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Monsieur le président, mesdames et messieurs membres du Comité permanent du patrimoine canadien, nous vous remercions d'avoir invité l'Association québécoise de la production médiatique, l'AQPM, à participer à l'examen que vous avez entrepris au sujet de l'industrie canadienne du long métrage .
Je m'appelle Marie Collin et je suis la présidente-directrice générale de l'AQPM. Je suis accompagnée aujourd'hui de Mme Brigitte Doucet, qui est la directrice générale adjointe.
L'AQPM est fière d'être ici aujourd'hui pour parler du cinéma canadien, tout particulièrement du cinéma francophone du Québec. Notre cinéma rayonne à travers le monde et reçoit une quantité enviable de reconnaissances et de prix. Il n'y a qu'à penser à Incendies, à Mommy, à Gabrielle ou à Monsieur Lazhar, pour ne nommer que ceux-là. Ces films ont permis de positionner le Québec et le Canada parmi les grands.
Sans le soutien financier et l'engagement des gouvernements, cette grande visibilité et ces réussites ne sauraient exister. Le gouvernement fédéral a déjà signifié son engagement envers le cinéma par son financement et par la Politique canadienne du long métrage. Cet engagement a été réitéré par le Comité permanent du patrimoine canadien en 2005. Dix ans plus tard, le comité procède à un nouvel examen du long métrage au Canada, afin d'évaluer comment atteindre les objectifs établis en 2005 à la lumière de l'évolution de l'industrie du cinéma depuis cette époque. Aujourd'hui, nous vous parlerons des nouveaux défis que l'industrie du cinéma doit relever et des moyens dont elle a besoin pour y parvenir.
En 2000, le gouvernement fédéral avait annoncé une nouvelle orientation de la politique en matière de long métrage. Elle prévoyait que l'appui à l'industrie devait permettre d'élargir le public du cinéma canadien et d'en assurer l'accessibilité aux Canadiens. Pour atteindre cet objectif aujourd'hui, le défi est différent. Même si, à cette époque, on croyait que la révolution numérique ne remplacerait pas l'expérience du grand écran, force est de constater que le public consomme de moins en moins de films en salle et de plus en plus sur les autres plateformes de diffusion, dont principalement la télévision.
Selon une récente étude faite par Téléfilm Canada, 84 % des films ne sont pas vus au cinéma. Une étude publiée cette semaine par Patrimoine canadien évalue cette écoute à près de 97 %. L'étude de Téléfilm Canada dresse un portrait des changements dans le processus de sélection des films qui sont vus par les Canadiens. L'étude indique également que les Canadiens ont un intérêt pour les films d'ici, à la condition qu'ils soient aussi bons que les films étrangers.
J'ouvre ici une parenthèse. Il ne faut surtout pas se méprendre. Le cinéma francophone du Canada subit la même concurrence que le cinéma anglophone, puisque le public francophone a aussi accès à toute la cinématographie mondiale et qu'il consomme les versions originales et doublées en français des films étrangers, spécialement les films américains, qui sont très populaires. En conséquence, les défis de 2015 sont de produire des films de très grande qualité, de favoriser leur consommation sur toutes les plateformes et d'en assurer l'accessibilité et la découverte par le public.
Pour produire des films de grande qualité qui se comparent à la compétition mondiale, il faut continuer de financer la production de films et, idéalement, en améliorer le financement. En 2000, la politique canadienne indiquait que le budget moyen d'un film canadien était de 2,5 millions de dollars. Le gouvernement considérait qu'il devait être haussé à 5 millions de dollars afin d'accroître la qualité des films pour atteindre les objectifs de la politique. Or en 2014, le budget moyen d'un film canadien de fiction soutenu par le Fonds du long métrage du Canada n'était que de 3,4 millions de dollars.
Rappelons que le crédit d'impôt est calculé en fonction des dépenses de main-d'œuvre admissibles et que, en l'améliorant, on améliore non seulement le financement des films canadiens, mais on favorise également les emplois au Canada dans ce secteur.
Dans notre industrie, les crédits d'impôt font partie intégrante du montage financier d'une production. Ainsi, les entreprises de production doivent emprunter aux institutions financières les sommes à recevoir au titre des crédits d'impôt avant de pouvoir commencer à produire. Des frais de financement intérimaire sont encourus, et ce, jusqu'au moment du paiement des crédits d'impôt par l'Agence du revenu du Canada. Ces coûts sont de plus en plus importants, notamment à cause des délais nécessaires à la vérification fiscale.
Comme nous l'avons déjà recommandé au gouvernement du Québec, qui étudie la faisabilité de cette recommandation, l'AQPM propose que, 30 jours après le dépôt d'une demande de crédit d'impôt, 75 % des sommes à recevoir soient versées à l'entreprise de production et que le solde soit versé à la fin de la vérification. Le programme gagnerait en efficacité et les productions gagnerait en financement.
L'AQPM tient à souligner le travail efficace au plan de l'administration des programmes effectué par Téléfilm Canada. Cet organisme a su écouter les besoins de l'industrie et a permis aux programmes et à la mesure de succès d'évoluer. Malgré les compressions subies au cours des dernières années, Téléfilm Canada continue d'investir sensiblement les mêmes sommes annuellement en développement et en production de films canadiens. Ces sommes correspondent à environ 75 millions de dollars par année, et ce, depuis 2006.
