SNUD Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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SPECIAL COMMITTEE ON NON-MEDICAL USE OF DRUGS
COMITÉ SPÉCIAL SUR LA CONSOMMATION NON MÉDICALE DE DROGUES OU MÉDICAMENTS
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 25 octobre 2001
La présidente (Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.)): Je déclare la séance ouverte.
C'est avec beaucoup de plaisir que nous accueillons aujourd'hui M. Michel Perron, directeur général du Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies, et la Dre Colleen Anne Dell, du Réseau communautaire canadien d'épidémiologie des toxicomanies. Nous vous souhaitons la bienvenue en tant que tout premiers témoins non gouvernementaux que nous entendons à ce sujet. Nous savons que vous faites tous deux de l'excellent travail. Nous sommes donc vraiment impatients d'entendre ce que vous avez à nous dire.
M. Michel Perron (directeur général, Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies): Merci. Bonjour, et merci beaucoup de nous avoir invités.
Simplement pour vous donner une idée des questions que j'aborderai avec vous aujourd'hui, j'ai été prié de donner un aperçu d'une trentaine de minutes sur le Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies, que j'appellerai le Centre. Ma collègue, Colleen Dell, vous parlera, elle, du Réseau communautaire canadien d'épidémiologie des toxicomanies. Je me réserve deux minutes à la fin pour vous faire part de certaines réflexions en rapport avec votre mandat dans ce dossier.
• 1535
J'ai un document en PowerPoint, mais vous avez aussi dans
votre cahier d'information de la documentation dans les deux
langues. N'hésitez pas à vous servir du support qui vous convient
le mieux pour suivre mon exposé.
Je représente le Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies. Si vous lisez le document, le Centre a pour mission de regrouper à l'échelle nationale les efforts destinés à réduire les effets néfastes de l'alcoolisme et des toxicomanies sur la santé, la société et l'économie.
Le Centre a été créé en 1988 par une loi du Parlement du Canada. Nous avions à l'époque une stratégie nationale antidrogue datant de 1987. Le Centre a été établi comme organisme national non gouvernemental de lutte contre les toxicomanies afin de mettre l'accent sur les questions liées aux toxicomanies et de fournir le moyen de réunir des données crédibles, scientifiques et objectives sur les toxicomanies aux responsables des orientations politiques et aux décideurs.
À mesure que vous vous familiariserez avec toute cette question, vous constaterez qu'elle est riche en idéologies et en principes extrêmes et que beaucoup d'informations erronées et de désinformation circulent. Notre rôle consiste en grande partie à donner l'heure juste, à aller droit au coeur de la question et à proposer ce qui est probablement la meilleure voie à suivre. Nous ne sommes pas un groupe de revendication. Nous mettons en valeur ce que nous estimons être les données les plus probantes connues pour décider de la voie à suivre.
Je suis le directeur général du Centre. Je réponds à un conseil d'administration dont six membres sont nommés par le gouverneur en conseil et neuf, à titre indépendant. Il était prévu, lors de notre création, que nous aurions une pluralité d'administrateurs qui n'étaient pas nommés par le gouvernement. Le directeur général du Centre est également nommé par le gouverneur en conseil. Je relève du ministre de la Santé. Nous sommes donc une créature un peu étrange, en ce sens que nous ne sommes pas des fonctionnaires, que nous sommes indépendants du gouvernement, mais que c'est le gouvernement qui a créé le Centre.
Au début, soit en 1988, nous devions faciliter les rapports avec les provinces, avec les organismes sans but lucratif et avec l'entreprise privée. De plus, nous avions une subvention initiale de 2 millions de dollars par année, subvention qui a été réduite par la suite à environ 1,42 million de dollars et, en 1997, durant l'examen des programmes, à un demi-million.
Notre budget se maintient depuis lors à un demi-million de dollars. Toutefois, nous exécutons plusieurs projets qui permettent de nous tenir à flot. Le Centre emploie 20 professionnels environ—des experts des toxicomanies, des épidémiologistes, des statisticiens et des spécialistes de la recherche sur les politiques—, et le gros de notre travail nous vient actuellement de marchés adjugés par le gouvernement. Nous travaillons pour le compte du gouvernement fédéral de même que pour le compte des gouvernements provinciaux.
Il faudrait préciser que les arrangements contractuels que nous avons en place actuellement, bien qu'ils nous aient permis de survivre depuis les compressions résultant de l'examen des programmes, étaient essentiellement une mesure provisoire et une solution à brève échéance au problème. Nous espérons pouvoir établir un financement de base plus solide étant donné les ressources et le mandat confiés au Centre. Il faudrait aussi prendre note que j'ai inclus dans votre documentation copie de la loi. Je crois que c'est ce qui nous distingue des autres ONG au Canada, le fait qu'il y ait réellement une loi du Parlement définissant notre rôle, notre mandat et nos responsabilités.
Les partenaires avec lesquels nous travaillons sont très variés. Assurément, nous travaillons beaucoup au sein du gouvernement fédéral avec Santé Canada et, vous l'aurez sûrement remarqué, avec plusieurs intervenants de Santé Canada—la division SCA, le bureau VIH/SIDA, les Premières nations, la politique antidrogue, la réglementation des drogues—une foule de partenaires de Santé Canada avec lesquels nous essayons de travailler.
Nous travaillons aussi de concert avec le ministère du Solliciteur Général—le ministère comme tel—la GRC, le Service correctionnel du Canada, le ministère des Affaires étrangères et le ministère de la Justice. Nous collaborons beaucoup avec les organismes centraux et, au cours des derniers mois, étant donné l'engagement pris par le gouvernement libéral de créer une nouvelle stratégie nationale antidrogue, nous estimons pertinent d'exprimer nos opinions sur ce dont devrait avoir l'air cette nouvelle stratégie et sur la meilleure façon d'utiliser l'investissement de $420 millions qui a été promis dans le livre rouge.
Nous faisons également beaucoup de travaux de concert avec les gouvernements provinciaux et municipaux, avec les ONG canadiennes—il y en a environ 2 000 au Canada qui oeuvrent dans le domaine des toxicomanies—, avec l'entreprise privée, avec le gouvernement des États-Unis et d'autres pays ainsi qu'avec des organismes et ONG internationaux.
• 1540
Nous avons cinq grands secteurs d'activité. Je vais les passer
en revue avec vous plutôt rapidement pour vous donner une idée du
genre de travail que nous faisons. Pour ce qui est de la
formulation de politiques, nous avons... Je crois qu'une des forces
du Centre, c'est qu'il est destiné à servir d'intermédiaire, à
regrouper divers intérêts, des groupes pluridisciplinaires et
multisectoriels en vue de trouver une solution commune à des
problèmes communs.
Le Groupe de travail sur les politiques nationales élabore, sous notre présidence, les politiques qui sont en fin de compte adoptées par le conseil d'administration du Centre. Ce groupe réunit des représentants des gouvernements fédéral et provinciaux ainsi que des administrations municipales, des chercheurs du milieu universitaire et d'ailleurs et des responsables des orientations. Il s'attaque à des questions plutôt délicates, à des questions qu'un ministère fédéral ou un gouvernement provincial ne voudrait peut-être pas attaquer tout seul. Cette tribune fournit un moyen d'exprimer ses opinions et de faire des suggestions quant à la meilleure façon de régler une question particulière, par exemple celle du cannabis.
En 1998, le Groupe de travail sur les politiques nationales a élaboré la politique du Centre relative à la possession de cannabis, ce que nous pourrions vouloir en faire et comment nous pourrions régler cette question.
Le Centre assure aussi un suivi et produit des documents d'orientation, à nouveau non pas en tant que groupe de revendication—nous ne préconisons pas la décriminalisation, la légalisation, la réduction des effets—, mais plutôt en examinant la question et en essayant d'aller au-delà de la rhétorique, d'aller au coeur de la question et de chercher une solution en fonction de ce que nous savons. Nous assurons aussi un suivi constant de la recherche.
Un de nos principaux secteurs d'activité est le développement de l'information sur les drogues, un peu comme—vous avez peut-être entendu l'expression déjà à l'étranger—des «antennes». Le Centre réunit beaucoup de données provenant de diverses sources, il les collige, les analyse et tente d'en extraire le sens.
Le profil canadien est un compendium de toutes les données statistiques liées à l'alcoolisme et aux toxicomanies au Canada. Il était produit tous les deux ans par notre Centre et par le Centre de toxicomanie et de santé mentale, notre partenaire ontarien. Il s'agit d'un document plutôt volumineux, mais d'une valeur inestimable pour les chercheurs qui souhaitent se renseigner sur l'évolution des dossiers relatifs aux toxicomanies. Malheureusement, nous avons été incapables d'en produire un autre en raison, d'une part, des restrictions budgétaires et, d'autre part, du manque de nouvelles données à signaler.
Vous avez déjà entendu dire que nous n'avons pas fait d'étude descriptive au Canada depuis 1996. Manifestement, cela limite considérablement notre capacité de présenter des rapports sur les nouvelles tendances en matière de toxicomanie et de les commenter.
Le Symposium de Banff et l'Étude canadienne des coûts sont deux questions liées. Vous aurez aussi entendu dire que le coût des toxicomanies et de l'alcoolisme au Canada s'élève à 18,4 milliards de dollars. En fait, ce sont des travaux effectués par le Centre qui ont abouti à ce montant, car le Centre a réuni plusieurs économistes du monde entier pour tenter de trouver un moyen commun d'évaluer le coût des toxicomanies et de l'alcoolisme pour la société.
Nous nous sommes assis à la même table et nous avons élaboré une méthodologie commune qui est maintenant utilisée partout dans le monde—aux États-Unis, en Colombie, au Chili et en Europe. C'est ainsi que nous en sommes arrivés à ce montant de 18,4 milliards de dollars. Vous remarquerez, dans cette évaluation, que le tabagisme est celui qui coûte le plus cher, que l'alcoolisme est deuxième et que la consommation de drogues illicites, dont le coût s'élève à 1,4 milliard de dollars, est en troisième place, loin derrière les deux autres.
Cela étant dit, quand nous quantifiions le coût des toxicomanies et de l'alcoolisme au Canada, le coût des drogues illicites ne permettait pas de tenir compte de la dimension criminelle; il a donc fallu l'évaluer à zéro. Nous avons depuis lors entrepris de la recherche dont les résultats seront publiés très bientôt et dans le cadre de laquelle nous tentons d'attribuer une fraction à différents genres de crimes et à leur lien avec les drogues, fraction qui se défendrait sur un plan scientifique.
En d'autres mots, si nous savons qu'il y a eu 40 000 entrées par effraction au Canada, nous pourrions raisonnablement attribuer un nombre X de ces entrées aux drogues et connaître le genre de drogues et le genre d'activités reliées aux drogues. Cela nous serait certes utile dans le cadre d'une nouvelle étude des coûts qui nous indiquerait comment ils se répartissent.
Le simple fait de connaître le coût, toutefois, ne règle pas tout. Ce n'est qu'une dimension de la question. Il faut ensuite se demander où il est possible d'éviter ces coûts et la meilleure façon de cibler nos programmes sur le plan stratégique et le plan de la pertinence en vue de réduire les coûts et de les mesurer dans le temps. Les fractions d'attribution sont dans le document que j'ai mentionné au sujet des drogues et de la criminalité.
Nous avons aussi effectué pas mal de recherche sur l'usage de drogues injectables, une analyse comparative des politiques européennes et canadiennes en la matière. Il s'agit bien sûr d'une autre question qui préoccupe tout particulièrement de nombreuses personnes ici. Mme Davies, députée de Vancouver, s'y intéresse particulièrement, j'en suis sûr, consciente de ce qui se passe dans la partie est du centre-ville là-bas ainsi qu'ailleurs au pays.
Le Centre a également entrepris des recherches sur le jeu pathologique, particulièrement sur son lien avec l'alcoolisme et la toxicomanie—où les deux se recoupent-ils et comment en fait sont-ils liés? Des gouvernements provinciaux consacrent beaucoup d'argent à ce domaine, et nous avons décidé d'étudier la problématique. Le Symposium de Whistler est un moyen grâce auquel nous essayons de quantifier les coûts et les avantages du jeu en utilisant ce que nous savons au sujet des toxicomanies.
• 1545
Il faudrait aussi vous dire que mon exposé est loin d'être
complet. S'il l'était, je suis sûr qu'il irait bien au-delà du
temps qui m'est alloué et de l'intérêt que la plupart marque à
cette question. Néanmoins, il vous donne une idée de ce que nous
avons fait jusqu'ici.
Nous avons aussi beaucoup travaillé dans le domaine de l'élaboration des meilleures pratiques, et je sais que cette expression a fait l'objet de beaucoup de critiques. Certains affirment qu'il vaudrait mieux parler des meilleures approximations ou des meilleurs efforts. En fin de compte, il s'agit d'examiner les nombreux moyens qui ont été mis en place pour trouver les meilleurs—soit les programmes, définir les facteurs qui en font de bons programmes et par conséquent identifier les ingrédients types d'une meilleure pratique.
Nous l'avons fait en rapport avec les programmes de prévention chez les jeunes, dans un document que nous avons rédigé à contrat pour Santé Canada. Dans le cadre de cet exercice, nous avons répertorié 40 programmes de prévention chez les jeunes. Parmi ces 40 programmes, un était canadien et les 39 autres étaient étrangers—aux États-Unis et ailleurs. Cela montre bien qu'il y a beaucoup de désinvestissement dans le domaine des toxicomanies depuis 1997, soit depuis la fin de la stratégie nationale antidrogue.
