JUST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent de la justice et des droits de la personne
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 18 février 2003
¿ | 0905 |
Le président (L'hon. Andy Scott (Fredericton, Lib.)) |
Mme Joanne Cohen (coordonnatrice, Coalition des Rabbins libéraux canadiens) |
¿ | 0910 |
Le président |
R. P. William Oosterman (Église baptiste de Westboro) |
M. Svend Robinson (Burnaby—Douglas, NPD) |
Le président |
¿ | 0915 |
R. P. William Oosterman |
¿ | 0920 |
Le président |
R. P. William Oosterman |
Le président |
M. Barry Bussey («General Counsel», Affaires publiques, «Seventh-Day Adventist Church») |
¿ | 0925 |
¿ | 0930 |
Le président |
M. Nigel Flear (À titre individuel) |
¿ | 0935 |
¿ | 0940 |
Le président |
M. Vic Toews (Provencher, Alliance canadienne) |
¿ | 0945 |
Le président |
Mme Joanne Cohen |
M. Vic Toews |
Le président |
Mme Joanne Cohen |
Le président |
M. Vic Toews |
M. Barry Bussey |
¿ | 0950 |
Le président |
M. Richard Marceau (Charlesbourg—Jacques-Cartier, BQ) |
Le président |
M. Richard Marceau |
R. P. William Oosterman |
M. Richard Marceau |
R. P. William Oosterman |
Mme Joanne Cohen |
¿ | 0955 |
M. Richard Marceau |
R. P. William Oosterman |
M. Richard Marceau |
M. Barry Bussey |
Le président |
M. Svend Robinson |
À | 1000 |
R. P. William Oosterman |
M. Svend Robinson |
R. P. William Oosterman |
M. Svend Robinson |
R. P. William Oosterman |
M. Svend Robinson |
R. P. William Oosterman |
M. Svend Robinson |
R. P. William Oosterman |
M. Svend Robinson |
R. P. William Oosterman |
M. Svend Robinson |
R. P. William Oosterman |
M. Svend Robinson |
R. P. William Oosterman |
M. Svend Robinson |
R. P. William Oosterman |
M. Svend Robinson |
R. P. William Oosterman |
M. Svend Robinson |
R. P. William Oosterman |
M. Svend Robinson |
R. P. William Oosterman |
M. Svend Robinson |
R. P. William Oosterman |
M. Svend Robinson |
R. P. William Oosterman |
M. Svend Robinson |
M. Barry Bussey |
M. Svend Robinson |
M. Barry Bussey |
M. Svend Robinson |
M. Barry Bussey |
M. Svend Robinson |
À | 1005 |
M. Barry Bussey |
M. Svend Robinson |
M. Barry Bussey |
Le président |
M. Svend Robinson |
Le président |
M. Barry Bussey |
Le président |
M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.) |
Rabbin Steven Garten («Spiritual Leader, Temple Israel (Ottawa)», Coalition des Rabbins libéraux canadiens) |
À | 1010 |
M. Pat O'Brien |
R. P. William Oosterman |
Le président |
M. Richard Marceau |
À | 1015 |
Le président |
Mme Joanne Cohen |
Le président |
R. P. William Oosterman |
Le président |
Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.) |
Le président |
R. P. William Oosterman |
Mme Marlene Jennings |
À | 1020 |
R. P. William Oosterman |
Mme Marlene Jennings |
Le président |
R. P. William Oosterman |
Le président |
M. Svend Robinson |
R. P. William Oosterman |
M. Svend Robinson |
R. P. William Oosterman |
M. Svend Robinson |
R. P. William Oosterman |
M. Svend Robinson |
Rabbin Steven Garten |
À | 1025 |
M. Svend Robinson |
Le président |
M. Svend Robinson |
Le président |
Rabbin Steven Garten |
Le président |
Mme Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.) |
Rabbin Steven Garten |
Mme Hedy Fry |
Le président |
M. Nigel Flear |
À | 1030 |
Mme Hedy Fry |
M. Nigel Flear |
Le président |
M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Alliance canadienne) |
Mme Joanne Cohen |
M. Chuck Cadman |
Mme Joanne Cohen |
Le président |
R. P. William Oosterman |
Le président |
M. Barry Bussey |
Le président |
M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.) |
À | 1035 |
Rabbin Steven Garten |
Le président |
M. Richard Marceau |
À | 1040 |
R. P. William Oosterman |
M. Richard Marceau |
R. P. William Oosterman |
Le président |
M. Paul Harold Macklin (Northumberland, Lib.) |
Le président |
Mme Joanne Cohen |
Le président |
M. Barry Bussey |
Le président |
À | 1045 |
M. Barry Bussey |
Le président |
M. Svend Robinson |
R. P. William Oosterman |
M. Svend Robinson |
R. P. William Oosterman |
M. Svend Robinson |
R. P. William Oosterman |
M. Svend Robinson |
R. P. William Oosterman |
M. Svend Robinson |
R. P. William Oosterman |
M. Svend Robinson |
À | 1050 |
R. P. William Oosterman |
Le président |
M. Svend Robinson |
Le président |
M. Pat O'Brien |
M. Barry Bussey |
M. Pat O'Brien |
À | 1055 |
M. Nigel Flear |
Le président |
Mme Hedy Fry |
R. P. William Oosterman |
Mme Hedy Fry |
R. P. William Oosterman |
Mme Hedy Fry |
Le président |
CANADA
Comité permanent de la justice et des droits de la personne |
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 18 février 2003
[Enregistrement électronique]
¿ (0905)
[Traduction]
Le président (L'hon. Andy Scott (Fredericton, Lib.)): Je déclare ouverte la 18e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous entreprenons une étude sur la question du mariage et de la reconnaissance légale des unions homosexuelles.
Nous recevons aujourd'hui quatre groupes de témoins: la Coalition of Canadian Liberal Rabbis, la Westboro Baptist Church, la Seventh-Day Adventist Church et, comparaissant à titre personnel, Nigel Flear et Steve Rawlinson.
J'imagine que l'on vous a indiqué notre façon de procéder. Chaque groupe dispose de dix minutes. Si vous avez l'intention de partager votre temps, les dix minutes s'appliquent à tout le groupe. Nous avons eu quelques discussions sur le ton de ces délibérations et je vous exhorte à faire preuve de respect. Je n'en attends pas moins des membres.
Cela étant dit, je donne la parole à la Coalition of Canadian Liberal Rabbis, représentée par le rabbin Steven Garten et Joanne Cohen, coordonnatrice.
Mme Joanne Cohen (coordonnatrice, Coalition des Rabbins libéraux canadiens): Bonjour. Je me nomme Joanne Cohen. Je suis la coordonnatrice de la Coalition des rabbins libéraux canadiens en faveur du mariage homosexuel. Je me spécialise dans la dimension sociale du droit. J'ai étudié la sociologie et la philosophie du droit à l'Université de Toronto. J'ai également effectué des recherches socio-juridiques pour la Fondation de la recherche sur la toxicomanie de l'Ontario et je suis actuellement la première déléguée ouvertement gaie au Congrès juif canadien.
En tant que juriste, j'ai enseigné à l'Université York dans le cadre du programme Droit et Société et j'assure actuellement la coordination de la coalition, qui m'a demandé de parler en son nom.
Je suis accompagnée aujourd'hui du rabbin Steven Garten, qui est le chef spirituel du Temple Israël Ottawa, qui peut attester de l'existence d'un nombre croissant de rabbins libéraux sur la scène canadienne et internationale qui sont prêts à affirmer la légitimité, tant religieuse que civile, du mariage homosexuel.
Notre coalition représente ceux qui croient en la liberté de choix en matière de mariage homosexuel. Nous représentons les mouvements réformistes, reconstructionnistes et du renouveau juif au sein du judaïsme. Nous croyons que les couples homosexuels devraient pouvoir choisir de se marier civilement et que les groupes religieux devraient pouvoir choisir de célébrer ou non des mariages homosexuels. Nous représentons un groupe important et en pleine croissance de la vie religieuse juive au Canada qui appuie les droits des homosexuels dont les libertés religieuses souffriraient du maintien de l'interdiction du mariage homosexuel.
Un nombre sans cesse croissant de rabbins et de membres des congrégations des mouvements juifs libéraux s'engagent résolument à remédier à l'exclusion des gais et lesbiennes de la vie religieuse juive. Nous souhaitons aider nos membres gais et lesbiennes et leur famille à sanctifier et célébrer leurs relations et leur famille conformément à leur désir et aux plus hautes valeurs de notre tradition.
Le Canadian Council for Reformed Judaism et les représentants des mouvements de la reconstruction et du renouveau ont affirmé qu'ils voient leur engagement en faveur d'une intégration accrue des gais et lesbiennes dans notre vie religieuse et culturelle, et leur soutien de l'égalité civile des gais et lesbiennes ainsi que des minorités opprimées, comme une priorité première sur le plan social. Nous affirmons donc ce qui suit :
Nous appuyons le droit des couples homosexuels juifs de célébrer des mariages homosexuels juifs qui seraient dûment reconnus par la loi canadienne.
Nous appuyons le droit des couples homosexuels interconfessionnels et non juifs à un mariage homosexuel civil ayant force exécutoire et étant dûment reconnu par la loi canadienne.
Nous appuyons le droit des rabbins et de leurs congrégations à célébrer des mariages homosexuels si tel est leur choix et nous rejetons l'affirmation que la reconnaissance légale du mariage homosexuel nuirait à la religion, en faisant observer qu'une telle reconnaissance ne forcerait aucunement les personnes qui s'y opposent à célébrer de tels mariages ou à les reconnaître dans leurs pratiques religieuses et que le mariage homosexuel ne diminuerait en rien le statut dont bénéficie le mariage hétérosexuel laïc ou religieux traditionnel.
Par exemple, la reconnaissance en 1857 du mariage juif par la Loi sur le mariage ontarienne n'a en rien entamé le statut des mariages anglicans à l'époque, si bien que l'argument voulant que le mariage homosexuel porterait atteinte à l'institution du mariage est spécieux de nos jours, de l'avis des membres de notre coalition.
Nous affirmons donc que la diversité et les libertés religieuses et culturelles ne seraient en rien menacées au Canada par l'autorisation des mariages homosexuels, qu'ils soient religieux ou civils. Au contraire, le désir des couples gais et lesbiens de se marier démontrer leur volonté de former des familles et de contribuer au bien-être et à la stabilité de leurs collectivités.
En tant que membre du Congrès juif, je rappelle respectueusement à votre comité que la protection des droits humains est indissociable de la protection des minorités vulnérables au sein de notre société. Je me fais le porte-parole des 15 000 à 20 000 gais et lesbiennes juifs au Canada qui souvent souffrent simultanément de l'homophobie et de l'anti-sémitisme. La loi a valeur de symbole et, après 3 200 ans ou plus de répudiation dans le contexte religieux et après le 11 septembre, nous sommes enfin sur le point de réintégrer le bercail.
¿ (0910)
Je rappelle au comité que la décision politique de protéger les droits humains au Canada n'est plus une affaire de volonté politique ou de sondages de popularité, puisqu'elle a été prise par le Parlement du Canada lorsqu'il a rapatrié la Constitution en 1982.
Je pose enfin trois questions au comité. Dans la tradition juive, il est courant de répondre à une question par une question. Voici les miennes.
Combien de temps devrons-nous attendre pour devenir égaux? Cela fait 25 années que je mène campagne et chaque fois que les droits des homosexuels sont débattus dans la presse, nous faisons l'objet de diatribes vitrioliques qui piétinent les normes académiques ou sociales d'un discours respectueux. Je vous demande donc pendant combien de temps encore nous allons devoir subir cela?
J'aimerais savoir quel degré de rectitude nous devons atteindre pour devenir égaux. Un éditorialiste d'Extra, le journal des gais du Canada, a fait remarquer à juste titre que les criminels condamnés pour acte de violence qui se trouvent être hétérosexuels ont actuellement le droit de se marier au Canada. Paul Bernardo et Karla Homolka ont fêté des noces de conte de fée, mais moi je ne peux pas. Je vous le demande donc, que puis-je dire à ma communauté? Quel niveau de distinction devons-nous atteindre? Jusqu'où devons-nous porter le respect des lois? Quel dévouement envers nos familles et nos collectivités devons-nous manifester avant d'être considérés les égaux des autres Canadiens?
Enfin, je demande au comité, en cette veille de guerre, quel souvenir il veut laisser dans l'histoire? Depuis le 11 septembre, moi-même et beaucoup d'autres dans ma communauté avons travaillé jour et nuit pour faire du Canada une démocratie plus ouverte et équitable. Je demande respectueusement à votre comité de maintenant faire cela pour nous.
Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Je passe maintenant au révérend William Oosterman, de la Westboro Baptist Church.
R. P. William Oosterman (Église baptiste de Westboro): Sachez, tout d'abord, que nous ne sommes reliés en rien à la Westboro Baptist Church de Topeka, Kansas, qui porte le même nom.
La Bible dit clairement que Dieu a créé la femme à partir de l'homme et pour l'homme. Les deux s'accordent bien ensemble, conformément au dessein du Tout-Puissant. La plupart d'entre vous le savent d'expérience personnelle. Virtuellement toutes les sociétés actuelles et du passé considèrent le comportement homosexuel comme anormal et même répugnant. Dieu a jugé ces civilisations et les a providentiellement rayées de la face de la terre. Souvenez-vous de ces civilisations connues pour leur tolérance et pratiques homosexuelles...
M. Svend Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Rappel au Règlement, monsieur le président. Au début de ces audiences vous aviez pris l'engagement, en tant que président, d'assurer un ton respectueux dans ces audiences et le dialogue. Ce témoin use de termes qui sont profondément insultants et clairement inacceptables. Dans un dialogue respectueux sur le mariage homosexuel, il est tout simplement inacceptable de parler de l'élimination par Dieu des homosexuels et de ce genre de conceptions génocidaires. Je demande à la présidence d'assurer un ton respectueux.
Le président: J'appelle tous les témoins et les membres du comité à faire usage d'un langage modéré.
Monsieur Robinson, c'est à moi qu'il incombe de faire ces jugements. C'est un équilibre difficile à trouver. Je ne veux pas enlever au témoin la liberté de s'exprimer, mais je ne souhaite pas non plus que l'on se livre dans ce comité à une discussion ou un débat offensant.
Je sais que les gens ont des mémoires écrits et, lorsque j'interviens, ils ont tendance à retourner à leur texte. Je prie tous les témoins—et je ne veux pas viser particulièrement M. Oosterman—d'être modérés et respectueux et à l'écoute des sensibilités des autres. Je le dis à ceux de tous les camps. Je ne veux pas ouvrir un débat public sur les termes à employer et à ne pas employer, et je m'en remets donc à votre discernement.