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Depuis 2006, les coûts ont augmenté et les budgets de la concurrence étrangère ont explosé. Doté de fonds plus importants, Téléfilm Canada serait en mesure de mieux financer le cinéma canadien. Nous sommes convaincus que Téléfilm Canada devrait récupérer les sommes qui lui ont été retirées, soit environ 10 millions de dollars.
Afin de favoriser la consommation de films canadiens sur toutes les plateformes et d'en assurer l'accessibilité et la découverte par le public, il faut ajuster aux nouvelles réalités tous les aspects touchant l'offre et l'accessibilité, l'exploitation et la promotion des films canadiens. Pour ce faire, nous recommandons qu'un mandat soit donné au groupe consultatif sur le long métrage, qui regroupe tous les joueurs de l'industrie, afin que celui-ci fasse des recommandations à Téléfilm Canada pour revoir et actualiser tous ces aspects. Dans le document que nous avons remis à la greffière, nous vous suggérons quelques questions qui pourraient être abordées par ce groupe consultatif.
Pour terminer, voici en rafale quelques pistes de réflexion sur l'évolution de l'industrie audiovisuelle qui auront un impact important sur la production de films et d'émissions de télévision au Canada.
Premièrement, devrait-on envisager l'imposition de la TPS sur les produits offerts par des groupes étrangers par l'entremise de sites Internet ayant des noms de domaines qui se terminent par « .ca », comme par exemple Netflix et iTunes? À l'heure actuelle, l'offre étrangère est favorisée par rapport à l'offre canadienne.
Deuxièmement, devrait-on envisager l'imposition d'une forme de redevances aux fournisseurs d'accès Internet et de mobilité qui sont en grande partie des transmetteurs de contenus cinématographiques et télévisuels? De telles redevances pourraient contribuer au financement de la production audiovisuelle canadienne en suivant les nouvelles habitudes de consommation du public canadien.
Nous vous remercions de votre attention. Nous sommes prêtes à répondre à vos questions.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie tous les membres du comité.
Je tiens d'abord à parler brièvement de notre organisme. La Fondation Québec Cinéma est née et est issue du besoin du milieu du cinéma québécois de mettre en commun ses forces afin de promouvoir notre cinéma québécois. Notre mission est de promouvoir le cinéma québécois, ses artistes, ses artisans et ses professionnels ainsi que de contribuer au développement de notre cinématographie nationale.
Depuis toujours, nos préoccupations majeures portent sur l'accès aux oeuvres, sur l'éducation ainsi que sur la sensibilisation. Bon an mal an, Québec Cinéma rejoint par ses actions plus d'un million de personnes ici et ailleurs en produisant les Jutra, les Rendez-vous du cinéma québécois et la Tournée du cinéma québécois. C'est d'ailleurs pour parler de cette dernière activité que j'ai été invité aujourd'hui à venir témoigner devant vous.
La Tournée est en lien direct avec la mission de Québec Cinéma, tant par l'accompagnement des films, la promotion des oeuvres et l'accès aux oeuvres que par le rayonnement des artistes et des artisans du cinéma québécois étendu à l'ensemble du territoire canadien. Québec Cinéma a d'ailleurs remercié ses partenaires institutionnels, soit Téléfilm Canada, la SODEC, le Secrétariat aux affaires intergouvernementales canadiennes et le Conseil des arts du Canada, de lui permettre de continuer cette activité de médiation culturelle, d'accès aux oeuvres et de leur circulation auprès du public canadien.
De plus, nous sommes très fiers que la Tournée contribue à répondre à la demande et aux besoins de la Francophonie canadienne en rendant accessibles des oeuvres en français. Elle crée du coup un événement dans les communautés visitées. Ainsi, chaque arrêt de la Tournée, en plus de pouvoir apporter à ces communautés des films récents, nous permet de développer une programmation scolaire enrichie par la présence d'artistes, d'artisans et de professionnels. Ceux-ci jouent le jeu de la tournée. En nous accompagnant et en présentant leur film, ils contribuent à parfaire la synergie de ce rayonnement qui est tant souhaité.
Je vais vous livrer rapidement quelques chiffres de la tournée actuelle de 2014-2015. Déjà cette année, nous avons remarqué une augmentation du public de 34 % dans le cadre de nos activités. C'est plus d'une vingtaine d'invités et d'artistes du milieu québécois qui sont venus en tournée avec nous. Nous avons rejoint plus de 7 000 Canadiens, qu'ils soient francophones ou francophiles, du grand public ou du public scolaire. Parmi les indicateurs, il y en un qui est important pour nous car il incarne un peu la manière qu'a ce comité de chercher des façons de promouvoir le contenu exceptionnel créé par les Canadiens. Nous constatons que 48 % des jeunes n'avaient jamais vu de cinéma québécois avant notre passage. Nous sommes heureux aussi de constater que, grâce à ces communautés, cela donne un second souffle à des films commerciaux et à des films plus pointus qui n'ont pas été diffusés ou distribués ou encore qui ont connu des sorties plus limitées sur le territoire canadien.
