l'on pouvait avoir une meilleure liaison entre les pharmaciens et les médecins, pas seulement entre les membres de chaque profession respective, mais aussi des deux professions, si l'on pouvait faire circuler l'information. Si l'on mettait en place des réseaux de ce genre, je pense qu'il vaudrait sérieusement la peine d'envisager de telles recommandations.

[Français]

+-

    M. Réal Ménard: Est-ce que j'ai le temps de poser une dernière question?

    Vous savez que le Sénat s'est penché sur toute la question du coût des médicaments. Je ne sais pas si vous avez vu l'émission Enjeux l'automne dernier, où on a pointé assez sévèrement les compagnies pharmaceutiques parce que le Sénat, par exemple, est arrivé à la conclusion qu'une des pressions...

    En ce moment, le principal facteur de la hausse du système de santé, c'est le coût des médicaments. Je sais qu'il faut nuancer, mais il reste que c'est une pression très réelle. Dans l'étude dont je vous parle, on nous a fait valoir que ce qui est problématique, c'est la première année où un médicament est sur le marché. En ce sens, le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés ne faisait peut-être pas tout à fait son travail parce qu'il y a beaucoup de médicaments qui sont sur le marché et qui ont des vertus curatives qui ne sont pas très nouvelles.

    Alors notre problématique est de trouver des solutions pour que les gens ne consomment pas des médicaments ou ne développent pas une dépendance comme si c'était de la drogue.

    Est-ce que vous avez l'impression que ce comité devrait regarder le rôle des compagnies pharmaceutiques et la façon dont on pourrait les encadrer? Par exemple, à l'émission Enjeux, on disait que les représentants publicitaires des compagnies qui donnent à tous les partis politiques, comme vous le savez, avaient à ce moment-là un rôle très important à jouer dans la promotion des nouveaux médicaments et que ces nouveaux médicaments n'avaient pas des vertus curatives très nouvelles.

    Est-ce que vous croyez qu'on devrait regarder le rôle du Conseil d'examen du prix des médicaments, le rôle des représentants publicitaires? Est-ce qu'il vous apparaît qu'il y a un lien avec notre comité?

[Traduction]

+-

    M. Gerry Harrington: J'aurais deux réponses à cela. Premièrement, je dirais que la place des médicaments dans l'ensemble des coûts des soins de santé est une affaire très complexe et il est certain que c'est l'élément de coût qui connaît la croissance la plus rapide. Il n'y a aucun doute là-dessus, mais en même temps, je pense que tout indique que cette croissance rapide du coût des médicaments a permis d'autre part des économies considérables dans d'autres secteurs du système de soins de santé.

    Ce qui m'amène à la deuxième partie de ma réponse. L'un des faits dont nous tirons la plus grande fierté comme industrie--et je parle maintenant de l'industrie des médicaments en vente libre--est que le coût des médicaments en vente libre est resté historiquement aligné sur l'indice des prix à la consommation ou même plus bas, pas seulement le prix des médicaments comme tels, mais le coût global de la dose unitaire. Autrement dit, les médicaments de nouvelles générations prennent beaucoup de place, mais le coût global des médicaments en vente libre comme marché total a augmenté beaucoup moins que celui des médicaments d'ordonnance, à peu près trois fois moins. Cela a des conséquences extraordinaires sur l'ensemble du système de soins de santé, pas seulement parce que c'est un élément à faible coût, mais aussi parce que cela aide à éviter aux gens des visites chez le médecin, qui sont beaucoup plus coûteuses.

    Il m'est difficile, franchement, de faire le lien avec la consommation non médicale de médicaments. Je dirai toutefois qu'il a été amplement démontré que les campagnes encourageant les gens à utiliser de façon appropriée des médicaments qui sont en vente libre contribuent à réduire le coût des soins de santé. Des études faites au Canada et à l'étranger ont prouvé que le fait de changer des médicaments de catégorie, pour les faire passer des médicaments d'ordonnance aux médicaments en vente libre, entraîne des conséquences directes. Pourvu qu'on le fasse sans exposer les Canadiens à une plus grande disponibilité à des médicaments susceptibles de donner lieu à des abus, j'y vois certainement un élément positif dans le contexte des audiences du comité, quoique je ne prétende pas nécessairement que ce soit là une manière de répondre aux préoccupations directes du comité.

¹  +-(1505)  

+-

    La présidente: Derek Lee.

+-

    M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.): Merci, madame la présidente.

    J'essaie encore de comprendre combien, quelle quantité et quelle qualité de médicaments du secteur que vous représentez se retrouvent dans ce qu'on pourrait appeler la consommation non médicale de médicaments par des êtres humains, etc. On peut s'en servir pour fortifier le ciment, mais cela ne m'inquiète pas. C'est le corps humain comme cible qui me préoccupe. Vous y avez fait allusion. Dans votre exposé, vous avez décrit certains détournements à des fins non médicales. Pourriez-vous nous en donner d'autres exemples?

+-

    M. Gerry Harrington: La liste que je vous ai donnée est essentiellement une liste d'environ quatre ou cinq médicaments. On trouve dans la littérature à peu près quatre ou cinq exposés de cas par année sur ces médicaments. C'est un phénomène très rare, mais je peux vous en dire plus long là-dessus.

    On trouve dans cette liste la codéine. Il est évident que la possibilité d'acheter de la codéine sans ordonnance suscite une certaine controverse. Jusqu'à maintenant, on estime que les avantages de rendre ce médicament disponible, en particulier compte tenu des contrôles relativement extrêmes qui sont en place, l'emportent sur les risques, mais on trouve aussi sur cette liste le dimenhydrinate, la dextrométhorphane, la pseudoéphédrine et, à un degré beaucoup moindre--en fait, je n'ai trouvé qu'un seul exposé de cas--la diphenhydramine. Nous avons donc cinq médicaments.

    Si l'on va un peu plus loin, on entre dans le domaine des remèdes à base d'herbes et d'autres types de produits que l'on peut se procurer sans ordonnance et que nos membres fabriquent; ces produits font activement partie de notre domaine. Il y a eu certains cas de produits comme l'éphédra chinois qui, faute d'un terme plus juste, est la forme naturelle d'où l'on extrait des produits comme l'éphédrine. Il y a des exposés de cas mettant ce produit en cause; encore là, il s'agit moins d'un usage récréatif que d'athlètes qui cherchent à améliorer leur performance.

+-

    M. Derek Lee: Je vais essayer d'être encore plus précis, pour tenter de comprendre. Quels sont les préjudices sociaux qu'entraîneraient les détournements dont vous avez parlé?

+-

    M. Gerry Harrington: Dans tous les cas, il y a possibilité de conséquences médicales négatives. Les cas de graves dommages à la santé sont extrêmement rares. Dans le peu de temps que j'ai passé à fouiller dans la littérature, je n'ai pu trouver le moindre cas de décès, par exemple, résultant directement de l'abus de médicaments en vente libre, bien qu'il y ait des exposés de cas aux États-Unis, pays où je m'empresse d'ajouter que les contrôles ne sont pas aussi rigoureux qu'au Canada pour les médicaments en vente libre.

    Quant aux autres préjudices sociaux potentiels, il est certain que quand on a affaire à des hallucinogènes, il y a risque d'isolement social dans une certaine mesure, surtout que ce sont le plus souvent des jeunes qui en prennent, et il y a des problèmes de développement. Ce n'est pas négligeable, c'est une question sérieuse et préoccupante. Je dois dire que nous avons à mon avis une dette de reconnaissance envers la profession des pharmaciens qui, dans leur ensemble, ont bien géré ce dossier, car comme je l'ai dit tout à l'heure, on constate habituellement une flambée de cas localisés et très momentanés. Nous avons vu, surtout dans des provinces comme la Nouvelle-Écosse et la Saskatchewan, les pharmaciens professionnels déployer des efforts vraiment remarquables pour intervenir et mettre en place des mesures additionnelles pour contrer ce problème. Je m'en voudrais de ne pas mentionner la Colombie-Britannique où, par exemple, l'une des mesures supplémentaires prises consistait à imposer des limites à la taille des emballages des produits qui sont disponibles à l'extérieur du comptoir des ordonnances.

    On a donc mis en place des mesures dans le cadre réglementaire, mais je pense qu'il faut aussi reconnaître le mérite des pharmaciens professionnels qui ont pris des mesures moins officielles, par exemple des projets pilotes, pour s'attaquer aux problèmes au fur et à mesure qu'ils surgissent.

¹  +-(1510)  

+-

    M. Robert White: Le seul autre aspect que nous pourrions mentionner, c'est qu'il peut y avoir des suicides intentionnels, mais cela ne touche pas seulement les médicaments en vente libre. N'importe quel médicament peut faire l'affaire. C'est un cas d'abus, mais c'est un abus intentionnel. Et cela ne touche pas seulement les médicaments en vente libre, mais n'importe quel médicament.

+-

    M. Derek Lee: Le cirage à chaussures pourrait faire l'affaire. Mais si je décide de manger du cirage à la cuillère pendant deux jours, c'est que j'ai aussi un autre problème d'ordre médical.

    Est-ce que l'un ou l'autre des médicaments que vous avez énumérés est susceptible d'entraîner ce que j'appellerais, en tant que profane, une toxicomanie persistante? Ils pourraient alimenter une toxicomanie, mais l'usager se trouverait-il enfermé indéfiniment dans une dépendance, si la consommation persistait pendant quelques jours ou quelques semaines?

+-

    M. Gerry Harrington: Dans la littérature que j'ai examinée, le problème le plus répandu est celui de la tolérance. Autrement dit, ce n'est pas vraiment une question de dépendance, c'est plutôt que les gens abusent de ces produits qu'ils consomment comme drogues récréatives et constatent qu'avec le temps, la dose nécessaire pour obtenir le même effet psychotrope augmente. C'est l'une des raisons pour lesquelles ces produits sont d'une utilité limitée pour un toxicomane, parce que tôt ou tard, on en arrive à une dose où la toxicité nécessite l'intervention médicale et met fin à toute l'histoire.

+-

    M. Robert White: Soit dit en passant, l'une des exigences réglementaires, quand on évalue un médicament pour savoir s'il doit être en vente libre ou nécessiter une ordonnance, c'est la question de savoir si le produit en question peut vraiment créer une dépendance. Si c'est le cas, on a probablement de très bonnes raisons de ne pas en permettre la vente libre.

+-

    M. Gerry Harrington: Je m'empresse d'ajouter qu'il y a une exception à cette règle. Comme vous le savez, les produits de substitution de la nicotine sont en vente libre. On peut soutenir que c'est un produit qui crée une dépendance, mais il est évident qu'il s'agit ici d'une stratégie de réduction des préjudices. Manifestement, la substitution de nicotine est préférable à la fumée de cigarette.

+-

    M. Robert White: Oui, je n'avais pas oublié la nicotine, mais je songeais plutôt au tabac comme tel. Vous avez raison, c'est une dépendance, mais on remplace la dépendance à la cigarette par la dépendance à un timbre de nicotine ou une gomme à mâcher à la nicotine, et il est évident que l'on évite alors tous les autres carcinogènes. Donc, oui, il existe un médicament qui est en vente libre et qui peut entraîner une dépendance.

+-

    M. Derek Lee: Si je comprends bien, on se trouve à remplacer la nicotine par de la nicotine vendue en vente libre.

¹  +-(1515)  

+-

    M. Gerry Harrington: Oui. La thérapie de substitution de la nicotine est fondée sur la constatation--et je veux que mes observations soient très claires--que la nicotine, du point de vue pharmacologique, est une drogue qui cause la dépendance.

+-

    M. Derek Lee: J'ai entendu dire que de toutes les drogues, c'est l'une des plus toxicomanogènes.

+-

    M. Gerry Harrington: Absolument. La thérapie de remplacement de la nicotine est un programme global. Le produit en question s'inscrit dans un programme d'ensemble conçu pour briser cette dépendance. Je ne veux pas laisser entendre que nous vendons un produit qui crée une dépendance chez les acheteurs; c'est un agent qui, pharmacologiquement, crée une dépendance et qui s'inscrit dans un programme visant à briser la dépendance. Je pense que la plupart des gens connaissent bien le principe de la thérapie de remplacement de la nicotine pour cesser de fumer, mais à strictement parler, il est vrai que ce produit tombe dans cette catégorie.