Veuillez poursuivre.
¿ (0915)
R. P. William Oosterman: J'aimerais citer trois passages des écritures, dont deux de l'Ancien Testament:
Tu ne coucheras pas avec un homme comme on couche avec une femme. C'est une abomination. |
L'homme qui couche avec un homme comme on couche avec une femme: c'est une abomination qu'ils ont tous deux commise. |
Et un passage du Nouveau Testament:
Ne savez-vous pas que les injustes n'hériteront point du royaume de Dieu? Ne vous y trompez pas: ni fornicateurs, ni idolâtres, ni adultères, ni efféminés, ni sodomites, ni voleurs, ni avares, ni ivrognes, ni outrageux, ni ravisseurs, n'hériteront du royaume de Dieu. |
Dans un jugement récent de la Cour du banc de la Reine de la Saskatchewan les juges ont statué qu'un homme qui a inséré les versets de la Bible sur l'homosexualité que je viens de citer dans une annonce de journal était coupable d'incitation à la haine. Le juge Barclay a écrit: «À mon avis, le Conseil avait raison de conclure que l'annonce pouvait objectivement être perçue comme exposant les homosexuels à la haine ou au ridicule».
J'ai donc cité devant le comité ces versets de la Bible tout en sachant que je peux être inculpé de crime haineux. Le précédent existe déjà.
La Bible condamne ce comportement comme un choix coupable. Les Chrétiens et toutes les autres religions et sociétés en sont d'accord. C'est une aberration. Demander aux Canadiens à travers tout ce vaste territoire de reconnaître une telle liaison comme un mariage est beaucoup trop demander. Même les Grecs avaient plus de sagesse et pourtant ils acceptaient pleinement l'homosexualité et la pédérastie. Ils avaient leurs contacts homme-garçon et liaisons d'homme à homme, mais ils étaient assez avisés pour voir la différence entre cela et le mariage. Ils n'ont jamais tenté d'appeler cela un mariage. Cela aurait été trop absurde même pour les Grecs, ces pécheurs férus de logique.
Le dictionnaire Robert définit le mariage comme «l'action, le fait de se marier ou l'état d'une personne mariée; l'union légitime d'un homme et d'une femme». Jamais, dans les milliers d'années d'histoire écrite, cette définition n'a-t-elle été contestée. D'autres sociétés païennes du passé ont toléré et même accepté le comportement et les relations homosexuelles. Elles n'ont jamais appelé cela mariage. Elles avaient assez de bon sens pour réaliser que le mariage ne peut être que le fait de personnes de sexe opposé. Les homosexuels d'antan non plus ne revendiquaient pas le mariage. Ils ne se sentaient pas si peu sûrs d'eux dans leur comportement homosexuel qu'ils demandaient aux tribunaux et au législateur de reconnaître cela comme un mariage.
Notre position est que le mariage ne peut exister qu'entre un homme et une femme. Toute relation et activité homosexuelle est contraire au dessein et au plan de Dieu et à la nature elle-même. Le gouvernement ne devrait ni autoriser ni reconnaître en droit une relation entre membres d'un couple de même sexe.
Si le gouvernement le fait, et il a déjà commencé, nous le supplions d'employer un terme différent. Nous, et des millions de Canadiens ordinaires, vous en supplions. Ne permettez pas que le mot historique et bien défini de «mariage» serve à décrire deux hommes ou deux femmes qui vivent ensemble. Appelez-les comme vous voudrez, partenaires ou couples de même sexe, mais ne les qualifiez pas de mariés. Si vous qualifiez les couples homosexuels de mariés, vous ferez de ce pays et de sa culture la risée des générations actuelles et futures. Le mariage est entre un homme et une femme, nous le savons tous. Deux hommes ne se marient pas entre eux.
Le gouvernement peut souhaiter établir un registre pour les couples de même sexe afin de leur conférer les mêmes droits juridiques qu'aux autres. Pour dire les choses simplement, les homosexuels pourront alors, avec la sanction du gouvernement, se poursuivre en justice jusqu'à s'arracher la culotte lorsqu'ils se séparent, alors allez-y, enregistrez-les.
Mon autre préoccupation en tant que citoyen canadien est la suivante. Le gouvernement a dépensé et perdu 1 milliard de dollars pour un registre des armes à feu qui est un échec. Je crains que l'enregistrement de tous les couples du Canada ne précipite ce pays dans une faillite perpétuelle. Après l'expérience du registre des armes à feu, avons-nous les moyens d'enregistrer tous les couples mariés et homosexuels du Canada? Cela va-t-il coûter quelques milliards de dollars initialement, puis de plus en plus? Si le gouvernement ne peut compter et enregistrer toutes les armes au Canada, comment pense-t-il enregistrer les relations entre des hommes ou femmes consentants?
Notre église continuera à prononcer des voeux de mariage solennels entre couples hétérosexuels, devant Dieu et les hommes. Que nous le faisions comme mandataires de l'État, avec des ministres du culte ordonnés possédant licence de marier, ou que le gouvernement assume tout le côté légal et ne nous laisse que les voeux sacrés devant Dieu, est moins important que le maintien de la définition légale et historique du mariage. Naturellement—et j'utilise le terme à dessein—nous n'offrirons la cérémonie de mariage qu'aux couples hétérosexuels.
Martin Cauchon a indiqué dans le cadre de ce débat que les contestations constitutionnelles récentes de l'exigence légale que le mariage soit l'union d'un homme et d'une femme sont actuellement en instance de jugement. Le gouvernement espère être guidé par les cours d'appel pour ce qui est des aspects juridiques. Je vous le demande, qui fait les lois au Canada, l'assemblée législative ou des juges non élus? Si le Parlement se laisse guider par les juges, qui guide les juges? Nous, le peuple? Voeu pieux.
¿ (0920)
Martin Cauchon a également déclaré: «Les Canadiens et leurs représentants doivent maintenant décider si le mariage doit rester une institution hétérosexuelle». Pense-t-il réellement que les Canadiens ou leurs représentants vont décider quoi que ce soit? Pour citer Trudeau, celui-là même qui nous a donné le cheval de Troie qu'est la Charte, les députés sont des «moins-que-rien». Que peuvent faire les gens ordinaires, dans ces conditions?
Je vous remercie de cette occasion de parler. Je ne peux qu'espérer et prier que ce gouvernement, et en particulier les nombreux députés d'arrière banc, auront le courage de se réapproprier le pouvoir de faire les lois car il incombe aux juges d'appliquer les lois et non de les faire.
Le document de discussion gouvernemental de novembre 2002 dit:
Depuis l'entrée en vigueur de la Charte, une série de décisions judiciaires ont établi que la plupart des avantages et obligations des couples mariés doivent être étendus aux autres couples vivant dans une relation conjugale ou assimilable à un mariage, y compris les couples homosexuels. |
Or, la Charte est là pour nous protéger contre les intrusions gouvernementales et non pas pour les imposer. La communauté homosexuelle l'invoque aujourd'hui pour exiger que nous sanctionnions leur péché à titre de mariage. Dans ce cas, la Charte ne protège plus les Chrétiens ou les adeptes de religions différentes. Elle exige qu'ils acceptent que les relations sexuelles entre hommes soient équivalentes au mariage entre une femme et un homme engagés. Elle exige que nous approuvions leur comportement qui est contre nature.
Plus loin, dans le document de discussion de novembre 2002, on lit, et je cite:
Premièrement, certains couples homosexuels estiment qu'il y a une différence qualitative entre les unions de fait et le mariage... Les couples homosexuels ne trouvent pas acceptable un équivalent au mariage, sanctionné juridiquement, même quelque chose qui ressemblerait au mariage, car cela ne leur conférerait pas une reconnaissance égale et entière de leur union. |
Nous répondons ceci: il n'y a pas égalité, c'est impossible. Deux hommes ensemble ne peuvent jamais égaler l'ineffable beauté de ce que Dieu a voulu. Les deux, l'homme et la femme, deviennent une seule chair. Deux hommes ne seront jamais et ne pourront jamais être mariés au sens de la parole de Dieu ou de l'histoire.
Ensuite, une autre citation du document de discussion: «La loi fédérale actuelle»...
Le président: Il vous reste 30 secondes.
R. P. William Oosterman: D'accord. Dans ce cas, je vais lire mon dernier paragraphe, la réponse à la Charte.
La Charte n'est pas mon Dieu ni le Dieu du Canada et il ne faut pas laisser les juges usurper les pouvoirs du Parlement élu pour façonner l'avenir et la politique de notre pays. Si vous dites que deux hommes peuvent être mariés, alors pourquoi ne pas y autoriser un frère et une soeur aimants? Les parents adoptifs d'Anne of Green Gables auraient pu ainsi se marier et économiser beaucoup d'impôts. Ils étaient frère et soeur et vivaient ensemble dans une relation aimante et de soutien mutuel. Pourquoi ne pas y ajouter un homme et plusieurs de ses soeurs, ou un homme et son fidèle ami, Fido Fidelius? N'importe qui peut maintenant y prétendre. Ce qui va probablement étouffer dans l'oeuf cette idée de légalisation des unions homosexuelles et d'autres types n'est pas notre bon sens ni notre conception de la normalité, mais la réalisation du gouvernement qu'il pourrait perdre des milliards de recettes fiscales.
Il me reste une dernière phrase. Mais puisque l'enregistrement des armes à feu n'a coûté qu'un milliard de plus que prévu, commençons avec les homosexuels qui s'impatientent et veulent être enregistrés. Simplement, ne les appelez jamais ce qu'ils ne sont pas et ne pourront jamais être, c'est-à-dire «mariés».
Merci.
Le président: Monsieur Bussey, vous disposez de dix minutes. Je vous ferai signe après neuf minutes.
M. Barry Bussey («General Counsel», Affaires publiques, «Seventh-Day Adventist Church»): Bonjour. Je suis avocat général aux affaires publiques et directeur de la liberté religieuse pour l'Église Adventiste du Septième jour au Canada.
L'Église Adventiste du Septième Jour est un culte chrétien protestant comptant environ 12 millions d'adeptes adultes dans le monde. Nous avons des églises dans 209 pays. Au Canada, nous comptons environ 52 000 adhérents adultes répartis entre 330 congrégations à travers le pays.
Tout au long de notre histoire nous avons affirmé que les idéaux chrétiens sont une partie intrinsèque de l'individu dans son entier. Notre église ne considère pas le christianisme comme une simple croyance mais comme un mode de vie. Nous avons de ce fait créé un certain nombre d'institutions religieuses pour faciliter le mode de vie chrétien. Nous avons 55 écoles secondaires couvrant les deux cycles et écoles élémentaires. Nous avons un collège universitaire accrédité en Alberta et un certain nombre de maisons de repos et de retraite à travers le pays.
Notre église s'adonne également au travail humanitaire. Nous gérons l'Agence de développement et de secours adventiste, qui collabore étroitement avec l'ACDI sur un certain nombre de projets de développement dans le monde. J'ajoute qu'un certain nombre de nos 330 congrégations offrent des banques alimentaires et des centres de distribution de vêtements dans leur localité.
Étant donné le débat qui se déroule en ce moment au Canada sur la question du mariage, notre église a jugé nécessaire de faire connaître son point de vue. Nous avons lu le document de discussion et formulons au Parlement la recommandation suivante.
Nous recommandons que le mariage ne soit pas redéfini de manière à donner aux couples homosexuels la faculté légale de se marier, et ce pour plusieurs raisons que je vais énumérer.
La position de l'Église Adventiste du Septième Jour est fondée sur les enseignements de la Bible. Nous considérons le mariage comme une institution divine instaurée dans le jardin d'Eden et affirmée par le Christ comme étant une union aimante, monogamme et hétérosexuelle pour toute la vie entre un homme et une femme. Je n'ennuierai pas le comité avec tous les fondements théologiques de cette position et passerai directement à nos préoccupations.
Ces dernières années, la société canadienne et toute la civilisation occidentale ont été appelées à réévaluer l'institution du mariage. Des interventions ont été faites devant les tribunaux et les assemblées législatives afin que soient levés les privilèges et acceptions historiques du mariage. Pendant des millénaires, notre civilisation a conçu le mariage comme celui enseigné par la foi chrétienne. Or, on nous demande aujourd'hui de rejeter la norme antérieurement acceptée et d'embrasser une reconfiguration de l'unité sociale de base de telle manière qu'elle pourrait être constituée de deux personnes quelconques.
D'aucuns ont argué que les églises et les croyants n'ont pas leur mot à dire à cet égard. Je cite cet extrait d'une «conférence Bertha Wilson» donnée en 2002 à l'Université de Toronto par M. Robert Wintemute:
Les doctrines religieuses doivent être considérées comme totalement étrangères à la détermination du contenu des lois laïques et des droits de la personne. La séparation entre le droit et la religion est un principe intrinsèque de toute démocratie libérale. En l'absence de ce principe, il ne peut exister de liberté ni de conscience ni de religion, car les croyances de la majorité religieuse détermineront l'exécution des lois. |
L'Église Adventiste du Septième Jour a toujours affirmé et reconnu que le droit divin à la liberté religieuse est le mieux protégé lorsque l'église et l'État sont séparés. Nous considérons le gouvernement comme mandaté par Dieu pour protéger les droits des individus et administrer les affaires civiles. Cependant, nous pensons également que l'église et ses membres ont parfaitement le droit, comme tous les autres citoyens, d'exprimer leur point de vue sur les enjeux de politique publique. En dernière analyse, c'est au gouvernement de décider sur quelle politique publique la législation sera fondée. L'église ne peut exprimer qu'un point de vue. Elle n'a aucun moyen de contrainte, ni ne désire en posséder, même lorsque son point de vue est diamétralement opposé à celui du gouvernement.
¿ (0925)
D'aucuns ont préconisé que les lois soient du domaine exclusif du séculier, mais nous ne sommes pas de cet avis. Toute loi est l'expression de la vision morale du bien et du mal d'une société. Nul débat sur la moralité ne peut être éclairé s'il exclut les points de vue religieux. Votre comité l'a justement reconnu en offrant la possibilité à des groupes comme le nôtre de témoigner. Lorsqu'on fait une loi, on impose nécessairement une conception morale plutôt qu'une autre. C'est d'autant plus vrai lorsqu'il s'agit d'un sujet aussi controversé que celui dont nous parlons aujourd'hui. La question qui se pose au comité et à la société toute entière est réellement de savoir la moralité de quel groupe va être imposée aux autres?