Nous avons quelques recommandations à formuler. Il est certain qu'un financement accru sera toujours une bonne nouvelle. Cependant, nous pensons aussi que l'intégration des mesures dans un milieu donné avec différents partenaires permettrait à un projet comme la Tournée ou d'autres projets de diffusion et de sensibilisation au cinéma canadien de rejoindre le public. Cela pourrait nous permettre d'avoir de meilleurs leviers pour rejoindre ce public que nous cherchons à ce point à certains moments de l'année.
La Tournée est un projet qui n'est certainement pas là pour générer de l'argent, mais bien pour contribuer à la connaissance des Canadiens et à la reconnaissance par les Canadiens de la production cinématographique et de l'envergure de son panorama.
Je terminerai en disant que la fragmentation des publics est une réalité avec laquelle nous devons composer. Nous pensons qu'il n'y a pas de mauvais endroit pour faire connaître le cinéma, que ce soit dans les salles commerciales, les bibliothèques ou les cinémas de répertoire. L'idée pour nous est de rester en phase avec le public que nous desservons et qui loge à différentes enseignes.
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Merci beaucoup, monsieur Brown. Je remercie également les membres du comité de nous avoir invitées à comparaître. Je vais essayer d'être brève. J'aimerais mentionner aux interprètes que je ne suivrai pas le document au complet, car je dépasserais le temps de parole de huit minutes qui m'est alloué.
Je suis accompagnée de Mme Marie Brazeau, directrice de l'accueil et des opérations du secteur cinéma de la SODEC, et de Fannie Sénéchal, directrice des communications.
Je vais tenter de brosser un portrait de la situation du cinéma québécois et de quelques enjeux majeurs.
D'abord, permettez-moi de vous dire que la SODEC, soit la Société de développement des entreprises culturelles, existe depuis maintenant 20 ans. C'est une société d'État gérée par différentes lois du Québec. Plus d'une centaine d'employés, un conseil d'administration et plusieurs commissions consultatives conseillent la SODEC dans différents domaines.
Nous sommes dans le domaine du cinéma, mais nous intervenons aussi dans les domaines du livre, de la musique, des variétés et des métiers d'art. Nous sommes responsables de l'exportation et du rayonnement international pour tous ces domaines. La SODEC est donc LA société d'État qui appuie les entreprises culturelles, ici comme ailleurs dans le monde.
Nous aidons ces entreprises au moyen de programmes d'aide. Nous distribuons environ 39 millions de dollars en vue d'appuyer le cinéma québécois. Nous avons une banque d'affaires et des programmes de financement intérimaire pour les crédits d'impôt, ainsi que des mesures fiscales. En tout, ces actions font en sorte que la SODEC produit beaucoup chaque année. Pour ne donner qu'un exemple, en 2013-2014, nous avons traité 1 144 demandes d'aide. Nous en avons accepté 405 et nous avons financé 28 longs métrages de fiction au Québec.
Si vous prenez connaissance des chiffres canadiens, vous verrez qu'une portion extrêmement importante de la production canadienne vient du Québec. Évidemment, la majorité de ces productions sont également soutenues par Téléfilm Canada, par le Fonds des médias du Canada et par les différentes mesures fédérales.
Mes prédécesseurs ont parlé du rayonnement du cinéma québécois au plan international. Je ne répéterai pas le titre des films. Comme chacun le sait, depuis quatre ou cinq ans, nous avons particulièrement rayonné à Cannes ou à Berlin et dans les nominations pour le meilleur film en langue étrangère aux Oscars. Cette année, Denis Villeneuve est en compétition officielle à Cannes. Même si la production n'est ni québécoise ou canadienne, il n'en reste pas moins que c'est un cinéaste bien québécois et canadien qui a réalisé ses premières oeuvres ici. Nous le soutenons depuis le début de sa carrière.
La production cinématographique et télévisuelle au Québec représente plus de 16 000 emplois à temps plein. Une récente étude le confirme.
Lors de sa comparution devant le comité il y a un peu plus d'un mois, Téléfilm Canada a beaucoup insisté sur la coproduction. C'est aussi quelque chose d'extrêmement important pour nous. Outre les maillages financiers qu'on peut faire entre les institutions québécoises et canadiennes, la coproduction devient pour nous extrêmement importante afin d'augmenter les budgets des films qui seront produits ici et qui nous permettront de rayonner à l'étranger. Évidemment, nous favorisons les coproductions en participant à tous les marchés internationaux, en appuyant nos producteurs et en organisant des missions. L'année dernière, il y a eu sept coproductions majoritaires québécoises et canadiennes et dix coproductions minoritaires, ce qui augmente le nombre de films qu'on peut faire.
Les rencontres de coproductions francophones sont une initiative extrêmement importante de la SODEC. Nous avons établi une priorité pour nos entreprises d'ici, soit de travailler sur les marchés francophones. Chaque année, 250 professionnels se réunissent pendant trois jours autour de projets de long métrage. Tous les hivers, nous organisons des séances de scénarisation au Québec. Celles-ci ont abouti à un volume de production de projets étudiés de 40 % sur 12 ans, ce qui est énorme.
Il faut en venir aux enjeux importants. Les autres témoins en ont parlé avant moi.
