SNUD Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mercredi 28 août 2002
¸ | 1415 |
La présidente (Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.)) |
Dr Brian Taylor, MD (Collège des médecins et chirurgiens de la Colombie britannique) |
¸ | 1420 |
¸ | 1425 |
¸ | 1430 |
La présidente |
M. Peter Hickey (pharmacien, Collège des médecins et chirurgiens de la Colombie-Britannique) |
¸ | 1435 |
¸ | 1440 |
¸ | 1445 |
La présidente |
Dr Brian Taylor |
La présidente |
Dr Brian Taylor |
¸ | 1450 |
La présidente |
Mme Coleen Conway (directrice, Programme de surveillance des prescriptions de Nouvelle-Écosse) |
¸ | 1455 |
¹ | 1500 |
La présidente |
¹ | 1505 |
Dr Dennis Kendel, (registraire, Collège des médecins et chirurgiens de la Saskatchewan) |
¹ | 1510 |
¹ | 1515 |
¹ | 1520 |
La présidente |
M. Randy White (Langley—Abbotsford, Alliance canadienne) |
Dr Brian Taylor |
M. Randy White |
Dr Brian Taylor |
Dr Dennis Kendel |
¹ | 1525 |
M. Randy White |
M. Peter Hickey |
M. Randy White |
M. Peter Hickey |
¹ | 1530 |
Dr Brian Taylor |
Dr Dennis Kendel |
M. Randy White |
Dr Dennis Kendel |
M. Randy White |
¹ | 1535 |
Dr Dennis Kendel |
M. Randy White |
M. Peter Hickey |
M. Randy White |
Dr Brian Taylor |
M. Randy White |
La présidente |
Mme Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.) |
M. Peter Hickey |
Mme Hedy Fry |
¹ | 1540 |
Dr Dennis Kendel |
Mme Coleen Conway |
La présidente |
M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.) |
M. Peter Hickey |
M. Derek Lee |
¹ | 1545 |
Dr Brian Taylor |
M. Derek Lee |
Dr Dennis Kendel |
¹ | 1550 |
M. Derek Lee |
La présidente |
Dr Brian Taylor |
La présidente |
Dr Brian Taylor |
La présidente |
Dr Brian Taylor |
La présidente |
Dr Brian Taylor |
La présidente |
Dr Dennis Kendel |
La présidente |
Dr Dennis Kendel |
La présidente |
Dr Dennis Kendel |
¹ | 1555 |
La présidente |
Dr Dennis Kendel |
La présidente |
M. Peter Hickey |
La présidente |
Dr Brian Taylor |
La présidente |
Mme Coleen Conway |
La présidente |
Dr Brian Taylor |
º | 1600 |
La présidente |
Dr Brian Taylor |
La présidente |
Dr Dennis Kendel |
La présidente |
º | 1605 |
Mme Coleen Conway |
La présidente |
M. Peter Hickey |
La présidente |
M. Peter Hickey |
Dr Dennis Kendel |
º | 1610 |
La présidente |
M. Peter Hickey |
Dr Brian Taylor |
La présidente |
Dr Dennis Kendel |
La présidente |
º | 1615 |
Dr Dennis Kendel |
La présidente |
Mme Coleen Conway |
La présidente |
M. Derek Lee |
Mme Coleen Conway |
M. Derek Lee |
Mme Coleen Conway |
M. Derek Lee |
Mme Coleen Conway |
M. Derek Lee |
La présidente |
Mme Coleen Conway |
La présidente |
Mme Coleen Conway |
La présidente |
Mme Coleen Conway |
Dr Dennis Kendel |
º | 1620 |
M. Derek Lee |
Dr Brian Taylor |
M. Derek Lee |
La présidente |
Dr Brian Taylor |
La présidente |
Dr Dennis Kendel |
La présidente |
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne) |
Dr Dennis Kendel |
M. Kevin Sorenson |
Dr Dennis Kendel |
M. Kevin Sorenson |
Mme Coleen Conway |
º | 1625 |
La présidente |
M. Peter Hickey |
La présidente |
M. Peter Hickey |
Dr Dennis Kendel |
La présidente |
Dr Brian Taylor |
La présidente |
Mme Allard |
º | 1630 |
Dr Dennis Kendel |
Mme Carole-Marie Allard |
Dr Dennis Kendel |
La présidente |
CANADA
Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 28 août 2002
[Énregistrement électronique]
¸ (1415)
[Traduction]
La présidente (Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.)): Je déclare la séance ouverte. Comme tout le monde le sait, notre comité, le Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou de médicaments, et a été constitué conformément à l’ordre de renvoi de la Chambre des communes de mai 2001. Son mandat est d’étudier les facteurs sous-jacents ou parallèles à l’usage non médical des drogues ou médicaments au Canada. En avril, cette année, nous avons en plus été chargés de l’examen d’un projet de loi d’initiative parlementaire, une loi modifiant la Loi sur les contraventions et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances relatives à la marijuana.
Nous avons le plaisir d’accueillir cet après-midi, du College of Physicians and Surgeons of British Columbia, le Dr Brian Taylor et M. Peter Hickey, pharmacien, et aussi Mme Coleen Conway, la directrice d’un programme de la Nouvelle-Écosse de surveillance pharmaceutique. De plus, chers collègues, lorsque son avion sera arrivé, nous accueillerons le Dr Dennis Kendel, registraire du College of Physicians and Surgeons de la Saskatchewan.
Docteur Taylor, je vous laisse la parole.
Dr Brian Taylor, MD (Collège des médecins et chirurgiens de la Colombie britannique): Merci beaucoup de l'intérêt que vous portez aux travaux du Collège des médecins et chirurgiens de la Colombie-Britannique et de nous avoir invités ici cet après-midi. Je suis médecin et en compagnie de M. Peter Hickey, qui est pharmacien et de souche plus illustre que la mienne, étant donné qu'il est originaire d'Ottawa. Il a travaillé au Bureau de la surveillance des médicaments et assume un rôle important au sein de notre programme de médicaments de Colombie-Britannique.
Notre première diapositive représente le collège en C.-B. Je voudrais vous faire remarquer le ciel bleu et les feuilles vertes. C'est en février, bien sûr.
Principalement, nous avons trois programmes de médicaments. Nos programmes peuvent être divisés en trois. Le programme de prescriptions en trois exemplaires a été adopté en 1990. Il s'agit essentiellement d'un programme qui couvre les principaux narcotiques ainsi que quelques médicaments comme le Ritaline. Il exige l'utilisation d'un carnet de prescriptions spécial difficile à imiter. Il constitue en soi un ajout très important aux soins en C.-B. dans la mesure où les fausses prescriptions ne sont pas monnaie courante. Il n'est pas impossible de les imiter, mais c'est inhabituel.
En 1995, le collège a pris en charge l'administration du programme de méthadone. M. Hickey en est le seul responsable et vous fera très bientôt une présentation décrivant les détails du programme.
Nous avons également un programme d'examen des médicaments qui vise à examiner l'utilisation des benzodiazépines et des narcotiques non-assujettis aux prescriptions en trois exemplaires comme le Tylenol 3. Ce dernier a une valeur d'échange dans les rues; il pourrait par conséquent vous intéresser.
Nos programmes ont été bien enrichis par le programme B.C. PharmaNet qui a été adopté par le gouvernement provincial en 1995. Bref, chaque prescription émise en Colombie-Britannique est saisie dans une base de données. Le Collège des médecins et chirurgiens dispose d'une base de données indépendante. Les médicaments que nous examinons sont téléchargés automatiquement tous les jours. Je vous parlerai plus longuement de PharmaNet dans un moment, si vous le permettez.
Je crois qu'il est très important que vous compreniez l'objectif visé par le Collège des médecins et chirurgiens à travers les programmes de médicaments. Nous n'exerçons pas de surveillance pour le compte de la C.-B., et je voudrais vraiment le souligner. Le Collège des médecins et chirurgiens s'attend à ce que les patients souffrant de douleurs aiguës ou chroniques fassent l'objet d'une évaluation clinique adéquate et soient soulagés de leur douleur, c'est à dire que le collège n'est pas contre les opiacés. Nous reconnaissons l'utilisation clinique adéquate de ces importants médicaments. Le médecin est responsable de toutes ses prescriptions, notamment du choix du médicament, de son dosage et de la fréquence d'utilisation. Il se réserve la responsabilité et la capacité de choisir des médicaments pour ses patients et la maîtrise absolue du soin du patient et de son pourvoir de prescription de narcotiques.
Je regrette d'insister, si vous êtes déjà au courant de ces deux définitions, mais elles sont très importantes et ont été construites par Russel Portnoy, un authentique expert de la douleur et de l'accoutumance: [TRADUCTION] « La dépendance physique est un phénomène physiologique défini uniquement par le développement du syndrome d'absence suite à l'interruption soudaine de thérapie », alors que l'accoutumance est « un syndrome psychologique et comportemental caractérisé par la perte de maîtrise de l'utilisation de médicament, d'utilisation compulsive de médicament et la perpétuation de l'usage malgré les effets nuisibles », je soulignerais que le collège de Colombie-Britannique comprend la différence entre la recherche de la drogue et celle du soulagement. C'est là une caractéristique de nos programmes de surveillance qu'il faut bien comprendre.
Qu'examinons-nous? En examinant notre base de données, nous recherchons les articles très fréquemment utilisés, qui font aussi bien l'objet de prescriptions ou de consommation par le patient. Nous recherchons les patients qui fréquentent plusieurs médecins. Nous disposons d'un programme automatisé qui identifie les patients qui rendent visite à plus de cinq médecins par mois. Ce chiffre peut sembler élevé, mais il reflète la réalité des cliniques sans rendez-vous et, bien sûr, celle des soins spécialisés.
Nous surveillons l'utilisation des médicaments en milieu de travail, l'automédication, ou les médecins qui s'automédicamentent ainsi que les patients sous méthadone. Notre base de données est primordiale pour les activités du programme de méthadone. Nous examinons également le profil des médecins qui ont subi un traitement pour leur propre consommation d'alcool et de drogues. Nous possédons également un nouveau logiciel qui nous permet de surveiller l'utilisation de drogues potentiellement inquiétantes. Dans l'éventualité où les habitants de la province sembleraient consommer lourdement un narcotique, on a le moyen d'en faire l'examen, à titre particulier ou au sein d'un groupe.
Le programme PharmaNet, comme vous le savez peut-être déjà, est le fruit d'une collaboration entre le régime d'assurance-médicaments du ministère de la Santé, le Collège des médecins et chirurgiens et le Collège des pharmaciens de notre province. Toutes les prescriptions sont électroniquement enregistrées au moment où l'ordonnance est exécutée, de manière à ce que les données soient les plus récentes: nous pouvons voir ce que le patient a reçu plus tôt le même jour.
Le collège a mis en place deux projets pilotes. La base de données PharmaNet est maintenant disponible dans toutes les salles d'urgence de Colombie-Britannique, cela permet aux urgentologues d'offrir des soins immédiats grâce à la base de données PharmaNet et le récent profil du patient relativement aux médicaments. Nous avons également mis en place avec succès un projet pilote que nous espérons élargir et qui consiste à placer la base de données dans les cabinets de médecins, ce qui, à mon avis, informera mieux les médecins sur les profils des patients relativement aux médicaments et encouragera peut-être une certaine réflexion avant la rédaction de la prescription.
L'ensemble du programme PharmaNet a été examiné et approuvé par le Commissaire à la protection de la vie privée. Je crois qu'il serait avantageux d'étendre le programme PharmaNet à tout le Canada dans le but de régler certains problèmes de détournement des médicaments de prescription.
Brièvement, je vous préviens que notre programme est proactif. les médecins de la province appuient les différents programmes de médicaments mis en place par le collège et leur succès en est le reflet. Nous ne sommes pas un organe de surveillance. Nous ne souhaitons pas nous immiscer dans les soins bien dispensés. Nous tentons d'offrir des ressources aux médecins de la province. Nous entretenons des relations soutenues avec les membres de la profession en ce qui concerne les visites multiples à différents médecins. Nous avons constitué un comité consultatif, composé de pharmacologistes cliniciens et d'autres de ce calibre, qui sert d'outil aux professionnels. Un médecin qui traite des patients à problèmes peut nous demander conseil. La base de données sert également aux mesures disciplinaires du collège.
Nous offrons des ateliers sur la gestion de la douleur chronique; par conséquent, nous gérons quelques activités éducatives facultatives à l'intention des médecins. Dans l'éventualité où un médecin éprouve des difficultés de prescription, le collège l'invite à participer aux ateliers. De la même façon, nous offrons des ateliers sur la prescription de méthadone, dont parlera M. Hickey.
Pour vous citer un exemple de l'utilité de notre base de données, qui est si complète, parlons du Ritaline pour lequel on avait conclu que nous en faisions un usage inadéquat dans notre province. Je suis certain que vous savez déjà que le mélange Ritaline-Talwin faisait l'objet de détournement il y a quelques années. Ainsi, nous avons effectué une étude sur une période de six mois. À ce moment, on a noté que 6 769 enfants utilisaient le médicament prescrit par 2 092 médecins. Nous leur avons tous fait parvenir un questionnaire dont le taux de réponse a atteint 92 p. cent, ce qui est extraordinaire, je crois, pour une étude sur le Ritaline et qui reflète le niveau de collaboration que la profession accorde aux travaux du collège. Le résultat de cette étude montrait que 0,8 p. cent des enfants de C.-B. ayant entre 0 et 15 ans utilisaient le Ritaline au cours de leurs études, ce qui ne présente pas d'anomalie.
¸ (1420)
En ce qui concerne les benzodiazépines, je vous ai remis un graphique en couleurs auquel je voudrais faire référence. Nous avons examiné l'utilisation des benzodiazépines dans notre province parce que, encore une fois, il s'agissait d'un médicament faisant l'objet de détournement, ou qu'on accusait d'être détourné vers la rue et qu'il était trop prescrit, une cause d'inquiétude. Je vais vous prier d'examiner le graphique en couleurs devant vous, je voudrais vous faire remarquer quelques éléments qui intéresseront votre comité.
La ligne rouge avec des carrés représente les cachets de benzodiazépines dispensés par habitant à travers le Canada. Il s'agit là des années 1997 à 2001. La ligne est droite: il n'y a pas de croissance d'utilisation à travers le Canada. En revanche, celle des provinces montre des variations. La petite boîte à droite indique la province dont il est question. La Colombie-Britannique se trouve à gauche et, comme vous pouvez le constater, l'utilisation des benzodiazépines dans cette province est la plus faible du Canada. En y jetant un autre coup d'oeil, elle reflète l'expérience globale canadienne. La ligne est droite et pareille pour toutes les provinces. En réalité, l'utilisation des benzodiazépines n'a pas beaucoup évolué à travers le pays. Je ne peux pas vous expliquer la raison de la forte consommation au Nouveau-Brunswick, au Québec et en Nouvelle-Écosse--vous savez bien sûr qu'il s'agit de chiffres par habitant--, mais encore une fois, même dans les provinces à forte consommation, la ligne semble vouloir rester droite.
Dans notre province--et veuillez me rappeler à l'ordre si je suis hors sujet--nous utilisons notre base de données pour mener des enquêtes sur l'atténuation de la douleur chez les patients cancéreux, une question primordiale dans notre province. Il s'agissait d'une étude conjointe menée par la division des soins palliatifs de la UBC, la B.C. Cancer Agency (l'agence du cancer de la C.-B.), le Department of Family Practice (le département de médecine familiale) de l'hôpital de Vancouver ainsi que par le collège. Nous avons effectué le travail de base et nous étions fixés l'objectif d'assurer que tous les patients de la C.-B. recevraient des soins efficaces pour atténuer la douleur et que s'il existait des obstacles les empêchant de recevoir des soins adéquats, le collège les éliminerait. La raison étant qu'il avait été inféré que nos programmes de prescriptions en trois exemplaires ainsi que nos programmes de médicaments empêchaient les patients d'obtenir les narcotiques et maîtriser leur douleur et qu'il était possible que les programmes du collège gênaient la prestation de soins. Bien sûr, c'était là un sujet qui nous a beaucoup préoccupé et qui a motivé cette étude. Encore une fois, pour en souligner l'importance, nous avons questionné quelque 7 000 médecins. Nous avons obtenu un taux de réponse de 42 p. cent à notre premier envoi et un taux de réponse global de 67 p. cent. L'étude canadienne précédente avait obtenu un taux de réponse de 19 p. cent. Je crois que les collèges ont un rôle à jouer dans ce domaine, celui des examens.
Je vais passer à autre chose pour laisser un peu de temps à M. Hickey qui a des choses très importantes à vous communiquer.
Pour vous donner un exemple du travail que nous accomplissons, je citerai le cas du OxyContin. Je voudrais souligner le fait que ce narcotique relativement nouveau et à effet prolongé n'est pas unique. De nombreux narcotiques commercialisés sont très recherchés et détournés. L'OxyContin fait partie de ceux qui attirent énormément d'attention parce qu'il a fait l'objet d'une étude de la American Society of Addiction Medicine. C'est un excellent médicament, un bon analgésique, il offre différents dosages. Il ne contient pas d'aspirine pour que les pauvres gens qui souffrent des intestins ne se mettent pas à saigner. Il ne contient pas d'acétaminophène, qui peut faire du mal au foie. Il a reçu un très bon accueil de la part des patients et des médecins. Le seul désavantage qu'il présente au Canada à l'heure actuelle est son prix très élevé.
