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CHPC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 043 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 29 avril 2015

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    La 43e séance du Comité permanent du patrimoine canadien est ouverte.
    Nous poursuivons aujourd'hui notre examen de l'industrie canadienne du long métrage. Au cours de la première heure, nous aurons avec nous, de l'Association québécoise de la production médiatique, Marie Collin, présidente-directrice générale et Brigitte Doucet, directrice générale adjointe; de la Fondation Québec Cinéma, François Lemieux, directeur de la Tournée du cinéma québécois; et par téléconférence de Montréal, nous avons Monique Simard, présidente et chef de la direction de la Société de développement des entreprises culturelles.
    Chacun de ces trois groupes disposera d'un maximum de huit minutes. Nous commencerons par Marie Collin et Brigitte Doucet de l'Association Québécoise de la production médiatique.
    Vous avez la parole pour un maximum de huit minutes.

[Français]

     Monsieur le président, mesdames et messieurs membres du Comité permanent du patrimoine canadien, nous vous remercions d'avoir invité l'Association québécoise de la production médiatique, l'AQPM, à participer à l'examen que vous avez entrepris au sujet de l'industrie canadienne du long métrage .
    Je m'appelle Marie Collin et je suis la présidente-directrice générale de l'AQPM. Je suis accompagnée aujourd'hui de Mme Brigitte Doucet, qui est la directrice générale adjointe.
    L'AQPM est fière d'être ici aujourd'hui pour parler du cinéma canadien, tout particulièrement du cinéma francophone du Québec. Notre cinéma rayonne à travers le monde et reçoit une quantité enviable de reconnaissances et de prix. Il n'y a qu'à penser à Incendies, à Mommy, à Gabrielle ou à Monsieur Lazhar, pour ne nommer que ceux-là. Ces films ont permis de positionner le Québec et le Canada parmi les grands.
    Sans le soutien financier et l'engagement des gouvernements, cette grande visibilité et ces réussites ne sauraient exister. Le gouvernement fédéral a déjà signifié son engagement envers le cinéma par son financement et par la Politique canadienne du long métrage. Cet engagement a été réitéré par le Comité permanent du patrimoine canadien en 2005. Dix ans plus tard, le comité procède à un nouvel examen du long métrage au Canada, afin d'évaluer comment atteindre les objectifs établis en 2005 à la lumière de l'évolution de l'industrie du cinéma depuis cette époque. Aujourd'hui, nous vous parlerons des nouveaux défis que l'industrie du cinéma doit relever et des moyens dont elle a besoin pour y parvenir.
    En 2000, le gouvernement fédéral avait annoncé une nouvelle orientation de la politique en matière de long métrage. Elle prévoyait que l'appui à l'industrie devait permettre d'élargir le public du cinéma canadien et d'en assurer l'accessibilité aux Canadiens. Pour atteindre cet objectif aujourd'hui, le défi est différent. Même si, à cette époque, on croyait que la révolution numérique ne remplacerait pas l'expérience du grand écran, force est de constater que le public consomme de moins en moins de films en salle et de plus en plus sur les autres plateformes de diffusion, dont principalement la télévision.
    Selon une récente étude faite par Téléfilm Canada, 84 % des films ne sont pas vus au cinéma. Une étude publiée cette semaine par Patrimoine canadien évalue cette écoute à près de 97 %. L'étude de Téléfilm Canada dresse un portrait des changements dans le processus de sélection des films qui sont vus par les Canadiens. L'étude indique également que les Canadiens ont un intérêt pour les films d'ici, à la condition qu'ils soient aussi bons que les films étrangers.
    J'ouvre ici une parenthèse. Il ne faut surtout pas se méprendre. Le cinéma francophone du Canada subit la même concurrence que le cinéma anglophone, puisque le public francophone a aussi accès à toute la cinématographie mondiale et qu'il consomme les versions originales et doublées en français des films étrangers, spécialement les films américains, qui sont très populaires. En conséquence, les défis de 2015 sont de produire des films de très grande qualité, de favoriser leur consommation sur toutes les plateformes et d'en assurer l'accessibilité et la découverte par le public.
    Pour produire des films de grande qualité qui se comparent à la compétition mondiale, il faut continuer de financer la production de films et, idéalement, en améliorer le financement. En 2000, la politique canadienne indiquait que le budget moyen d'un film canadien était de 2,5 millions de dollars. Le gouvernement considérait qu'il devait être haussé à 5 millions de dollars afin d'accroître la qualité des films pour atteindre les objectifs de la politique. Or en 2014, le budget moyen d'un film canadien de fiction soutenu par le Fonds du long métrage du Canada n'était que de 3,4 millions de dollars.
    Rappelons que le crédit d'impôt est calculé en fonction des dépenses de main-d'œuvre admissibles et que, en l'améliorant, on améliore non seulement le financement des films canadiens, mais on favorise également les emplois au Canada dans ce secteur.
    Dans notre industrie, les crédits d'impôt font partie intégrante du montage financier d'une production. Ainsi, les entreprises de production doivent emprunter aux institutions financières les sommes à recevoir au titre des crédits d'impôt avant de pouvoir commencer à produire. Des frais de financement intérimaire sont encourus, et ce, jusqu'au moment du paiement des crédits d'impôt par l'Agence du revenu du Canada. Ces coûts sont de plus en plus importants, notamment à cause des délais nécessaires à la vérification fiscale.
(1535)
     Comme nous l'avons déjà recommandé au gouvernement du Québec, qui étudie la faisabilité de cette recommandation, l'AQPM propose que, 30 jours après le dépôt d'une demande de crédit d'impôt, 75 % des sommes à recevoir soient versées à l'entreprise de production et que le solde soit versé à la fin de la vérification. Le programme gagnerait en efficacité et les productions gagnerait en financement.
    L'AQPM tient à souligner le travail efficace au plan de l'administration des programmes effectué par Téléfilm Canada. Cet organisme a su écouter les besoins de l'industrie et a permis aux programmes et à la mesure de succès d'évoluer. Malgré les compressions subies au cours des dernières années, Téléfilm Canada continue d'investir sensiblement les mêmes sommes annuellement en développement et en production de films canadiens. Ces sommes correspondent à environ 75 millions de dollars par année, et ce, depuis 2006.
    Depuis 2006, les coûts ont augmenté et les budgets de la concurrence étrangère ont explosé. Doté de fonds plus importants, Téléfilm Canada serait en mesure de mieux financer le cinéma canadien. Nous sommes convaincus que Téléfilm Canada devrait récupérer les sommes qui lui ont été retirées, soit environ 10 millions de dollars.
    Afin de favoriser la consommation de films canadiens sur toutes les plateformes et d'en assurer l'accessibilité et la découverte par le public, il faut ajuster aux nouvelles réalités tous les aspects touchant l'offre et l'accessibilité, l'exploitation et la promotion des films canadiens. Pour ce faire, nous recommandons qu'un mandat soit donné au groupe consultatif sur le long métrage, qui regroupe tous les joueurs de l'industrie, afin que celui-ci fasse des recommandations à Téléfilm Canada pour revoir et actualiser tous ces aspects. Dans le document que nous avons remis à la greffière, nous vous suggérons quelques questions qui pourraient être abordées par ce groupe consultatif.
    Pour terminer, voici en rafale quelques pistes de réflexion sur l'évolution de l'industrie audiovisuelle qui auront un impact important sur la production de films et d'émissions de télévision au Canada.
     Premièrement, devrait-on envisager l'imposition de la TPS sur les produits offerts par des groupes étrangers par l'entremise de sites Internet ayant des noms de domaines qui se terminent par « .ca », comme par exemple Netflix et iTunes? À l'heure actuelle, l'offre étrangère est favorisée par rapport à l'offre canadienne.
     Deuxièmement, devrait-on envisager l'imposition d'une forme de redevances aux fournisseurs d'accès Internet et de mobilité qui sont en grande partie des transmetteurs de contenus cinématographiques et télévisuels? De telles redevances pourraient contribuer au financement de la production audiovisuelle canadienne en suivant les nouvelles habitudes de consommation du public canadien.
    Nous vous remercions de votre attention. Nous sommes prêtes à répondre à vos questions.
    Merci.
    Nous passons au représentant de la Fondation Québec Cinéma. M. François Lemieux, directeur, Tournée du cinéma québécois, a maintenant la parole. Il dispose de huit minutes pour faire sa présentation.
    Je remercie tous les membres du comité.
    Je tiens d'abord à parler brièvement de notre organisme. La Fondation Québec Cinéma est née et est issue du besoin du milieu du cinéma québécois de mettre en commun ses forces afin de promouvoir notre cinéma québécois. Notre mission est de promouvoir le cinéma québécois, ses artistes, ses artisans et ses professionnels ainsi que de contribuer au développement de notre cinématographie nationale.
    Depuis toujours, nos préoccupations majeures portent sur l'accès aux oeuvres, sur l'éducation ainsi que sur la sensibilisation. Bon an mal an, Québec Cinéma rejoint par ses actions plus d'un million de personnes ici et ailleurs en produisant les Jutra, les Rendez-vous du cinéma québécois et la Tournée du cinéma québécois. C'est d'ailleurs pour parler de cette dernière activité que j'ai été invité aujourd'hui à venir témoigner devant vous.
    La Tournée est en lien direct avec la mission de Québec Cinéma, tant par l'accompagnement des films, la promotion des oeuvres et l'accès aux oeuvres que par le rayonnement des artistes et des artisans du cinéma québécois étendu à l'ensemble du territoire canadien. Québec Cinéma a d'ailleurs remercié ses partenaires institutionnels, soit Téléfilm Canada, la SODEC, le Secrétariat aux affaires intergouvernementales canadiennes et le Conseil des arts du Canada, de lui permettre de continuer cette activité de médiation culturelle, d'accès aux oeuvres et de leur circulation auprès du public canadien.
    De plus, nous sommes très fiers que la Tournée contribue à répondre à la demande et aux besoins de la Francophonie canadienne en rendant accessibles des oeuvres en français. Elle crée du coup un événement dans les communautés visitées. Ainsi, chaque arrêt de la Tournée, en plus de pouvoir apporter à ces communautés des films récents, nous permet de développer une programmation scolaire enrichie par la présence d'artistes, d'artisans et de professionnels. Ceux-ci jouent le jeu de la tournée. En nous accompagnant et en présentant leur film, ils contribuent à parfaire la synergie de ce rayonnement qui est tant souhaité.
    Je vais vous livrer rapidement quelques chiffres de la tournée actuelle de 2014-2015. Déjà cette année, nous avons remarqué une augmentation du public de 34 % dans le cadre de nos activités. C'est plus d'une vingtaine d'invités et d'artistes du milieu québécois qui sont venus en tournée avec nous. Nous avons rejoint plus de 7 000 Canadiens, qu'ils soient francophones ou francophiles, du grand public ou du public scolaire. Parmi les indicateurs, il y en un qui est important pour nous car il incarne un peu la manière qu'a ce comité de chercher des façons de promouvoir le contenu exceptionnel créé par les Canadiens. Nous constatons que 48 % des jeunes n'avaient jamais vu de cinéma québécois avant notre passage. Nous sommes heureux aussi de constater que, grâce à ces communautés, cela donne un second souffle à des films commerciaux et à des films plus pointus qui n'ont pas été diffusés ou distribués ou encore qui ont connu des sorties plus limitées sur le territoire canadien.
    Nous avons quelques recommandations à formuler. Il est certain qu'un financement accru sera toujours une bonne nouvelle. Cependant, nous pensons aussi que l'intégration des mesures dans un milieu donné avec différents partenaires permettrait à un projet comme la Tournée ou d'autres projets de diffusion et de sensibilisation au cinéma canadien de rejoindre le public. Cela pourrait nous permettre d'avoir de meilleurs leviers pour rejoindre ce public que nous cherchons à ce point à certains moments de l'année.
    La Tournée est un projet qui n'est certainement pas là pour générer de l'argent, mais bien pour contribuer à la connaissance des Canadiens et à la reconnaissance par les Canadiens de la production cinématographique et de l'envergure de son panorama.
    Je terminerai en disant que la fragmentation des publics est une réalité avec laquelle nous devons composer. Nous pensons qu'il n'y a pas de mauvais endroit pour faire connaître le cinéma, que ce soit dans les salles commerciales, les bibliothèques ou les cinémas de répertoire. L'idée pour nous est de rester en phase avec le public que nous desservons et qui loge à différentes enseignes.
(1540)

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Maintenant nous allons parler par téléphone à la prochaine intervenante, qui est à Montréal.
    Madame Simard, vous nous entendez bien?