Il y a littéralement un déplacement des auditoires du cinéma et de la télévision. Les enquêtes que nous avons pu faire en collaboration avec le Fonds des médias du Canada et Téléfilm Canada nous le démontrent très, très clairement. Lorsqu'on regarde les tendances des autres pays, que ce soit aux États-Unis ou en Europe, on observe la même chose. En somme, il est nécessaire de renforcer un certain nombre d'outils pour que notre cinéma puisse survivre et soit accessible et pour qu'il y ait de nouvelles sources de financement. Il y a beaucoup de travail à faire au chapitre de la distribution, dont on a peu parlé. Je pourrai peut-être vous en glisser un mot lors de la période des questions.
Dans les dernières minutes ou secondes qui me restent, j'aimerais vous parler de la source de financement.
Habituellement, le cinéma est financé par des crédits parlementaires octroyés à la SODEC, d'une part, ou à Téléfilm Canada, de l'autre. Il y a des systèmes de crédits d'impôt de part et d'autre et les longs métrages trouvent souvent leurs origines dans des chaînes de télévision. Dans la plupart des cas, ils sont soutenus par Radio-Canada.
Or il y a un appauvrissement de ces sources de financement. Les distributeurs, qui participent aussi au montage financier, réduisent leur contribution, ce qui fait en sorte qu'il y a une pression de plus en plus grande sur la SODEC et sur Téléfilm Canada étant donné que les autres sources de financement sont en train de se tarir. Ici, le budget d'un long métrage varie entre 4 et 4,5 millions de dollars, ce qui n'est pas énorme.
Voilà pourquoi je reviens à ce qui a été dit auparavant. Il faut trouver de nouvelles sources de financement pour la culture et le cinéma et, incidemment, pour le produit culturel national, québécois et canadien. Le rapport du Groupe de travail sur les enjeux du cinéma, présidé par mon prédécesseur, M. Macerola, y a fait référence. Ce rapport mentionnait qu'il fallait absolument intervenir pour que le CRTC exige des contributions obligatoires d'entreprises étrangères pour financer des productions culturelles authentiques, sans quoi la production culturelle nationale s'appauvrira.
Tout récemment, le rapport Godbout, qui est une commission d'examen sur la fiscalité québécoise mise sur pied par le gouvernement de M. Couillard, a été très clair à cet égard. Il invite à une révision des dépenses fiscales pour qu'on puisse trouver des sources de financement pour le secteur culturel. La commission recommande d'étudier la possibilité d'imposer une taxe sur les services Internet résidentiels pour que la culture puisse trouver un nouveau souffle et de nouvelles ressources. Ce sont des enjeux extrêmement importants.
Le Fonds des médias du Canada, qui s'appelait autrefois le Fonds de télévision et de câblodistribution pour la production d'émissions canadiennes, existe maintenant depuis 20 ans. Il a été mis sur pied pour alimenter la production nationale télévisuelle et pour encourager le développement des entreprises canadiennes et québécoises dans le domaine de la production. Ce fonds était mixte, c'est-à-dire qu'il était constitué d'une contribution des câblodistributeurs, des propriétaires de satellites et du gouvernement fédéral. Les proportions de cette contribution ont varié au fil des ans. Cela a été un instrument formidable pour soutenir et développer des entreprises, c'est-à-dire une industrie de la production au Canada et dans chacune des provinces. Cela a aussi permis à ces entreprises de produire des films et des séries télévisuelles de haute qualité. Si ce fonds n'avait pas existé, je ne pense pas que ces productions de qualité existeraient actuellement.
Les enjeux et les technologies ont changé. Les moyens pour avoir accès à la culture ont également changé considérablement. Voilà pourquoi nous suggérons au fonds une mise à jour des systèmes de soutien qui sont fondés sur la même philosophie que ceux ayant été implantés en 1993-1994.
Je suis très fière du cinéma québécois. Je suis fière que la SODEC, qui est à peu près le seul organisme à soutenir vraiment un programme de courts métrages. On sait que plusieurs de nos grands cinéastes ont fait leurs classes en faisant des courts métrages.
Nous avons aussi un programme destiné à la relève. Il s'agit dans ce cas d'encourager les jeunes. Ces personnes dont on voit le nom défiler et qui atteignent les plus hautes sphères, que ce soit Denis Villeneuve, Philippe Falardeau ou d'autres encore, ont en général commencé ici, assez modestement, par un court métrage, mais cela les a menés loin. Nous voulons les accompagner lorsqu'ils font leurs premiers pas, mais aussi plus tard, quand ils se rendent au sommet.
Merci beaucoup.
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Dans notre mémoire, nous avons porté à votre attention le fait qu'il y a des changements quant aux endroits où les gens consomment des produits cinématographiques, que ce soit au Québec ou dans le reste du Canada. Les gens fréquentent moins les salles de cinéma, écoutent beaucoup plus de films à la télévision traditionnelle, à la télévision payante ou à la télévision spécialisée, mais aussi selon la formule vidéo sur demande. Il y a aussi les DVD, mais cela est plus modeste. Nous sentons que le modèle change tranquillement. Il y a aussi tous les autres services pour lesquels nous n'avons malheureusement pas de données. Par exemple, nous n'en avons pas sur la consommation des services qui ne sont pas réglementés par le CRTC. Par contre, nous savons que les consommateurs se dirigent de plus en plus vers ceux-ci.
