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Nous avons le quorum. Par conséquent, je déclare ouverte la réunion du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord. Je suis à Ottawa aujourd’hui et je siège sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 27 octobre 2020, le Comité poursuit son étude de la sécurité alimentaire dans les collectivités du Nord.
Pour assurer le bon déroulement de la réunion, je vous rappelle de parler lentement et d’écouter la réunion dans la langue officielle de votre choix. Il y a un sélecteur dans le globe dans la partie centrale au bas de votre écran, où vous pouvez sélectionner le français ou l’anglais. Quand vous parlez, assurez-vous que votre caméra est activée, et parlez lentement et intelligiblement. Lorsque vous ne parlez pas, votre microphone devrait être désactivé.
Nous recevons aujourd’hui par vidéoconférence pour les 45 premières minutes les témoins suivants: Laurie Chan, Lynn Barwin, Malek Batal, Tonio Sadik et Constantine Tikhonov, de l’Étude sur l’alimentation, la nutrition et l’environnement chez les Premières Nations.
Monsieur Chan, je vais vous céder la parole, et vous pourrez présenter vos intervenants. Allez-y s’il vous plaît pour environ six minutes, mais cela peut dépasser un peu le temps si vous en avez besoin.
Bonsoir, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité. Merci de nous avoir invités à présenter les résultats de notre étude sur la sécurité alimentaire dans les collectivités du Nord à votre Comité.
Je m’appelle Laurie Chan et je suis professeur et titulaire de la chaire de recherche du Canada en toxicologie et santé environnementale à l’Université d’Ottawa et un des principaux directeurs de l’étude.
Les autres chercheurs principaux qui sont ici ce soir sont M. Malek Batal, un professeur et titulaire de la chaire de recherche du Canada en inégalités en nutrition et en santé à l’Université de Montréal; M. Tonio Sadik, directeur principal de l’environnement, des terres et de l’eau à l’Assemblée des Premières Nations; et le Dr Constantine Tikhonov, chef de section des environnements de salubrité alimentaire à la direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits de services aux autochtones Canada. Mme Lynn Barwin, la gestionnaire du projet de l’étude, est établie à l’Université d’Ottawa.
Au nom de l’équipe, je parle des résultats de l’étude sur l’alimentation, la nutrition et l’environnement chez les Premières Nations. Il s’agit de la plus exhaustive étude représentative sur le plan statistique sur la nutrition et la santé environnementale des Premières Nations jamais réalisée au Canada. Il s’agit d’un réel partenariat entre des universités, l’Assemblée des Premières Nations et le gouvernement fédéral. Cette étude sur 11 ans a reçu plus de 12 millions de dollars de financement de Santé Canada et Services aux Autochtones Canada et elle a réussi à recueillir des données auprès de 6 487 participants issus de 92 Premières Nations dans 11 Écozones et huit régions de l’Assemblée des Premières Nations au sud du 60e parallèle dans l'ensemble du Canada.
Sur les 92 collectivités, 37 se situaient à moins de 50 kilomètres des principaux centres de services, 39 se situaient à plus de 50 kilomètres de distance et 17 étaient des collectivités accessibles en avion. Une stratégie d’échantillonnage aléatoire mise au point par Statistique Canada a été adoptée afin que l’on s’assure que l’étude évaluait et présentait la diversité des régimes alimentaires des membres des Premières Nations. Nous avons utilisé une approche normalisée, avec des outils et une méthode identiques afin que les résultats soient comparables.
L’étude repose sur une approche participative et elle est née d’un besoin exprimé par les Premières Nations. Un soutien prépondérant des Premières Nations a été reçu au moyen d’une résolution adoptée en 2007 par les chefs en assemblée lors de l’assemblée générale annuelle de l’Assemblée des Premières Nations, et l’APN a participé en tant qu’un des principaux partenaires d’investigation tout au long de l’étude. À l’échelle régionale, avant la mise en œuvre de l’étude, les organisations régionales des Premières Nations ont été consultées, tout comme l’ont été des représentants de chaque Première Nation participante. Les chefs régionaux ont approuvé l’étude et fourni une orientation sur des approches visant à réagir à des questions environnementales locales précises ou à des préoccupations et à des besoins logistiques dans leur région respective.
Toutes les Premières Nations ont joué un rôle dans la planification et la mise en œuvre de la collecte de données pour les cinq composantes de l’étude. Celles-ci comprenaient des entrevues des ménages, dans le cadre desquelles des renseignements sur la situation sociodémographique, la nutrition, la santé et la sécurité alimentaire étaient recueillis. Nous avons aussi recueilli des échantillons d’eau du robinet afin d’y déceler des métaux, des échantillons d’eau de surface pour y déceler des produits pharmaceutiques, des échantillons de cheveux pour y déceler du mercure et des échantillons d’aliments traditionnels afin d’y déceler des métaux contaminants. Nous croyons que cette information importante recueillie par l’étude peut servir aux Premières Nations, aux évaluateurs des risques et aux décideurs politiques comme vous afin qu’ils élaborent des initiatives efficaces pour promouvoir une meilleure santé et le bien-être des Premières Nations.
Nous avons inclus un résumé de l’étude dans la trousse que nous vous avons fournie.
Le prochain intervenant sera M. Batal.
Monsieur le président et mesdames et messieurs, bonsoir.
Nous avons résumé nos constatations sur la sécurité alimentaire dans le document qui vous est présenté et intitulé « The Right to Food: A Coast to Coast Look at Food Security Among First Nations Living on Reserve South of the 60th Parallel ».
En bref, on a réalisé des entrevues pour évaluer la sécurité alimentaire dans notre étude à l’aide du Module d’enquête sur la sécurité alimentaire des ménages, un outil utilisé par Statistique Canada dans la population générale, qui rend possibles les comparaisons entre les données des Premières Nations dans notre étude et les chiffres canadiens généraux.
