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Je déclare la séance ouverte. C'est la 29
e réunion du Comité permanent de la sécurité publique et nationale. Nous poursuivons notre étude de la contrebande du tabac.
Je souhaite la bienvenue aux témoins qui comparaissent aujourd'hui. Nous avons, de la compagnie Imperial Tobacco Canada Limitée, M. Donald McCarty et M. Benjamin Kemball. Nous vous souhaitons la bienvenue, messieurs, et nous allons vous donner la parole.
Conformément à notre pratique habituelle, vous aurez dix minutes pour faire une déclaration d'ouverture. Nous entendrons ensuite M. Jerry Montour, qui est président et chef de la direction de Grand River Enterprises, qui fera lui aussi une déclaration. Steve Williams n'est pas ici, mais Chantell Montour comparaît à sa place, je suppose.
Monsieur, vous-même ou Chantell pourrez faire un exposé d'environ dix minutes, quand nous aurons entendu les gens d'Imperial Tobacco, si cela vous convient à tous.
Nous aurons ensuite la période de questions et observations.
Sans plus tarder, lequel de vous, messieurs, voudrait commencer?
Monsieur Kemball, allez-y.
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Bon après-midi, mesdames et messieurs.
Premièrement, je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant vous au nom du Conseil canadien des fabricants des produits du tabac.
Au cours des trois dernières années, nous avons attiré l'attention sur la croissance inquiétante du commerce illicite du tabac et sur ses conséquences économiques et sociales catastrophiques. Je suis réconforté par le fait que votre comité a convoqué des audiences sur une affaire aussi grave. Comme il s'agit d'activités illégales, j'ai demandé à Don McCarty, vice-président de la division du droit et avocat général d'Imperial Tobacco Canada, de se joindre à moi.
Avant d'en arriver aux solutions possibles, je voudrais vous donner un aperçu de ce marché illicite et de ses conséquences. Nous avons distribué un document à lire au préalable, ainsi qu'un CD, qui fournissent des renseignements détaillés tirés de différentes études commandées par Imperial Tobacco Canada, par le Conseil canadien des fabricants des produits du tabac et aussi par d'autres, comme l'Association canadienne des dépanneurs. Je me ferai un plaisir de répondre à toute question que vous pourriez avoir sur ces études, ou même sur tout autre aspect de cet important sujet.
Pour gagner du temps, je vais me limiter aux principales conclusions. Premièrement, les produits illicites représentaient 22 p. 100 du marché canadien en 2007, et plus de 30 p. 100 en Ontario et au Québec. Ces données sont tirées de la dernière grande étude effectuée, dont les constatations et la méthodologie ont été examinées et généralement acceptées. Même des groupes du secteur de la santé, par exemple Physicians for a Smoke-Free Canada, reconnaissent que c'est l'étude la plus complète disponible.
En volume, les produits illicites ont atteint 10 milliards de cigarettes en 2007 et tout indique que la croissance a continué rapidement depuis cette date. Le commerce illicite a maintenant dépassé Rothmans, Benson & Hedges et JTI-MacDonald pour devenir le deuxième fournisseur en importance de produits du tabac en Ontario et au Québec. Il est bien parti pour devenir le principal fournisseur dans l'ensemble du pays, même devant Imperial Tobacco, qui fabrique 14 milliards de cigarettes par année.
Maintenant, de ces produits illégaux qui représentent 22 p. 100 du marché, 93 p. 100 proviennent des réserves des premières nations. J'ai apporté quelques exemples de ces produits, qui sont en violation d'un grand nombre de lois et de règlements, notamment la Loi sur l'accise, la Loi sur le tabac et la Loi sur l'étiquetage des produits de consommation. Le reste de ces 22 p. 100 est importé en contrebande d'autres pays, et seulement 1 p. 100 est attribuable à la contrefaçon — essentiellement des copies illégales de marques reconnues, habituellement importées en contrebande de pays comme la Chine.
Même s'il y a encore une proportion appréciable de cigarettes achetées dans des cabanes à cigarettes au bord des routes, la principale méthode d'achat de cigarettes illégales et celle qui connaît la croissance la plus rapide, c'est par des contacts, nommément les réseaux criminels qui distribuent des produits illégaux à l'extérieur des réserves. Dans bien des cas, ces ventes se font directement aux consommateurs, et même directement aux enfants.