Nous faisons aussi beaucoup pour trouver un ensemble de meilleures pratiques en matière de syndrome d'alcoolisme foetal. Nous réfléchissons à la formation qui devrait être prodiguée aux praticiens et aux premiers professionnels que rencontrent les futures mères. Nous nous penchons aussi sur les désordres concourants, qui caractérisent les personnes souffrant à la fois de problèmes de santé mentale et de toxicomanie. Nous tentons de voir comment nous pouvons mieux adapter nos services à eux. Par ailleurs, nous faisons un suivi de toutes les meilleures pratiques.
Une autre activité stimulante du Centre est l'établissement de réseaux. Nous avons vécu une grande déception à la conférence internationale de Toronto sur la réduction des effets, ceux qui travaillent en toxicomanie ou s'y intéressent le savent. Cette conférence internationale sur la réduction des effets réunissait les forces policières, les spécialistes de la santé et les experts de la réduction des effets. Nous nous attendions que cette conférence nous aide à unir nos forces, alors qu'elle a donné le résultat inverse: elle a accentué nos divisions.
C'est à partir de ce moment que nous avons senti le besoin de nous asseoir avec les spécialistes de la santé et les services de police pour voir comment nous pourrions les rassembler et les amener à travailler ensemble de façon harmonieuse. Nous avons tenté d'en faire autant avec divers groupes. Nos réseaux ont pour but de réunir des gens aux intérêts fort différents, de leur faire oublier leurs idéologies pour quelques instants et de mettre en commun des enjeux que nous savons justes.
Des réseaux que nous coordonnons—il n'y en a pas tant que cela, en fait—, l'un réunit les chefs des organismes canadiens qui luttent contre la toxicomanie dans leurs provinces, soit la Colombie-Britannique, l'Alberta, le Manitoba, l'Ontario et le Québec, ainsi que
[Français]
le Comité permanent de lutte à la toxicomanie.
[Traduction]
J'ai créé ce réseau au cours de la dernière année, où j'ai demandé aux directeurs généraux des organismes concernés s'ils étaient disposés à se rassembler pour étudier les besoins stratégiques du secteur de la toxicomanie et pour réfléchir à des façons de collaborer davantage et de coordonner nos investissements et nos activités.
Les chefs des organismes et moi-même nous sommes rencontrés hier à Winnipeg, où ils m'ont demandé de porter certaines questions à l'attention de votre comité en leur nom. Je vous donnerai plus de détails à ce sujet un petit peu plus tard.
Un autre réseau sous notre responsabilité est SSPP, ou Santé et services de police en partenariat. Vous en avez peut-être déjà entendu parler. Il s'agit d'un réseau national doté d'un comité directeur national, que je préside en collaboration avec le président du comité des chefs de police sur les abus de drogues. Ce réseau englobe des intervenants aux intérêts variés, par exemple des spécialistes du traitement des toxicomanies et du sida, la GRC et divers autres groupes. SSPP se veut, entre autres, une tribune stratégique sur la façon de s'attaquer à des questions d'intérêt commun.
Prenons l'exemple des programmes d'échange de seringues. Lorsque sont apparus ces programmes, les autorités policières—et je ne parle pas seulement des officiers de police individuellement—estimaient qu'ils favorisaient la consommation de drogues et ne voulaient en aucun cas avoir quoi que ce soit à voir avec ces programmes. À la limite, ils les voyaient même comme de bons endroits à surveiller, de bons endroits où repérer des cibles, comme ils auraient pu dire.
Bien sûr, les spécialistes de la santé se plaignaient que cela ne les aidaient pas du tout. Nous avons donc réuni les chefs de police et les spécialistes de la santé en une tribune de SSPP et en sommes arrivés à un point où maintenant, les chefs de police les aident. Ils se sont officiellement engagés à appuyer les programmes d'échange de seringues. Cela ne signifie pas que nous sommes au bout de nos peines, mais cela montre que les choses avancent et que nous en arrivons tranquillement à une compréhension commune.
Un autre réseau solide et très vaste que nous avons le plaisir de présider est le RCCET. Je laisserai à ma collègue, la Dre Dell, le soin de vous en parler après ma présentation. Je n'en dirai pas plus pour l'instant.
• 1550
Nous coordonnons également le Centre virtuel de documentation
sur l'alcool, le tabac et les autres drogues, qui est financé par
le ministère des Affaires étrangères. Si vous cherchez sur Internet
des informations sur le cannabis, vous apprendrez comment en faire
pousser, le fumer, le manger et faire tout ce que vous voulez avec,
mais vous aurez du mal à trouver les renseignements dont votre
comité a besoin. Il est difficile de s'y retrouver dans toute cette
panoplie de sites. Le Centre virtuel est un portail unique
accessible à tous, mais alimenté par peu de gens. Ceux qui y
versent des informations sont des organismes reconnus diffusant des
renseignements crédibles sur la toxicomanie. Il est accessible en
français, en anglais et en espagnol. Le Centre compte environ
31 pays membres et il est administré par un comité international.
C'est un excellent outil de recherche sur Internet qui évite
d'avoir à trier les renseignements inutiles et oriente les
décideurs vers les éléments les plus pertinents pour leur travail.
Finalement, en partenariat avec le Service correctionnel du Canada, nous avons constitué une base de données nationale sur les chercheurs qui est maintenant accessible en ligne. Ce répertoire permettra aux personnes travaillant en toxicomanie de savoir qui fait quoi et où trouver des renseignements particuliers. Par exemple, si nous voulons organiser un projet sur le syndrome d'alcoolisme foetal à Whitehorse, nous pouvons consulter ce site et savoir quels chercheurs canadiens travaillent sur la question.
Nous avons également entrepris d'analyser le contenu du site pour déterminer quels sont les principaux intérêts des chercheurs du Canada, quelles sont les lacunes et où nous pourrions investir de façon à accroître la capacité à long terme de recherche du pays.
En plus des réseaux, nous offrons également un service de référence et d'information, grâce auquel nous alimentons le centre national de données sur les abus de certaines substances. Ainsi, nous renseignons de nombreux groupes, personnes, organismes et administrations sur les problèmes de toxicomanie. Nous possédons une très vaste collection de documents qu'on pourrait qualifier de provisoires ou non officiels, qui n'ont pas été publiés sous l'approbation d'un comité de révision. Ces documents sont généralement difficiles à obtenir pour les chercheurs, qui les consultent et s'en inspirent dans leurs recherches.
Le Centre a toujours été une source précieuse de tels documents sur Internet. Ainsi, nous visons à gérer non seulement l'information, mais aussi les connaissances et à les diffuser à tous ceux qui en ont besoin.
Nous tenons également à jour des renseignements en ligne sur le syndrome d'alcoolisme foetal et les effets de l'alcool sur le foetus. Nos travaux sont financés en partie par l'Association des brasseurs du Canada et l'Association des distillateurs canadiens. Nous saisissons autant que possible l'occasion de travailler avec les représentants de l'industrie, et particulièrement avec ces deux associations, en raison de leur responsabilité dans ce domaine. Ce partenariat s'est révélé très efficace au fil des ans.
Nous offrons aussi ce que nous appelons des services d'information personnalisés. Autrement dit, si une organisation veut savoir quelque chose sur une drogue, elle nous embauche pour renseigner son personnel. Ainsi, l'Organisation internationale du travail, dont les bureaux sont situés à Genève, nous engage, pour ainsi dire, pour répondre aux demandes d'information de son personnel sur la toxicomanie. Nous en faisons autant pour l'Alberta Alcohol and Drug Abuse Commission, qui est située à Edmonton.
Sur ce, je cède la parole à ma collègue la Dre Dell, qui vous parlera du RCCET. À la fin de son exposé, je vous ferai part, messieurs et mesdames les députés, de quelques recommandations et réflexions sur la toxicomanie qui vous aideront à mieux cibler vos efforts.
Docteure Dell.
Dre Colleen Anne Dell (conseillère en recherche de niveau national et chef de la direction, Réseau communautaire canadien d'épidémiologie des toxicomanies): Merci, Michel. Je voudrais maintenant vous parler des principales caractéristiques du RCCET. Je crois que je dispose de 10 minutes.
Je pense que nous sommes tous conscients du manque de documentation et de recherches en toxicomanie. Je veux donc vous parler du RCCET qui, vous le constaterez, a donné lieu à beaucoup d'investissements communs. Le RCCET est maintenu grâce à beaucoup de collaborations communautaires et ministérielles. C'est là, à mon avis, l'une de ses grandes forces. J'y reviendrai.
La vision du RCCET se résume essentiellement à un partenariat visant à surveiller les tendances en matière de toxicomanie et les facteurs connexes. Cette vision comporte deux parties. La première, qui je crois, définit véritablement le RCCET, c'est le concept de partenariat. Comme je viens de le dire, le partenariat s'exerce aux niveaux local, national et international. La deuxième vise la surveillance des tendances en matière de toxicomanie et les facteurs connexes, ce qui représente essentiellement la partie relative aux données.
Au RCCET, nous recherchons des données valides et fiables. Pour beaucoup, le RCCET permet de prendre le pouls de la ville, de voir ce qui se passe sur place dans une ville donnée, en ce qui a trait à l'alcoolisme et aux toxicomanies. Pour certains, c'est aussi un système d'alerte rapide qui permet de voir ce qui se passe, par exemple, en ce qui concerne l'Ecstasy, etc.
Au niveau national, nous avons quelques fichiers de données. Ce que nous n'avons pas cependant... Pour avoir des fichiers de données qui visent l'ensemble du pays, il faut un vérificateur national, etc. Parfois, cela n'est pas applicable dans des endroits comme Charlottetown, Île-du-Prince-Édouard, par exemple.
• 1555
Je viens juste de parler avec l'un des coordonnateurs de site
de St. John's. Il s'avère que le nombre de personnes qui meurent
par suite de consommation de drogues injectables, comme la
consommation de drogues injectables reliées à l'hépatite C, est
infime. On ne parle que de deux personnes. En quoi est-ce
représentatif lorsque vous avez un relevé national de la
population?
Le RCCET se penche sur cette question. Le RCCET a été lancé par le CLLAT et est dirigé par un comité de direction. Il a été créé en 1996 et c'est l'homologue du Community Epidemiology Working Group, aux États-Unis, qui existe depuis quelque 25 ans. Ce qui rapproche le RCCET du CEWG, c'est qu'une part importante du travail se fait par des bénévoles. Très peu de coordonnateurs de site sont rémunérés et certains viennent même du monde de l'enseignement. Nous avons également des ressources de la Fondation manitobaine de lutte contre les dépendances et de la CAAD, par exemple.
Le financement est ce qui marque la différence entre le CEWG et le RCCET. On retrouve aux États-Unis de gros fichiers de données, comme vous le savez sans doute, comme DAWN pour les bases de données sur le traitement, etc., ce que nous n'avons absolument pas au Canada.
Le RCCET est un projet concerté auquel participent des organismes fédéraux, provinciaux et communautaires qui s'intéressent à des domaines qui se recoupent, tels la consommation de drogues, ses conséquences sur la santé et sur le plan juridique, de même qu'au traitement et à l'application de la loi. Là encore, la clé se situe au niveau des partenariats qui permettent d'utiliser les données.
Quant au comité de direction du RCCET, vous pouvez voir que l'accent est mis sur le partenariat. On retrouve beaucoup de diversité, une représentation intersectorielle et des partenariats au sein de ce comité. Nous avons la Société médicale canadienne des toxicomanies, le nouveau Centre de recherche en toxicomanies du SCC à l'Île-du-Prince-Édouard, la Fédération canadienne des municipalités, diverses divisions de Santé Canada, l'Hôpital d'Ottawa et la GRC. L'alcoolisme et les toxicomanies, comme vous le savez bien, sont une question multidimensionnelle, et par conséquent, il faut y apporter une réponse multidimensionnelle. C'est une des préoccupations du RCCET.
À l'heure actuelle, nous avons 15 sites au Canada dont le développement varie d'un endroit à l'autre. Par exemple, à Whitehorse, nous n'avons pas les ressources pour l'instant, mais nous avons un membre qui est coordonnateur de site et qui est en mesure de prendre le pouls de la ville pour savoir ce qui s'y passe véritablement. Cette année, huit rapports de site nous sont parvenus d'Edmonton, de Regina, de Winnipeg, de Toronto, d'Ottawa, de Montréal, de St. John's et de Vancouver. Ils sont disponibles sur notre site Web et j'en ai ici quelques exemplaires, si vous le souhaitez.
L'objectif principal du RCCET est de coordonner et faciliter la collecte, l'organisation et la diffusion d'informations sur la consommation de drogues au sein de la population canadienne, aux niveaux local, provincial et national. Nous le faisons par l'entremise de nos rapports de sites. Une fois par an, nos sites collectent des données—et je vais vous parler des indicateurs à cet égard—et nous les fournissent sous forme de rapports écrits. Nous rédigeons alors un rapport national global pour essayer de compiler cette information. La normalisation des données est l'un des problèmes auquel nous nous heurtons. Les données de Winnipeg, par exemple, par rapport à celles de Vancouver, risquent de ne pas être identiques; les données ne sont pas réunies de la même façon, etc., si bien qu'il est difficile de faire des comparaisons. Je le répète toutefois, il est nécessaire d'avoir ce genre de processus, car chacun de nos sites a des problèmes différents propres à la localité desservie.
Nous faisons la collecte de données qualitatives et quantitatives et je vais vous indiquer quels en sont les indicateurs. Les données quantitatives pourraient être, par exemple, le nombre de décès ou la morbidité déterminée en fonction des données relatives aux départs de l'hôpital. Les données qualitatives sont celles que je préfère personnellement parce que, de nouveau, je crois qu'elles donnent le pouls de ce qui se passe dans la ville. Par exemple, si nous voulons savoir ce qui se passe dans une ville particulière au sujet de l'OxyContin, nous pouvons consulter des groupes de réflexion qui ont recours à du personnel médical d'urgence, des médecins, des infirmières, etc. Nous pouvons alors avoir une idée de ce qui se passe sans nous appuyer sur les médias et l'information anecdotique.