[Français]

[Traduction]

    Merci.
    Pendant les rondes de questions, je vous demanderai à tous de ne pas oublier que Mme Monique Simard est avec nous.
    Madame Simard, vous représentez la Société de développement des entreprises culturelles, dont vous êtes présidente et chef de la direction. Vous avez la parole pour un maximum de huit minutes.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur Brown. Je remercie également les membres du comité de nous avoir invitées à comparaître. Je vais essayer d'être brève. J'aimerais mentionner aux interprètes que je ne suivrai pas le document au complet, car je dépasserais le temps de parole de huit minutes qui m'est alloué.
    Je suis accompagnée de Mme Marie Brazeau, directrice de l'accueil et des opérations du secteur cinéma de la SODEC, et de Fannie Sénéchal, directrice des communications.
    Je vais tenter de brosser un portrait de la situation du cinéma québécois et de quelques enjeux majeurs.
    D'abord, permettez-moi de vous dire que la SODEC, soit  la Société de développement des entreprises culturelles, existe depuis maintenant 20 ans. C'est une société d'État gérée par différentes lois du Québec. Plus d'une centaine d'employés, un conseil d'administration et plusieurs commissions consultatives conseillent la SODEC dans différents domaines.
    Nous sommes dans le domaine du cinéma, mais nous intervenons aussi dans les domaines du livre, de la musique, des variétés et des métiers d'art. Nous sommes responsables de l'exportation et du rayonnement international pour tous ces domaines. La SODEC est donc LA société d'État qui appuie les entreprises culturelles, ici comme ailleurs dans le monde.
    Nous aidons ces entreprises au moyen de programmes d'aide. Nous distribuons environ 39 millions de dollars en vue d'appuyer le cinéma québécois. Nous avons une banque d'affaires et des programmes de financement intérimaire pour les crédits d'impôt, ainsi que des mesures fiscales. En tout, ces actions font en sorte que la SODEC produit beaucoup chaque année. Pour ne donner qu'un exemple, en 2013-2014, nous avons traité 1 144 demandes d'aide. Nous en avons accepté 405 et nous avons financé 28 longs métrages de fiction au Québec.
    Si vous prenez connaissance des chiffres canadiens, vous verrez qu'une portion extrêmement importante de la production canadienne vient du Québec. Évidemment, la majorité de ces productions sont également soutenues par Téléfilm Canada, par le Fonds des médias du Canada et par les différentes mesures fédérales.
    Mes prédécesseurs ont parlé du rayonnement du cinéma québécois au plan international. Je ne répéterai pas le titre des films. Comme chacun le sait, depuis quatre ou cinq ans, nous avons particulièrement rayonné à Cannes ou à Berlin et dans les nominations pour le meilleur film en langue étrangère aux Oscars. Cette année, Denis Villeneuve est en compétition officielle à Cannes. Même si la production n'est ni québécoise ou canadienne, il n'en reste pas moins que c'est un cinéaste bien québécois et canadien qui a réalisé ses premières oeuvres ici. Nous le soutenons depuis le début de sa carrière.
    La production cinématographique et télévisuelle au Québec représente plus de 16 000 emplois à temps plein. Une récente étude le confirme.
    Lors de sa comparution devant le comité il y a un peu plus d'un mois, Téléfilm Canada a beaucoup insisté sur la coproduction. C'est aussi quelque chose d'extrêmement important pour nous. Outre les maillages financiers qu'on peut faire entre les institutions québécoises et canadiennes, la coproduction devient pour nous extrêmement importante afin d'augmenter les budgets des films qui seront produits ici et qui nous permettront de rayonner à l'étranger. Évidemment, nous favorisons les coproductions en participant à tous les marchés internationaux, en appuyant nos producteurs et en organisant des missions. L'année dernière, il y a eu sept coproductions majoritaires québécoises et canadiennes et dix coproductions minoritaires, ce qui augmente le nombre de films qu'on peut faire.
    Les rencontres de coproductions francophones sont une initiative extrêmement importante de la SODEC. Nous avons établi une priorité pour nos entreprises d'ici, soit de travailler sur les marchés francophones. Chaque année, 250 professionnels se réunissent pendant trois jours autour de projets de long métrage. Tous les hivers, nous organisons des séances de scénarisation au Québec. Celles-ci ont abouti à un volume de production de projets étudiés de 40 % sur 12 ans, ce qui est énorme.
    Il faut en venir aux enjeux importants. Les autres témoins en ont parlé avant moi.
(1545)
     Il y a littéralement un déplacement des auditoires du cinéma et de la télévision. Les enquêtes que nous avons pu faire en collaboration avec le Fonds des médias du Canada et Téléfilm Canada nous le démontrent très, très clairement. Lorsqu'on regarde les tendances des autres pays, que ce soit aux États-Unis ou en Europe, on observe la même chose. En somme, il est nécessaire de renforcer un certain nombre d'outils pour que notre cinéma puisse survivre et soit accessible et pour qu'il y ait de nouvelles sources de financement. Il y a beaucoup de travail à faire au chapitre de la distribution, dont on a peu parlé. Je pourrai peut-être vous en glisser un mot lors de la période des questions.
    Dans les dernières minutes ou secondes qui me restent, j'aimerais vous parler de la source de financement.
    Habituellement, le cinéma est financé par des crédits parlementaires octroyés à la SODEC, d'une part, ou à Téléfilm Canada, de l'autre. Il y a des systèmes de crédits d'impôt de part et d'autre et les longs métrages trouvent souvent leurs origines dans des chaînes de télévision. Dans la plupart des cas, ils sont soutenus par Radio-Canada.
    Or il y a un appauvrissement de ces sources de financement. Les distributeurs, qui participent aussi au montage financier, réduisent leur contribution, ce qui fait en sorte qu'il y a une pression de plus en plus grande sur la SODEC et sur Téléfilm Canada étant donné que les autres sources de financement sont en train de se tarir. Ici, le budget d'un long métrage varie entre 4 et 4,5 millions de dollars, ce qui n'est pas énorme.
     Voilà pourquoi je reviens à ce qui a été dit auparavant. Il faut trouver de nouvelles sources de financement pour la culture et le cinéma et, incidemment, pour le produit culturel national, québécois et canadien. Le rapport du Groupe de travail sur les enjeux du cinéma, présidé par mon prédécesseur, M. Macerola, y a fait référence. Ce rapport mentionnait qu'il fallait absolument intervenir pour que le CRTC exige des contributions obligatoires d'entreprises étrangères pour financer des productions culturelles authentiques, sans quoi la production culturelle nationale s'appauvrira.
    Tout récemment, le rapport Godbout, qui est une commission d'examen sur la fiscalité québécoise mise sur pied par le gouvernement de M. Couillard, a été très clair à cet égard. Il invite à une révision des dépenses fiscales pour qu'on puisse trouver des sources de financement pour le secteur culturel. La commission recommande d'étudier la possibilité d'imposer une taxe sur les services Internet résidentiels pour que la culture puisse trouver un nouveau souffle et de nouvelles ressources. Ce sont des enjeux extrêmement importants.
    Le Fonds des médias du Canada, qui s'appelait autrefois le Fonds de télévision et de câblodistribution pour la production d'émissions canadiennes, existe maintenant depuis 20 ans. Il a été mis sur pied pour alimenter la production nationale télévisuelle et pour encourager le développement des entreprises canadiennes et québécoises dans le domaine de la production. Ce fonds était mixte, c'est-à-dire qu'il était constitué d'une contribution des câblodistributeurs, des propriétaires de satellites et du gouvernement fédéral. Les proportions de cette contribution ont varié au fil des ans. Cela a été un instrument formidable pour soutenir et développer des entreprises, c'est-à-dire une industrie de la production au Canada et dans chacune des provinces. Cela a aussi permis à ces entreprises de produire des films et des séries télévisuelles de haute qualité. Si ce fonds n'avait pas existé, je ne pense pas que ces productions de qualité existeraient actuellement.
    Les enjeux et les technologies ont changé. Les moyens pour avoir accès à la culture ont également changé considérablement. Voilà pourquoi nous suggérons au fonds une mise à jour des systèmes de soutien qui sont fondés sur la même philosophie que ceux ayant été implantés en 1993-1994.
    Je suis très fière du cinéma québécois. Je suis fière que la SODEC, qui est à peu près le seul organisme à soutenir vraiment un programme de courts métrages. On sait que plusieurs de nos grands cinéastes ont fait leurs classes en faisant des courts métrages.
(1550)
     Nous avons aussi un programme destiné à la relève. Il s'agit dans ce cas d'encourager les jeunes. Ces personnes dont on voit le nom défiler et qui atteignent les plus hautes sphères, que ce soit Denis Villeneuve, Philippe Falardeau ou d'autres encore, ont en général commencé ici, assez modestement, par un court métrage, mais cela les a menés loin. Nous voulons les accompagner lorsqu'ils font leurs premiers pas, mais aussi plus tard, quand ils se rendent au sommet.
    Merci beaucoup.
    Merci.

[Traduction]

    Maintenant passons aux questions.
    Monsieur Yurdiga, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier les témoins de participer à cet examen important du long métrage, parce que le Canada a une excellente réputation dans cette industrie.
    Ma première question s'adresse à Mme Collin. Le cinéma du Québec a toujours été plus fort que les longs métrages produits ailleurs au pays. Dans quelle situation se trouve le cinéma québécois aujourd'hui par rapport à ce qu'elle était il y a 10 ans?

[Français]

    Dans notre mémoire, nous avons porté à votre attention le fait qu'il y a des changements quant aux endroits où les gens consomment des produits cinématographiques, que ce soit au Québec ou dans le reste du Canada. Les gens fréquentent moins les salles de cinéma, écoutent beaucoup plus de films à la télévision traditionnelle, à la télévision payante ou à la télévision spécialisée, mais aussi selon la formule vidéo sur demande. Il y a aussi les DVD, mais cela est plus modeste. Nous sentons que le modèle change tranquillement. Il y a aussi tous les autres services pour lesquels nous n'avons malheureusement pas de données. Par exemple, nous n'en avons pas sur la consommation des services qui ne sont pas réglementés par le CRTC. Par contre, nous savons que les consommateurs se dirigent de plus en plus vers ceux-ci.
    En consultant l'étude publiée cette semaine par Patrimoine canadien, j'ai noté qu'il y avait une légère décroissance de l'écoute du cinéma à la télévision, aussi bien traditionnelle que payante. À mon avis, si nous nous revoyons dans cinq ans ou même avant, nous observerons probablement qu'un transfert encore plus important s'est fait au profit des services Internet ou des services sur demande.
    On ne peut pas dire que les consommateurs québécois n'aiment pas leur cinéma. C'est plutôt le fait qu'ils le consomment différemment. Selon moi, il est très important, dans ce contexte, d'adapter les modes de financement et de suivre le consommateur là où il se trouve. Pour ma part, je pense plutôt que des possibilités s'ouvrent en ce qui concerne la consommation de nos produits cinématographiques.
    Par ailleurs, comme l'a dit Mme Simard et comme nous l'avons nous-mêmes fait valoir, nous avons développé au Québec une très belle expertise en cinématographie. Malgré les questions de langue et de culture, nos réalisateurs sont maintenant recrutés ailleurs, entre autres à Los Angeles. À cet égard, on peut penser notamment à Denis Villeneuve. Ces gens arrivent à faire des films qui rayonnent sur la scène internationale. C'est donc dire que les programmes d'aide et de financement, en plus de répondre aux attentes des consommateurs, ont développé une très grande expertise dans notre marché. Nous avons une excellente main-d'oeuvre dans ce domaine.
    Je dirais qu'à cet égard et en termes de consommation, le marché du Québec n'est pas très différent du marché canadien anglais. Notre vedettariat fonctionne très bien dans notre marché, et c'est une grande qualité. Cependant, comme je l'ai déjà dit, cela ne nous protège pas de la consommation de films américains. Quand un consommateur regarde un film, le budget de ce dernier lui importe très peu. Ce qu'il veut voir, c'est de la qualité. Pour lui, tous les films sont égaux. Ce que créent nos producteurs doit donc se mesurer à ce qui se fait à l'étranger de façon à ce que le consommateur choisisse nos produits, nonobstant la caractéristique identitaire qu'il peut trouver dans les produits canadiens.
(1555)

[Traduction]

    Merci.
    Dans la même veine et parlant de sources de revenu, la plateforme numérique génère de nouveaux revenus aux producteurs canadiens. À quel point les Canadiens savent-ils en tirer profit, selon vous?

[Français]

    Si je comprends bien, vous me demandez si le fait que les produits soient offerts sur des plateformes numériques permet aux Canadiens d'y avoir plus largement accès.

[Traduction]

    Oui. Auparavant, le public visionnait la plupart des films sur le grand écran. Maintenant, les gens les regardent sur leurs portables ainsi que chez eux sur leurs ordinateurs et sur leurs appareils de télé. Nous traversons une transition importante dans l'évolution de notre industrie. Les occasions s'offrent à nous; comment allons-nous les saisir de manière à ce que l'industrie du film réussisse à passer cette transition qui l'amène d'un secteur vers un autre secteur?

[Français]

     Je pense qu'on en profite, mais je crois aussi qu'il y aurait moyen de collaborer avec des groupes de travail pour revoir notamment l'exploitation des salles, le rôle de la distribution traditionnelle en salle comparée aux autres plateformes, les sources de financement et ainsi de suite.
    En ce moment, on fait des expériences en collaboration avec Téléfilm Canada. On met de l'avant des projets pilotes pour adapter les formes de financement et pour s'adapter à la consommation. Comme nous l'avons dit, un groupe de travail devrait probablement être parrainé par Téléfilm Canada et inclure tous les intervenants du milieu du cinéma pour définir la nouvelle réalité d'aujourd'hui et maximiser, comme vous le dites, l'accessibilité des Canadiens aux contenus et au financement.

[Traduction]

    Merci.
    Ma prochaine question s'adresse à M. Lemieux.
    Est-ce que j'ai bien prononcé votre nom? Pas trop mal?

[Français]

    Oui. Elle est correcte.
(1600)

[Traduction]

    Dans le cadre de cet examen, plusieurs producteurs de longs métrages nous ont dit que la bureaucratie est lourde pour ceux qui présentent une demande de subvention et de crédit d'impôt. Est-ce que cela constitue un problème grave? Préféreriez-vous une sorte de guichet unique pour présenter ces demandes?