Nous avons aussi comparé le coût d’un panier de consommation hebdomadaire dans des collectivités avec le coût des aliments dans un grand centre urbain dans chaque région en utilisant un outil normalisé, soit le panier de provisions nutritif de Santé Canada. Dans toutes les régions, les coûts des aliments étaient souvent de deux à trois fois supérieurs dans les collectivités situées à plus de 50 kilomètres d’un grand centre urbain et l’étaient même davantage dans les collectivités accessibles en avion.
La prévalence de l’insécurité alimentaire était élevée dans toutes les régions sondées et avoisinait les 47,1 %, près de quatre fois plus que la prévalence canadienne de 12,2 %. Du Sud vers le Nord, le gradient de l’insécurité alimentaire augmentait, atteignant près de 80 % dans certaines collectivités éloignées accessibles en avion. Nos données sur le coût des aliments et sur l’insécurité alimentaire dans les collectivités éloignées démontrent que les programmes fédéraux existants n’ont pas réussi à réduire l’insécurité alimentaire dans les collectivités où ces programmes sont présents.
Étant donné que le système alimentaire pour les Premières Nations comprend des aliments traditionnels, notre étude a utilisé des questions supplémentaires qui examinaient les éléments entravant ou facilitant l’obtention d’aliments traditionnels. Près de la moitié des ménages participants s’inquiétaient du fait que des aliments traditionnels ne dureraient pas jusqu’à ce qu’ils puissent en obtenir davantage. Les problèmes d’insécurité alimentaire parmi les Premières Nations sont aggravés par des problèmes d’accès inadéquat à un régime alimentaire sain, ce qui entraîne des taux élevés de maladie chronique liée à la nutrition et des facteurs de risque de maladies chroniques.
Par exemple, les taux d’obésité sont le double chez les Premières Nations dans les réserves que ceux de la population canadienne — 50 % contrairement à 25 %. Le diabète est trois fois plus élevé, à 21 % contre 7 %. Veuillez noter que nos chiffres sur le diabète sont fondés sur des autodéclarations et que cela pourrait être une sous-estimation de la prévalence réelle.
Par ailleurs, lorsqu’ils sont disponibles, les aliments traditionnels peuvent contribuer grandement à la qualité du régime alimentaire, même lorsqu’ils sont présents en petites quantités. Nous avons démontré que la qualité du régime alimentaire était bien meilleure les jours où les aliments traditionnels étaient consommés. Au total, 70 % des adultes des Premières Nations dans notre échantillon représentatif nous ont dit qu’ils aimeraient consommer plus d’aliments traditionnels, mais qu’ils ne peuvent le faire en raison des règlements gouvernementaux, des pratiques agricoles, des projets hydroélectriques, des projets de pétrole et de gaz, et de l’exploitation forestière et minière.
Parmi les autres obstacles qu’ils ont mentionnés, on compte le temps, les ressources et les connaissances, en plus de préoccupations par rapport aux changements climatiques et leurs répercussions sur la disponibilité d’aliments traditionnels.
Merci. Je vais laisser mon collègue Tonio Sadik de l’Assemblée des Premières Nations terminer notre énoncé collectif.
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Merci beaucoup. Je suis ravi d’être ici ce soir.
Nous vous remercions de nous donner l’occasion de présenter l’étude au Comité.
Nous vous demandons de réagir de toute urgence aux problèmes systémiques liés à l’alimentation, à la nutrition et à l’environnement qui touchent les Premières Nations, et de le faire d’une manière qui soutienne le leadership et les solutions dirigées par les Premières Nations.
En novembre 2019, nous avons tenu à Ottawa un atelier afin d’examiner les résultats de l’étude, que nous appelons EANEPN. Conjointement avec les 280 participants à l’atelier, y compris des dirigeants et des employés techniques des gouvernements des Premières Nations ainsi que des représentants de 70 des 92 Premières Nations participantes, nous avons élaboré un ensemble de recommandations. Le document « Key Findings and Recommendations for Decision-Makers » est compris dans la trousse qui vous a été fournie.
Les recommandations suivantes concernent la question de la sécurité alimentaire, notre principale préoccupation ce soir. J’aimerais mettre l’accent sur cinq recommandations:
Premièrement, soutenir les collectivités afin qu’elles prennent leurs propres décisions éclairées concernant la sécurité et la souveraineté alimentaires.
Deuxièmement, promouvoir la consommation d’aliments traditionnels.
Troisièmement, incorporer une approche holistique qui suppose de réagir aux questions sociales et aux facteurs socioéconomiques, comme la pauvreté, le chômage et l’éducation, qui contribuent à l’insécurité alimentaire.
Quatrièmement, soutenir les collectivités afin qu’elles augmentent leur dépendance aux systèmes alimentaires traditionnels et renforcent la résilience contre les menaces à la sécurité ou à la souveraineté alimentaires, y compris les menaces comme les pandémies — nous savons de quoi nous parlons — et les catastrophes ou les phénomènes climatiques extrêmes, comme les inondations, les sécheresses et les incendies de forêt.
Enfin, cinquièmement, assurer une bonne qualité d’eau potable et insuffler la confiance envers la sécurité des réseaux publics.
C’est la fin de notre exposé ce soir. Je vous redonne la parole, monsieur le président.
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Je peux peut-être commencer. Merci de poser la question.
J’aimerais insister sur le fait que ce qui est peut-être primordial au moment de reconnaître l’importance des aliments traditionnels, c’est de reconnaître que les aliments traditionnels ne concernent pas uniquement la nutrition. Alors que la nutrition est bien sûr extrêmement importante et que c’est un facteur à bien des égards — et l’EANEPN est axée principalement sur cela, bien sûr — il doit y avoir une reconnaissance du fait que les aliments traditionnels ne peuvent simplement être remplacés par des aliments achetés au magasin.