+-

    M. Derek Lee: Oui, je ne voulais pas vous mettre sur la défensive. J'appuie sans réserve les thérapies de remplacement de la nicotine pour la réduction des préjudices. C'est seulement que dans d'autres secteurs de la consommation non médicale des drogues, nous avions envisagé aussi de remplacer l'héroïne par l'héroïne et d'autres produits par d'autres produits, dans une tentative pour amener les gens à s'enroler dans le régime de soins de santé.

    Quoi qu'il en soit, merci, madame la présidente.

+-

    La présidente: Merci, monsieur Lee.

    Monsieur White.

+-

    M. Randy White (Langley—Abbotsford, Alliance canadienne): Est-ce que l'un ou l'autre d'entre vous connaît les composants de l'ecstasy?

+-

    M. Robert White: Pour fabriquer l'ecstasy, on commence habituellement par ce qu'on appelle de l'huile de safrole, à laquelle on fait ensuite subir un certain nombre de transformations chimiques en provoquant une réaction avec d'autres produits chimiques. C'est ainsi que l'on fabrique l'ecstasy, mais on n'utilise aucun ingrédient en vente libre. Ce sont des produits chimiques qui ne sont absolument pas utilisés dans notre industrie. L'huile de safrole ou de sassafras peut être utilisée pour créer certains parfums, mais à de très faibles concentrations.

+-

    M. Randy White: Je pense que l'on peut fabriquer l'ecstasy avec des ingrédients que l'on peut acheter dans n'importe quel magasin. N'est-ce pas exact? On n'a pas besoin de médicaments d'ordonnance.

+-

    M. Robert White: Je ne pense pas que l'on puisse acheter les ingrédients dans n'importe quel magasin, mais je pense que si l'on cherche activement, on peut trouver certains des ingrédients. D'autres sont très difficiles à trouver. C'est la raison pour laquelle nous avons maintenant mis en place des règlements, pour aider à empêcher les gens de mettre la main sur les précurseurs. Il faut faire une déclaration de l'utilisation finale, c'est-à-dire que quiconque achète ce produit doit déclarer non seulement son nom, adresse, numéro de téléphone et toutes ses coordonnées, mais aussi préciser quelle sera l'utilisation finale du produit. C'est pour empêcher l'utilisation illégitime du produit, tout en permettant à l'industrie de continuer à l'utiliser pour fabriquer des produits légitimes. Cela aidera à prévenir l'utilisation illégitime de ces produits pour fabriquer des drogues illégales.

+-

    M. Randy White: Je pense qu'on peut dire sans risque de se tromper que le crime organisé a probablement trois longueurs d'avance sur vous, la police et tout le monde. Si vous trouvez le moyen d'interrompre l'approvisionnement de ces produits, ils mettront au point l'ecstasy-plus ou quelqu'autre produit fabriqué avec des dérivés ou d'autres ingrédients dans notre société. Ne peut-on raisonnablement affirmer une telle chose? Le cirage à chaussures...

+-

    M. Gerry Harrington: Nous en avons discuté tout à l'heure durant la période des questions. L'un des aspects clés de la nouvelle réglementation à laquelle nous avons travaillé avec Santé Canada et la GRC, c'est de créer un cadre qui permettra, au fur et à mesure que de nouveaux précurseurs sont identifiés, de modifier les annexes des règlements pour toujours conserver une longueur d'avance sur le crime organisé. Ce qui était vraiment nécessaire et qui n'existe pas actuellement, mais nous espérons que ce sera introduit d'ici six à douze mois, c'est un cadre pour l'octroi de permis aux fabricants de ces précurseurs potentiels, afin de contrôler l'importation et l'exportation pour s'assurer qu'ils sont vendus par des entreprises légitimes. Nous pourrions créer une trace écrite de l'information permettant de retracer, depuis l'origine jusqu'à l'utilisation finale, le cheminement de ces produits chimiques.

    La mesure clé que nous prenons, c'est que nous aurons maintenant le cadre réglementaire et législatif voulu pour nous attaquer à ces problèmes à mesure qu'ils surgissent. Il y a peu de doute qu'à notre époque, il est facile d'obtenir de l'information scientifique, par l'Internet et autrement, et que les gens trouveront de nouvelles méthodes, mais nous envisageons de mettre en place le cadre réglementaire qui nous permettra de composer avec cela.

¹  +-(1520)  

+-

    M. Randy White: J'ai déjà soulevé cette question. Je suis d'avis que l'ecstasy, qui se vend sous forme de comprimés, pour les jeunes gens--et peut-être même maintenant pour toutes les générations en Amérique du Nord--ce n'est rien d'autre qu'une pilule. Cette pilule vous permet de faire autre chose. Mais si l'on jette un coup d'oeil à la publicité télévisée pour tous les produits, depuis le Tylenol jusqu'à l'aspirine et tout le reste, on constate que nous sommes une société de pilules. Contrairement à la marijuana, que beaucoup de jeunes refusent de fumer, parce que c'est une sale habitude, etc., nous sommes ici en présence d'une simple pilule. Je voudrais que vous nous disiez ce que vous pensez de la complaisance dans laquelle notre société s'est maintenant enfoncée face aux pilules en général.

+-

    M. Robert White: Je voudrais faire une observation avant que Gerry vous réponde. C'est probablement une pilule de 20 $, et les gens savent qu'elle leur coûte 20 $. C'est très différent des médicaments en vente libre, dont l'utilisation est auto-limitative.

    M. Randy White: C'est une bonne observation.

+-

    M. Gerry Harrington: Je pense que cela soulève des problèmes qui ont été débattus publiquement, non seulement au Canada, mais ailleurs. Plus précisément, on a prétendu que la promotion de médicaments légitimes à des fins médicales crée peut-être un état d'esprit qui abaisse les obstacles à la consommation non médicale. Durant les années 70, on en a beaucoup discuté autant au Canada qu'aux États-Unis, au point que plusieurs études ont été faites pour voir s'il y avait un lien entre la promotion de médicaments à des fins médicales et la consommation non médicale de médicaments. Pour ce faire, on a simplement comparé les endroits où la promotion et la publicité des médicaments en vente libre étaient plus ouvertes, pour voir s'il y avait une corrélation avec la consommation de médicaments dans ces territoires, en comparaison d'autres territoires où une telle promotion n'était pas légale ou était du moins rigoureusement contrôlée. Plusieurs pays scandinaves interdisaient la publicité des médicaments en vente libre, et l'Allemagne, en particulier, impose des contrôles très sévères. On pourrait donc faire des distinctions très légitimes entre ces deux environnements. Aucun lien n'a pu être établi entre le niveau de promotion des médicaments et la consommation illégale ou récréative de médicaments. Je pense qu'on est porté à faire intuitivement ce lien et qu'il faut faire très attention à cela. Mais je dirais que jusqu'à maintenant, la preuve démontre qu'il n'y a pas vraiment de lien solide, tout au moins sur le front promotionnel.

+-

    M. Randy White: Au sujet de la thérapie de remplacement de la nicotine, pourquoi ne pas avoir un timbre à la cocaïne, un timbre à l'héroïne, et un timbre au PCP? Verra-t-on le jour où les toxicomanes pourront se procurer un timbre sans ordonnance?

+-

    M. Gerry Harrington: Je vous fais observer qu'en toute probabilité, c'est moins un problème pharmacologique qu'un problème social. Franchement, cela m'étonnerait beaucoup que les obstacles soient d'ordre pharmacologique. J'ai grandement confiance en la capacité scientifique de notre industrie de trouver le moyen de réaliser ce genre de chose, mais avant d'en arriver là, il y a des obstacles sociaux et juridiques qu'il faudrait surmonter.

    Je pense que la thérapie de remplacement de la nicotine a été l'un des domaines où l'on a connu les plus grands succès dans l'industrie des médicaments en vente libre. C'est très satisfaisant, de notre point de vue, de constater que l'on a pu non seulement créer de l'activité économique et tout le reste, mais que l'on a du même coup réussi à augmenter sensiblement le nombre de gens qui réussissent à se désaccoutumer du tabac, surtout au Canada et aux États-Unis. Nous avons maintenant de solides données scientifiques sur ce qui s'est passé depuis que ces produits sont en vente libre. C'est vrai qu'il est fascinant de songer aux autres applications du même genre qui pourraient être possibles.

+-

    M. Randy White: Merci.

+-

    La présidente: Je trouve intéressant, monsieur Harrington, que vous ayez commencé par fouiller dans la littérature. Je pense que c'est probablement révélateur. C'est quand les gens commencent à s'inquiéter, à noter les tendances, etc., qu'ils commencent à publier.

    Je dois vous dire que nous avons trouvé assez troublant de nous entretenir avec des toxicomanes et des gens qui connaissent bien les jeunes et les produits qu'ils consomment pour atteindre divers degrés d'euphorie. Parfois, ils ne prennent pas seulement du Gravol, par exemple, ou de la dextrométhorphane. Ils prennent parfois plusieurs produits à la fois, souvent en les combinant à des drogues illégales ou des médicaments d'ordonnance. Cela ne peut qu'empirer la situation pour les personnes en cause.

    M. Gerry Harrington: Absolument.

    La présidente: Pour ma part, j'ai déjà pris une fois du Robaxacet, et je me demande pourquoi ce produit est en vente libre. M. White en pense beaucoup de bien, mais ce produit a eu un effet tellement fort sur moi que je me demande pourquoi c'est disponible.

    Quelle mesure une association comme la vôtre a-t-elle prise pour vraiment communiquer aux gens que ces produits, même s'il est clair qu'ils comportent des avantages pour certaines personnes dans certaines situations, peuvent avoir des effets épouvantables sur d'autres personnes? Bien sûr, on avertit qu'il ne faut pas conduire un véhicule, mais on voit tellement d'avertissements que les gens les prennent-ils vraiment au sérieux? Comment conscientiser davantage les gens? Je n'ai pas conduit un véhicule. J'avais lu cet avertissement. J'avais de graves spasmes musculaires au dos et je ne pouvais rien faire d'autre dans l'immédiat, mais laissez-moi vous dire que ce produit m'a mise hors de combat.

¹  +-(1525)  

+-

    M. Gerry Harrington: Cela soulève plusieurs questions. Premièrement, il y a le fait que très souvent, des sous-groupes de la population réagissent différemment à un ingrédient médicinal donné, par rapport à la majorité de la population. Il faut alors évaluer si les conséquences pour ce sous-groupe sont tellement inquiétantes qu'il faut envisager de retirer l'avantage que peuvent en tirer la majorité des gens. C'est le premier point.

    Par contre, vous avez dit quelque chose qui m'a frappé, c'est l'idée de renforcer le message qu'il faut lire l'étiquette et traiter les médicaments avec respect. Le simple fait qu'un produit comme celui-là est en vente libre ne signifie pas qu'il est moins important du point de vue pharmacologique. Au contraire, les médicaments qui sont en vente libre aujourd'hui sont plus puissants que jamais. C'est grâce aux progrès scientifiques. En fait, c'est un domaine que l'industrie étudie: encourager les efforts volontaires et prendre au sérieux la possibilité de lancer des campagnes d'information, des campagnes d'affaires publiques, etc. De plus, en redessinant les étiquettes des produits et en standardisant la conception des étiquettes, nous cherchons des moyens de faire ressortir plus clairement et avec plus de force les avertissements et les mises en garde, les contre-indications, etc. Il y a actuellement beaucoup de bons travaux scientifiques, pas seulement dans le domaine de la chimie, mais dans tout l'aspect communication de la pharmacothérapie.

    Votre observation est très juste. Je pense que nous pourrions en faire plus et nous réfléchissons actuellement aux mesures exactes à prendre.

+-

    M. Robert White: Je pense que M. Harrington a raison de dire que les gens réagissent différemment au même produit. J'ai pris une fois le produit que vous avez nommé. En fait, cela a aidé à soulager les spasmes musculaires dans mon dos, mais je n'ai ressenti aucun effet nocif. Je suppose que tout dépend...

+-

    La présidente: Laissez-moi vous dire que je ne sentais aucun effet nocif, moi non plus. En plus, je me sentais trop bien.