La question du mariage homosexuel dont le Parlement doit décider n'est pas de même nature qu'une loi financière ou une mesure de travaux publics: c'est une révolution des normes sociales qui est proposée. Il ne s'agit pas seulement de redéfinir une institution érigée par une loi, mais plutôt une institution qui remonte à l'aube de la civilisation humaine.
Il est évident, en effet, que la Loi constitutionnelle de 1867 n'a pas créé le mariage, elle n'a fait que reconnaître son existence. Le Parlement non plus ne l'a pas créé. La Constitution ne l'a pas créé. Le pouvoir judiciaire ne l'a pas créé. Le mariage est.
Cela a été reconnu dans un certain nombre de jugements britanniques bien connus que votre comité n'ignore certainement pas. Nous songeons aux causes Hyde et Corbett en Angleterre. Par ailleurs, dans la cause Egan, le juge LaForest de la Cour suprême du Canada a écrit ceci:
Le mariage est depuis des temps immémoriaux fermement enraciné dans notre tradition juridique, qui elle-même est le reflet de traditions philosophiques et religieuses anciennes. Mais la véritable raison d'être du mariage les transcende toutes et repose fermement sur la réalité biologique et sociale qui fait que seuls les couples hétérosexuels ont la capacité de procréer, que la plupart des enfants sont le fruit de ces unions et que ce sont ceux qui entretiennent ce genre d'union qui prennent généralement soin des enfants et qui les élèvent. Dans ce sens, le mariage est, de par sa nature, hétérosexuel. |
Il faut reconnaître que le mariage n'est pas une création du droit positif, qu'il procède plutôt de l'appréhension intuitive dans notre civilisation du droit naturel ou moral, étant une institution antérieure à notre société canadienne, antérieure même au christianisme et qui est définie comme l'union d'un homme et d'une femme, à l'exclusion de toutes les autres.
En tant qu'église, la liberté de religion est l'une de nos grandes préoccupations. Il faut prendre conscience de l'effet de cette révolution sociale sur les communautés religieuses. Les membres de notre clergé devront être protégés du fait qu'ils ne seront ni en mesure ni disposés à célébrer le mariage de partenaires de même sexe. Étant donné les poursuites récemment lancées par des défenseurs des droits des gais contre des institutions gérées par les églises, nous ne sommes nullement rassurés lorsqu'ils disent qu'ils ne vont pas contester ultérieurement les droits des églises et de leurs membres individuels à pratiquer leurs croyances sans se faire harceler.
Peut-on dire sincèrement que les libertés religieuses suivantes ne se retrouveront pas en situation précaire suite à la redéfinition du «mariage»: le refus de solenniser les mariages redéfinis; la faculté de continuer à parler, écrire et enseigner en opposition aux relations homosexuelles; et la faculté de conserver des écoles distinctes sans que l'État ne leur impose un nouveau curriculum obligeant les élèves à être «sensibilisés» ou à «endosser» les relations homosexuelles.
Citons à cet égard la déclaration suivante du professeur de droit Bruce MacDougall dans un article récent:
Même les enfants élevés dans une tradition religieuse particulière ne doivent pas être exposés à une idéologie qui exclut et refuse de faire place à l'homosexualité dans leur éducation. L'État a un intérêt dans l'éducation de la jeunesse et les idéaux de l'État doivent prévaloir. |
Si le Canada va redéfinir le «mariage» , nul doute que la liberté religieuse de ceux qui rejettent la nouvelle moralité canadienne sera compromise. Déjà ceux d'entre nous qui avons des opinions différentes de celle de la communauté homosexuelle se voient brocardés avec des termes tels que «hétérosexiste» ou «homophobe». Un tel vocabulaire n'engendre pas la bienveillance, il constitue plutôt une attaque contre ceux qui considèrent l'hétérosexualité comme la norme, les assimilant à des racistes.
En conclusion, ceux qui s'écartent de la tendance actuelle de la société dans ce domaine seront soumis à l'avenir à des pressions croissantes afin qu'ils se conforment. La religion chrétienne a déjà connu des situations similaires où elle se trouvait en conflit avec une société laïque exigeant la conformité. L'histoire a fait apparaître un ensemble de principes qui ont motivé la conscience chrétienne à tenir bon face aux vagues de critiques intellectuelles et sociales. En font partie les paroles du Christ concernant l'institution du mariage: «Que l'homme donc ne sépare pas ce que Dieu a joint».
Pour le chrétien, le mariage est l'institution fondamentale de la société. Comme l'ont noté les décisions de justice d'antan, il existait une acception commune, du moins dans toute la chrétienté, de la notion de mariage. Au cours du dernier demi-siècle, notre pays s'est collectivement éloigné de cette acception. C'est une vaste expérience et seul le temps dira si cette institution sociale sera dans notre intérêt collectif.
Pour sa part, l'Église Adventiste du Septième Jour continuera à rechercher la liberté de ses membres et institutions à professer leur foi sur cette question de moralité et d'autres.
Merci, monsieur le président.
¿ (0930)
Le président: Merci beaucoup.
Je passe maintenant à Nigel Flear et Steve Rawlinson, pour dix minutes.
M. Nigel Flear (À titre individuel): Merci, monsieur le président et merci au comité de m'avoir invité à prendre la parole aujourd'hui.
Permettez-moi d'abord quelques mots sur moi-même et les raisons qui m'amènent à intervenir ici.
Je me nomme Nigel Flear et à côté de moi se trouve mon compagnon, Steve Rawlinson. Nous vivons actuellement à Ottawa. Nous sommes tous deux diplômés en informatique de l'Université de Waterloo. Je suis actuellement des études d'enseignant du secondaire à l'Université d'Ottawa et Steve travaille dans le secteur privé comme réalisateur de logiciels.
Steve et moi nous nous sommes rencontrés il y a cinq ans dans une soirée organisée sur le campus de l'Université de Waterloo et nous sommes un couple depuis quatre ans. Du fait de nos études, nous n'avons pu que récemment vivre ensemble dix mois consécutifs dans la même maison. Je signale que cela signifie que nous ne répondons pas à la définition légale canadienne de l'union de fait. Nous sommes fiancés et prévoyons de nous marier, que ce soit légal ou non. Ensuite, nous avons l'intention de fonder une famille, comme la plupart des Canadiens de notre âge. J'ai actuellement 24 ans et Steve en a 26.
Je suis fervent partisan de la justice et de l'équité. Je suis ravi d'expliquer au comité, en mon nom et en celui de Steve, pourquoi les couples de même sexe devraient avoir la possibilité de se marier.
Premièrement, je vais m'inscrire dans une perspective purement logique ou légaliste, avant d'examiner la question selon l'optique d'un enseignant.
J'ai trouvé le document de discussion très bien fait, mettant en lumière certaines des conséquences légales et techniques très intéressantes de chacune des options examinées par le comité. Ayant examiné chacune de ces dernières et leurs répercussions sur tous les Canadiens, je suis amené à conclure que la solution la plus simple consiste à autoriser le mariage homosexuel.
J'aime cette solution car elle règle le problème une fois pour toutes. Il n'y aura plus d'affaires judiciaires et plus de débats parlementaires. J'aime aussi la solution car elle ne change aucune des procédures à la disposition des couples hétérosexuels. Ils peuvent toujours contracter un mariage religieux ou civil, comme ils l'ont toujours fait.
Il en coûterait très peu cher de modifier les lois en fonction de cette nouvelle inclusion des couples homosexuels. Il faudrait reformuler certains documents juridiques, mais il suffira de le faire une fois.
Encore plus important, l'autorisation du mariage homosexuel serait parfaitement conforme aux droits garantis par la Charte aux gais et lesbiennes, le sujet sur lequel les tribunaux sont actuellement appelés à se prononcer.
Tous comptes faits, ouvrir le mariage à tous les Canadiens n'aurait que très peu d'effet sur le Canadien moyen mais offrirait une option importante aux couples homosexuels. En revanche, les deux autres options envisagées dans le document de discussion paraissent extrêmement compliquées.
L'option consistant à réserver le mariage aux hétérosexuels entraînerait manifestement d'autres contestations en justice de la part des Canadiens qui croient en l'égalité. Il s'ensuivrait des années et des années de batailles juridiques et rien n'indique que le gouvernement en sortirait vainqueur. Si le Parlement invoquait pour la première fois la clause dérogatoire, ce serait la garantie que le problème serait reposé tous les cinq ans.
En outre, le coût de cette position anti-gaie défendue devant les tribunaux et au sein du gouvernement pèserait sur tous les Canadiens, alors que la majorité d'entre eux sont en fait favorables à l'égalité des couples homosexuels. Lorsque je réfléchis à cette option, tout ce que je vois c'est un gaspillage d'argent, un gaspillage de temps et un gaspillage d'énergie pour une bataille perdue d'avance.
La troisième option, celle consistant à ne plus légiférer en matière de mariage, est une idée intéressante mais guère pratique. Je n'en suis pas partisan, car il m'est difficile d'appuyer une option dont les conséquences sont aussi grandes et aussi imprévisibles. Premièrement, cela engendrerait une confusion internationale. Deuxièmement, cela affecterait profondément la pratique actuelle pour les couples hétérosexuels, car ils ne pourraient plus obtenir de certificat de mariage. Enfin, cela amoindrirait le statut des religions car leurs cérémonies de mariage deviendraient légalement vides de sens.
Ce qui m'inquiète le plus, c'est que le blâme de toutes ces difficultés serait rejeté sur la communauté gaie. En bref, il serait très malséant pour la communauté de préconiser cette option qui semble punir tout le monde.
Une autre possibilité qui pourrait être mise en oeuvre avec chacun des trois scénarios est l'idée d'un registre civil comme solution de rechange au mariage. Un tel registre a reçu la faveur de nombreux pays étrangers et provinces, mais ne nous leurrons pas, il ne réglera pas le problème de l'égalité garantie par la Charte. La création d'un registre civil ne règle pas le problème du mariage, il ne fait que le contourner.
Je ne suis pas contre un registre civil, mais je préférerais qu'il soit mis en place seulement après que le gouvernement aura réglé ses obligations en vertu de la Charte. Peut-être alors le gouvernement pourra-t-il mener une étude exhaustive sur les relations non conjugales comme fondement d'un tel registre. À l'heure actuelle, je pense que le gouvernement se méfie à juste titre d'un nouveau registre, après ses déboires avec le registre des armes à feu.
En conclusion, ayant examiné toutes les options sous l'angle technique, je recommande au comité d' opter pour la solution simple. Le principal problème en jeu est l'égalité en vertu de la Charte. Le deuxième enjeu consiste à contenter le plus grand nombre de Canadiens. À mon avis, le chemin de moindre résistance consisterait à ouvrir le mariage à tous les couples, quelle que soit leur orientation sexuelle.
¿ (0935)
J'aimerais maintenant aborder la question selon l'optique d'un enseignant.
Il y a deux semaines, qui était mon deuxième jour de stage d'enseignant à la Greenbank Middle School, j'ai entendu un élève de 8e année traiter un autre élève, en criant d'un bout à l'autre du réfectoire, de—je ne prononcerai pas le mot—je l'épellerai seulement: t-a-p-e-t-t-e. Plus tard le même jour, pendant la récréation, un autre élève a écrit «Jimmy est gai» en grosses lettres sur un écran d'ordinateur dans la bibliothèque. Si cela intéresse le comité, je peux donner beaucoup plus d'exemples de tirades anti-gaies tirées de mon expérience d'enseignant stagiaire.
La vérité est qu'être traité de «gai» reste la pire insulte que l'on puisse faire à un élève. Je ne veux pas mettre en cause cette école particulière et ses élèves, mais plutôt faire ressortir que l'homophobie est présente dans toutes les écoles et contamine très rapidement tous les élèves. Il est évident que les enseignants, les parents et les médias doivent faire leur part pour lutter contre l'homophobie. Mais ma question est de savoir quel rôle jouent les pouvoirs publics dans la perpétuation, et aussi la réduction, de l'homophobie?
Il ne fait aucun doute que le gouvernement est responsable du mariage. Les enfants savent ce qu'est le mariage. Ils savent aussi que deux hommes et deux femmes ne peuvent pas être mariés. Il y a là un message implicite très fort disant qu'il doit y avoir quelque chose de très mauvais chez les gais, sinon pourquoi le gouvernement tiendrait-il tellement à les empêcher de se marier. Le vrai problème réside dans le message contradictoire que notre gouvernement envoie actuellement. D'une part, il dit par le biais de la Charte que la discrimination à l'encontre des gais et des lesbiennes n'est pas admise. Mais d'autre part, il dit que les gais et les lesbiennes ne méritent pas l'égalité et ne doivent pas être autorisés à se marier.
Comme enseignant, je ne peux rien faire d'autre que promouvoir l'égalité face à cette contradiction. Mais l'école est limitée dans ce qu'elle peut faire contre l'homophobie car notre gouvernement, en tant que modèle de comportement, dit en quelque sorte qu'il est légitime d'être anti-gai.
Il importe donc que le gouvernement fasse preuve de leadership sur cette question du mariage gai. Par le biais de ses lois, le gouvernement dicte si les gais et lesbiennes méritent ou non l'égalité formelle. Cela ne réglerait manifestement pas le problème de l'homophobie dans les écoles et la société, mais démontrerait à tout le moins, à titre de modèle de comportement, la croyance majoritaire que les gais et lesbiennes méritent véritablement l'égalité, en droit et en pratique.
À la fin de cette réunion, je remettrai à EGALE Canada les signatures de mes collègues stagiaires, dont l'écrasante majorité rejoint ma position, à savoir que nous, enseignants, croyons en l'égalité. Les signataires appellent le gouvernement à autoriser le mariage homosexuel. Je signale que ces signatures sont celles d'un groupe d'adultes de tous âges et de diverses origines ethniques et qui sont dans l'ensemble hétérosexuels. Steve et moi ajouteront nos noms à la pétition afin d'assurer que les noms d'au moins deux gais y figurent.
J'invite le comité à se poser les questions suivantes lors de sa réflexion sur le mariage et la reconnaissance légale des couples homosexuels. Premièrement, quelle solution est techniquement la plus simple? Autrement dit, comment le comité peut-il assurer aux gais et lesbiennes les garanties de la Charte avec le moins possible d'effets sur le Canadien moyen? En outre, quelle option coûtera le moins cher à administrer?