Alors que les cigarettes légales libérées de taxes coûtent entre 65 $ et 85 $ la cartouche, selon la catégorie de prix dans une province donnée, les cigarettes illégales se vendent à des prix aussi bas que 6 $ pour un sac de 200. Autrement dit, on les vend 3 ¢ la cigarette. Une analyse des mégots de cigarettes trouvés à l'extérieur des cours d'école en Ontario et au Québec indique que le taux de pénétration des cigarettes illégales parmi les enfants se situe à 30 p. 100. Dans certaines municipalités, ce taux atteint 50 p. 100 en Ontario et même 70 p. 100 au Québec.
Le commerce illégal des produits du tabac est généralement considéré comme un crime présentant peu de risques et ne faisant aucune victime, qui nuit seulement aux grandes compagnies de tabac et au gros méchant gouvernement. Il est vrai que les fabricants légaux perdent plusieurs centaines de millions de dollars par année en revenus. Il est également vrai que d'autres partenaires de l'industrie en souffrent, les grossistes, les détaillants qui perdent en moyenne 120 000 $ par année, ou les cultivateurs de tabac en Ontario dont le gagne-pain est menacé. Et les gouvernements au Canada — ou plus précisément les contribuables canadiens — se font frauder au rythme de 1,6 milliard de dollars par année. Mais, comme si tout cela n'était pas suffisant, ce sont les conséquences sociales désastreuses qui exigent une intervention urgente et efficace.
Le Canada se targue à juste titre d'avoir l'un des marchés du tabac les plus rigoureusement réglementés et les plus fortement taxés au monde. Ces règlements visent la fabrication, l'étiquetage, la mise à l'essai, le marketing et la vente des produits du tabac.
Étant donné que nos produits présentent des risques intrinsèques, les grandes compagnies de tabac appuient une réglementation raisonnable et même le recours à la fiscalité pour décourager les enfants de commencer à fumer. Nous demandons seulement que ces lois et règlements soient appliqués uniformément et qu'ils atteignent leur objectif. Malheureusement, ni l'un ni l'autre n'est vrai aujourd'hui.
Comme vous pouvez le voir en consultant les études, les enfants ont aujourd'hui accès à des cigarettes à un prix dérisoire et les criminels ne demandent pas aux acheteurs de prouver qu'ils ont l'âge voulu. De plus, d'après la GRC et la police provinciale, beaucoup des réseaux qui s'occupent de distribution illégale du tabac vendent aussi de l'alcool, des drogues et des armes à feu, avec tous les risques que cela comporte pour les jeunes Canadiens.
Plus généralement, tous les Canadiens doivent s'inquiéter de voir se propager une culture où l'on viole la loi impunément.
Voilà donc la situation. On est passé d'un marché du tabac légal et fortement réglementé à un marché illégal, non réglementé, non taxé. Et nous n'avons pas encore mesuré l'incidence de l'interdiction de l'étalage des produits du tabac, qui entrera en vigueur en Ontario et au Québec à la fin du mois et qui créera un terrain fertile pour le commerce illégal.
Avant d'en arriver aux solutions potentielles, je tiens à dire clairement que je ne réclame pas une réduction de taxe. S'il est vrai que cette solution a fonctionné dans le passé, je suis conscient des pressions politiques que cela entraînerait. Mais les lois du Canada doivent être appliquées uniformément et efficacement, faute de quoi les gouvernements sont acculés à choisir entre le chaos ou une baisse des taxes.
J'insiste aussi sur le fait qu'il n'y a pas de solution unique, de « solution miracle » à ce problème. Toute solution durable exigera un ensemble de mesures qui doivent avoir l'appui des dirigeants des premières nations. Je ne peux pas parler au nom des premières nations, mais d'après tous mes contacts et mes renseignements, les premières nations elles-mêmes sont très préoccupées par les conséquences nuisibles du commerce illégal du tabac sur leurs propres communautés. Loin d'en être bénéficiaires, elles sont devenues les victimes de crimes commis à l'extérieur de leurs communautés.
Je suis heureux de constater que certains dirigeants des premières nations ont choisi d'assister à cette séance et j'espère que leurs voix seront entendues.