Il y a tout un éventail de raisons pour lesquelles c’est le cas — et peut-être que les membres du Comité le savent déjà très bien — mais permettez-moi très rapidement de mentionner que, mis à part les considérations nutritionnelles, qui sont aussi un facteur important, le rôle que jouent les aliments traditionnels pour les Premières Nations est essentiel à la culture, tant les pratiques de collecte des aliments que les cérémonies. En ce sens, les aliments traditionnels représentent beaucoup plus que la nutrition. Lorsque des aliments traditionnels deviennent non disponibles ou rares, ou si les gens éprouvent des préoccupations en matière de sécurité, et ce n’est pas le cas la plupart du temps, alors nous voyons une sorte de rupture dans les systèmes sociaux connexes. Cela met vraiment en évidence l’importance des aliments traditionnels pour la nutrition et pour bien d’autres raisons.
Je vais m’arrêter ici pour voir si un de mes collègues souhaite ajouter quelque chose.
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En fonction de ce que M. Sadik a dit, je pense que c'est non seulement une question d'amener les aliments là-bas, mais aussi d'obtenir un meilleur accès aux aliments traditionnels qui sont offerts dans l'environnement et de s'assurer qu'ils demeurent disponibles.
Nous avons mentionné les obstacles à l'accès des gens à ces aliments traditionnels très sains, et nous aimerions donc commencer par éliminer ces obstacles en premier. Puis, lorsqu'il s'agit de fournir l'accès à d'autres aliments, bon nombre de collectivités ont leurs propres solutions, et je crois que celles-ci devraient être explorées en premier lieu, puis abordées avec elles. Certaines collectivités ont des subventions pour la récolte d'aliments traditionnels. D'autres collectivités ont des jardins, et d'autres ont leurs propres magasins. Ce pourrait être la solution, mais je crois que le gouvernement pourrait soutenir ces initiatives financièrement beaucoup plus qu'il le fait maintenant.
En ce qui concerne les subventions, comme nous l'avons mentionné, dans les collectivités où Nutrition Nord est présent, les prix ne sont pas beaucoup plus bas que dans les lieux où il n'est pas présent. Je crois que ces programmes devraient être repensés, et peut-être que les subventions pourraient être augmentées, afin que l'on puisse améliorer l'accès aux aliments sains.
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Merci, monsieur le président.
J'ai été vraiment intéressé par les recommandations qui sont ressorties de cette étude et certaines choses qui ne figuraient pas sur la liste. Nous avons entendu le témoignage d'un des chefs de la NAN au sujet des collectivités nordiques, les collectivités accessibles par avion dans le Nord de l'Ontario, et il a certainement parlé du prix élevé des aliments et du fait que, dans de nombreux endroits, il n'y avait qu'un seul magasin, ce qui donne un certain type de monopole à un fournisseur.
Ne croyez-vous pas qu'un facteur de l'insécurité alimentaire dans ces collectivités est le fait qu'il n'y a pas de compétition, qu'il n'y a qu'un seul fournisseur qui détient essentiellement le monopole sur la vente d'aliments?
Ma question s'adresse à M. Batal, peut-être, mais je ne sais pas si quelqu'un d'autre peut mieux y répondre.
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Bien sûr. Je laissais simplement les autres parler s'ils voulaient le faire.
Je crois que c'est un argument très valide. Souvent, dans les collectivités, la compétition est inexistante. Cependant, comme je l'ai dit plus tôt, ce n'est qu'un aspect du problème. Par exemple, nous avons découvert dans notre analyse que cela dépend aussi vraiment du ménage et de sa capacité d'accéder aux aliments. Dans les ménages où les gens vivent de l'aide sociale ou sont sans emploi, c'est beaucoup plus difficile pour ces gens d'accéder à des aliments sains. Nous avons constaté une corrélation claire entre ces cas et l'insécurité alimentaire.
Par ailleurs — cela pourrait être une observation intéressante — dans les ménages où il y avait une personne âgée, une personne qui touchait la pension de la vieillesse, l'insécurité alimentaire était plus faible. Ce sont des problèmes qui ne concernent pas seulement les magasins. Assurément, ce sont des problèmes, et des subventions pourraient aider à les régler, mais il y a aussi des enjeux sociaux et des enjeux liés à la pauvreté qui se trouvent dans les collectivités et les ménages et contribuent au problème en limitant l'accès financier aux aliments sains.
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C'est une question intéressante.
[Français]
Je vous en remercie, madame.
[Traduction]
Nous avons constaté que les aliments traditionnels offraient une plus grande qualité nutritive que les aliments du commerce. Un plus grand accès aux aliments traditionnels serait un pas vers une plus grande qualité nutritive dans le régime alimentaire. Il y a aussi des problèmes d'accès à des aliments sains dans les collectivités.
Comme nous l'avons décrit plus tôt, de nombreuses collectivités ont un seul magasin qui ne tient pas toujours les aliments les plus sains. Lorsque les aliments sont là, disons des fruits et des légumes — et cela relève de l'anecdote, car nous ne l'avons pas mesuré dans l'étude, mais nous l'avons vu lorsque nous sommes retournés dans les collectivités pour signaler les résultats et mener l'étude — ils ne restent pas frais longtemps. La qualité est souvent très compromise, et vous ne voulez donc pas acheter ces fruits et ces légumes au prix affiché.
Même s'ils étaient beaucoup moins chers, il y a un problème de transport, ou de quoi que ce soit d'autre, un problème de logistique, qui fait en sorte qu'il est très difficile que ces aliments arrivent en étant d'une qualité suffisamment acceptable pour que les gens veuillent les consommer et payent le gros prix pour le faire.
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S'il n'y a personne d'autre, je vais aussi répondre à cette question.
Nous ne sommes pas les premiers à mentionner Nutrition Nord et à dire qu'il ne semble pas bien fonctionner pour les collectivités où il est implanté.