En consultant l'étude publiée cette semaine par Patrimoine canadien, j'ai noté qu'il y avait une légère décroissance de l'écoute du cinéma à la télévision, aussi bien traditionnelle que payante. À mon avis, si nous nous revoyons dans cinq ans ou même avant, nous observerons probablement qu'un transfert encore plus important s'est fait au profit des services Internet ou des services sur demande.
On ne peut pas dire que les consommateurs québécois n'aiment pas leur cinéma. C'est plutôt le fait qu'ils le consomment différemment. Selon moi, il est très important, dans ce contexte, d'adapter les modes de financement et de suivre le consommateur là où il se trouve. Pour ma part, je pense plutôt que des possibilités s'ouvrent en ce qui concerne la consommation de nos produits cinématographiques.
Par ailleurs, comme l'a dit Mme Simard et comme nous l'avons nous-mêmes fait valoir, nous avons développé au Québec une très belle expertise en cinématographie. Malgré les questions de langue et de culture, nos réalisateurs sont maintenant recrutés ailleurs, entre autres à Los Angeles. À cet égard, on peut penser notamment à Denis Villeneuve. Ces gens arrivent à faire des films qui rayonnent sur la scène internationale. C'est donc dire que les programmes d'aide et de financement, en plus de répondre aux attentes des consommateurs, ont développé une très grande expertise dans notre marché. Nous avons une excellente main-d'oeuvre dans ce domaine.
Je dirais qu'à cet égard et en termes de consommation, le marché du Québec n'est pas très différent du marché canadien anglais. Notre vedettariat fonctionne très bien dans notre marché, et c'est une grande qualité. Cependant, comme je l'ai déjà dit, cela ne nous protège pas de la consommation de films américains. Quand un consommateur regarde un film, le budget de ce dernier lui importe très peu. Ce qu'il veut voir, c'est de la qualité. Pour lui, tous les films sont égaux. Ce que créent nos producteurs doit donc se mesurer à ce qui se fait à l'étranger de façon à ce que le consommateur choisisse nos produits, nonobstant la caractéristique identitaire qu'il peut trouver dans les produits canadiens.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être ici parmi nous aujourd'hui.
Vos témoignages sont extrêmement précieux. Cela nous fait comprendre les enjeux que vit notre cinéma aujourd'hui, en 2015. D'ailleurs, la dernière étude remonte à il y a dix ans. Il était donc grandement temps qu'on fasse une autre étude au sujet de ce secteur.
Je dis souvent que lorsque nous avons été élus en 2011, soit lors des dernières élections, presque personne n'avait de iPad. Aujourd'hui, presque tout le monde en a un. Il est évident que les habitudes de visionnement ont changé. Pour a plupart d'entre nous, quand nous retournons dans nos circonscriptions et si nous ne travaillons pas, nous écoutons probablement un film sur Netflix. Nous commettons donc également des péchés.
Tout d'abord, je voudrais remercier M. Lemieux. Honnêtement, selon moi, votre organisation est comme le coup de coeur francophone de la musique. Votre mission est de distribuer, de faire savoir et de faire connaître un produit. C'est magnifique. Cela nous ramène à cette notion rassembleuse d'événements culturels où il y a beaucoup de gens ensemble ce qui, peu à peu, devient un anachronisme. On a l'a d'ailleurs entendu de la part des gestionnaires de salles de spectacles, il y a deux jours.
Je remercie les gens de l'AQPM parce que vous avez à maintes reprises fait face à ces défis et à ces changements technologiques, surtout sur le plan de l'accessibilité à la culture. Entre autres, vous avez contribué à ce rapport produit par Patrimoine canadien et auquel vous faisiez allusion un peu plus tôt.
J'aimerais vous entendre sur un sujet précis. À la toute fin du rapport, aux pages 101 et 102, il est question des parts d'auditoire et des sources auxquelles ont accès les téléspectateurs pour visionner les contenus. On parle de la télévision sur demande. On parle de la télévision spécialisée et du câble. Pourrait-on avoir des informations sur des diffuseurs comme Netflix? On n'a pas de statistiques pour faire les analyses de marché qui sont si importantes pour le cinéma. Celui-ci doit être soutenu par l'État si on veut qu'il garde son utilité.
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En tant que productrice, j'ai produit plus de 150 films. J'ai ensuite été directrice générale du Programme français de l'Office national du film du Canada pendant cinq ans et demi et j'ai participé au grand virage numérique de l'ONF, entre autres en ouvrant les studios de production interactive.
Aujourd'hui, il y a effectivement un enjeu de visibilité puisque l'offre est débordante. Il n'y a plus de frontières. Les notions d'espace et de temps sont maintenant tout à fait relatives et, comme le disait plus tôt Mme Collin, tout change extrêmement vite.
Au cours des quelques années que j'ai passées à l'ONF, j'ai dû changer trois ou quatre fois de technologies pour adapter les productions. Si on veut être visibles, le vrai défi aujourd'hui est de continuer à soutenir les oeuvres écrites, produites et tournées par des Canadiens et des Québécois, en l'occurrence nous, au Québec. Il faut trouver les moyens et les ressources nécessaires. Parmi les modèles que nous avons eus et dont je vous ai parlé, il y a eu le Fonds des médias du Canada.