Ensuite, pour ce qui est de nos objectifs secondaires, il faut d'abord citer le réseautage à tous les niveaux: local, national et international. Dans chacun de nos sites particuliers, il y a le partenariat. Vous avez diverses personnes dans un site: un médecin chef, un agent de la GRC ou d'une force policière, des représentants d'un organisme communautaire du site, par exemple, etc.
Deuxièmement, l'élaboration et l'évaluation des données. Nous avons récemment eu une rencontre de nos coordonnateurs nationaux à Ottawa. Nous avons commencé par examiner nos indicateurs—dont je vais vous parler dans quelques instants—ainsi que le concept de normalisation: comment obtenir une meilleure image nationale de ce qui se passe en matière de toxicomanie au Canada?
Troisièmement, la surveillance des données. Là encore, c'est ce dont j'ai parlé lorsque j'ai abordé la question des rapports. Une fois les rapports publiés, ceux qui forment le comité au niveau local peuvent donner suite aux recommandations qui peuvent arriver jusqu'aux praticiens locaux.
• 1600
Nous allons maintenant examiner nos indicateurs qui sont au
nombre de sept.
Le premier, c'est la prévalence, parce que nous voulons connaître le pourcentage de la population qui consomme de l'alcool ou des drogues.
Le deuxième, c'est le traitement, nous examinons tous les aspects des programmes de traitement au Canada. Contrairement aux États-Unis, qui disposent de la banque de données DAWN, le Canada n'a pas de banque de données nationale sur les traitements, si bien qu'il est très difficile de réunir des données sur les succès, sur le nombre de personnes suivant ces traitements, etc.
Le troisième, c'est l'application de la loi. Nous réunissons des données sur le nombre d'infractions en matière de drogues, les actions en justice, les saisies, etc.
La morbidité permet d'examiner le fardeau que représente la maladie reliée à l'alcoolisme et à la consommation de drogues, au moment du départ de l'hôpital.
La mortalité est le nombre de décès directement attribué à l'alcool et aux drogues.
Pour ce qui est du VIH/SIDA et de l'hépatite C, comme vous le savez bien sans doute, ces maladies s'expliquent en très grande partie par la consommation de drogues injectables; beaucoup de ces données parviennent de Santé Canada.
Enfin, les médicaments d'ordonnance, c'est un indicateur nouveau que nous commençons à examiner grâce à certaines données du IMS et à d'autres données sur la délivrance de médicaments au Canada.
Pour terminer au sujet du RCCET, je crois que nous pouvons décrire notre réseau comme jouant un rôle d'observation semblable à celui que Michel a décrit à propos du CCLAT. Il est important et vital de savoir ce qui se passe au Canada en matière d'alcoolisme et de toxicomanie. Il est également important d'avoir ce système d'alerte rapide. Nous manquons énormément de ressources, mais je crois que c'est typique du domaine de la toxicomanie dans son ensemble.
M. Michel Perron: Merci, Colleen.
Comme je le disais plus tôt, j'ai pensé terminer en faisant quelques suggestions à propos du mandat et des intérêts du comité. J'espère ne pas vous paraître présomptueux, mais il m'a semblé détecter un fil conducteur au sujet de ce genre de questions dans les témoignages précédents que j'ai pu lire.
Je travaille dans le domaine de la toxicomanie depuis plusieurs années et franchement, alors que vous pensez avoir trouvé la réponse au problème, tout devient très insaisissable. C'est un domaine très complexe et son horizontalité fait autant sa force que sa faiblesse. Il touche tellement de parties différentes de l'appareil gouvernemental et du tissu de la société canadienne qu'il est difficile de l'encapsuler. Néanmoins, j'ai essayé de le faire pour vous sur la page suivante pour simplement vous donner une idée de ce domaine et de l'environnement que vous examinez. J'espère que cela vous paraîtra compréhensible.
Sur cette diapositive, sur l'axe vertical à gauche, vous pouvez voir trois types d'interventions—c'est-à-dire ce que nous considérons normalement comme des types de prévention: prévention primaire, prévention secondaire et prévention tertiaire. La prévention augmente parallèlement à la consommation. En d'autres termes, la prévention primaire vise ceux qui ne consomment pas de drogues, soit les jeunes enfants ou les personnes qui ne consomment absolument pas de drogues. La prévention secondaire vise essentiellement ceux qui consomment des drogues de manière dangereuse; nous essayons alors de diminuer la consommation ou de promouvoir la consommation moins dangereuse. L'intervention tertiaire est habituellement qualifiée de traitement.
Si vous regardez la ligne du bas, je suis allé de la phase in utero à la phase des aînés, soit la durée de vie des Canadiens. Si je peux vous présenter cela en une seule page, c'est parce qu'il s'agit en fait de la totalité du domaine que vous devez examiner, d'après moi et d'après le CCLAT.
Où nous situons-nous sur ce tableau... J'ai vraiment hésité à utiliser des lignes pointillées, et je me demandais le genre de lignes qui conviendraient le mieux. Je ne veux pas cloisonner les choses. C'est en fait un tableau très fluide et pourtant, il vous permet d'être assez précis lorsque cela s'avère nécessaire. Par exemple, si vous examinez les adolescents et leur traitement, ils se situeraient à environ la moitié au-dessus de cette ligne. C'est l'endroit où ils se trouveraient sur ce tableau et vous pouvez vous demander qui travaille dans ce domaine et ce qu'il faut faire pour ce groupe.
De même, si nous avons des aînés qui consomment trop d'alcool et qui prennent des médicaments—ils font des chutes, se fracturent la hanche—ils reviennent en fait assez cher au système de santé du Canada. Ils n'ont pas nécessairement besoin de traitement en tant que tel, mais plutôt d'éducation à propos de la consommation d'alcool et de la prise de produits pharmaceutiques et de la sécurité à rechercher dans ce domaine.
De la même manière, si nous parlons d'une grossesse en santé, point qui intéresse tout le monde, quels sont en fait les niveaux sûrs de consommation—si tant est qu'il y en ait—en période de grossesse? Que dites-vous à une femme enceinte si elle vous apprend qu'elle vient juste d'avoir trois verres de vin et qu'elle vient juste d'apprendre qu'elle est enceinte? Que lui répondez-vous si elle vous demande si elle peut avoir un verre de vin par semaine, etc.?
Je crois que le tracé—et sans trop aller dans des détails de spécialiste, car je n'en suis pas un—vous donne une idée de la situation. Les consommateurs de drogues injectables qui sont jeunes pourraient se trouver dans le panneau secondaire, étant donné qu'ils les consomment de façon très dangereuse et pourraient avoir besoin de traitement, etc.
• 1605
La question qui se pose alors est la suivante: que faire de
ces cases? C'est l'objet de la diapositive suivante. Vous pouvez
regarder ce tableau de divers points de vue: en fonction de la
responsabilité du gouvernement fédéral ou par drogue. Si on revient
à la diapositive précédente, on peut dire qu'on l'examine pour
l'alcool ou l'OxyContin. Examinons la question sous divers aspects.
Vous pouvez l'examiner dans le contexte de la réduction des
préjudices. Qui s'occupe de quoi en matière de réduction des
préjudices dans ce domaine? Qui fait quoi dans le domaine de
l'application de la loi?
Imaginons que l'on examine la question de la grossesse en santé. En tant que comité, ou si vous représentez le gouvernement fédéral, vous devez demander à Santé Canada qui est responsable et qui d'autre intervient? Cela voudrait dire qu'il ne s'agit pas uniquement de votre ministère, mais aussi d'autres ministères. Qui fait quoi? J'imagine que nous avons des objectifs pour ce programme en particulier. Vous pourriez savoir ce qui fait double emploi, ce qui est contre-productif et où se trouvent les lacunes. Vous sauriez alors ce qui se passe. Il y a énormément d'activités au niveau fédéral, ainsi qu'au niveau provincial et municipal, ainsi que dans d'autres secteurs pour chacune de ces cases et je crois qu'il serait utile d'en avoir une idée.
La prochaine question est la suivante: comment cet encadré-ci s'inscrit-il dans l'environnement général ou lui est-il relié? Où cela s'intègre-t-il au fur et à mesure que vous montez l'échelle, de primaire à secondaire, ou au fur et à mesure que vous prenez de l'âge?
Où s'inscrit une stratégie antidrogue nationale dans l'ensemble des initiatives gouvernementales? En d'autres mots, si nous mettons au point une stratégie antidrogue, où s'inscrit-elle par rapport au crime organisé, au terrorisme, aux sans-abri et à la prévention du crime? Il s'agit là de quelques-uns des environnements dont vous voudrez peut-être tenir compte.
À mesure que vous avancez et devez examiner ce large éventail d'activités et de domaines, vous voudrez peut-être vous poser ces questions pour bien cerner la question. Je ne dis pas que vous aurez toutes les réponses. Je dis plutôt que le comité pourrait en fait soulever les questions et demander au gouvernement de lui fournir les réponses. Je pense que cela imposerait un lourd fardeau au comité de penser qu'il doit trouver toutes ces réponses. En outre, comme vous disposez d'un délai très court, je ne pense pas que vous puissiez faire beaucoup de ces choses. Cela dit, vous pouvez certainement exposer les mécanismes qui permettraient de les examiner.
Vous avez déjà commencé, de toute évidence. Vous vous demandez quelle est la nature et l'importance des toxicomanies et quelles en sont les conséquences? Nous ne savons pas vraiment ce qu'elles sont au Canada. Nous ne nous y connaissons pas sur l'utilisation du cannabis ou d'autres drogues au Canada. Nous savons ce qu'ont été les coûts en 1996 en nous fondant sur les données de 1992, mais nous n'avons rien de très récent. Qu'avons-nous fait au niveau fédéral et quelles ont été les conséquences de ces interventions?
Quel devrait être le rôle du gouvernement fédéral? Je pense que c'est là une question primordiale. En toute franchise, nous n'avons pas besoin d'une stratégie antidrogue fédérale. Il nous faut une stratégie antidrogue nationale qui fait intervenir tous les paliers de gouvernement, le secteur des organismes à but non lucratif et le secteur privé et qui tire partie des investissements de chacun d'entre eux. Pour y parvenir, le gouvernement fédéral doit absolument donner l'impulsion, mais il serait très intéressant de définir ce que sera le rôle du gouvernement fédéral. C'est un point qu'ont soulevé les dirigeants des organismes de lutte contre la toxicomanie que j'ai rencontrés hier à Winnipeg. Ils m'ont chargé de vous demander si vous pouvez définir ce rôle.
Vous voudrez peut-être aussi vous poser les questions suivantes: Où voulez-vous investir? Comment y parvenir? Il s'agit de questions qui ont trait à la mécanique, à l'organisation, à la direction et à la coordination.
J'imagine que vous voudrez peut-être vous demander si les interventions ont été adéquates? Il s'agit de ce processus cyclique qui consiste à revenir en arrière, à rajuster le tir et à construire à partir de l'information recueillie.
Pour résumer, on voudra vous aiguiller dans plusieurs directions, étant donné les divers intérêts qui entre en jeu dans le domaine des toxicomanies. Si je peux vous demander une chose, ce serait de ne pas oublier que vous devez vous garder de trop entrer dans les détails. Tout le monde va vous submerger de détails. Il est important de les connaître, mais la valeur ajoutée de ce comité, selon moi, est d'examiner l'ensemble. À l'intérieur du gouvernement aujourd'hui il n'y a pas de vue d'ensemble de la question. On ne sait pas comment tout se tient. On ne sait pas où situer la question par rapport aux autres paliers de gouvernement.
Je vais arrêter ici madame la présidente. Je pense que j'ai dépassé le temps qui m'était imparti.
La présidente: Je suis convaincue que tous les membres du comité conviendront avec moi que c'est fascinant. Vous nous avez donné beaucoup de matière pour alimenter notre réflexion.
Nous avons certaines contraintes de temps étant donné l'horaire de chacun. Un problème se pose toujours avec les séances du jeudi après-midi. Je crois qu'on s'est entendu pour que Mme Davies pose la première question. Mme Allard peut peut-être poser une question. Nous reviendrons ensuite à l'ordre habituel.
[Français]
Est-ce possible?
M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Parce que les gens prennent l'avion?
La présidente: Oui. La prochaine fois que vous prendrez l'avion, il y aura... [Note de la rédaction: inaudible].
M. Réal Ménard: Nous avions demandé qu'il n'y ait pas de réunions de comité le lundi, mais il y en a eu quand même.
La présidente: Oui.
M. Réal Ménard: C'est correct.
Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Merci beaucoup. Je remercie les autres membres de me permettre de poser des questions la première. Je dois simplement me rendre précipitamment à une activité organisée dans le cadre de la journée de l'alphabétisation.
Merci beaucoup d'être venu aujourd'hui. J'aimerais vous poser une tonne de questions, mais c'est impossible. Je vais donc m'attacher à ce que je considère être les éléments cruciaux de l'utilisation des drogues injectables en particulier. Vous avez parlé de la partie est du centre-ville où le décompte des corps est assez affreux. Il s'agit maintenant, en Colombie-Britannique, de la principale cause de décès des hommes et des femmes entre 30 et 44 ansé Le taux dépasse celui des crises cardiaques, des accidents d'automobile, des maladies cardiaques, etc.
Je crois qu'à Vancouver, nous avons beaucoup progressé dans le débat. Lorsque nous avons abordé pour la première fois la question des centres d'injection légale ou des programmes de traitement à la méthadone, c'était très controversé. J'étais dans une situation délicate à l'instar d'autres personnes. Le débat s'est maintenant beaucoup élargi. Le maire de Vancouver, le gouvernement provincial antérieur ainsi que, heureusement, le gouvernement provincial actuel, et même les services de police, ont discuté à fonds des mesures qu'il fallait prendre.