Des mesures efficaces pour s'attaquer au commerce illégal du tabac doivent comprendre une application plus rigoureuse de toutes les lois pertinentes, non seulement les taxes, mais aussi les mesures imposées par la Loi sur le tabac, entre autres. L'application rigoureuse des lois non seulement ferait augmenter le coût et réduirait la demande des produits illégaux, mais cela empêcherait aussi l'effondrement total des politiques visant le contrôle du tabac.
La semaine dernière, la GRC a annoncé sa stratégie de lutte contre le tabac de contrebande pour 2008; c'était une très bonne nouvelle, mais comme le commissaire adjoint Raf Souccar l'a dit la semaine dernière, l'application des lois à elle seule ne suffira pas.
Il est impératif de créer un groupe de travail national pour coordonner les stratégies et interventions des divers organes de gouvernement qui peuvent jouer un rôle dans la lutte contre le tabac illégal. Cela comprend l'Agence du revenu du Canada, la GRC, les ministères de la Sécurité publique, des Finances, des Affaires indiennes et du Nord, de l'Agriculture et de la Santé. Un tel groupe de travail devrait consulter les différents intervenants, y compris les compagnies de tabac, pour obtenir les renseignements et recommandations voulus.
Certaines mesures autres que l'application de la loi aideraient à s'attaquer au problème. Par exemple, la fourniture de machines et matériaux particuliers associés à la fabrication des produits du tabac devrait être étroitement encadrée et contrôlée. À notre connaissance, plus de 20 licences de fabrication des produits du tabac ont été émises par le gouvernement fédéral ces dernières années et très peu d'inspections ont été faites, ou même aucune. Les compagnies de tabac doivent aussi faire leur part en travaillant de concert avec les fournisseurs de l'industrie pour s'assurer que ceux-ci appliquent une politique consistant à bien connaître leurs clients.
Enfin, et c'est peut-être le plus important, l'introduction d'une taxe sur le tabac pour les premières nations comparable aux taxes provinciales sur le tabac doit jouer un rôle essentiel. Les revenus tirés d'une telle taxe pourraient servir à financer les programmes de développement dont les premières nations ont tellement besoin. Ce concept s'est révélé efficace dans les territoires des Indiens Seneca aux États-Unis. Il est encourageant d'entendre qu'ici même au Canada, plusieurs dirigeants de premières nations préconisent une mesure semblable comme élément de solution. On trouve des exemples semblables d'autoréglementation très efficace des produits du tabac dans des réserves des premières nations, par exemple la réserve Cowichan à Duncan, en Colombie-Britannique, où la taxe provinciale sur le tabac est perçue et conservée par les premières nations.
Comme vous l'avez constaté, la situation est désastreuse et échappe déjà à tout contrôle. J'espère que les dirigeants politiques — fédéraux, provinciaux et des premières nations — vont saisir cette occasion de mettre en place des solutions durables à l'avantage de tous les Canadiens. Ma compagnie, de même que l'industrie que je représente, sommes déterminés à apporter notre aide dans toute la mesure du possible.
Je vous remercie beaucoup de m'avoir écouté.
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Je veux moi aussi remercier les membres du comité de nous donner l'occasion de prendre la parole. C'est assez impressionnant pour moi, à titre de fabricant des premières nations, car je sais qu'il n'est jamais arrivé dans l'histoire qu'un fabricant de tabac des premières nations ait son mot à dire dans de telles audiences.
Nous sommes un fabricant de tabac autorisé au Canada depuis 1997. Nous avons versé environ 500 millions de dollars en revenus fiscaux, et nous n'avons pas encore vu la moindre retombée de cette somme dans les communautés des premières nations. Cela nous rend la tâche d'autant plus difficile, quand notre compagnie essaie d'exercer des pressions auprès des gouvernements des premières nations pour obtenir que ceux-ci participent aux efforts visant à établir des règles égales pour tous, alors qu'actuellement, c'est complètement... Comme mon collègue l'a signalé, nous essayons de vendre un sac de produits du tabac à un prix oscillant entre 28 $ et 35 $, alors qu'il y a des gens qui vendent le même produit à 6 $ la cartouche.