La discussion que nous tenons ici aujourd'hui se tient également dans tous les pays européens, que ce soit en France, en Allemagne, en Angleterre ou ailleurs, car nous sommes tous aux prises avec l'invasion d'une offre extrêmement importante sur nos territoires. Comment établir notre propre offre sur notre propre territoire? Voilà quel est le grand enjeu. Pour y arriver, il faut disposer des moyens nécessaires. Je pense qu'il faut soutenir la création et la production, mais je pense aussi qu'il faut pouvoir soutenir ce que j'appelle l'exploitation des oeuvres, c'est-à-dire le marketing, la commercialisation, la distribution, et ce, par tous les moyens dont nous disposons, y compris les réseaux sociaux.
Je pense qu'Internet et la téléphonie cellulaire sont essentiellement les deux grandes « autoroutes » par lesquelles passe la consommation de la culture aujourd'hui, non seulement pour le cinéma, mais aussi pour la musique. C'est le cas partout dans le monde. On devrait pouvoir, de façon modeste, mettre ces deux « autoroutes » à contribution pour s'assurer que les producteurs ont les ressources dont ils ont besoin. Je dis...
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant le comité aujourd'hui.
Je vais m'exprimer en anglais. En effet, même si j'ai commencé ma carrière au Québec et que mes activités se sont déroulées pendant longtemps à part égale dans les deux parties du Canada, je travaille maintenant uniquement en anglais. Je vais donc laisser à mes collègues québécois le soin de formuler des commentaires en français.
[Traduction]
Il va être très difficile de faire cela en huit minutes, mais je vais essayer. Je fais cela depuis 42 ans. J'ai commencé en 1973 quand j'étudiais à McGill avec mon partenaire Victor Loewy. Nous avons créé une entreprise de distribution de films. Quelques années plus tard, en 1977 avec un autre partenaire, Stephen Roth, nous avons produit nos deux premiers longs métrages qui s'intitulaient L'Ange et la femme et In Praise of Older Women.
Cette petite entreprise lancée par des étudiants universitaires a pris de l'ampleur pour devenir la société Alliance Communications, dont j'étais président-directeur général. En 1993, j'ai placé notre société à la Bourse de Toronto, et en 1998 j'ai vendu ma participation majoritaire. Pendant plus de 20 ans, la société Alliance a été la plus grande entreprise de distribution et de production de films et d'émissions de télévision. Elle était aussi l'un des plus grands diffuseurs d'émissions de spécialité jusqu'à ce qu'on la revende quelques années après que j'aie vendu ma participation majoritaire, puis elle s'est divisée.
Ces 15 dernières années, je me suis concentré uniquement sur la production de longs métrages dans l'entreprise dont je suis propriétaire, Serendipity Point. Tout au long de ma carrière, j'ai produit environ 40 films et j'en ai financé et distribué de nombreux autres. J'ai eu le privilège de travailler avec quelques-unes des plus grandes vedettes mondiales comme Dustin Hoffman, Annette Bening, Viggo Mortensen, Michael Caine, Ralph Fiennes, Jeremy Irons, Paul Giamatti et Rosamund Pike. J'ai travaillé avec des réalisateurs de grand renom comme David Cronenberg, Denys Arcand, Atom Egoyan, Jean-Claude Lauzon, István Szabó et Bruce Beresford.
Les films que nous avons produits, comme Barney's Version, Eastern Promises, The Sweet Hereafter, Sunshine et Being Julia, ont été sélectionnés comme candidats à des oscars. Ils ont gagné des Golden Globes ainsi que des prix aux festivals de Cannes, de Venise et de Berlin. Ici au Canada, ces films ont gagné cinq prix du meilleur long métrage et ont été sélectionnés comme films d'ouverture du Toronto International Film Festival à 10 occasions. Ils ont été distribués dans le monde entier et certains d'entre eux, mais pas tous, ont généré des profits.
Black Robe, Being Julia, Sunshine, eXistenZ, Barney's Version et Eastern Promises ont tous généré une recette brute de plus de 20 millions de dollars dans le monde entier. Ma production de Johnny Mnemonic a généré plus de 50 millions de dollars. Ici au pays, Black Robe, Johnny Mnemonic, Barney's Version et Eastern Promises ont tous généré une recette brute de plus de 3 millions de dollars en vente de billets, et Men With Brooms a généré plus de 4 millions de dollars.
Ça, c'est l'aspect positif.
Un autre aspect positif est le fait que sous ma direction, nous avons énormément progressé depuis la création de notre toute première entreprise. Je vais vous raconter une anecdote qui illustrera la situation en 1977 alors que je produisais In Praise of Older Women.
Nous avions énormément de peine à convaincre les salles de cinéma de projeter ce film. On l'avait choisi pour ouvrir le festival du film de Toronto et il avait été l'objet d'une forte publicité, donc nous pensions qu'il serait bon de l'offrir en salle juste après le festival. Mais les salles de cinéma de l'époque hésitaient beaucoup à le projeter. Je suis allé voir le principal distributeur de ce qui était à ce moment-là le plus grand circuit du pays, une société du nom de Famous Players, dont à l'époque la société Paramount était propriétaire.