Je ne sais pas si votre organisme a participé au comité consultatif fédéral-provincial-territorial qui s'est penché sur la santé de la population. J'ai été très heureuse de constater qu'ils en sont venus à la même conclusion, à savoir qu'il nous faut considérer les centres d'injection légale. Premièrement, je veux savoir si vous êtes en faveur de cela. Croyez-vous que le débat a cours dans le reste du Canada? Vous avez dit que vous avez tâté le pouls d'un bout à l'autre du pays.
Deuxièmement, pour relever quelque chose que vous avez dit en ce qui a trait à vos activités dans vos centres particuliers et au contrôle de ce qui se passe dans la rue, j'ai essayé à plusieurs reprises de convaincre la GRC, ou même Santé Canada, d'examiner la possibilité de fournir aux prestateurs de soins de santé l'information au sujet de ce qui se vend dans la rue. Il n'y a pas de doute que le taux élevé de décès par surdose est attribuable au fait que les gens ne savent pas pour ainsi dire ce qu'ils consomment. Il s'y vend des substances très pures. Les gens meurent. Il arrive parfois que nous ayons des décès en chaîne. Je crois donc que pour réduire les conséquences néfastes, nous devons, entre autres, informer le public pour que les gens sachent qu'il se vend dans la rue un produit très nocif. Je me demandais simplement si vous avez déjà essayé de prendre cela en main, c'est-à-dire de contrôler ou d'informer le public dans le cas des groupes avec lesquels vous avez des contacts.
M. Michel Perron: Je vous remercie de vos questions et des initiatives que vous prenez dans ce domaine. Je sais que vous n'avez pas ménagé vos efforts dans ce dossier au fil des ans.
Vous avez soulevé beaucoup de points. En ce qui concerne les centres d'injection légale, si nous voulons nous attacher à cela plus précisément, comme vous le savez, le débat a été amorcé et se poursuit au Canada. Il y a ceux qui estiment que pour avoir un centre d'injection légale il faut avant tout disposer d'une stratégie antidrogue globale. D'autres prétendent que nous ne pouvons attendre la mise en place d'une telle stratégie pour d'établir un centre de ce genre, que nous devons agir dès maintenant.
Comment envisageons-nous ce problème? La CCLAT n'a pas de politique précise en ce qui a trait à ces centres d'injection légale. Je vais donc vous faire part de mon point de vue personnel.
Il va sans dire qu'il faudrait songer à l'établissement de centres d'injection légale dans le cadre d'une approche globale visant à régler le problème de l'utilisation de drogues injectables. Je pense qu'il faut faire attention de ne pas supposer automatiquement—et je ne laisse pas entendre que vous le faites—qu'un centre d'injection légale ou un programme de traitement à la méthadone quel qu'il soit, réglera le problème de l'utilisation des drogues injectables. En fait, lorsque vous demandez à un grand nombre d'utilisateurs de drogues injectables s'ils veulent consommer de l'héroïne légalement, ils vous disent souvent qu'ils préféreraient tout simplement cesser d'en consommer.
À Zurich et dans les pays qui offrent des programmes de ce genre, ce sont des héroïnomanes endurcis qui n'ont pas réussi à guérir au moyen de méthodes de traitement conventionnelles qui en bénéficient. Je ne suis pas sûr que nos toxicomanes au Canada ont recommencé plusieurs fois à consommer après avoir suivi des traitements conventionnels étant donné que je ne crois pas qu'ils ont eu bien souvent accès à des traitements. Voilà pour le premier point.
En ce qui concerne les centres d'injection légale, il va sans dire qu'on devrait examiner la question. Le comité fédéral-provincial-territorial sur l'UDI l'avait signalé.
Au Canada, nous nous attachons souvent aux questions très spectaculaires. Je crois qu'il est important, surtout pour le comité, d'examiner la prévention. Nous devons examiner les choses dont il n'est pas beaucoup question dans les journaux. La réduction des conséquences néfastes constitue un aspect au même titre que la prévention, le traitement et l'exécution de la loi. Comment faire se croiser toutes ces choses? Je crois fermement que c'est la seule façon de faire avancer le dossier.
Oui, il est logique de mettre en place des centres d'injection légale, étant donné où les choses en sont aujourd'hui.
• 1615
En ce qui concerne l'inspection des substances—je me rappelle
que M. Turvey a fait une recommandation en ce sens il y a bien des
années—si vous pouviez nous fournir une copie des certificats
d'analyse, nous pourrions vous dire s'il y a risque d'injections de
doses mortelles. Je ne parlerai pas au nom des ministères
gouvernementaux, telle n'est pas ma position. Il va sans dire que
ce genre d'information serait utile, mais je suis convaincu que
vous vous rendrez compte des problèmes qui pourraient se poser si
nous inspections la mauvaise substance, dans le cas où il existe
vraiment un risque d'injection mortelle.
Comment se fait-il que nous obtenons des renseignements de tous genres sur les utilisateurs de drogues plutôt que d'en obtenir uniquement sur la pureté de la substance? Je crois qu'il s'agit là d'un élément que pourrait examiner le RCCET—du moins surveiller de près la pureté...
Mme Libby Davies: À l'heure actuelle, il n'y a vraiment pas d'information. Habituellement lorsqu'on obtient cette information, il est trop tard et il est survenu des décès que l'on aurait pu prévenir. Je pense qu'il s'agit tout simplement d'une tragédie. Parfois, les gens manquent tout simplement d'information et le nombre de décès augmente.
M. Michel Perron: Une dernière question au sujet des centres d'injection légale. J'ai siégé au sein d'un comité sur la toxicomanie à l'intention des chefs de police et, même si je n'en suis pas non plus le porte-parole, ils s'entendent sur la mise sur pied d'un centre d'injection légale, mais ils sont aussi d'avis qu'il faut mettre en place, dans les écoles, un programme de prévention et procurer des ressources aux parents. Si le gouvernement doit se pencher sur la question des toxicomanies, comme il l'a dit dans le livre rouge, il doit alors s'assurer de concentrer ses efforts sur tous les éléments importants plutôt que sur les centres d'injection légale uniquement, en tenant absolument compte de l'importance que cela revêt dans la région de Vancouver.
Mme Libby Davies: Merci.
La présidente: Merci.
Monsieur Allard.
[Français]
Mme Carole-Marie Allard (Laval-Est, Lib.): Bonjour, monsieur Perron. Merci d'être ici. Le centre existe depuis 12 ans.
M. Michel Perron: Effectivement.
Mme Carole-Marie Allard: Je travaille à ce comité depuis deux mois et je trouve effarant ce qu'on entend. Vous venez de parler de prévention. Croyez-vous qu'on en fait assez actuellement? Est-ce qu'on ne devrait pas orienter nos efforts dans ce sens-là? Vous semblez dire que dans les écoles... Avec une bonne campagne, en affectant beaucoup d'argent à la prévention, est-ce qu'on pourrait faire un peu de chemin pour contrer l'effet des drogues chez nos jeunes?
M. Michel Perron: Absolument, oui. On n'a qu'à regarder la stratégie qu'on a mise sur pied pour la réduction de l'utilisation du tabagisme chez les jeunes. Oui, il y a encore une croissance de la consommation de tabac chez les jeunes filles, entre autres, mais en général, la population n'utilise pas autant le tabac. Dans le cas de la conduite avec facultés affaiblies, après une campagne de prévention très complète, on constate que les jeunes ne trouvent pas cela acceptable. Dans les résultats d'un sondage qui a eu lieu au Manitoba cette semaine, nous avons vu que les jeunes étaient contre la conduite avec facultés affaiblies, mais pensaient que c'était correct de conduire après avoir fumé un joint. Toute la question de la prévention est absolument essentielle. C'est une des façons de mieux dépenser notre argent.
Mme Carole-Marie Allard: Avez-vous des chiffres sur la prévention de la consommation de drogues comparativement à la prévention du tabagisme au Canada?
M. Michel Perron: Non. Je peux vous dire, madame, qu'il ne se fait pas beaucoup de prévention de la consommation de drogues. S'il y en a qui se fait, c'est ad hoc et cela dépend par qui. Il n'y a pas de programme de prévention national au Canada. Il n'y a pas de programme de prévention qui a été évalué concrètement et dont on sait qu'il fonctionne de la façon dont il devrait fonctionner.
Je vous dirai qu'il y a vraiment un manque de prévention ici, au Canada, à l'échelle fédérale, mais qu'il y a aussi une responsabilité provinciale et une responsabilité municipale. Il faut cerner le rôle du fédéral dans la prévention. Si on en fait tellement du côté du tabac, pourquoi n'en fait-on pas aussi du côté de la drogue?
La présidente: Monsieur White, s'il vous plaît.
[Traduction]
M. Randy White (Langley—Abbotsford, Alliance canadienne): Merci, madame la présidente.
Je vous remercie tous les deux d'être venus nous rencontrer aujourd'hui. Vous avez su mettre en perspective quelque chose qui me tracassait, c'est-à-dire le champ d'action de ce comité. Je suis contente que vous soyez venus. En fait, vous avez tout à fait raison de dire que nous devons examiner le rôle que devrait assumer le gouvernement fédéral. Lorsque je jette un coup d'oeil à tous les documents de recherche, que j'ai accumulés au fil des ans, j'en conclue que les opinions sont illimitées. La recherche dans ce domaine est à ce point exhaustive que je ne peux la parcourir au complet. En fait, la plupart du temps je me rends compte que je me m'en sors tant bien que mal ces jours-ci.
• 1620
Voici entre autres ce que j'aimerais que fasse ce comité. Je
ne sais pas si vous avez déjà fait une étude là-dessus, mais vous
entendez parler des organismes qui s'occupent de réhabilitation,
d'intervention, de traitement, d'exécution. J'aimerais que les
divers organismes qui ont pignon sur rue au Canada fassent des
recommandations relativement à ces catégories. Il y en a beaucoup,
mais j'aimerais savoir ce qu'ils ont à dire au sujet de l'exécution
de la réhabilitation—quelles sont précisément leurs
recommandations.
Existe-t-il 40 recommandations d'organismes crédibles dans ce pays dans lesquelles on dit que nous nous trouvons très à court de centres de réhabilitation, peut-être de centres de traitement, mais peut-être de soins à moyen ou à long terme? Je ne le sais tout simplement pas et il me semble que nous aurions besoin de cet inventaire. Est-ce que vous disposez d'un inventaire de ce genre?
M. Michel Perron: Non, aucune, pas telle que vous le décrivez. Nous en avons des éléments. Permettez-moi de m'expliquer.
L'année dernière, les dirigeants d'organismes de lutte contre la toxicomanie et moi-même nous sommes réunis et avons reconnu qu'il n'y a pas eu de conférence sur la toxicomanie au Canada depuis des années. Qui sait quand la dernière a eu lieu? Nous avons décidé d'en organiser une, de poser la première pierre de ce qui pourrait être une nouvelle stratégie antidrogue, de commencer au moins par demander aux praticiens ce qu'il leur faudrait faire.
En sortant de cette réunion, à Winnipeg, nous avions dressé une liste des éléments indispensables et essentiels d'une stratégie de lutte contre les toxicomanies—ce qu'il faut faire dans des domaines particuliers. Cela se rapporte à ce dont vous avez parlé, monsieur White, et je peux certainement remettre ce rapport au comité.
L'une des recommandations récurrentes, que vous entendrez beaucoup, je suppose, si vous retournez demander aux chefs de police leurs résolutions—et aussi aux associations de policiers, à l'Association médicale canadienne, etc.—vise plus de ressources, de leadership, de coordination. Où cela doit nous mener, je ne le sais pas vraiment.
Pour ce qui est de savoir ce qu'il nous faut pour le traitement—l'accès, la disponibilité?—si c'est le genre de travaux qui intéresseraient le comité, nous pouvons certainement examiner le sujet plus en profondeur pour vous.
M. Randy White: Ce que je voudrais, c'est savoir, sous chacune de ces catégories de traitement, ce que recommandent tous ces groupes, et exactement ce qu'ils visent. Ils ont des idées différentes, j'en suis sûr, mais peut-être y a-t-il un consensus suffisant qui fait que 20 ou 30 groupes crédibles disent voici ce que vous devez faire, c'est-à-dire recommander ceci—au moins y aurait-il une espèce d'objectif.
J'ai encore deux ou trois questions. Êtes-vous médecin, par hasard?
M. Michel Perron: Non.
M. Randy White: L'ecstasy semble avoir fait un malheur sur le marché, si on peut dire, et nous n'avons pas beaucoup de bons renseignements là-dessus. Je pense que cette drogue pourrait remplacer la marijuana, parce qu'elle évite d'avoir à fumer, pour commencer, ce que beaucoup de jeunes gens ne veulent pas faire. Pouvez-vous me dire si l'ecstasy est plus dangereuse que la marijuana?
Dre Colleen Dell: Tout d'abord, j'aimerais dire où en est la consommation d'ecstasy actuellement au pays. Beaucoup de ce que nous exposent les médias, sur la consommation d'ecstasy, concerne parfois d'autres types de drogues qui sont prises en combinaison avec celle-là. Lorsque nous voyons «L'ecstasy a tué!» est-ce que c'était vraiment rien que de l'ecstasy, ou est-ce quelque chose que les médias ont décrété d'eux-mêmes, en disant «c'est l'ecstasy»?
L'ecstasy était la drogue des jeunes de 13 à 18 ans dans des partys clandestins. Maintenant, ceux qui assistent à de tels partys ont entre 12 et 24 ans. Ils forment donc un groupe beaucoup plus vaste, et comme il est plus âgé, l'alcool est entré en scène. Cela fait que désormais, l'ecstasy est utilisée en combinaison avec l'alcool et d'autres choses.