Vous savez, l'idée de permettre aux premières nations d'imposer elles-mêmes une taxe sur les produits qu'elles vendent n'est pas nouvelle. Je me rappelle, dès la fin des années 80 et le début des années 90, d'avoir proposé la même idée à des gouvernements qui ont précédé celui-ci. Essentiellement, ils n'ont même pas pris le temps de nous écouter. Je me rappelle d'avoir rencontré en tête à tête une personne aussi haut placée que le ministre des Finances de l'époque, je crois que c'était M. Anderson, et de lui avoir dit que pour vraiment convaincre nos gens d'adhérer à de tels programmes, il faudrait qu'ils puissent constater qu'au moins une partie de ces revenus fiscaux aide les gens des premières nations.
Cela dit, je dois ajouter que le problème fondamental dans l'ensemble de l'industrie à l'heure actuelle, c'est le mot « légal ». La reconnaissance légale est l'élément le plus difficile dans toute cette industrie.
Notre compagnie a choisi de devenir un fabricant autorisé des produits du tabac. Jusqu'à il y a huit ans, nous étions perçus comme quasiment des héros dans notre communauté. Sous l'égide du gouvernement fédéral, en payant toutes les taxes fédérales applicables, notre compagnie a prospéré. Nous avons également fondé l'un des tout premier organismes caritatifs parmi les premières nations, le Fonds Dreamcatcher. Nous y avons versé plus de 10 millions de dollars. En incluant les retombées, notre compagnie à elle seule a créé plus de 1 000 emplois dans les communautés des premières nations, tout cela en payant les taxes fédérales applicables.
Je vois que la chef de la réserve d'Akwesasne est ici présente. Je comprends tout à fait que, de son point de vue, cela doit être éprouvant d'être assise ici et d'entendre décrire son peuple comme une bande de criminels. C'est un environnement quasiment sauvage. Dès que quelqu'un dit qu'il y a un problème avec le tabac, on s'écrie: « Ça doit venir d'Akwesasne ». Et voilà le noeud du problème.
Je n'ai jamais entendu personne dire que nous devrions essayer de découvrir qui fournit les matières premières aux entreprises de ce secteur et obliger ces fournisseurs à rendre des comptes. Je peux vous garantir que les PDG de compagnies cotées en bourse n'aiment pas être traînés devant les tribunaux, et les gens d'ascendance autochtone qui se trouvent dans une situation désespérée sont vulnérables à l'exploitation. Mais j'ignore comment l'on peut fabriquer des produits du tabac à moins de pouvoir obtenir des matières premières.
Parlons un peu des répercussions sur la santé. Si vous croyez ne serait-ce qu'une seconde que les premières nations ne se soucient pas de leurs propres jeunes, vous devez vraiment...
Laissez-moi vous exposer l'état d'esprit de nos jeunes gens. Je vais essayer de vous faire comprendre quel est l'état d'esprit d'un adolescent autochtone qui fréquente l'école secondaire: il quitte sa localité en autobus et, arrivé aux limites du territoire, il voit probablement une cinquantaine d'agents de la police provinciale de l'Ontario qui patrouillent à l'extérieur de la réserve à cause de conflits territoriaux non résolus, et il veut croire qu'il se prépare à une vie meilleure, à trouver un emploi. Il retourne donc dans sa communauté. Mais les seules possibilités d'emploi qui s'offrent à lui dans les territoires des premières nations à l'heure actuelle, c'est dans le secteur du tabac.
Pour ce qui est de la période de transition, tout comme l'agriculteur qui cultive du tabac... Je suis très fier de dire que chez nous, à Grand River Enterprises, tout le tabac utilisé dans nos produits est cultivé au Canada, du moins dans une proportion de 90 p. 100, sans compter que nous payons toutes les taxes fédérales applicables.
Maintenant, je ne veux pas me présenter à vous et donner l'impression d'être un défenseur du tabac et me faire attaquer par tous les défenseurs de la santé publique et tout le reste. Globalement, nous sommes reconnus comme des pionniers pour ce qui est de faire prendre conscience aux gens des dangers du tabac. Des mises en garde relativement à la santé sont affichées bien en évidence sur nos produits, tout comme sur ceux de nos concurrents. Mais quand on est confronté à une telle situation, c'est décourageant — je veux dire quand des produits de contrefaçon sont vendus ouvertement dans nos propres communautés.