Je lui ai dit que nous voulions que notre film se fasse une place sur le marché et qu'il me fallait pour cela des engagements fermes pour des dates fixes dans de grandes salles un peu partout au pays; autrement, si je me contentais d'attendre qu'une salle projette éventuellement ce film, nous ne réussirions jamais. Il m'a demandé: « Pourquoi est-ce que je ferais ça? ». Je lui ai répondu: « Bien... parce que c'est un excellent film, pourquoi ne le regardez-vous pas? » En effet, il ne l'avait pas vu. Il m'a dit: « Je n'ai pas besoin de le regarder: c'est un film canadien ».
Des voix: Oh, oh!
M. Robert Lantos: C'est exactement ce qu'il m'a dit.
Nous avons fait beaucoup de progrès. C'était en 1978. Les choses ne se passeraient pas comme ça aujourd'hui. Les films canadiens ont accès aux salles de cinéma, et si leur producteur décide d'investir un peu plus dans du bon marketing, ce qui fait vraiment toute la différence, les portes des salles leur sont grandes ouvertes. De bien des façons, cette période difficile est révolue, mais aujourd'hui nous faisons face à d'autres obstacles et à d'autres défis.
Notre plus grand défi réside dans la concurrence mondiale qui a lieu entre les producteurs indépendants et les studios d'Hollywood. Ils ne se font pas la guerre, mais les studios à l'heure actuelle disposent d'un budget de 130 millions de dollars en moyenne pour chacun de leurs films. Cette somme dépasse largement les frais annuels de Téléfilm Canada et de tous les films canadiens. Ils investissent cette somme dans chaque film, et cela ne comprend pas leur budget de marketing. Ils appliquent un budget de marketing type aux gros longs métrages d'Hollywood, ceux qu'on appelle les franchises tentpole, des produits phares comme celui qui vient d'ouvrir le week-end dernier, le nouveau volet de X-Men.
Le budget type de marketing s'élève à environ 150 millions de dollars. Il s'applique à un lancement mondial, ce qui est une idée assez nouvelle. Cette idée de faire sortir un film dans tous les pays du monde et dans toutes les salles de cinéma la même journée et d'appuyer cela par des budgets de marketing monumentaux ne s'est développée qu'au cours de ces 12 dernières années. Je ne vais pas me lancer dans un sermon sur l'ère numérique, mais c'est de là que vient cette idée, pour le meilleur ou pour le pire. L'ère numérique a également donné naissance au piratage, alors pour l'emporter sur les pirates, les studios d'Hollywood font sortir leurs films la même journée dans toutes les villes du monde pour se donner une longueur d'avance sur les pirates.
En notre ère numérique, Internet est aussi très utile, car il permet de placer la publicité dans le monde entier. On ne pouvait pas faire cela il y a 15 ans. Les studios d'Hollywood faisaient sortir leurs films en Amérique, qui n'atteignaient des endroits comme le Japon ou la Scandinavie qu'un an plus tard. Aujourd'hui, les films sortent partout en une même journée.
Quelles répercussions en subissent les films indépendants, et pas uniquement les films canadiens? Les films européens et australiens se heurtent au même obstacle. Le nôtre est un peu plus grand parce que nous nous situons tout près de ce géant. L'obstacle consiste dans le fait que vous vous trouvez avec deux, trois et parfois même quatre de ces énormités qui sortent tous les week-ends de l'année. Ils occupent un nombre incroyable d'écrans quand ils sortent dans 10 000 et parfois dans 20 000 salles la même journée. De plus, avec la cacophonie publicitaire de ces campagnes massives, on n'entend plus les petites voix indépendantes, qui ont de plus en plus de peine à se faire entendre.
J'ai entendu il y a quelques minutes une de vos intervenantes parler de la difficulté d'attirer des paires d'yeux pour visionner les films canadiens; elle parlait des films que personne ne voit et dont personne n'entend parler. C'est ça, notre plus grand obstacle. C'est le défi que doit relever chaque film indépendant contre six studios, c'est le défi de produire des films essentiellement pour des adultes, des films qui présentent des faits qui intéresseraient le public qui a plus de 25 ans, contre l'exploitation commerciale des studios d'Hollywood. Chacun d'eux produit une d'exception chaque année, mais la plus grande partie de leur exploitation commerciale consiste à produire des franchises faciles à répéter pour des jeunes de moins de 25 ans qui se précipitent au cinéma les vendredis soirs à l'ouverture de ces films. C'est l'obstacle auquel nous faisons face. C'est notre plus grand obstacle.
Ici au Canada, nous nous heurtons à quelques autres difficultés. Par exemple, il y a l'exode des talents qui est plus assidu que partout ailleurs. La plupart de nos vedettes, de nos réalisateurs, de nos rédacteurs et certains de nos producteurs saisissent les occasions qu'on leur offre d'aller à Los Angeles pour travailler avec de plus gros budgets. Ils ne sont pas tous aussi masochistes que moi, je les comprends.