À nos sites du RCCET, dans tout le Canada, c'est encore la même chose; on voit des tableaux très différents de la prévalence de la consommation d'ecstasy.
M. Michel Perron: Si on veut parler de données précises, puisqu'on ne peut se fier à des données nationales—il n'y en a pas—je m'appuierai sur celles du Manitoba qui ont été diffusées la semaine dernière à peine. Cinq pour cent des élèves du secondaire, de la 9e à la 12e année, je crois, ont consommé de l'ecstasy dans les 12 derniers mois. C'est une hausse de 2 p. 100 par rapport à l'année précédente. Alors, il y a nettement une hausse de la consommation.
La consommation d'ecstasy est aussi fortement liée à un mouvement social où ont lieu des partys clandestins, comme vous le savez. De plus, 38 p. 100 consommaient du cannabis. Qu'est-ce que cela signifie? Je pense, en fin de compte, que la fréquence d'utilisation, la pureté de la drogue, le mode d'utilisation, que ce soit une drogue plus dépendante sur le plan pharmacologique, ou plus dangereuse—je ne sais vraiment pas, très franchement. Probablement quelqu'un le saurait-il et nous pourrions trouver cette réponse pour vous. Je ne voudrais pas me prononcer de façon spécifique. La question qui se pose, je pense, est de savoir ce que nous considérons comme un niveau acceptable ou non de risque pour les enfants qui consomment ces drogues.
M. Randy White: Je ne pense pas que le pourcentage de consommation indique une aggravation du problème, parce que la marijuana existe depuis bien plus longtemps que l'ecstasy. Je pense que vous constaterez que l'ecstasy est une drogue plus propre, si vous voyez ce que je veux dire, parce qu'il n'y a pas besoin de la fumer.
Dre Colleen Dell: Il y a toute une culture qui entoure l'ecstasy.
M. Michel Perron: En ce qui concerne les partys clandestins, les parents pensent que c'est fantastique de pouvoir déposer leurs enfants à ces partys en sachant qu'il ne s'y consomme pas d'alcool.
M. Randy White: Oui.
M. Michel Perron: Et bien, cela n'aide pas beaucoup, parfois.
M. Randy White: Je voulais seulement vous poser une question, rapidement. Il y a tellement d'organisations au Canada qui s'intéressent au secteur des drogues—que ce soit pour étudier les drogues, ou encore pour proposer des centres d'injection sécuritaire, ou des groupes d'échange de seringues, etc. Vous avez plusieurs sites du RCCET dans tout le pays, et je me demande souvent combien de ces organisations font double emploi avec d'autres. Si vous allez au centre-ville, dans la partie est de Vancouver, c'est presqu'une industrie, là-bas. Il y a plus de groupes sociaux qui travaillent sur chaque projet et qui obtiennent des subventions de chaque palier de gouvernement... J'ai vraiment cette impression qu'il n'y a pas de pôle à toute cette activité, dans le pays. Pouvez-vous me donner votre avis là-dessus?
M. Michel Perron: Oui, vous tombez en plein dans le mile. Ces activités ne sont pas centrées. Elles ne sont pas coordonnées. Il y a un nombre phénoménal de groupes qui pensent faire ce qui est pertinent et juste. Personnellement, ma théorie est qu'ils font de leur mieux et qu'ils sont convaincus de l'importance de le faire. Il n'y a qu'à voir VANDU, ce qu'ils font à Vancouver est quintessenciel pour eux. Je pense que de dire qu'ils ont tort et d'autres raison—et je ne veux pas dire par-là que c'est ce que vous sous-entendez...
Le fait est que, si nous prenons la peine de réfléchir et de nous demander ce que nous voulons en matière de politique de lutte contre la toxicomanie au Canada—à quoi nous croyons...? Quelle est la politique antidrogue du Canada? Comment voulons-nous nous y prendre pour progresser? Ou est-ce que nous reconnaissons que la politique antidrogue existe, ou que la consommation de drogues est un fait, comment nous organisons-nous pour minimiser cette redondance des efforts—minimiser le fait que nous avons probablement créé 48 000 manuels sur le même sujet dans tout le pays en raison de la nature du travail que nous faisons, de la nature des organismes de financement...? C'est, je pense, le rôle du gouvernement fédéral de prendre du recul et de dire «quel est ce rôle central de leadership et de coordination que nous jouons?»—tout en reconnaissant qu'il ne peut pas tout faire, d'accord. Je pense qu'en commençant à l'interne, certainement, nous pourrions attirer l'appui des autres aussi.
M. Randy White: Est-ce qu'il me reste encore du temps?
La présidente: Vous pourriez encore poser une dernière question très brève.
M. Randy White: Oh, une question brève.
La présidente: Vous pourriez y revenir à un prochain tour.
M. Randy White: Oui, je vais laisser la parole à quelqu'un d'autre.
[Français]
La présidente: Monsieur Ménard, s'il vous plaît.
M. Réal Ménard: Merci. J'ai trois courtes questions.
Dans le document de briefing que nous avions à lire cet été, un document de 300 pages que notre personnel de recherche nous a amicalement constitué pour faire de nous des gens moins ignorants—on n'est pas aussi connaissants que vous, mais on avait quand même une bonne base de départ—, il y a avait une étude sommaire, que vous aviez vous-même élaborée, sur l'importance de la drogue dans la société canadienne, ainsi qu'une tentative d'évaluation au niveau du produit national brut. J'aimerais que vous nous en rappeliez les grandes lignes et, si vous le voulez, les modèles méthodologiques qui vous ont inspirés pour les chiffres. Si on avait un chiffre à avancer sur les pertes de productivité liées à la drogue et sur l'importance de la consommation de drogue, qu'est-ce que ça serait?
Je pose mes trois questions en rafale.
Monsieur Perron, vous avez mentionné une chose qui m'a un peu étonné. Vous dites que vous êtes un organisme conseil, qui n'est pas tout à fait une société d'État, mais qui est tributaire de fonds gouvernementaux qui ne sont pas très élevés par rapport à l'ensemble de la besogne que vous avez à abattre. Vous semblez dire que vous n'avez pas à prendre position de manière très orientée sur les différentes thématiques liées aux drogues, et cela m'a un peu étonné.
Par exemple, nos collègues de l'Alliance canadienne ont un député que vous connaissez probablement et qui s'appelle Keith Martin. Il va y avoir un débat à la Chambre, la semaine prochaine ou la semaine suivante, concernant la légalisation de la marijuana, et mon collègue Bernard Bigras avait lui-même déposé un projet sur le dossier précis de la légalisation de la marijuana à des fins médicales, et non à des fins de loisir. On parle donc des gens qui en ont besoin pour des raisons médicales, mais pas nécessairement pour des raisons de loisir, pour une liberté de consommation dans un cadre qui ne soit pas médical. Qu'avez-vous à nous dire là-dessus?
• 1630
Donc, mes questions portent sur votre mandat précis,
sur la question de l'usage de la marijuana à des fins
thérapeutiques et sur le coût des drogues pour la
société canadienne et québécoise.
M. Michel Perron: Quand je vous ai dit que nous ne prenions pas position, ce n'était peut-être pas très précis. Quand la recherche nous démontre qu'une piste particulière est vraiment la piste à prendre, nous prenons position. On ne peut pas dire que nous sommes toujours sur la clôture. Donc, nous prenons position dans la mesure où nous pouvons le faire.
À titre d'exemple, pour le cannabis, en 1998, on a dit qu'on devait abolir la peine criminelle associée à la possession simple de cannabis, qu'une amende devait plutôt être associée à cette infraction, mais qu'on devait aussi avoir des programmes de prévention, entre autres.
Donc, nous prenons position quand nous voyons qu'il y a une piste sûre et certaine à prendre.
Si je vous ai bien compris, vous voulez savoir quelle est notre position concernant l'utilisation du cannabis à des fins médicales.
M. Réal Ménard: C'est cela. Le premier débat a commencé comme cela.
M. Michel Perron: Effectivement. Encore une fois, nous n'avons pas pris de décision définitive sur cette question. D'après nous, la question de la marijuana comporte trois volets: la légalisation, la décriminalisation et la médicalisation. Il y a plusieurs personnes qui se servent de ces termes couramment, pour toutes les circonstances.
Pour ce qui est de la médicalisation, la position que nous avons prise, au CCLAT, est que le processus d'approbation des nouvelles drogues est celui qui devrait être suivi. Si nous voyons qu'il est démontré scientifiquement, par les essais qui sont faits à Montréal, entre autres, que telle drogue a des propriétés thérapeutiques, nous ne verrons aucun problème à l'utilisation de cette drogue à des fins thérapeutiques. C'est une question d'approbation médicale de cette drogue.
M. Réal Ménard: Il y a quelque chose qui ne marche pas. Pour qu'un organisme ou n'importe qui puisse obtenir un avis de conformité et donc obtenir la permission de commercialiser ou de mettre une drogue sur le marché, cette drogue ne peut pas être une drogue illégale. Santé Canada ne peut pas approuver une substance toxique.
M. Michel Perron: Oui, Santé Canada le fait dans le cas de l'héroïne. L'héroïne est disponible sur ordonnance.
M. Réal Ménard: Il n'y a pas d'avis de conformité. Ah, oui, pour le Programme de médecins d'urgence.
M. Michel Perron: Oui, mais elle est disponible quand même. À l'hôpital, on peut prescrire de l'héroïne pour des douleurs intenses, par exemple aux patients cancéreux en phase terminale. Les médecins ont recours à l'héroïne. C'est une drogue évidemment illégale. Si on peut démontrer que le cannabis peut être utilisé de la même manière à des fins thérapeutiques, il devra tomber dans la même catégorie, selon nous. Pour nous, la question n'est pas nécessairement de savoir si on devrait s'en servir à des fins de loisir ou si on peut s'en servir à des fins médicales. La question est de savoir ce que nous voulons comme politique antidrogues au Canada. Voulons-nous que les gens s'en servent? Quels méfaits essayons-nous de cibler avec un changement législatif sur le cannabis? Essayons-nous de réduire les coûts socioéconomiques? J'en parlerai dans un instant. Essayons-nous de réduire les méfaits reliés au fait d'avoir un casier judiciaire? Essayons-nous de réduire les effets néfastes sur la santé d'une drogue comme le cannabis?
D'après nous, il faut être très précis quant aux méfaits que nous essayons de cibler. Si nous voyons qu'il y a une preuve assez élaborée du fait que la marijuana pourrait servir à des fins thérapeutiques, c'est parfait. Le système d'approbation du Canada est très clair à cet égard. La différence, dans le cas de la marijuana, est qu'elle est consommée très couramment. Il y a toute la question de l'acceptabilité et de la banalisation de la marijuana au Canada. C'est un peu notre position sur l'effet thérapeutique de la marijuana.
En ce qui concerne les coûts socioéconomiques, nous les avons estimés de la façon suivante. Pour l'estimation des coûts, nous avons réuni divers économistes internationaux pour leur demander quelle fraction des coûts on pouvait attribuer à telle cause et à telle drogue. Si nous savons qu'un accident X est causé par l'utilisation de la drogue dans 70 p. 100 des cas et qu'il y a 100 de ces cas au Canada, nous pouvons faire le calcul et dire quel est le coût de ce problème.
• 1635
En 1996, avec des données de l'année 1992, nous avons
estimé que le coût de l'abus de drogues au Canada,
incluant l'alcool, le tabac et les drogues illicites,
était de 4,9 p. 100 du produit intérieur brut. Cette
perte de productivité de 4,9 p. 100, qui représentait
environ 4,9 milliards de dollars, je crois, est une
perte que nous pouvons reprendre assez facilement avec
des programmes de prévention, peut-être dans le milieu
de travail. Ces coûts de perte de productivité sont
plutôt reliés à un manque de productivité et à
l'absentéisme causés par les accidents ou l'utilisation
de ces drogues.
M. Réal Ménard: Merci.
C'étaient des questions simples et vous y avez répondu de manière très claire.
M. Michel Perron: Parfait, merci.
La présidente: Une étoile.
Monsieur Adams, s'il vous plaît.
M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Merci, madame la présidente.
[Traduction]
J'ai été très intéressé par ce que vous aviez tous deux à dire au sujet des réseaux...vos arguments sur les forces et les faiblesses des Canadiens devant la situation. Par exemple, c'est tout de suite un très gros avantage que d'avoir tâté le pouls d'une grande variété de communautés. Il est très utile d'avoir une idée de la consommation de drogues dans des milieux très, très différents, du centre de grandes villes jusque dans les territoires.
Je pense que vous avez tous les deux mentionné quelque part la standardisation. Je m'interroge sur cette question fondamentale des données. Je peux très bien voir que pour l'alcool et le tabac, il y a toute sorte de moyens de faire des calculs en plus d'interroger des gens et de leur demander «est-ce que vous consommez du tabac?», ou quoi que ce soit d'autre. Vous faites des calculs de la consommation, etc. Mais pour ce qui est des drogues illicites, il me semble que c'est très différent. Par exemple, nous avons appris qu'il y a eu hausse de la quantité de drogues illicites saisies à la frontière. Maintenant, c'est très intéressant, mais à moins d'avoir une idée de la consommation au pays, vous ne pouvez pas savoir quel pourcentage du total cela représente.
En ce qui concerne les drogues illicites, la collecte des données et leur standardisation, pouvez-vous vraiment nous dire que la consommation de certaines drogues illicites est en hausse? Est-ce que vos données sont suffisamment précises et standardisées pour indiquer une tendance de ce genre? C'est l'idée générale de ma question.
L'autre question, est la suivante: Y a-t-il des progrès du côté de la cueillette des données? Est-ce qu'il devrait y avoir amélioration? Que faudrait-il faire? Comprenez-vous ma question?