¸ (1425)
Malheureusement, il a été également bien accueilli par les toxicomanes. Les cachets sont réduits en poudre et reniflés ou dissous dans l'eau pour administration intraveineuse. Vu que les deux façons procurent une euphorie immédiate, il a été bien accueilli. Il semble que les cachets de 40 milligrammes soient les plus prisés. Pour avoir une idée de l'incidence sociale qu'il a aux États-Unis, soixante cachets d'OxyContin de 40 milligrammes se vendent à 300 dollars américains, mais cette même quantité irait chercher 2 400 dollars dans la rue. Habituellement, les toxicomanes utilisent 200 à 300 milligrammes par jour, d'après ce qu'on m'en dit. Le détournement de ce médicament a maintenant été reconnu par son fabricant qui est en voie d'élaboration d'un nouveau produit qui contiendra des billes de Natrexol, un anti opiacé qui semble rendre la drogue moins satisfaisante pour le toxicomane.
L'OxyContin ne constitue pas un problème important jusqu'ici, bien que nous ayons constaté des cas où ce médicament semble avoir été détourné. Par exemple, un homme de 30 ans souffrait d'un syndrome de douleur locale complexe, c'est à dire à une cuisse et une fesse. Il ne pouvait pas se permettre de fréquenter la clinique antidouleur, mais en revanche il pouvait se permettre son OxyContin. Les doses qu'il recevait sont les suivantes : 1 800 comprimés au cours des huit premiers jours de janvier. Le prix de 2 000 comprimés, vendus au Canada, est d'environ 4 400 dollars; on peut en conclure que cette personne réalisait des bénéfices grâce à ce médicament.
Prenons ensuite l'exemple de la patiente très malade qui, de toute évidence, a besoin de soins et de narcotiques adéquats, mais à laquelle on administrait de fortes doses de deux médicaments, le Dilaudid et de Diazepam. Le collège est intervenu dans ce cas par le biais de nos programmes. Il s'agissait là de doses mensuelles. Suite à notre intervention, elle obtient maintenant d'excellents soins. Elle poursuit une thérapie d'entretien grâce au programme de M. Hickey. Elle se fait maintenant administrer 60 milligrammes de méthadone par jour, un médicament à bon marché bien moins cher et meilleur pour le patient.
C'est un exemple qui illustre le travail que nous faisons. Je ne vais pas vous ennuyer longuement avec ce que je croyais être fascinant quand je faisais le montage des diapositives. Si vous voulez bien patienter, je passerai rapidement à travers ces dernières diapositives. Je distribuerai également de la documentation. Le cas échéant, je répondrai à toutes vos questions sur ces autres points et je serais heureux de vous en parler par la suite.
Je voudrais parler des recommandations fondées sur les résultats cliniques pour le traitement de la douleur chronique bénigne élaborées par le collège de l'Ontario. Nous avons approuvé ce document et l'avons envoyé à tous nos membres. Il sert de guide de référence pour les cliniciens et peut être consulté à notre site Web. Je voudrais signaler la préoccupation évidente d'Ottawa concernant le soulagement de la douleur chronique et je constate que vous avez fait votre part.
Merci.
¸ (1430)
La présidente: Merci.
Monsieur Hickey, à vous la parole.
M. Peter Hickey (pharmacien, Collège des médecins et chirurgiens de la Colombie-Britannique): J'aimerais vous raconter l'histoire du programme de méthadone de Colombie-Britannique, le plus important du Canada. En 1995, le Collège des médecins et chirurgiens a réalisé que la Colombie-Britannique comptait le plus grand nombre d'héroïnomanes et de narcomanes au Canada. À cette période, le programme de méthadone éprouvait de sérieuses difficultés. Comme vous le savez, il était géré par Ottawa et n'était pas du tout au point à l'époque. Les patients devaient attendre environ six à huit semaines pour y être admis. À l'époque, le collège a pensé que l'administration du programme de méthadone pouvait être mieux géré que par Ottawa. Ainsi, nous avons demandé à Ottawa de nous confier la gestion du programme, malgré le fait que le ministre de la Santé demeurait l'ultime responsable. Nous sommes devenus le premier et seul collège de médecins et chirurgiens du Canada qui gère son propre programme de méthadone, et c'est encore le cas aujourd'hui.
Lorsque nous avons pris en charge la gestion du programme, nous avions défini plusieurs objectifs, dont le premier visait à augmenter le nombre de médecins participant au traitement à la méthadone et, du même coup, augmenter le nombre de places de patients disponibles. Il visait également à améliorer la qualité des soins dispensés par le biais du programme de méthadone. En 1996, en Colombie-Britannique, on comptait quelque 110 médecins autorisés par Ottawa à prescrire de la méthadone. Vous constaterez sur le graphique qu'il y a actuellement 570 médecins qui peuvent prescrire la méthadone, soit le chiffre le plus élevé au Canada. Vous constaterez également que, de 1997 à 2002, plus de 8 000 patients suivent une thérapie d'entretien à la méthadone.
Le collège dispose de deux bases de données. La première indique le nombre de patients actuellement sous traitement et la deuxième, qui contient des données sur plus de 13 000 patients, indique le nombre de patients qui ont suivi un traitement à la méthadone à un moment donné. À l'occasion et pour des raisons évidentes, les patients s'inscrivent et abandonnent ensuite pour non conformité. Les patients de ce groupe affichent également un taux élevé de décès.
Le graphique indique qu'en 1991, nous traitions 195 patients à la méthadone. Depuis que le collège a pris en charge la gestion du programme, ce chiffre a augmenté de façon exponentielle.
Le programme du collège est excellent. Nous avons adopté quelques règles d'or que les médecins doivent respecter. Nous gérons un bon programme. Comme je vous l'ai dit, l'objectif visait à améliorer la qualité des soins dispensés à travers ce programme. Celui-ci comprend un volet d'évaluation qui demande aux patients de trouver un médecin formé aux soins à la méthadone et l'admissibilité au programme est conditionnelle à l'évaluation du patient en termes de toxicomanie. Je ne vous montre pas la diapositive, mais je peux vous dire que le patient doit satisfaire à un certain nombre de critères.
Bien que nous veuillions augmenter le nombre de places disponibles, nous voulons aussi nous assurer que les patients qui sont traités à la méthadone en ont réellement besoin. Par exemple, nous ne voudrions pas que des patients qui souffrent de dépendance envers le Tylenol 3 soient admis à un programme de méthadone. Nous voulons nous assurer que les patients seront tous des héroïnomanes.
Le dosage par notre programme, parce que nous gérons notre propre programme, est personnalisé, ce qui diffère des anciennes lignes directrices fédérales qui stipulaient que la dose journalière de méthadone ne devait pas excéder 100 milligrammes. Nous croyons que le dosage doit être personnalisé.
L'ingestion devant témoin de la méthadone constitue la norme du programme. Le privilège de les porter sur soi n'est pris en considération que si le patient fait preuve de stabilité et que le collège l'approuve. L'examen des urines se fait de façon aléatoire et devant témoin.
¸ (1435)
Nous nous attendons à réévaluer périodiquement les patients et à les acheminer vers d'autres modes de traitement.
Le processus d'habilitation des médecins est très exigeant et ceux-ci doivent le respecter s'ils veulent recevoir l'autorisation de prescrire de la méthadone. Ils doivent de toute évidence présenter une demande au collège et obligatoirement participer à l'atelier de formation 101 sur la méthadone. Cet atelier est le seul du genre en Amérique du Nord et nous assurons présentement la formation de médecins provenant de l'ensemble du Canada ainsi que des États-Unis. Je fais passer une entrevue à chaque médecin. En outre, nous offrons un programme de préceptorat. Au cours de la première année, le médecin fait l'objet d'une vérification par le collège de son programme de méthadone. Nous souhaitons que le médecin reçoive, au cours de la première année, un EMC de 12 heures en traitement des toxicomanies.
J'ai parlé de l'aspect éducatif et de la qualité des soins qu'offre le programme. L'atelier de formation 101 sur la méthadone traite des techniques de counselling, des renseignements sur la pharmacologie de la méthadone et de l'utilisation de la méthadone durant la grossesse. Nous utilisons de vrais patients prenant de la méthadone et nous organisons des entrevues d'une demi-journée entre médecins et patients au cours desquelles les médecins doivent mettre en pratique les aptitudes qu'ils ont, nous l'espérons, acquises lors de la session de la matinée. De plus, nous organisons l'atelier de formation 202 à la méthadone qui traite de la pharmacologie et de techniques plus avancées d'administration de la méthadone lors de la grossesse et de médicaments antirétroviraux des patients atteints du VIH.
Le programme de méthadone comprend donc un processus de suivi. Le collège effectue environ 100 vérifications de méthadone par année et délègue deux vérificateurs qui passent une demi-journée à examiner, avec le médecin, son programme de méthadone. Un rapport officiel est ensuite présenté au comité consultatif sur la toxicomanie opiacée. Si la vérification décèle un problème, nous pouvons appeler le médecin et examiner sa philosophie du traitement des toxicomanies et, plus particulièrement, celle du traitement à la méthadone.
Le collège possède une base de données des patients traités à la méthadone, à laquelle le Dr Taylor a fait référence précédemment. Grâce au système PharmaNet et au programme de prescription en trois exemplaires de Colombie-Britannique, nous sommes en mesure d'évaluer les besoins en médication de tous les patients. Nous examinons régulièrement ces patients pour nous assurer qu'ils ne sont traités à la méthadone que par un seul médecin, qu'ils reçoivent un traitement adéquat autoadministré et qu'ils obtiennent leur dose de méthadone. Ils ne devraient pas recevoir d'autres médicaments psychoactifs. Nous réalisons, toutefois, que les patients traités à la méthadone puissent avoir des accidents de parcours. Ils tombent effectivement malades. Par exemple, dans l'éventualité où nous constatons qu'un patient se faisait administrer 100 milligrammes de méthadone ainsi qu'une dose régulière de Dilaudid, nous communiquons avec le médecin pour lui en demander la raison. Il se peut que ce soit le bon traitement, mais nous devons nous en assurer. Nous sommes en mesure d'examiner toutes les prescriptions de médicaments psychoactifs. Comme l'a dit le Dr Taylor, nous possédons une base de données contenant toutes les prescriptions en trois exemplaires ainsi qu'une base de données PharmaNet, qui nous permettent d'examiner l'ensemble de cette médication.
Ce programme nous permet également de savoir si les patients traités à la méthadone consultent plusieurs médecins à la fois pour obtenir d'autres médicaments psychoactifs. Les Benzodiazépines constituent un sérieux problème au sein de cette population de patients.
J'ai parlé des vérifications chez les médecins. Nous en faisons environ une centaine par an. Nos vérificateurs se rendent là où la méthadone est administrée. Ils observent le fonctionnement de la clinique et du personnel. Ils vont examiner minutieusement les dossiers de la clinique et les formulaires d'évaluation des patients. Ils examinent les soins dispensés, les analyses de détection de drogues dans les urines, les doses moyennes, les privilèges d'auto administration et les acheminements vers d'autres modes de traitement. Nous voulons nous assurer qu'un plan de traitement à long terme est mis en place, faisant en sorte que ces patients obtiennent des soins adéquats.
¸ (1440)
Je partagerai brièvement avec vous des statistiques sur notre programme. Vous constaterez que cette diapositive montre la relation entre les patients recevant de la méthadone auto-administrable et les patients qui l'ingèrent devant témoin. La norme du programme est l'ingestion quotidienne devant témoin. Vous constaterez également que nous traitons à la méthadone plus de 5 000 patients sous forme de dose quotidienne ingérée devant témoin. C'est une proportion très élevée.
Cette diapositive établit la comparaison entre les patients traités en cliniques spécialisées de soins à la méthadone et ceux traités en cabinet privés de médecins. Ce qui fait la particularité de notre programme en Colombie-Britannique, qui intéresse beaucoup les États-Unis par exemple, c'est le dosage judicieux de patients traités en clinique et ceux traités en cabinet de médecins. La prochaine diapositive indique que la grande majorité des patients traités à la méthadone le sont en milieu clinique, dont 2 700 aux mains de médecins appartenant à un cabinet privé.
Cette diapositive établit la comparaison entre les médecins oeuvrant en clinique et les médecins pratiquant en cabinet privé. D'une certaine façon, la proportion s'inverse à l'examen du nombre de cliniques par rapport au nombre de cabinets privés.
La diapositive indique aussi la répartition géographique des médecins autorisés à dispenser la méthadone en Colombie-Britannique. Lorsque nous avons pris le programme en charge, nous nous étions fixés entre autres objectifs de faciliter l'accès au traitement à la méthadone de tous les habitants de la Colombie-Britannique. Nous avons brillamment réussi à le faire. Vous pouvez constater dans cette diapositive que 44 p. 100 résident encore dans la vallée du bas-Fraser, mais que cela ne nous a pas empêchés d'avoir un mélange judicieux de médecins à travers la province. Il n'y a que très peu de collectivités en Colombie-Britannique où un patient souhaitant être traité à la méthadone ne puisse en obtenir.
Nous avons également réussi, il y a quelques années, à introduire la méthadone dans le système correctionnel provincial ainsi que fédéral, ce qui est unique. On trouve effectivement des médecins dans les prisons et des les établissements correctionnels où nous nous livrons à des vérifications, ce qui est nouveau pour nous.
La diapositive montre la méthode d'utilisation de l'héroïne avant l'adoption du traitement d'entretien à base de méthadone. Vous pouvez constater que 62 p. 100 des patients étaient consommateurs d'héroïne par intraveineuse, 20 p. 100 la fumaient et 15 p. 100 la reniflaient.
Il y a plusieurs années, l'un des principaux critères d'adhésion au programme de méthadone exigeait que l'on soit utilisateur d'héroïne par intraveineuse. Nous avons récemment modifié ce critère d'admissibilité parce que nous avions un problème de taille avec les minorités ethniques consommatrices d'héroïne--la chasse au dragon--particulièrement concernant les jeunes. Nous avons modifié le critère d'admissibilité pour qu'il y ait une clause d'extinction dans l'éventualité où le patient admis est héroïnomane. Nous ne voulons pas voir nos patients passer le restant de leur vie sous traitement à la méthadone. Nous dirons qu'ils peuvent être admis à un programme de méthadone, mais il faut qu'il y ait une clause d'extinction. Nous voulons les voir quitter au bout de six ou huit mois, ou quelque chose comme cela.
Ensuite vient le pourcentage d'utilisation d'autres drogues avant celle de la méthadone comme thérapie d'entretien. Notre programme nous permet de calculer ce chiffre. Vous pouvez constater que 79 p. 100 de nos patients consommaient des opiacés, 28 p. 100 des benzodiazépines, 45 p. 100 de la cocaïne et 34 p.100 de la marijuana, ainsi que la nicotine de cigarettes et l'alcool.
Comme vous le savez probablement, la cocaïne constitue un problème majeur à Vancouver. Il n'est pas indiqué de prendre de la méthadone dans le cas d'accoutumance à la cocaïne. Toutefois, les patients souffrant d'accoutumance à la cocaïne et à l'héroine profiteront très souvent d'un programme de méthadone.
Il faut mentionner un autre aspect intéressant, celui du diagnostic avent le traitement d'entretien à la méthadone. Évidemment, la grossesse ne s'applique qu'aux femmes--c'est signalé en rose sur cette diapositive pour que personne ne se trompe. Quelque 39 p. 100 souffraient d'hépatite C. Un pour cent de nos patients souffraient du sida. Nous recueillons tous ces renseignements dans notre base de données sur la méthadone.
La méthadone est un excellent analgésique; nous avons également élaboré un atelier éducatif sur son utilisation comme analgésique. Elle est peu chère tout en étant efficace. Les médecins sont en train d'apprendre qu'il s'agit d'un excellent médicament, particulièrement dans les cas qui exigent de fortes doses analgésiques et qui ont déjà utilisé d'autres narcotiques puissants qui ont perdu leur efficacité. Très souvent, la méthadone conviendra parfaitement.
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Nous avons collaboré pendant un bon moment avec une compagnie pharmaceutique, Schering, pour adopter dans le cadre de ce programme de traitement un nouveau médicament, buprenorphine ou Subutex, parce que nous avions le sentiment qu'un petit nombre de patients traités à la méthadone acceptait mal celle-ci et pourraient tirer avantage d'un programme de traitement à la buprenorphine. À notre avis, une fois la buprenorphine approuvée par la Direction générale de la protection de la santé, il deviendra crucial de la faire approuver dans le cadre du programme de méthadone de façon à exiger une autorisation spéciale et, par conséquent, une formation et un suivi spéciaux. Je m'inquiétais tout à l'heure du fait que la Direction générale de la protection de la santé avait l'intention d'approuver la buprenorphine comme médicament ordinaire. Je leur ai dit que ce serait là une erreur grave. Que ce médicament pourrait déstabiliser tous les programmes de méthadone à travers le pays et, à mon avis, entraîner des décès. Je fais appel à votre comité pour intervenir auprès de la Direction générale de la protection de la santé. S'ils envisagent de le faire, je crois que ce serait une erreur grave.