+-

    M. Gerry Harrington: Je voudrais revenir sur l'une des questions que vous avez soulevées, parce que c'est une autre question sur laquelle nous nous penchons. Le produit dont vous avez parlé est vendu sous différentes formes; si je ne me trompe pas, l'une des formulations comprend de la codéine. C'est peut-être à cet ingrédient que vous avez réagi.

+-

    La présidente: Applaudissements nourris venant de là-bas.

+-

    M. Gerry Harrington: Je souffre moi-même du dos et je vous comprends tout à fait.

+-

    La présidente: Cependant, cela peut devenir un problème quand les gens ne comprennent pas que je pourrais prendre aussi d'autres médicaments. Je pourrais être diabétique. Je pourrais prendre aussi un autre médicament en vente libre comme de l'aspirine. Il faut donc demander au pharmacien et il faut lire les étiquettes. Dans une population multiculturelle et dont le niveau d'instruction est variable, il faut être vraiment très prudent. Il faut répéter que ces produits ont un but, à savoir d'améliorer notre qualité de vie, mais il y a des conséquences à long terme et même à court terme s'ils ne sont pas utilisés à bon escient. Créer un environnement où l'on peut tenir une telle discussion et encourager les gens à mieux s'informer, voilà qui fait partie, à mon avis, du tableau d'ensemble que nous espérons préconiser comme comité, parce que ce ne sont pas seulement les cigarettes et l'alcool, domaines dans lesquels on fait beaucoup d'éducation, mais tout le secteur des médicaments d'ordonnance et des drogues illégales.

    On a parlé à plusieurs reprises de l'ecstasy. Les jeunes me découragent tellement. Quand on leur parle de marijuana, d'héroïne et de cocaïne, on a l'impression qu'ils comprennent, mais dès qu'on leur parle de l'ecstasy, ils vous regardent, l'air de dire: vous voulez dire que c'est de la drogue, ça aussi? Mais, vous savez, tout le monde en prend. Premièrement, ce n'est pas vrai que tout le monde en prend. Deuxièmement, c'est une drogue, elle a des effets physiologiques et nous devrions faire très attention. Je vous encourage à poursuivre votre bon travail sur ce front.

    J'ai deux autres questions. La première concerne le Sudafed. Vous avez dit qu'il peut servir à fabriquer du speed. Est-ce la raison pour laquelle ce produit n'est pas vendu aux États-Unis?

¹  +-(1530)  

+-

    M. Gerry Harrington: Le Sudafed est disponible aux États-Unis.

+-

    La présidente: Oh, mais le produit Sudafed...

+-

    M. Robert White: Il ne s'appelle peut-être pas Sudafed, mais on peut trouver aux États-Unis des produits contenant de la pseudoéphédrine, tout comme au Canada.

    Cela relève de l'organisme de lutte contre les drogues aux États-Unis, qui a fait adopter une loi sur le contrôle de la méthamphétamine, et qui impose des restrictions semblables à celles qui existent au Canada à la fois pour l'importation et l'exportation. Cependant, avec le cadre réglementaire qui est maintenant mis en place au Canada, il y a eu beaucoup de discussions sur la pseudoéphédrine qui arrive du Canada. À l'avenir, si une compagnie au Canada veut expédier quelque chose aux États-Unis, elle devra obtenir un certificat d'importation de Santé Canada, qui le fera alors parvenir aux États-Unis et demandera si les Américains ont des préoccupations quelconques au sujet de ce produit, en telle ou telle quantité, qui est expédié aux États-Unis. Dans l'affirmative, l'expédition sera bloquée et le produit ne pourra pas franchir la frontière. Sinon, et s'il est destiné à des fabricants légitimes, l'expédition sera autorisée. Une fois que nous aurons ces contrôles, je pense que nous aurons en place un bien meilleur cadre.

    De plus, les dispositions sur l'import-export et la tenue de dossiers font en sorte que toute compagnie qui achète comme matière première de la pseudoéphédrine devra tenir un dossier de la quantité en stock au début de l'année et à la fin de l'année, des quantités qui ont été expédiées, et le tout doit s'équilibrer. Il ne doit pas y avoir de quantités importantes qui ne sont pas comptabilisées. Ces dossiers devront être remis à Santé Canada annuellement et feront l'objet de vérifications.

+-

    La présidente: Enfin, en tant qu'association, vous avez probablement des communications avec vos membres sur les codes de conduite, de publicité, vous avez un cadre quelconque pour l'information de vos membres, ou des contrôles en place dans les compagnies relativement à certains produits. Si nous pouvions obtenir copie de ces documents de communication, cela nous serait très utile. Si vous êtes au courant de ce que font des associations homologues aux États-Unis ou en Europe, cela nous serait aussi utile.

+-

    M. Robert White: Nous vous ferons parvenir des documents. Ils sont tous du domaine public puisqu'ils sont affichés sur notre site Web. L'adresse est www.NDMAC.ca. Ces codes et ces lignes directrices d'application volontaire utilisés par notre industrie sont disponibles et du domaine public.

+-

    La présidente: Bien, formidable.

    Alors nous avons un peu plus de temps, s'il y a d'autres questions.

    Monsieur Lee.

+-

    M. Derek Lee: Je voudrais aborder la question dans une perspective plus large et le groupe que vous représentez est probablement un élément important. Je veux essayer de cerner quelle est l'importance de votre rôle. Puisqu'on parle de consommation non médicale de drogues, c'est de drogues qu'il s'agit, mais une drogue, c'est quelque chose d'indéfini, cela peut être un aliment, un médicament ou du cirage à chaussures. Nous n'en sommes pas sûrs nous-mêmes, mais en général, nous avons une bonne idée de ce que c'est que la drogue. Il y a un vaste éventail de drogues et de médicaments qui sont fabriqués au Canada. Le gouvernement fédéral et les provinces ont réglementé les médicaments d'ordonnance. Quelle proportion de l'industrie globale représente les fabricants de médicaments en vente libre. Vous pouvez me répondre en donnant un chiffre en dollars ou quelqu'autre élément de mesure.

¹  +-(1535)  

+-

    M. Gerry Harrington: Ce qui est intéressant, c'est que si l'on mesure en dollars--en appliquant la définition la plus couramment utilisée de ce qui constitue un médicament en vente libre, ce qui comprend les vitamines, minéraux, remèdes à base d'herbes, etc.--on obtient un chiffre d'environ trois milliards de dollars sur une facture totale d'environ 12 milliards de dollars pour les médicaments. C'est donc à peu près 25 p. 100 en dollars. Soit dit en passant, le chiffre souvent cité de 15 milliards de dollars pour le marché total des médicaments comprend les honoraires des pharmaciens, et je n'en tiens donc pas compte. Je tiens uniquement compte du coût réel des médicaments eux-mêmes. Si, par contre, on mesure d'après le nombre de pilules consommées, parce que le coût des médicaments en vente libre est tellement plus bas, il y a une quantité à peu près égale de médicaments consommés de part et d'autre.

    En terme de thérapie, et nous faisons des enquêtes annuelles là-dessus, environ 85 p. 100 des Canadiens signalent avoir utilisé un quelconque médicament en vente libre au cours des 12 derniers mois, en comparaison d'environ 60 p. 100 de la population qui indique avoir pris des médicaments d'ordonnance.

+-

    M. Derek Lee: Au cours du prochain siècle, les populations du monde industrialisé, et peut-être même du monde en développement, consommeront de plus en plus de substances que je range dans la catégorie des drogues ou médicaments, pour améliorer leur alimentation ou leur santé, pour prévenir la maladie, pour atteindre un état mental correspondant à leur situation professionnelle, pour se débarrasser d'un mal de tête, etc. Les générations à venir consommeront encore et toujous plus. Le groupe que vous représentez fabriquera, d'après les mesures actuelles, environ la moitié de la quantité, et non pas du montant en dollars. Je pense que le comité perçoit le besoin d'informer la population beaucoup mieux que nous ne le faisons actuellement, parce que les gens achèteront, mangeront, boiront et avaleront tous ces produits à tour de bras pour améliorer leur vie, leur mode de vie, etc., et aussi leur apparence. Est-ce que votre industrie, les 50 p. 100 que vous représentez, perçoit le besoin de participer à cet effort pour mieux informer non pas les personnes de 75 ans, mais les jeunes de 15 ans et même de dix ans, pour qu'ils soient plus au courant de ce dont on discute ici?

+-

    M. Gerry Herrington: C'est probablement le principal défi que notre industrie aura à relever. Dans notre mémoire à la commission Romanow, nous avons beaucoup insisté sur la nécessité d'adopter une approche multidisciplinaire pour éduquer les consommateurs avant même qu'ils deviennent des consommateurs. Nous devons examiner comment nous tirons parti du système d'éducation. Évidemment, le contexte dont nous parlions quand nous avons fait ces commentaires ne concernait pas uniquement les usages non médicaux, mais aussi les usages médicaux et l'utilisation appropriée de ces produits. C'est tout simplement trop important—si nous voulons garder notre système de santé en bon état, protéger la santé physique de la population, éviter les graves problèmes sociaux associés à un usage inapproprié et favoriser notre économie—pour que nous laissions passer l'occasion de faire de la sensibilisation dès le plus jeune âge, quand les attitudes se forment, quand les pratiques commencent à s'établir, afin de susciter un sain respect pour le rôle positif des médicaments et pour les dommages potentiels que peut causer l'usage de ces médicaments, vendus sur ordonnance ou non. Je pense que c'est extrêmement important.

    Les membres de notre conseil d'administration, qui sont les chefs de file de notre industrie, ont tenu en juin une retraite au cours de laquelle ils ont établi que la question de la sensibilisation générale des consommateurs à ce genre de choses serait justement le fer de lance de ce qui deviendra notre plan stratégique pour les dix prochaines années. C'est vital. Notre industrie avait l'habitude de se voir essentiellement comme un secteur de l'industrie chimique. Nous produisions des produits chimiques et nous faisions de la chimie. Cela représente aujourd'hui moins de la moitié de nos activités. Nous nous occupons surtout d'information, et l'éducation populaire occupe une place de plus en plus grande dans le mandat de nos entreprises. Cela fait partie de leurs activités.

¹  +-(1540)  

+-

    M. Derek Lee: C'est bon à savoir. Merci.

+-

    La présidente: Monsieur Ménard.

[Français]

+-

    M. Réal Ménard: Quels sont les critères qui président l'établissement d'une liste de médicaments qui sont vendus librement ou qui sont vendus sur prescription.

[Traduction]

+-

    M. Gerry Harrington: Santé Canada a une liste de dix critères. Ils sont affichés sur le site Web du programme des produits thérapeutiques. De mémoire, je pourrais probablement vous en citer deux ou trois, mais je n'essaierai pas. Il y a une liste de dix critères pour définir quels sont les médicaments devant être vendus sur ordonnance. C'est le premier niveau à franchir. Parmi ces critères, comme je l'ai dit au début de ma présentation, il faut se demander si un médicament risque d'entraîner une dépendance ou des abus susceptibles de mener à un usage non médical dangereux; c'est un critère pour maintenir l'obligation de vendre ce médicament sur ordonnance. Il y en a neuf autres. Si un médicament ne répond pas à ces critères—autrement dit, si Santé Canada détermine qu'il n'a pas à être vendu sur ordonnance—, chacun des trois niveaux de contrôle suivants, prévus à l'annexe II, qui exige qu'un médicament soit vendu seulement derrière le comptoir du pharmacien, comporte une liste de huit ou neuf critères.

[Français]

+-

    M. Réal Ménard: Donc, ce n'est pas possible qu'un produit soit vendu librement au Québec mais qu'il ne le soit pas en Ontario. Cela relève vraiment du gouvernement fédéral et tous les produits qui sont vendus sur prescription le sont uniformément dans chacune des provinces.

[Traduction]

+-

    M. Gerry Harrington: Il y a un chevauchement des compétences. Même si le gouvernement fédéral approuve la vente libre d'un médicament, le gouvernement provincial peut décider qu'il doit être vendu sous ordonnance dans sa province. C'est tout à fait possible. Les provinces ont ce pouvoir. Cependant, si le gouvernement fédéral exige qu'un médicament soit vendu sous ordonnance, la province ne peut pas se montrer plus libérale. Autrement dit, elle ne peut pas décréter que le médicament peut être vendu en vente libre sur son territoire.

[Français]

+-

    M. Réal Ménard: Je sais que ce sont les provinces qui déterminent la liste des médicaments remboursables et au Québec, il y a un comité pharmacologique.