Deuxièmement, quel message le gouvernement veut-il adresser aux jeunes Canadiens sur le plan de l'égalité? Quelle est l'importance de l'égalité aux yeux du gouvernement canadien? Sommes-nous partenaires, en tant qu'enseignants et politiciens, pour faire en sorte que le Canada soit un meilleur endroit où vivre pour tous les Canadiens et toutes les familles?
Je demande au comité de songer à la Charte et, lorsqu'il rédigera son rapport sur le mariage gai, d'envoyer un message fort aux jeunes Canadiens disant que la discrimination n'a pas sa place au Canada.
¿ (0940)
Le président: Merci beaucoup.
Nous passons maintenant à M. Toews pour sept minutes.
M. Vic Toews (Provencher, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.
J'ai apprécié chacun des exposés présentés. Je ne vais pas pouvoir rester jusqu'à la fin et sachez que ce n'est pas par manque d'intérêt pour ce qui a été dit aujourd'hui que je vais partir. Au contraire, j'ai entendu un certain nombre de commentaires et d'observations très intéressants.
J'ai relevé la crainte de M. Bussey d'éventuelles attaques contre les institutions chrétiennes. Des procès ont effectivement eu lieu. On l'a vu avec la cause Trinity Western. On l'a vu avec la cause Camp Arnes au Manitoba, on l'a vu avec la cause Conseil scolaire catholique en Ontario, et ce en dépit de la garantie constitutionnelle d'un conseil scolaire propre pour cette religion en Ontario. On l'a vu avec la cause Vriend. Nous savons donc que c'est une préoccupation légitime et le comité ne pourra pas l'ignorer.
J'ai pris note également de la position de M. Flear voulant qu'il faille rechercher la solution la plus simpliste à ce problème. Malheureusement, le problème n'est pas simple. Je me reporte au mémoire que nous a présenté M. Cere, de l'Université McGill. Je vais vous en lire quelques extraits. Il ne s'inscrit pas dans une optique particulièrement religieuse, plutôt dans celle de l'anthropologie. Voici ce qu'il écrit:
Les anthropologues nous signalent que les institutions communales comme le mariage ne sont pas de simples mécanismes fonctionnels destinés à satisfaire les besoins individuels... |
Il ajoute que le mariage représente le site culturel complexe où s'opère la formation de liens hétérosexuels. Il considère donc que c'est une institution primordiale pour le tissage des liens hétérosexuels. Il poursuit:
Une histoire riche et un assemblage complexe de symboles, de mythes, de théologie, de traditions, de poésie et d'art, transmis de génération en génération, se sont greffés sur le lien matrimonial. Modifier les caractéristiques fondamentales du mariage ne peut que se répercuter sur l'identité de ceux dont cette institution façonne la vie. |
Il signale que de nombreux auteurs et chercheurs, dont d'éminents chercheurs gais, affirment qu'il y aura des répercussions sur l'institution du mariage et les participants. Ce n'est pas donc pas une simple affaire d'égalité. D'ailleurs, le droit canadien est peut-être le seul au monde jusqu'à présent à aborder la question sous l'angle des droits humains. Aucun tribunal au monde ne l'a placé dans ce contexte.
Il écrit, à l'article 12 de son mémoire—et c'est très important pour notre réflexion et celle d'un tribunal:
Le fait que les théories académiques du moment sont incapables de discerner les différences majeures entre les modes de formation de liens homosexuels et hétérosexuels, des différences qui engendrent pourtant des écologies sociales très distinctes, devraient amener à s'interroger sérieusement sur les fondements conceptuels de ces théories. Nos tribunaux et législateurs devraient résister à la pression poussant à asseoir le droit sur des conceptions et théories qui sont peut-être nouvelles et en vogue mais qui n'ont pas encore été soumises à l'épreuve du temps et d'un débat académique rigoureux. |
En gros, il estime donc que ces théories n'ont pas encore fait leurs preuves dans le monde académique. Il poursuit:
C'est d'autant plus vrai que ces nouvelles théories et optiques omettent si bizarrement de prendre en compte des aspects fondamentaux du mariage pourtant omniprésents dans toute l'histoire et toutes les cultures. |
En substance, il lance donc une mise en garde, conseillant au comité une grande prudence avant d'altérer cette institution fondamentale que beaucoup considèrent comme le lieu privilégié où se tisse le lien hétérosexuel, si bien que le changement envisagé transformera profondément l'institution, non seulement pour les homosexuels ou gais mais aussi pour les hétérosexuels.
J'aimerais savoir si l'un ou l'autre des témoins souhaite réagir à ces observations de M. Cere.
¿ (0945)
Le président: Vous avez déjà épuisé quatre minutes et demie d'un tour de sept minutes, si bien qu'il ne reste que deux minutes et demie à partager entre six personnes.
Allez-y, madame Cohen.
Mme Joanne Cohen: Merci.
Sauf mon respect, monsieur, le fait qu'un autre professeur ait une opinion se fondant sur l'anthropologie évolutionnelle qui restreint le mariage à l'hétérosexualité n'a pas, à mon avis, valeur contraignante pour ce comité.
Tout en respectant vos préoccupations et celles d'autres témoins par rapport aux développements juridiques actuels au Canada, je vous renvoie à la longue évolution juridique au Canada qui fait que l'homosexualité n'est plus considérée comme un crime depuis 1969 et non plus comme une maladie mentale depuis 1973. Les gais et lesbiennes jouissent de droits civils au Canada, depuis 1986 en Ontario. Il en va de même dans beaucoup d'autres pays, et vous pouvez suivre les débats qui se sont déroulés aux États-Unis, aux Pays-Bas et en Belgique, par exemple.
M. Vic Toews: [Note de la rédaction: Inaudible]
Mme Joanne Cohen: Si je puis conclure, monsieur le président...
M. Vic Toews: Juste un instant, monsieur le président...
Le président: Monsieur Toews, elle répond à la question.
Allez-y.
Mme Joanne Cohen: Je réponds à sa question.
Je renvoie aussi respectueusement le député aux nombreux jugements de la Cour suprême du Canada qui ont valeur de jurisprudence, depuis R. c. Big M Drug Mart, qui ont expressément limité le droit de l'État à restreindre la liberté religieuse des Canadiens. La cour a statué à maintes reprises, dans les causes-mêmes citées par le député, que la liberté d'avoir des convictions religieuses dans ce pays est plus grande que la liberté de les imposer dans la sphère publique et que, par voie de conséquence, notre gouvernement, tenu d'appliquer les valeurs de la Constitution et ses dispositions sur l'égalité, a l'obligation d'étendre la protection du droit à l'égalité à tous les Canadiens, religieux ou non, opposés ou non à la mesure, et aussi impopulaire que soit cette dernière.
Le président: Monsieur Toews... [Note de la rédaction: Inaudible]... directement au panel.
M. Vic Toews: Peut-être, dans ce cas, pourrais-je adresser ma question spécifiquement à M. Bussey.
La question n'est pas de savoir si nos tribunaux reconnaissent l'égalité des homosexuels. L'argument de M. Bussey, que j'ai essayé d'invoquer... et je me suis peut-être mal exprimé, malheureusement. Les témoins voulaient faire observer que certaines institutions chrétiennes étaient attaquées et que c'est ce qui motive son inquiétude. C'est de cet aspect dont je voulais traiter.
Peut-être M. Bussey pourrait-il s'expliquer plus avant.
M. Barry Bussey: Je songe à la cause Marc Hall, par exemple, où ces protections constitutionnelles ont été confirmées. Néanmoins, au moins au stade de l'injonction, un tribunal de première instance n'a pas hésité à passer outre à la protection constitutionnelle du système scolaire séparé. Cela ne peut que nous inquiéter grandement, s'agissant de nos propres écoles à travers le pays. C'est une préoccupation pour nous.
Si le Parlement redéfinit le mariage, les institutions et églises comme la nôtre seront obligés de constamment défendre leurs droits.
¿ (0950)
Le président: Monsieur Marceau, pour sept minutes.
Je rappelle aux membres et aux témoins que les sept minutes englobent et la question et les réponses. Si vous pensez vouloir poser une question d'éclaircissement, tenez-en compte dans votre préambule.
[Français]
M. Richard Marceau (Charlesbourg—Jacques-Cartier, BQ): Mais cela n'inclut pas vos remarques.
[Traduction]
Le président: Absolument pas.
[Français]
M. Richard Marceau: Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vous remercie tous et toutes pour vos présentations. D'abord, je dois vous dire tout de suite que je ne suis pas un théologien et que je poserai mes questions dans le plus grand respect de vos différentes croyances religieuses.
Madame Cohen, je commencerai par répondre à vos trois questions. Vous avez demandé combien de temps vous devrez attendre avant d'être égaux. Vous ne devez plus attendre. Vous avez aussi demandé how good you must be before you're equal. Vous ne devez être ni pire ni mieux que les autres. Enfin, à la question de savoir comment nous voulons que les gens se souviennent de nous, je répondrai que j'espère qu'on se souviendra de nous comme de gens tolérants, ouverts, généreux et prêts à accepter la différence.
Cela étant dit, je commencerai par M. Oosterman. Votre témoignage était en grande partie basé sur votre interprétation de la Bible. Évidemment, on voit, juste à côté de vous, une autre religion qui a une autre interprétation de la parole de Dieu. On a eu devant nous l'Église Unie, dont l'interprétation était encore différente, dont l'approche était autre.
Pourquoi nous, membres du comité, devrions-nous imposer votre définition et votre interprétation du mariage aux autres groupes religieux qui sont venus nous donner une interprétation différente? En d'autres mots, pourquoi devrions-nous accepter votre définition au lieu de celle du rabbin Garten et de Mme Cohen, par exemple?
[Traduction]
R. P. William Oosterman: Très simplement, parce que les mots ont un sens et qu'ils sont là: «On ne couche pas avec un homme comme on couche avec une femme, c'est abominable». Cela ne laisse pas place à l'interprétation. Une fois que l'on commence à interpréter cela, on en transforme le sens.
Dans le monde de la religion, lorsque quelqu'un dit: «C'est votre interprétation», cela signifie habituellement qu'il n'aime pas ce que dit la phrase et qu'il va la changer pour lui donner un autre sens. Mais les mots ont un sens. Pour nous, ce verset est très clair. Une fois que l'on commence à jouer avec les mots et à changer le sens des mots, alors vous pouvez aboutir à un point de vue différent.
[Français]
M. Richard Marceau: À moins que je ne me trompe, l'Exode 35.2 dit qu'on devrait mettre à mort ceux qui travaillent le jour du sabbat. Est-ce que vous êtes d'accord là-dessus? C'est pourtant clair et ce n'est pas sujet à interprétation.
[Traduction]
R. P. William Oosterman: C'est un remarque très intéressante. Pour les baptistes, l'Ancien Testament et le Nouveau Testament sont complètement séparés. Les baptistes sont les premiers à s'être battus pour la liberté de religion; 10 000 personnes ont péri dans une province de Hollande en se battant pour la liberté de culte et la séparation de l'église et de l'État. C'était au XVe siècle.
Notre guide et notre règle est le Nouveau Testament, pas l'Ancien. Il y a un ancien pacte et alliance et un nouveau pacte et alliance. La nouvelle alliance va de Matthieu à Révélation, et c'est elle qui nous lie. Ce sont donc là les Écritures que nous suivons. L'idée que l'homosexualité est mauvaise est répétée dans le Nouveau Testament, mais non la peine de mort.
[Français]
Mme Joanne Cohen: Excusez-moi, est-ce que je peux parler?
[Traduction]
Depuis l'ère romaine, le judaïsme rabbinique a explicitement répudié la notion d'une lecture et interprétation fondamentalistes ou littérale de l'Écriture. C'est pourquoi nous avons le Talmud. C'est pourquoi des générations de juristes juifs considèrent la révélation comme quelque chose de continu et continuent à réinterpréter la tradition pour le monde contemporain, à la lumière des changements historiques. Voilà donc la perspective dans laquelle nous nous inscrivons.
Mais nous rejetons expressément la peine de mort. Nous avons explicitement rejeté la polygamie il y a plus de 1 000 ans. Et nous en sommes venus à reconnaître que la survie de notre tradition religieuse et de nos collectivités exige, selon les termes de l'orthodoxie moderne, la rigueur en droit ainsi que le recours aux meilleures connaissances scientifiques. C'est ce qui amène les membres de la religion juive à réévaluer ces questions.
Je fais valoir aussi que l'histoire ne nous a que trop abondamment montré que la complicité avec l'injustice est elle-même injustice. Nous ne connaissons que trop bien les souffrances endurées par les juifs et les gais ensemble pendant l'holocauste. Nous ne connaissons que trop bien l'histoire des croisades. Nous ne savons que trop bien que ceux qui voudraient imposer à la vie sociale une interprétation tyrannique et fondamentaliste de la Bible traiteront inévitablement de façon tyrannique les divers membres vulnérables de notre société.
Nous exhortons par conséquent notre gouvernement à ne pas participer à l'imposition tyrannique d'un monopole religieux sur le mariage, comme le ministre de la Justice l'envisage. Nous faisons remarquer que l'option de l'union civile enregistrée n'est pas portable. Cette union ne sera pas reconnue dans d'autres juridictions et ne protégera donc pas la liberté religieuse de nos rabbins ou autres membres du clergé qui approuvent le mariage homosexuel. Nous rappelons au gouvernement que le statu quo de l'injustice et de l'égalité est devenu totalement insupportable du point de vue de la liberté de religion et des droits à l'égalité.
Merci.
¿ (0955)
[Français]
M. Richard Marceau: Merci.
Monsieur Oosterman, vous êtes évidemment très opposé au mariage de conjoints de même sexe. Si jamais--et il semblerait que les cours se dirigent vers cette décision--la Cour suprême décidait que le fait d'empêcher les mariages de conjoints de même sexe est anticonstitutionnel, seriez-vous en faveur de l'utilisation de la cause nonobstant pour garder la définition dite traditionnelle du mariage?
[Traduction]
R. P. William Oosterman: J'espère qu'elle sera invoquée et, comme je l'ai dit dans le mémoire, je considère que les juges, par le biais de la Charte, usurpent actuellement le pouvoir législatif dans ce pays.
J'ai grandi dans les années 60 et ce lieu était appelé l'Assemblée législative. C'est elle qui faisait les lois. Depuis une dizaine d'années, les lois sont renversées et réécrites, non pas par le Parlement, mais par les juges. Il faut arrêter cela.
[Français]
M. Richard Marceau: Monsieur Bussey, seriez-vous en faveur du recours à la clause nonobstant si jamais la cour décidait que les conjoints de même sexe peuvent se marier?