Merci.
La présidente: Merci beaucoup, Monsieur Hickey.
Dr Brian Taylor: Madame la présidente, pourrais-je faire un commentaire pour conclure en notre nom à tous les deux sur une préoccupation de notre collège?
La présidente: Bien sûr.
Dr Brian Taylor: Si j'ai bien compris, ce comité se préoccupe aujourd'hui du détournement des médicaments de prescription. Selon ce que j'en comprends, c'est ce problème que vous examinez aujourd'hui, du moins en partie. Notre collège, tout comme le reste du Canada, est sérieusement préoccupé par l'envoi des prescriptions dispensées par le biais d'Internet. Si les médecins peuvent prescrire des médicaments par Internet et les pharmaciens les exécuter à travers le même médium, il devient impossible de surveiller, efficacement du moins, le processus. Bien sûr puisqu'il s'agit d'Internet, les frontières disparaissent. Des prescriptions par Internet permettant aux patients américains de s'approvisionner en médicaments au Canada à un moindre prix sont déjà courantes. Dans notre province, cette utilisation de l'Internet permet de contourner PharmaNet, qui est devenu la charpente sur laquelle nous avons édifié nos programmes. Je crois que les prescriptions par le biais d'Internet ne feront que faciliter le détournement de médicaments de prescription à des fins inadéquates. C'est là un problème sur lequel votre comité devrait se pencher.
Merci.
¸ (1450)
La présidente: Merci. Vous êtes le premier à soulever cette question--une autre chose que nous devons examiner. Nous ne pensions même pas en termes de médicaments de prescription et, lorsque nous avons commencé, c'est à Vancouver que quelqu'un a porté la question à notre attention et nous en avons été choqués. Mais au fur et à mesure de nos déplacements à travers le pays, surtout dans les provinces Atlantiques, il nous est clairement apparu que le problème était généralisé, nous l'inscrirons donc au programme.
Je vous remercie beaucoup tous les deux.
Nous sommes très heureux d'accueillir maintenant Coleen Conway, de la Nouvelle-Écosse.
Mme Coleen Conway (directrice, Programme de surveillance des prescriptions de Nouvelle-Écosse): Je voudrais remercier le comité de m'avoir invitée ici cet après-midi à titre de représentante du programme de surveillance de Nouvelle-Écosse.
Comme je crois que le sait le comité, notre province fait face à un problème généralisé d'abus et de détournement de narcotiques et de médicaments contrôlés, problème plus grave que celui du trafic de drogues illicites, comme la cocaïne et l'héroïne. Le programme de surveillance des prescriptions vise à prévenir l'abus de narcotiques et de médicaments contrôlés dans notre province. Notre programme diffère sensiblement de ceux de la C.-B. et de la Saskatchewan dans la façon dont il est géré. Je vais tenter de passer en revue le programme et vous parler des problèmes auxquels notre programme fait face actuellement en Nouvelle-Écosse.
En 1992, un groupe d'intervenants principaux s'est réuni pour discuter de la question de l'abus et de la diversion des narcotiques et des médicaments contrôlés. Ces intervenants ont élaboré ce que nous appelons le PMANS, Prescription Monitoring Association of Nova-Scotia. Le PMANS avait pour mandat d'éliminer l'abus et le détournement d'une gamme de médicaments de prescription, de narcotiques et de médicaments contrôlés en vertu de la loi fédérale. Ce groupe de parties intéressées majeures était perçu comme un organe impartial du fait que chaque membre défendait un intérêt particulier.
Cette association de surveillance des prescriptions est constituée de plusieurs membres votants. Le College of Physicians and Surgeons of Nova Scotia y est représenté. La Medical Society of Nova-Scotia, le Conseil provincial dentaire de la Nouvelle-Écosse, l'Association dentaire provinciale ainsi que le College of pharmacists in Nova Scotia, qui a récemment changé de nom, sont également représentés. Notre association compte également des membres non-votants. Il s'agit du Nova-Scotia Health Department--qui finance le programme--les services de toxicomanies, qui sont les membres de la collectivité qui traitent des toxicomanies et Santé Canada. On compte également des personnes-ressource. La ressource actuelle est la présence de la GRC en Nouvelle-Écosse.
L'association de surveillance des prescriptions a pour mandat, ou tâches, d'élaborer des lignes directrices en termes de politiques relatives au programme. Elle a également un comité de travail appelé comité des opérations du programme. Ce comité est essentiellement un comité d'examen par les pairs. Les cas lui sont référés pour qu'il les examine. Des interventions sont ensuite recommandées, soit sur une base éducative, c'est à dire préconisant l'application d'une stratégie éducative, soit par l'acheminent des cas vers d'autres organes professionnels. Par exemple, un médecin peut être référé au collège des médecins et chirurgiens ou un pharmacien au collège des pharmaciens.
À nouveau, le comité des opérations du programme est constitué des parties intéressées majeures, le collège des médecins et chirurgiens, la Medical Society ainsi que les groupes représentatifs des pharmaciens et professions dentaires qui collaborent avec le programme y sont représentés. Nous avons également un consultant médical à temps partiel qui y siège à titre de membre non-votant, comme moi.
Le programme est géré par Maritime Medical Care, filiale de la Atlantic Blue Cross Care. Nous disposons de quatre représentants des services aux clients, d'un adjoint administratif, d'un consultant médical à temps partiel, d'un programmateur et de moi-même.
Nous desservons environ un million de Néo-Écossais et plus de 2 000 médecins de la Nouvelle-Écosse. Nous desservons également quelque 50 médecins du Nouveau-Brunswick--il y un certain déversement frontalier entre la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick. Ces médecins du Nouveau-Brunswick qui résident, ou pratiquent, à proximité de la frontière sont invités à s'inscrire à notre programme de manière à pouvoir en récolter les fruits.
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On compte environ 500 dentistes inscrits, quelque 300 pharmacies et plus de 1 000 pharmaciens. Mous desservons également les programmes de méthadone de la province. Les services de toxicomanie offrent un programme de méthadone et un programme de seuil inférieur, qui se trouvent tous les deux dans la région Halifax-Dartmouth. On aurait voulu avoir un accès provincial. Ç'aurait été bien.
Notre programme se fonde sur la prescription en trois exemplaires. Nous ne sommes pas aussi bien nantis que la C.-B. puisque nous ne sommes pas branchés et que nos prescriptions ne sont pas automatiquement enregistrées. Nous devons donc faire appel à des employés. Tous ceux qui ont le droit de prescrire en Nouvelle-Écosse et qui voudraient prescrire des narcotiques ou des médicaments contrôlés doivent s'inscrire au programme. Une fois inscrits au programme, ils reçoivent le carnet de prescriptions en trois exemplaires.
L'un des bulletins PMANS donne un exemple de prescription. Elle ressemble au chèque personnalisé. Le médecin ou le dentiste s'inscrit au programme, nous émettons les carnets portant le nom du médecin, son adresse et son numéro d'inscription, ainsi que des carnets personnalisés, numérotés, de manière à pouvoir effectuer le suivi de la prescription.
Il y a trois exemplaires. Lorsque le patient reçoit une ordonnance de la main du prescripteur, ce dernier en conserve un exemplaire. Les deux autres sont remis au patient pour qu'il les donne au pharmacien, qui en garde un exemplaire et nous envoie le troisième pour saisie dans la base de données. En vertu de la loi, le pharmacien est obligé d'envoyer notre exemplaire de la prescription une fois tous les sept jours et cela entraîne un délai qui affecte nos données puisqu'il peut atteindre, à l'occasion, deux semaines. Nous recevons quelque 300 000 documents par année et nous en traitons 24 000 par mois.
Que faisons-nous des données recueillies? Nous produisons différents rapports, notamment un rapport sur les doubles visites à des médecins dans lequel nous examinons les patients qui ont consulté trois prescripteurs ou plus au cours d'une période de 30 jours. Nous envoyons une lettre dite d'alerte concernant ces patients aux prescripteurs. Nous envoyons quelque 2 000 lettres par année concernant quelque 400 patients. Nous nous sommes livrés à une évaluation de l'efficacité des alertes et avons constaté qu'il y a eu une baisse de l'ordre de 60 p. cent du nombre de prescripteurs visités après l'envoi de la lettre d'alerte. Elle semble avoir un certain effet.
Nous produisons également un rapport sur le seuil maximal ou, comme l'a dit le Dr Taylor, la forte consommation. Nous examinons les prescripteurs qui rédigent plus d'ordonnances que ne le permet la limite fixée par le programme représentant le seuil maximal des différents médicaments. Nous envoyons une lettre aux prescripteurs leur demandant de s'expliquer. Nous envoyons quelque 240 lettres par année à des prescripteurs. Nous nous sommes également livrés à l'évaluation de cette intervention et avons constaté qu'il y avait une baisse de l'ordre de 40 p. 100 du nombre de prescriptions rédigées après l'envoi d'une lettre. Cela ne veut pas nécessairement dire que ce soit là une bonne chose. Nous pourrons discuter de cela plus tard.
Nous effectuons également l'examen par les pairs. L'année dernière, nous avons analysé la prescription de codéine à travers la province et avons remis aux prescripteurs leur profil. En réalité, nous avons élaboré, en collaboration avec l'éducation médicale permanente de Dalhousie, une initiative éducative concernant ce rapport ou envoi postal. Nous espérons que les médecins de la province le percevront positivement. S'ils examinent leur profil et participent à cet envoi postal, ils peuvent obtenir également des crédits en éducation médicale permanente, cela motiverait les prescripteurs à examiner vraiment et évaluer leur mode personnel de prescription.
¹ (1500)
En outre, nous offrons des renseignements aux chercheurs de la collectivité. Nous proposons des profils de patients aux praticiens, par exemple. Ils peuvent appeler notre bureau ou nous écrire pour obtenir des profils de patients. Si, par exemple, un urgentologue voulait s'assurer que le patient qu'il traite n'est pas seulement à la recherche de drogues, il peut nous appeler et recevoir l'information qu'il lui faut. Nous offrons également des renseignements aux forces de l'ordre, à condition que la demande soit accompagnée d'un mandat de perquisition. Nous offrons également des renseignements aux différents groupements professionnels comme le Collège des médecins et chirurgiens, la Médical Society et le Conseil provincial dentaire.
Je ne rentrerai pas dans les détails des politiques. Cela nous pose un problème et nous pourrons en parler plus longuement quand je parlerai de certains autres problèmes affectant le programme. Je vous demanderais d'être patients jusqu'à ce que je les aborde.
Nous éprouvons deux graves problèmes en Nouvelle-Écosse. Le premier découle de notre système informatique. Nous ne sommes pas aussi bien nantis que la C.-B., nous ne sommes pas connectés et nous voudrions l'être. Cela améliorerait certainement le programme en offrant des données plus opportunes. Notre système est complètement dépassé. Il est indépendant. Il n'interagit avec aucune autre entité et, par conséquent, nous ne pouvons pas évaluer soigneusement les données. Nous n'avons pas l'automatisation qu'exigent nos interventions. Nous effectuons une seconde saisie de données, c'est à dire qu'elles sont saisies manuellement. Il y a donc une marge d'erreur à cause de la saisie manuelle des données. Nous n'avons que des capacités limitées de production de rapports. Le système ne peut offrir que des rapports fixes. Bien sûr, ils ne sont pas aussi opportuns que nous le souhaiterions. Le système ne peut pas être élargi. Par exemple, nous voudrions surveiller les benzodiazépines, mais nous craignons que si nous entamons cette étude, le système risque d'exploser. Malheureusement, nous ne sommes pas équipés pour le faire encore. Le Nova Scotia Department of Health étudie la situation et, nous espérons obtenir un nouveau système bientôt.
L'évaluation du programme pose également des problèmes, notamment l'examen de l'efficacité du programme de surveillance des prescriptions ainsi que la possibilité de se brancher à d'autres bases de données pour pouvoir déterminer l'impact.
Je crois que le Dr Taylor a fait allusion à la question des résultats ou suivis involontaire qui affectent négativement les pratiques des prescripteurs. Nos lettres d'alerte et d'explication ne sont pas envoyées, par exemple, si les patients reçoivent des soins palliatifs ou s'ils sont atteints de cancer. Nous espérons que cela ne fera pas en sorte que le programme produise de nombreux résultats involontaires.
En outre, nous n'avons pas l'autorité nécessaire pour décider de mesures à partir des données dont nous disposons. La province examine, actuellement, la possibilité d'élaborer une nouvelle loi sur la surveillance des prescriptions ou de son insertion dans les lois actuelles, comme la Medical Act, la Pharmacy Act ou la Dental Act.
La présidente: Merci beaucoup, Madame Conway.
Pendant que l'un d'entre vous parlait, nous avons constaté avec plaisir l'arrivée du Dr Kendell de la Saskatchewan. Vous nous avez remis des exemplaires en langue anglaise de votre présentation, ils sont donc disponibles et tout le monde peut se servir. Bienvenue.
¹ (1505)
Dr Dennis Kendel, (registraire, Collège des médecins et chirurgiens de la Saskatchewan): Merci beaucoup. Je vous prie de m'excuser d'être en retard. Il est difficile d'arriver ici à quatorze heures à partir de l'arrière-pays de la Saskatchewan. En fait, Air Canada était à l'heure--
La présidente: Nous en prenons note.
Dr Dennis Kendel: --Je n'ai donc pas raté grand chose.
J'ai discuté plus tôt avec mon collègue Brian Taylor et crois comprendre qu'il vous a expliqué de façon détaillée les mécanismes du programme de prescriptions en trois exemplaires. Je ne vais donc pas m'y attarder puisque notre programme de prescription en trois exemplaires n'est pas différent de celui de la Colombie-Britannique. La Saskatchewan été la deuxième province canadienne à adopter un tel programme, en 1988. Il est intéressant de noter que ce sont les événements de l'année précédente qui nous ont décidé à adopter ce programme. En 1987, la GRC a procédé à une énorme enquête sur les visites multiples aux médecins, enquête qui a eu pour résultat l'inculpation de 130 citoyens d'infractions à la Loi sur les stupéfiants d'alors et 11 médecins nous ont été renvoyés pour enquête et mesures disciplinaires dans plusieurs cas. Cette expérience, plus que toute autre chose, a probablement servi à nous mobiliser pour passer à la vitesse supérieure et examiner la possibilité de faire plus d'interventions précoces ou de prévention de ce problème.
J'aimerais vous parler aujourd'hui principalement de certaines valeurs qui sont à notre avis importantes si l'on veut régler ces problèmes sociétaux.
Nous devons d'abord discuter brièvement de la nature du problème. Le mauvais usage des médicaments de prescription ne se limite pas à la gamme de médicaments dont vous discutez aujourd'hui. Bien sûr, les antibiotiques sont mal utilisés, ce qui a un effet nuisible sur les patients qui en font l'usage du fait qu'ils sont exposés aux risques découlant du médicament sans contrepartie bénéfique. L'utilisation généralisée des antibiotiques favorise la naissance de souches de bactéries résistantes aux antibiotiques, que nous pouvons pas traiter efficacement. Par conséquent, toute la population est exposée aux maladies.
Mais nous pensons depuis déjà un certain temps qu'une catégorie particulière de médicaments, ceux créant une accoutumance, doivent être traités plus prudemment vu que l'abus et le détournement dont ils font l'objet peut entraîner des conséquences sociétales plus graves. Il faut reconnaître que la dépendance chimique est une maladie en elle-même. Ceux qui éprouvent une dépendance chimique feront tout ce qui est en leur pouvoir pour se procurer le médicament qu'ils privilégient. S'il s'agit d'un médicament de prescription, ils adopteront tous les moyens, y compris les plus tortueux, pour se procurer effectivement le médicament.
Dans le temps, lorsque la GRC se livrait à des enquêtes et que, munie d'un mandat de perquisition, elle recueillait des renseignements, on a vu des gens dessiner une carte géographique montrant leurs multiples visites aux médecins. Les patients ajustaient leur horaire de manière à pouvoir se rendre à 10 cabinets de médecins en une journée. Compte tenu de la période d'attente dans certains cabinets de médecins de famille, on peut se poser la question de savoir comment ils y réussissent, mais ces patients connaissent déjà les cliniques sans rendez-vous qui les serviront le plus rapidement. Ils peuvent effectivement rendre visite à 10 médecins en une journée et y raconter une histoire bien fignolée ou prétexter qu'ils ont, par mégarde, jeté leur médicament à la toilette ou que leur chien l'a mangé ou encore autre chose. Effectivement, ils obtiennent ainsi une grande quantité de médicament.