    M. Gerry Harrington: Oui.

    M. Réal Ménard: Mais vous m'éclairez sur cela. Ce ne serait peut-être pas mauvais que nos recherchistes nous distribuent cette liste des critères dans les prochains jours pour qu'on la voie—si c'est sur Internet, ce n'est pas compliqué—pour l'avoir présente à l'esprit avant de discuter du rapport. Je parle juste de la liste des critères.

+-

    M. Gerry Harrington: Il y a la liste fédérale, il y a une liste qui est utilisée par les neuf provinces autres que le Québec pour les médicaments en vente libre et finalement dans la province de Québec, il y a une liste pour ces trois niveaux de produits en vente libre qui est un peu différente de celle des autres provinces.

    Alors je peux certainement vous envoyer une copie des trois listes à mon retour au bureau.

+-

    M. Réal Ménard: C'est parfait, merci.

[Traduction]

+-

    La présidente: Y a-t-il des cas où une province aurait décidé d'exiger qu'un médicament dont la vente libre était autorisée soit quand même vendu sur ordonnance? Normalement, les provinces ne le font pas parce que cela signifie qu'elles devraient rembourser le prix de ce médicament.

+-

    M. Gerry Harrington: Absolument. En fait, il y en a eu beaucoup d'exemples il y a une dizaine d'années. Une des choses auxquelles nous avons travaillé très fort depuis mes débuts dans l'industrie, il y a 20 ans, c'est l'harmonisation de l'approche partout au Canada. Je ne pense pas qu'il y ait encore d'aujourd'hui de médicaments qui seraient vendus sous ordonnance dans une province, mais dont le gouvernement fédéral aurait autorisé la vente libre. Mais la chose se produisait assez souvent il y a moins de dix ans.

    Nous progressons à grands pas vers l'harmonisation du système. Cela demeure une question de compétence provinciale, mais comme les représentants de l'ANORP vous l'ont dit ce matin, il s'agit d'un organisme national regroupant les responsables provinciaux de la réglementation des produits pharmaceutiques, qui ont l'appui de neuf provinces pour adopter une approche harmonisée. Le Québec ne fait pas partie du système. Chose ironique, c'est lui, en quelque sorte, qui a créé ce système. Il n'y adhère pas pour le moment, mais nous espérons que cela deviendra un jour ou l'autre un système vraiment pancanadien.

¹  +-(1545)  

+-

    La présidente: Pour finir, si personne d'autre n'a de questions à poser, j'aimerais souligner qu'une des choses intéressantes qu'on apprend quand on parle aux gens de leurs propres habitudes en ce qui concerne les médicaments en vente libre, comme vous l'avez mentionné tout à l'heure, c'est que certains de ces médicaments sont plus efficaces qu'ils l'étaient il y a 20 ans. Les médecins disaient aux gens de prendre deux aspirines et de les rappeler le lendemain matin. Chacune de ces aspirines, ou de ces comprimés de Tylenol, d'Advil ou de quoi que ce soit d'autre, est beaucoup plus efficace aujourd'hui. Je sais que les gens ont l'habitude d'en prendre deux pour chasser la douleur, mais ils pourraient souvent en prendre seulement un. Personne n'y pense. À certains égards, votre industrie n'a pas vraiment intérêt à insister sur la chose parce qu'il est clair que vous allez vendre plus de médicaments si les gens continuent d'en prendre deux, mais il est dans l'intérêt de notre société de vous aider à communiquer le message suivant : réévaluez ce que vous faites de temps à autre.

+-

    M. Gerry Harrington: Absolument.

+-

    La présidente: Je pense que ce serait une composante importante d'un programme national d'éducation si vous, les pharmaciens, les médecins et tous les autres travailliez ensemble pour transmettre et renforcer ces messages parce que les gens nous disent, en particulier les jeunes, qu'ils ne sont tout simplement pas informés. Quand ils reçoivent de l'information, il s'agit souvent d'un simple cours en septième année, et c'est tout. Il est clair que nos vies et nos besoins changent avec le temps et que nous avons besoin d'un meilleur processus pour discuter de ces choses à l'échelle nationale. En définitive, c'est dans notre intérêt à tous. Voilà ma petite plaidoirie.

    Merci beaucoup d'être venu nous rencontrer aujourd'hui. Je suis certaine que nous avons tous appris beaucoup de choses. Nous avons hâte d'aller consulter nous-mêmes le site Web et de recevoir l'information que vous allez nous faire parvenir. S'il y a d'autres choses auxquelles vous pensez après la séance ou au cours des prochains jours, vous pourriez les garder en mémoire pour nous et en faire part à Carol Chafe, notre greffière. Ce serait excellent. Merci et bonne chance dans vos travaux.

    Chers collègues, nous allons suspendre la séance jusqu'à 16 heures.

¹  +-(1548)  


º  +-(1610)  

+-

    La présidente: Nous allons reprendre nos travaux. Le Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments entendra cet après-midi un témoin du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, M. Terry Cormier, qui est directeur de la Division du crime international.

    Bienvenue, monsieur Cormier. Vous avez une déclaration, dont nous avons des exemplaires disponibles en français et en anglais. Nous allons vous laisser faire votre présentation, après quoi nous aurons certainement des questions à vous poser.

+-

    M. Terry Cormier (directeur, Direction du crime international, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Merci beaucoup, madame la présidente.

[Français]

    Merci beaucoup. D'abord, je vous remercie de m'avoir invité à venir ici cet après-midi.

[Traduction]

    Ce que je voudrais faire dans les dix prochaines minutes, c'est parcourir très rapidement avec vous une présentation qui vous donnera un résumé très bref des dimensions internationales de la politique sur les drogues. Je suis tout à fait conscient du fait que votre comité étudie cette question depuis très longtemps, que vous avez effectué des recherches considérables et que vous connaissez très bien ce dossier. Comme je vais aller très vite, n'hésitez pas à m'interrompre en cours de route ou à me poser des questions à la fin, je vous en prie.

    Je voudrais d'abord vous faire une mise en contexte et vous décrire certains des problèmes que soulève la politique sur les drogues sur la scène internationale. Je vais aussi vous décrire un peu l'architecture juridique internationale en place et vous parler brièvement de certains des progrès les plus récents sur la scène internationale en ce qui concerne la politique sur les drogues. Et je vais vous exposer ensuite certains des défis à relever en matière de politiques.

    Premièrement, au sujet des dimensions internationales de la question, il s'agit d'un dossier multidimensionnel, qui comporte de nombreux aspects différents comme l'application de la loi, les douanes, la santé, la justice. C'est un enjeu de société très important et très vaste, dont il est question dans de nombreuses tribunes différentes, en particulier dans les organisations des Nations Unies; il existe toute une série de tribunes de l'ONU où on discute des questions de drogues. Et il y a aussi des tribunes régionales. J'aimerais vous parler très brièvement de notre expérience au sein de l'Organisation des États américains. Je tiens à vous faire comprendre que chaque pays a ses propres perceptions relatives aux problèmes de drogues dans sa société. On peut affirmer que toutes les sociétés comprennent que les défis liés à la consommation de drogues sont cruciaux pour elles.

    Je vous dis cela simplement pour vous donner une petite idée de la raison pour laquelle le ministère des Affaires étrangères s'occupe des dossiers de ce genre. Mon travail porte sur les aspects internationaux de la sécurité publique et de la protection des Canadiens contre certaines menaces transfrontalières. La réalité, c'est qu'avec la mondialisation—qui comporte de nombreux avantages pour les gens d'affaires—, les biens, l'argent, les produits, les idées et les gens traversent les frontières de plus en plus fréquemment, tout comme les criminels et les terroristes qui veulent profiter de la situation. Un des défis à relever, en ce sens, c'est le caractère horizontal du problème et le fait qu'il touche tellement d'aspects différents de nos sociétés et tellement d'intervenants différents.

[Français]

    Évidemment, ce n'est pas juste le gouvernement fédéral qui a un intérêt pour cette question. Il y a aussi les municipalités, les provinces et il y a d'autres acteurs dans la société qui ont un rôle important à jouer dans la résolution ou la gestion de ce problème pour notre société.

[Traduction]

J'y reviendrai plus tard, si cela vous intéresse.

    En gros, il y a des problèmes parce que le commerce international de la drogue est très important. La corruption est évidemment un de ces problèmes. Quand les marges bénéficiaires sont énormes, comme dans le cas du trafic de ces substances illicites, il est assez facile d'acheter des policiers et des magistrats. C'est ce qui se passe dans bien des États, et cela crée un environnement dans lequel les lois ne sont pas respectées, ce qui causes de sérieuses difficultés aux gouvernants. Cela engendre la violence, encore une fois à cause des profits associés à cette activité et du fait qu'elle est illégale. Cela peut saper l'autorité de l'État et la primauté du droit, comme on le constate déjà dans un certain nombre de pays dont il est possible d'étudier la situation. L'Afghanistan en est un excellent exemple. L'expérience de l'Afghanistan, qui est devenu un narco-État et qui assure environ 70 p. 100 de la production mondiale d'héroïne, a permis d'autres activités sur son sol.

    Il y a des problèmes de détérioration de l'économie, à cause du mouvement des activités économiques associées au commerce de la drogue, que ce soit par exemple dans une ville du Canada ou dans un pays d'une autre région du monde. Il y a aussi beaucoup de questions de santé associées au trafic de la drogue. Comme ce commerce est extrêmement profitable et qu'il représente d'importantes sommes d'argent—de l'argent sale—, il entraîne également toutes sortes d'activités de blanchiment visant à «nettoyer» cet argent sale. Il est également lié de très près au trafic d'armes à feu. C'est une activité dangereuse, qui crée de nombreux problèmes pour la sécurité des citoyens canadiens.

    L'ONU—très rapidement—s'occupe de ces questions depuis 50 ans. Elle a mis sur pied toute une structure à cette fin. Il y a le Conseil économique et social, qui gère l'ensemble de la politique à cet égard. Il y a aussi la Commission des stupéfiants, qui relève du Conseil économique et social, et l'Organe international de contrôle des stupéfiants. C'est le secrétariat qui gère les statistiques relatives à la circulation de toute une gamme de substances contrôlées, parce que la communauté internationale a établi des listes de contrôle de centaines de produits chimiques et de médicaments différents. Il y a également l'Organisation mondiale de la santé, qui formule des recommandations visant à porter d'une liste à l'autre certains médicaments visés par les trois conventions.

    Dans notre hémisphère, je tiens à souligner les énormes progrès que nous avons réalisés au sein de l'Organisation des États américains grâce au leadership canadien. Je tiens à ce que vous le sachiez. Le gouvernement canadien a orchestré le processus qui a mené à l'élaboration de mécanismes multilatéraux d'évaluation, c'est-à-dire de mécanismes d'évaluation par les pairs applicables au problème de la drogue dans la famille des nations de l'OEA. Ces mécanismes prévoient 80 critères différents concernant non seulement l'aspect de l'offre, mais également la réduction de la demande. Cela a permis d'élargir le débat et de bien comprendre toute la gamme des problèmes que causent les stupéfiants dans nos sociétés.

    Il existe trois conventions internationales sur les drogues. Je suis certain que vous avez déjà lu là-dessus. Elles visent toutes un objectif similaire, qui est de limiter la production et le commerce des substances prohibées. La première, la Convention sur les stupéfiants de 1961, établit l'architecture des Nations Unies à cet égard et donne un caractère pénal au processus. Elle s'attaque à la question en prévoyant des sanctions pénales et contient une série de listes concernant les différents types de substances. La Convention sur les substances psychotropes, signée en 1971, repose sur une approche du même genre. Elle suit le même modèle que la précédente, avec des tableaux de contrôle et une exigence selon laquelle les drogues doivent être inscrites sur des listes. La Convention contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, qu date de 1988, est un autre instrument de droit pénal international. Les parties signataires doivent respecter certaines obligations. C'est une convention générale, en ce sens qu'elle porte par exemple sur des questions comme la protection des droits fondamentaux de la personne.