[Traduction]
M. Barry Bussey: Très franchement, à nos yeux c'est au Parlement de décider quelle politique publique il veut suivre ou quelle législation il veut mettre en place.
Selon notre perspective, nous exprimons notre point de vue et c'est en fin de compte au gouvernement de décider ce qu'il va faire. Cela est du ressort de l'État et, en tant qu'église, il ne nous appartient pas de dicter une conduite ou une décision. Mais sur la question politique du mariage homosexuel, nous avons exprimé notre position, à savoir que nous sommes contre.
Le président: Monsieur Robinson, sept minutes.
M. Svend Robinson: Merci, monsieur le président, et merci aux témoins.
Je ne sais pas trop par quoi commencer. J'ai été très ému par le témoignage de Mme Cohen en particulier, ainsi que de Nigel et Steve qui ont parlé de l'importance de l'égalité selon leur optique très personnelle.
Les propos éloquents de Mme Cohen m'ont rappelé un groupe que j'ai rencontré il y a quelques années—je ne sais pas s'il est toujours actif—du nom de Chutzpah, un groupe de gais et lesbiennes juifs pratiquants. Ils m'ont invité à prendre la parole lors d'une conférence et cela a été une expérience mémorable. Ils m'ont remis un livre intitulé «Twice Blessed», que je recommande à tous les membres du comité. C'est un ouvrage remarquable sur les difficultés que rencontrent les gais et lesbiennes.
Il est bon de voir le rabbin Garten en compagnie de Mme Cohen.
Pour ce qui est du témoignage de M. Oosterman, j'aimerais... Oosterman, est-ce là un nom hollandais? Pensez-vous que les Pays-Bas soient devenus un objet de risée? Vous avez dit, et je reprends vos termes, que le Canada deviendrait la risée du monde si nous acceptions le mariage homosexuel. Diriez-vous que les Pays-Bas sont devenus la risée du monde?
À (1000)
R. P. William Oosterman: Eh bien, cela dépend de quel milieu vous parlez; ce ne sera pas le cas dans votre milieu, mais dans d'autres, oui.
M. Svend Robinson: C'est le cas dans le vôtre?
R. P. William Oosterman: Oui.
M. Svend Robinson: D'accord.
Vous avez parlé du Nouveau Testament. Peut-être pouvez-vous m'éclairer. Pouvez-vous me dire quelles paroles le Christ a prononcées dans le Nouveau Testament sur le sujet de l'homosexualité?
Quelqu'un a prétendu un jour posséder un livre contenant les enseignements du Christ sur l'homosexualité, et c'était probablement le livre le plus mince de mémoire d'homme. Pouvez-vous m'éclairer là-dessus? Le Christ a-t-il jamais dit quelque chose de précis sur l'homosexualité?
R. P. William Oosterman: Les apôtres ont parlé sous l'inspiration de l'Esprit Saint du Christ. Les apôtres revendiquent, et vous pouvez l'accepter ou non, que chaque mot qu'ils ont écrit et qu'ils ont transmis était inspiré par Dieu, et donc par le Christ. Donc, que Paul dise une chose ou que le Christ le dise ne fait aucune différence.
En outre, à mes yeux ce n'est pas une question de foi baptiste ou chrétienne, c'est une question de société et de culture. Jamais dans toute l'histoire, pas plus dans les sociétés et cultures grecques qui n'étaient pas chrétiennes—ils ne lisaient pas le Nouveau Testament, peu leur importait la parole du Christ—n'a-t-on marié des hommes entre eux; on mariait des hommes et des femmes, un point c'est tout. J'ai cité les Écritures, mais cela va bien au-delà des Écritures et de la foi chrétienne, c'est la même chose dans toutes les cultures et toutes les sociétés.
M. Svend Robinson: Je comprends bien, mais le Christ lui-même n'a jamais rien eu à dire sur l'homosexualité. Paul a certainement dit un certain nombre de choses sur différents sujets, avec notamment quelques sentences intéressantes sur le rôle des femmes dans l'église, si je ne m'abuse. Et Timothy intimait aux femmes de rester silencieuses; il avait également quelques remarques intéressantes sur le rôle des invalides. Je ne sais pas si vous épousez également cette philosophie.
R. P. William Oosterman: Paul était un féministe radical. Il a dit que les hommes et les femmes étaient égaux dans le Christ et cela faisait de lui un féministe radical.
M. Svend Robinson: Il a dit que les femmes devaient se taire en s'approchant de la chaire.
R. P. William Oosterman: Eh bien, nous n'autorisons pas non plus les gens à perturber nos services et c'est de cela qu'il parlait.
M. Svend Robinson: Vous ne voulez pas que les femmes dérangent vos services.
R. P. William Oosterman: Ou les hommes.
M. Svend Robinson: Je vois.
Vous avez fait état d'une décision du tribunal des droits de la personne de la Saskatchewan, mais sauf votre respect, vous avez passé sous silence un élément important de cela. Vous avez dit qu'une condamnation a été imposée en Saskatchewan parce que quelqu'un a fait référence à la Bible.
R. P. William Oosterman: Le journal et l'homme qui a placé l'annonce ont dû payer une amende de 1 500 $.
M. Svend Robinson: Pour avoir fait référence à la Bible. Eh bien, monsieur Oosterman, il ne s'agissait pas seulement d'une référence à la Bible, et je sais que vous ne voudriez pas donner au comité une impression fausse. Il y avait des références à la Bible, mais il y avait aussi à côté de ces citations un symbole. Vous souvenez-vous de ce symbole?
Vous avez oublié le symbole. Voudriez-vous faire part au comité...
R. P. William Oosterman: Je ne disposais que de dix minutes et mon temps était limité.
M. Svend Robinson: Je vous en donne la possibilité maintenant. Quel était le symbole, monsieur Oosterman?
R. P. William Oosterman: L'annonce était très claire. Elle disait que l'homosexualité est mauvaise.
M. Svend Robinson: Et quel était le symbole?
R. P. William Oosterman: Le panneau routier courant qui indique «ne vous engagez pas dans cette voie», c'est-à-dire un cercle rouge barré en diagonale: ne prenez pas cette route.
M. Svend Robinson: C'était le symbole d'une interdiction, n'est-ce pas? Dans le cercle il y avait la silhouette de deux personnes de même sexe, deux hommes...
R. P. William Oosterman: C'est le même panneau routier qui dit «interdit de tourner» ou «sens interdit».
M. Svend Robinson: Exactement. Le symbole disait donc qu'il fallait bannir ces personnes, n'est-ce pas? Ce n'était donc pas seulement un texte religieux, il y avait un symbole d'interdiction. Et la preuve présentée au tribunal indiquait que les jeunes gens, particulièrement, pouvaient interpréter cela comme signifiant que les gais n'ont pas le droit d'exister. C'est ce que disaient les témoignages au tribunal.
R. P. William Oosterman: Le juge s'est élevé contre les Écritures et a dit que la Bible était de la littérature haineuse.
M. Svend Robinson: Je sais, mais le problème n'était pas le texte biblique, c'était le...
R. P. William Oosterman: Eh bien, le juge n'était pas d'accord. Il a dit que c'était les Écritures.
M. Svend Robinson: C'était les écritures et le...
R. P. William Oosterman: Dans son jugement.
M. Svend Robinson: Eh bien, j'ai lu le jugement et je me ferais un plaisir de le communiquer aux membres du comité, monsieur le président.
Le jugement précisait bien qu'il n'y aurait pas eu de problème si le texte s'était présenté seul. Mais lorsqu'il est accompagné d'un symbole disant que les gais doivent être éliminés, les experts ont témoigné que cela pouvait avoir un effet préjudiciable, particulièrement sur des jeunes qui doutent déjà d'eux-mêmes et de leur dignité.
Monsieur Bussey, est-ce que des femmes peuvent devenir ministre du culte dans l'Église Adventiste du Septième Jour?
M. Barry Bussey: Il y a des ministres ordonnés et des ministres non ordonnés. Nous avons donc des femmes—nous les appelons «ministres par commission» qui font du travail d'aumônerie, ce genre de choses.
M. Svend Robinson: Mais peuvent-elles accéder comme les hommes au rang complet de ministre du culte?
M. Barry Bussey: Non.
M. Svend Robinson: Cela a-t-il jamais été contesté devant un tribunal des droits de la personne, à votre connaissance?
M. Barry Bussey: Pas jusqu'à présent, non.
M. Svend Robinson: Bien sûr que non. Qu'est-ce qui vous amène donc à croire, alors que cette pratique est clairement discriminatoire à l'égard des femmes en vertu de la législation sur les droits de la personne...? Pourquoi pensez-vous qu'il est davantage probable que les politiques de l'Église Adventiste du Septième Jour concernant la non-célébration de mariages homosexuels seraient davantage contestées que les politiques de votre église, ou celles de l'église catholique ou de toute autre, qui excluent les femmes?
À (1005)
M. Barry Bussey: Il suffit de regarder ce qui se passe depuis quelques années, avec quelques contestations très sérieuses. Prenez les causes Trinity Western, Marc Hall, etc. Il est clair qu'il y a là un mouvement qui gagne en ampleur et évidemment nous...
M. Svend Robinson: Dans la cause Trinity Western, la justice s'est prononcée en votre faveur. Ce n'est donc pas un problème.
Pour ce qui est de la cause Marc Hall, si mon souvenir est bon, le problème était que l'école était financée par les fonds publics. Autrement—et le tribunal l'a dit clairement—si vous demandez des fonds publics, vous devez respecter certaines normes. Marc Hall voulait emmener son ami au bal des finissants et la justice a statué, dans ce cas particulier, parce qu'il s'agissait d'un établissement financé sur fonds publics, qu'il fallait respecter certaines normes de base.
M. Barry Bussey: D'accord. Mais je pense...
Le président: Merci, monsieur Robinson. Votre temps de parole est écoulé.
M. Svend Robinson: M. Bussey allait répondre.
Le président: D'accord, il peut répondre.
M. Barry Bussey: Dans l'affaire Marc Hall, le tribunal a indiqué très clairement que même les établissements privés ne touchant pas de fonds publics seraient astreints aux directives du ministère de l'Éducation relatives à l'égalité. Le tribunal l'a dit très clairement et a fait référence à la cause Trinity Western.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur O'Brien, sept minutes.
M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.): Merci, monsieur le président.
J'ai trois ou quatre questions et je demande donc aux témoins de donner des réponses brèves. J'essaierai de poser des questions succinctes.
J'aimerais d'abord donner quelques réponses. Mme Cohen a demandé quel souvenir le comité aimerait laisser derrière lui. Je ne peux parler au nom des autres membres, uniquement pour moi-même, et je ne présume même pas que l'histoire se souvienne de moi, franchement. Mais si elle le faisait, j'espère que ce serait comme d'une personne qui a respectueusement écouté le débat, puis qui a suivi sa conscience et s'est prononcée en faveur du mariage tel qu'actuellement défini. Ma conviction à ce sujet est très ferme.
Monsieur Oosterman, je pense que vous avez donné une bonne réponse à la question de M. Marceau. J'aimerais y répondre moi-même, en tant que député. Je trouve que les tribunaux se montrent beaucoup trop activistes dans certains domaines. Et s'ils jugeaient bon d'invalider ce que j'espère être la décision du Parlement de maintenir la définition actuelle du mariage, j'espère que je ne serais que l'un de nombreux parlementaires à demander l'invocation de la disposition dérogatoire de la Charte pour rectifier un mauvais jugement d'un tribunal.
Le rabbin Garten n'a pas encore parlé et j'aimerais bien l'entendre. M. Cere, un témoin précédent à ce comité, a soulevé quelques points très intéressants. M. Toews a fait état de certains d'entre eux. Je me reporte moi aussi à ce document. Il cite une théoricienne lesbienne, Ladelle McWhorter, qui a déclaré que si les gais :
sont autorisés à participer ouvertement dans les collectivités et institutions que les hétérosexuels revendiquent comme leurs, notre présence transformera suffisamment ces institutions et pratiques pour saper leur version préférée de l'hétérosexualité et eux-mêmes, à leur tour, s'en trouveront transformés. |
Or, Mme Cohen, M. Flear et d'autres témoins ayant comparu nous disent qu'après tout ce n'est pas une grande affaire : soyez gentils, soyez un bon comité, donnez-nous quelque chose qui ne va rien changer pour la société ou les hétérosexuels et leurs pratiques. Mais d'autres témoins disent que c'est beaucoup plus sérieux que cela et je tends à être d'accord avec eux. Comme je l'ai dit, la théoricienne lesbienne McWhorter en fait carrément l'annonce.
J'aimerais connaître vos avis.
Rabbin Steven Garten («Spiritual Leader, Temple Israel (Ottawa)», Coalition des Rabbins libéraux canadiens): Merci de la question. J'y répondrai de deux façons.
Premièrement, selon mon expérience congrégationnelle personnelle ici à Ottawa, la congrégation a accueilli les gais et lesbiennes dans la communauté de la foi, après de longues et douloureuses interrogations.
Au début, la participation de gais et lesbiennes déclarés a obligé les membres du Temple d'Israël à s'interroger sur le sens de leur foi. Les deux parties de la congrégation ont changé. Les membres de la communauté en sont venus à réaliser que nul n'a le monopole de la vérité, quoi qu'ils en pensent parfois. Les membres homosexuels en sont venus à comprendre qu'ils apportent à la communauté leur perspective propre des relations, mais qu'en choisissant de faire partie de la communauté, par définition et comme tous les autres membres, ils doivent céder une part d'individualité car aucune communauté ne peut survivre lorsque tel ou tel de ses membres prétend détenir toute la vérité.
Donc, dans une certaine mesure, il est vrai que les communautés changent, mais selon notre expérience, c'est pour le mieux. Nous avons constaté que l'ouverture est en fait une expérience enrichissante sans que nous renoncions pour autant à nos croyances fondamentales et surtout, sur le plan religieux, il nous a fallu rapidement et avec grande souffrance, nous interroger sur nos prémisses fondamentales en tant que communauté religieuse.
À (1010)
M. Pat O'Brien: Merci beaucoup de cette réponse.
Il est rafraîchissant d'entendre un témoin dire que la personne a raison. J'ai cité Mme McWhorter—je ne sais même pas s'il faut dire monsieur ou madame, franchement—qui annonçait que l'institution changerait. Vous dites qu'elle changerait pour le mieux. C'est possible. Pour ma part, je me permets d'en douter, cela reste à voir et je ne suis pas prêt à courir le risque. Cependant, j'apprécie votre réponse, monsieur.