Il est évident que nombre d'organismes sont concernés par cette question, notamment les ministères provinciaux et fédéral de la santé, ceux de la justice et, bien sûr, les organes professionnels de réglementation, comme le Collège des médecins et chirurgiens. Je crois que beaucoup de gens s'attendent à ce que le collège tente de résoudre ce problème puisque ce sont les médecins qui émettent les prescriptions dont les médicaments sont mal utilisés. Dans la mesure où dans certaines régions les infirmières praticiennes peuvent prescrire des médicaments, la même chose se produira avec leurs prescriptions. Il est trop simple de faire appel à cette logique qui veut que le seul contrôle des prescriptions de médecins réglerait une fois pour toutes le problème.
Je crois qu'il nous faut faire preuve d'une certaine prudence dans notre combat acharné pour résoudre ce problème. Il faut certainement s'assurer que ce combat ne mette pas en péril le bon usage du médicament. Les remarques de Colleen me font conclure que Brian a parlé de «narcophobie» et du risque de provoquer une crainte trop importante relativement à l'utilisation de certains médicaments qui ferait en sorte que les doses et la pertinence d'utilisation soient mal estimées. C'est là un élément sociétal important. Il nous faut également garder à l'esprit le droit à la protection de la vie privée du patient, ce dont nous sommes très conscients. Enfin, nous devons prendre garde de ne pas faire en sorte que les médecins se méfient trop de leurs patients et qu'ils voient chez eux de possibles mauvais utilisateurs de médicaments. Cela nuirait à la relation médecin-patient qui revêt une importance capitale dans le processus thérapeutique. Nous devons donc pas diaboliser les patients au point que les médecins s'imaginent que tous leurs patients pourraient devenir problématiques.
¹ (1510)
Vous savez bien que le système de justice a entre autres principes qu'il vaut mieux laisser en liberté un petit nombre de coupables plutôt que de désigner à tort un coupable qu'on incarcère. Je dirais que cela nous oblige à accepter une certaine marge d'abus et de ne pas réagir de façon à nuire à nos sociétés du fait de nos méthodes trop zélées.
Historiquement, Santé Canada, tenant compte de ce problème sociétal, a toujours classé ces médicaments dans une catégorie particulière pour en contrôler et surveiller étroitement l'usage. Il y a longtemps, le Bureau de la surveillance pharmaceutique du Canada, son nom à l'époque, produisait des données à notre intention sur la mauvaise utilisation des ces médicaments. Le retard avec lequel ces données nous parvenaient constituait un problème; habituellement, elles nous parvenaient au moins six mois après le fait et n'avaient plus grande valeur nous permettant d'intervenir pour prévenir le problème. Elles ne servaient qu'à poursuivre, à l'occasion, les médecins qui ont fait preuve de pratiques de prescription inadmissibles et qui n'étaient pas réceptifs en termes d'éducation. Ainsi, les programmes de prescriptions en trois exemplaires visaient essentiellement la collecte de renseignements opportuns que nous pouvions, premièrement, partager avec les médecins en vue de prévenir le problème et, deuxièmement, nous-mêmes analyser les pratiques de prescriptions dans les cas jugés inadéquats pour les modifier.
Mais les programmes de prescriptions en trois exemplaires ne sont plus à la fine pointe. Le fait même de devoir porter un carnet distinct de prescriptions veut souvent dire qu'on n'administre pas d'analgésique adéquat aux patients en phase post-opératoire. Les chirurgiens semblent s'opposer vigoureusement au fait de devoir se munir de ces carnets. Nous avons pensé à leur procurer une pochette qu'ils pourraient attacher à leur ceinture pour transporter le carnet; ils n'ont pas semblé emballés par l'idée. Ces carnets sont personnalisés, comme l'a fait remarquer Colleen. Ils ressemblent à un chéquier personnel. Les médecins ne peuvent pas les échanger entre eux. On ne les trouve généralement pas aux emplacements où sont administrés les analgésiques post-opératoires; par conséquent, les patients rentrent chez eux sans analgésique adéquat ou alors ils téléphonent à leur médecin de famille, lequel ne savait pas que l'opération s'effectuait ce jour-là. Cela cause des problèmes.
Il est évident qu'à l'avenir, nous devrons, par les biais des technologies de l'information, avoir accès en ligne à ces renseignements. Nous sommes tous incroyablement jaloux de la Colombie-Britannique où le programme PharmaNet a donné, à ces organes de réglementation médicale et pharmaceutique, accès à ces renseignements complets et vise en fin de compte à les faire parvenir aux médecins de première ligne. Cet objectif n'a pas encore été réalisé--on en est encore au stade de projet pilote--mais nous croyons comprendre que c'est là l'objectif. Nous croyons comprendre que c'est l'objectif du programme Wellnet de l'Alberta et de celui du Saskatchewan Health Information Network. Mais il est encore loin.
À l'avenir, nous envisageons qu'un médecin traitant un patient aura accès en ligne et en temps réel à l'historique complet de l'usage de médicaments de ce patient. Il irait de soi que le médecin ait le droit d'accès à cette information pour le traitement de son patient. Comme je le dirai plus tard, nous réalisons qu'il faut que pour son traitement le patient autorise implicitement le médecin à accéder à cette information. Nous ne sommes pas en faveur d'un processus de consentement lourd parce que nous pensons que les patients qui se livrent au mauvais usage des médicaments ou à leur détournement sont ceux qui ne consentiront pas à ce que leur médecin ait accès aux renseignements qui divulgueraient leur activité illicite.
Les organes de réglementation médicale et pharmaceutique devront également avoir un accès en ligne exact et total. En Saskatchewan, nous avons travaillé à cet objectif. En effet, notre gouvernement provincial vient d'adopter une loi qui nous donne un accès électronique absolu aux données des prescriptions de tous les résidents de la province.
¹ (1515)
Mais, comme vous le savez, il y a au Canada un problème de compétence juridique puisque les soins de santé des Autochtones relève de la compétence fédérale. Nous regrettons de constater que l'interprétation et l'application de la législation fédérale en matière de protection de la vie privée constitue un obstacle de taille lorsqu'on tente de résoudre ce problème. Santé Canada a décidé qu'il lui faudra obtenir effectivement le consentement de chacun des membres des Premières nations avant de pouvoir utiliser les données relatives à leurs prescriptions aux fins des objectifs de santé publique mentionnés, comme la prévention de l'abus de médicaments de prescription.
Vous avez probablement entendu quelques détails sur ce programme. Nous pensons, franchement, qu'il est irréalisable à cause du processus pour l'obtention du consentement de chaque patient, de la durée et de la fréquence de renouvellement de ce consentement. Qu'advient-il si les patients refusent d'accorder leur consentement? Un membre du personnel de Santé Canada m'a dit que si un patient des Premières nations n'accordait pas son consentement, il n'obtiendrait pas de prestations en vertu du Programme des services de santé non assurés. Eh bien, je voudrais voir la première contestation judiciaire à ce chapitre parce que je ne pense pas que les leaders autochtones accepteraient une solution qui préconiserait que le fait de ne pas consentir entraîne le déni de service.
Nous espérons que Santé Canada modifiera sa politique. Nous réalisons qu'elle a été largement motivée par des considérations juridiques, mais nous pensons que, dans certaines circonstances, il faut trouver un équilibre entre la protection de la vie privée et le bien public. Franchement, la maladie qu'est la dépendance chimique constitue un problème où il faut essentiellement déroger à certains droits à la protection de la vie privée, non seulement pour aider la personne souffrant de dépendance chimique, mais également pour prévenir de nuire à l'ensemble de la société.
Ainsi, si nous pouvions mettre en place à l'échelle nationale un système comme PharmaNet, qui existe déjà, et, parallèlement, le mettre à la disposition des médecins de première ligne, ils pourraient prévenir immédiatement nombre de problèmes. Comme vous avez probablement entendu le Dr Taylor le dire, le système britanno-colombien est actualisé au point où il comprend les prescriptions qui ont émises 30 secondes avant. La possibilité de se déplacer rapidement d'un bureau à l'autre et de balayer électroniquement les prescriptions n'existe pas, considérant que dans un système, même équivalent à celui décrit par Coleen et qui accuse un retard de deux semaines, un patient qui se livre tel un expert à de multiples vusites peut recueillir des milliers de pilules en deux semaines. Ainsi, même ce retard bloque en effet la prévention efficace du problème.
Dans mon document, j'ai fait allusion au décès d'un membre des Premières nations, Darcy Ironchild, survenu en Saskatchewan. Celui-ci est décédé d'une surdose d'hydrate de chloral, un hypnotisant ou somnifère, ne faisant pas partie de la gamme de médicaments surveillés par notre programme. Comme l'a fait remarquer Coleen, la majorité des systèmes informatiques installés dans les bureaux des collèges ou même dans ceux de la Atlantic Blue Cross Organization ne sont pas assez puissants pour gérer l'ensemble de la gamme de médicaments, ce qui fait que nous ne surveillons que les narcotiques et les médicaments contrôlés. En réalité, Darcy Ironchild s'était débrouillé pour recueillir 300 prescriptions de différents médecins en moins d'un mois. Ils consommait des quantités astronomiques de ce médicament. Bien sûr, les toxicomanes se méprennent quelquefois sur leur tolérance et, l'une de ces fois, ils en prennent trop et en meurent.
La famille de Darcy Ironchild a été très en colère et a dit, mais où était le collègue des médecins et chirurgiens? Ils ont voulu savoir ce que nous avions fait pour prévenir de telles tragédies. Bien qu'éprouvant une grande tristesse pour la famille, tout ce que nous pouvions lui dire se résumait à ce que nous regrettions mais que, malheureusement, nous ignorions l'usage que faisait Darcy Ironchild des médicaments et que nous ne pouvions pas intervenir. Si, toutefois, nous avions disposé de systèmes étoffés, dans lesquels tous ces médicaments, comme les benzodiazépines, les hypnotisants et autres étaient surveillés, nous aurions probablement pu intervenir pour prévenir sa mort. Au lendemain de l'enquête du coroner sur son décès, nous avons travaillé de concert avec le ministère de la santé de la Saskatchewan et SaskHealth pour tenter de mettre en place un système plus complet analogue à celui qui prend forme en Colombie-Britannique, mais la question de la compétence fédérale en matière des Autochtones constitue encore un obstacle.
Voici la question que je pose aux gens. Si notre pays est une nation, comment se fait-il que la Colombie-Britannique puisse recueillir des données sur tout le monde sans égard à la race, aux origines ethniques ou au patrimoine culturel, tandis que dans le reste du Canada, la chose n'est pas homogène et qu'il semble y avoir des politiques différentes pour une certaine tranche de la population par rapport aux autres? D'habitude, je me fais dire, en réponse à cette question, que c'est un problème juridique et que cela dépend uniquement de la manière dont les gouvernements fédéral et provinciaux ont aménagé leurs lois. Il est clair qu'en Colombie-Britannique, la législation habilite le gouvernement de la province à recueillir et à utiliser les données d'une manière que les autres provinces n'ont pas encore imaginée. Nous espérons que ce problème se règle à travers le Canada de la même façon au moyen de solutions à base de technologies de l'information, qui sont au coeur de la solution.
Ce sont là les choses que je voulais partager avec vous. Comme mes collègues, j'ai hâte de répondre à vos questions. Merci beaucoup.
¹ (1520)
La présidente: Merci, Docteur Kendel. Merci à tous les experts.
Comme nous l'avons dit plus tôt, c'est une question que nous n'avions pas prévue. Selon ce que nous avons pu voir au cours de nos voyages partout au Canada, notamment les différents systèmes en place et, selon ce que nous avons entendu hier, nous avons saisi le message clair voulant que nous devrions mettre en place un système national unique auquel tout le monde pourrait se brancher en temps réel, plus particulièrement les collectivités frontalières. La description que vous nous avez faites de vos objectifs nous a été d'une grande utilité.
Je vais laisser mes collègues poser des questions.
Monsieur White.
M. Randy White (Langley—Abbotsford, Alliance canadienne): Merci, Madame la Présidente.
Je vous remercie tous d'avoir parcouru de longues distances pour ne comparaître devant ce comité que pour un moment relativement court. Je peux néanmoins vous assurer que ce que vous avez dit influera sur certaines de nos recommandations. Bien que le temps soit limité, il est d'une grande qualité.
Je voudrais demander à l'un d'entre vous ou à vous tous, à celui qui connaît le mieux la question suivante, quel est le point d'origine le plus important en termes de production de prescriptions, s'agit-il des différents cabinets de médecins? Peut-on les obtenir en prétendant être malade? Sont-ils volés à partir du fabricant? Son-ils volés à partir de résidences privées? Quel est le point d'origine le plus important?
Dr Brian Taylor: Monsieur White, parlez-vous des médicaments dans les rues?
M. Randy White: Oui.
Dr Brian Taylor: En général, ils sont prescrits dans la légalité et ensuite détournés. Par exemple, le Tylenol 3, qui est un médicament relativement facile à obtenir, l'acétaminophène et la codéine, se trouvent facilement dans les rues, si j'ai bien compris. J'ai parlé à des membres de l'escouade anti-drogues de Vancouver. Je ne crois pas que les forces de l'ordre soient très au courant de l'utilisation dans la rue des médicaments de prescription. Je crois qu'ils reconnaissent volontiers que certains médicaments ont une vraie valeur de marchandage et qu'elles sont utilisées pour obtenir le médicament privilégié ou pour le compléter, mais je ne crois pas que la société saisisse très bien la quantité de médicaments de prescription qui circule dans les rues, en tous les cas dans notre province.
Dr Dennis Kendel: Je voudrais ajouter quelques remarques à celles du Dr Taylor. L'écrasante majorité des médicaments de prescription qu'on trouve dans la rue y sont arrivés par le biais de prescriptions légitimes de médecins. Il pourrait y avoir quelques vols, mais ils sont très rares. Les pharmacies sont cambriolées, mais cela ne représente pas une partie importante des médicaments détournés. Vous trouverez, joint à mon document, un exemplaire de la présentation que j'ai faite au Comité permanent des comptes publics il y a environ un an. J'y fais une description des trois types de médecins qui, selon nous, contribuent à ce problème.
Premièrement, je voudrais signaler le fait que des médecins très compétents et sensibles peuvent être roulés à l'occasion par des patients qui font semblant de souffrir de certaines maladies ou qui racontent une histoire très émouvante. Aujourd'hui, nous vivons dans une société où les gens sont très mobiles, ainsi beaucoup de gens se déplacent à travers le pays. Ayant besoin de médicaments, ils présentent souvent au médecin de faux renseignements et obtiennent ainsi des médicaments. Néanmoins, certains médecins se laissent facilement prendre à ce jeu et notre défi en matière d'éducation consiste à aider les médecins à comprendre que certains éléments de l'historique du patient doivent servir à éveiller les soupçons. J'ai fait sous le couvert de la plaisanterie allusion à certains d'entre eux, mais il n'y a pas là matière à rire. Il y a les excuses habituelles comme les gens qui disent qu'ils ont perdu leur médicament, qu'il est tombé dans la toilette. Ces choses peuvent arriver vraiment, on peut faire tomber des pilules dans la toilette, mais il ne faudrait pas que cela arrive souvent. Certaines choses devraient déclencher un signal d'alarme et pousser les médecins à résister à la tentation de prescrire.
Deuxièmement, il existe une cohorte de médecins qui, à notre avis, n'impose pas de limites raisonnables à la taille de leur pratique. Ils examinent trop de gens chaque jour. Ceci a lieu dans le système de rémunération à l'acte. Très franchement, si l'on ne prend pas le temps d'interagir avec les gens, il est plus que probable que des erreurs soient commises. En outre, l'émission d'une prescription constitue un moyen de mettre rapidement fin à la relation médecin-patient. Ainsi les médecins qui opèrent des cliniques à très haut débit auront tendance à commettre plus d'infractions dans le but de préserver leurs intérêts. Encore une fois, c'est là un problème de réglementation, et il nous faut trouver une solution.
Il y a ensuite la très petite cohorte de médecins qui, effectivement, exploitent eux-mêmes le système en prescrivant sciemment des médicaments pour ce type de patients. La licence leur est retirée. Ces patients n'ont même pas besoin de se livrer à de multiples visites puisqu'ils peuvent obtenir tous les médicaments qu'ils veulent à un seul endroit. Heureusement, lorsqu'il existe des systèmes comme celui décrit ici, on parvient à constater le mode de prescription des médecins et à réagir au plan réglementaire. Toutefois, l'élément le plus intéressant est que si le champ de surveillance est étroit, les médecins véreux, comme leurs patients qui sont à la recherche de médicaments en dehors du système, prescriront en dehors de ce champ. Ainsi, ils prescriront tout simplement des benzodiazépines. Par conséquent, il faut mettre sur pied un système complet de surveillance de manière à dépister les médecins qui agissent de manière tout à fait inadéquate.
Ce sont là nos trois motifs de préoccupation.