Il y a de nombreux rapports qui ont commencé à paraître. Je peux mentionner le rapport du rapporteur des Nations unies en 2013, puis, récemment, en 2019, il y a eu une étude qui s'est aussi penchée sur Nutrition Nord. Ce qui semble être clair, c'est que nous ne savons pas comment les subventions bénéficient au consommateur. Je sais que c'est la question principale.
Lorsque nous regardons des choses comme la page Facebook « Feeding My Family », par exemple, qui existait au Nunavut et à d'autres endroits, dans de nombreux cas, Nutrition Nord était présent dans les collectivités, et les gens affichaient des prix très élevés pour le lait et la viande et d'autres aliments essentiels. De toute évidence, il y a des problèmes avec le programme de subventions.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je tiens à vous remercier tous de votre témoignage aujourd'hui. C'était très informatif.
Ma première question sera ouverte à vous tous. Je sais que vous êtes des experts en la matière.
Une des premières questions que je vais poser concerne Nutrition Nord. J'ai entendu parler dans les autres témoignages des préoccupations au sujet de la transparence, de la réalité selon laquelle la connexion avec ce qui se passe dans les collectivités n'est pas aussi importante qu'elle devrait l'être. Le président Obed, d'ITK, a parlé de ce qui serait selon lui une transition importante: passer d'un programme de subventions à un programme plutôt social, afin que les ressources qui sont envoyées aux collectivités reflètent davantage les besoins.
Il a dit très clairement que certaines personnes disposent de plus de ressources, et d'autres, de ressources moindres, et a mentionné que le terrain de jeu est inégal, ce qui fait en sorte que beaucoup de personnes à faible revenu ne sont pas en mesure d'accéder à des aliments convenables.
Je me demande simplement si vous pourriez transmettre vos réflexions ou tout témoignage que vous avez entendu dans le cadre de votre recherche qui pourrait refléter ces difficultés particulières, et si vous avez entendu parler de quelque chose de semblable.
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J'aimerais juste donner une réponse rapide. Je m'excuse de devoir partir parce que j'ai un autre engagement.
Ma réponse concerne une chose à laquelle vous avez fait allusion dans votre question au sujet de la capacité d'acheter les aliments. Je crois que c'est probablement là que nous devrions concentrer notre attention plutôt que de subventionner quelque chose qui échappe au contrôle des gens. Il s'agit peut-être d'aider des familles à réellement pouvoir acheter des aliments peu importe le coût de ces aliments. Je crois que c'est là que les subventions seraient plus sensées, parce que cela redonne aux gens la liberté de choisir les aliments qu'ils aiment, qui sont en harmonie avec leurs croyances et qui correspondent à ce qu'ils veulent consommer.
C'est un grand débat. Je suis désolé, je dois partir après l'avoir dit, mais je crois que c'est là que le gouvernement devrait faire passer les contributions financières — des magasins aux familles proprement dites. C'est ce que nous avons vu. Nous avons vu que les familles qui bénéficiaient de l'aide sociale avaient le plus de mal à atteindre la sécurité alimentaire. Les familles avec des enfants ont du mal à atteindre la sécurité alimentaire, même si les parents protègent leurs enfants contre l'insécurité alimentaire. Les enfants ne sont pas eux-mêmes visés par l'insécurité alimentaire, mais les parents d'enfants sont plus visés par l'insécurité alimentaire que les gens qui ne sont pas des parents.
Je crois que les problèmes majeurs tiennent au fait que les familles soient en mesure de se procurer les aliments, peu importe le coût des aliments.
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Nous sommes de retour. Je vous souhaite la bienvenue.
Malheureusement, nous ne pouvons pas entendre le témoignage de Mme Nellie Cournoyea à l'heure actuelle. Nous ne pouvons pas tenir de réunion sans interprétation, et les interprètes éprouvent des difficultés avec la qualité du son.
Madame Cournoyea, ce n'est pas de votre ressort: le problème se trouve entre vous et ici. Je vous prie de bien vouloir nous fournir un exposé écrit, et nous communiquerons avec vous pour vous fournir une autre possibilité. Je suis vraiment désolé de cela.
Nous recevons aujourd'hui Carrie Verishagen, directrice d'Eat Well Saskatchewan, et Gérard Duhaime, professeur à l'Université Laval, qui comparaît à titre personnel.
Madame Verishagen, allez-y s'il vous plaît, pour six minutes.
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Merci de me donner l'occasion de vous présenter un exposé aujourd'hui.
J'aimerais souligner que je me trouve sur le territoire visé par le Traité no 6 et sur la terre natale des Métis.
Je m'appelle Carrie Verishagen et je suis diététiste professionnelle et directrice du programme Eat Well Saskatchewan, un service qui relève du College of Pharmacy and Nutrition à l'Université de la Saskatchewan.
Quels aliments sécuritaires puis-je donner à mon bébé? Notre enfant vient de recevoir un diagnostic de la maladie cœliaque, il y a une liste d'attente de trois mois pour voir un diététiste, et nous ne savons pas quoi faire. Je viens d'apprendre que j'ai le diabète et je ne sais pas quoi manger; je suis très perdue. Je n'ai pas les moyens de nourrir ma famille; que puis-je faire? Voilà de réels exemples de questions que nous recevons chaque jour.
Avec toute la désinformation nuisible qui remplit Internet et les régimes à la mode que l'industrie alimentaire vante fortement, une chose est sûre: les Canadiens sont confus par rapport à ce qu'ils doivent manger, et nombre d'entre eux n'ont pas les compétences nécessaires pour répondre à leurs besoins alimentaires de base. En plus de tout cela, de nombreux Canadiens, encore plus ceux qui vivent dans les collectivités nordiques et éloignées, font face à d'autres obstacles qui finissent par influencer leur capacité d'accéder à des aliments sécuritaires, abordables et nutritifs.