º  +-(1615)  

    La possession de cannabis est probablement une des questions dont nous allons parler encore un certain temps au Canada. Dans les milieux juridiques, tout dépend de l'avocat à qui on parle, mais le consensus, parmi les juristes du ministère des Affaires étrangères, c'est qu'il n'est pas possible de décriminaliser le cannabis tout en respectant les trois conventions. Je pense qu'il faut essayer de comprendre exactement ce que cela signifie. Je n'ai pas de formation juridique, mais je me ferai un plaisir d'essayer de clarifier les choses si vous avez des questions sur cet aspect en particulier. C'est un aspect essentiel, à mon avis. Les parties ont une certaine latitude quant aux peines et aux sanctions qu'elles peuvent appliquer pour se conformer aux conventions et, bien sûr, ces conventions reconnaissent explicitement les lois nationales.

    Je vous ai parlé brièvement de l'Organisation des États américains et des mécanismes multilatéraux d'évaluation que nous y avons mis en place. Je répète que l'approche adoptée vise à essayer de mieux comprendre les répercussions des drogues sur nos sociétés.

    Les fonctions que j'occupe au ministère des Affaires étrangères, en ce qui concerne la politique en matière de drogues, consistent à anticiper les menaces futures. Je trouve important que nous réfléchissions à ce que l'avenir nous réserve et aux tendances relatives à la consommation de drogues dans notre société. Nous vivons dans une société beaucoup plus médicalisée qu'il y a une génération. En raison de la facilité de production de nouvelles drogues chimiques comme l'ecstasy et les stimulants assimilés aux amphétamines—dont les méthodes de production sont de plus en plus simples—ce sont des défis auxquels nous devons réfléchir. Parce que nous allons devoir y faire face dans un avenir pas très lointain.

    Il est également important de garder un certain équilibre entre le contexte international et le contexte national dans les discussions sur les questions de ce genre. Nous discutons évidemment avec toute une gamme d'autres États, et il y a bien sûr une évolution dans la communauté internationale en ce qui concerne la façon d'aborder ces questions. L'environnement mondial est en train de changer. Vous êtes au courant, par exemple, des mesures que le Royaume-Uni a adoptées cet été. Je sais que vous êtes allés en Hollande, en Allemagne et en Suisse et que vous connaissez les approches appliquées ailleurs.

    Je pense que les questions relatives à la consommation de stupéfiants sont maintenant envisagées dans une optique plus générale que dans le passé. Nous sommes plus conscients du fait qu'il faut examiner les dommages que ces substances causent dans nos sociétés et les mesures à prendre pour limiter les dégâts. Nous reconnaissons également de plus en plus qu'il faut faire des distinctions entre les différentes classes de drogues. Et nous comprenons mieux l'ensemble des conséquences sociales, politiques et économiques de la consommation de stupéfiants pour nos sociétés.

    Pour conclure, je voudrais simplement souligner qu'une des approches adoptées par le Canada sur la scène internationale consiste à promouvoir la multilatéralisation des règles internationales. Nous cherchons à encourager la communauté internationale à envisager des approches multilatérales pour le règlement des problèmes internationaux. C'est un problème qui comporte des aspects internationaux, mais c'est aussi, évidemment, un problème intérieur, et le Canada dispose d'une très grande latitude pour s'y attaquer. Les problèmes liés à la consommation de drogues sont des problèmes graves, sur le plan social et sur le plan de la politique gouvernementale, des problèmes qui concernent bien des gens à bien des niveaux, y compris au niveau international.

    Merci beaucoup.

º  +-(1620)  

[Français]

Je suis à votre disposition pour pour répondre à vos questions dans la langue de votre choix. Merci.

+-

    La présidente: Merci beaucoup, monsieur Cormier.

[Traduction]

    Je tiens à souligner, à l'intention de mes collègues, que vous êtes accompagné de plusieurs personnes de votre ministère, en particulier Cynthia Boyko, qui nous a fourni une aide précieuse pour l'organisation de nos voyages en Europe et aux États-Unis. Merci, madame Boyko. Nous sommes très reconnaissants de l'aide que nous avons reçue pour l'organisation de ces rencontres, à peu près sans préavis et dans des délais très serrés. Cela a beaucoup aidé le comité dans ses travaux.

    Monsieur White.

+-

    M. Randy White: Merci, madame la présidente.

    Quand quelqu'un parle aussi vite pendant une séance de comité, c'est soit parce qu'il est très pressé, soit parce qu'il vient de Terre-Neuve.

+-

    M. Terry Cormier: Je suis désolé si je suis allé trop vite.

+-

    M. Randy White: Ça va. Je vous comprends.

    J'aimerais que vous nous parliez des conséquences de nos décisions sur le plan international, en particulier auprès des Américains. Quand nous étions en Europe, les gens nous en dit en gros que leurs politiques étaient influencées par les positions américaines sur d'autres points, par exemple le commerce. Cela me fait penser à une situation dont je m'occupe actuellement. Croyez-le ou non, il y a des Canadiens qui veulent avoir accès aux audiences pour les réfugiés parce qu'il y a des Américains qui cherchent à échapper aux poursuites—ils appellent cela de la persécution aux États-Unis—, qui viennent au Canada et qui demandent le statut de réfugiés parce qu'ils sont poursuivis pour des infractions reliées aux drogues. J'aimerais avoir votre avis sur l'intérêt que les Américains pourraient accorder à toute décision importante que pourraient prendre notre comité ou la Chambre des communes.

+-

    M. Terry Cormier: Avec plaisir. C'est évidemment une question très importante.

    En ce qui concerne les questions sociales sur le plan intérieur, en particulier, il ne fait aucun doute que l'administration américaine applique actuellement une approche plutôt conservatrice pour le contrôle des stupéfiants. Les Américains l'ont dit clairement—il y en a, en tout cas, qui me l'ont dit très clairement. À certains égards, la situation aux États-Unis est similaire à celle d'ici, en ce sens qu'il y a tout un débat en cours sur la façon appropriée de traiter les substances de ce genre dans notre société. La discussion qui se déroule actuellement aux États-Unis n'est pas monolithique. Il y a une douzaine d'États—dix ou douze—qui ont déjà pris des mesures relativement progressistes au sujet du cannabis. Le Nevada a élaboré un avant-projet de loi qui en assurerait essentiellement la légalisation. La Californie a mis en place un régime qui, quand on le regarde de près, est plutôt libéral. Il n'y a pas de poursuites en deçà d'un certain seuil minimum.

    Donc, la première chose à dire, c'est que la situation aux États-Unis est la même qu'au Canada, en ce sens qu'il y a différents intervenants qui discutent des réponses appropriées. Du point de vue de nos relations avec nos amis américains, il est essentiel que toutes les mesures que prendra le Canada tiennent pleinement compte de tous les effets négatifs que ces mesures pourraient sembler avoir sur les États-Unis d'Amérique. Je pense qu'il y a des moyens d'y arriver.

    Mais nous devons aussi discuter de la question avec les Américains, et nous le faisons d'ailleurs à plus d'un niveau. C'est un problème commun. Le trafic de stupéfiants, par exemple, se fait dans les deux sens. La cocaïne qui entre au Canada vient en majeure partie des États-Unis, par voie terrestre. C'est bien connu.

    Nous avons des intérêts communs dans cette affaire, et je pense que le genre de réponse que nous obtiendrons des États-Unis dépendra des gens à qui nous parlerons là-bas, du moment où nous leur parlerons et de ce que nous aurons fait pour essayer de les gagner à notre cause et pour faire en sorte que toutes les mesures prises de notre côté tiennent compte des effets négatifs qu'ils pourraient y voir. Je n'ai sans doute pas répondu à votre question aussi directement que vous l'auriez souhaité, monsieur White, mais je me ferai un plaisir de poursuivre cette discussion si vous le voulez.

º  +-(1625)  

+-

    M. Randy White: Non, c'est parfait. J'ai d'autres questions à poser.

    La «structure institutionnelle internationale» que vous exposez à la page 6 de votre présentation m'apparaît simplement comme un prolongement des multiples autres organisations qui cherchent à s'attaquer au problème de la drogue au Canada. Les Services correctionnels du Canada ont même établi leur propre organisme de recherche, Santé Canada a fait quelque chose, et les Douanes aussi. Il y a une foule d'autres organisations qui étudient la question, par exemple des corps policiers. La liste est longue. C'est une industrie qui vaut des milliards de dollars, comme nous le savons tous. Pensez-vous que nous sommes en bonne voie de régler le difficile problème des drogues dans notre société, grâce à toutes ces organisations qui s'en occupent aujourd'hui?

+-

    M. Terry Cormier: Pourriez-vous préciser ce que vous voulez dire quand vous parlez de résoudre le problème des drogues dans notre société? Je ne comprends pas ce que vous entendez par là.

+-

    M. Randy White: Résoudre le problème, à mon avis, ce serait avoir moins de toxicomanes qu'avant, et par conséquent dépenser moins d'argent. Pensez-vous que toute la structure en place donne des résultats?

+-

    M. Terry Cormier: Il y a beaucoup d'organismes gouvernementaux qui s'occupent de la question, comme vous l'avez fait remarquer. C'est une question horizontale très vaste, et c'est véritablement un problème pour les gouvernements.

    Les statistiques dont nous disposons ne permettent pas de croire que la consommation de drogues diminue dans notre société. C'est plutôt le contraire. Une des choses que nous devons faire, c'est recueillir autant de données scientifiques et autant de preuves que possible. Il nous en faut plus. Les statistiques que je vois ne me portent pas à croire que le problème de la consommation de drogues dans notre société est en train de s'atténuer.

    Si on examine la situation depuis 25 ans, il faut reconnaître que nous avons fait des progrès dans un certain nombre de domaines. Il y a eu des progrès très importants au Canada en ce qui concerne le tabac, par exemple, une drogue qui crée une très forte accoutumance et qui entraîne toutes sortes de problèmes de santé. La culture et l'environnement dans lesquels nous voyons aujourd'hui le tabac au Canada sont très différents de ce qu'ils étaient il y a 25 ans. C'est la même chose pour l'alcool, en ce qui concerne la tolérance envers la conduite en état d'ébriété. La situation s'est améliorée sur ce plan-là. On note une diminution notable et appréciable du tabagisme et de la consommation d'alcool, et aussi de la conduite en état d'ébriété et des problèmes qu'elle pose dans la société.

    Dans le cas des drogues illicites, il y a beaucoup moins de recherche disponible. Il ne se fait aucune étude approfondie sur la question. Les États-Unis ont les outils nécessaires pour recueillir d'excellentes statistiques. Le Canada est en train de développer ses capacités à cet égard, tout comme certains pays européens. Or, d'après les chiffres que fournissent les différents organismes, je ne constate aucune diminution.

º  +-(1630)  

+-

    M. Randy White: À mon avis, nous ne savons même pas où nous en sommes. Comme nous n'avons pas fait de sondage national sur la question depuis 1997, il est difficile d'avoir une base.

    Il me semble que les ministères reçoivent pas mal d'argent, mais qu'ils n'ont pas vraiment d'objectifs précis et qu'ils n'évaluent pas leurs résultats. Dans bien des cas, l'argent qu'ils reçoivent tombe dans un trou noir. C'est du moins ce que je pense des sommes que le gouvernement verse à ces ministères. Diriez-vous que tout cet argent est utilisé efficacement ou si nous avons besoin d'une meilleure coordination entre ces ministères, ou peut-être même d'un organisme de coordination?

+-

    M. Terry Cormier: Je dirais qu'il est très difficile de résoudre des questions aussi interreliées, qui concernent autant d'intervenants différents. Pour régler le problème de la consommation de drogues dans nos communautés, il faut des intervenants à divers niveaux et de toute une gamme de... Et il y a clairement des problèmes en ce qui concerne l'intégration des services offerts dans la communauté pour aider les gens qui ont de graves problèmes de toxicomanie et pour rendre ces services accessibles à ces gens-là. Je dirais que nous devons faire mieux sur ce plan-là. Le niveau de coopération entre les intervenants fédéraux est vraiment assez satisfaisant, et il y a un débat animé sur cette question.

    C'est essentiellement une question politique, évidemment, une question sur laquelle il doit y avoir des signaux très clairs au sujet de la direction que nous voulons voir la société prendre.

+-

    M. Randy White: Pour finir, si je suggérais une déclaration de culpabilité par procédure sommaire ou une amende de 200 $ pour les personnes arrêtées en possession de cinq grammes de marijuana—prenons cet exemple pour les fins de la discussion—, pensez-vous que ce serait impossible d'après le consensus qui se dégage des déclarations de l'ONU?