[Français]

    Je ne suis pas un spécialiste de ces questions, mais en tant que diffuseur, je crois que de faciliter certaines règles pourrait constituer un incitatif. Je pense aux projets que nous défendons à la grandeur du territoire canadien et à tout ce que nous proposent les producteurs et les distributeurs. Il n'y aura jamais suffisamment d'argent pour faire valoir tous les produits qui sont disponibles. Les budgets sont inégaux, mais la qualité artistique est toujours intéressante. C'est peut-être là que Téléfilm Canada et ses comités d'étude peuvent prendre le relais.
    Je mentionnais dans ma présentation qu'il y a une intégration. De notre côté, l'intégration sur le plan de la diffusion veut dire l'école, l'association communautaire, le distributeur et ainsi de suite. Il faut donc que toutes les forces travaillent dans la même direction pour permettre la diffusion sur une plus grande échelle et rejoindre le plus grand public possible, là où il se trouve.
    En tant que producteur, comme je l'ai dit, je ne suis pas un spécialiste des questions de crédits d'impôt, mais je serais tenté de croire qu'il y a des choses à revoir et à remanier pour permettre une meilleure utilisation de tous les outils.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
     Monsieur Nantel, vous disposez de sept minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être ici parmi nous aujourd'hui.
    Vos témoignages sont extrêmement précieux. Cela nous fait comprendre les enjeux que vit notre cinéma aujourd'hui, en 2015. D'ailleurs, la dernière étude remonte à il y a dix ans. Il était donc grandement temps qu'on fasse une autre étude au sujet de ce secteur.
    Je dis souvent que lorsque nous avons été élus en 2011, soit lors des dernières élections, presque personne n'avait de iPad. Aujourd'hui, presque tout le monde en a un. Il est évident que les habitudes de visionnement ont changé. Pour a plupart d'entre nous, quand nous retournons dans nos circonscriptions et si nous ne travaillons pas, nous écoutons probablement un film sur Netflix. Nous commettons donc également des péchés.
     Tout d'abord, je voudrais remercier M. Lemieux. Honnêtement, selon moi, votre organisation est comme le coup de coeur francophone de la musique. Votre mission est de distribuer, de faire savoir et de faire connaître un produit. C'est magnifique. Cela nous ramène à cette notion rassembleuse d'événements culturels où il y a beaucoup de gens ensemble ce qui, peu à peu, devient un anachronisme. On a l'a d'ailleurs entendu de la part des gestionnaires de salles de spectacles, il y a deux jours.
    Je remercie les gens de l'AQPM parce que vous avez à maintes reprises fait face à ces défis et à ces changements technologiques, surtout sur le plan de l'accessibilité à la culture. Entre autres, vous avez contribué à ce rapport produit par Patrimoine canadien et auquel vous faisiez allusion un peu plus tôt.
    J'aimerais vous entendre sur un sujet précis. À la toute fin du rapport, aux pages 101 et 102, il est question des parts d'auditoire et des sources auxquelles ont accès les téléspectateurs pour visionner les contenus. On parle de la télévision sur demande. On parle de la télévision spécialisée et du câble. Pourrait-on avoir des informations sur des diffuseurs comme Netflix? On n'a pas de statistiques pour faire les analyses de marché qui sont si importantes pour le cinéma. Celui-ci doit être soutenu par l'État si on veut qu'il garde son utilité.
     Vous savez que Patrimoine canadien a fait de très grands efforts pour trouver des paramètres pour mesurer le visionnement sur l'ensemble des plateformes. C'est complexe parce que les fournisseurs d'information sont très divers. Par contre, il y a le fait que plusieurs d'entre eux sont régis par le CRTC, ce qui les aide, avant la production de leur rapport annuel, à avoir accès aux données.
    La méthode développée par Patrimoine canadien semble la plus près de la réalité. Toutefois, dans l'étude intitulé « Vu à l'écran : le visionnement de longs métrages canadiens sur de multiples plateformes 2007 à 2013, publiée cette semaine par ce ministère, il y a une note en bas de page qu'on va malheureusement retrouver de plus en plus fréquemment parce qu'on aura de plus en plus de difficulté à avoir accès à cette information. Le problème, c'est que les données des VSD proviennent uniquement des entreprises qui détiennent une licence du CRTC. Il y a une multitude d'entreprises — il s'en forme à tous les jours —, tant du Canada que de l'étranger, qui fournissent des services que les consommateurs adoptent. Or on n'a pas d'information sur ces entreprises.
    Pendant ses dernières audiences au début de l'automne dernier, le CRTC a essayé tant bien que mal d'avoir des informations de Netflix, par exemple, mais il a été incapable d'en obtenir. Dans le cadre de « Parlons télé » du 14 mars dernier, les services de VSD hybrides ont été exemptés de la politique. On peut donc penser qu'on n'aura pas accès à ces informations. C'est inquiétant pour les décideurs que vous êtes et pour des intervenants comme nous, qui doivent orienter les politiques et comprendre comment le consommateur va évoluer dans cet univers qui est constamment en mouvement.
    Auparavant, les choses évoluaient assez lentement. Maintenant, il y a une évolution extrêmement rapide de la consommation, étant donné les développements rapides de la technologie. Malheureusement, il sera, entre autres, de plus en plus difficile de savoir où les Canadiens consomment les produits cinématographiques.
(1605)
    Merci, madame Collin.
    Je faisais allusion à la pertinence des échanges d'information avec vos producteurs. Je me souviendrai toujours d'une fois où j'ai rencontré Mme Simard.
    Madame Simard, êtes-vous toujours en ligne avec nous?
    Oui.
    Vous faisiez une allocution à vos membres.
    Madame Simard, vous avez déjà fait de la politique, mais vous avez essentiellement été productrice de documentaires. Vous avez travaillé à l'ONF, où vous avez contribué à mettre en place la fameuse application de l'ONF sur les téléphones intelligents. La mise en ligne de son catalogue auquel tout le monde peut avoir accès, comme c'est le cas pour les archives du patrimoine, est un grand accomplissement de l'office.
    Aujourd'hui, vous êtes à la SODEC. En portant ce chapeau à la SODEC, lors de la réunion de l'AQPM à laquelle j'ai assisté, vous avez dit aux producteurs que, même si c'était maintenant plus complexe de faire du cinéma ou de la télévision, ce n'était pas le temps de prendre leur retraite ou de vendre leur maison de production car on avait besoin qu'ils restent pour nous aider à traverser cette rivière que représente ce nouveau monde de diffusion.
    Vous avez fait allusion au rapport de la commission Godbout. En plus du financement, y a-t-il un enjeu relatif à la visibilité pour le cinéma fait ici? Autrefois, on avait un contrôle sur la visibilité de notre production culturelle. Aujourd'hui, ce sont des joueurs internationaux qui, même s'ils ont une adresse .ca, comme Netflix, ne sont pas réglementés. Si tout le monde se lance sur ces plateformes pour consommer les produis culturels, ne fera-t-on pas face à un problème de visibilité?
     En tant que productrice, j'ai produit plus de 150 films. J'ai ensuite été directrice générale du Programme français de l'Office national du film du Canada pendant cinq ans et demi et j'ai participé au grand virage numérique de l'ONF, entre autres en ouvrant les studios de production interactive.
    Aujourd'hui, il y a effectivement un enjeu de visibilité puisque l'offre est débordante. Il n'y a plus de frontières. Les notions d'espace et de temps sont maintenant tout à fait relatives et, comme le disait plus tôt Mme Collin, tout change extrêmement vite.
     Au cours des quelques années que j'ai passées à l'ONF, j'ai dû changer trois ou quatre fois de technologies pour adapter les productions. Si on veut être visibles, le vrai défi aujourd'hui est de continuer à soutenir les oeuvres écrites, produites et tournées par des Canadiens et des Québécois, en l'occurrence nous, au Québec. Il faut trouver les moyens et les ressources nécessaires. Parmi les modèles que nous avons eus et dont je vous ai parlé, il y a eu le Fonds des médias du Canada.
    La discussion que nous tenons ici aujourd'hui se tient également dans tous les pays européens, que ce soit en France, en Allemagne, en Angleterre ou ailleurs, car nous sommes tous aux prises avec l'invasion d'une offre extrêmement importante sur nos territoires. Comment établir notre propre offre sur notre propre territoire? Voilà quel est le grand enjeu. Pour y arriver, il faut disposer des moyens nécessaires. Je pense qu'il faut soutenir la création et la production, mais je pense aussi qu'il faut pouvoir soutenir ce que j'appelle l'exploitation des oeuvres, c'est-à-dire le marketing, la commercialisation, la distribution, et ce, par tous les moyens dont nous disposons, y compris les réseaux sociaux.
    Je pense qu'Internet et la téléphonie cellulaire sont essentiellement les deux grandes « autoroutes » par lesquelles passe la consommation de la culture aujourd'hui, non seulement pour le cinéma, mais aussi pour la musique. C'est le cas partout dans le monde. On devrait pouvoir, de façon modeste, mettre ces deux « autoroutes » à contribution pour s'assurer que les producteurs ont les ressources dont ils ont besoin. Je dis...
(1610)
    Je vous remercie. Je dois vous interrompre car le temps est écoulé
    Monsieur Dion, vous avez la parole pour sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens à remercier tous nos invités, qu'ils soient présents ici parmi nous ou par l'entremise de la téléconférence.
    Bonjour, madame Simard.
    Bonjour.
    Il y a une mesure qui a été suggérée je crois par Mme Collin. Elle avait déjà été proposée ici dans le cadre des travaux de ce comité. Il s'agit d'éviter que le crédit d'impôt soit versé uniquement à la fin, ce qui oblige à emprunter de l'argent et engendre des frais. Une partie seulement — et je pense, madame Collin, que vous avez recommandé 75 %,  — serait versée. Cela pourrait être débattu. Une partie pourrait être versée à l'avance et le reste à la fin, une fois que tout serait résolu.
     Est-ce que cela vous semble réalisable?
    C'est tout à fait réalisable si la réglementation concernant l'aide fiscale est modifiée. Mme Collin a raison. D'abord, il y a le temps d'attente avant de recevoir de l'argent. Il y a énormément d'argent dans le financement intérimaire, c'est-à-dire quand on attend des fonds. On pourrait dire que c'est un effet pervers du système. La formule des crédits d'impôt est formidable. Au Canada et au Québec, nous en avons été les initiateurs et on nous a imités partout dans le monde. Il y a un peu plus de 30 ans, soit environ 35 ans, que ce système est appliqué, et il est certainement possible de l'améliorer.
    Nous discutons constamment avec les gens des associations de producteurs au sujet de la nécessité de réduire la lourdeur administrative. Cela faciliterait le travail de la plupart des producteurs. Dans la majorité de ces maisons de production, les effectifs ne sont pas très nombreux. Pour ma part, je serais tout à fait favorable à une mesure qui permettrait d'atténuer l'aspect bureaucratique.
    D'accord.
    D'après ce que je constate, vous ne voyez aucun inconvénient à ce que cette réforme soit appliquée.
    Je vois des inconvénients dans la mesure où certains pourraient s'y opposer, mais ce ne serait pas le cas de la SODEC.
    D'accord.
    C'est nous qui gérons les sept crédits d'impôt destinés à la culture. Nous avons proposé au gouvernement un certain nombre d'améliorations au système. Nous pensons que, dans bien des cas, certaines étapes pourraient être éliminées sans que cela pose problème. Il y a souvent deux philosophies qui s'opposent dans le domaine de l'aide fiscale. La première consiste à ne pas avancer un sou avant qu'une quadruple vérification ait été faite et que plusieurs années se soient écoulées depuis la production. Selon l'autre philosophie, on verse des fonds au préalable, comme pour les subventions, une fois que les dossiers sont bien montés et que l'on a bien vérifié la crédibilité de même que la solidité de l'entreprise.
     Je vous remercie.
    Presque tous les intervenants — M. Lemieux, Mme Collin et Mme Doucet — ont mentionné l'importance de renforcer le financement de Téléfilm Canada.
    Par ailleurs, vous avez aussi insisté sur la nécessité de mettre à jour les systèmes de soutien. On peut donc penser qu'avant de renforcer le financement de Téléfilm Canada, il faudrait s'entendre et savoir si c'est pour faire la même chose, comme si le monde n'avait pas changé, ou si c'est pour ajuster l'aide fédérale au nouvel environnement en raison de tous les défis que vous avez mentionnés.
    J'aimerais vous entendre à cet égard.
    Permettez-moi de répondre à cette question, monsieur Dion. Tout d'abord, je m'en voudrais de ne pas souligner deux choses.
    Concernant le crédit d'impôt, j'ai parlé d'augmenter l'efficience grâce au pourcentage de 75 % dont vous venez de discuter. J'ai toutefois oublié un point très important. L'aide provinciale comme le crédit d'impôt, et toute forme d'aide réduisent le crédit d'impôt fédéral. Cela fait en sorte qu'en moyenne, les longs métrages au Québec — ou en langue française — ne reçoivent que 3 % du crédit d'impôt fédéral alors que le maximum est de 15 %.
    Déjà, si nous pouvions travailler sur les effets réducteurs, ce serait une façon d'aider le financement des producteurs. Ce serait très simple à appliquer.
    Diriez-vous que ce retrait du crédit d'impôt fédéral, quand il y a un crédit d'impôt provincial, touche plus le Québec que d'autres provinces, parce que le crédit d'impôt provincial est plus généreux au Québec?
    Je vais demander à Mme Doucet, qui est une spécialiste du crédit d'impôt, de répondre à votre question.
    En fait, le crédit d'impôt provincial fait partie de ces formes d'aide réductrices et il est effectivement plus élevé. Cependant, il y a aussi d'autres formes d'aide réductrices. Au fédéral, toutes les formes d'aide gouvernementale sont réductrices.
    En fait, si on compare la situation des films en français avec ce qui se passe pour les films anglophones, la différence provient du fait que les films canadiens-anglais ont plus de facilité à obtenir des licences étrangères et des avances de fonds pour des distributions étrangères qui complètent leur structure financière. Cela fait en sorte que, proportionnellement, ils ont peut-être moins d'aide publique que les films québécois, qui ont plus de difficulté à exporter.
(1615)
    Si je comprends bien, vous dites que, quand on obtient d'autres formes d'aide, la réduction du crédit d'impôt fédéral ne touche pas plus particulièrement le Québec que les autres provinces.
    En fait, cela le touche pour les raisons que je viens d'expliquer puisque l'aide gouvernementale réduit le crédit d'impôt.
    Par conséquent, si obtient de l'aide d'une fondation privée, ce n'est pas retiré du financement.
    C'est exact.
    Merci.
    Par ailleurs, à cause de la langue de production, il est plus facile d'avoir accès à cette aide privée pour l'exportation d'un produit en langue anglaise. C'est donc plus difficile pour le marché francophone.
    Cette information est importante pour ce comité.
    Oui.
    Que choisissez-vous entre augmenter le financement, sans changer quoi que ce soit, et augmenter le financement une fois qu'on aura un nouveau plan pour faire face aux nouveaux défis?
    Tout d'abord, il faut saluer le travail qu'a fait Téléfilm Canada au cours des dernières années, tant en ce qui a trait au développement qu'en ce qui a trait à la production. Les gens de cette institution ont beaucoup travaillé sur leurs projets. Ils ont essayé de s'adapter à une réalité qui bouge à une vitesse folle. Ils ont travaillé avec les partenaires du marché. Il faut saluer aussi le fait qu'ils ont subi des compressions mais qu'ils ont tenté de toucher le moins possible au coeur de leur fonctionnement. Pour nous, il est très important de souligner que l'équipe de Téléfilm Canada a bien compris le travail qu'elle devait faire avec ses partenaires.
    Par ailleurs, il sera sans doute très important que tous les gens qui travaillent de près ou de loin avec l'industrie de la cinématographie se regroupent au sein du groupe de travail qui est parrainé par Téléfilm Canada. Cela permettra d'analyser la nouvelle situation et de regarder les modèles d'exploitation, les fenêtres de distribution et la mise en marché.
    Un peu plus tôt, Mme Simard a mentionné que, dans un univers où on est inondés de contenus, la mise en marché des produits doit aller bien au-delà de la mise en marché en salle. En effet, on sait que la consommation à l'extérieur représente 97 % des visionnements. Nos modèles sont encore attachés à la distribution en salle et à sa mise en marché. On sait que la mise en marché des produits est, en partie, le nerf de la guerre après qu'on ait produit une oeuvre de qualité.
    Oui, il faut ajouter du financement pour appuyer la production, mais il faut le faire dans un cadre où on révise notre façon de faire. Celle-ci doit être adaptée à 2015.