William Eskridge, un éminent chercheur dans ce domaine, fait observer la similitude entre le projet de mariage gai et le projet de mariage mormon, c'est-à-dire un mariage polygame. Des chercheurs sérieux ont établi ce lien. J'ai posé cette question à deux autres témoins et j'aimerais maintenant l'adresser au révérend Oosterman.
Eskridge note la similitude entre le projet de mariage gai et le projet de mariage mormon et argue que la condamnation juridique et politique du projet de mariage mormon constituait une forme injuste et répressive de Kulturkampf similaire aux lois exclusionnaires actuelles contre les unions homosexuelles.
Des experts sérieux établissent ce lien, entre cette poussée d'une petite minorité en faveur du soit-disant mariage homosexuel et la poussée jadis en faveur du mariage polygame de la part des mormons.
Le révérend Oosterman voudrait-il nous faire part de sa pensée. Pensez-vous, si ce comité et le Parlement recommandaient une redéfinition du mariage, qu'il y aurait lieu de craindre une érosion encore plus poussée du mariage tel que nous le connaissons?
R. P. William Oosterman: Ce serait inévitable. Une fois que vous abandonnez la notion historique de l'union d'un homme et d'une femme, vous aurez d'autres personnes pour saisir les tribunaux et demander pourquoi ils ne pourraient pas aussi avoir une cérémonie de mariage et être mariés. Et ce ne seront pas nécessairement des homosexuels. Ce pourrait être un frère et une soeur qui sont parents adoptifs, comme dans le roman Anne of Green Gables, qui viendraient dire: «Nous avons un enfant et nous aimerions être mariés. Ce que nous faisons est notre affaire, mais nous avons droit à la même reconnaissance car nous avons une relation valide. Elle est aimante, compassionnelle».
Voilà un exemple. On pourrait en donner beaucoup d'autres. D'autres viendront pour dire: «Je suis un homme, je subviens aux besoins de trois femmes, ou cinq femmes, elles m'aiment, et je les aime». Ils contesteront en justice et demanderont l'égalité, et puisque le mariage n'est plus limité à un homme et une femme, les tribunaux devront et vont leur donner raison. C'est inévitable.
Le président: Merci, monsieur O'Brien. Votre temps est écoulé.
Monsieur Marceau.
[Français]
M. Richard Marceau: Merci, monsieur le président.
Il y a ici des gens qui ont témoigné en faveur du mariage de conjoints de même sexe et d'autres qui ont défendu la position inverse. Je pose la question à tous les membres du panel: si le comité décidait d'aller vers la reconnaissance du mariage de conjoints de même sexe, seriez-vous à l'aise s'il proposait l'ajout d'un article similaire à l'article 367 du Code civil du Québec, qui dit qu'un ministre du culte ne peut jamais être forcé de célébrer une cérémonie qui irait à l'encontre des principes ou du dogme de son institution, de sa religion, de son Église, de sa synagogue ou de sa mosquée?
À (1015)
[Traduction]
Le président: Madame Cohen.
Mme Joanne Cohen: Oui, j'aimerais répondre aux deux questions.
Comme je l'ai mentionné, le comité est saisi de la question du mariage homosexuel. Il s'agit de savoir s'il y a un préjudice et si le gouvernement a le droit d'imposer des monopoles ou contraintes religieux. Il existe au Canada quantité d'exemples de pratiques religieuses qui ne sont plus autorisées par la loi, en particulier la mutilation génitale des femmes. La question posée au comité est donc celle du préjudice. Si le comité s'intéresse sérieusement à la polygamie et à ses effets sur les gens, alors je recommande qu'il forme un autre comité et qu'il envoie un groupe d'études à Bountiful, C.-B. et en Utah pour y faire des recherches.
Nous possédons déjà des études sociologiques. Je renvoie le comité, respectueusement, à ma collègue la professeure Bonnie Fox, du Département de sociologie de l'Université de Toronto, une experte en sociologie de la famille, qui peut vous citer quantité d'études sociologiques et psychologiques montrant que les familles homosexuelles n'ont pas d'effets négatifs sur le bien-être des enfants, des familles ou collectivités.
Donc, si la question n'est pas tendancieuse mais sérieuse, je réponds que, comme le veut l'article 367 du Code civil du Québec et comme le veut la jurisprudence canadienne, il n'y a pas lieu pour les pouvoirs publics d'obliger des communautés religieuses opposées au mariage homosexuel de le célébrer, et aucune raison pour les gouvernements d'interdire aux communautés qui le veulent de marier les homosexuels.
Je précise en passant que la religion juive a interdit la polygamie il y a 1 000 ans et que le principe talmudique veut que la loi du pays doit être respectée.
Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Vous avez 20 secondes. Voulez-vous les donner à M. Oosterman, monsieur Marceau?
Monsieur Oosterman.
R. P. William Oosterman: S'il n'y a pas de préjudice et s'ils ont fait toutes ces études, alors pourquoi ont-ils besoin de se marier? Il n'y a déjà pas de préjudice. D'aucuns disent que cela stigmatise les enfants et que c'est un problème, mais si on a déjà prouvé qu'il n'y a pas de préjudice, parfait, ils n'ont pas besoin de se marier.
Le président: Merci beaucoup.
Je vais maintenant donner la parole à Mme Jennings, pour trois minutes.
[Français]
Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Merci, monsieur le président.
Monsieur Oosterman, vous avez peut-être traité de la question pendant mon absence. Je m'excuse, mais j'ai reçu un appel du ministre et j'ai dû retourner à mon bureau.
Vos arguments pour justifier votre opposition à la reconnaissance des unions de conjoints de même sexe sont en partie fondés sur des passages de la Bible.
Est-ce que cela veut dire que votre Église s'oppose, par exemple, à l'égalité des sexes, malgré le fait que nos lois civiles précisent qu'il y a égalité entre les sexes, puisqu'il existe des passages dans la Bible qui disent que la femme doit être soumise à l'homme?
[Traduction]
Le président: Monsieur Oosterman.
R. P. William Oosterman: Merci
L'Église baptiste suit d'aussi près que possible le Nouveau Testament, quoiqu'il dise. Actuellement notre église se débat avec la question de l'ordination des femmes comme pasteurs, et cette décision n'a pas encore prise, mais ce n'est pas le sujet dont traite ce comité.
Mais notre opposition n'est pas seulement d'ordre théologique. La Bible dit clairement que l'union est celle d'un homme et d'une femme, mais comme je l'ai dit dans mon exposé, toutes les sociétés et toutes les religions, pendant des milliers et des milliers d'années, en sont venus à la même conclusion. Le mariage est entre un homme et une femme, et non pas entre deux personnes de même sexe. Ce n'est donc pas simplement la théologie d'une religion ou d'un culte donné.
[Français]
Mme Marlene Jennings: Mais votre argument théologique est basé sur des passages de la Bible qui disent que le mariage est l'union d'un homme et d'une femme. Pour cette raison, vous vous opposez théologiquement à la reconnaissance d'unions entre conjoints de même sexe.
Est-ce que sur le plan théologique, votre Église s'oppose à l'égalité des sexes dans le mariage? Je ne parle pas au niveau civil, mais du mariage, car il y a des passages dans la Bible qui disent qu'une femme mariée est soumise à son mari et qu'une femme non mariée est soumise à son père ou, s'il est décédé, à son frère, à l'homme qui est le chef de famille. Je vous pose la question parce que si votre argument théologique tient debout, vous devez également vous opposer à l'égalité des sexes.
À (1020)
[Traduction]
R. P. William Oosterman: Absolument. Dans les Éphésiens, il est dit que l'homme doit aimer sa femme «comme Christ aimait l'église», ce qui est un incroyable amour sacrificiel, et s'il aime sa femme de cette façon, le fait que le même passage demande à la femme de se «soumettre» à son mari ne présente pas de problème. C'est l'égoïsme des maris qui fait que la soumission devient parfois problématique, mais nous approuvons celle-ci entièrement et elle a fait ses preuves au fil du temps: 70 p. 100 de taux de divorce aujourd'hui et des enfants vivant dans la pauvreté. Ce n'était pas le cas au cours des siècles écoulés lorsque ce passage était prêché et accepté par notre société.
[Français]
Mme Marlene Jennings: Demandez-vous au gouvernement de changer les lois qui dictent qu'il doit y avoir égalité des sexes? Comme vous êtes en train de demander au gouvernement de ne pas changer des lois sur la reconnaissance...
[Traduction]
Le président: Madame Jennings, votre temps est écoulé.
Nous écouterons la réponse et passerons ensuite à M. Robinson.
R. P. William Oosterman: Nous croyons en la liberté des individus de vivre comme ils l'entendent. Nous n'avons jamais dit aux homosexuels qu'ils ne peuvent cohabiter et faire ce qu'ils veulent. Mais nous croyons également en notre liberté de suivre la Bible comme nous l'entendons, et cela englobe le passage sur la soumission des femmes à leur mari et nous appliquons donc ce précepte. Nous ne demandons pas au gouvernement de l'imposer au reste du pays. Ce ne serait pas un comportement baptiste.
Le président: Monsieur Robinson, trois minutes.
M. Svend Robinson: Vous ne demandez donc pas au gouvernement d'imposer le comportement baptiste à l'égard des femmes, mais vous demandez au gouvernement d'imposer le comportement baptiste en matière de mariage.
R. P. William Oosterman: Non, le comportement normal. Celui de toutes les sociétés au cours des millénaires. Cela n'a rien à voir avec les passages de la Bible. Lisez l'histoire.
M. Svend Robinson: Mais vous voulez imposer cela en droit.
R. P. William Oosterman: Ça l'est déjà...
M. Svend Robinson: Juste.
R. P. William Oosterman: ... et je veux le conserver. Si vous voulez avoir un lien juridique de façon à économiser des impôts sur le revenu, tant mieux pour vous. Je suis tout à fait en faveur des économies d'impôt, mais n'appelez pas cela mariage.
M. Svend Robinson: D'accord.
J'aimerais demander au rabbin Garten de préciser la position de sa communauté de foi quant à la possibilité de reconnaître et d'affirmer les mariages homosexuels si ce comité le recommandait, ce qui est peu probable, ou si, comme il est plus probable, les tribunaux finiront par statuer que le mariage est ouvert aux gais et lesbiennes? Pourriez-vous nous indique si dans la foi juive vous pourriez effectivement célébrer des mariages dans vos synagogues?
Comme vous le savez, un vif débat se déroule dans certaines églises au sujet même de la reconnaissance des unions. Dans l'église anglicane, par exemple, l'évêque Ingham du diocèse de New Westminster a adopté une position très courageuse en disant que, oui, il autorise les églises qui choisissent de le faire à célébrer de telles unions, mais cela a déjà suffit à déclencher une tempête de controverses.
Quelle est la position au sein de la foi juive?
Rabbin Steven Garten: Merci de la question.
Je crois que les membres du comité savent que la communauté juive, comme la communauté chrétienne, recouvre un éventail de croyances. Il y a les membres de la communauté juive qualifiés d'orthodoxes qui sont opposés au mariage des gais et lesbiennes. Ils tendent également à être opposés à l'accession des femmes à la fonction de rabbin ou à l'égalité dans les pratiques liturgiques. Comme certains d'entre vous le savent, dans certaines communautés orthodoxes, les femmes sont placées derrière de grands rideaux afin de ne pas imposer leur présence aux hommes en prière.
Toutefois, dans la majorité des communautés libérales tant aux États-Unis qu'au Canada, et qui représentent probablement aujourd'hui environ 70 p. 100 de la communauté juive d'Amérique du Nord, les différentes organisations ont toutes débattu de la question du mariage homosexuel et du clergé homosexuel. Toutes les communautés, sauf l'orthodoxe, ont maintenant admis le droit des gais et lesbiennes à conduire la liturgie et à accéder au titre de rabbin ou de chantre, ce dernier conduisant les chants liturgiques.
Dans la communauté réformiste, qui est la plus grosse d'Amérique du Nord, les rabbins, réunis en assemblée il y a quelques années, ont affirmé le droit des rabbins individuels à célébrer et à bénir une union homosexuelle dans la mesure où sont réunies les conditions religieuses du mariage, appelées Kiddushin—à savoir une relation sacrée monogamme—autrement dit à se tenir avec le couple sous le dais nuptial, le huppah, et à bénir l'union. Mais les rabbins qui ne souhaitent pas en conscience célébrer une telle cérémonie n'y sont pas obligés.
À (1025)
M. Svend Robinson: Existe-t-il des rabbins aux Pays-Bas qui...
Le président: Merci, monsieur Robinson.
M. Svend Robinson: J'aimerais savoir ce qu'il en est aux Pays-Bas, très brièvement.
Le président: Je comprends ce que vous demandez...
Rabbin Steven Garten: Il existe des rabbins en Amérique du Nord qui se tiennent sous la huppah avec des couples de gais et de lesbiennes.
Le président: Madame Fry.
Mme Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
J'ai deux questions. La première s'adresse au rabbin Garten et l'autre à M. Flear.
Rabbin Garten, étant donné que vous avez dit à la page 3 de votre mémoire, au point (c), «le choix des religieux dûment reconnu et de l'autorité civile de marier les couples de même sexe», pensez-vous que vous devriez avoir le droit d'exercer cette autorité, sur la base de la liberté de religion garantie par la Charte, et que le fait de vous empêcher d'exercer cette autorité de marier les couples homosexuels constitue une atteinte directe à votre droit à la liberté de conscience et de religion tel que garanti par le paragraphe 2(a) de la Charte? Vous donnez à entendre que si nous n'autorisons pas ce mariage, ce serait porter atteinte à vos libertés religieuses. J'aimerais savoir ce que vous pensez des autres groupes qui affirment détenir la vraie vérité et nous demandent en conséquence d'empiéter sur vos libertés religieuses.
Rabbin Steven Garten: C'est l'un des grands malheurs la religion que nous prétendons tous connaître les voies du Seigneur. Nous nous sommes combattus pendant des siècles, chaque camp réclamant pour soi le monopole de la parole de Dieu et mes fidèles diront sans doute que c'est mon cas aujourd'hui. Néanmoins, je pense que nous avons appris au fil du temps qu'il est dangereux pour une société de donner un monopole religieux.
Nous l'avons appris lors de l'interdiction de l'esclavage. La Bible reconnaît clairement l'esclavage. Il existait et des Chrétiens et des Juifs pour clamer que le gouvernement n'avait pas le droit d'interdire l'esclavage, car les textes sacrés l'autorisaient. Nous l'avons appris aussi à propos du racisme, car la Bible semble impliquer qu'un race est plus légitime qu'une autre. Nous avons convenu dans nos communautés, tant au Sud de la frontière qu'ici, que cette notion de vérité avec un V majuscule n'est dans l'intérêt de personne.