Rien ne permet de réfuter les énoncés qu'on nous a demandé d'afficher sur nos paquets. Il n'existe aucune preuve nous permettant de dire que le tabagisme n'est pas mauvais pour les poumons ou pour la santé. Nous n'avons donc aucune preuve médicale nous permettant d'affirmer le contraire et nous avons la responsabilité d'inscrire ces avertissements en matière de santé sur nos paquets. Notre compagnie est un fabricant des premières nations et nous avons pris sur nous de respecter toutes ces lignes directrices, avec pour résultat que nos produits doivent rivaliser avec des produits de contrefaçon vendus dans les mêmes paquets.
Je voudrais profiter de cette tribune publique pour avertir toutes les communautés des premières nations que de permettre à des éléments du crime organisé de s'implanter dans les territoires des premières nations, c'est comme de laisser des loups entrer dans la bergerie.
Il semble y avoir une certaine confusion quant à savoir qui peut taxer le produit, et nous sommes tous en attente. En entrant dans la salle tout à l'heure, j'ai rencontré l'ancien chef d'Akwesasne, le chef Mitchell. Quand lui et moi avons été les pionniers de ce débat, nous étions beaucoup plus jeunes. Il n'y a jamais eu aucun changement dans toute cette question des compétences, à savoir qui est autorisé à taxer ces produits. Nous n'avons toujours aucun éclaircissement 20 ans plus tard. S'il faut d'abord, avant de faire quoi que ce soit, tirer au clair qui a compétence sur les territoires, je crains vraiment qu'il ne se fera absolument rien.
À titre de PDG de cette entreprise, je suis très préoccupé par le fait que nos produits sont étalés de façon flagrante dans les territoires des premières nations. D'après la GRC, il y a quelque 140 membres du crime organisé qui travaillent avec des représentants des premières nations dans le secteur du tabac. Je parle seulement à titre personnel. Je ne suis pas chef héréditaire; je ne suis pas actuellement chef élu d'un territoire des premières nations. Mais je ne veux pas, à chaque fois qu'un comité discute de nos gens, qu'on ait la perception qu'ils accueillent à bras ouverts le crime organisé et favorisent de telles activités dans leurs réserves.
Vous entendrez un autre homme qui est chef d'une réserve et qui paye lui aussi toutes les taxes fédérales applicables. Je ne suis pas ici pour argumenter dans l'affaire des compétences fiscales. Je suis ici pour vous faire prendre conscience que l'on ne peut pas fabriquer de produits du tabac sans avoir accès aux matières premières. C'est seulement récemment que, Dieu merci, vous êtes intervenus au gouvernement pour empêcher les dirigeants de ces opérations clandestines de mettre la main sur les machines-outils spécialisées dans le secteur du tabac. Je vous en félicite. C'était une excellence initiative. Prenez maintenant toutes les autres mesures nécessaires au moins pour garantir qu'il y ait une transparence totale dans l'ensemble du secteur.
Nous pourrons discuter plus tard de la question de savoir qui a compétence en matière de taxes, mais chacun sait à quel point c'est difficile d'extirper le crime organisé d'une communauté une fois qu'il s'y est incrusté. Je suis très inquiet.
Nous sommes des hommes d'affaires des premières nations et au cours des huit premières années après avoir obtenu la licence, nous avons payé scrupuleusement toutes les taxes fédérales applicables et dès que nous avons été en mesure d'obtenir un rendement de notre investissement, nous avons réinvesti notre argent dans les communautés des premières nations. Vous avez vu construire des stades pour jouer à la crosse, la piste de course Ohsweken, des stations-service, des compagnies de technologie, et beaucoup d'autres retombées et compagnies satellites qui appartenaient aux administrateurs ou travailleurs de ces compagnies respectueuses des lois.
J'ai assisté à une lente diminution de tout cela. Je pense que la diminution est due au fait que souvent, ces activités sont menées par des gens qui n'ont pas à coeur les intérêts des premières nations. L'argent quitte le pays et est investi à l'étranger où des gens participent à ces activités. Je suis sûr que vous pouvez compter sur de très bons services de police qui pourront vous aider à identifier les responsables.