[Traduction]

     Monsieur Hillyer, vous disposez de sept minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Lemieux, voulez-vous répondre à la question de M. Dion?
    J'aimerais ajouter quelque chose à ce que Mme Collin a dit relativement à la question de revoir ou d'augmenter le financement. De notre côté, il est important de comprendre que le public de demain — soit  les jeunes — et tout ce qui relève de l'éducation sont au coeur de nos priorités.
    Parlons des tournées. Il y a beaucoup de territoires où on réussit à amener le public à regarder des films québécois. Il reste encore des provinces pour lesquelles on souhaite ardemment, avec nos partenaires locaux, développer le projet de présenter des films québécois et de contribuer à notre échelle à faire circuler davantage les oeuvres et les rendre accessibles.
    Pour nous, c'est une priorité. Ce goût, on l'inculque dès le jeune âge. Dans toutes les écoles que nous visitons au Canada, un élève sur deux n'a jamais vu de film québécois. Je pense que cette statistique est éloquente et démontre qu'il y a encore du travail à faire sur le plan du rayonnement.
     Selon moi, il y a un problème quant au nombre de Canadiens qui peuvent regarder des films canadiens ou québécois. Ce n'est pas seulement un problème de production de films. Mme Simard a dit avoir financé 400 films par année.
     Nous avons reçu 1 440 demandes l'an dernier. De ce nombre, nous en avons appuyé un peu plus de 400, incluant des courts métrages, des documentaires, des programmes pour les jeunes cinéastes et des longs métrages. C'est vrai qu'il y a beaucoup de demandes et nous n'en retenons qu'environ le tiers.
    Il y a plus de films produits que de films visionnés. Je ne savais pas que le film The F Word était un film canadien. C'est quelqu'un qui l'a mentionné lors de la dernière rencontre du comité. Personnellement, je ne vais pas voir un film canadien ou québécois pour la seule raison qu'il est canadien ou québécois. Je trouve qu'une grande partie des films canadiens, surtout des films québécois, sont aussi bons que les films de Hollywood. Ils sont de qualité égale et les genres sont semblables. Si j'ai à choisir entre un film hollywoodien et un film canadien ayant une valeur de divertissement semblable, je vais choisir le film canadien. Par contre, je ne sais pas quels sont les films canadiens et où je peux les trouver. Les films ne sont pas tous présentés dans les Cineplex ou d'autres salles de ce genre.
    Puis-je répondre, monsieur Hillyer?
(1620)
    Oui.
    On a peu parlé de la distribution des films; on ne l'a qu'un peu évoquée. Un des problèmes importants a trait à la distribution.
     Pour qu'un long métrage de fiction reçoive du financement de la SODEC, de Téléfilm Canada ou d'autres organismes canadiens, il faut un distributeur. Or il n'y a pas beaucoup de distributeurs au Canada et ceux qui existent sont de gros distributeurs. Ils distribuent également des films américains. Comme vous le savez, le Canada est considéré comme étant un marché national pour les films américains. Il y a toute une stratégie de distribution qui ne favorise pas le cinéma national, qu'il soit canadien ou québécois.
    Pour les salles de cinéma, il y a un système qu'on appelle le booking. Il faut que les films fonctionnent. Si un film n'a pas fait de bonnes recettes la première fin de semaine, il est immédiatement remplacé par un autre. D'énormes films font l'objet de grandes campagnes de publicité. Prenons l'exemple de Fifty Shades of Grey. Je ne l'ai pas vu, mais j'ai lu les critiques. Ce film a fait l'objet d'une campagne mondiale, ce qui a fait en sorte qu'il a été en première position au box-office, et ce, partout dans le monde. On a consacré plus d'argent au marketing qu'à la production du film. Il y a eu tellement de publicité que tout le monde est allé voir ce film.
    Il est extrêmement important qu'on retrouve un équilibre. Il faut examiner le rôle des distributeurs et ce qu'on exige d'eux. Il faut faire en sorte que les films financés à juste titre par des fonds publics soient accessibles sur toutes les plateformes. Je me définis comme une agnostique en ce qui a trait aux plateformes. Je peux regarder un film sur un iPad, un écran de cinéma ou un écran de télévision. Désormais, il faut considérer toutes ces plateformes. Il faut considérer le succès d'un film selon le nombre de personnes qui l'auront vu sur toutes les plateformes. Tant et aussi longtemps que c'est seulement le box-office de la salle de cinéma qui compte, on va se retrouver avec les problèmes actuels.
     Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?

[Traduction]

    Il vous reste 45 secondes.

[Français]

    D'accord.
    Je veux seulement dire que je suis d'avis que si on accorde des fonds pour la production de films

[Traduction]

pour soutenir la culture,

[Français]

cela n'a pas de sens si on n'aide pas les gens à voir ces films. On ne contribue pas à la culture si personne ne voit ces films. Je suis donc d'avis qu'il faut trouver un équilibre.
    Je vous remercie.
    C'est notre position. Cette position de la SODEC se retrouve dans le rapport sur le cinéma. On va présenter très bientôt des modifications à nos règlements et à nos programmes pour tenir compte davantage de cela.
    Comme on dit en anglais,

[Traduction]

c'est le nombre de paires d'yeux qui compte, et non la plateforme.
(1625)

[Français]

    Merci.
    Monsieur Nantel, vous disposez de quatre minutes.
    Je vais être bref.
    Je vous remercie, madame Simard, de vos commentaires à cet égard.
    Je veux m'assurer que le comité comprenne bien quels sont les enjeux.
    Vous dites que la distribution est un facteur clé pour obtenir du financement. Il faut peut-être réévaluer cela parce que la distribution en salle est l'essentiel du mandat des distributeurs et on passe ensuite à la deuxième phase, qui est la télévision. Il est précisément question de cet enjeu.
    Je vois que des gens présents à ce comité, dont  Mme Collin et Mme Doucet, indiquent qu'ils sont d'accord à cet égard.
    De ce côté-ci, nous sommes d'accord également.
    Des voix: Oh, oh!
    C'est le bruit qu'on entendait dans le microphone.
    Je m'adresse à vous tous ici présents.
    Parmi toutes les recommandations qui se sont dégagées de vos témoignages et des témoignages de toutes les autres personnes qui sont venues nous rencontrer, quelle est celle que vous aimeriez le plus voir dans le rapport?
    Peut-on convenir qu'une chose prioritaire pour vous serait de soutenir Téléfilm Canada pour que cet organisme continue à pouvoir s'acquitter de son mandat puisqu'il s'ajuste bien aux différentes réalités et à l'évolution des marchés?
    Madame Collin, vous avez parlé de cette notion de réforme, c'est-à-dire de se limiter à 75 % des sommes en 30 jours pour aller chercher 25 % des sommes plus tard. Cette notion s'inscrit dans ce que nous a dit, entre autres le CMPA, sur le phénomène qu'on appelle the grind. On adore tous cette expression qu'on a apprise ici.
    Quelle serait l'autre recommandation? Je vous donne deux pistes. D'abord, nous savons tous que le CRTC a évoqué une grande conversation pour l'automne lors de ses décisions portant sur le contenu culturel canadien. Ses décisions ont contrarié beaucoup de gens à juste titre puisque cela met en danger un certain nombre de choses.
    Est-ce un peu pour cela que vous avez évoqué l'idée de mandater un groupe de travail pour étudier ces questions? Voulez-vous tirer des conclusions sur ces changements futurs?
    Je pense qu'il ne faudrait pas mêler ce que le CRTC va faire et ce que le groupe de travail pourrait faire. Je ne sais pas ce que le CRTC va faire, mais si j'ai bien compris, le CRTC va se pencher vraiment sur tous les contenus technologiques et audiovisuels.
    Dans le cas du cinéma, il n'est pas désincarné des autres contenus ou des autres genres. Il serait très important de réunir certaines choses. En effet, si on parle de l'expérience du cinéma en ne considérant que l'exploitation des salles et la distribution, on constate, comme l'a souligné plus tôt Mme Simard, que c'est maintenant concentré dans les mains d'un ou deux gros joueurs au Canada. Ce n'est pas tout à fait la même réalité.
     Ce sont des réalités extrêmement similaires, mais je pense qu'il faut penser à trouver une façon de modifier le financement. Il faut revoir les modes de distribution, revoir le rôle du distributeur, revoir l'impact des plateformes et revoir la façon de calculer la performance. Il y a déjà du travail qui a été fait à cet égard chez Téléfilm Canada, mais je pense, et je le répète, que cela va extrêmement vite. On a absolument besoin de faire le point avec tous les joueurs qui évoluent dans ce domaine.
    Est-ce le genre de sujets que vous aimeriez voir le groupe de travail aborder, comme par exemple le rôle du distributeur dans ce nouvel écosystème?
    Oui, entre autres, mais notre priorité est assurément le financement des productions et la mise en marché des productions. Je joins ma voix à celle de Mme Simard pour dire qu'il faut que les films soient vus et qu'il faut avoir les moyens d'en faire la mise en marché.
    En effet, il y a une chose assez hallucinante qu'on peut constater quand on arrive dans cette industrie. Vous pouvez avoir le meilleur film au monde, mais s'il fait trop beau la fin de semaine de la première, il n'obtiendra pas les résultats escomptés et on le retirera. C'est triste, parce que tout l'argent de la mise en marché a été injecté pour cette seule fin de semaine, mais il a fait trop beau, comme c'est le cas aujourd'hui. C'était par exemple une journée magnifique, comme on n'en a pas beaucoup au Canada. Tout le monde était dehors. Personne ne voulait aller au cinéma. Le film a donc été retiré des salles.
    Au-delà du fait qu'on peut maintenant voir le film sur d'autres plateformes, toute la mise en marché est rattachée à cela et la vie du film en salle est pratiquement rattachée à la température extérieure.
    Puisqu'il ne reste que 15 secondes, je vais m'adresser à Mme Simard.
    Madame Simard, votre quatrième point est-il d'ajouter l'enjeu touchant la visibilité de nos films?
    C'est certain. Cependant, cette visibilité sera acquise quand on va comprendre qu'il faut moduler les financements et en accorder beaucoup plus pour l'exploitation, la distribution et la visibilité. Il faut qu'on enlève des contraintes.
    Puisque vous êtes un comité fédéral, je pense qu'il serait grandement temps de vérifier si la Loi sur la radiodiffusion et la Loi sur les télécommunications sont à jour en ce XXIe siècle. Je pense qu'il y a des ajustements importants à faire à cet égard.
     C'est noté. Je vous remercie.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Je remercie nos témoins. Si vous avez d'autres observations qui aideraient notre examen, envoyez-les-nous s'il vous plaît. Nous allons encore étudier cela pendant quelques semaines.
    Merci.
    Sur ce, nous allons suspendre pendant quelques minutes.
(1625)

(1630)
    Re-bonjour.
    Nous reprenons donc les travaux de la réunion numéro 43 du Comité permanent du patrimoine canadien. Nous poursuivons notre examen de l'industrie canadienne du long métrage.
    En cette deuxième heure aujourd'hui, nous avons avec nous à Ottawa Robert Lantos de Serendipity Point Films. De Toronto par vidéoconférence, nous avons Piers Handling, président-directeur général du Toronto International Film Festival.
    Nous allons commencer ici à Ottawa par M. Lantos, qui dispose de huit minutes.
(1635)

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant le comité aujourd'hui.
    Je vais m'exprimer en anglais. En effet, même si j'ai commencé ma carrière au Québec et que mes activités se sont déroulées pendant longtemps à part égale dans les deux parties du Canada, je travaille maintenant uniquement en anglais. Je vais donc laisser à mes collègues québécois le soin de formuler des commentaires en français.