¹ (1525)
M. Randy White: Je suis heureux de constater que vous avez également répondu à cela parce qu'en tant que PDG d'une société de 2 000 employés, un de mes problèmes les plus importants était d'obtenir des médecins qu'ils comprennent que les lettres qu'ils nous adressaient concernant leurs employés recommandant des congés de six mois pour cause de stress ou parce que leur doigt faisait mal, ou qu'ils devraient prendre congé pendant une période indéfinie, constituaient un problème réel pour moi. Il n'y avait aucune cohérence professionnelle à cet égard et cela coûtait très cher à mon entreprise en congés payés. J'imagine que ce genre d'histoire n'était pas très grave en comparaison à celles que racontent des gens qui essaient d'obtenir des médicaments.
En ce qui concerne les caractéristiques de la méthadone, les gens qui l'utilisent doivent-ils continuer à le faire pour le restant de leurs jours, ou bien la durée de traitement est limitée? J'ai entendu les deux versions, qu'ils l'utiliseraient toujours, que je devrais garder ma clinique de méthadone ouverte très longtemps et, chaque fois que quelqu'un vient, il me faut plus de gens alors que d'autres disaient, non, ce n'est pas le cas. Où est la vérité?
M. Peter Hickey: Je peux répondre à cette question. Nous reconnaissons que l'héroïnomanie est une maladie, comme le diabète. Nous ne voyons pas d'un mauvais oeil les diabétiques qui utilisent l'insuline pour toute la vie. La réponse à la question est qu'un patient devrait recevoir de la méthadone jusqu'au moment où il peut s'affranchir du programme. Il se peut bien qu'il continue à recevoir de la méthadone jusqu'à la fin de ses jours, et s'il est bien traité au moyen de la méthadone, il n'y a pas d'inconvénient à cela.
M. Randy White: Bien. Il existe des centres de traitement à la méthadone que certains qualifient de seuil minimal. D'autres sont qualifiés de seuil maximal et l'on parle de différents seuils. En réalité, le comité et moi avons vu un centre de seuil minimal. L'un des toxicomanes qui y était m'a dit, en même temps qu'à l'un des mes collègues, qu'il reçoit sa méthadone mais qu'il devait fumer tous les jours deux joints, prendre quelques comprimés de Tylenol et autre chose. Je me suis dit, un instant là, il y a quelque chose qui ne va pas là. Vous êtes ici pour essayer de vous en sortir, mais vous utilisez encore toutes sortes de médicaments, sauf l'héroïne, je suppose. Je me pose des questions à propos de ce concept de seuil minimal et maximal. Est-ce qu'il est efficace? Est-ce un processus raisonnable ou faudrait-il dire qu'un patient traité à la méthadone n'en obtiendrait que s'il s'abstenait de consommer quoi que ce soit d'autre? C'est le seuil maximal, j'imagine.
M. Peter Hickey: Vous avez raison: il y a des programmes à seuil minimal et d'autres à seuil maximal. Je pense qu'il faudrait qu'il y ait un mélange de programmes. L'idée est que les programmes de méthode visent la réduction des préjudices; il faut donc prendre en considération le patient. Tire-t-il avantage du programme de méthadone ou non? Si certains patients reçoivent de la méthadone par le biais d'un programme à seuil maximal, qu'ils consomment de la marijuana et qu'ils utilisent un médicament comme le Dilaudid ou autre, le médecin traitant trouvera la chose difficile. Ces patients éprouvent des problèmes d'abus de drogues. Cela fait partie du traitement.
Nous pouvons examiner certains patients de l'est du centre-ville de Vancouver qui sont sans abris, sans moyen de subsistance et en mauvaise santé. Pour convaincre ces patients de participer à un programme de méthadone de seuil minimal qui leur évite d'utiliser aussi fréquemment des seringues, d'avoir peut-être moins recours à la marijuana, aux drogues vendues dans la rue ou autre, est-ce là une réduction des préjudices? Oui, il s'agit de réduction des préjudices, et d'un programme à seuil minimal, mais le médecin doit quand même réévaluer ce patient et lui demander, bien, tirez-vous avantage de ce programme ou non? Parmi ces patients, certains pourraient être libérés rapidement d'un programme, il faut donc constamment se poser la question: le patient en profite-t-il? Oui, il consomme encore, mais moins souvent et, peut-être qu'il emprunte des seringues moins souvent. Est-ce un avantage? Absolument, c'est un avantage.
¹ (1530)
Dr Brian Taylor: Monsieur White, si vous permettez, je crois qu'il ne faut pas oublier que la toxicomanie est une maladie récurrente. Le fait que quelqu'un recommence à utiliser des narcotiques ne signifie pas qu'il faille abandonner le traitement. Je crois qu'il faut redoubler d'efforts de traitement et réaliser que toutes les toxicomanies, l'alcoolisme ou l'abus de drogues, sont des maladies récurrentes et que l'usage répété de la drogue de préférence est un phénomène certainement très répandu.
Dr Dennis Kendel: Je voudrais faire une autre remarque. Les attitudes de la société en général et même de la profession médicale varient considérablement envers les principes de la réduction des préjudices. Par exemple, en Saskatchewan, où nous n'avons pas encore réussi à élaborer un programme de méthadone aussi complet que celui de la Colombie-Britannique, mais que nous compléterons, il y a eu des conflits entre les différentes politiques, les nôtres et les fédérales, en matière de pénitenciers ou prisons contrôlés par la province et ceux contrôlés par le fédéral. Dans l'un, on admet le fait qu'on puisse commencer un traitement à la méthadone chez quelqu'un qui purge une peine alors que dans l'autre, la prison provinciale, qui constitue mon sujet de discussion actuel, prévoit que lorsqu'on suit déjà un traitement à la méthadone en arrivant à la prison, il serait poursuivi, mais qu'il n'était pas possible d'entreprendre un programme, même si un médecin le recommandait comme étant la chose logique à faire. Prenons l'exemple de Peter Hickey, cela serait aussi rationnel que de dire que si l'on découvrait que quelqu'un serait devenu diabétique après son incarcération, nous le laisserions en mourir, nous ne lui administrerions pas d'insuline.
Il est intéressant de noter que dans cette situation, la politique a été franchement motivée par le fait que le pénitencier s'était adjoint les services d'un médecin qui s'opposait énergiquement, du point de vue moral, à la réduction des préjudices. Ainsi, la politique du médecin affectait tous les prisonniers du pénitencier. Je crois qu'à un niveau réglementaire, nous, à titre de collèges, avons eu à nous battre pour faire comprendre que le fait d'être en prison ne signifie pas que l'on est privé de tous les services médicaux que le restant de la société peut obtenir. Il nous fallu à l'occasion nous organiser--
M. Randy White: La méthadone est vendue en prison.
Dr Dennis Kendel: --pour qu'il y ait un équilibre dans les avis offerts aux institutions carcérales, qu'ils ne soient pas biaisés.
M. Randy White: Savez-vous que la méthadone est vendue par les prisonniers dans les prisons?
¹ (1535)
Dr Dennis Kendel: Oh, les prisons sont un nid de consommation illicite de drogues. On peut probablement obtenir n'importe quelle drogue qu'on veut dans un établissement carcéral. Cela ne nous surprend pas.
M. Randy White: Je voudrais vous poser une autre question concernant les compétences du personnel des centres de réhabilitation, d'échange de seringues et de ce type d'activités. J'ai tout vu à travers ce pays, depuis les édifices qui laissaient beaucoup à désirer sur le plan de l'hygiène jusqu'à des individus qui n'avait qu'une seule compétence, celle d'être ou d'avoir été toxicomanes, mais toujours des toxicomanes, j'imagine. Il ne semble pas que la cohérence règne au pays sur ce point. Je ne sais pas s'il en existe au sein des provinces, mais au niveau national, elle n'existe certainement pas. Est-ce pour vous un motif de préoccupation? Même dans les centres de traitement à la méthadone, les compétences de ceux qui les opèrent varient sensiblement.
M. Peter Hickey: Je ne peux pas parler des compétences de ceux qui se chargent de l'échange des seringues ou des conseillers. Ceci ne fait pas partie de notre mandat. Les prescripteurs de méthadone sont en revanche parfaitement compétents. Comme je l'ai dit, notre programme visait entre autres l'amélioration de la qualité des soins et des normes de prescription. En ce qui concerne les normes auxquelles doit satisfaire un médecin, normes que j'ai décrites dans ma présentation, elles sont très sévères. Nous offrons le seul programme de formation de ce type en Amérique du Nord. Les médecins sont très bien formés à la prescription de la méthadone. Comme je le dis, je ne peux pas parler des autres personnes.
M. Randy White: Il ne s'agit pas toujours de médecins. Dans certains centres, on trouve également des infirmières. Je ne mets pas en doute leurs compétences, je demande si vous pensez que ces installations devraient, ou non, adopter des normes minimales.
Dr Brian Taylor: Je crois qu'il serait difficile de s'y opposer. Certainement, ceux qui soignent des toxicomanes devraient être compétents. Il faudrait adopter une approche rationnelle. Vous avez mentionné le programme d'échange de seringues, par exemple. Lorsqu'il a été adopté en Colombie-Britannique, le programme d'échange de seringues ne permettait de donner qu'un nombre limité de seringues par personne. Si quelqu'un utilisait de l'héroïne huit fois par jour, il n'était pas raisonnable de ne lui donner que six seringues, pas raisonnable du tout, et pourtant c'est ce qui arrivait quand le programme a débuté.
Je pense que vous avez parfaitement raison à cet égard, Monsieur White. Je crois qu'il faudrait adopter une approche rationnelle. Je pense que ceux qui soignent les toxicomanes devraient être compétents, et notre collège a fait sa part, je pense.
M. Randy White: Merci.
La présidente: Maintenant, la parole est au Dr Fry.
Mme Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.): Merci beaucoup. Je voulais poser une petite question.
Je pense que vous avez tous fait des présentations complètes. L'une des choses qui nous a inquiété lors de nos voyages partour au pays, c'est le fait d'avoir trouvé, comme je crois que vous l'avez très bien expliqué, qu'il est plus facile, dans certaines provinces, d'obtenir des prescriptions de médecins qu'on peut subséquemment vendre dans la rue. Dans d'autres provinces, cela est plus difficile. Vous nous avez expliqué qu'évidemment cela dépendait de l'opportunité, de l'accès, etc. du programme de prescriptions en trois exemplaires. Toutefois, ce que nous avons constaté revient à dire que dans une province, le programme de méthadone était dispensé de manière à ce que certaines personnes n'avaient qu'à se rendre à la pharmacie et obtenir la méthadone. Elles pouvaient prendre une prescription, obtenir le médicament auprès de la pharmacie et éventuellement obtenir des prescriptions à répétition, en se rendant à la pharmacie sans jamais avoir vu un médecin qui suivrait leur cas de façon régulière.
Je veux savoir ce que vous en pensez et si vous vous demandez si nous ne sommes pas en l'occurrence sur une pente dangereuse dans la mesure où l'on dispense de la méthadone sans qu'elle ne soit accompagnée d'une approche globale du traitement de l'abus de drogues qui devrait normalement découler automatiquement de la visite à un médecin ou à une clinique pour obtenir la méthadone.
M. Peter Hickey: Il est certain que dans le programme de la Colombie-Britannique, la grande majorité des patients reçoivent leur méthadone à travers une pharmacie--c'est entendu--à titre de dose quotidienne administrée devant témoin. Le pharmacien joue un rôle clé dans le programme de méthadone. Il est l'oeil et l'oreille du médecin. Par exemple, si un patient ne se sentant pas bien se présentait, ou qu'il ne se présentait pas pour se faire administrer sa dose quotidienne, on s'attend à ce que le pharmacien communique avec le médecin traitant pour l'informer qu'il se pourrait qu'il y ait un problème concernant ce patient. Il devrait y avoir une bonne interaction à ce chapitre.
Grâce à notre système de vérification, il serait anormal qu'un médecin prescrive un médicament sans avoir vu le patient. Cela apparaîtrait clairement à la vérification des dossiers cliniques. Ce sont là des éléments que nous rechercherions et examinerions certainement très soigneusement. Cela ne serait pas acceptable. Le traitement à la méthadone n'équivaut pas simplement à obtenir un certificat et obtenir la méthadone. Il y également beaucoup d'autres aspects.
Mme Hedy Fry: Il est évident que la Colombie-Britannique a adopté cette sorte de pratique exemplaire, mais ce n'est pas en Colombie-Britannique que j'en ai entendu parler. Nous avons également entendu dire que certains pharmaciens disaient aux utilisateurs de méthadone d'amener leurs amis à leur pharmacie et que l'administration ne se faisait pas toujours devant témoin. Je me demandais si vous saviez si cela arrivait aussi dans les autres provinces, si vous y pouvez quelque chose ou si vous pouvez nous faire des recommandations à cet effet et ce, principalement parce que, en tant que gouvernement fédéral, nous n'avons pas la compétence pour prendre ce type de décisions. Elles sont toutes prises par des corporations professionnelles. Quelle est, à votre avis, la solution?
¹ (1540)
Dr Dennis Kendel: Il serait souhaitable que des normes nationales soient adoptées dans tous les domaines des soins de santé. Il m'arrive à l'occasion de penser que la réalité de notre combat veut qu'il soit plus facile de trouver des solutions uniformes pour les régions peuplées des provinces que pour celles qui sont moins peuplées. Par exemple, lorsque Peter parle de permettre l'accès à tous les habitants de la Colombie-Britannique à la méthadone à des fins de réduction des préjudices ou de soins palliatifs, nous ne pouvons pas dire la même chose en Saskatchewan, parce que les médecins ne sont pas autorisés à prescrire la méthadone dans toutes les collectivités. Nous croyons qu'il est important d'adopter des normes adéquates. S'il n'y a pas de médecin adéquatement formé et autorisé à la prescrire, alors malheureusement, pour le moment, l'accès n'est pas égal.
Nous ne dirions pas qu'il faille mettre de côté les normes de façon à favoriser l'accès, mais par ailleurs, si l'on considère que cela fait intégralement partie des soins de santé, je pense qu'il y a une certaine obligation de le rendre raisonnablement accessible à tout le monde. À cause des différences démographiques, on peut avoir recours à des stratégies quelque peu différentes dans certaines régions ou provinces. Par exemple, dans le grand Nord, on ne pourrait probablement pas utiliser les mêmes stratégies que dans la partie méridionale du pays.
Mme Coleen Conway: Dans les Maritimes, nous n'avons pas suffisamment de médecins licenciés qui peuvent prescrire de la méthadone aux toxicomanes. Je sais qu'en ce qui concerne le programme de méthadone de Halifax, il y a des patients du Nouveau-Brunswick et de Terre-Neuve qui s'installent à Halifax uniquement pour obtenir la méthadone, ce qui,à mon avis, est horrible. Je ne voudrais pas élire de vivre dans une collectivité uniquement parce que je peux y obtenir de la méthadone. Je crois qu'il faut adopter une stratégie nationale de prestation.
La présidente: Monsieur Lee.
M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.): Merci.
Je voudrais féliciter le groupe médical de C.-B. de gérer plusieurs milliers de programmes d'entretien à la méthadone, ce qui constitue un avantage.
Je voudrais d'abord poser une question bizarre. Nous faisons passer un toxicomane de l'héroïne à la méthadone, pourquoi ne pas le laisser continuer l'héroïne?
M. Peter Hickey: La question est intéressante. Comme vous le savez probablement, la Colombie-Britannique est en voie de mettre en place à titre d'essai la prescription d'héroïne. Cela se fait déjà en Suisse. Essentiellement, le but visé n'est pas de permettre au patient de continuer à consommer de l'héroïne. Tout d'abord parce que ses effets sont de courte durée. Comme l'a dit le Dr Taylor, quelqu'un peut se piquer à l'héroïne six ou huit fois par jour. Il est très difficile de mener une vie productive si vous devez aller quelque part pour vous piquer six ou huit fois par jour.
Encore une fois, l'usage des aiguilles constitue une partie du problème de l'héroïnomanie. Comme vous le savez, nous avons une épidémie très sérieuse de VIH. Le partage des aiguilles en est largement responsable. La méthadone vise entre autres à éliminer le besoin chez le patient d'avoir recours aux drogues par intraveineuse ou d'utiliser des d'aiguilles ou d'en partager en leur faisant prendre leur dose quotidienne par voie buccale, ce que l'entretien à la méthadone fait maintenant, pour leur permettre de vivre normalement. On compte de nombreux citoyens productifs qui utilisent la méthadone auto-administrée. Ils obtiennent une quantité hebdomadaire. Ils peuvent rentrer chez eux sans que qui que ce soit ne décèle qu'ils ont participé à un programme de méthadone ou qu'ils souffrent de dépendance.
M. Derek Lee: Excellente réponse. Merci. Nous avons eu l'occasion de voir l'héroïne dispensée en Europe. Un ou deux pays européens le font maintenant. Je tenais à ce que soit inscrit au procès-verbal étant donné que cette question pourrait revenir.