Notre position est donc que si des membres de la communauté judaïque, tant rabbins que fidèles, considèrent que la sanctification de relations est valide et conforme à leur conception des noces et du mariage juif, ils devraient avoir le droit de les célébrer et que c'est un empiétement sur notre liberté religieuse que de nous interdire de le faire aux fins purement religieuses.
Mme Hedy Fry: Merci beaucoup, rabbin.
Maintenant, ma question pour M. Flear. Vous avez parlé de haine à l'école, de la discrimination dont souffrent les jeunes gens gais. J'aimerais vous demander d'aller un pas plus loin, soit la situation d'un enfant qui a un parent homosexuel. Nous savons que c'est aujourd'hui le cas de nombreux enfants. Pensez-vous que cet enfant, dont le père est gai ou la mère lesbienne, va se faire harceler et souffrir de discrimination à l'école? Quel est l'effet sur cet enfant, sur son estime de soi et ses sentiments pour sa famille? Cet enfant va-t-il soudainement considérer que sa famille n'en est pas une vraie?
Pensez-vous, par conséquent, que si le gouvernement autorisait le mariage homosexuel, cela aurait pour effet de valider cette famille et de conforter cet enfant au sein de la collectivité et le mettre plus à l'aise au sujet de sa famille? Parce qu'il ne faudrait pas, effectivement, qu'un enfant veuille rejeter sa famille parce que celle-ci est vilipendée et non reconnue. Pensez-vous qu'il y aurait cet effet?
Le président: Merci, madame Fry.
Monsieur Flear.
M. Nigel Flear: J'ai lu beaucoup de livres pour enfants traitant de cette question. Il est important de légitimer toutes les formes familiales, à mon avis, et si on faisait du mariage homosexuel une option viable, non seulement les élèves eux-mêmes pourraient-ils rétorquer qu'ils ne méritent pas cette discrimination, mais cela permettrait également aux enseignants et à tous les responsables scolaires de dire la même chose.
Je sais bien que l'on ne peut faire disparaître l'homophobie et que, oui, certains enfants subiront des railleries, qu'ils soient gais ou non. D'ailleurs, je ne crois même pas que la plupart des victimes de l'homophobie soient homosexuelles. Dans les cas dont j'ai parlé, les intéressés n'étaient même pas gais, à ma connaissance, mais on se moquait d'eux néanmoins.
L'homophobie est légitimée par les pouvoirs publics sous la forme de l'interdiction de mariage. Autoriser celui-ci ne va pas faire disparaître l'homophobie, mais donnera au moins des outils aux enseignants, aux parents et aux enfants eux-mêmes...
À (1030)
Mme Hedy Fry: Faire prévaloir l'intérêt de l'enfant.
M. Nigel Flear: Oui.
Le président: Monsieur Cadman.
M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.
Je n'ai qu'une courte question et je la pose à tout le panel.
Plusieurs témoins se sont dits assurés que, dans l'éventualité où le comité ou le gouvernement reconnaîtrait le mariage homosexuel, les tribunaux ne sanctionneraient pas les institutions religieuses qui refuseraient de marier un couple. Mais même si les tribunaux ne rendent pas de jugement allant dans ce sens, pouvez-vous garantir qu'il n'y aura pas de contestations en justice? Ma crainte, et leur crainte, est que ces institutions seront forcées de dépenser des sommes énormes pour se défendre jusqu'en Cour suprême. Donc, est-ce que la probabilité que les tribunaux ne rendent pas de jugement défavorable à ces institutions empêche qu'elles soient néanmoins traînées en justice?
Mme Joanne Cohen: J'aimerais répondre à titre de juriste. J'ai eu le privilège d'assister à une merveilleuse conférence d'un juriste de renommée internationale, le professeur Rob Wintemute, qui a été cité ici ce soir, à la faculté de droit de l'Université de Toronto au printemps dernier. Le professeur Wintemute, dans ce cours magistral, établissait une distinction explicite entre la sphère publique et la sphère privée pour ce qui est de la jurisprudence contemporaine au Canada et au Royaume-Uni en matière de droits des homosexuels.
Ainsi, la jurisprudence au Canada montre à l'envi que lorsqu'il n'y a pas d'intérêt public dans la gestion des affaires d'une communauté religieuse privée, un voile est tiré, en quelque sorte, entre l'église et l'État. Comme M. Robinson l'a bien fait remarquer, dans le cas où ces institutions ne touchent pas de fonds publics, elles sont libres d'administrer à leur guise leurs affaires, pour ce qui est des femmes, des minorités religieuses et autres.
Il n'y a donc aucun fondement en droit, à ma connaissance, pour une contestation invoquant la Charte. Moi, juive, je ne vais pas poursuivre en justice une synagogue orthodoxe qui refuserait de me marier, car je sais que c'est une institution privée. La même chose est vraie de tout activiste gai à qui j'ai parlé, de tout juriste à qui j'ai parlé et toute la jurisprudence prouve que nous avons raison. Il n'y aura aucune obligation, car il n'y a aucun fondement en droit pour obliger.
M. Chuck Cadman: Je ne conteste pas ce que vous dites. Mais est-ce que cela garantit qu'il n'y aura pas de contestation en justice qui pourrait aller jusqu'en Cour suprême?
Mme Joanne Cohen: C'est juste. Il n'y aura aucun fondement pour intenter des poursuites et les tribunaux refuseraient de les entendre. Les plaideurs seront déboutés. Merci.
Le président: M. Oosterman souhaite répondre. Il vous reste un peu de temps, Chuck. Le permettez-vous?
Monsieur Oosterman.
R. P. William Oosterman: Pourquoi cette école des Prairies qui avait embauché un homosexuel sans savoir qu'il l'était doit-elle payer des dommages-intérêts? Ce n'était pas une école financée sur fonds publics, c'était une école chrétienne. Sa position était clairement connue. Elle a embauché un homme sans savoir qu'il était homosexuel. C'était la cause Vriend—je crois que c'était le nom de ce monsieur—et l'école a dû lui verser des dommages-intérêts. Les tribunaux ont déjà jugé.
Un autre élément est que les églises peuvent être poursuivies dès lors qu'elles bénéficient d'allégements fiscaux. Nous sommes une oeuvre de charité enregistrée. On peut soit nous enlever le statut soit nous obliger à rendre des comptes parce que nous touchons des fonds publics sous forme d'allégements fiscaux. Cela nous expose, nous rend vulnérables et cela va arriver, sans aucun doute.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Bussey, mais très rapidement, je vous prie.
M. Barry Bussey: Oui, juste un mot sur la cause Vriend. Désolé, mais je ne suis pas d'accord avec vous, car l'enjeu dans cette affaire était plutôt la législation protégeant l'égalité. Néanmoins, là où j'abonde dans le même sens que vous, c'est au sujet de la cause Marc Hall, où le tribunal a expressément indiqué que même si l'institution privée ne touche nul fonds publics, elle est assujettie aux directives relatives à l'égalité du ministère de l'Éducation.
Le président: Merci.
Je passe maintenant à M. MacKay pour trois minutes.
M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Je fais référence au mémoire de Mme Cohen où elle écrit, à la page 3:
Nous considérons que les valeurs juives qui affirment la dignité, l'intégrité et l'égalité inhérentes des êtres humains prévalent sur les attributs conditionnés par l'histoire et qui reposent sur les textes bibliques, rabbiniques et médiévaux dans lesquels on condamne l'homosexualité comme une abomination. |
J'imagine que vous parlez là de certains des passages cités aussi par M. Oosterman.
On commence dans les Écritures avec la notion que la pratique de l'homosexualité est une abomination. Auparavant, on trouve dans les Livres 1 et 2 de la Genèse, qui fondent les religions juive, musulmane et chrétienne, que Dieu a créé l'homme et la femme à son image et les a unis pour former une seule chair. Le mariage est enraciné dans la manière dont les hommes et les femmes ont été créés, ce qui le rend universel.
Donc, peu à peu, on est passé dans les milieux théologiques et particulièrement dans les cultes musulmans, juifs et chrétiens plus libéraux, on est passé de la conception de l'homosexualité comme une abomination à la notion que c'est une relation équivalente.
Rabbin Garten, pourriez-vous faire part au comité de l'évolution de cette pensée et m'aider à comprendre comment ces deux concepts peuvent coexister dans le même univers? Ils semblent être diamétralement opposés et, du moins en apparence, inconciliables.
À (1035)
Rabbin Steven Garten: C'est probablement vrai. Je pense pouvoir dire que les traditions religieuses libérales—et j'y englobe mes collègues de certaines traditions libérales chrétiennes—tendent à distinguer dans les Écritures entre ce qui est la parole éternelle de Dieu et ce qui semble n'être que le reflet d'une période donnée. C'est une lutte permanente.
La plupart des traditions religieuses libérales considèrent que lorsque le premier livre de la Bible dit que les hommes ont été créés à l'image de Dieu, cela reflète une parole éternelle de Dieu; et lorsqu'il est question de lapider les enfants récalcitrants, nous ne considérons pas la recommandation de lapider les enfants récalcitrants ou les adultères de l'un ou l'autre sexe comme la parole de Dieu. Nous y voyons le reflet des moeurs d'une période donnée, moeurs que les auteurs de l'écrit ont cherché à concilier de leur mieux avec ce qu'ils estimaient être la volonté de Dieu.
Les auteurs des Saintes Écritures croyaient à leurs écrits lorsqu'ils écrivaient «oeil pour oeil, dent pour dent». Plus tard, les interprètes ont décidé que la parole de Dieu n'était pas inhérente à cette formule exacte, mais que la volonté de Dieu était plutôt une sorte de compensation de la perte et une notion de parité. C'est ainsi qu'il faut voir les choses—non pas un rejet d'une notion, mais un changement d'interprétation au fur et à mesure que chaque génération s'efforce de faire la part de ce qui est éternel et de ce qui est temporel.
[Français]
Le président: Monsieur Marceau.
M. Richard Marceau: Monsieur le président, les premiers mots que j'ai prononcés au premier tour étaient pour dire que je n'étais pas théologien. J'ai l'impression qu'à la fin de cette étude que fait le comité, je vais le devenir un peu.
Je voudrais revenir à la base de l'argumentation contre le mariage de conjoints de même sexe. Ce n'est pas parce que j'en ai contre vous, monsieur Oosterman, mais seulement parce que je veux bien comprendre. Un des arguments avancés, pas nécessairement par vous mais par différents témoins, était que l'homosexualité, en tant que telle, était contre le bien public ou était criminelle. Cela a été réglé à la fin des années 1960; ce n'est plus le cas.
Un deuxième argument était que l'homosexualité ou le mariage homosexuel était contre la religion. Or, ce n'est pas le cas. D'abord, il y a des religions pour lesquelles ça ne pose pas de problèmes. Deuxièmement, il n'y a aucun argument--et Mme Cohen a été très éloquente sur ce point--qui pourrait forcer une Église, dont la vôtre, à marier des conjoints de même sexe. Donc, ce n'est pas ce point-là.
Troisièmement, on dit que l'essence du mariage est religieuse. Certaines personnes ont affirmé cela, mais le fait qu'un mariage civil existe enlève toute validité à cet argument, je crois.
Alors, si ce n'est pas contre le bien public, si ce n'est pas contre la religion et si le mariage n'est pas une institution religieuse, mais bien une institution civile sanctionnée par les lois d'un État, pouvez-vous dire en une phrase pourquoi on est contre le mariage homosexuel?
À (1040)
[Traduction]
R. P. William Oosterman: Je pense que cela amoindri et modifie la conception du mariage qu'ont les gens. Le mariage, c'est le cadre où grandissent les enfants, en sachant qu'il y a un père et une mère. Dans certains cas le mariage produit des enfants, dans d'autres cas non. Mais c'est considéré comme normal. Il en est ainsi depuis des milliers d'années. Mettez deux hommes ensemble et appelez cela un mariage, et vous aurez modifié le sens d'un coutume millénaire, qui est commune à toutes les religions et toutes les sociétés, sans exception.
Les Grecs ne mariaient pas leurs couples homosexuels parce qu'ils voyaient bien que ce n'était pas un mariage. Il n'y avait aucun préjugé contre l'homosexualité dans la société grecque. C'était un comportement pleinement accepté, mais ils ne considéraient pas un tel couple comme marié car cela aurait amoindri et modifié la définition du mariage.
[Français]
M. Richard Marceau: Ma question sera la dernière pour l'instant. Croyez-vous que le mariage est une institution si fragile, si en difficulté que le fait permettre à des conjoints de même sexe de se marier détruirait l'institution?
[Traduction]
R. P. William Oosterman: Je pense que l'institution souffre déjà du divorce et du concubinage. D'aucuns diront que quelqu'un peut dire que les unions de fait n'exercent pas d'impact sur le mariage, mais c'est faux, c'est même un impact dévastateur. Le taux de divorce est élevé et les enfants de ces couples vivent dans la pauvreté. Tout est déjà très mouvant. Cette mesure ne fera qu'empirer les choses. Si ces gens veulent des allégements fiscaux, appelez-les partenaires, ou par quelqu'autre mot. Ne les appelez pas mariés. Voilà ce que nous demandons.
Le président: Monsieur Macklin.
M. Paul Harold Macklin (Northumberland, Lib.): Merci.
J'aimerais suivre une approche légèrement différente et considérer le problème du point de vue de la liberté de religion. Si différentes religions ont différentes conceptions du mariage—et j'adresse ma question aux religieux qui sont ici—quel est à votre sens le rôle de l'État par rapport à la liberté de religion? Je songe, par exemple, à la consanguinité : autrement dit quelles personnes peuvent légitimement, aux yeux de l'État, s'épouser. À votre avis, dans quels cas l'État devrait-il imposer des limites et dans quels cas faudrait-il laisser ce choix aux institutions religieuses?
Le président: Madame Cohen.
Mme Joanne Cohen: Sachez bien que nous sommes en faveur de la séparation de l'église et de l'État, ou de la synagogue et de l'État, selon le cas. Nous pensons qu'il incombe à l'État, comme cela a toujours été le cas, d'assurer un accès universel, portable au mariage sans que la loi n'érige indûment des obstacles, comme ceux auxquels se heurtent actuellement les gais et lesbiennes du Canada qui doivent, pour protéger leur relation, recourir à des procurations et autres instruments de cette nature.