C'est très difficile de parler devant un comité quand on ne peut pas s'empêcher de se dire: « Fais attention de ne pas trahir ton peuple. Assure-toi de donner à ton peuple la possibilité de profiter lui aussi de cette source de revenu. C'est la seule source de revenu de ton peuple. » Mais par ailleurs, à titre d'homme d'affaires des premières nations, n'ai-je pas droit à l'égalité des chances? N'ai-je pas le droit de jouer le jeu selon les mêmes règles que tous les autres?
Vous parlez de compétence provinciale. Je peux seulement parler en mon nom personnel; je n'ai pas le privilège de pouvoir parler au nom de tous les autres fabricants de tabac de la réserve. Mais je peux vous dire que notre compagnie est le principal fabricant de tabac respectueux des lois situé dans un territoire des premières nations, et nous ne voulons pas voir nos produits de fabrication autochtone vendus dans des magasins de détail en dehors de la réserve.
Nous n'avons jamais obtenu la permission des autorités provinciales de vendre nos produits du tabac en Ontario, et c'est une affaire qui sera tranchée par les tribunaux un jour ou l'autre. Je ne veux pas que des gens prennent des produits destinés aux Autochtones pour les vendre dans n'importe quel dépanneur. Mais vous savez, si vous renforcez vos lois, cela n'arrivera pas.
Je sais qu'aux États-Unis d'Amérique, si l'on se fait prendre pour la deuxième ou la troisième fois à vendre des cigarettes non estampillées, les conséquences punitives sont considérables, généralement une incarcération de longue durée. Vous ne pouvez donc pas mettre en place un environnement indulgent et dire: « Eh bien, nous défendons les droits des premières nations. »
Les détaillants des premières nations qui sont vraiment engagés envers l'édification de leurs propres communautés vendent leurs produits seulement dans les territoires des premières nations. Ils ne choisissent pas d'aller vendre leurs produits dans l'ensemble de la société.
J'ai déjà touché un mot de la situation des jeunes qui grandissent chez nous. N'ont-ils pas le droit de travailler dans une usine? Tant que le secteur du tabac est légal et reconnu, je pense qu'ils ont le droit d'y travailler. Voulez-vous qu'ils travaillent dans une usine avec des armes à feu à portée de main parce qu'ils ont peur des agressions? Ils ont désespérément besoin de ces emplois et doivent donc se résigner à travailler dans un tel environnement. Est-ce vraiment ce que vous voulez pour les jeunes?
S'il y a une chose dans laquelle les gens des premières nations croient, c'est la famille. Nous avons la croissance démographique la plus rapide au Canada aujourd'hui. Vous devez donner des possibilités à nos jeunes aussi. Si vous pouvez m'aider à empêcher les fabricants de ces produits du tabac d'avoir accès aux matières premières et à favoriser les fabricants respectueux des lois, nous ferons vraiment du Canada un meilleur endroit.
Je vous remercie beaucoup pour votre temps.
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Premièrement, permettez que je vous fasse part de quelques éléments stratégiques en réponse à votre première question.
Je pense qu'il y a une autre stratégie forte à laquelle l'industrie dans son ensemble pourrait contribuer. Si vous voulez vraiment bloquer la quantité de matières premières dans le secteur du tabac, les grandes compagnies de tabac, y compris nous-mêmes, pourraient s'engager à acheter plus de tabac cultivé au Canada, au lieu de s'en procurer ailleurs à meilleur marché. Si nous achetions tous du tabac cultivé au Canada et permettions aux cultivateurs de participer à un programme d'abandon graduel de cette culture à long terme, même s'il fallait pour cela payer plus cher pour chaque cartouche, cela aiderait les cultivateurs canadiens de tabac. Je crois personnellement que c'est de cette source que vient environ 80 p. 100 du tabac de contrebande. On ne peut pas demander à des gens qui produisent 70 millions de livres d'abandonner tout à coup cette culture simplement parce que le tabac coûte moins cher au Brésil ou ailleurs. Nous, fabricants canadiens de produits du tabac, avons la responsabilité de les aider dans leur programme d'abandon graduel, si nous voulons vraiment nous attaquer au problème.