Je voulais également examiner la situation en Saskatchewan dont M. Kendel a parlé. J'ai examiné la lettre adressée en octobre 2001 par M. Cooney de Santé Canada, Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits, et trouvé que c'était là une réponse dégoûtante, inadéquate à la lettre du Dr Kendel qui souhaitait seulement une participation à titre de partenaire en vue de prévenir les visites multiples aux médecins et le détournement de médicaments de prescription dans cette province. Je voudrais que mes remarques à cet égard soient inscrites au procès-verbal.
Quel est le motif qui fait en sorte que ce problème ne semble pas exister en Colombie-Britannique mais semble vouloir se perpétuer en Saskatchewan? Est-ce que quelqu'un connaît la réponse à cette question?
¹ (1545)
Dr Brian Taylor: Nous nous en sommes occupés de plusieurs manières. En Colombie-Britannique, la Pharmacy Act exige que le pharmacien examine directement le profil de prescription avant d'en émettre une. Par conséquent, ce professionnel est obligé par son organe de réglementation professionnelle d'effectuer cet examen.
Lorsqu'il a été décidé de placer la base de données PharmaNet dans les salles d'urgence, nous avons demandé au Commissaire à la protection de la vie privée d'examiner soigneusement l'ensemble du processus et nous avons convenu de placer un avis dans les salles d'urgence indiquant que le profil PharmaNet allait être vérifié dans le cadre du processus de traitement. C'est ainsi que les clients étaient prévenus.
De plus, le programme PharmaNet permet à un patient de sélectionner un mot clé à remettre obligatoirement au prestateur de soins pour que son profil PharmaNet puisse être examiné. Ainsi, à défaut du mot clé, on ne peut pas le voir. Selon l'expérience que nous en avons, le mot clé a été utilisé par moins de deux pour cent de la population et, par ailleurs, ceux qui en utilisent le communiquent à leur pharmacien pour des raisons pratiques. La majorité des patients se rendant chez un médecin souhaiteraient s'informer à propos des médicaments qu'ils doivent prendre, en termes compréhensibles.
M. Derek Lee: Je voulais seulement comprendre la manière dont le gouvernement fédéral pourrait mieux collaborer avec les professionnels de la Saskatchewan en vue de mieux gérer le risque de détournement de médicaments de prescription. Il est inacceptable que le gouvernement fédéral ne le fasse pas. S'il n'est pas disposé à trouver une solution nationale, il ferait mieux d'établir des partenariats avec toutes les provinces alors qu'elles tentent de résoudre le problème. Et s'il ne le faisait pas, il faillirait à sa mission.
Peut-être que la réponse fédérale en l'occurrence ne faisait que masquer le fait que le gouvernement fédéral ne possède pas de renseignements à partager, qu'il ne sait pas le faire et n'a pas le budget pour chercher à le savoir. Peut-être sert sert-il de la Loi sur la protection des renseignements personnels comme d'un prétexte lorsque la vraie raison est que, de toute façon, il n'a pas la moindre idée sur la façon dont il pourrait le faire étant donné qu'il ne dispose pas de base de données, de renseignements ou de moyens de partager l'information.
Dr Dennis Kendel: J'aimerais expliquer ce que je crois être, en l'occurrence, un conflit de compétences. Il est intéressant de noter qu'il existe deux modèles de prestation des services de santé aux membres des Premières nations. Le premier est de s'assurer de la disponibilité des services de médecins. Par exemple, les membres des Premières nations rendent visite au médecin et se prévalent de services équivalents à ceux reçus par tout le monde. Ces services sont payés par les organismes gouvernementaux provinciaux et ensuite il existe un arrangement entre les gouvernements fédéral et provincial en vertu duquel les fonds sont transférés; je ne sais pas comment cela fonctionne, mais c'est en fonction d'une formule que cela se fait, et c'est efficace.
Il est intéressant de noter que, pour réaliser son objectif sociétal de s'assurer que les médecins n'arnaquent pas le système, puisque chaque province gère un programme d'évaluation rétroactive des pratiques de facturation des médecins et, le cas échéant, de recouvrement de fonds, ce système traite les Autochtones et non Autochtones sur un pied d'égalité. L'examen des profils révèle qu'il y a un mélange de gens, parce que tout le monde convient qu'un système uniforme de suivi s'impose, puisque le programme des services de santé non assurés, SSNA, est géré différemment du fait que c'est un programme exclusivement fédéral qui garantit aux Autochtones une gamme de médicaments plus fournie que celles des autres citoyens. Toutefois, l'élément intéressant est qu'au niveau de la pharmacie, toutes les prescriptions sont saisies à l'ordinateur. Toutes les pharmacies sont désormais informatisées.
S'il n'est pas possible d'obtenir la coopération du gouvernement fédéral, nous pourrions convaincre le gouvernement provincial qu'à un moment donné, l'information devrait être extraite du système informatique puisque le tout finit par passer par le système, mais dans certains cas, une partie est acheminée vers le SSNA pour acquitter ces réclamations. Tout est dans le même ordinateur, alors franchement, alors que ces réseaux informatiques sont mis sur pied, il se pourrait qu'à un certain moment nous nous trouvions obligés de dire, pour des motifs de protection sociétale, que nous adopterons les mêmes pratiques que pour l'examen des factures. Compte tenu du fait que le gouvernement provincial disposait des données dans son système, il était habilité à le mettre à la disposition des organismes qui veillent au respect de certaines normes. Peut-être que la même politique devra alors s'appliquer en Saskatchewan. En réalité, nous pensons que ce sera probablement la voie que nous adopterons.
Du fait que je pense que l'un des objectifs est d'avoir des normes uniformes à travers le pays, nous aurons quand même besoin de solutions adaptées à chacune des provinces, pas seulement à la Saskatchewan. D'une manière ou d'une autre, nous allons voir à ce que cela fonctionne en Saskatchewan, avec ou sans le gouvernement fédéral, mais il serait préférable d'avoir une stratégie qui s'applique uniformément à l'échelle nationale. Voilà ce que nous aimerions voir.
¹ (1550)
M. Derek Lee: Merci.
[Français]
La présidente: Madame Allard, vous n'avez pas de question?
[Traduction]
J'ai une ou deux questions.
Pour quoi prescrit-on la benzodiazépine?
Dr Brian Taylor: Il s'agit d'un médicament du groupe des anxiolytiques. On le prescrit parfois à titre de sédatif pour corriger les troubles du sommeil, mais en règle générale il est utilisé dans le traitement de l'anxiété sous toutes ses formes.
La présidente: D'après ce tableau, la population du Nouveau-Brunswick est très anxieuse, ou bien existe-t-il quelque autre...
Dr Brian Taylor: De ce côté-ci des Rocheuses, nous pensons que cela est attribuable au fait que ces gens vivent à proximité des centres du pouvoir.
La présidente: Vous avez un esprit très caustique.
Existe-t-il un autre médicament que les gens de la Colombie-Britannique, de l'Ontario et de partout ailleurs dans l'Ouest--je constate que nous nous trouvons du côté droit de cette limite--pourraient utiliser ou bien s'agit-il d'une catégorie de médicament, de sorte qu'il serait davantage prescrit dans l'Est pour ces troubles?
Dr Brian Taylor: Votre dernière hypothèse est la bonne. Il s'agit d'un large spectre de médicaments qui sont utilisés pour traiter l'anxiété et les troubles de même nature et pour corriger les troubles du sommeil. Les mêmes médicaments sont prescrits aux quatre coins du Canada. Ils sont utilisés dans les mêmes conditions et suivant les mêmes indications. Il se trouve qu'ils sont tout simplement moins consommés par personne dans notre province qu'au Nouveau-Brunswick pour une raison quelconque. Bien entendu, si nous étions le collège des médecins du Nouveau-Brunswick, nous nous pencherions sur la question.
La présidente: Est-il possible que cette situation s'explique également par les formulaires ou les programmes de remboursement provinciaux en général? Nous avons constaté, notamment au sujet de la Nouvelle-Écosse, par exemple, que le Dilaudid qui semble y être utilisé beaucoup plus fréquemment est un médicament générique. Par conséquent, il est moins cher que d'autres médicaments de rechange. Cela pourrait expliquer pourquoi on encourage son utilisation dans les hôpitaux, c'est-à-dire parce qu'il revient moins cher et qu'il est remboursé par le régime d'assurance-médicaments de la province, par comparaison à d'autres préparations qui sont peut-être moins addictives. D'un autre côté, selon d'autres témoins qui nous ont parlé d'un programme de maintien à la méthadone, ce médicament pose un problème. Est-ce qu'il y a quoi que ce soit dans l'Est du pays, je pense aux formulaires ou à quelque chose du genre, qui serait de nature à contribuer à créer cette dépendance? Même si nous ignorons en outre s'il s'agit bien de dépendance.
Dr Brian Taylor: En toute sincérité, pour répondre intelligemment à votre question, il faudrait que j'aie accès aux profils pharmaceutiques de cette province. Ce n'est malheureusement pas très facile pour nous. Je ne pense pas que ce soit très utile que nous nous perdions en conjectures.
La présidente: Très bien, mais peut-être le Dr Kendel peut-il répondre?
Dr Dennis Kendel: Oui, en effet, il y a peut-être place à la conjecture. Plusieurs études ont été effectuées dans notre province sur la benzodiazépine, et je pense que certains points communs se sont dégagés. Il est intéressant de noter que les femmes se font plus fréquemment prescrire de la benzodiazépine pour contrôler leur anxiété, tandis que les hommes optent pour la consommation d'alcool. Si vous examinez ces deux substances en parallèle, vous constatez que cette différence entre les sexes se retrouve dans toute la société occidentale.
La présidente: Et probablement que les femmes consultent plus souvent leur médecin que les hommes.
Dr Dennis Kendel: Oui, en effet.
La présidente: Elles le consultent au moins une fois par année, du moins je l'espère, pour obtenir leur ordonnance.
Dr Dennis Kendel: Les femmes ont plus facilement tendance à se confier à leur médecin si elles éprouvent des difficultés à contrôler le stress ou d'autres problèmes, tandis que les hommes, qui sont assez «machos», répugnent à dire ce genre de choses et vont plutôt aller s'acheter une bonne bouteille de scotch. Il s'agit là de deux mécanismes de défense différents.
À mon avis, il est important de reconnaître un aspect de la recherche effectuée dans les services de santé, il s'agit de l'analyse des variations régionales. Parfois, on constate que les traitements médicaux varient énormément d'une région à l'autre du pays. De plus en plus, nous aimerions que la médecine soit exercée en fonction des meilleurs résultats obtenus.
¹ (1555)
La présidente: Désolée de vous interrompre, mais est-ce que vous faites allusion au fait que soudainement on s'aperçoit qu'il se pratique beaucoup d'hystérectomies dans une région donnée?
Dr Dennis Kendel: Oui. Dans tous les domaines de la médecine, il arrive que le nombre d'interventions chirurgicales soit entre trois ou quatre fois plus ou moins élevé lorsque ces interventions sont normalisées selon l'âge et le sexe. Dans notre province, par exemple, Prince Albert est une collectivité qui consomme beaucoup de Dilaudid. Pour des raisons que nous ne pouvons expliquer, le Dilaudid est prescrit à la tonne à Prince Albert. Nous avons tenté de tenir des séances de formation afin de convaincre les médecins qu'il existe probablement un meilleur médicament que le Dilaudid dans bien des situations.
Ces habitudes de pratique sont souvent ancrées. Il arrive qu'elles soient influencées par les leaders d'opinion de la localité. Elles sont aussi influencées par l'âge des médecins, et l'information qu'ils avaient reçue au départ. À l'époque où bon nombre d'entre nous ont commencé à exercer, les gens consommaient des amphétamines ou diverses autres drogues qui ne sont plus aussi populaires aujourd'hui. On croyait que les benzodiazépines étaient des médicaments non addictifs. Aujourd'hui, nous savons que nous étions tristement dans l'erreur, mais beaucoup de médecins continuent à sous-estimer le potentiel de dépendance des benzodiazépines.
La présidente: Monsieur Hickey, docteur Taylor, puis je vais demander à Mme Conway de nous faire ses commentaires sur la situation qui prévaut en Nouvelle-Écosse.
M. Peter Hickey: Je pense que vous savez comme nous l'avons déjà mentionné que l'on consomme moins de benzodiazépine en Colombie-Britannique. Dans la plupart des autres administrations, rappelez-vous que les programmes de médicaments ne retiennent pas les benzodiazépines. En Colombie-Britannique, oui. Donc, c'est certainement un aspect à considérer lorsque l'on étudie ces chiffres.
La présidente: Docteur Taylor.
Dr Brian Taylor: Je pense qu'il est intéressant de constater que votre graphique indique par une ligne droite la consommation dans chaque province et pour le Canada en entier. La disparité entre les provinces est difficile à expliquer et je pense qu'il faudrait jeter un coup d'oeil aux profils pharmaceutiques.
J'aimerais dire à mon collègue que, traditionnellement, à Prince Albert on traite davantage la dépression que l'anxiété.
La présidente: Nous devons trouver exactement dans quelle ville vous vivez pour pouvoir vous donner un petit coup de pouce de temps en temps.
Madame Conway.
Mme Coleen Conway: Je ne peux malheureusement pas expliquer pourquoi on consomme davantage de Dilaudid que dans le reste du pays, mais je sais qu'il existe des poches de régions problématiques dans la province en rapport avec la consommation de ce médicament. Par exemple, la région de New Glasgow-Pictou a le plus gros problème avec la consommation de Dilaudid par rapport au reste de la province, mais j'ignore pourquoi.
La présidente: Ce matin, on nous a expliqué que l'on ne disposait pas des mêmes réseaux d'information qu'en Colombie-Britannique et en Saskatchewan et que les pharmaciens et les médecins devaient établir leur propre chaîne téléphonique dans les petites localités afin de se prévenir les uns les autres contre les personnes qui essaient de frauder le système ou qui ont mis la main sur un calepin d'ordonnance perdu ou volé ou encore qui semblent abuser des drogues. Je vous dis ceci parce que si vous avez des préoccupations au sujet de l'accès à l'information ou de la protection de la vie privée, mon Dieu, ce procédé ne comporte aucun moyen de contrôler les échanges de ce type de renseignements et qui est le destinataire de l'appel. Tout le contraire d'un système dans lequel vous entrez avec un mot de passe et où vous pouvez consulter le profil d'un patient, et qui comporte des mécanismes régulateurs. Cette façon de faire a suscité des inquiétudes chez les membres du Comité.
On nous a également raconté qu'anciennement, des responsables de Santé Canada visitaient les pharmacies pour y effectuer des inspections des ordonnances afin de déceler les fraudes éventuelles. Je pense que l'on pourrait faire ce genre de vérifications beaucoup plus facilement aujourd'hui à l'aide d'ordinateurs en ligne, mais on les a abandonnées. Elles avaient toutefois leur utilité parce que les pharmaciens s'inquiétaient des habitudes adoptées par certains médecins, mais qu'ils ne voulaient pas nuire à la relation qu'ils doivent maintenir avec ces derniers en appelant quelqu'un pour lui demander de faire enquête. Ils répugnaient en effet à dénoncer un médecin qui semblait éprouver certains problèmes avec la benzodiazépine ou le Dilaudid ou autre chose. Pensez-vous qu'il serait utile de demander à Santé Canada de faire des inspections?
Dr Brian Taylor: Je suppose que oui, mais la vraie solution, selon moi, consisterait à mettre sur pied un programme semblable à PharmaNet dans chaque province. À l'heure actuelle, lorsqu'il veut exécuter une ordonnance, le pharmacien est obligé d'examiner le profil pharmaceutique. Donc, il peut voir si son patient a obtenu 100 comprimés de Dilaudid la veille, et refuser de lui en donner d'autres. De même, comme nous l'avons déjà mentionné, nous avions un projet pilote visant à installer la base de données de PharmaNet dans tous les bureaux de médecin dans notre province. Deux cents médecins ont participé à l'enquête et ce fut très utile. Le seul obstacle à ce que chaque médecin puisse disposer de ce système est le coût. Il y a effectivement des coûts rattachés à l'achat de logiciels, et ainsi de suite.
Mais il serait extrêmement utile, avant de prescrire un médicament dangereux à un patient, de consulter ce qu'il a pris récemment afin de se faire une idée exacte de sa consommation d'opiacés. Cela permettrait non seulement de régler le problème du détournement de médicaments, mais aussi de donner des soins de qualité. Il est très important de savoir si cette personne âgée par exemple qui est probablement dépendante des benzodiazépines obtient des doses de plus en plus fortes et de prendre les mesures qui s'imposent.
º (1600)
La présidente: Est-ce que cela vous permettrait par la même occasion d'obtenir d'autres renseignements? Vous avez mentionné que la benzodiazépine n'était pas considérée comme un médicament addictif dans le passé. Si nous pouvions obtenir le genre de suivi qui, de toute évidence, existe avec ce système que vous avez mis en place en Colombie-Britannique, nous pourrions déceler des habitudes de consommation d'un éventail de drogues et aussi vérifier ce qui se passe au niveau des interactions médicamenteuses.