Dre Colleen Dell: Oui.
M. Peter Adams: Parce que si on doit s'attaquer à un problème, il faut en connaître l'ampleur. J'ai l'impression que nous ne connaissons pas vraiment l'ampleur du problème en ce qui concerne certaines de ces drogues illicites.
Dre Colleen Dell: Définitivement, il y a une chose, au sujet de ces sites du RCCET, et ce qui est fourni... Quand on parle de standardisation, lorsque nous avons examiné les données, au RCCET, il y avait un peu de données qui provenaient de Charlettown, un peu de Winnipeg, et aussi de Vancouver. On ne peut pas faire de comparaison. Ensuite, nous avons examiné les données nationales du Canada, ce qui pouvait être subdivisé au niveau individuel et ce avec quoi nous pourrions les comparer. Disons qu'il y ait un sondage national sur la santé de la population, que fait Santé Canada, lequel pose une question spécifique sur l'abus d'alcool. Pouvons-nous extraire cette donnée et comparer Vancouver, disons, à Winnipeg et Charlottetown, ou à toute autre ville? Cela concerne l'alcool.
Il y aura une question sur les drogues illicites dans le deuxième volet de ce sondage, qui se fera en 2003, je crois. Mais ce n'est qu'un sondage. Vous voyez les difficultés inhérentes que pose le sondage.
M. Peter Adams: Ça, c'est au sujet de l'alcool, ces données que vous avez obtenues.
Dre Colleen Dell: Oui. Pour les drogues illicites, il y a une question qui sera posée dans un des sondages que fera Santé Canada. Ce n'est donc qu'une question, dans le cadre d'un sondage.
Qu'arrive-t-il, cependant, lorsqu'on se penche sur les données relatives aux saisies, par exemple, d'une certaine drogue illicite à Winnipeg? Lorsque nous examinons les données d'un site du RCCET, si nous avons la GRC, la GRC locale s'y intéresse; nous avons des gens de groupes communautaires; nous avons l'Addictions Foundation of Manitoba, etc. Nous pouvons prendre cette information telle qu'elle est, alors il ne s'agit pas seulement que d'un chiffre, parce que, peut-être, il y a eu des changements dans les méthodes de déclaration, ou quoi que ce soit d'autre. Nous prenons ce chiffre et nous pouvons le situer en contexte pour cette ville. Est-ce que je me fais comprendre?
M. Peter Adams: Oui, je comprends.
Dre Colleen Dell: Alors, oui, nous pouvons placer ceci dans son contexte. Nous pouvons faire cette instantanée de la ville comme ça.
• 1640
Il est difficile de dire dans quelles mesures nous voulons
procéder ainsi en fait de standardisation dans tout le pays.
Cependant si nous avions une série de données nationales avec
lesquelles nous pouvions travailler, ce serait d'autant mieux. La
dernière que nous avons eu, comme l'a dit Michel, date d'il y a
près de dix ans.
Pour ce qui est de l'amélioration, nous n'examinons pas que les données quantitatives et les chiffres. Si on veut évaluer la consommation de drogues illicites, du point de vue méthodologique, il faut procéder par triangulation; on voudra analyser des données plus qualitatives, découvrir ce qui se passe sur la rue, etc. Ainsi, peut-on se permettre de faire des comparaisons dans tout le pays? L'un de mes domaines d'expertise est la méthodologie qualitative, et je vous dirais que c'est possible. Il y a certaines façons de faire les interviews, d'aller dans la rue, d'avoir des groupes de discussion dans les salles d'urgence, etc. Alors ce serait possible.
Le CEWG, le Community Epidemiological Working Group des États-Unis, qui existe depuis 25 ans, a fait une étude très intéressante, une étude ethnographique de la consommation de drogues illicites dans 10 grands centres urbains des États-Unis. Ils ont attribué des fonds à cette étude et ils ont pu faire une certaine standardisation pour voir ce qui se passe avec une certaine substance.
M. Peter Adams: Alors vous revenez de la consommation à la quantité de drogue. Parlons du cannabis qui, comme l'a dit Randy, existe depuis longtemps. De toute évidence, c'est une drogue illicite. Les gens vous donneront certains renseignements dessus, mais vous n'avez pas beaucoup d'information sur la situation réelle. Alors, au sujet du cannabis, avec quel degré de certitude pourriez-vous nous dire que la consommation de cannabis a augmenté de tel pourcentage cette année, baissé de tant ou est la même? Je poserai ensuite la même question au sujet de l'ecstasy qui, comme a dit Randy, est une nouvelle drogue ici.
Et lorsque vous répondrez, dites-moi aussi si je dois présumer que vous commencez par interroger les gens—comme vous l'avez laissé entendre dans le cas du Manitoba—en demandant «Avez-vous consommé de l'ecstasy dernièrement?» pour ensuite appliquer vos données à toute une population? Vous essayez de déterminer la consommation totale dans la population.
Dre Colleen Dell: Je ne pense pas qu'on puisse aller d'un endroit à l'autre et déclarer voilà la moyenne nationale pour le Canada; voici ce qui se passe au Canada. Pour cela, il faudrait appliquer une méthode uniforme dans tout le pays, qui soit mise en oeuvre de la même manière à chaque endroit au lieu de contrôle, ou ce que vous voulez l'appeler.
Ce que nous faisons, c'est un instantané, et c'est ce que nous pouvons faire de mieux. Si nous avions les ressources et l'argent pour faire ce qu'il faut pour vraiment comprendre la situation au Canada en matière de consommation d'ecstasy ou d'OxyContin, ou de quoi que ce soit d'autre, ce serait bien différent—si vous pouviez investir cet argent-là.
M. Michel Perron: Peut-être puis-je ajouter un mot. Vous voulez savoir si on peut constater une tendance à la hausse, à la baisse, ou autre dans la consommation du cannabis...
M. Peter Adams: Pourriez-vous dire en toute certitude qu'il y a une tendance quelconque—c'est là, vraiment, ma question.
M. Michel Perron: En deux mots, oui, il y a une hausse de la consommation de cannabis parmi les étudiants du secondaire, de la septième année à la treizième année en Ontario, et cette tendance est aussi constatée au Manitoba. Je désigne ces provinces précisément parce que ce sont les deux seuls endroits où des renseignements spécifiques ont été recueillis auprès d'une population similaire, en fait d'âge. Vous verrez que l'âge du début de consommation baisse dans certaines régions, ou augmente dans d'autres. Nous ne pouvons pas vous donner de chiffres à l'échelle du Canada parce que nous n'avons pas ces renseignements. Nous pouvons nous fier aux données des provinces parce qu'en fait, elles les ont recueillies.
Mais c'est plus qu'une démarche ponctuelle, comme vous l'avez dit. Il faut une tendance. Il faut pouvoir comparer les données d'une année à l'autre. Alors, avec les données de l'Ontario et du Manitoba, nous pouvons dire avec un certain degré de certitude, étant donné leur méthode de sondage dans les écoles, que oui, la consommation du cannabis est en hausse, tout comme celle d'ecstasy.
Maintenant, il y a toutes sortes de déterminants. De quel type de cannabis s'agit-il? Quel est le degré de pureté du cannabis? Quel est le degré de pureté de l'ecstasy? Qui a-t-il de combiné à l'ecstasy et à toutes sortes d'autres drogues en vente dans les clubs? C'est là que l'eau se trouble.
En ce qui concerne le comité et ce que vous pourriez vouloir faire en fait de cueillette de données, quelles que soient les mesures que nous adopterons au Canada, elles devront être maintenues sur une longue durée. Nous ne pouvons pas continuer d'ouvrir et de refermer le dossier des drogues en espérant nous faire une bonne idée de la situation, puis revenir 10 ans plus tard pour essayer encore de la cerner.
M. Peter Adams: Chacun des éléments de la tendance doit avoir une valeur connue. Vous ne pouvez pas mettre des éléments cette année qui ne sont pas très bien, et en mettre d'autres l'année prochaine qui sont excellents, puis tirer une ligne entre les deux.
Au sujet de ce que vous avez dit du rôle du comité—je ne faisais pas de critique, en passant, d'aucune façon, parce que j'admire énormément, particulièrement les bénévoles, tout ce que vous avez pu faire—j'essayais d'avoir un exemple. S'il existait un autre type de maladie—nous parlons beaucoup de ce genre de chose, de nos jours—pour qu'on puisse formuler une stratégie fédérale, et c'est réellement notre but, ici, il faut en fait avoir certaines indications...
M. Michel Perron: C'est là le problème.
M. Peter Adams: ...que la maladie se répand. Je veux dire par-là que si la maladie diminue et est sur le point de disparaître ou quelque chose du genre, cela a une grande incidence sur les mesures que vous allez prendre à son sujet. C'est cela où je veux en venir, et c'est pourquoi je m'intéresse à la cueillette des données et à la qualité des données recueillies. Alors je vous remercie.
Dre Colleen Dell: Si je peux ajouter un mot, nous nous emballons vraiment lorsque sont diffusés les résultats d'une nouvelle étude ou d'un nouveau sondage qui disent voici ce qui arrive au Manitoba, et nous acceptons ces conclusions telles qu'elles sont, en quelque sorte. Je pense que ce qu'il nous faut, aussi, c'est avoir un regard critique sur ce sondage, non pas spécifiquement celui sur le Manitoba, mais si un nouveau sondage sort, nous devrions nous demander quelle est son intégrité méthodologique? Qu'est-ce que ces conclusions représentent réellement? Dans quelle mesure est-ce qu'elles représentent cette population? Si c'est un sondage mené dans une école, il n'y a que des enfants à l'école. Qu'est ce que cela veut dire? Alors nous nous enthousiasmons réellement lorsque des nouvelles données sont diffusées, mais nous devons les qualifier ou les situer en contexte, aussi.
M. Peter Adams: Je vous remercie beaucoup.
Merci, madame la présidente.
La présidente: Merci, monsieur Adams. C'est un peu comme un professeur qui parle au professeur. C'était fantastique.
Monsieur Sorenson.
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne): Ce n'est pas comme un professeur qui parle à un autre professeur; c'est comme...
La présidente: Le père qui parle.
M. Kevin Sorenson: Oui. Cela vient peut-être de quelqu'un qui ne comprend pas forcément le problème dans la même mesure que d'autres qui siègent à ce comité. Je suis nouveau au comité, et je n'ai pas beaucoup lu sur le sujet, comme le rapport. Je suis impatient d'obtenir une copie de ce rapport.
J'ai une question à vous poser. La semaine dernière, nous nous sommes réunis en comité, et j'ai fait une déclaration selon laquelle mes enfants n'ont jamais consommé de drogue, jamais connu les drogues, et l'audience s'est bruyamment esclaffée. Elle m'a pensé très naïf. Ensuite, je pense qu'elle a été très satisfaite d'apprendre que mes enfants sont encore âgés de moins de 10 ans. Au Canada, avons-nous abandonné la partie au sujet de ce problème, en nous disant qu'on ne peut pas croire que des jeunes aient pu faire l'expérience de ce genre de drogue? Est-ce que nous sommes quelque peu défaitiste, dans nos attitudes? Est-il vrai que nous ne pourrions jamais envisager—comme le sénateur l'a dit la semaine dernière—de prohibition, que nous n'envisagerions jamais de quoi que ce soit qui signifierait, en fait, pas de consommation de drogue, alors que nous parlons de choses comme la réduction des méfaits, la réduction au minimum de la consommation de drogues, de la consommation de drogues illicites?
Dans ma circonscription, les drogues ne posent pas un gros problème. C'est une circonscription surtout rurale. Je ne serais pas assez naïf pour dire que ce n'est qu'un problème urbain dans notre pays, et peut-être est-ce la disponibilité des drogues dans les régions urbaines, mais il est certain que c'est dans les régions urbaines que se regroupent les consommateurs, les toxicomanes et les utilisateurs. Dans ma circonscription, je ne vois pas beaucoup d'abus de la chose. Il y a un peu de consommation de marihuana, et ce genre de choses.
Est-ce que nous avons une attitude défaitiste? Lorsque nous avions devant nous le directeur de la stratégie antidrogue du Canada, je lui ai demandé: «Vous avez un budget de 33 millions de dollars. Est-ce que nous gagnons, avec cette stratégie? Avons-nous une stratégie gagnante?» Sa réponse a été qu'il n'y a pas moyen de juger si nous remportons la partie ou non. Si j'y regarde de près, je dirais que manifestement, puisque nous avons une réunion de comité sur la question, nous ne sommes pas en train de gagner. Vous avez un travail à faire parce qu'il y a des préoccupations et nous ne gagnons pas. Peut-être la première partie de la victoire dans n'importe quelle lutte, c'est d'arrêter de nier le problème de dire oui, nous nous faisons battre à plate couture et il est temps de commencer à nous demander pourquoi. Beaucoup de gens qui viennent ici n'oseraient pas nous dire que nous perdons. Je trouve cela incroyable. Nous examinons ici ce qu'est la nature, l'ampleur, les conséquences de la toxicomanie. Alors, où en sommes-nous?
M. Michel Perron: Si nous gagnons? C'est une excellente question. Si difficile qu'il soit d'y répondre et bien que j'aimerais vraiment creuser...
M. Kevin Sorenson: Et pourriez-vous aussi parler un peu de la réduction des méfaits?
M. Michel Perron: Bien sûr.
Laissez-moi d'abord préciser que toute la discussion autour de la légalisation, de la décriminalisation et de la réduction des effets—et je risque de blesser bien involontairement quelques susceptibilités ici—nous écarte du véritable enjeu, à savoir ce que nous voulons pour la population du Canada. Que voulons-nous pour nos enfants?