Pour ce qui est de la liberté de religion, nous attendons du gouvernement qu'il n'intervienne pas plus qu'il n'est absolument nécessaire, comme aujourd'hui, de telle façon que les responsables des diverses églises aient le pouvoir d'offrir des certificats de mariage exécutoires en droit canadien, reconnus tant par les autorités civiles que religieuses. La seule différence sera l'ouverture du mariage aux homosexuels.
Comme nous le disons dans notre mémoire, rien en droit fédéral canadien n'interdit le mariage homosexuel. Deux personnes quelconques peuvent se marier. Si le gouvernement souhaite éviter de s'exposer à certains arguments spécieux en excluant les personnes ayant des liens de consanguinité, tels qu'une mère et un fils ou diverses autres relations prohibées, ou encore interdire la polygamie, nous n'y avons pas d'objection. La seule chose que nous demandons est que l'on donne la liberté aux cultes qui le veulent de sanctionner des mariages homosexuels qui soient légalement et religieusement valides, sans imposer aux cultes qui ne le veulent pas de le faire.
Merci.
Le président: Nous allons écouter la réponse des autres témoins. Monsieur Oosterman.
M. Barry Bussey: J'aimerais dire simplement que le problème revient en fait à...
Le président: Je veux préciser simplement que la réponse vient de M. Bussey. J'avais dit M. Oosterman et je veux que le procès-verbal soit clair. Allez-y. Je voulais juste assurer que l'on sache qui parle.
À (1045)
M. Barry Bussey: Je ne vous envie pas votre tâche. Votre rôle n'est manifestement pas facile.
Le rôle que j'attribue au gouvernement est de chercher à trouver le juste équilibre entre ces diverses préoccupations. Il faut considérer les choses dans une perspective globale, sociologique et anthropologique. On a fait référence à plusieurs reprises à Daniel Cere, qui présente d'excellents arguments dans son étude, à mon avis. On considère donc tous ces aspects et le gouvernement doit peser tous ces divers intérêts.
La question qui surgit toujours, du moins dans mon esprit, est de savoir où tirer la ligne? Où faut-il tirer la ligne? C'est là où il faut tenir compte de tous les éléments. Nous nous inscrivons dans une optique religieuse. Notre religion est faite. C'est à vous, le gouvernement de peser les considérations religieuses, sociologiques et anthropologiques et essayer de prendre une décision qui répond le mieux possible aux besoins de la société dans son ensemble.
Nous conserverons toujours notre désir de liberté religieuse à cet égard, comme les autres témoins ici, même si nous campons sur des positions différentes dans ce domaine. Ce n'est pas une problématique simple et c'est une question avec laquelle toute la société se débat aujourd'hui.
Désolé de ne pouvoir vous aider plus, mais il s'agit de savoir où tirer la ligne et de le faire sur la base des meilleures données disponibles.
Le président: Merci.
Je vais passer à M. Robinson. Il nous reste 12 minutes et il reste deux ou trois noms sur ma liste. Je suis sûr que tout le monde aura la possibilité de poser ses questions.
M. Svend Robinson: Merci, monsieur le président. J'aimerais revenir sur l'aspect abordé par ma collègue, Mme Jennings, à savoir les problèmes qui entourent la transposition en droit de l'enseignement biblique traditionnel.
Monsieur Oosterman, vous avez cité le Nouveau Testament et les apôtres, parmi lesquels Paul, bien sûr. Paul a dit aussi des choses très intéressantes sur l'esclavage. Les connaissez-vous?
R. P. William Oosterman: [Note de la rédaction: Inaudible].
M. Svend Robinson: Et vous considérez, je suppose, que l'enseignement du Christ, tel qu'il est traduit par Paul, doit être transposé en droit, tout comme vous demandez que les enseignements touchant l'homosexualité soient transposés en droit.
R. P. William Oosterman: Paul n'a jamais dit que l'esclavage était juste. Il disait qu'il fallait respecter les personnes qui ont autorité sur vous, qu'il s'agisse de votre propriétaire, de votre employeur ou du gouvernement. À aucun moment n'a-t-il dit que l'esclavage était juste. Mais il disait à ceux vivant dans cet état d'être respectueux. Pour ce qui est de notre société, je pense que nous l'affaiblissons lorsque nous affaiblissons les familles et l'assise familiale de notre société.
M. Svend Robinson: Donc, pour ce qui est de la définition du mariage, vous dites que le divorce est l'un des facteurs qui a affaibli le mariage, me semble-t-il.
R. P. William Oosterman: Le divorce facile. Pas juste le divorce, le divorce facile.
M. Svend Robinson: Le divorce facile. Pouvez-vous donc m'éclairer et m'indiquer la position que l'Église baptiste a adoptée au sujet des modifications apportées, je crois vers la fin des années 60, à la législation en matière de divorce? J'imagine que vous étiez opposé également à ces changements, n'est-ce pas?
R. P. William Oosterman: À l'époque, je faisais de la bicyclette. Je...
M. Svend Robinson: Pas vous personnellement, mais l'Église Baptiste.
R. P. William Oosterman: Je ne sais pas trop ce qu'elle disait à l'époque. Je suppose que nous pourrions trouver quelques résolutions dans les archives.
Je dirai ceci. On parle régulièrement dans les journaux du nombre d'enfants vivant dans la pauvreté au Canada et on s'en lamente, et pourtant on admet que c'est le produit du divorce. À l'époque où il n'y avait pas le divorce facile en 12 mois—«j'en ai assez, me m'en vais»—le taux de divorce était une fraction de ce qu'il est aujourd'hui. Nul ne souhaite voir les enfants vivre dans la pauvreté, mais personne non plus ne veut remonter en arrière et s'attaquer au problème du divorce, qui est la source.
M. Svend Robinson: Une dernière question, ou plutôt un commentaire. Lorsque vous parlez des millénaires de tradition en matière de mariage, savez-vous qu'ici même au Canada il y a une tradition contraire dans beaucoup de collectivités des Premières nations, telles que les Ojibway et quelques autres, où l'on acceptait sur un pied d'égalité les conjoints de même sexe? Donc, vos connaissances historiques sont peut-être un peu fautives, du moins pour ce qui est de cette partie du monde.
À (1050)
R. P. William Oosterman: Toute règle a ses exceptions. Si vous regardez de façon générale l'histoire des cultures du monde, ceci représente une exception à la règle.
Le président: Merci beaucoup.
Avant de passer à M. O'Brien, je sais que certains membres doivent partir à 11 heures et j'aimerais régler une question tant que nous avons le quorum. Cela ne prendra qu'une minute et je demande l'indulgence des témoins.
Vous vous souviendrez que nous avons décidé de voyager aux fins de cette étude. Je suis sûr que les témoins souhaitent eux-mêmes que la consultation soit très ouverte et comprendront les raisons de ce déplacement. Vous vous souviendrez que nous avons convenu de 11 villes, mais l'intention initiale était de tenir ces audiences en janvier et février. Pour des raisons échappant à notre contrôle, cela n'a pu être fait en janvier ni en février et c'est pourquoi j'aimerais présenter une motion au sujet de ce voyage au comité de liaison jeudi. Il faut donc qu'elle soit adoptée aujourd'hui, si vous le voulez bien et nous avons besoin du quorum.
Voici la motion. S'il y a débat, je la présenterai de nouveau demain. S'il n'y a pas de débat, autant l'expédier aujourd'hui. La motion prévoit que 11 membres du Comité permanent de la justice et des droits de la personne soient autorisés à voyager à Vancouver, Edmonton, Moose Jaw, Steinbach, Halifax, Sussex, Sudbury, Toronto, Iqaluit, Montréal et Rimouski.
Ce sont là les villes sur lesquelles nous étions entendus précédemment. Seules les dates changent.
Puis-je avoir une motion à cet effet? Monsieur Lee. Un débat est-il nécessaire? Motion proposée par M. Lee. Sommes-nous d'accord?
Des voix: D'accord.
Le président: Merci. Je présenterai cela au comité de liaison jeudi.
La parole est à M. O'Brien. Nous vous remercions de votre...
M. Svend Robinson: Monsieur le président, il reste juste un petit point de procédure très court. Il s'agit d'informer les membres du comité que mardi prochain, dans l'après-midi, je crois, le comité entendra des témoignages sur mon projet de loi d'initiative parlementaire, le projet de loi C-250, prévoyant l'inclusion de l'orientation sexuelle dans la loi réprimant la propagande haineuse.
Le président: Je sais, monsieur Robinson. J'ai tendance à souhaiter faire moi-même ce genre d'annonce, mais vu les circonstances...
Monsieur O'Brien, s'il vous plaît, pour trois minutes.
M. Pat O'Brien: Je n'ai pas d'annonce publicitaire à faire, monsieur le président. Je dirai simplement que je considère ces audiences comme très importantes. Nous étudions l'opportunité de modifier la définition du mariage tel que nous le connaissons, et il serait totalement irresponsable, à mon avis, de ne pas examiner toutes les ramifications possibles d'une telle décision, notamment la demande éventuelle—et je prends toujours soin d'ajouter le mot «éventuel»—que des relations polygames soient considérées comme un mariage. Il serait incroyablement irresponsable de ne pas cerner ces ramifications éventuelles. C'est ce que j'ai l'intention de faire à titre de député élu.
À cette fin, j'aimerais poser une question à M. Bussey. M. Cere, en conclusion de ce que j'estime être une excellente étude, dit ceci:
Les Canadiens devraient oeuvrer de concert à l'instauration d'une société traitant toutes les personnes, quelle que soit leur orientation sexuelle, avec une grande dignité et un profond respect. Cependant, assurer dignité et respect aux gais et lesbiennes n'exige pas que la société consente à reconstruire une institution fondamentale à l'établissement des liens hétérosexuels et essentiels à l'écologie sociale de la vie humaine. |
Pourriez-vous brièvement réagir à cette réflexion?
M. Barry Bussey: Selon notre perspective, toute cette question du mariage en est une de définition. Le mariage, de par sa définition même, est hétérosexuel.
Il faut considérer ce qui se passe au Canada sur le plan du multiculturalisme, d'une société pluraliste. Chaque fois que vous avez une définition qui va introduire des distinctions, elle va entraîner des divergence d'interprétation. La communauté hétérosexuelle avait comme point focal le mariage. Il n'y a aucune raison pour laquelle la communauté homosexuelle ne pourrait pas avoir une autre institution comme point focal. À mon sens, une société multiculturelle ou pluraliste peut parfaitement intégrer en son sein les différences.
M. Pat O'Brien: Merci beaucoup.
Monsieur le président, ma dernière question s'adresse à M. Flear. Moi aussi je suis enseignant, de presque 22 années d'expérience. Je veux simplement signaler que les enseignants non seulement disposent aujourd'hui des moyens, mais ont aussi l'obligation de réprimer toutes les formes d'intimidation. C'est paradoxal, comme vous dites, ces railleries consistant à traiter les autres de gais; j'ai vécu cela, moi aussi, et les victimes étaient des élèves qui n'avaient rien d'homosexuel. Mais il faut combattre cela. C'est la responsabilité des enseignants et ils disposent des outils pour cela.
Ai-je bien entendu, avez-vous bien dit que si notre comité et le Parlement ne modifient pas la définition du mariage, cela reviendra en quelque sorte à légitimer l'homophobie? J'espère que non, car je ne partage certainement pas cet avis. Un témoin antérieur a dit craindre que ses enfants soient victimes de moquerie parce qu'ils viennent d'une famille de deux mères. Pourriez-vous m'aider à comprendre en quoi la modification de la définition du mariage changerait la réalité que ces enfants appartiennent à une famille à deux mères?
J'aimerais entendre la réponse de M. Flear, s'il vous plaît.
À (1055)
M. Nigel Flear: Certainement. Il va y avoir des familles homosexuelles. Vous ne pouvez pas réellement l'empêcher. On ne peut pas non plus empêcher beaucoup de choses qui voient le jour dans la société. Je pense qu'il incombe au gouvernement, en l'occurrence, de prendre en considération la large diversité des familles.
J'admets certes que les enseignants un rôle très important à jouer s'agissant de réprimer l'homophobie et d'autres formes de discrimination. C'est d'ailleurs ce qu'exige la loi et nous, enseignants, avons toute la formation voulue pour nous acquitter de nos responsabilités à cet égard. J'ai essayé d'expliquer à mes élèves les réalités de la vie de la façon la plus digne et la plus respectueuse possible. Souvent, leur comportement est dû à l'ignorance.
Ce que j'ai dit—et vous avez bien entendu—me paraît juste. Je trouve que c'est pratiquer deux poids et deux mesures que de dire que les gais et lesbiennes sont pleinement égaux et leur refuser l'égalité dans le mariage, ce qui me paraît un déni très fondamental des droits de ce groupe et du droit de ces individus à faire ce qu'ils veulent.
Pour ce qui est des moqueries, je l'ai déjà dit. Ce n'est pas cela qui va mettre un terme aux moqueries. Mais cela ne pourra qu'améliorer la situation si les couples gais ont l'option du mariage. Je ne pense pas que le statu quo améliorera la situation des familles homosexuelles et des familles qui ont des enfants homosexuels. Autoriser le mariage homosexuel améliorerait la situation, cela ne va pas l'empirer.
Le président: Madame Fry, il nous reste moins d'une minute.
Mme Hedy Fry:
J'aimerais juste parler du sens de la famille. J'aimerais vous lire cette citation très rapidement:
...la famille apporte un environnement stable et constitue le meilleur cadre pour élever les enfants et instruire les générations futures. Le mariage assure la stabilité psychologique et émotionnelle dont les enfants ont tellement besoin. |
Êtes-vous d'accord avec cela, monsieur Oosterman?
R. P. William Oosterman: Oui...
Mme Hedy Fry: C'est dans le mémoire présenté par l'Église catholique la semaine dernière. Par conséquent, si nous sommes soucieux de l'intérêt des enfants et de la stabilité des familles, ne serait-il pas bon que les enfants de parents gais puissent bénéficier de cet environnement stable, de cette stabilité psychologique et émotionnelle qu'apporte le mariage et que l'Église catholique décrit si bien?
R. P. William Oosterman: Cela n'assurera rien du tout, car les couples mariés, hommes et femmes, divorcent en majorité et les enfants se retrouvent à la rue. C'est ce qui arrivera également dans le cas des couples homosexuels. Le mariage ne changera rien sur le plan de la stabilité. Cette dernière exige l'amour et l'engagement, et cela peut se trouver dans le mariage comme en dehors.
Mme Hedy Fry: Donc vous...
Le président: Madame Fry, un autre comité siège ici à 11 h.
Je remercie les membres du comité. Je remercie les témoins de nous avoir aidés aujourd'hui.
La séance est levée.