Si je vous disais que vous deviez dépenser 18 $ pour acheter un poivron ou 20 $ pour vous procurer quatre litres de lait, l'achèteriez-vous? Maintenant imaginez que vous recevez chaque mois une aide sociale de 155 $ pour couvrir les aliments et les dépenses pour votre famille. Ce sont les réalités des gens qui vivent dans le Nord de la Saskatchewan lorsque les aliments coûtent 30 % de plus que la moyenne provinciale et 70 % de plus dans le Grand Nord, où le revenu est aussi beaucoup inférieur.
On voit aisément pourquoi les gens dépensent leur budget réservé aux aliments dans les aliments transformés à faible coût qui contiennent un excès de sucre, de gras et de sel. Ils sont abordables, ils sont accessibles, et même s'ils sont inadéquats sur le plan nutritif, ils permettent de tromper immédiatement la faim.
Les gens ne peuvent pas accéder aux aliments convenables dont ils ont besoin pour nourrir leur famille, et par conséquent, ils sont plus souvent victimes de maladies chroniques comme des maladies cardiaques, le diabète, l'obésité et la dépression.
Une récente étude a estimé que le fardeau économique lié au fait de ne pas répondre aux recommandations alimentaires au Canada s'élevait à 13,8 milliards de dollars. En tant que seuls professionnels en alimentation et en nutrition réglementés au Canada, les diététistes professionnels sont les professionnels de soins de santé les plus qualifiés pour aider les gens à répondre à leurs besoins en matière de nutrition. Malheureusement, l'accès à des diététistes dans des collectivités rurales et éloignées en Saskatchewan et dans d'autres régions du Canada est souvent extrêmement limité, voire inexistant.
C'est ici qu'intervient Eat Well Saskatchewan. Nous ne pouvons pas changer le fardeau lié au coût élevé des aliments pour les familles et nous ne pouvons pas changer le revenu. Des politiques gouvernementales sont nécessaires pour réagir à l'abordabilité et à la disponibilité des aliments, mais ce que nous pouvons faire, c'est aider des familles à optimiser leur argent pour les aliments, de trois façons.
Premièrement, nous pouvons éduquer les gens qui ont un budget serré afin qu'ils se procurent des aliments sains, à faible coût et nutritifs. Deuxièmement, nous pouvons appuyer des initiatives qui encouragent des pratiques alimentaires traditionnelles visant à cultiver plus d'aliments et à y accéder. Troisièmement, nous pouvons aider les gens à acquérir les habiletés alimentaires nécessaires pour qu'ils puissent cuisiner et préparer des repas nutritifs répondant à leurs besoins essentiels.
Eat Well Saskatchewan permet aux gens d'accéder à des conseils sur la nutrition en temps opportun, qui sont accessibles et gratuits, à partir de n'importe où dans la province en utilisant un téléphone ou un courriel. Nous fournissons aux gens des conseils généraux. Nous pouvons les relier à des services communautaires et fournir des ressources crédibles. Peu importe si vous vous trouvez dans un lieu éloigné ou un centre-ville, si vous avez un moyen de transport ou accès à des services de garde. Nous avons éliminé ces obstacles.
Durant une période critique où les gens ont été isolés en raison de la COVID-19, où les professionnels de la santé ont été déployés et où de nombreux services essentiels ont été coupés, Eat Well Saskatchewan a intensifié ses activités. Nous sommes demeurés accessibles et avons comblé une grande lacune.
Notre financement actuel prévoit un diététiste pour fournir des services de 10 à 16 heures à raison de quatre jours par semaine. Malgré les heures limitées et le temps prévu pour le diététiste, nous avons répondu à plus de 1 100 appels et courriels du public dans plus de 100 collectivités rurales, éloignées et autochtones en Saskatchewan depuis notre lancement en 2019.
Nous sommes plus qu'un seul centre de contact. Nous sommes un carrefour d'information sur la nutrition centralisé pour toute la province. Nous pouvons enseigner à des milliers de gens des habiletés alimentaires de base, leur apprendre à faire un budget alimentaire et leur donner des idées de planification de repas d'un seul clic de souris en utilisant nos chaînes de médias sociaux, sur lesquelles nous avons déjà rejoint plus de 400 000 personnes. Nous avons utilisé de manière créative les récits autochtones pour nouer le dialogue avec un public autochtone dans l'ensemble de la province et avons motivé des gens afin qu'ils apportent un changement positif. Nous avons recueilli et transmis des histoires de réussite locale afin d'aider les résidents à composer avec les difficultés liées à la sécurité alimentaire de la pandémie. Collectivement, nous avons lancé des campagnes qui ont rejoint plus de 200 000 personnes.
Je veux terminer sur ceci. En deux brèves années, Eat Well Saskatchewan a contribué à changer les choses pour des milliers de personnes. Nous changeons la façon dont les collectivités pensent aux aliments. Nous établissons la confiance au sein du milieu médical et nous comblons un besoin. Chaque jour, j'entends des gens de partout en Saskatchewan parler des avantages de ce service.
Nous aidons les résidants à acquérir des compétences alimentaires, à gérer des maladies chroniques et à manger selon leurs moyens de la meilleure façon possible pour nourrir leur famille. Nous avons tissé et continuons de tisser des liens importants avec les Autochtones. Nous continuons de tendre la main à des Autochtones, à des nouveaux immigrants et à des collectivités éloignées. Le potentiel de ce service va bien au-delà de nos capacités de financement actuelles. En tant que service qui a réussi à rejoindre des milliers de gens avec un seul diététiste, avec du financement limité et des heures limitées, imaginez les possibilités de ce que nous pourrions faire avec davantage.
Merci.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je suis professeur de sociologie à l'Université Laval. Pendant plusieurs années, j'ai dirigé un vaste projet de recherche sur la sécurité alimentaire dans les territoires arctiques, dans le Nord canadien, en Alaska, au Groenland, dans les pays scandinaves et dans la Fédération de Russie.