• 1650
Sommes-nous défaitistes? Il faut d'abord nous demander si nous
sommes prêts à accepter que nos enfants tâtent la chose pendant
leur adolescence, qu'il risque d'y avoir du cannabis dans leurs
soirées et le reste. Oui, les jeunes vont faire des expériences. À
partir du moment où nous sommes conscients que cela arrivera
comment pouvons-nous réduire les risques au minimum—sans
nécessairement chercher à réduire les effets? Comment pouvons-nous
réduire au minimum les risques associés à la consommation de
drogue, à la consommation problématique, chez tous les Canadiens?
Vous avez parlé des drogues illicites. Lorsque nous avons étudié les coûts associés au tabac, à l'alcool et aux drogues illicites, nous avons constaté que l'alcool est une drogue extrêmement présente au Canada et qu'elle coûte très cher. On se dit que c'est légal. Ce n'est pas illégal. Le fait est que cela fait partie intégrante des fêtes chez les jeunes, des petites soirées qui commencent par une caisse de 24, après quoi vous prenez le volant et allez vous promener, et de celles où vous vous saoulez, puis avez une relation sexuelle à risque et attrapez une MTS ou le VIH. Nous devons tenir compte de toute la question de la consommation de substances illicites et psychotropes par des Canadiens. Nous savons que des gens consommeront de l'alcool ou des drogues. Maintenant, que pouvons-nous faire pour en réduire les effets néfastes au minimum?
Pour ce qui est de la guerre...j'utilise le mot «guerre» dans le sens de la guerre contre les drogues. Je sais que vous n'avez pas utilisé ce terme, mais c'est celui qu'ont utilisé les journalistes de CBC lorsqu'ils m'ont demandé, la semaine dernière, si nous allions gagner la guerre contre les drogues. Cette notion s'applique plutôt aux États-Unis. Je ne crois pas qu'on puisse parler d'une guerre contre les drogues au Canada. Beaucoup de gens vous affirmeront le contraire. En fin de compte, le Canada a toujours vu la question sous l'angle de la santé sociale, alors que les États-Unis l'entrevoient plutôt sous celui de la sécurité nationale. C'est une autre paire de manches.
Je ne crois pas que nous soyons perdants. Je crois plutôt que nous devons accepter le fait que certaines personnes consomment des drogues et tenter d'en réduire les coûts le plus possible. Comment? Nous devons d'abord savoir d'où en viennent les coûts. Nous devons connaître l'étendue et l'importance de la consommation de diverses drogues. Nous devons savoir comment se manifestent les effets négatifs et comment nous pouvons les atténuer.
La réduction des effets est un concept très intéressant. Il n'en existe pas de définition commune. Ainsi, je recommanderais aux membres de ce comité, dans l'exercice de leurs fonctions, de créer leur propre définition ou d'en choisir une, parce qu'en bout de ligne, les gens n'arrivent pas à s'entendre: pour certains, la bonne définition est A, pour d'autres, c'est B.
À la base, la réduction des effets consiste à réduire les effets immédiats attribuables à la consommation excessive d'alcool ou de drogue. Concrètement, cela signifie d'utiliser des seringues stériles plutôt que des seringues sales, de boire du whisky plutôt que de l'alcool à friction, d'ouvrir la SAQ, le LCBO ou autres magasins de boisson à 9 heures du matin, pour que les gens de la rue aient accès à autre chose que de l'alcool à friction.
Il y a différents problèmes. Nous parlons souvent des piliers d'une stratégie antidrogue et de la réduction des effets, de contrôles policiers, de traitement et de prévention. Pour ma part, j'aimerais que le Canada se dote d'une nouvelle stratégie de lutte antidrogue, dont ces concepts seraient des outils plutôt que des piliers.
Je pense que nous devrions essayer de créer une stratégie canadienne complètement nouvelle, une stratégie novatrice et intégrée conçue pour faire du Canada un endroit plus sain. On peut favoriser la réduction des effets, la prévention, mais que voulons-nous comme politique antidrogue? Que voulons-nous comme politique de santé canadienne? Cela s'applique à toutes les parties du système, qu'il s'agisse de réduction des effets ou de contrôles policiers.
J'espère avoir bien répondu à votre question.
M. Kevin Sorenson: Oui, vous y avez répondu, et je vous en suis reconnaissant. Je pense aux effets des drogues, que nous voudrions réduire, et j'ai envie de vous raconter une petite histoire. J'ai une amie très proche—je devrais plutôt dire une parente...
La présidente: C'est très proche effectivement.
M. Kevin Sorenson: J'ai plus d'un ami ou connaissance dans cette situation, mais cette personne a grandi dans une très bonne famille et est allée un jour à une fête, où elle a été tentée. Il y avait de la drogue. Elle ne voulait pas essayer, mais ses copains l'y pressaient. Elle n'en avait jamais pris auparavant. Elle a donc essayé une fois, mais elle est tombée sur de mauvaises drogues. D'étudiante modèle, elle est devenue une—je ne sais même pas comment la qualifier maintenant—une mésadaptée sociale aux prises avec des problèmes énormes, une grande instabilité émotionnelle, et tout, et tout. Tout cela à cause de mauvaises drogues.
Il y a deux façons de voir la chose. Comment pouvons-nous faire pour réduire les effets de l'alcool et des drogues? Je ne suis pas prohibitionniste, mais en tant que parent, je raconterais cette histoire à mes enfants en leur disant de refuser d'en prendre. D'autres membres de ce comité proposeraient plutôt de voir à la qualité des approvisionnements, que cela implique deux...
M. Michel Perron: Laissez-moi vous proposer une solution intermédiaire, si je peux me permettre. Dire non aux drogues, d'accord, mais à quoi dire oui? C'est une autre façon de voir les choses, qui pourrait intéresser le comité. Dire non aux drogues, c'est excellent, mais à quoi disons-nous oui? À quoi les Autochtones et les Innus du nord du Labrador disent-ils oui? À une pauvreté extrême, à l'absence de tout espoir de sortir de ce cercle de pauvreté, d'abus et j'en passe.
Idéalement, on voudrait dire oui au théâtre, à l'emploi... C'est là, à mon avis, où notre stratégie de lutte antidrogue doit s'insérer dans le contexte général de l'emploi, de l'innovation, de l'informatique, et ainsi de suite.
Donc, c'est une chose que de dire non aux drogues, mais la solution ne consiste pas nécessairement à donner accès à des drogues non plus.
Dre Colleen Dell: Puis-je ajouter un mot là-dessus?
Je regarde toujours les choses d'un point de vue global. Comme membres de ce comité, il faut que vous vous demandiez comment le phénomène est si profondément ancré. Lorsque vous demandez si nous allons gagner, pensez à la façon dont les substances illégales s'insèrent dans nos vies de tous les jours, dans notre culture, dans nos médias. Je donne un cours en toxicomanie, et l'une des choses que nous étudions est la présence du phénomène dans les médias et dans les publicités télévisées. On vous montre des gens qui font la queue pour avoir de la gomme Trident et qui ont l'air au beau milieu d'un rave. On voit de petits enfants—je ne sais pas si vous avez vu cette publicité—assis autour d'une table, quand l'un se met à dire «je n'avais jamais essayé, puis j'ai commencé, je me suis senti accroché et je ne pouvais plus arrêter». Ils parlent de lecture.
La drogue est de plus en plus présente dans notre culture. Nous devons réfléchir là-dessus. Qu'est-ce qui est acceptable? Pourquoi faisons-nous référence aux drogues pour parler de lecture? Donc, pour placer tout cela dans le contexte plus large dont Michel parlait...
M. Michel Perron: Puis-je faire une petite remarque, madame la présidente?
On se demande si nous allons gagner. À Winnipeg, 38 p. 100 des élèves du secondaire consomment de la drogue. Un journaliste me demandait pourquoi. Comme je lui ai répondu, pourquoi ne nous demandons-nous pas pourquoi 62 p. 100 n'en prennent pas? Moins d'un pour cent des Canadiens consomment de l'héroïne, contre 99 p. 100 qui n'en prennent pas. Donc, quand nous parlons de formule gagnante, il ne s'agit pas seulement de reconnaître qu'il y a d'énormes problèmes à régler. Nous devons reconnaître quels sont les problèmes exactement et tenter de les réduire autant que ne le pouvons. N'oublions pas que la grande majorité des Canadiens choisissent de ne pas consommer de drogues.
La consommation de drogues licites est prédominante. La raison en est évidente. Elles sont disponibles et légales. C'est pourquoi 80 p. 100 des Canadiens boivent fréquemment de l'alcool. Mais de là à dire combien en surconsomment... Je crois qu'il ne suffit pas de dire que la moitié de la population est en faveur de la légalisation du cannabis. Qu'est-ce que cela signifie au juste, si c'est vrai? J'ai lancé un chiffre, sans savoir vraiment.
La question qu'il faut se poser est: quelles en sont les conséquences sur la consommation d'alcool et de drogue? Je crois que c'est là où nous devons en venir: comment cela nous affecte-t-il en tant que familles, parents, éducateurs, parlementaires?
Je vous remercie. Je m'excuse d'avoir parlé si longtemps, mais je tenais à le préciser.
La présidente: Il reste une question à M. Sorenson, mais M. White doit bientôt prendre l'avion, et nous lui donnerons donc la parole. Je reviendrai plus tard sur la question en suspens à laquelle j'aimerais une réponse.
M. Randy White: Je vous remercie. Je suis désolé. Je dois partir pour aller prendre mon avion. Je crains que ce ne soit l'une des raisons pour lesquelles il y a quelques sièges vides ici. Le jeudi soir n'est pas un bon moment pour se réunir.
Est-il temps pour le Canada de songer à se doter de ce que j'appellerais des «tsars de la lutte antidrogue», soit d'un organisme fédéral semblable au vôtre qui s'occuperait des questions de toxicomanie, un organisme où concentrer tous les investissements, plutôt que de les répartir entre plusieurs ministères comme maintenant, qui se chargerait de redistribuer les fonds entre des organismes similaires dans chacune des provinces, plutôt qu'à des dizaines d'organismes différents, comme maintenant.
M. Michel Perron: Si nous prenons l'exemple des autres pays du G-8, on observe un leadership beaucoup plus centralisé en matière de drogue qu'ici. Avec un tsar de la lutte antidrogue, nous aurions un bureau central responsable et tout ce que cela comporte, y compris des crédits budgétaires.
J'ai travaillé pendant un certain temps pour le Secrétariat de la Stratégie canadienne antidrogue, à la deuxième phase de la stratégie. L'une des plus grandes difficultés pour le secrétariat—nous étions responsables de la coordination de la stratégie—était que nous n'avions ni les moyens, ni la responsabilité, ni le mandat de le faire. Nous tentions donc, par des moyens de persuasion morale, de convaincre untel de nous montrer son budget et à un tel autre de donner son surplus à un autre ministère. Cela ne fonctionne pas, nous le savons très bien.
Je crois que si nous nous questionnons sur nos besoins, Santé Canada est le principal ministère s'occupant de la Stratégie canadienne antidrogue. La première question que j'aimerais poser est à savoir si c'est effectivement le ministère qui convient, s'il a les outils, le mandat et les ressources nécessaires pour cela? Devrions-nous plutôt nous doter d'un organisme central qui tirerait les cordons de la bourse, qui gérerait tous les fonds? Je n'en suis pas sûr.
Je crois que notre stratégie serait beaucoup plus efficace si nous augmentions les responsabilités et améliorions la coordination des activités des trois principaux ministères responsables, soit le Solliciteur général, le ministère de la Justice et celui de la Santé. Cela ne serait pas sans rappeler l'Initiative nationale sur le bénévolat, à laquelle participent autant de ministères.
• 1700
J'aimerais beaucoup que le gouvernement fédéral adopte des
protocoles d'entente avec les provinces en ce qui concerne leurs
rôles dans le cadre d'une stratégie antidrogue. Ce serait très
efficace, selon moi. Nous pourrions alors leur dire: «Vous vous
occupez des traitements, nous nous occupons de distribuer les fonds
au moyen du Programme de traitement et de réadaptation en matière
d'alcoolisme et de toxicomanie et nous nous occupons aussi des
paiements de transfert aux provinces. Voilà ce qu'on attend de vous
pour la lutte antidrogue.»
Je crois qu'il y aurait lieu de coordonner et d'intégrer davantage nos activités. Cela pourrait se faire grâce à un organisme central, mais avant de faire le grand saut, il serait peut-être bon de demander à Santé Canada s'il a les outils nécessaires pour faire ce qu'il fait.
M. Randy White: Je vous remercie.
La présidente: C'est moi qui vous remercie.
À cet égard, d'après les exposés que nous avons entendus des divers ministères, il semblerait que ce qui nous tient le plus à coeur, c'est-à-dire la prévention, relève de la GRC, plutôt que d'autres ministères.
M. Sorenson nous a demandé quelle toxicomanie posait problème dans sa circonscription, puisqu'elle est très rurale. Je cherchais la réponse. J'estime que ce n'est pas tant un clivage entre la ville et la campagne, que ce pourrait être en fait une question démographique—l'âge de la population—et une question du genre de drogue dont on parle. Il existe indubitablement des régions du pays où, par le passé, beaucoup de personnes consommaient des valiums, des somnifères ou que sais-je encore. Ces produits sont peut-être licites, sur le plan technique, mais ils causent tout de même une dépendance. Je me demande si vous avez quelque chose à dire à ce sujet.
M. Kevin Sorenson: J'ai une toute petite question en rapport avec cela. Cette toxicomanie telle qu'elle existe au Canada...? J'ignore s'il est déjà arrivé qu'elle baisse, mais augmente-t-elle ou diminue-t-elle par rapport à l'alcool? Je sais que l'alcool est l'une des substances, mais quand on parle de drogues plus dures, est-ce lié à l'augmentation ou la diminution de la consommation d'alcool comme c'est le cas, par exemple, de la consommation de marijuana ou d'héroïne? Y a-t-il un moyen...?