+-

    M. Terry Cormier: Non, je ne dirais pas cela.

+-

    M. Randy White: Que voulez-vous dire, alors, à la page 10, quand vous dites : «Il y a consensus sur le fait qu'il n'est pas possible de décriminaliser le cannabis tout en respectant les trois conventions.»

+-

    M. Terry Cormier: L'architecture des conventions de l'ONU oblige explicitement les signataires à considérer certaines choses comme des actes criminels. Elle ne limite toutefois pas les seuils auxquels certaines activités doivent être considérées comme des actes criminels; il serait donc possible d'établir des seuils, à mon avis. Mais, encore une fois, je ne suis pas avocat. Si vous voulez m'adresser la question par écrit, je pourrai vous fournir une réponse en m'appuyant sur l'avis du conseiller juridique du ministère des Affaires étrangères.

    Il me semble que l'approche que vous décrivez est essentiellement celle qu'a adoptée le Royaume-Uni. Les Britanniques sont peut-être allés un peu plus loin à certains égards. Nous avons entendu dire qu'ils n'interviennent plus en cas de possession de petites quantités dans certaines régions du Royaume-Uni. D'autres pays qui ont adopté une approche différente pour s'attaquer au problème du cannabis dans leur société diraient que leurs décisions demeurent conformes aux conventions, même s'ils abordent la question différemment. Vous savez sûrement, par exemple, que la possession de cannabis demeure un acte criminel aux Pays-Bas. Dans la loi, c'est un acte criminel, mais comme vous le savez, la loi n'est pas appliquée en deçà d'un certain seuil.

    Comme je l'ai dit dans ma présentation, c'est essentiellement une question juridique. Il faut clairement l'envisager dans le contexte international en pleine évolution, et aussi dans le contexte national, qui évolue lui aussi. Ce sont des instruments à la disposition des États souverains qui prennent des engagements pour essayer de régler des problèmes dont avons une compréhension commune. Cette compréhension change, et les perceptions aussi. Il y a des possibilités, par exemple, de modifier l'inscription de certaines drogues dans les tableaux des conventions de l'ONU, et votre comité voudra peut-être envisager ces possibilités dans ses recommandations au gouvernement.

º  +-(1635)  

+-

    M. Randy White: Merci.

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Monsieur Ménard.

[Français]

+-

    M. Réal Ménard: Nous avons déjà eu une présentation assez semblable par votre collègue de la Justice. En fait, c'était le troisième témoin que le comité entendait et depuis lors, on a entendu un certain nombre d'académiciens, dont une personne sûrement connue de vos services, Line Beauchesne, qui est professeure à l'Université d'Ottawa ici, pas très loin. Elle a écrit deux importants bouquins et elle a une vision un peu différente. Elle dit que: «En regard du droit international, rien ne nous empêche de décriminaliser, à condition d'avoir des politiques actives de lutte contre la contrebande». Ce sont évidemment deux choses différentes, même si on comprend que le régime prohibitionniste donne lieu à la contrebande dans l'ampleur que vous connaissez.

    D'abord, commençons par le début. Les conventions ne créent pas d'obligation juridique. Par exemple, le Canada est signataire du Traité sur les droits civils et politiques, sur les droits économiques et s'il fallait qu'il y ait des obligations juridiques, par exemple, qui soient liées au fait que le Canada n'ait pas rempli tous ses engagements contre la lutte à la pauvreté, évidemment le Canada serait très mal pris.

    Donc mettons dans la balance que les conventions ne créent pas d'obligation juridique. Cependant, il y a des mécanismes de vérification qui font que le Canada doit soumettre des rapports périodiquement à la communauté internationale et si on s'éloignait trop de nos objectifs, on pourrait vivre des représailles de la part des États-Unis, mais pas d'obligation juridique.

    Est-ce que vous êtes d'accord avec une obligation comme celle-là?

+-

    M. Terry Cormier: Non, je ne suis pas d'accord avec une affirmation comme celle-là. Mais cette affirmation souligne le point que je soulève, à savoir que c'est une question du débat actuel et actif entre les juristes pour savoir jusqu'où on peut aller pour rester en conformité avec les conventions. Et c'est une discussion qui a lieu dans un certain contexte et un contexte qui change.

+-

    M. Réal Ménard: Mais commençons par le début. Concernant le droit interne, le fait que le Canada soit signataire de traités ne crée pas d'obligation juridique. Est-ce qu'on s'entend là-dessus? Ou sinon, quelle obligation juridique est-ce que cela crée?

+-

    M. Terry Cormier: D'abord, encore une fois, je ne suis pas juriste.

+-

    M. Réal Ménard: C'est bon pour vous ça.

+-

    M. Terry Cormier: Le Canada respecte ses obligations internationales et ne signe pas les obligations internationales et les conventions internationales sans vouloir les respecter. Le Canada a signé trois conventions internationales qui ont certaines obligations et qui demandent qu'on fasse certaines choses.

    Il y a beaucoup de gens qui croient que cela voudrait dire qu'il limite notre champ d'action et je suis parmi ce groupe. Je crois que étant donné que nous avons signé, nous sommes partie de ces conventions et cela limite notre champ d'action.

    Mais notre champ d'action n'est pas limité à zéro et c'est une question de discussion pour savoir jusqu'à quel point on peut y aller. Plus loin que ça, je regrette beaucoup, mais je ne peux pas m'avancer.

+-

    M. Réal Ménard: Ce que j'aimerais—parce que c'est une question à laquelle ce comité va devoir répondre—c'est que notre greffière ou nos recherchistes vous fassent parvenir les deux ou trois mémoires d'académiciens. Vous les avez peut-être lus, mais il faudra que vos services et les services juridiques...

    La présentation que vous avez faite est très proche de celle de vos collègues fonctionnaires qui sont venus. C'étaient nos tout premiers témoins du ministère de la Justice. Les informations que nous avons eues des gens qui interprètent le droit c'est que bien sûr, on vit à l'ombre des États-Unis avec ce que cela a de positif et de négatif, mais l'obligation internationale qu'on a concerne la lutte contre la contrebande de drogues.

    C'est évident que dans notre rapport, on pourrait très bien avoir une recommandation à l'effet de décriminaliser, mais maintenir des politiques très actives pour lutter contre le contrebande.

º  +-(1640)  

+-

    M. Terry Cormier: Si vous voulez me poser des questions très spécifiques, je suis prêt à y répondre d'une façon très claire, avec l'aide du service juridique du ministère, avec plaisir et dans un très bref délai.

+-

    M. Réal Ménard: Alors la question que je vous pose est la suivante, et vous pouvez y répondre par écrit: En termes d'obligation juridique, qu'est-ce que cela impliquerait si on essayait d'aller un petit peu plus loin? Vous apparaît-il, dans un contexte de décriminalisation—et ici, je ne présume pas que le comité ira dans ce sens, on n'en a pas discuté entre nous—que le fait de lutter contre la contrebande serait une façon de nous acquitter de nos obligations?

    Passons à un autre sujet. On nous a remis un document un peu volumineux d'à peu près 200 pages qui nous montre ce que chacun des États de l'OEA a fait ou n'a pas fait. Également, un de vos collègues du ministère de la Justice et du Solliciteur général nous a présenté cela en détail.

    À votre connaissance, quand on réfère à des mécanismes d'évaluation multilatérale, est-ce que le Canada a déjà soutenu le point de vue suivant:

    Une des démonstrations assez convaincante qu'on nous a faite en comité, c'est que les États-Unis ont une stratégie prohibitionniste. Il n'y a pas de corrélation entre les pays qui ont des stratégies prohibitionnistes, comme les États-Unis, et l'évolution de la consommation de différentes drogues. Autrement dit, ce n'est pas parce qu'on a une stratégie prohibitionniste que nos concitoyens vont consommer moins de drogues.

    Dans des pays qui n'ont pas de stratégie prohibitionniste, quand on nous a montré des tableaux, il y avait moins de consommation de drogues.

    Par exemple, concrètement, chez les jeunes de 18-30 ans en Hollande en ce moment, on consomme moins de drogues, toutes tendances confondues, qu'on ne le fait aux États-Unis. Il me semble qu'une donnée comme celle-là est importante.

    Est-ce qu'il vous apparaît que dans les forums internationaux, le Canada rappelle aux États-Unis une donnée aussi élémentaire que celle-là?

+-

    M. Terry Cormier: À mon avis, l'expérience démographique néerlandaise qui démontre que la consommation des drogues à tous les âges est beaucoup moins—pas juste un peu moins—beaucoup moins grande que dans un État qui impose des sanctions très sévères résultant en beaucoup d'incarcérations, ce qui engendre beaucoup d'autres coûts et de frais de toutes sortes pour les sociétés, est convaincante.

    Vous avez sans doute eu l'occasion de voir les statistiques des Néerlandais. Leur expérience au sujet de cette question que vous me posez est convaincante, à savoir qu'on ne peut invoquer l'argument que la question de régime a terriblement d'influence sur le taux de consommation des substances en question.

+-

    M. Réal Ménard: Ce que j'essaie de comprendre, c'est que vous nous avez fait valoir que le Canada joue un rôle de leadership dans différents forums multilatéraux et qu'on est très actifs dans différents mécanismes d'évaluation et on a même eu des documents que vous avez peut-être lus. Sinon, la greffière pourra vous les faire parvenir.

    Quand le Canada assiste à un forum international avec les États-Unis, est-ce que le Canada soutient ce point de vue-là, à savoir que ce n'est pas parce qu'on a une stratégie prohibitionniste qu'il y a moins de gens qui consomment de la drogue?

    Au niveau ministériel, au niveau de ceux qui font les politiques et donnent des ordres, par exemple, le très sympathique et attachant ministre des Affaires étrangères, un des plus libéral du caucus, me dit-on—parce que vous êtes un fonctionnaire des Affaires extérieures—est-ce qu'on vous demande de tenir ce discours-là ou est-ce qu'on le tient dans les forums internationaux?

+-

    M. Terry Cormier: Oui, la discussion est tenue dans les forums internationaux. La politique de notre gouvernement sur les questions de drogues, c'est que la réponse doit être équilibrée. Elle doit jouer, d'une part, avec l'interdiction des substances dans la société, mais aussi avec la demande, avec le traitement et avec tous les autres facteurs.

    Alors notre position est clairement exprimée dans les forums internationaux et on ne manque pas les occasions de s'engager sur le sujet.

+-

    M. Réal Ménard: J'ai une dernière question et je laisserai la parole à un autre collègue.

    Est-ce que vous avez un point de vue? Le Canada a eu une stratégie canadienne antidrogue en deux épisodes, d'abord avec les conservateurs jusqu'en 1993 et par la suite, on renouvelé; on nous dit qu'on avait 210 millions de dollars.

    En regard des informations que vous pourriez porter à notre connaissance, en lien avec les connaissances de votre ministère, quelle est l'évaluation? Est-ce que vous vous êtes attardé sur un bilan de cette stratégie, tant dans ses conséquences nationales qu'internationales?

º  +-(1645)  

+-

    M. Terry Cormier: En ce qui a trait aux tendances nationales, ce n'est pas à moi d'en parler. Je m'excuse, mais je n'ai vraiment pas la compétence du tout.

    Au point de vue international, comme je l'ai dit au début, je ne peux pas dire que nous pouvons être ravis du progrès qui a été fait. Cela dépend de la façon dont on mesure le résultat. Qu'est-ce que vous attendez de cela? De l'élimination complète de la consommation de certaines substances dans la société? Si cela est le but, il est évident que non.

    ll me semble que c'est important pour nous tous d'essayer de voir s'il en est question, dans une optique aussi large que possible et de minimiser et réduire tous les dommages que le problème peut causer pour la société, à tous les points de vue, que ce soit la santé d'un individu qui est vraiment habitué à une substance, que ce soient les problèmes économiques que cela peut causer ou que ce soit la criminalité que cela engendre. Ce sont tous les problèmes et c'est le défi qui est là, c'est un défi du gouvernement sur les politiques, c'est sûr.

    Au point de vue international, je ne peux pas dire qu'on a fait beaucoup de... On ne peut pas dire qu'on a résolu le problème, ça c'est sûr. En toute franchise, je ne crois pas que le problème, s'il est vu dans cette optique, ne va jamais être complètement résolu.