Pour faire cette étude, nous avons utilisé la même définition que vous utilisez aujourd'hui pour les travaux de vos comités. C'est à cette définition que je vais me référer pour vous donner les principales conclusions sur les facteurs en cause dans l'insécurité alimentaire dans les régions nordiques. C'est à partir des constats faits en particulier, évidemment, dans le Nord du Canada.
Je vais nommer trois facteurs principaux. Ces facteurs sont cumulatifs; ils n'agissent pas de façon individuelle.
Le premier facteur est l'accès aux ressources.
Comme l'a souligné l'équipe de mon collègue Laurie Chan, les changements climatiques et la pollution mettent en cause la capacité des gens à avoir accès aux ressources alimentaires du territoire, et ils mettent parfois en péril l'approvisionnement alimentaire des magasins eux-mêmes.
Les questions de sécurité du point de vue de l'innocuité sont soulevées par la pollution transportée de manière atmosphérique ou maritime jusque dans le Grand Nord, ce que notre équipe est parvenue à mettre en évidence pour la première fois.
Ensuite, dans ce facteur d'accès aux ressources, la concurrence est une autre grande difficulté avec les autres usages du territoire. Par exemple, il existe dans la plupart des territoires nordiques de la chasse et de la pêche de loisir, non autochtones?; la chasse et la pêche commerciales, en particulier, et des activités sportives et récréatives peuvent parfois entraver l'accès des populations autochtones à leurs ressources et qui, à de nombreuses reprises, causent certainement des difficultés.
L'industrie de l'exploitation extractive, en particulier pour l'hydroélectricité, les mines et autres industries extractives, est l'autre entrave très importante pour les ménages autochtones qui cherchent à produire leurs propres aliments. Ces difficultés sont extrêmement importantes, nous les voyons à peu près partout dans ces territoires.
Les marchés constituent le deuxième grand facteur.
Nous avons observé que les marchés là-bas ne fonctionnent pas et que, malgré tout, on fait comme si tout fonctionnait normalement. En effet, il y a de la concurrence, il y a de l'information parfaite et ainsi de suite, alors que cela ne fonctionne pas.
D'abord, les marchés sont entravés dans bien des communautés par l'absence de liens routiers. Cependant, même dans les communautés où il y a des liens routiers, le marché ne fonctionne pas davantage à cause du peu de commerçants présents et surtout du fait que les commerçants sont là à des fins lucratives.
Dans le Nord canadien, le transport maritime dans les zones côtières est défectueux, alors que, partout ailleurs, en Alaska ou au Groenland même, chaque petit village a un port en eau profonde.
Finalement, toutes ces communautés dépendent du transport aérien pour leur approvisionnement durant une longue partie de l'année. Ces communautés vivent dangereusement parce que, très souvent, elles sont desservies par une seule compagnie et il suffit d'un bris mécanique majeur pour que les approvisionnements soient mis en péril.
Le troisième grand facteur, qui s'ajoute aux autres est l'accès économique aux ressources alimentaires. Ce facteur est directement lié à la pauvreté et au salaire moyen dans l'ensemble de ces régions-là.
Dans le Nord canadien, nous avons mesuré un taux de pauvreté qui tient compte du coût des aliments. Nous l'avons mesuré en particulier dans les territoires autochtones, donc au Nunavut et dans les régions inuites des Territoires du Nord-Ouest, au Nunatsiavut, au Labrador et au Nunavik, au Québec,
Alors que, dans les statistiques officielles, on trouve des taux de pauvreté allant de 15 à 20 % sans tenir compte du prix des aliments, lorsque l'on tient compte du prix des aliments, on arrive à des taux qui varient entre 30 et 40 %, voire 45 %.
Grosso modo, la moyenne est de 37,5 % selon les données de recensement au moment de notre étude. Cette moyenne de 37,5 % correspondait aux ménages autochtones inuits vivant en deçà du seuil de faibles revenus.
Cette situation, qui est extrêmement importante, cause évidemment des difficultés majeures aux ménages en matière d'approvisionnement. Par exemple, en magasin où l'on fait face à des prix extrêmement élevés, qui sont parfois de l'ordre de 150 % ou bien de 200 % comme l'ont dit mon collègue M. Chan et son équipe.
Finalement, cela rend difficile l'autoproduction, la chasse et la pêche vivrières.
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Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier les deux témoins d'avoir assisté à la séance ce soir et de leur précieux témoignage.
J'aurais quelques questions pour Mme Verishagen ce soir. Je tiens à vous féliciter de l'excellent travail que vous faites. Mes collègues et moi nous échangions justement quelques messages par rapport au fait que des gens adoptaient de nouvelles approches et pas seulement au sujet des programmes qui ont échoué et de certaines des frustrations. De toute évidence, votre organisation a fait cela et le fait bien, selon les renseignements que vous avez communiqués.
J'ai lu votre mémoire. Pourriez-vous parler davantage de votre campagne Eat Well COVID-19 ou de votre campagne #Eatwellchampion? De toute évidence, vous avez fait de l'excellent travail dans le Nord de la Saskatchewan et en Saskatchewan en général. Un des messages que nous entendons constamment par rapport à cette étude, c'est la difficulté d'accès aux collectivités nordiques et éloignées. Manifestement, vous l'avez surmontée de façon unique.
J'aimerais vous laisser expliquer davantage pendant une minute comme vous avez surmonté certains de ces obstacles. Pourriez-vous parler un peu plus de la façon dont vous avez surmonté certains de ces obstacles liés à l'accès aux collectivités nordiques et éloignées?
Un des grands avantages de ce programme, c'est que nous sommes accessibles de n'importe où. Une des choses que nous avons faites pour rejoindre différentes collectivités, c'est la campagne #Eatwellchampion comme vous l'avez dit. Dans le cadre de cette campagne, nous avons présenté différents champions autochtones de collectivités de l'ensemble de la province qui ont raconté leurs propres histoires. C'est fait par des Autochtones et destiné à des Autochtones. Nous les laissons raconter leur histoire par rapport à la façon dont la nutrition les a influencés. Ces histoires ont été vraiment populaires dans l'ensemble des collectivités autochtones et elles ont été énormément partagées au moyen des médias sociaux par des collectivités autochtones, des organisations autochtones. Elles nous ont vraiment aidés à renforcer la confiance au sein de cette population. C'est une chose que nous avons utilisée.