Deuxièmement, personne au monde ne pourra jamais vous dire que... J'ai mis cela par écrit, mais je vais vous montrer une photo pour illustrer mon propos. Comme vous pouvez le voir, le papier à cigarette est clairement défini et ne peut servir qu'à un seul usage. Le papier à embout, cette sorte de liège brun à l'extrémité de la cigarette, ne peut clairement servir qu'à un seul usage. Le boudin de filasse, à ma connaissance, ne peut servir... S'il peut servir à d'autres fins, alors qu'on en identifie les usages et qu'on les restreigne.
Je m'en tiens résolument à la position qui était la mienne au moment où je suis entré dans la salle, à savoir que si l'on peut contrôler les matières premières, on contrôle du même coup les activités, parce que quiconque le fait légalement n'a pas peur de la transparence.
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Cela fait un certain temps que je veux intervenir. J'attendais qu'on pose la bonne question: pourquoi ce produit est-il illégal?
Premièrement, il est vendu à 6 $. Il est fabriqué dans une usine qui n'a probablement pas de permis, ce qui est une infraction. Après avoir été fabriqué dans cette usine, il a traversé la frontière en contrebande. Encore une autre infraction à la loi. Ensuite, la taxe d'accise n'a pas été payée; une autre loi violée. La taxe provinciale sur le tabac n'a pas été perçue quand le produit a été vendu à l'extérieur de la réserve. C'est encore une autre loi violée — et l'on ne parle même pas de la TPS et de la taxe de vente.
Ensuite, qu'arrive-t-il? Le produit est vendu au consommateur. Y a-t-il un avertissement de santé? Non. Énumère-t-on les ingrédients sur le paquet? Non. Le papier est-il à faible propension d'inflammation? Non, il ne l'est pas.
Il y a au moins une douzaine d'infractions en matière de santé relativement à ce sac de cigarettes. Et puis il y a aussi la Loi sur l'emballage et l'étiquetage des produits de consommation, que le Bureau de la concurrence doit appliquer.
Qu'est-ce qu'il y a là-dedans? Je l'ignore.
Si c'était de la bière — si quelqu'un vous vendait de la bière dans des bouteilles en plastique transparent, sans aucune indication, est-ce que vous la boiriez? Non. Mais tout le monde fume ce truc-là.
Le nom du fabricant n'est pas indiqué. C'est encore une autre infraction. Le Bureau de la concurrence est censé faire appliquer cela. On n'indique pas les ingrédients. On ne dit pas d'où ça vient.
Santé Canada a recensé une douzaine, au moins une douzaine d'infractions aux règlements sur la santé et à la Loi sur le tabac. Toutes ces lois et règlements sont systématiquement violés. Rien de tout cela n'est appliqué.
Voilà pourquoi ce produit est illégal. Il est illégal pour d'innombrables raisons.
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Merci, monsieur le président. Je vous remercie de me donner l'occasion de poser des questions aux témoins.
Je suis heureux que M. Montour soit venu témoigner. C'est intéressant. J'ai été invité à me rendre dans votre région plusieurs fois, par des amis qui habitent là-bas. Le problème tient en partie à l'accroissement des activités de contrebande et de distribution dans la région.
J'ai été très étonné de vous entendre prononcer les mots « comme une zone de guerre » pour décrire la réserve. Je suppose que c'est ce que vous vouliez dire quand vous avez utilisé l'expression « zone de guerre ». Vous êtes manifestement inquiet au sujet de ce qui se passe ou de ce qui pourrait se passer à l'avenir. J'ignore ce que vous vouliez dire par là, mais je voudrais des précisions.
En fait, j'ai moi-même acheté des cigarettes de contrebande pendant que j'étais là-bas et j'ai été très étonné qu'on puisse en acheter un paquet pour 6 $ ou 8 $. Mais ce qui m'a étonné encore plus, c'est la quantité de cigarettes de contrebande vendues à Calgary. Des camionneurs viennent ramasser des cigarettes ici à 6 $, les transportent à l'autre bout du pays et les revendent 40 $ à Calgary. Je comprends donc qu'il y a là énormément d'argent à faire et qu'aucune taxe n'est payée sur tout cela.
J'ai aussi été surpris par le grand nombre de ces cabanes à cigarettes dont M. McCarty a parlé, dans ce secteur que j'ai eu la chance, je dis bien la chance de visiter, parce que je ne crois pas que quiconque puisse vraiment comprendre ce qui se passe avant d'aller voir de ses propres yeux. Il y en a quelque chose comme 200 juste à l'extérieur de la réserve. C'est un marché de grande envergure.