    Évidemment, la question des substances dans notre société existe depuis toujours. Il y a des changements dans les tendances, mais je ne vis pas avec l'espoir qu'on va vivre dans une société où il n'y a pas de substances telles que l'alcool, le tabac et d'autres drogues illicites.

+-

    M. Réal Ménard: Madame la présidente, je termine en souhaitant pouvoir compter sur vous pour qu'on fasse parvenir à notre témoin les mémoires de Mme Beauchesne et des autres académiciens qui ont vraiment interprété nos obligations en matière de droit international.

    Le problème avec ce débat, c'est que s'il demeure à un niveau de généralités, évidemment, ce sera difficile pour le comité d'arriver à des conclusions et des recommandations très précises.

    Je remercie le témoin de son échange avec moi.

[Traduction]

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Monsieur Lee.

+-

    M. Derek Lee: Merci.

    Monsieur Cormier, vous avez parlé des engagements internationaux du Canada en vertu des traités et des conventions. Vous avez évoqué également la politique actuelle du gouvernement du Canada, ou du moins la politique qu'il a énoncée sur la scène internationale. Notre travail consiste à aider nos collègues de la Chambre à étayer la politique du gouvernement du Canada sur l'objet de nos audiences. J'aimerais pouvoir me dire que nous avons une marge de manoeuvre raisonnable, mais on nous a parlé ce matin, et au cours de séances antérieures, des restrictions ou des contraintes que nous imposent les conventions internationales existantes. J'aimerais que nous en parlions un peu parce que je pense que mes collègues vont probablement vouloir se donner le plus de latitude possible à cet égard. Si le gouvernement du Canada a pris des engagements sur la scène internationale il y a quelques années, c'est très bien. S'il n'a pas pris le temps d'en informer la Chambre ou de lui demander de les ratifier, ce qu'il ne fait pas couramment, c'est son problème. Nous avons un travail à faire en tant que législateurs.

    Je voudrais que nous parlions des drogues interdites en vertu des conventions internationales. Pouvez-vous me dire pourquoi certaines drogues sont interdites dans ces conventions et comment elles le deviennent?

+-

    M. Terry Cormier: Je peux vous en donner rapidement une petite idée aussi exacte que possible. Comme je l'ai mentionné, ces conventions régissent de très nombreuses substances—il y en a des centaines. Ces tableaux changent constamment. Quand de nouvelles substances sont créées, elles y sont ajoutées en fonction du niveau de contrôle exigé. Comme je l'ai indiqué, l'Organisation mondiale de la santé a un rôle à jouer en faisant des recommandations sur la classification des drogues. C'est essentiellement ainsi que cela fonctionne. L'Organisation mondiale de la santé fait des recommandations aux organismes de l'ONU en fonction des demandes des États, pour que de nouvelles substances soient ajoutées aux listes ou pour que les listes soient modifiées. Comme vous le savez, une des recommandations qui découlaient de l'étude réalisée au Royaume-Uni, c'était que le gouvernement britannique cherche à faire porter le cannabis sur une autre liste dans les conventions de l'ONU. Voilà donc comment les choses se passent, d'après ce que j'en sais.

    Nous avons une occasion de lancer le débat sur la question avec nos partenaires. Il y a beaucoup d'autres partenaires qui ne veulent pas de ce débat, et il y en a qui auront sans doute une réaction très négative. Il n'y a pas de consensus universel sur l'utilité de libéraliser le commerce des substances de ce genre. Il y a beaucoup d'États qui voient la chose de façon très négative. C'est la réalité internationale avec laquelle nous devons vivre, et l'environnement dans lequel nous devons fonctionner.

    C'est une question interne. Le Canada est un pays souverain, c'est certain, et nous avons énormément de latitude en ce qui concerne les conventions internationales auxquelles nous voulons adhérer. Nous avons une marge de manoeuvre considérable; je pense que personne n'en doute. La difficulté, c'est de comprendre que ce n'est pas uniquement une question interne, mais qu'elle a des ramifications internationales et des répercussions mondiales et que nous devons tenir compte de l'évolution de l'environnement international, ainsi que de l'architecture et de la structure qui existent pour le moment.

º  +-(1650)  

+-

    M. Derek Lee: Madame la présidente, nous allons devoir clarifier la question de la latitude dont jouit le Canada dans le cadre de ces conventions. J'aimerais savoir qui va nous donner un avis là-dessus. Je comprends que le ministère pour lequel M. Cormier travaille comporte un service du contentieux qui lui fournit des avis juridiques; nous n'y changerons rien aujourd'hui. Cet avis est ce qu'il est, et c'est probablement un bon avis juridique.

    Si une substance est prohibée en vertu de ces conventions, est-ce que cela signifie qu'il est impossible de s'en procurer ou d'en avoir partout et en tout temps? Est-ce que cela veut dire qu'on ne peut pas en avoir, qu'on n'en entend jamais parler, que cela n'existe pas et qu'on ne peut pas en discuter?

+-

    M. Terry Cormier: Non, bien sûr que non.

+-

    M. Derek Lee: En quoi consiste cette prohibition?

+-

    M. Terry Cormier: Elle vise par exemple toute la gamme des produits pharmaceutiques, ce qui englobe les substances psychotropes, toutes les drogues qui peuvent altérer l'humeur, le comportement moteur ou le système nerveux. Il y en a des centaines.

+-

    M. Derek Lee: Donc, ce n'est pas vraiment prohibé, c'est simplement contrôlé. Il faut une certaine réglementation dans ce domaine.

+-

    M. Terry Cormier: En effet, et les listes peuvent également établir des distinctions entre les différentes classes de drogues.

+-

    M. Derek Lee: Il y a au moins un de nos partenaires internationaux signataires de ces conventions qui a organisé un programme de distribution médicale contrôlée d'héroïne aux toxicomanes endurcis. D'après ce que vous savez des conventions et des prohibitions, est-ce que ce type de solution médicale au problème de l'héroïnomanie est conforme aux conventions ou si ces pays fonctionnent juste en dehors des limites de ce qui est considéré comme légal?

+-

    M. Terry Cormier: C'est une question très précise, mais permettez-moi de l'aborder sous un angle un peu plus général pour commencer. Je pense qu'il faut définir les objectifs visés. La réduction des préjudices pour la société est certainement un objectif important. La distribution d'héroïne sous supervision médicale, l'installation de sites d'injection sécuritaires pour les utilisateurs de drogues injectables et les programmes d'échanges de seringues font parfois l'objet de discussions dans les tribunes internationales. À mon avis, d'après mon interprétation des conventions, nous aurions toute la latitude voulue pour instaurer un programme de distribution d'héroïne sous contrôle médical pour les toxicomanes invétérés. Le Royaume-Uni a un programme de ce genre. Les grands héroïnomanes peuvent y obtenir de l'héroïne sous ordonnance depuis un certain temps déjà. Donc, je pense qu'il y a des avenues possibles, d'après ce que je comprends des conventions et des obligations juridiques qu'elles entraînent. Si ce n'est pas le cas, je vous le dirai quand je répondrai à votre question précédente.

º  +-(1655)  

+-

    M. Derek Lee: Il y a également la question de ce que nous voulons faire au sujet de la marijuana. C'est une substance criminalisée ici, pas une substance contrôlée—mais je ne devrais pas dire qu'elle est entièrement criminalisée parce que la possession de marijuana est maintenant autorisée pour usage médical. Cet usage médical n'est pas encore clairement défini, mais au moins, le droit criminel reconnaît cet état de chose, et les tribunaux également. D'après vous, du point de vue du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, cette reconnaissance de la consommation de marijuana dans ces circonstances restreintes doit être conforme aux conventions. Est-ce qu'on a déjà laissé entendre qu'elle ne l'était pas?

+-

    M. Terry Cormier: Non, personne n'a laissé entendre qu'elle ne l'était pas. C'est possible, mais ce n'est certainement pas notre interprétation. Les conventions reconnaissent explicitement les lois nationales et les considérations intérieures relatives aux droits de la personne, et ce sont les motifs qui ont été invoqués—avec succès—dans l'affaire Parker. Donc, ces conventions reconnaissent expressément la situation intérieure.

+-

    M. Derek Lee: Bon nombre de nos partenaires du monde industrialisé qui ont signé ces conventions cherchent des moyens de répondre de façon humanitaire aux problèmes de drogues que nous connaissons tous dans nos sociétés. Dans votre travail au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, avez-vous déjà vu une partie à une convention répliquer à ces initiatives de réduction des préjudices en disant que ce n'était pas possible et que c'était une question touchant le commerce international? Est-ce qu'un pays a déjà dit qu'il devrait rétorquer par des mesures commerciales à cette modification radicale de nos lois sur les drogues, que nous ne respections pas les règles du jeu et que cela entraînerait une réaction au niveau international? Avez-vous déjà vu des réactions comme celle-là?

»  +-(1700)  

+-

    M. Terry Cormier: Personnellement, non. Je suis sûr que l'expérience de certaines personnes peut parfois les porter à croire que c'est le message que nous recevons de certains signataires, dans certains pays. Comme je l'ai dit, le contexte et les discussions varient beaucoup dans tous les pays; il y a bien des voix qui se font entendre dans les débats de ce genre. Je suis convaincu qu'il y aurait bien des gens inquiets aux États-Unis si nous décidions de modifier nos lois sur les drogues. En même temps, il ne fait aucun doute à mon avis qu'il y aurait énormément de gens, aux États-Unis, qui seraient très contents que nous adoptions une approche plus ouverte à cet égard. Il y a un débat là-dessus dans divers États américains.

    Nous allons devoir être très prudents, et ce sera dans une large mesure à nous de veiller à ce que les mesures que nous prendrons n'aient pas l'air d'entraîner des effets négatifs pour les Américains, quelle que soit leur perception de ces effets négatifs. J'espère certainement qu'il sera possible de le faire sans trop de difficulté si le gouvernement décide de faire quelque chose dans ce domaine.

+-

    M. Derek Lee: Ma question pourra vous sembler farfelue, mais j'aimerais savoir si nous pourrions avoir laissé passer, dans nos accords commerciaux avec d'autres pays, certaines choses qui pourraient influer sur les changements que nous pourrions apporter à notre politique intérieure de contrôle des drogues? Est-ce qu'il pourrait y avoir une clause de ce genre cachée dans l'Accord de libre-échange nord-américain? Est-ce qu'il y a quelque chose quelque part au sujet des tarifs? Est-ce que nos accords commerciaux avec le Brésil...

+-

    M. Terry Cormier: C'est bien possible, monsieur Lee, mais je n'en connais pas. Il pourrait y avoir des lois qui compliqueraient les choses, selon ce que nous pourrions envisager de faire. C'est possible, je n'en sais rien. Mais je ne connais pas d'obstacle important du point de vue du commerce international.

+-

    M. Derek Lee: C'est ce que je voulais savoir. Vous n'en connaissez pas, et moi non plus. J'allais à la pêche, c'est tout.

    Merci, madame la présidente.

+-

    La présidente: Merci.

    Votre allusion à la pêche fait sans doute référence aux gens de l'Atlantique qui sont autour de la table.

    Monsieur Sorenson.

    M. Kevin Sorenson: Je n'ai pas de questions.

    La présidente: Monsieur Cormier, vous avez passé un certain temps à discuter des questions de perception avec les membres du comité. Quand nous avons rencontré des législateurs américains, ils nous ont dit que le problème venait uniquement de nous, à leur avis, en particulier dans le cas de la marijuana en Colombie-Britannique. Ils ne semblaient pas se rendre compte qu'il y a de la cocaïne qui entre au Canada, et d'autres substances qui viennent surtout de chez eux et qui nous causent plus de tort que tous nos problèmes leur en causent à eux. En dehors de certaines des tribunes dans lesquelles vous travaillez, y a-t-il des moyens d'aider à transmettre ce message? Je ne veux pas dire que c'est entièrement de leur faute, mais il faut être réaliste. Nous avons nos difficultés, et ils ont les leurs. Nous avons effectivement identifié un produit appelé B.C. Bud pour lequel il y a un assez bon marché aux États-Unis, mais il y a beaucoup de marijuana bon marché et d'autres produits de culture hydroponique aux États-Unis, dont les Américains ne parlent jamais. J'aimerais bien que nos gens soient capables de vendre notre bois d'oeuvre aussi bien que le B.C. Bud.