Malheureusement, avec la COVID, nous étions en train de gagner du terrain, mais nous avons dû mettre un peu un frein à cela. Nous assistions aussi à différents ateliers professionnels sur les soins de santé en travaillant avec des professionnels des soins de la santé. C'est une autre partie vraiment importante de ce service. Ce n'est pas juste pour le public. Nous répondons aussi souvent aux appels des professionnels des soins de santé. Certaines de ces collectivités nordiques pourraient n'avoir qu'un seul diététiste qui s'y rend une ou deux fois par mois, mais bon nombre d'entre elles ont des infirmières qui se trouvent chaque jour dans la collectivité. Pour certains de ces clients qui pourraient avoir des questions sur la nutrition, les infirmières ou les médecins peuvent nous appeler directement. Nous avons surmonté ce genre d'obstacles également.
Avec plus de financement et plus de temps... Nous sommes toujours nouveaux, mais nous recevons des appels du Nord et d'un éventail de collectivités du Nord qui sont difficiles d'accès, donc je pense que c'est fantastique. Avec plus de temps et plus d'exposition, car beaucoup de gens ne nous connaissent toujours pas, si nous avions plus de financement nous permettant d'avoir plus de temps du diététiste pour réellement établir certaines de ces relations et une partie de cette confiance, je pense qu'il y a une énorme possibilité d'expansion dans certaines de ces collectivités nordiques.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Ma circonscription se trouve au Yukon, dans le Grand Nord. J'appelle depuis le territoire traditionnel de la Première Nation Kwanlin Dün et du Conseil Ta’an Kwäch’än. Comme on parle du Nord, c'est très important pour moi, donc je remercie les membres du Comité de m'avoir permis de leur rendre visite. C'est vraiment un comité productif et positif, et c'est fantastique.
Monsieur Duhaime, le Comité est convaincu que les aliments traditionnels sont un excellent ajout lorsqu'ils peuvent être fournis. Depuis des années, nous entendons cette recommandation. En fait, nous avons instauré il y a quelques années un nouveau programme qui fournit les coûts nécessaires pour obtenir des aliments traditionnels. Les gens prêchent à des convertis, mais le dilemme que j'ai, c'est qu'il faut trouver un équilibre entre éradiquer une espèce et avoir suffisamment d'aliments traditionnels.
Je me demande si vous pourriez nous donner quelques exemples de l'Arctique dans le monde entier, où des peuples autochtones ont trouvé des moyens créatifs de rehausser les aliments traditionnels ou de s'assurer qu'il y en a suffisamment ou davantage, que ce soit des plantes ou des animaux, pour augmenter l'approvisionnement, parce que tout le monde pense qu'il est bénéfique d'en avoir le plus possible.
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Dans les pays scandinaves et en Russie, il existe en effet de la chasse, beaucoup de pêche et de l'élevage, notamment l'élevage de rennes. Ces élevages sont pratiqués sur des modèles traditionnels. Les gens ont la connaissance qu'il faut pour gérer des centaines ou des milliers de bêtes, et ils les font perdurer dans une économie qui est parfaitement soutenable.
Il y a des exemples. On pourrait aller dans l'extrême orient russe, par exemple, où il y a, dans la région d'Anadyr, en Tchoukotka, des élevages très importants qui sont entièrement sous la responsabilité des collectivités locales. Je pourrais vous donner d'autres exemples de communautés de pêcheurs, dans le Nord de la Norvège par exemple, où on a pris les commandes, pour ainsi dire, de la décision concernant les saisons de pêche les limites de pêche, les territoires de pêche et ainsi de suite.
Cela fonctionne aussi bien, sinon mieux, que lorsque ce sont des biologistes des gouvernements centraux qui le font. En plus d'avoir du succès, ils ont la fierté de montrer que leurs propres connaissances ont une pertinence réelle.
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Il y a plusieurs moyens de le faire. À court et à moyen terme, la solution consiste à sécuriser les droits des Autochtones en ce qui concerne la chasse, la pêche, et les autres usages, y compris la cueillette.
La manière de le faire est d'appliquer des principes simples — ils ne sont évidemment pas toujours à la satisfaction des autres utilisateurs —, comme le principe de précaution. Par exemple, chaque fois que l'on veut prendre une décision sur l'attribution des terres pour des droits d'exploitation, pour de l'extraction en particulier, il faudrait qu'on applique le principe de précaution. Si l'on ne connaît pas les répercussions sur la sécurité alimentaire ou sur les ressources, il faudrait y voir avant de donner des autorisations ou de donner des cartes blanches.
La même chose s'applique au principe de la préséance de la sécurité alimentaire des résidants comparativement aux autres intérêts. Cela peut se faire. De telles dispositions existent dans certains traités et pourraient être mises en place.
À long terme, c'est autre chose. Si l'on veut vraiment parler de sécuriser à long terme l'accès aux ressources alimentaires du territoire pour les résidants du territoire, si l'on veut vraiment parler de nation à nation, alors il va falloir songer à créer quelque chose comme un troisième ordre de gouvernement au Canada. Il pourrait être du même type que ceux des territoires, avec la capacité de gérer les ressources naturelles.
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Je l'ai mentionné brièvement à mes collègues tout à l'heure. J'ai vérifié les mesures officielles, ou les mesures qui sont préparées par les instituts de recherche, par les agences de statistiques, y compris dans les régions.