Dr Brian Taylor: Premièrement, je pense qu'il est important de surveiller continuellement la consommation de médicaments par les personnes qui prennent un groupe de médicaments de façon chronique. Mais, il est aussi important de comprendre l'effet du médicament d'ordonnance sur les autres médicaments qui sont absorbés. PharmaNet est doté en outre d'un volet sur les interactions médicamenteuses qui permet de mettre le pharmacien en garde contre les éventuelles interactions avant d'exécuter l'ordonnance.
La présidente: Docteur Kendel.
Dr Dennis Kendel: Je voulais simplement faire observer que même si le programme administré auparavant par le gouvernement fédéral, c'est-à-dire celui des inspections dans les pharmacies, avait son utilité, il reste qu'avec un programme de TI complet, il suffirait d'appuyer sur une touche pour obtenir les données de toutes les pharmacies et procéder à une analyse sans qu'il soit nécessaire de mettre des gens sur la route pour faire ce travail.
Même si cela n'a rien à voir avec la question de la consommation inappropriée ou du détournement de médicaments, je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de parler à nos collègues québécois, mais le Collège des médecins du Québec a mis en place un programme très efficace qui permet de consulter des données qui révèlent que les personnes âgées qui consomment des benzodiazépines ont plus de fractures de la hanche en raison de l'instabilité que ce médicament entraîne. Le Collège a institué un programme de surveillance au moyen duquel on pouvait entrer en contact avec les médecins qui prescrivaient des benzodiazépines à des personnes âgées afin de les éduquer dans un premier temps, et si cela se révélait inutile, de passer à une étape plus ciblée. Si je me souviens bien, au cours de la première année de fonctionnement, on a enregistré 175 fractures de la hanche de moins chez les personnes âgées au Québec que les années précédentes. Mis à part le fait que l'on évite de la souffrance, les économies ont été énormes.
Cet exemple illustre à quel point le fait d'avoir accès à des données exactes permet d'intervenir efficacement pour changer des choses. Notre gouvernement provincial a subventionné un programme de formation continue en pharmacothérapie dans le cadre duquel les pharmaciens tiennent des séances de formation avec les médecins dans le but de contrer dans une certaine mesure l'influence exercée par l'industrie pharmaceutique et de les aider à comprendre quelles sont les meilleures preuves à retenir dans le cadre de leurs pratiques de prescription. Ce programme a commencé à donner des résultats positifs. Des programmes de ce genre peuvent également jouer un rôle important.
La présidente: D'accord.
Nous avons entendu un toxicomane, il s'agit donc d'un témoignage anecdotal--malheureusement, il porte sur le programme des SSNA--et sur les médecins qui prescrivent 90 comprimés de Percocet, 90 de Dilaudid et 90 comprimés d'un autre produit, avec possibilité de renouvellement. Donc, ce toxicomane nous explique qu'il n'a qu'à se présenter dans une clinique sans rendez-vous un samedi soir--pourquoi auriez-vous besoin d'une telle quantité de médicaments pour tenir le coup jusqu'au lundi--pour recevoir non seulement les 270 comprimés, mais aussi, dans un très bref délai, les renouvellements, parce que personne ne s'est vraiment préoccupé du fait qu'il s'agissait d'une ordonnance pour trente jours. Et aussi parce qu'il s'agissait d'un client des SSNA, le pharmacien s'est montré tout disposé à remettre toute cette quantité de médicaments. Est-ce que cette situation a vraiment pu se produire? Naturellement, ce récit nous a profondément troublés. De toute évidence, cette personne a revendu au moins la moitié de ses pilules, et ce n'est certainement pas une utilisation acceptable de son argent ou des services de santé.
º (1605)
Mme Coleen Conway: Je ne peux pas expliquer pourquoi le pharmacien aurait fait une telle chose, si l'ordonnance avait été faite régulièrement. Nous suggérons aux prescripteurs d'utiliser des ordonnances fractionnées lorsqu'ils prescrivent de grandes quantités de narcotiques et de médicaments contrôlés afin de limiter la quantité de médicaments en possession du patient à l'intérieur d'un certain laps de temps. Nous recommandons également aux pharmaciens de la province lorsqu'un médecin a prescrit une grande quantité de médicaments en une seule fois de fractionner l'ordonnance afin de ne pas remettre une grande quantité de médicaments. Mais je ne peux pas parler au nom des pharmaciens.
La présidente: Même dans ce cas--et ma remarque s'adresse à chacun d'entre vous--si une personne se présente dans une clinique sans rendez-vous un samedi soir, peut-être qu'elle ressent une douleur très vive. Nous ne voulons certainement pas tomber dans la narcophobie, c'est un nouveau mot que j'ai appris aujourd'hui, mais nous voulons que cette personne tienne le coup jusqu'au lundi et qu'elle s'adresse alors à son médecin de famille. Quelle est la façon de procéder dans ce genre de clinique si une personne se présente un samedi soir afin d'obtenir plus de médicaments que ce qui est nécessaire pour tenir le coup durant la fin de semaine jusqu'à ce qu'elle puisse s'adresser à son médecin habituel? Dans vos provinces respectives, existe-t-il des règles pour dire que ce n'est pas approprié?
M. Peter Hickey: Les ordonnances de narcotiques ne sont pas renouvelables, donc probablement qu'il s'agit d'un cas où, comme l'a expliqué Coleen, un médecin vous dit, très bien je vous prescris 1 000 comprimés qui vous seront remis à raison de 250 à la fois, ou quelque chose du genre.
La présidente: Peut-être que le patient en a obtenu 30 de chacun tout de suite.
M. Peter Hickey: C'est possible.
En Colombie-Britannique, nous publions un bulletin d'information dans lequel nous donnons des conseils aux médecins et les mettons en garde contre certaines situations, et particulièrement sur ce qui se passe dans les cliniques sans rendez-vous. Nous les mettons en garde notamment contre les personnes en voyage qui souffrent d'un mal de dos et qui réclament un médicament par son nom. Ce n'est pas tout un chacun qui peut entrer dans le bureau d'un médecin et demander un produit comme le Dilaudid. Il me semble que cela devrait sonner l'alerte. Les personnes qui se présentent un vendredi soir sont également suspectes, habituellement parce qu'elles le font en toute connaissance de cause. Par exemple, si je me trouve en Colombie-Britannique et que je suis originaire de la Saskatchewan--il est 17 heures 30 ou encore je suis dans une clinique sans rendez-vous un samedi--et mon médecin en Saskatchewan me prescrit régulièrement du Dilaudid, mais il se trouve que j'en manque, cela devrait semer le doute, parce le médecin de garde sait très bien qu'il ne peut vérifier si c'est vrai.
Donc, nous prévenons régulièrement les médecins de se méfier de certaines choses dans notre bulletin d'information--nous leur donnons des exemples, nous leur décrivons les situations douteuses. Nous parlons des ordonnances perdues ou volées. Très peu de personnes se plaignent d'avoir perdu leur ordonnance d'antibiotique ou de se l'être fait voler. Mais, il en va autrement des narcotiques. Donc, c'est une situation dont il faut tenir compte. Par ailleurs, dans notre système, les ordonnances pour de grandes quantités devraient aussi sonner l'alarme. Il n'est pas courant de remettre à quiconque 100 comprimés de Dilaudid. À Vancouver, les Dilaudid 8 milligrammes ont une valeur de revente de 75 $ le comprimé. C'est une jolie somme.
Il faut faire attention à ce genre de choses. Ces médicaments ont une excellente valeur marchande. Comme Dennis l'a mentionné, des médicaments comme les benzodiazépines, au sujet desquels les gens ont à mon avis une attitude très nonchalante parfois, ont une valeur marchande. Nous sommes en face d'un problème de toxicomanie. C'est pourquoi, dans le cadre de notre programme nous les avons mis dans notre système et nous exerçons une surveillance sur ces médicaments. C'est important.
Dr Dennis Kendel: L'une des raisons pour lesquelles nous devons passer à des systèmes de TI perfectionnés est qu'un médecin ne peut s'adresser qu'au Collège des médecins et chirurgiens pour consulter la base de données durant les heures de bureau la semaine. Les toxicomanes se rendent très vite compte de la situation, aussi ils essaient d'obtenir les médicaments en dehors des heures normales, durant les fins de semaine par exemple. Et bien entendu, si nous disposions d'un système en temps réel qui permettrait au médecin de consulter lui-même l'information, nous pourrions éviter ce problème.
Selon l'information que vous nous avez donnée, il faut toujours mettre les choses dans leur contexte, ou alors il y a peut-être une autre version à cette histoire, mais je suis frappé de voir à quel point il y a eu dans ce cas un manque de jugement professionnel. Nous mentionnons souvent aux médecins que si nous voulions que les gens obtiennent tout ce qu'ils veulent, nous mettrions les médicaments dans des distributrices, comme le Coke et le 7-Up. Les médecins doivent faire preuve de jugement professionnel; on ne peut pas donner aux patients tout ce qu'ils demandent, et leur remettre 90 comprimés de n'importe quoi. Comme l'a dit Peter, lorsque les patients disent que rien d'autre ne fait effet, le médecin suggère d'autres produits, et les patients répondent qu'ils ont tout essayé, et que seul ce médicament leur donne satisfaction. Voilà une réponse qui devrait alerter le médecin.
Occasionnellement, nous rencontrons des médecins, comme je l'ai mentionné, qui sont dans la catégorie des exploiteurs du système. Il y avait en Saskatchewan un médecin qui faisait des visites à domicile non sollicitées et qui demandait, après avoir frappé à la porte, si on n'avait pas besoin d'un médicament quelconque. Cet homme n'exerce plus la médecine nulle part dans le monde industrialisé, parce qu'on lui a retiré sa licence. Il a pu mener son petit trafic durant un certain temps, jusqu'à ce que l'on s'en aperçoive et que l'on prenne des mesures disciplinaires. Il y aura toujours des sociopathes qui réussiront à faire des études de médecine et qui devront être rayés des cadres. C'est un rôle important qui est dévolu aux ordres professionnels. Ce n'est pas de gaîté de coeur, mais il s'agit d'une importante fonction liée à la protection du public.
º (1610)
La présidente: Est-ce que ce médecin était toxicomane? La personne qui nous a raconté l'épisode qui s'est déroulé en Nouvelle-Écosse nous a confié que le médecin était toxicomane et que l'on s'inquiétait du fait qu'il se trouvait dans un centre de désintoxication. J'ai dit, oh mon Dieu, il se trouvait dans le centre et il rédigeait des ordonnances? Elle a dit non, il se trouvait dans le lit à côté du mien. Il est clair qu'il se déroulait un petit manège, mais nous avons été scandalisés de constater que la pharmacie ignorait que cette personne savait qu'il se passait des choses pas très catholiques. Dieu merci, ils se trouvaient dans un centre de réadaptation. Il est à espérer qu'ils soignent leur toxicomanie, mais comme vous l'avez dit, il y a évidemment des sociopathes dans le système et des failles.
Que pouvons-nous faire comme société pour améliorer la sensibilisation? Il me semble que vous faites de l'excellent travail en Saskatchewan et en Colombie-Britannique. Voyez-vous d'autres choses que nous devrions inclure dans la stratégie canadienne antidrogues, du point de vue des ordres professionnels et des responsables des services de santé à l'échelle des provinces?
M. Peter Hickey: J'aimerais faire un autre commentaire, parce que je pense que c'est extrêmement important. Nous avons passé beaucoup de temps à travailler sur le programme de maintien à la méthadone, et je supplie le Comité d'examiner de plus près la question de la buphenorphine. À mon avis, il est extrêmement important que l'on exige une autorisation spéciale pour exécuter une ordonnance de buphenorphine. Ce médicament peut causer beaucoup de problèmes. Je pense que ce serait une honte que le gouvernement fédéral ne prenne pas ses responsabilités à cet égard. J'ignore s'il s'agit d'un manque de ressources ou quel est le problème, mais à mon avis c'est d'une importance extrême. Les médecins ne doivent tout simplement pas commencer à prescrire ce médicament. Ils doivent d'abord suivre la formation que nous leur donnons et qui est requise dans ce domaine particulier de la médecine. Je vais m'arrêter ici.
Dr Brian Taylor: J'aimerais vous dire encore une fois que l'on doit se pencher sur le problème de la rédaction d'ordonnances par Internet. À mon avis, nous avons besoin d'une loi à l'échelle du Canada, afin d'empêcher l'abus en ce qui touche les privilèges de prescription à cet égard.
La présidente: Docteur Kendel.
Dr Dennis Kendel: Comme vous le savez, le gouvernement fédéral a mis en place l'Inforoute Santé du Canada qui établit la liaison entre de nombreuses initiatives dans les provinces en vue de construire des systèmes de TI à l'appui des services de santé. J'ignore à quel moment ce système deviendra une réalité, mais il est déjà en place dans certains petits centres en Amérique du Nord, et l'on retrouve intégrés dans ces systèmes des modèles de soins cliniques et des lignes directrices. En toute sincérité, nous pensons que l'on pourrait améliorer la rédaction des ordonnances si ces systèmes pouvaient comporter des rappels à l'intention des médecins. Par exemple, on pourrait dire qu'en présence de tel ou tel trouble, le traitement optimal pourrait être ceci ou cela. Ainsi, on pourrait réduire l'énorme variation qui existe entre les régions de tout le pays.
Mon dernier commentaire concerne la poussée en faveur de la réforme des soins primaires à l'échelle du pays, nous anticipons qu'à la suite de cette réforme, il y aura un mouvement en faveur d'une approche plus axée sur le travail d'équipe dans le domaine des soins primaires. Je suis convaincu que l'on améliorera les pratiques en matière de rédaction d'ordonnances en intégrant de façon plus délibérée les pharmaciens à l'équipe de soins primaires de manière à ce que ces derniers obtiennent davantage qu'un simple intitulé de médicament sans aucune information concernant la maladie du patient. À mon avis, il s'agit d'un développement prometteur lui aussi.
La présidente: Dans ce contexte, j'aimerais que davantage de gens posent des questions à leur pharmacien afin d'obtenir des conseils et de discuter avec lui, surtout en ce qui concerne les médicaments en vente libre. Il arrive souvent que les gens ne réalisent pas les conséquences de la prise de ces médicaments et qu'ils risquent d'avoir des interactions avec les médicaments d'ordonnance. Si seulement ils demandaient à leur pharmacien, ils pourraient obtenir toute l'information dont ils ont besoin.
º (1615)
Dr Dennis Kendel: Parfois il est difficile d'obtenir des médecins qu'ils reconnaissent que certains professionnels sont mieux informés qu'eux. Les pharmaciens consacrent toute leur carrière professionnelle à la connaissance de l'utilisation appopriée des produits pharmaceutiques, et ce serait beaucoup plus logique de les intégrer à l'équipe comme des membres à part entière.
La présidente: Madame Conway.
Mme Coleen Conway: Je ne sais pas comment le gouvernement fédéral pourrait nous venir en aide avec nos solutions de TI, mais je pense que l'on pourrait régler beaucoup de problèmes si les professionnels avaient accès aux profils de leurs patients et aux autres bases de données afin de prendre des décisions éclairées. Pour le moment, en Nouvelle-Écosse, nous ne disposons pas de ces outils. Même si nous savons que le Dilaudid est prescrit massivement, nous n'avons accès à aucune autre base de données nous permettant de comprendre ce qui se passe. À mon avis, il faut pouvoir consulter ces bases de données. Je pense que nous avons besoin des solutions de TI pour le faire.
La présidente: Merci.
Monsieur Lee.
M. Derek Lee: J'aimerais renchérir sur ce que vient de dire Mme Conway et revenir sur le tableau sur les benzodiazépines. Je ne sais pas si le graphique en question figure dans le compte rendu de nos audiences d'aujourd'hui, mais ce graphique montre que la consommation de benzodiazépine en comprimés au Nouveau-Brunswick figure en tête de liste, et qu'elle est du double de celle de l'Ontario et bien au-dessus de la consommation moyenne nationale. Cette situation soulève des questions. Nous ne pouvons que nous perdre en conjectures. Soit dit en passant, la Nouvelle-Écosse se classait bonne deuxième pour les quelques années passées. J'aimerais savoir si les procédures que vous utilisez, que vous administrez et avec lesquelles vous travaillez pour faire le suivi sur ces médicaments classent les ordonnances de benzodiazépines tout en haut des graphiques. Est-ce que cette question n'a jamais été portée à votre attention ou encore à celle des institutions pour lesquelles vous travaillez, simplement en raison du potentiel de détournement de médicaments? Bien entendu, nous savons tous que nous avons affaire ici à pratiquement toute la consommation médicale de médicaments. Ce sont des médicaments qui sont prescrits par des médecins, et le Comité se penche sur la consommation non médicale de drogues ou de médicaments, aussi nous nous intéressons à l'aspect détournement des médicaments dans tout ça.
Mme Coleen Conway: Comme je l'ai mentionné durant mon exposé, nous n'effectuons aucune surveillance des benzodiazépines, mais on nous a signalé qu'il y avait un problème et que nous devions corriger la situation. Actuellement, nous ne disposons d'aucune solution TI nous permettant d'intervenir.
M. Derek Lee: De quel genre de problème s'agit-il?
Mme Coleen Conway: Nous avons un système informatique très désuet.