[Traduction]

    Il va être très difficile de faire cela en huit minutes, mais je vais essayer. Je fais cela depuis 42 ans. J'ai commencé en 1973 quand j'étudiais à McGill avec mon partenaire Victor Loewy. Nous avons créé une entreprise de distribution de films. Quelques années plus tard, en 1977 avec un autre partenaire, Stephen Roth, nous avons produit nos deux premiers longs métrages qui s'intitulaient L'Ange et la femme et In Praise of Older Women.
    Cette petite entreprise lancée par des étudiants universitaires a pris de l'ampleur pour devenir la société Alliance Communications, dont j'étais président-directeur général. En 1993, j'ai placé notre société à la Bourse de Toronto, et en 1998 j'ai vendu ma participation majoritaire. Pendant plus de 20 ans, la société Alliance a été la plus grande entreprise de distribution et de production de films et d'émissions de télévision. Elle était aussi l'un des plus grands diffuseurs d'émissions de spécialité jusqu'à ce qu'on la revende quelques années après que j'aie vendu ma participation majoritaire, puis elle s'est divisée.
    Ces 15 dernières années, je me suis concentré uniquement sur la production de longs métrages dans l'entreprise dont je suis propriétaire, Serendipity Point. Tout au long de ma carrière, j'ai produit environ 40 films et j'en ai financé et distribué de nombreux autres. J'ai eu le privilège de travailler avec quelques-unes des plus grandes vedettes mondiales comme Dustin Hoffman, Annette Bening, Viggo Mortensen, Michael Caine, Ralph Fiennes, Jeremy Irons, Paul Giamatti et Rosamund Pike. J'ai travaillé avec des réalisateurs de grand renom comme David Cronenberg, Denys Arcand, Atom Egoyan, Jean-Claude Lauzon, István Szabó et Bruce Beresford.
    Les films que nous avons produits, comme Barney's Version, Eastern Promises, The Sweet Hereafter, Sunshine et Being Julia, ont été sélectionnés comme candidats à des oscars. Ils ont gagné des Golden Globes ainsi que des prix aux festivals de Cannes, de Venise et de Berlin. Ici au Canada, ces films ont gagné cinq prix du meilleur long métrage et ont été sélectionnés comme films d'ouverture du Toronto International Film Festival à 10 occasions. Ils ont été distribués dans le monde entier et certains d'entre eux, mais pas tous, ont généré des profits.
    Black Robe, Being Julia, Sunshine, eXistenZ, Barney's Version et Eastern Promises ont tous généré une recette brute de plus de 20 millions de dollars dans le monde entier. Ma production de Johnny Mnemonic a généré plus de 50 millions de dollars. Ici au pays, Black Robe, Johnny Mnemonic, Barney's Version et Eastern Promises ont tous généré une recette brute de plus de 3 millions de dollars en vente de billets, et Men With Brooms a généré plus de 4 millions de dollars.
    Ça, c'est l'aspect positif.
     Un autre aspect positif est le fait que sous ma direction, nous avons énormément progressé depuis la création de notre toute première entreprise. Je vais vous raconter une anecdote qui illustrera la situation en 1977 alors que je produisais In Praise of Older Women.
    Nous avions énormément de peine à convaincre les salles de cinéma de projeter ce film. On l'avait choisi pour ouvrir le festival du film de Toronto et il avait été l'objet d'une forte publicité, donc nous pensions qu'il serait bon de l'offrir en salle juste après le festival. Mais les salles de cinéma de l'époque hésitaient beaucoup à le projeter. Je suis allé voir le principal distributeur de ce qui était à ce moment-là le plus grand circuit du pays, une société du nom de Famous Players, dont à l'époque la société Paramount était propriétaire.
     Je lui ai dit que nous voulions que notre film se fasse une place sur le marché et qu'il me fallait pour cela des engagements fermes pour des dates fixes dans de grandes salles un peu partout au pays; autrement, si je me contentais d'attendre qu'une salle projette éventuellement ce film, nous ne réussirions jamais. Il m'a demandé: « Pourquoi est-ce que je ferais ça? ». Je lui ai répondu: « Bien... parce que c'est un excellent film, pourquoi ne le regardez-vous pas? » En effet, il ne l'avait pas vu. Il m'a dit: « Je n'ai pas besoin de le regarder: c'est un film canadien ».
    Des voix: Oh, oh!
    M. Robert Lantos: C'est exactement ce qu'il m'a dit.
(1640)
     Nous avons fait beaucoup de progrès. C'était en 1978. Les choses ne se passeraient pas comme ça aujourd'hui. Les films canadiens ont accès aux salles de cinéma, et si leur producteur décide d'investir un peu plus dans du bon marketing, ce qui fait vraiment toute la différence, les portes des salles leur sont grandes ouvertes. De bien des façons, cette période difficile est révolue, mais aujourd'hui nous faisons face à d'autres obstacles et à d'autres défis.
    Notre plus grand défi réside dans la concurrence mondiale qui a lieu entre les producteurs indépendants et les studios d'Hollywood. Ils ne se font pas la guerre, mais les studios à l'heure actuelle disposent d'un budget de 130 millions de dollars en moyenne pour chacun de leurs films. Cette somme dépasse largement les frais annuels de Téléfilm Canada et de tous les films canadiens. Ils investissent cette somme dans chaque film, et cela ne comprend pas leur budget de marketing. Ils appliquent un budget de marketing type aux gros longs métrages d'Hollywood, ceux qu'on appelle les franchises tentpole, des produits phares comme celui qui vient d'ouvrir le week-end dernier, le nouveau volet de X-Men.
    Le budget type de marketing s'élève à environ 150 millions de dollars. Il s'applique à un lancement mondial, ce qui est une idée assez nouvelle. Cette idée de faire sortir un film dans tous les pays du monde et dans toutes les salles de cinéma la même journée et d'appuyer cela par des budgets de marketing monumentaux ne s'est développée qu'au cours de ces 12 dernières années. Je ne vais pas me lancer dans un sermon sur l'ère numérique, mais c'est de là que vient cette idée, pour le meilleur ou pour le pire. L'ère numérique a également donné naissance au piratage, alors pour l'emporter sur les pirates, les studios d'Hollywood font sortir leurs films la même journée dans toutes les villes du monde pour se donner une longueur d'avance sur les pirates.
    En notre ère numérique, Internet est aussi très utile, car il permet de placer la publicité dans le monde entier. On ne pouvait pas faire cela il y a 15 ans. Les studios d'Hollywood faisaient sortir leurs films en Amérique, qui n'atteignaient des endroits comme le Japon ou la Scandinavie qu'un an plus tard. Aujourd'hui, les films sortent partout en une même journée.
    Quelles répercussions en subissent les films indépendants, et pas uniquement les films canadiens? Les films européens et australiens se heurtent au même obstacle. Le nôtre est un peu plus grand parce que nous nous situons tout près de ce géant. L'obstacle consiste dans le fait que vous vous trouvez avec deux, trois et parfois même quatre de ces énormités qui sortent tous les week-ends de l'année. Ils occupent un nombre incroyable d'écrans quand ils sortent dans 10 000 et parfois dans 20 000 salles la même journée. De plus, avec la cacophonie publicitaire de ces campagnes massives, on n'entend plus les petites voix indépendantes, qui ont de plus en plus de peine à se faire entendre.
     J'ai entendu il y a quelques minutes une de vos intervenantes parler de la difficulté d'attirer des paires d'yeux pour visionner les films canadiens; elle parlait des films que personne ne voit et dont personne n'entend parler. C'est ça, notre plus grand obstacle. C'est le défi que doit relever chaque film indépendant contre six studios, c'est le défi de produire des films essentiellement pour des adultes, des films qui présentent des faits qui intéresseraient le public qui a plus de 25 ans, contre l'exploitation commerciale des studios d'Hollywood. Chacun d'eux produit une d'exception chaque année, mais la plus grande partie de leur exploitation commerciale consiste à produire des franchises faciles à répéter pour des jeunes de moins de 25 ans qui se précipitent au cinéma les vendredis soirs à l'ouverture de ces films. C'est l'obstacle auquel nous faisons face. C'est notre plus grand obstacle.
    Ici au Canada, nous nous heurtons à quelques autres difficultés. Par exemple, il y a l'exode des talents qui est plus assidu que partout ailleurs. La plupart de nos vedettes, de nos réalisateurs, de nos rédacteurs et certains de nos producteurs saisissent les occasions qu'on leur offre d'aller à Los Angeles pour travailler avec de plus gros budgets. Ils ne sont pas tous aussi masochistes que moi, je les comprends.
    Certains des plus grands noms à Hollywood viennent du Canada. Les réalisateurs comme James Cameron, Paul Haggis, et plus récemment Jean-Marc Vallée et Denis Villeneuve produisent aussi des films d'Hollywood. Les vedettes de cinéma comme Ryan Gosling, Jim Carrey et Keanu Reeves viennent tous de chez nous, mais ils vivent à L.A. et ils travaillent à L.A.
(1645)
    Face à ces obstacles, voici la question que je voudrais poser à ce comité quand il sera à votre tour de vous exprimer: Quelle importance et quelle valeur ont les longs métrages? Pourquoi devrait-on les appuyer? Pourquoi devrait-on les appuyer et pourquoi devraient-ils recevoir plus d'appui du gouvernement? On peut offrir plusieurs réponses à cette question.
    D'abord, les longs métrages sont des produits phares culturels. Quand un film canadien est sélectionné comme candidat à un prix au Festival de Cannes ou à un Oscar ou un Golden Globe, c'est comme un athlète canadien en compétition aux Jeux olympiques ou aux Championnats mondiaux. Quand ces films décrochent un prix, c'est comme un athlète canadien qui décroche une médaille d'or. C'est un honneur pour notre pays. Le monde nous remarque, il écoute nos récits. Nous prenons place dans la mosaïque culturelle du monde.
    À l'heure actuelle, les longs métrages y parviennent mieux que tout autre médium parce qu'ils attirent beaucoup plus d'attention. Même si nous nous trouvons à l'âge d'or de la télévision, qui est un moyen de communication de masse très efficace, le public porte encore plus d'attention aux spectacles qui décrochent le prix le plus important de tous, les oscars.
    Monsieur Lantos, je vais vous interrompre ici. Vous avez considérablement dépassé le temps alloué, mais vous aurez l'occasion de nous donner plus de détails pendant la ronde de questions.
    Nous allons maintenant passer à Toronto avec M. Handling, du Toronto International Film Festival.
     Nous allons vous donner 10 minutes, monsieur Handling.
    Merci, monsieur le président et membres du comité.
    Merci beaucoup de m'avoir invité à éclairer votre examen de l'industrie canadienne du long métrage. Je vais vous présenter un bref aperçu du Festival international du film de Toronto, ou TIFF. Je vais vous parler du rôle qu'il joue pour appuyer le secteur et de la nouvelle orientation que notre organisme a adoptée pour l'avenir et je vais vous présenter des recommandations bien précises pour notre industrie du long métrage.
    Le TIFF est un organisme de bienfaisance sans but lucratif qui transforme l'idée que le public se fait du monde par le film. Vous nous connaissez surtout grâce à notre événement vedette, le festival international du film qui a lieu chaque année à Toronto. C'est l'un des plus importants festivals du film au monde et c'est le plus grand festival du film public au monde. Les représentants de l'industrie du film du monde entier se doivent d'y assister, et ils viennent y faire énormément de transactions d'affaires. Ce festival est mondial, mais il constitue aussi un tremplin crucial pour la plupart des nouveaux longs métrages canadiens.
    À l'heure actuelle, notre organisme exploite un immeuble où l'on projette des films sur cinq écrans chaque jour de l'année pour des publics de tous les âges. Nous faisons partie d'un très petit groupe de festivals du film qui sont en fait propriétaires de leur infrastructure. Notre immeuble nous identifie et nous permet de communiquer avec le public tous les jours de l'année. Depuis plus de 20 ans, nous amenons aussi des films dans plus de 152 régions situées dans toutes les provinces canadiennes. Ce circuit de projection très spécial, ce modèle que plusieurs pays ont étudié, se compose de clubs de cinéma, de festivals du film organisés par des groupes communautaires, d'écoles, de galeries d'art et même de bibliothèques.
    Nous avons un grand rêve pour les célébrations du 150e anniversaire: nous voulons sélectionner 150 grands chefs-d'oeuvre d'images en mouvement retraçant notre histoire, les numériser, puis les distribuer gratuitement à tous les Canadiens en 2017.
    Maintenant je vais vous présenter quelques chiffres. Nous apportons une contribution économique de 189 millions de dollars et chaque année, 1,4 million de personnes assistent à toutes nos activités.