Lorsqu'on intègre aux calculs les prix à la consommation qui ont été mesurés par le ministère, et non pas ceux qui ont été mesurés par nous-mêmes dans nos études, le taux de pauvreté est en moyenne de 37,5 % dans les territoires du Nord, comme je l'ai dit tout à l'heure. Je crois que le taux le plus faible est de 27 %, et il grimpe jusqu'à 44 % au Nunavut. Cela veut dire que la moitié de la population vit sous le seuil de la pauvreté. Vous pensez bien que les gens qui sont immédiatement au-dessus de 10 $, de 100 $ ou de 1 000 $, ce ne sont pas des gens riches, non plus. Cela est extrêmement important et a des conséquences majeures sur les ménages.
Il y a quelques années, on a mené une étude auprès de 450 ménages pour voir l'impact des prix sur leur budget. C'est dans l'un des documents que j'ai déposés à l'usage du Comité. On y voit que, pour les ménages à faibles revenus, le coût de l'alimentation représente 50 % du budget. Si l'on ajoute à cela le logement, on atteint 70 % du budget, et ce n'est que pour deux postes budgétaires.
C'est une situation extrêmement difficile. Pour la combattre, il existe plusieurs solutions. Je pourrai vous en parler si vous le souhaitez.
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En fait, il y a plusieurs solutions possibles. D'abord, il faudrait tenir compte des prix élevés des denrées alimentaires dans la rémunération des employés locaux. Cela fait partie des inégalités que nous constatons chaque fois que nous faisons des études sur la question. Les employés qui sont embauchés localement n'ont pas les mêmes conditions ni les mêmes avantages sociaux que les employés qui sont amenés de l'extérieur, qui ont droit à des allocations pour le transport des aliments, par exemple.
Il en va de même en ce qui a trait aux paiements de transferts aux ménages. Tous ces programmes sociaux utilisent des barèmes qui ont été établis pour les ménages des régions métropolitaines de Montréal, de Toronto et de Vancouver. Dans le Nord, ces barèmes ne sont pas différents, alors que le panier d'alimentation coûte de 50 à 100 % plus cher.
Il faut agir sur les crédits d'impôt. Le gouvernement du Québec, sous la pression des autorités du Nunavik, a introduit des mesures comme des crédits d'impôt aux résidants pour tenir compte des prix à la consommation, et cela a eu des répercussions extrêmement importantes.
L'un des facteurs majeurs qui viennent empirer la pauvreté, c'est la crise du logement dans les territoires du Nord. Cette crise du logement a malheureusement été alimentée par le retrait du gouvernement fédéral, pendant plusieurs années, des programmes de construction de logements sociaux. Il faut mettre fin à cela. En fait, la crise de logements dans le Nord dure depuis très longtemps et il y a moyen de régler la situation, mais on ne le fait pas.
Finalement, il faut soutenir de manière considérable la production locale par et pour les collectivités locales, et non pas seulement sur un modèle commercial. En fait, le modèle commercial n'est pas nécessairement souhaité par les collectivités. Dans les enquêtes que nous avons menées dans toutes les régions où j'ai pu aller, on nous a dit qu'on voulait bien commercialiser ceci ou cela, mais pas à tout prix. On souhaiterait conserver certaines espèces d'abord pour l'alimentation des résidants et, ensuite, commercialiser les surplus, si cela peut aider ensuite à financer les opérations.
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Il s'agit d'une avenue à explorer très sérieusement. En ce qui concerne le programme Nutrition Nord Canada, la mise sur pied de ce programme a été vécue de manière extrêmement difficile dans toutes les régions où j'ai travaillé. On y a vu une forme d'abandon.
Bien sûr, il y a eu une diminution des prix en priorité pour les aliments dont on a jugé qu'il était souhaitable que les gens en mangent.
Lors de la mise sur pied de ce programme, les autorités locales de plusieurs endroits où j'ai pu en être témoin ont dit que le gouvernement fédéral souhaitait transformer les Inuits en lapins. Or les Inuits ne se nourrissent pas de carottes. Les aliments sains ou favoris que les autorités canadiennes jugent sanitaires ou nutritionnels ne sont pas nécessairement les aliments favoris de la population locale.
Les listes de produits créées pour déterminer les taux de subvention de Nutrition Nord Canada ont un relent de néocolonialisme qui veut imposer aux communautés les définitions de ce que sont des aliments sains. L'abolition de cette liste ferait plaisir à bien des gens.
Tous les produits disponibles dans les magasins devraient être sujets à des subventions au transport. Comme vous le savez, dans ces magasins généraux, on trouve de tout, y compris des instruments de chasse et pêche, mais on préfère subventionner les fruits et légumes frais qui, comme l'ont confirmé des témoins, ne le sont plus nécessairement quand vient le temps de les acheter. Pourquoi ne pas subventionner des équipements de chasse et pêche permettant de se procurer des aliments sains et qui correspondent aux préférences des collectivités locales?
Les limites budgétaires imposées au début du programme ont créé une situation un peu intenable pour les représentants des communautés locales. En effet, ils ont compris qu'ils avaient été nommés au sein du Conseil consultatif de Nutrition Nord Canada pour participer à la décision de retirer des aliments de la liste, alors que ce n'était pas ce qu'ils souhaitaient. Il est arrivé un moment, je ne sais pas si c'est encore vrai, où les représentants des communautés des régions nordiques se sont levés et sont sortis parce qu'ils sentaient qu'ils légitimaient le programme, en quelque sorte.
Le programme devrait également être élargi. Le fait d'avoir un lien routier ne veut pas dire que les prix sont nécessairement moins élevés. J'ai eu l'occasion de faire des relevés de prix dans les communautés où il y avait, par exemple, un lien ferroviaire et les prix étaient plus élevés de 57 % que dans les régions métropolitaines. Pour une communauté reliée par une route forestière à 8 heures de route de Québec, les prix sont plus élevés de 40 % que dans la ville la plus proche.
Pour des raisons liées à l'histoire du programme, on exclut toutes ces communautés et, pour moi, il s'agit d'un élément d'injustice.