M. Derek Lee: Non, vous avez dit que la benzodiazépine était un problème. De quel genre de problème voulez-vous parler? S'agit-il de surconsommation, de détournement de médicaments ou d'autre chose?
Mme Coleen Conway: Je n'en sais rien. Je ne peux que vous répéter que j'ai pas de réponse à cette question parce que nous n'avons aucun moyen de suivre ce qui se passe avec ce médicament et que nous ne pouvons pas consulter les autres bases de données afin d'essayer au moins de comprendre. Nous avons besoin de systèmes de TI pour venir à bout de ces problèmes.
M. Derek Lee: Merci.
La présidente: On vous a signalé qu'il y avait un problème sans doute parce que de toute évidence ce médicament est prescrit bien au-delà de la moyenne nationale chez vous.
Mme Coleen Conway: Évidemment, d'après les graphiques qui nous ont été présentés aujourd'hui, nous pouvons voir qu'il y a un problème.
La présidente: Cependant, il ne s'agit peut-être pas d'un problème si ces ordonnances correspondent à des utilisations appropriées de la benzodiazépine.
Mme Coleen Conway: Nous ignorons pourquoi. Peut-être que les habitants de la Nouvelle-Écosse ont un taux d'anxiété plus élevé que dans le reste du Canada parce qu'ils se sentent isolés du reste du pays.
La présidente: Il ne fait aucun doute que nous sommes séparés des gens de la Nouvelle-Écosse.
Mme Coleen Conway: Comme nous ne pouvons pas consulter d'autres bases de données, nous ne sommes pas en mesure de vous donner une réponse exacte.
Dr Dennis Kendel: Il est peu vraisemblable que les habitants d'une province donnée aient des besoins tout à fait différents de ceux des autres provinces, si vous prenez des échantillons de population suffisamment larges pour éliminer les facteurs sociologiques.
Les benzodiazépines sont utilisées dans le traitement d'une très vaste gamme de maladies, mais l'une de leurs mauvaises utilisations les plus courantes consiste à les prescrire à titre de somnifères réguliers. La documentation explique clairement que les patients ne doivent pas prendre de somnifères sur une base continue. Lorsque vous traversez une crise ou que vous vivez une situation difficile et que vous avez besoin de sommeil, il est raisonnable d'obtenir de l'aide pour quelques nuits. Mais la plupart du temps, lorsque l'on voit un modèle de consommation de ce type et qu'on l'analyse, on en arrive à la conclusion que bon nombre de ces ordonnances visent à offrir une réponse à des troubles du sommeil. Toutefois, la consommation d'un somnifère sur une base régulière n'est pas une pratique médicale recommandée, point final. Vous ne trouverez aucune documentation recommandant une telle pratique, et même elle comporte beaucoup de dangers. Si vous arrivez à déterminer l'existence d'une telle situation, vous devez vous attaquer à ces habitudes en donnant de la formation et, je vous le dis franchement, si la formation ne fonctionne pas, il faut prendre des mesures plus directives.
º (1620)
M. Derek Lee: Dois-je comprendre que c'est le système d'information de la Colombie-Britannique qui a permis de déterminer ce problème avec la benzodiazépine?
Dr Brian Taylor: J'ai obtenu ces données de IMS Canada. Bien entendu, la maison d'études a elle-même obtenu ses propres renseignements auprès des diverses pharmacies dans chaque province.
Devant un graphique de ce genre, il faut admettre que nous sommes en face d'un indicateur d'un problème éventuel. Pour trouver véritablement quel est le problème, il faut creuser davantage. Par exemple, si vous aviez trouvé que 70 p. 100 des patients qui consomment des benzodiazépines en Colombie-Britanniques ont plus de 60 ans, alors nous serions en face d'un sérieux problème social. Il faut faire une analyse en profondeur de la situation.
J'ai trouvé assez surprenant à la lecture de ce graphique que la ligne indiquant la consommation soit droite pour l'ensemble du Canada ainsi que pour chaque province. Il n'y a eu aucune variation dans la consommation, alors que l'on semble dire que les médecins de notre province prescrivent ce médicament de façon irresponsable, et en doses de plus en plus importantes, et pourtant ce graphique ne montre rien de tel.
M. Derek Lee: Merci de ce commentaire.
La présidente: Je suppose que si nous avions ce système en ligne, nous serions en mesure de faire un suivi afin de trouver qui sont ces gens âgés de 60 ans et plus. S'ils se trouvent tous dans des institutions et si le personnel leur administre un sédatif chaque nuit, nous ne pourrions que constater que nous avons un problème encore plus grave sur les bras. Si vous pouviez faire le suivi, vous arriveriez à trouver ce qui se passe réellement.
Dr Brian Taylor: Cette étude dépasserait les prérogatives du Collège des médecins. Ce serait une entreprise de grande envergure.
La présidente: Docteur Kendel--qui voulait signaler que les habitants de la Saskatchewan sont les gens les plus heureux de tout le graphique.
Dr Dennis Kendel: C'est vrai que nous sommes des gens très heureux. Avec les sauterelles, la sécheresse et tout le tralala, nous sommes heureux.
Je dois dire que je suis surpris--mais peut-être que cela s'est produit avant mon arrivée à cette réunion--que le mot Ritalin n'ait pas encore été prononcé. Le Ritalin fait en effet partie des médicaments sur lesquels nous exerçons une surveillance, et comme vous le savez peut-être, il est toujours au centre d'une controverse à savoir si les habitudes de prescription actuelles pour le traitement des déficiences de l'attention sont appropriées ou non ou encore si ce médicament fait l'objet d'une surutilisation. Pour parler franchement, un des scénarios les plus tragiques est celui où les parents emmènent leurs enfants chez le médecin pour obtenir un diagnostic de la maladie et qu'on leur prescrive le Ritalin, mais ces enfants ne reçoivent jamais le médicament. Leurs parents les utilisent pour obtenir le médicament et le revendre ensuite. Il s'agit là d'un problème de société très grave, parce que les enfants ne peuvent pas bénéficier d'un médicament qui pourrait leur venir en aide et, il est clair qu'ils ne servent que d'appât pour effectuer un détournement de médicaments.
La présidente: Quelqu'un a-t-il d'autres questions à poser?
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne): Dans un cas semblable, est-ce que ces parents sont signalés aux autorités?
Dr Dennis Kendel: Voilà une question très intéressante sur le plan juridique. Il faut en effet déterminer si nous pouvons, de notre propre chef, transmettre cette information à la GRC ou à tout autre service de police. La plupart des avocats vous diront que nous ne pouvons pas faire cela. La loi sur la protection de la vie privée nous l'interdit. Si la situation vient aux oreilles des services de police et si ces derniers obtiennent un mandat, nous pouvons mettre l'information à leur disposition. Les services de police ne peuvent généralement pas obtenir directement des renseignements sur ce genre de choses, à moins qu'ils ne fassent enquête sur un incident.
M. Kevin Sorenson: Même si vous avez de sérieuses raisons de soupçonner que des personnes tentent de frauder le système? Est-ce que vous les signalez à la GRC ou bien, est-ce un peu la même chose? Est-ce une question de respect de la confidentialité entre un médecin et son patient?
Dr Dennis Kendel: Nous disons à nos membres qu'ils n'ont rien à craindre et que nous ne prendrons pas de mesures disciplinaires contre eux s'ils sont convaincus qu'à titre de citoyens responsables ils doivent fournir des renseignements à la police dans le cadre d'une enquête sur une utilisation frauduleuse de médicaments. Nous ne prendrons pas de mesures disciplinaires, mais ils s'exposent à des poursuites au civil et à d'autres poursuites si des citoyens sentent que leur droit à la vie privée n'a pas été respecté. C'est un domaine très délicat.
M. Kevin Sorenson: Alors, pensez-vous avoir de fortes chances d'échouer?
Mme Coleen Conway: Tout à fait. Dans notre province, l'année dernière, nous avons eu le cas d'une personne qui a consulté 42 médecins dans un très court laps de temps. Nous savions qu'il s'agissait d'un cas évident d'abus et de détournement. Lorsque nous avons demandé à notre conseiller juridique si nous pouvions prévenir les autorités policières, il nous l'a déconseillé en raison des questions de protection de la vie privée. J'ignore si le gouvernement fédéral peut nous venir en aide à ce sujet, mais je sais qu'en Nouvelle-Écosse nous devons nous doter d'une loi nous permettant de nous adresser directement aux autorités lorsque nous sommes témoins d'une situation d'abus.
º (1625)
La présidente: À titre d'ordres professionnels des médecins et chirurgiens, vous nous avez parlé de ce que vous faites sur le plan de la prescription des médicaments. L'une des choses que nous avons remarquée en Colombie-Britannique particulièrement et dans le reste du pays de façon générale est qu'il y a un manque au chapitre des moyens de réadaptation. Je ne sais si vous êtes les mieux placés pour nous parler de cette question. En Saskatchewan, par exemple, nous avons été frappés par le fait qu'il n'y avait que 12 lits en établissements pour les jeunes--même s'il ne s'agit pas du seul endroit pour obtenir des services de réadaptation. Dans le sud de la Colombie-Britannique, il n'y a que six lits. Les habitants de la Saskatchewan croyaient qu'ils étaient mis à rude épreuve, et lorsque nous leur avons décrit la situation en Colombie-Britannique, ils ont réalisé qu'après tout, ils ne s'en sortaient pas si mal que ça. Mais, ces ressources sont nettement insuffisantes lorsque l'on doit travailler avec de jeunes toxicomanes. Et il semble que la population adulte est elle aussi mal desservie. Est-ce une question sur laquelle l'un d'entre vous pourrait intervenir ou nous faire des commentaires?
M. Peter Hickey: De toute évidence, cette question nous préoccupe. Mais, elle n'est pas dans nos attributions. Nous parlons régulièrement au gouvernement provincial à ce sujet par l'entremise du comité consultatif sur la dépendance aux opiacés. Nous en sommes très conscients. Mais il y a un énorme problème au niveau du financement. En Colombie-Britannique, il est clair que nous avons cruellement besoin de centres de traitement en établissement. C'est un problème qui traîne depuis plusieurs années maintenant et Dieu sait quand le financement additionnel sera accordé. En Colombie-Britannique, le coût du traitement à la méthadone est astronomique. Mais nous essayons de convaincre le gouvernement provincial que pour chaque dollar investi dans ce domaine il réalise des économies de 7 $ à 11 $ en soins de santé.
La présidente: Sans parler du système de justice.
M. Peter Hickey: Il reste que vous vous adressez à des politiciens et lorsque l'on commence à parler d'argent, particulièrement dans un contexte où le gouvernement tente de mettre ses finances en bon ordre, il est difficile d'obtenir du financement. Nous sommes très au fait de la situation, et en ce qui nous concerne, cette question se trouve en tête de liste de nos priorités.
Dr Dennis Kendel: Premièrement, j'aimerais souligner que nous comptons une très importante population autochtone. Maintenant que les conseils de bande et les conseils tribaux se voient de plus en plus confier la gestion de leurs propres services de santé, je trouve qu'en général les Autochtones se débrouillent très bien pour faire de la réadaptation une priorité très élevée, dans les réserves et dans les collectivités urbaines.
Le deuxième facteur positif à mon avis est que, même si beaucoup voient les désavantages de ce mouvement vers une gouvernance régionalisée qui prévoit confier la responsabilité d'une très large gamme de services de santé aux conseils régionaux, il reste que nous commençons à voir un décloisonnement des services de santé, services sociaux, du système de justice, etc. et que nous comprenons de mieux en mieux de nombreux déterminants de la santé. Comme Peter l'a fait remarquer auparavant, si vous investissiez dans les services de santé et que cela permettait de réaliser des économies au chapitre de la justice, vous n'en obteniez aucun crédit. Aujourd'hui, je pense que les gens voient la santé de façon plus globale et reconnaissent que si des investissements dans un domaine ont des répercussions positives dans un autre, cela justifie la dépense et il faudrait envisager la gamme complète des services sociaux, et non seulement les services de santé comme s'ils étaient cloisonnés. Je trouve par conséquent que les choses évoluent positivement.
La présidente: Docteur Taylor.
Dr Brian Taylor: Je voulais seulement ajouter, et les membres du Comité le comprennent certainement, que les programmes de désintoxication et de maintien à la méthadone ne sont qu'une partie des ressources à notre disposition. Il est clair qu'un toxicomane a besoin d'un ensemble de services de soins de santé, y compris de counselling. Actuellement, il n'existe aucun service subventionné en Colombie-Britannique. Il n'est pas réaliste de penser qu'une personne qui vole pour se procurer de la drogue va débourser de l'argent pour se payer des services de counselling. Si la société veut sérieusement s'attaquer à ce problème, je pense qu'il faudra débloquer des sommes plus importantes que celles dont nous disposons.
La présidente: Merci.
Madame Allard.
[Français]
Mme Carole-Marie Allard (Laval-Est, Lib.): Je crois que c'est le Dr Kendel qui a dit qu'il souhaitait avoir... J'ai cru comprendre tout à l'heure que vous avez dit souhaiter une meilleure intégration des pharmaciens dans le système actuel. Est-ce que je vous ai bien compris quand vous avez dit cela? Vous avez parlé d'une meilleure intégration des pharmaciens dans la supervision, peut-être, des prescriptions aux gens.
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[Traduction]
Dr Dennis Kendel: Oui, c'est ce que j'ai dit. Ce n'est pas correct lorsqu'on étudie la pratique pharmaceutique. Il y a deux mondes très différents, soit la pratique de la pharmacie dans les hôpitaux et la pratique de la pharmacie dans la collectivité. À l'hôpital, le pharmacien est plus intégré dans l'équipe. Dans le cas d'une maladie infectieuse, par exemple, une fois que la nature de l'infection est identifiée, souvent c'est le pharmacien, comme ressource principale, qui suggère quelle intervention antibiotique serait la plus appropriée. Alors, vraiment, il s'agit d'une approche en équipe. Du côté communautaire, avec le modèle traditionnel, le patient voit son médecin, lui fournit quelques renseignements, et le médecin rédige alors une prescription. Le même médicament pourrait être utilisé pour cinq raisons différentes. Le pharmacien n'a aucune idée pourquoi le médicament a été prescrit, à moins que le patient lui en informe, et le pharmacien est alors dans une mauvaise position pour donner des bons conseils concernant son utilisation.
Je crois, alors, que si vous pouviez essentiellement imiter le système hospitalier...et bien franchement, selon moi, les CLSC québécois constituent un bon exemple, jusqu'à un certain point, d'un modèle où il y a une meilleure intégration des services fournis par d'autres professionnels de la santé. Il est probable que ce modèle devienne la norme.
[Français]
Mme Carole-Marie Allard: Il y a trois collèges de médecins. Est-ce que chaque province a son collège de médecins? Est-ce que lorsque vous donnez une opinion comme celle-là, vous pouvez inclure le Collège des médecins du Québec? Est-ce que vous parlez chacun pour vos collèges ou si vous avez une structure qui pourrait être nationale, où vos idées sont partagées entre vous? Il y a trois provinces qui sont représentées ici aujourd'hui; quatre en fait, avec madame.
[Traduction]
Dr Dennis Kendel: Oui, il existe une fédération des autorités qui autorisent la pratique de la médecine au Canada, en conformité avec notre Constitution. La santé est de compétence provinciale. La réglementation de toutes les professions, incluant les médecins, est exclusivement provinciale. Il y a un réseau national par lequel nous partageons l'information.
Je crois qu'il est important de reconnaître que partout au pays, les associations de médecins et chirurgiens traitent ce problème de façon très variée. Je crois que le Collège au Québec est un excellent collège qui a de très bonnes ressources et un mandat très large. Étant donné que les associations vivent des frais acquittés par les médecins pour leur licences, si vous prenez la province de l'Île-du-Prince-Édouard, avec ses 170 médecins, il est assez difficile d'avoir une association efficace. De plus en plus, nous devons nous pencher sur des stratégies au niveau national, même si nous continuons à relever de la compétence provinciale. Il faut étudier des stratégies pour accomplir les choses de façon plus uniforme à travers le pays.
La présidente: Merci. Votre présentation a été très utile.
Merci à vous tous d'avoir voyagé à travers ces montagnes jusque dans l'est, où nous avons une belle journée ensoleillé. Nous avons eu beaucoup de beau temps cet été. Pour les gens de l'Est, merci beaucoup d'être venus au Centre, d'avoir préparé vos présentations et partagé vos idées avec nous. Ceci aura un impact important sur la façon que nous écrirons notre rapport. Si jamais vous avez d'autres renseignements qui, selon vous, pourraient nous être utiles au cours des deux prochaines semaines, il nous fera plaisir de les recevoir. Merci, au nom de tous les Canadiens, pour le travail que vous effectuez chaque jour dans vos collectivités et dans vos provinces. Votre apport fait une différence considérable et nous l'apprécions.
Chers collègues, nous allons suspendre nos travaux pour quelques instants.
[Note de la rédaction: La séance se poursuit à huis clos]