Cela m'inquiète, à titre de député au Parlement et à titre d'ancien agent de police. Je dois dire que, moi aussi, je voudrais que la loi soit appliquée également. Vous, en tant qu'homme d'affaires, vous aimeriez que la loi soit appliquée. Cela voudrait dire que tout le monde est traité de la même manière. Ce que je conclus de votre témoignage, c'est que ce n'est pas tout le monde qui est traité de la même manière. Et cela ne s'applique pas seulement à la contrebande; cela devrait probablement s'appliquer à tous les aspects de la loi, afin de créer un environnement sûr.
Monsieur Montour, vous êtes inquiet pour l'avenir de votre réserve, de votre peuple, et je dois supposer que cette inquiétude ne vise pas seulement votre réserve et votre peuple. Votre préoccupation englobe votre entreprise et probablement toute la communauté qui vous entoure, car nous ne vivons pas en vase clos.
Je suis curieux de savoir comment vous percevez l'avenir des jeunes de votre communauté, quand vous les voyez se mêler à ces affaires de contrebande; prenons par exemple les jeunes des Six Nations — je ne veux pas singulariser les Six Nations, mais c'est le seul endroit où j'ai vu de mes propres yeux ces activités. Que pourrions-nous faire ensemble pour nous débarrasser du problème?
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Premièrement, je vous remercie beaucoup, ainsi que tous les membres du comité, de nous avoir permis de venir vous parler de ces questions.
Pour répondre à votre question sur ma perception de la situation de nos jeunes, pas seulement dans les Six Nations, mais dans beaucoup de territoires des premières nations partout en Ontario et au Québec, je vois de la confusion. Je vois des querelles de compétence constantes et des conflits territoriaux.
Je vais vous en donner un exemple. Premièrement, il se trouve que je suis membre de Wahta Mohawk, dans le nord de l'Ontario, et j'en suis fier. Je mène mes affaires dans la réserve des Six Nations. Les adolescents fréquentent des écoles secondaires. Nous n'avons pas d'école secondaire. Nous en avions une dans une réserve qui était bilingue, mais les jeunes y étaient amenés par camion. Les jeunes des premières nations ne sont pas vraiment reçus à bras ouverts quand on est en plein milieu d'un conflit territorial. Il y a beaucoup de gens qui répandent la peur et qui leur disent ce qui va leur arriver. Ils s'efforcent d'améliorer leur sort et leur situation financière. Si les seuls outils qu'on a pour faire de l'argent sont perçus comme illégaux, essentiellement, cela ne laisse pas beaucoup de marge de manoeuvre, n'est-ce pas? C'est pourquoi je m'efforce de m'attaquer au coeur du problème.
Vous nous demandez quelle est notre solution. Je crois vraiment, du fond du coeur, que la toute première étape, c'est justement ce qui se passe ici dans cette salle. La deuxième étape serait de s'occuper des matières premières, pour que nous ayons tous un chiffre véridique et transparent avec lequel travailler. Ensuite, on pourra se pencher sur le partage des revenus entre les communautés des premières nations. Qui est habilité à taxer le produit? Comment quelqu'un peut choisir de payer la taxe dans sa propre communauté, comment créer cette possibilité. Cette option a été examinée il y a 23 ans. Je me rappelle d'être venu dans ce même immeuble. Tous les membres des premières nations de ma communauté me disaient: « Ne me trahis pas, ou alors tu fais mieux de ne pas revenir ». Je suis allé voir le ministre des Finances et lui ai demandé si nous pourrions travailler à une sorte de partage des revenus. Je me rappelle du nom de M. Anderson, aussi vrai que je regarde ce microphone. Je lui ai dit: « Y a-t-il une manière quelconque de s'arranger pour que ce soit avantageux pour notre peuple? » Essentiellement, il m'a envoyé promener.
Et nous voici 23 ans plus tard obligés de nous attaquer à ces mêmes problèmes. Je sais que tout le monde ne sera peut-être pas d'accord avec moi au sujet des matières premières, mais voyons les choses en face: je travaille dans ce secteur, je suis un fabricant autochtone et j'ai donc une assez bonne idée de ce qui permettra à mon avis de mettre de l'ordre dans cette situation.