    Je vais vous parler de deux domaines qui, selon moi, sont cruciaux pour le succès de l'industrie canadienne du long métrage: la distribution dans le monde entier et le développement des talents.
    De nos jours, si vous ne vous présentez pas dans le monde entier, on vous ignore. L'économie de la création évolue à une telle vitesse et subit tant de changements que pour réussir, ou en fait pour simplement survivre, vous devez établir des liens internationaux et vous placer dans les marchés mondiaux.
     Le TIFF s'est fixé une orientation stratégique mondiale: nous placer en tête de file de la culture cinématographique et établir de nouvelles orientations pour nos publics et pour notre industrie. Dès cette année, nous amènerons des films et des producteurs canadiens dans les plus grands marchés mondiaux. Nous viserons tout d'abord Londres, New York, Los Angeles et Beijing. Nos initiatives viseront la promotion du cinéma canadien et ouvriront des débouchés aux talents canadiens pour qu'ils acquièrent plus de visibilité, plus de coproductions, un accès à de nouveaux partenariats de financement et un plus vaste public.
    Nous recommandons au gouvernement fédéral d'assumer la direction de la croissance du potentiel d'exportation du cinéma canadien. Il serait extrêmement efficace d'instaurer un programme de financement visant à développer des marchés mondiaux pour permettre aux producteurs de films, aux artistes et aux organismes artistiques canadiens de promouvoir les industries culturelles canadiennes à l'étranger. Toutes les autres grandes industries du film reconnaissent maintenant l'importance cruciale du marché mondial. Il faut que nous agissions beaucoup plus activement dans ce domaine. Pour assurer la réussite des longs métrages canadiens, notre industrie doit pouvoir les amener à des publics de l'étranger et attirer du financement et des occasions de partenariat.
    Pour réussir sur les marchés mondiaux, le secteur du divertissement doit offrir un contenu intéressant et concurrentiel. Il nous faut pour cela des artistes créateurs qui sachent capter l'imagination du public. Le développement des talents est essentiel. C'est l'élément de R et D de notre industrie. Nous devons former et entraîner nos talents, leur fournir du mentorat ainsi que des occasions de travailler et de se produire dans ce milieu mondial qui leur est nouveau. Il ne leur suffit plus d'exceller ici au pays. Nous devons continuer à offrir autant d'occasions que possible aux générations futures pour perfectionner les talents.
    Le festival du film de Toronto est le meilleur tremplin pour lancer les films canadiens sur la scène mondiale. Nous fournissons aux talents canadiens l'occasion de fréquenter plus de 5 000 professionnels de l'industrie venant du monde entier. Nous menons plusieurs programmes pendant la période du Festival et pendant le reste de l'année qui visent à former nos meilleurs jeunes talents canadiens et à leur offrir du mentorat — réalisateurs, rédacteurs, producteurs et acteurs. Nos programmes de développement des talents enrichissent leurs profils, ils leur ouvrent l'accès à des réseaux et leur offrent de la formation pour qu'ils puissent développer une carrière viable dans le milieu concurrentiel de l'industrie mondiale.
    Il est urgent que le gouvernement fédéral investisse dans des programmes de développement des talents — non seulement dans nos programmes, mais dans ceux des autres établissements d'enseignement cinématographique qui font un excellent travail partout au pays. Cet investissement est crucial pour l'avenir du pays. La technologie prend toujours plus d'importance dans notre monde, mais elle ne remplace pas la créativité humaine. Nous nous devons d'investir dans la créativité des Canadiens des générations futures. Leur créativité édifiera notre économie.
(1650)
     Je m'en voudrais de ne pas mentionner l'importance des organismes fédéraux qui soutiennent notre secteur. Citons en particulier Téléfilm Canada, qui est un organisme essentiel pour notre industrie du long métrage. Téléfilm est un partenaire de longue date du TIFF, et ensemble nous continuerons à poursuivre une orientation mondiale. Nous continuerons à soutenir et à promouvoir les producteurs canadiens talentueux autant au pays qu'à l'étranger.
    En résumé, les films canadiens ont besoin d'un champion qui les place sur la scène mondiale, et les producteurs de films canadiens ont besoin d'une formation adéquate, d'un bon perfectionnement professionnel et d'occasions de se mesurer à la concurrence mondiale.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer aux questions, en commençant par M. Young.
    Vous disposez de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous deux, messieurs, de nous consacrer de votre temps aujourd'hui. Nous vous en sommes très reconnaissants.
    Monsieur Lantos, avant que je pose une question, voudriez-vous, en quelques minutes, terminer ce que vous nous expliquiez dans votre allocution?
    C'est très gentil à vous. Je suis désolé d'avoir été si bavard.
    J'allais suggérer d'autres bonnes raisons de soutenir les longs métrages, autres que les raisons culturelles dont nous avons discuté, je pense, et que nous connaissons bien. Si vous menez une analyse de rentabilité, vous remarquerez qu'environ 70 % du budget de chaque film va à la main-d'oeuvre, qui à son tour est imposée à la source. Les films eux-mêmes tirent souvent la plus grande part de leurs recettes à l'extérieur du Canada, ce qui génère des revenus d'exportation. Ils créent énormément d'emplois respectueux de l'environnement et bien rémunérés. Enfin, ces films offrent aux Canadiens un contenu canadien, c'est-à-dire une autre option que les films américains auxquels ils seraient uniquement exposés si le Canada ne produisait pas de longs métrages.
    Malheureusement, les films canadiens sont les orphelins d'un système de soutien culturel des médias canadiens très bien conçu. Je m'explique: à l'heure actuelle, la production d'émissions de télévision et la production numérique sont assujetties à des quotas. Tous les diffuseurs du Canada, qu'il s'agisse d'un réseau ou d'une chaîne de spécialité ou de télévision payante, ont toujours dû et doivent toujours respecter des obligations en matière de contenu.
    Les producteurs de longs métrages n'ont jamais connu cela. On ne leur a jamais imposé de quotas, et je ne dis pas qu'il faudrait le faire. Cependant, l'industrie canadienne, qui est très prolifique, a été édifiée — et j'y ai participé pendant très longtemps — sur la base d'une série de règlements que supervise le CRTC et qui visent à créer un marché intérieur permettant au Canada de produire son propre contenu. Les longs métrages ne sont aucunement assujettis à de tels règlements. Les radiodiffuseurs eux-mêmes n'ont jamais dû affecter des heures d'écoute et des fonds particuliers au lancement de longs métrages dans les salles de cinéma. D'autres pays le font. Ces règlements sont très forts en France, mais pas ici; on n'a jamais vu cela ici.
    Comme nous n'avons pas de tels règlements et systèmes de soutien législatif, les films canadiens ont dû se débrouiller sans aide. Au Canada anglais, ils ont toute une escalade à faire. Le Québec a l'avantage d'avoir sa propre langue. Le Canada anglais a la même langue que celle de nos voisins au sud.
    J'ai quelques solutions concrètes à suggérer, autres que des règlements et des quotas. L'une d'elles a trait aux crédits d'impôt qui s'appliquent actuellement de manière égale aux longs métrages et aux productions de télévision; je suggère qu'on augmente le crédit offert sur les longs métrages de façon à ce que si une production de télévision est admissible à un pourcentage x de ses dépenses en crédit d'impôt, les longs métrages soient admissibles au double de x. Par longs métrages, je désigne uniquement les films conçus pour les salles de cinéma et projetés dans ces salles.
    Je voudrais aussi exhorter le gouvernement à envisager d'augmenter le budget de Téléfilm Canada qui, comme je l'ai dit plus tôt, est inférieur au budget d'un seul film d'Hollywood. En le doublant, on s'approcherait des budgets de deux films d'Hollywood. Selon moi, ce montant constituerait un investissement sage et rentable du point de vue autant commercial que culturel.
    Enfin, je suggère aussi que les fonds utilisés pour commercialiser des films canadiens, surtout au Canada, soient admissibles aux mêmes crédits d'impôt que la production de films canadiens. En effet, les fonds affectés au marketing sont tout aussi importants que les fonds de production pour amener les films vers le public et le public vers les films.
    Ce sont les suggestions précises que je voulais vous présenter. Merci de m'avoir accordé ce temps supplémentaire.
(1655)
    Merci beaucoup.
    Combien de temps me reste-t-il pour des questions, président?
    Vous avez environ deux minutes et demie.
    Merci.
    Monsieur Lantos, quel aspect important nécessiterait la plus forte stimulation du gouvernement pour que l'industrie canadienne du long métrage se développe? S'agit-il des deux choses que vous venez de mentionner?
    Je ne vais pas les décrire à nouveau, mais c'est exactement ce que je viens de suggérer. Selon moi, il faudrait augmenter les crédits d'impôt pour les longs métrages, inclure les fonds affectés au marketing dans ces crédits d'impôt et augmenter le budget de Téléfilm Canada.
    Merci.
    À propos du développement des compétences des acteurs et des rédacteurs pour les inciter à rester au pays? Avez-vous d'autres suggestions sur les moyens de garder nos talents chez nous? Vous avez dit que l'exode des cerveaux ou l'exode des talents constitue un problème grave.
    Ma réponse vous semblera cynique, mais tout repose sur l'argent.
    Non, ce n'est pas cynique. Je me demandais simplement si vous aviez d'autres idées créatives. J'ai un neveu qui étudie maintenant à la Vancouver Film School. Je ne lui ai pas posé la question, et je ne sais pas... Il va recevoir son certificat cette semaine, mais il ira là où on lui fera une offre, n'est-ce pas?
    Tout à fait.
    C'est ainsi que vont les choses. Les artistes et les rédacteurs vont tous là où ils trouvent des débouchés, donc il faut que nous créions plus de débouchés chez nous avec les suggestions que vous nous avez présentées. En avez-vous d'autres?
    La seule façon de créer des débouchés, c'est d'investir. Je ne parle pas uniquement de fonds publics. Le secteur privé a beaucoup investi dans l'industrie canadienne du long métrage. Je l'ai fait tout au long de ma carrière, et il faut que cela continue. C'est un partenariat. Mais à l'heure actuelle, il est urgent d'investir plus de fonds publics que par le passé.
    Pourrait-on étendre l'investissement du secteur privé ou l'encourager d'une certaine façon?
    Voyez, ce qui stimule le secteur privé, c'est le retour sur l'investissement. Dans le cas des longs métrages, la manière la plus logique d'y investir est d'acheter des parts dans une société qui les produit et qui les distribue. On investit rarement dans un long métrage, parce que les enjeux ont élevés et que les risques sont élevés. En réalité — et cela ne s'applique pas uniquement aux films canadiens —, la plupart des longs métrages perdent de l'argent. Très peu d'entre eux rentrent dans leurs frais ou retirent un profit.
    Il y a 10 jours, l'Ontario a annoncé son budget pour 2015, qui réduit les crédits suivants: le crédit d'impôt de l'Ontario pour les services de production est tombé de 25 % à 21 %, tout comme le crédit d'impôt pour les effets spéciaux et l'animation informatiques.
(1700)
    Monsieur Young, je vais devoir vous interrompre.
    Me permettriez-vous de lui demander de nous décrire brièvement les répercussions que cela aura sur l'industrie?
    Vous avez 10 secondes.
    Je ne sais pas quelles répercussions aura la réduction dans le domaine de l'animation. Je suis désolé, je ne connais pas bien ce secteur.
    La réduction sur les services de production ne s'applique pas à l'industrie canadienne du film et de la télévision. Elle s'applique uniquement aux productions américaines filmées au Canada. Elle va nuire à l'emploi, mais pas aux longs métrages canadiens.

[Français]

     Monsieur Nantel, vous avez la parole pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie tous les deux d'être venus partager votre savoir avec nous. Il est évident que vous êtes des joueurs très différents, mais extrêmement compétents.
     Je remercie les gens du TIFF de faire rayonner à ce point chaque année la planète du cinéma canadien.

[Traduction]

    Vous n'avez cessé de vous accroître. Les gens de Toronto ont été extrêmement heureux de pouvoir ainsi exprimer leur passion pour cet art, qui est très important.

[Français]

    Je vais m'adresser à M.  Lantos.