La présidente: Vous voulez dire que s'ils consomment de l'héroïne, ils ne consomment pas d'alcool?
M. Kevin Sorenson: Non. Ce que je veux savoir, c'est si la croissance ou la décroissance de la consommation s'accélère ou ralentit par rapport à l'augmentation de la consommation d'alcool?
M. Michel Perron: Vous supposez que nous connaissons la prévalence de la consommation au Canada, ce qui n'est pas le cas.
M. Kevin Sorenson: Ce n'est pas le cas.
M. Michel Perron: Désolé, mais je n'essaie pas, croyez-moi, d'être insolent.
M. Kevin Sorenson: Non, c'est une bonne...
M. Michel Perron: Lorsque nous avons des données sur la consommation dans les provinces, il n'y a pas de lien établi comme tel avec l'utilisation d'alcool ou d'autres substances. En fait, on n'établit pas de corrélation—je crois que c'est ce à quoi vous faites allusion—entre la consommation d'alcool et la consommation d'autres substances, de sorte que si nous ignorons si, lorsqu'on consomme plus d'alcool, la consommation de cannabis ou d'autres drogues augmente.
On pourrait par contre observer une substitution, en ce sens que les jeunes, sachant qu'il est interdit de prendre de l'alcool au volant, pourraient se rabattre sur le cannabis, parce que nous savons tous que les policiers n'ont pas d'analyseur de l'haleine qui mesure la présence de cannabis. La plupart des jeunes interrogés au Manitoba la semaine dernière ont dit qu'ils conduisaient beaucoup mieux après avoir fumé un joint. Il est donc intéressant de voir comment la consommation peut changer.
Je laisse à Colleen le soin de répondre aux autres parties de la question.
Dre Colleen Dell: Pour ce qui est du clivage entre la ville et la campagne, je ne crois pas qu'il y en ait un. Il faut voir le contexte social plus général, la condition économique et sociale et ainsi de suite.
Prenons l'exemple de l'OxyContin aux États-Unis, où l'on qualifie cette substance de «drogue de la campagne» parce qu'elle a fait surface pour la première fois dans une petite localité rurale. Je crois que c'est faux, qu'elle est passée par la ville avant d'aboutir dans la campagne.
Je me suis entretenue la semaine dernière avec quelqu'un qui arrivait d'Halifax où elle s'occupe de programmes de soins de santé. Elle m'a parlé de la même chose. Ils ont une petite collectivité rurale là-bas. La drogue serait partie de là pour aboutir en ville. Je ne me souviens plus de quelle substance elle me parlait au juste, mais il s'agissait d'une drogue illicite qui a fini sur le marché en ville. Elle venait d'une petite localité.
Voilà un autre mythe contre lequel il faudra peut-être lutter.
La présidente: Vous avez mentionné plusieurs fois que nous n'avons pas d'étude et vous nous avez dit quel genre d'étude vous aimeriez mener. Ma question est, je suppose, combien de temps cela prendrait, combien elle coûterait et à quelle fréquence il faudrait la répéter pour que les données soient pertinentes?
Dre Colleen Dell: Si l'on parle d'une étude nationale, d'une étude longitudinale, ce qui serait préférable pour pouvoir cerner les tendances dans le temps, ce serait idéal. L'idéal pour le Canada serait d'avoir un tableau national. Cependant, quelqu'un comme notre coordonnateur sur place à St. John's vous dirait: «Oui, mais cela ne renseigne pas sur la population ici à St. John's, parce qu'elle n'est pas représentative de tous».
Les indicateurs sur lesquels nous nous penchons par l'intermédiaire du Réseau communautaire... Il existe différents moyens de réunir les données, comme je l'ai dit. Aux États-Unis, ils utilisent DAWN, une importante étude nationale. Mais s'il est question de leadership fédéral, s'il y avait une normalisation quelconque, même si ce n'était qu'un plus grand partage de l'information, des données de traitement ou de je ne sais quoi encore... Il existe beaucoup de données sur la morbidité ou la mortalité. Il est très difficile de savoir à quel point elles sont partagées, par exemple par l'intermédiaire de l'ICIS ou d'un autre organisme du genre. Cela coûte également très cher. Donc, il existe beaucoup de données, mais la coopération et tout le reste ne sont pas forcément au rendez-vous.
• 1705
C'est de ce genre de leadership dont nous avons besoin, pour
d'abord obtenir les données qui existent, puis de faire peut-être
une analyse du contexte, ce que nous faisons au Réseau
communautaire, et enfin de commencer à remplir les trous et d'être
plus réalistes quant aux autres données qu'il nous faudrait.
M. Michel Perron: Un moyen serait peut-être d'essayer d'obtenir l'information. L'exécution d'une étude nationale de prévalence chaque année serait excessive. Il serait plus raisonnable peut-être de la faire tous les deux ans. Une fois que tout est bien en place et qu'elle est devenue périodique, selon les établissements d'enseignement et ainsi de suite, le coût commencera à baisser. Par ailleurs, le coût ne serait pas exorbitant, étant donné ce que nous tentons de faire.
La présidente: Exorbitant pour qui?
M. Michel Perron: Je n'en ai aucune idée. Une étude nationale coûte peut-être 100 000 $, je suppose. Pour une étude représentative dont nous pouvons ventiler les données par province, pas forcément par ville, il serait peut-être de 100 000 à 150 000 $. Supposons que l'enquête est faite par téléphone. Bien des toxicomanes n'ont pas le téléphone. Comment les rejoindre? C'est là selon moi qu'il faut avoir des mécanismes de collecte de l'information très précis et adaptés à la situation. Le Réseau communautaire pourrait en être un. On pourrait vouloir faire des études spéciales sur un thème, par exemple sur les jeunes de la rue, sur les sans-abri, sur les employeurs ou employés en milieu de travail, sur les femmes ou sur les personnes âgées.
Je ne dis pas qu'il faudrait faire toutes ces études chaque mois, mais bien qu'il serait préférable de trianguler, d'enrichir la base de données au fil des ans et d'y intégrer différentes sources—d'y intégrer également des indicateurs qualitatifs, ce qui vous donne en quelque sorte un tableau plus général.
Donc, faisons une étude nationale tous les deux ans, au coût de 150 000 $ peut-être. Puis, on pourrait régulariser en effectuant une étude de coût tous les deux ans. Idéalement, quand on commence à faire une étude de coût tous les deux ans, on sait où se trouvent les coûts—on sait s'ils augmentent ou s'ils baissent, on peaufine la méthodologie d'évaluation des coûts, on voit si les investissements et les investissements ciblés font baisser les coûts et, en fait, si on est efficace. C'est une idée.
La présidente: D'accord. Pour essayer d'obtenir l'information, combien de temps faudrait-il? Parlons-nous de mois, d'années ou de quelques semaines seulement?
Dre Colleen Dell: En termes d'unités sentinelles et de tout le reste, sans oublier les données qualitatives et quantitatives, ce ne serait pas difficile du tout. Il y a moyen de le faire. On peut faire une enquête éclair, dans le cadre de laquelle on demanderait à chacun, dans tous les sites, de faire exactement la même chose, de réunir les mêmes données pour une période de trois jours. Ensuite, on analyse les données et on peut avoir le résultat au bout de trois mois.
M. Michel Perron: Nous avons exécuté de concert avec les chefs de police un projet dans le cadre duquel nous avons réuni des données sur toutes les personnes arrêtées pendant un mois dans 26 villes. Cela ne nous a rien coûté. Les chefs de police ont dit qu'ils étaient suffisamment convaincus du bien-fondé du projet pour nous les fournir sans frais. Bien sûr, cette méthode ne résisterait peut-être pas aux critères de rigueur scientifique les plus détaillés, mais elle nous donne une idée de la situation. Il existe donc différents moyens de le faire.
Pour ce qui est du temps que cela peut prendre, c'est assez long. Le comité estime peut-être qu'il faut presser le pas. En toute honnêteté, il serait beaucoup plus utile d'essayer de bâtir quelque chose sur vingt ans que de tout faire en un an, parce que ce serait très difficile.
La présidente: Vous savez que nous allons voyager d'un bout à l'autre du pays. S'il y a des personnes que nous devrions rencontrer, des lieux que nous devrions visiter ou des projets intéressants que nous devrions examiner, dites-le-nous. Nous avons établi un itinéraire de voyage; il ne nous manque que le financement.
M. Michel Perron: Sur ce point, madame la présidente, les dirigeants des organismes de lutte contre la toxicomanie m'ont demandé de vous dire qu'ils accepteraient volontiers de comparaître devant le comité, mais qu'ils aimeraient également vous rencontrer et discuter avec vous de façon informelle, comme nous sommes en train de le faire à l'instant. Cela vous permet de poser des questions sur les mesures à prendre, la façon de procéder, ainsi de suite.
Je suppose que ces organismes pourraient également vous aider à organiser des consultations à l'échelle locale, à vous prêter main-forte dans ce domaine. Je suis certain qu'ils accepteraient volontiers de vous aider, vous et vos attachés de recherche.
La présidente: D'accord. Merci.
• 1710
Vous avez dit quelques mots au sujet des avantages ou des
inconvénients que présente le fait d'avoir un organisme central qui
oblige les autres à assumer leurs responsabilités. Vous avez parlé,
madame Dell, de la campagne de sensibilisation du public qui,
manifestement, porte fruit—elle capte l'attention des gens qui se
font beaucoup de souci pour ces enfants. Eux-mêmes semblent
comprendre les avantages et les inconvénients de l'influence des
pairs. En fait, ne parlez-vous pas de la même chose que M. Perron
quand vous dites qu'il faut définir les besoins du Canada, adopter
une stratégie, intégrer nos efforts? Vous savez, les enfants vont
prendre des risques dans la vie. Qu'est-ce qui constitue un risque
sain? Courir plus vite, sauter plus haut, faire du sport au lieu de
consommer de la drogue? Comment pouvons-nous arriver à élaborer une
stratégie qui met l'accent sur l'adoption d'un mode de vie sain?
Vous nous avez montré des diapositives qui comportaient des cases illustrant les niveaux de prévention primaire, tertiaire et secondaire—j'ai inversé l'ordre—et les différents âges de la vie d'une personne. Vous avez 10 ans et vous ne consommez pas de drogues, mais votre copain qui fréquente l'école voisine en consomme, ce qui peut vous inciter à faire la même chose. Votre famille traverse peut-être une crise, ou vous vous retrouvez dans une soirée où la compagnie laisse à désirer.
Vous vivez toutes ces expériences, et si vous ne bénéficiez pas d'appuis ou si, à l'école, vous êtes sensibilisé aux effets de la drogue mais qu'à l'université, vous subissez l'influence de vos pairs, cela n'est pas très efficace. Nous devons avoir accès à des mécanismes de soutien, à des stratégies. Il faut adopter une politique nationale, ce qui semble aller à l'encontre de ce que tout le monde réclame, c'est-à-dire la légalisation de la drogue.
Dre Colleen Dell: Vous avez prononcé les mots clés: un mode de vie sain. Si nous demandons aux enfants pourquoi ils ne consomment pas de drogues, pourquoi ils ne se laissent pas influencer par leurs pairs, ainsi de suite, ils vont vous répondre que c'est parce qu'ils sont bien entourés. Certaines personnes ne peuvent compter sur le soutien de leur famille, de leur père ou de leur mère, mais elles peuvent peut-être compter sur l'appui d'un enseignant. Il est utile d'avoir des réseaux de soutien de ce genre pour les jeunes et les moins jeunes. Vous pouvez vous rendre dans une université et voir, par exemple, quelles sont les personnes qui commencent ou non à fumer. Est-ce qu'elles peuvent compter sur l'aide de réseaux de soutien? Et qu'en est-il des personnes âgées?
M. Michel Perron: Vous avez parlé de politique, de légalisation. Je ne crois pas qu'il y ait beaucoup de personnes qui soient en faveur de la légalisation des drogues. Il faudrait demander à ceux qui y sont favorables ce qu'ils veulent au juste. Ils vont souvent vous dire qu'ils souhaiteraient qu'on apporte quelques modifications à la loi régissant la consommation de cannabis plutôt que de légaliser toutes les drogues.
Encore une fois, j'encourage le comité à poser des questions très précises aux témoins, à leur demander de formuler des recommandations bien précises. Il y a beaucoup de gens qui emploient le mot légalisation. Franchement, je ne crois pas qu'ils l'utilisent à bon escient, ou qu'ils l'interprètent de la même façon que vous. Ce qu'ils veulent, en fait, ce sont des changements, et dans la grande majorité des cas, quand j'assiste à des émissions-débats et à d'autres réunions, ils reviennent tous à la question du cannabis.
En fait, on accorde trop d'attention au cannabis et cela nuit, de manière générale, aux efforts que nous déployons en vue de lutter contre la toxicomanie au Canada.
La présidente: Très bien.
Est-ce que quelqu'un...? Madame Adams? Monsieur Sorenson?
M. Kevin Sorenson: Je m'apprête à partir.
La présidente: Vous êtes apprêtez à partir?
Eh bien, merci beaucoup. Nous tenons à vous remercier d'avoir accepté notre invitation aussi rapidement, et d'avoir fait preuve de patience pendant qu'on réglait certaines questions. La bonne nouvelle, c'est que vous pourrez tous avoir un exemplaire du compte rendu. Nous communiquerons sans doute avec vous tout au long du processus, parce que vous possédez une mine de renseignements. Vous nous avez donné beaucoup de matière à réflexion, et nous vous en sommes reconnaissants. Merci beaucoup à tous les deux, et bonne chance dans vos travaux. Merci.
M. Michel Perron: Merci.
La présidente: La séance est levée.