    Il faut se rendre compte qu'il y a des problèmes communs. Autrement, si nous faisons des changements et si nous adoptons certaines mesures comme les Européens, nous pourrions nous attirer les foudres des législateurs les plus acharnés dans ce débat.

+-

    M. Terry Cormier: Je pense que c'est une question très importante, à laquelle nous devons réfléchir très sérieusement. Nous avons essayé de trouver des moyens, en vertu des mécanismes bilatéraux, pour que la situation générale soit au moins plus claire. Dans le cadre du Forum sur la criminalité transfrontalière, que le Solliciteur général préside avec le secrétaire à la Justice des États-Unis, nous avons entrepris il y a un an une étude sur le trafic de drogues, dans les deux sens, entre le Canada et les États-Unis. Cela a fait ressortir les éléments que vous avez mentionnés, à savoir que ce n'est pas un problème à sens unique.

    L'offre totale de marijuana cultivée en Colombie-Britannique, avec tout le respect que je dois à M. White et aux talents des gens de cette province, relève un peu du mythe, à mon avis. Cela représente une fraction infinitésimale de la consommation totale de cannabis aux États-Unis. C'est une culture très importante dans de nombreuses régions des États-Unis, tout comme dans de nombreuses régions du Canada, y compris dans nos villes. On en trouve partout. En réalité, la marijuana cultivée en Colombie-Britannique selon les méthodes hydroponiques représente une toute petite part du cannabis consommé aux États-Unis.

    Il est important que nous abordions ces questions dans un contexte bilatéral. Il est critique, à mon avis, que nos décisions n'aient pas d'effets négatifs sur les États-Unis et que nous tenions des discussions de ce genre. Nous pourrions collaborer de bien des façons. Comme je l'ai déjà dit, les Américains sont à mon avis parmi ceux qui recueillent les meilleures statistiques sur les habitudes de consommation; ils y ont consacré beaucoup d'argent. Il est certain qu'il faut faire plus de recherche sur la consommation des substances de ce genre dans nos sociétés et que nous devrions collaborer dans ce domaine. Il s'agit de convaincre les Américains et d'aborder le problème ensemble de la manière la plus coopérative possible, tout en respectant la souveraineté nationale. Bien que nous partagions bien des valeurs, nous avons des approches différentes dans certains domaines, notamment dans celui de la justice pénale.

+-

    La présidente: L'autre élément que nous avons trouvé intéressant, au cours de nos voyages, concerne l'Europe. Vous avez parlé des différents traités dont nous sommes signataires. Au Canada, nous aimons à travailler dans cet environnement multilatéral. Certaines de ces ententes en sont rendues à des étapes différentes et font l'objet d'interprétations différentes, et elles subissent l'influence de pays différents qui n'en sont pas tous rendus au même point. En Europe, à plus d'une reprise, les gens nous ont encouragés à faire ce qu'il fallait faire pour le Canada, même si cela ne semblait pas nécessaire pour le moment aux yeux de certains Américains. Nous reconnaissons que les Américains ne sont pas entièrement d'accord sur ces questions, parce qu'ils se sont déjà prononcés et qu'ils ont déjà fait valoir leurs arguments. Ils espèrent que nous allons aussi faire pression sur la communauté internationale.

    Compte tenu de l'évolution de certaines de ces ententes, entrevoyez-vous des initiatives qui ne devraient pas nous rendre aussi nerveux parce que, si nous participons à certaines des initiatives déjà en place en Europe, les Américains ou les quelques autres pays qui restent seraient presque isolés en ce qui concerne ces ententes?

»  +-(1705)  

+-

    M. Terry Cormier: Vous êtes au courant des mesures qu'un certain nombre de pays ont prises depuis un an ou deux. Vous savez ce qui se passe au Royaume-Uni, en Belgique—où on assiste à une libéralisation importante depuis un an et demi environ—et en Suisse, où il y a eu un avant-projet de loi. Je ne sais pas où il en est exactement, mais cet avant-projet de loi allait très loin, jusqu'à légaliser certaines substances.

+-

    La présidente: En Espagne et au Portugal aussi, apparemment.

+-

    M. Terry Cormier: Le Portugal a fait quelque chose l'an dernier. Il a adopté une approche très innovatrice, selon laquelle les gens qui sont arrêtés pour des crimes liés aux stupéfiants sont immédiatement dirigés vers le système de santé et envoyés en réadaptation. C'est une approche axée sur la santé plutôt que sur la justice pénale. Il est donc clair que les choses changent.

    Vous avez raison de dire que, quand ces conventions sont signées, l'évolution de l'architecture internationale se modifie. C'est une question politique, et les lois changent. On n'a pas à chercher loin dans le cas de la consommation d'alcool et de drogues. On n'a qu'à penser à l'époque de la prohibition, avec laquelle on peut établir un parallèle ou qu'on peut prendre pour exemple. Mais les lois changent en fonction des approches que nous adoptons au sujet des grandes questions de politique sociale. L'architecture internationale est également capable de s'y adapter. Il est clair que nous ne sommes pas enfermés pour toujours dans un carcan très restrictif. Ces conventions sont les créatures d'États souverains qui cherchent à régler des problèmes communs. Je pense que c'est ainsi que les perçoit la communauté internationale.

+-

    La présidente: L'autre chose étonnante que nous avons entendue pendant notre voyage aux États-Unis—et quelqu'un y a fait allusion ici—, c'est qu'on nous a demandé si nous avions vraiment du succès. Si j'ai bien compris, les Américains ont assez bien réussi à limiter l'importation de cocaïne, mais cela a créé un autre problème, celui de la méthamphétamine, une substance de fabrication artisanale qui atteint des degrés divers de perfection et qui a des conséquences plus dévastatrices pour ses usagers.

    Y a-t-il d'autres exemples du même genre que nous devrions connaître, au niveau international, d'autres cas où on crée une situation presque pire encore en essayant de s'attaquer à un problème qu'on juge important? La réadaptation est bien plus compliquée pour les gens qui consomment de la méthamphétamine que pour ceux qui prennent de la cocaïne. Apparemment, d'après certains médecins, c'est beaucoup plus difficile à traiter. Quand les Américains ont mis fin à l'importation et à la distribution de la cocaïne, celle-ci a été remplacée par quelque chose d'autre. Connaissez-vous d'autres produits, d'autres substances ou d'autres situations dans le monde auxquels nous devrions nous intéresser?

+-

    M. Terry Cormier: Je suis loin d'être un expert dans ce domaine, j'en ai bien peur, et je n'ai vraiment pas d'opinion tranchée sur la question. Je crois cependant que les technologies sont un moteur important dans certains cas, par exemple la technologie hydroponique qui permet de cultiver du cannabis et celle qui permet de produire des amphétamines en très petites quantités, dans de petits laboratoires, avec de moins en moins de connaissances scientifiques; il suffit de télécharger les recettes d'Internet, et le tour est joué. J'imagine que cette tendance va se maintenir, que les technologies vont devenir de plus en plus perfectionnées et que cela va compliquer encore davantage la tâche de nos sociétés quand viendra le temps de nous attaquer à la consommation de ce genre de substances.

+-

    La présidente: C'est intéressant, parce que si nous ne nous occupons jamais de la demande, nous n'irons jamais nulle part, comme vous l'avez dit, puisqu'il y aura toujours un produit de remplacement. Il y aura toujours des gens qui pourront en produire dans leur bain ou ailleurs, parce que nous sommes à l'ère de l'information.

»  +-(1710)  

+-

    M. Terry Cormier: Nous nous sommes attaqués à la demande dans le cas de certaines substances, comme je l'ai déjà mentionné. Encore une fois, dans le cas du tabac et de l'alcool, il faut reconnaître que nous avons accompli d'énormes progrès dans la façon dont la société considère ces deux substances. J'ai bien l'impression que nous pourrions avoir le même genre d'influence grâce à des campagnes de sensibilisation sur d'autres substances.

+-

    La présidente: C'est ironique parce qu'évidemment, quand on compare l'héroïne à l'alcool, on se rend compte que l'alcool cause beaucoup plus de dommages que l'héroïne dans notre société.

+-

    M. Terry Cormier: C'est certain.

+-

    La présidente: Je n'irais pas jusqu'à dire que nous avons parfaitement réussi dans le cas de ces deux produits, mais il est certain que notre société est beaucoup plus consciente et que les gens font des choix beaucoup plus éclairés. C'est une bonne chose.

    Derek Lee.

+-

    M. Derek Lee: J'aimerais que nous parlions des conspirations des organisations criminelles qui baignent dans le trafic des drogues illicites—d'après ce que je comprends, ce trafic est surtout entre les mains du crime organisé. Vous voudrez peut-être le confirmer de votre point de vue, au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.

+-

    M. Terry Cormier: Je pense que la GRC vous le dirait très clairement. Ses rapports, qui sont du domaine public, montrent clairement que ces groupes, en particulier les gangs de motards, sont mêlés de près au trafic du cannabis. Il est évident que, quand une substance illégale est consommée par un aussi fort pourcentage de la population et que cela entraîne des profits aussi astronomiques, les éléments criminels vont s'y intéresser pour faire des profits, comme dans le cas de toute autre activité illégale. Ce qu'ils veulent, c'est faire de l'argent. Et le fait est que les gangs criminels sont très actifs dans la distribution de drogues au Canada.

+-

    M. Derek Lee: Et sur la scène internationale.

+-

    M. Terry Cormier: Sur la scène internationale aussi, bien sûr.

+-

    M. Derek Lee: Je n'ai pas entendu grand-chose au cours de nos audiences qui me donne à penser que nous devrions modifier, en profondeur ou non, la loi et la politique concernant la distribution et le trafic de grandes quantités de drogues par le crime organisé.

    De votre point de vue, au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, est-ce que les choses évoluent dans le bon sens en ce qui concerne notre participation? Est-ce que nous jouons le rôle qui nous revient? Est-ce que nous apportons notre juste contribution au niveau international? En tant que pays, est-ce que nous faisons notre part?

+-

    M. Terry Cormier: Si nous faisons notre part sur la scène internationale dans ce domaine? Je pense que cela ne fait aucun doute. On n'a qu'à penser à ce que fait le Canada au sein de l'Organisation des États américains, afin d'élargir le débat sur cette question, pour se rendre compte que nous jouons un rôle important à cet égard.

    Est-ce que je pense que le Canada devrait prendre d'autres moyens pour combattre les organisations criminelles internationales qui se livrent au trafic de drogues? Bien sûr que oui. Je suis convaincu qu'il est très répréhensible de faire de l'argent en exploitant la misère des gens et que nous devons décourager ce genre de chose.

+-

    M. Derek Lee: Est-ce que vous proposez d'augmenter les ressources, d'adopter des stratégies différentes, ou les deux?

+-

    M. Terry Cormier: Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'augmenter les ressources pour le moment. Ce que je dis, c'est que nous devons accorder une attention particulière aux gens qui cherchent à tirer profit du commerce de substances comme la cocaïne, l'héroïne, les amphétamines et le cannabis pour faire énormément d'argent. Comme vous le savez, c'est une entreprise extrêmement rentable dans notre pays.

+-

    M. Derek Lee: Merci, madame la présidente.

+-

    La présidente: Merci, monsieur Cormier. Nous vous sommes très reconnaissants d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer pour discuter de ces questions. Au nom de tous les membres du comité, merci pour le travail que vous faites chaque jour pour le compte de tous les Canadiens. Nous savons que les gens ne sont pas toujours au courant de tout le travail qui se fait. C'est pourquoi nous sommes contents d'avoir entendu parler de ce que vous faites et de l'excellente équipe qui vous seconde. Continuez votre bon travail.

+-

    M. Terry Cormier: En ce qui concerne notre politique internationale sur les drogues, je me ferai un plaisir de répondre par écrit aux différentes questions qui nous ont été posées.

    Bonne chance dans vos travaux. La question que vous étudiez est à coup sûr un enjeu social très important pour nos citoyens, qui comporte de nombreuses dimensions.

»  -(1715)  

-

    La présidente: Si vous trouvez une baguette magique bientôt, avertissez-nous.

    Merci, chers collègues. Nous reprendrons nos travaux demain matin à 9 h 30. La séance est levée.