[Traduction]

    Il est clair que vous travaillez dans ce domaine depuis longtemps. Vous avez participé à toutes ces croisades. Vous nous avez expliqué de façon très éloquente la difficulté d'obtenir de l'espace d'écran en 1977.
     Il faut cependant que je vous demande une chose. Il est clair que l'industrie canadienne du long métrage se concentre plutôt sur la création d'un cinéma d'auteur. En regardant votre liste de productions, je pense que vous aimez beaucoup ce genre qui, très évidemment, définit la culture canadienne.
    Quand les gens disent que les films canadiens ne sont pas bons, c'est qu'ils les comparent aux superproductions comme Transformers et autres, mais les États-Unis produisent aussi des films indépendants. Je me souviens du temps où Dallas Buyers Club était très apprécié. Peu de temps après ça, j'ai vu Mud avec le même acteur, Matthew McConaughey, et c'était un film indépendant produit aux États-Unis. Cela se fait.
    Comment avez-vous développé tant de passion pour le soutien et la production de ce genre de films, des films pour adultes comme vous les appelez?
     Comme vous l'avez dit très justement, je travaille dans ce domaine depuis très longtemps, et j'ai traversé différentes étapes professionnelles. Pendant une bonne partie de ma carrière, j'ai fait un peu de tout. Oui, j'ai produit du cinéma d'auteur, mais nous avons aussi distribué des films, pas seulement canadiens, mais aussi beaucoup de films américains. Nous avons produit des centaines d'heures d'émissions de télévision pour les vendre dans le monde entier. Nous avions établi des bureaux partout dans le monde. À cette époque, le cinéma d'auteur était pour moi un intérêt secondaire, une passion personnelle. Ce n'était pas la base sur laquelle nous avons édifié l'alliance — qui, quand je l'ai vendue, avait une capitalisation boursière de près d'un milliard de dollars. Je mentirais si je vous disais que l'alliance est née de ce genre cinématographique.
    Mais après cela, je me suis permis de ne produire que des films que j'aurais voulu voir. Ça n'avait jamais été un facteur déterminant avant cela, parce que je devais développer une entreprise. Ces 15 ou 16 dernières années, j'ai produit des films que j'avais envie de regarder.
    Je vous remercie de dire cela, parce que le mois dernier nous avons regardé The Captive, le dernier volet...
    Je ne l'ai pas produit.
    C'était Atom Egoyan?
    C'était Atom Egoyan.
    Ce n'était pas vous? Je suis désolé de cette erreur. Mais quand même, ce film illustre la vie quotidienne au Canada. Pour moi, cela est très important du point de vue culturel.
    Au cours de notre ronde de huit minutes, vous nous avez expliqué pourquoi nous devrions soutenir les longs métrages canadiens. Vous parliez de la fierté qu'ils procurent et du fait de nous placer dans la mosaïque culturelle mondiale. Vous avez gagné ces prix et vous mentionniez ces réalisateurs. Quel avantage nous les Canadiens en retirons-nous? Est-ce le fait que ces producteurs comme Denis Villeneuve vont revenir pour éventuellement produire des superproductions ici au Canada? Est-ce que cela ne fait pas partie de l'avantage?
(1705)
    Je ne comprends pas bien votre question. Parlez-vous de l'avantage du fait qu'ils sont partis?
    Oui. Évidemment, comme vous l'avez dit, ils étaient comme des champions olympiques. Nous sommes fiers d'apprendre qu'Atom Egoyan a gagné un prix ou que Xavier Dolan a gagné un prix, mais quels autres avantages cette fierté, ce sens de révélation pourraient-ils apporter à d'autres jeunes Canadiens? Quels sont les autres avantages?
     Il y a assez longtemps, plusieurs années, un film qu'Atom Egoyan avait réalisé et que j'avais produit, intitulé The Sweet Hereafter, a gagné le Grand Prix du Festival de Cannes. Nous étions entourés de tous les grands du cinéma mondial, que la presse internationale tout entière couvrait. Tous ces gens étaient fixés sur un film qui illustrait une histoire qui se déroulait clairement ici au pays et qui représentait très particulièrement non pas nécessairement notre culture, mais une branche de notre culture et de notre style de vie. Ce film présentait une perspective, un point de vue que seul ce producteur voyait, mais qui reflétait un milieu que ne pouvait être que canadien. Le monde entier avait les yeux fixés dessus.
    Il y a une émission sur les Jeux olympiques. Je ne me souviens pas du titre, mais c'est au sujet d'un podium. Elle s'intitule Own the Podium, n'est-ce pas? N'est-ce pas l'objectif même de se placer sur un podium? Faire flotter notre drapeau devant le monde entier?
    Très bien répondu. Merci.
    J'ai quelques questions à vous poser, monsieur Handling du TIFF.
    Parlez-moi plus en détail de ces ateliers et du développement des talents que vous faites dans le cadre de Lightbox.
    C'est très intense. Chaque année pendant le Festival, nous réunissons de très jeunes réalisateurs — du Canada et de l'étranger — pour un séminaire de cinq jours très intense. Ils travaillent avec quelques-uns des plus grands talents au monde. Mike Leigh, l'un des plus grands réalisateurs d'Angleterre dont les films ont été sélectionnés pour des prix du Festival de Cannes et pour des Oscars, était l'un de nos conférenciers principaux cette année.
    C'est un laboratoire de créativité. Ce séminaire n'a pas été conçu pour un enseignement pratique, dans le sens où les participants ne font pas de montage ou de tournage, ils n'apprennent pas à utiliser des appareils. Ils assistent simplement à des conférences où des acteurs, des producteurs, des réalisateurs et des rédacteurs de renommée mondiale présentent leur art.
    Nous offrons aussi un programme aux jeunes réalisateurs canadiens. Nous choisissons deux jeunes acteurs et deux jeunes actrices et nous nous efforçons de leur donner une grande visibilité. Le Canada n'a pas de système de création de vedettes, nous le savons tous. Sarah Gadon faisait partie des étoiles montantes il y a deux ou trois ans. Nous cherchons à donner plus de visibilité à ce groupe d'acteurs.
    En dehors du Festival, nous organisons des ateliers spécialement pour les producteurs. Nous sommes très soucieux d'utiliser nos relations à l'étranger — évidemment, nous avons d'excellentes relations avec un très grand nombre des plus grands talents au monde — et de leur présenter de jeunes talents canadiens émergents.

[Français]

     Merci.

[Traduction]

     Pourrais-je ajouter une chose au débat sur les talents de l'étranger? Comme Robert nous l'a décrit si éloquemment, de nombreux talents canadiens ont fui aux États-Unis. Je voudrais faire une observation sur certains grands noms canadiens qui sont partis aux États-Unis et expliquer pourquoi nous ne réussissons pas à les ramener chez nous. Je crois que cela concerne toutes les personnes autour de cette table et la culture en général.
    Les acteurs et les réalisateurs britanniques et australiens — tels que Russell Crowe, Nicole Kidman, Benedict Cumberbatch et Eddie Redmayne — font facilement la navette entre Hollywood et leurs pays natals. À l'heure actuelle, Russell Crowe présente sur le marché un nouveau film sur Gallipoli. Il est fier d'être Australien. Selon moi, nous devrions tendre la main aux talents canadiens qui sont à Los Angeles, comme Ryan Gosling et Rachel McAdams, en leur demandant s'ils ont des récits qu'ils désireraient présenter. Je crois qu'il est important que nous agissions plus activement pour ramener ces talents chez nous.
    Certains, comme Jason Reitman, le fils d'Ivan Reitman, sont pratiquement nés aux États-Unis et sont considérés comme des producteurs de films américains, mais Jason est aussi très fier d'être canadien. Je suis sûr que Jason, qui a produit des films comme Juno générant une recette brute de 250 millions de dollars et beaucoup que cela à l'étranger, s'intéresserait à l'approche des producteurs canadiens, et je suppose que si le gouvernement offrait d'y investir des fonds, il serait heureux de venir ici pour présenter des récits canadiens.
    Je crois qu'il nous revient de tendre la main aux James Cameron et aux Paul Haggis de ce monde pour les ramener au Canada.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer la parole à M. Dion.

[Français]

    Monsieur Dion, vous avez la parole et vous disposez de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Je vous remercie tous les deux. Ce que vous nous dites est très intéressant.
    Monsieur Handling, vous avez parlé de deux objectifs, je crois: distribuer nos films à l'échelle mondiale et développer les talents.
     Pour la distribution à l'échelle mondiale, vous suggérez que l'on crée un programme, si j'ai bien compris un programme du gouvernement fédéral qui viserait à promouvoir les films dans les marchés mondiaux. Pourriez-vous nous décrire plus en détail ce dont il s'agirait?
(1710)
    Téléfilm investit déjà dans des festivals très importants partout dans le monde. Les gens de Téléfilm y ouvrent des kiosques et font beaucoup de marketing aux festivals de Cannes, de Sundance, de Berlin et aussi à celui de Toronto. Il me semble qu'il s'agit très évidemment d'une bonne initiative, alors je ne crois pas qu'il soit nécessaire de concevoir un nouveau programme.

[Français]

    D'accord.

[Traduction]

    Selon moi, il faudrait plutôt renforcer le mandat de Téléfilm et lui fournir plus de ressources pour qu'il puisse agir encore plus efficacement dans les grands centres et explorer les marchés émergents. Je sais que Téléfilm s'intéresse beaucoup au marché chinois, comme le font tous les autres pays du monde. Nous devrions agir très activement. Nous avons d'excellentes relations avec les Chinois. Nous avons avec eux un lien historique qui remonte à Norman Bethune. Ils sont très ouverts aux Canadiens.
     Je crois que si nous donnons plus de ressources à un programme, nous devrions investir dans celui de Téléfilm qui soutient les films canadiens dans les grands marchés mondiaux, au lieu de créer un autre programme.
    D'accord. C'est très clair. Je pensais que vous parliez d'un nouveau programme, mais en fait vous suggérez que l'on fournisse un plus grand soutien aux programmes que Téléfilm mène à l'heure actuelle.
    De plus, monsieur Dion, je pense que les organismes non gouvernementaux du secteur privé — et je suppose que je m'y inclus dans une certaine mesure — se lancent avec énergie à l'échelle mondiale. Comme je vous le disais, nous nous concentrons sur quatre villes: Londres, New York, Los Angeles et Beijing. Nous amenons des ressources à la table en menant des activités de collecte de fonds, et nous devrions recevoir du soutien pour cela. D'autres organismes comme Hot Docs et autres mènent des activités similaires et s'efforcent de se faire valoir à l'échelle mondiale.
    Il s'agirait peut-être tout simplement d'accorder un capital de démarrage à ces projets et de nous donner un tout petit peu plus d'argent pour mener un plus grand nombre de ce type d'activité. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire que tout cela vienne du gouvernement fédéral. Nous nous ferons un plaisir de travailler en partenariat avec des organismes comme Téléfilm, bien entendu.
    D'accord.
    Mais avec l'influence, l'envergure et l'impact d'un festival comme le FIFT, qui est notre image de marque mondiale en ce moment, nous pouvons également avoir un impact.
    Quant à votre deuxième objectif, le développement des talents, je crois que vous voulez utiliser Téléfilm comme levier pour améliorer la situation.
    Je pense qu'il existe déjà des instituts de formation à Montréal et à Toronto et il y a le Centre canadien du film et l'Institut national des arts de l'écran. J'estime qu'il faut peut-être une politique mieux coordonnée, davantage de ressources et faire plus pour développer les nouveaux talents canadiens.
    J'ai vécu tout cela de près depuis 30 ans et je me suis toujours demandé comment certaines industries dans le monde arrivent à se développer avec leurs écoles cinématographiques et leurs programmes de formation. Je crois que l'effort doit être concerté. Il doit être continu. Il doit être très centré. Il faut une continuité. C'est ainsi que l'on met de l'avant les meilleurs talents. Je ne pense pas que c'est un programme séparé. Il s'agit, à mon avis, d'investir dans les organisations qui font déjà le travail et de leur donner simplement davantage de ressources.
    Merci beaucoup. C'est très utile.
    Monsieur Lantos, vous avez parlé d'étendre le crédit d'impôt à la commercialisation. L'avez-vous déjà suggéré? Comment y a-t-on réagi?
    C'est la première fois que j'en parle aujourd'hui.
    D'accord. C'est donc simplement une idée.
    Je l'avais réservée.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Robert Lantos: C'est un problème permanent que connaît la distribution des films canadiens, car même quand il y a un film... Les films que je produis ont habituellement l'avantage de pouvoir compter sur de bons budgets de commercialisation, mais même là...
     Il y a quelques années, j'ai produit un film intitulé Le Monde de Barney, qui a été présenté en première au FIFT avant de sortir en salle. Son budget de commercialisation était très important pour le Canada, 2 millions de dollars, mais le film a été présenté à Noël en concurrence avec une douzaine de films de Hollywood. Les Américains ne dépensent pas plus de 2 millions de dollars pour commercialiser leurs films au Canada. Ils dépensent parfois 3 ou 4 millions, mais c'est toujours un budget raisonnable pour eux. Mais ils dépensent encore 40 ou 50 millions, voire plus, pour commercialiser leurs films aux États-Unis et ils sont présentés en salle en même temps.
    L'effet de débordement de la campagne de commercialisation américaine au Canada à la télévision, dans la presse écrite et sur Internet est tel que les Canadiens sont plus au courant de ces films que des nôtres. Il faut donc de l'argent pour la commercialisation. Voilà qui explique ma réflexion.
(1715)
    Merci beaucoup.
    J'aimerais inviter M. Handling à nous donner son avis sur cette idée. Croyez-vous aussi que le crédit d'impôt devrait être étendu à la commercialisation?
    Je suis d'accord avec cette idée. Je pense qu'elle est excellente. Je suis tout à fait d'accord avec l'analyse de Robert. Nous sommes un très petit marché. Il nous faut davantage d'argent pour la commercialisation afin de mieux faire connaître les films canadiens dans notre propre marché.
    Puis-je demander à M. Lantos de nous donner son avis sur les suggestions de M. Handling au sujet de la manière d'améliorer le partenariat avec Téléfilm Canada?
    Je ne suis pas sûr que le partenariat avec Téléfilm Canada pose un problème...
    Non, il ne s'agit pas d'un problème. C'est que M. Handling a suggéré qu'il faudrait soutenir davantage les programmes pour l'exportation et la formation.
    Téléfilm Canada est responsable de faire rayonner les films canadiens à l'étranger, tout comme les distributeurs canadiens qui vendent des films canadiens. Maintenant, le FIFT commence à utiliser, à juste titre à mon avis, son image de marque qui est reconnue partout dans le monde. C'est un des plus grands festivals au monde et la simple mention de son nom peut être utile à l'étranger.
    Je pense qu'ils font tous les deux la même chose. Une concertation entre le FIFT et Téléfilm Canada se dessine, j'en suis persuadé, et finira par se concrétiser. Ils sont entre des mains très compétentes.
    Merci beaucoup.
    Nous allons passer maintenant à M. Weston pour sept minutes.
    Monsieur, vous êtes un agitateur: tels sont les propos que l'on adresse à Dustin Hoffman dans un de mes films préférés, Le Lauréat.
    Parmi les gens que je connais, vous êtes une des rares personnes qui ait travaillé avec lui. Pouvez-vous nous raconter une petite anecdote en 30 secondes de votre moment préféré avec Dustin Hoffman?
    Des voix: Oh, oh!
    Eh bien...
    Vous ressemblez un peu à Dustin Hoffman.
    Vraiment? Je suis beaucoup plus grand que lui. Il est plutôt petit.
     Il y a tellement de moments qu'il est difficile de choisir. Dans Le Monde de Barney, nous tournions une scène dans un bar de Montréal qui était le bar préféré de Mordecai Richler. C'est pourquoi nous y sommes allés. C'était une scène entre Dustin Hoffman et Paul Giamatti, qui interprétait le rôle de son fils dans le film.
    À un moment donné, le metteur en scène a dit à la fin d'une prise, comme le font les metteurs en scène, « Coupez ». Sans se retourner, Dustin, qui était de dos à la caméra — la caméra était sur Paul Giamatti — a dit, « Continuez à tourner ». Il a ensuite dit à Paul Giamatti: « Recommençons, mais cette fois-ci, laisse-toi aller, comme un bébé. » Giamatti a répété ses lignes et Dustin a dit de nouveau « Recommençons, et cette fois-ci fais-le comme si tu étais encore plus jeune, comme un bébé. » Dans cette scène, Paul Giamatti devait dire à son père qu'il était tombé amoureux et voulait divorcer de sa femme actuelle, car il avait trouvé l'amour de sa vie.
     La quatrième ou cinquième fois que Dustin et Paul devaient recommencer la scène sans coupure et sans que le metteur en scène n'ait plus son mot à dire, Giamatti avait les larmes aux yeux et son visage s'était transfiguré. La scène a été remarquable et c'est celle que l'on peut voir dans le film. C'est un de mes moments préférés. Paul Giamatti s'est tourné vers Dustin Hoffman et lui a dit: « Voilà pourquoi j'ai fait l'école d'art dramatique. Merci. »
    C'est une excellente histoire.
    Je vous remercie tous les deux de votre présence. Je suis le député de Vancouver-Ouest et la région de Whistler. Nous avons un festival de film à Whistler qui est une version de ce que vous faites, monsieur Handling, quoique nous en soyons à nos premiers balbutiements.
    Vous êtes assurément tous deux des icônes de la scène. En tant que père de trois adolescents, j'ai une question légèrement différente de celles de mes collègues. Que devrions-nous faire au Canada pour inspirer les jeunes et les inciter à jouer un rôle dans cette industrie à n'importe quel titre?
    Comme le plus facile c'est de m'adresser à vous, monsieur Lantos, je vais commencer par M. Handling pour vous revenir ensuite, si vous êtes d'accord.
(1720)
    Je crois que les jeunes Canadiens ont très envie d'utiliser une caméra. Ils veulent faire partie de ce milieu. Je ne crois pas que nous ayons vraiment besoin de faire quoi que ce soit pour les encourager, cela se fait tout seul. Il me semble que les enfants et les adolescents sont tout naturellement attirés par les films, les caméras de télévision, les jeux visuels et tout cet univers des médiats visuels.
    Ce qu'il faut c'est un contexte que des festivals comme celui de Whistler et des organisations comme le FIFT peuvent donner. Il s'agit de prendre ce très grand intérêt et de lui donner un contexte historique et culturel pour initier les jeunes aux richesses du cinéma international, à d'autres façons de parler et à d'autres façons de tourner des films.
    Il y a tellement de moyens à utiliser. Pour moi, le cinéma est une passerelle vers d'autres cultures. C'est un des moyens les plus efficaces de communication internationale. Il construit des ponts avec une efficacité incroyable. Nous avons un festival pour enfants qui montre surtout des films en langues étrangères, car nous avons à Toronto une société très multiculturelle. Beaucoup d'enfants voient des films appartenant aux cultures dont leurs parents et grands-parents sont originaires.
    Je crois que les jeunes sont inévitablement attirés par les images mouvantes. Notre rôle, un rôle institutionnel, est d'orienter et de donner davantage de contexte, je suppose, et davantage de possibilités.
    Et vous, monsieur Lantos? We are the World et la jeunesse de demain, vous savez... Comment pouvons-nous les inciter à imiter votre exemple et se consacrer entièrement à l'industrie cinématographique?
    Piers a répondu en grande partie à cette question.
    J'ajouterai seulement ceci. Il ne manque pas de jeunes qui veulent faire des films, bien au contraire. C'est une industrie extrêmement compétitive. Mon propre fils travaille dans le milieu et pourtant, quand il était très jeune, j'ai passé des années à essayer de le persuader de faire autre chose.
    Je vous ferai la même recommandation. Si vous choisissez ce métier, vous avez intérêt à vous y dévouer corps et âme, beau temps, mauvais temps — et le mauvais temps est plus fréquent que le bon — mais vous tenez bon, car c'est ce à quoi vous voulez consacrer votre vie.
    Ce n'est pas seulement une option ou un des nombreux emplois que vous pouvez avoir. Si vous voulez vraiment vous y mettre et que vous voulez exceller et laisser votre marque, c'est un engagement à vie. Si vous voulez être athlète olympique et remporter une médaille, vous n'allez pas y arriver en vous entraînant seulement deux fois par semaine. C'est un engagement à vie.
    Si nous pouvons passer des généralités à quelque chose de plus concret, vous faites allusion à une vocation. C'est vraiment ce que vous venez de décrire.
     Vous venez de tourner Remember dans la région de Sault Ste. Marie ici au Canada. Était-ce une réussite? Avez-vous trouvé certains des avantages de tourner au Canada dont vous avez parlé?
    Eh bien, c'est un peu trop tôt pour le dire. C'est un film que nous venons de finir. Le 12 septembre à 18 h 30, je crois que vous pourrez le voir à l'organisation... Je ne devrais pas le dire ici, mais comme il n'y a pas de presse dans la salle, je pense qu'il n'y a pas de problème. Vous pourrez probablement le voir chez Piers Handling au FIFT, mais personne n'a encore vu le film et il est donc trop tôt pour le dire. Il a été mis en scène par Atom Egoyan avec en vedette une de nos icônes, Christopher Plummer. Nous avons tourné la plus grande partie du film à Sault Ste. Marie car le hasard a voulu qu'il y avait justement le genre de décor qu'il nous fallait. Mais en septembre, vous en jugerez vous-mêmes.
    Je suis intrigué par ce que vous avez dit, à savoir que pour lutter contre la piraterie, le meilleur remède consiste à sortir les films simultanément partout dans le monde. Est-ce une bonne solution pour lutter contre la piraterie ou le gouvernement peut-il faire davantage?
    Je ne sais pas comment combattre la piraterie. Des esprits beaucoup plus versés que le mien en technologie semblent avoir beaucoup de mal à lutter contre ce fléau, mais si le gouvernement en faisait une priorité, ce serait utile, et pas seulement pour l'industrie canadienne. Ce serait utile pour les arts audiovisuels en général.
    Monsieur Handling, à propos de la question sur la piraterie...
    À vrai dire, c'est un combat qu'il est pratiquement impossible de gagner. Même les sorties simultanées n'ont pas réussi à enrayer la piraterie. La plupart des films sont piratés avant même de sortir. Je crois que les statistiques montrent que la piraterie a lieu dans les maisons de post-production. Bien entendu, la jeune génération est habituée à tout voir et tout obtenir gratuitement, c'est donc un énorme problème. Je pense qu'on peut s'y attaquer par l'éducation et en expliquant aux gens qu'ils volent la propriété intellectuelle d'autrui sans payer et causent du tort à d'autres artistes, à d'autres jeunes.
    Je pense qu'à mesure que plus de jeunes vont entrer dans ce milieu, ils se rendront compte de ce qu'ils font à leurs amis, qui essayent de créer de la propriété intellectuelle de leur côté, mais ce sera certainement une bataille difficile.
(1725)
    Merci beaucoup.

[Français]

     Monsieur Nantel, vous avez la parole pour quatre minutes.
     Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Je vais parler anglais. C'est plus simple, puisque vous vous trouvez si loin.
    Sur cette question précisément, ne croyez-vous pas que la réponse est dans une disponibilité légale facile, en rendant les films disponibles sur toutes les plateformes populaires par exemple?
    C'est un grand débat en ce moment, un débat trop complexe pour l'aborder. De nombreux intérêts ne veulent pas en entendre parler. C'est peut-être ce qui se passera finalement, mais je pense qu'il faudra attendre encore quelques années pour que les gens en arrivent à cette position.
    Puis-je vous demander ce que vous voulez dire en affirmant que certaines personnes ont d'autres intérêts?
    Je crois que les exploitants conventionnels ne tiennent pas à ce que les films sortent à une même date fixe sur toutes les plateformes. Ils veulent que leur créneau cinéma demeure intact. Je pense également que Robert vous dirait que ce créneau est indispensable pour que les films obtiennent ce genre de diffusion.
    Le temps entre la sortie en salle et sur d'autres plateformes s'est raccourci. À un moment donné, tout se passera peut-être en même temps, mais je crois franchement qu'il faudra attendre encore quelques années.
    Monsieur Lantos?
    Il y a des écoles de pensée différentes à ce sujet. Traditionnellement, on estime que les gens qui vont au cinéma, se donnent la peine de stationner leurs autos, paient 12 $ ou plus pour un billet, ne veulent pas que le film soit disponible en même temps pour moins cher sur un simple clic dans leur salon. C'est une école de pensée. Aujourd'hui, par exemple, si un film sort simultanément sur d'autres plateformes, l'exploitant de salles principal du Canada, Cinéplex, ne le montrera pas. Il montre uniquement les films qui retardent leur sortie numérique et télévisuelle.
    Selon l'autre école de pensée, plus on est de fous plus on rit et si un film est disponible sur tous les supports en même temps, il attirera des publics différents, des segments différents de la population, et des gens qui n'iraient pas au cinéma verront le film quand même.
    J'appartiens plutôt au camp traditionnel jusqu'à ce que l'on puisse me persuader du contraire.
    Oui, je comprends.
    Je crois que tout le monde conviendrait qu'il serait intéressant de le savoir. Pour un de vos derniers films, d'où vient l'argent? Disons que le billet coûte 12 $. Quelle partie vous revient?
    Étonnamment peu. Le calcul est un peu déprimant. L'exploitant de salles garde automatiquement 50 %, ce qui laisse 6 $ sur les 12. Cette somme est versée au distributeur. Le distributeur perçoit un tarif de distribution. Disons 30 %. Parfois moins, parfois plus. Trente pour cent de 6 $, revient à 1,80 $. Ce qui laisse 4,20 $. Sur ces 4,20 $ le distributeur en utilisera une partie pour amortir ses frais de commercialisation, quels qu'ils soient. Une fois que les coûts de commercialisation sont payés, le reste est versé au producteur, qui partage cet argent à son tour avec ses investisseurs et ses talents, les acteurs, le metteur en scène et tous ceux qui ont participé.
    Quand vous concluez une entente avec une nouvelle plateforme comme Netflix, par exemple, qu'obtenez-vous?
    Le calcul est un peu plus favorable. Déjà, il n'y a pratiquement pas de coût de commercialisation ou ils sont minimes. Pour l'exploitant, la chose varie selon qu'il s'agit de iTunes, de Netflix ou d'une application, mais il garde moins de 50 %.
    D'accord.
    Ce pourrait être 30 ou 40 %. Le distributeur reçoit davantage. Le tarif du distributeur sera le même que si le film sortait en salle, mais sans les coûts de commercialisation, de sorte que le producteur et les investisseurs reçoivent beaucoup plus d'argent des autres médias.
    Mais il faut dire que la popularité d'un film en média numérique — sur DVD et sur les plateformes dites « secondaires » — est en grande mesure le résultat de la campagne de promotion qui se déroule quand le film sort en salle, c'est le fruit du succès du film dans les cinémas ou de sa notoriété dans des festivals comme le Festival international du film de Toronto. Tout cela laisse une trace qui dure tout au long du cycle de vie du film. Les consommateurs le reconnaîtront quand il paraîtra chez eux sur leur système pay-per-view ou VOD.
(1730)
    Merci beaucoup. Il va falloir en rester là.
    Merci à nos témoins pour leurs contributions. Si vous avez autre chose susceptible de nous aider dans notre étude, veuillez nous le faire parvenir.
    Sur ce, la séance est levée.
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