Certains des plus grands noms à Hollywood viennent du Canada. Les réalisateurs comme James Cameron, Paul Haggis, et plus récemment Jean-Marc Vallée et Denis Villeneuve produisent aussi des films d'Hollywood. Les vedettes de cinéma comme Ryan Gosling, Jim Carrey et Keanu Reeves viennent tous de chez nous, mais ils vivent à L.A. et ils travaillent à L.A.
Face à ces obstacles, voici la question que je voudrais poser à ce comité quand il sera à votre tour de vous exprimer: Quelle importance et quelle valeur ont les longs métrages? Pourquoi devrait-on les appuyer? Pourquoi devrait-on les appuyer et pourquoi devraient-ils recevoir plus d'appui du gouvernement? On peut offrir plusieurs réponses à cette question.
D'abord, les longs métrages sont des produits phares culturels. Quand un film canadien est sélectionné comme candidat à un prix au Festival de Cannes ou à un Oscar ou un Golden Globe, c'est comme un athlète canadien en compétition aux Jeux olympiques ou aux Championnats mondiaux. Quand ces films décrochent un prix, c'est comme un athlète canadien qui décroche une médaille d'or. C'est un honneur pour notre pays. Le monde nous remarque, il écoute nos récits. Nous prenons place dans la mosaïque culturelle du monde.
À l'heure actuelle, les longs métrages y parviennent mieux que tout autre médium parce qu'ils attirent beaucoup plus d'attention. Même si nous nous trouvons à l'âge d'or de la télévision, qui est un moyen de communication de masse très efficace, le public porte encore plus d'attention aux spectacles qui décrochent le prix le plus important de tous, les oscars.
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Merci, monsieur le président et membres du comité.
Merci beaucoup de m'avoir invité à éclairer votre examen de l'industrie canadienne du long métrage. Je vais vous présenter un bref aperçu du Festival international du film de Toronto, ou TIFF. Je vais vous parler du rôle qu'il joue pour appuyer le secteur et de la nouvelle orientation que notre organisme a adoptée pour l'avenir et je vais vous présenter des recommandations bien précises pour notre industrie du long métrage.
Le TIFF est un organisme de bienfaisance sans but lucratif qui transforme l'idée que le public se fait du monde par le film. Vous nous connaissez surtout grâce à notre événement vedette, le festival international du film qui a lieu chaque année à Toronto. C'est l'un des plus importants festivals du film au monde et c'est le plus grand festival du film public au monde. Les représentants de l'industrie du film du monde entier se doivent d'y assister, et ils viennent y faire énormément de transactions d'affaires. Ce festival est mondial, mais il constitue aussi un tremplin crucial pour la plupart des nouveaux longs métrages canadiens.
À l'heure actuelle, notre organisme exploite un immeuble où l'on projette des films sur cinq écrans chaque jour de l'année pour des publics de tous les âges. Nous faisons partie d'un très petit groupe de festivals du film qui sont en fait propriétaires de leur infrastructure. Notre immeuble nous identifie et nous permet de communiquer avec le public tous les jours de l'année. Depuis plus de 20 ans, nous amenons aussi des films dans plus de 152 régions situées dans toutes les provinces canadiennes. Ce circuit de projection très spécial, ce modèle que plusieurs pays ont étudié, se compose de clubs de cinéma, de festivals du film organisés par des groupes communautaires, d'écoles, de galeries d'art et même de bibliothèques.
Nous avons un grand rêve pour les célébrations du 150e anniversaire: nous voulons sélectionner 150 grands chefs-d'oeuvre d'images en mouvement retraçant notre histoire, les numériser, puis les distribuer gratuitement à tous les Canadiens en 2017.
Maintenant je vais vous présenter quelques chiffres. Nous apportons une contribution économique de 189 millions de dollars et chaque année, 1,4 million de personnes assistent à toutes nos activités.
Je vais vous parler de deux domaines qui, selon moi, sont cruciaux pour le succès de l'industrie canadienne du long métrage: la distribution dans le monde entier et le développement des talents.
De nos jours, si vous ne vous présentez pas dans le monde entier, on vous ignore. L'économie de la création évolue à une telle vitesse et subit tant de changements que pour réussir, ou en fait pour simplement survivre, vous devez établir des liens internationaux et vous placer dans les marchés mondiaux.
Le TIFF s'est fixé une orientation stratégique mondiale: nous placer en tête de file de la culture cinématographique et établir de nouvelles orientations pour nos publics et pour notre industrie. Dès cette année, nous amènerons des films et des producteurs canadiens dans les plus grands marchés mondiaux. Nous viserons tout d'abord Londres, New York, Los Angeles et Beijing. Nos initiatives viseront la promotion du cinéma canadien et ouvriront des débouchés aux talents canadiens pour qu'ils acquièrent plus de visibilité, plus de coproductions, un accès à de nouveaux partenariats de financement et un plus vaste public.
Nous recommandons au gouvernement fédéral d'assumer la direction de la croissance du potentiel d'exportation du cinéma canadien. Il serait extrêmement efficace d'instaurer un programme de financement visant à développer des marchés mondiaux pour permettre aux producteurs de films, aux artistes et aux organismes artistiques canadiens de promouvoir les industries culturelles canadiennes à l'étranger. Toutes les autres grandes industries du film reconnaissent maintenant l'importance cruciale du marché mondial. Il faut que nous agissions beaucoup plus activement dans ce domaine. Pour assurer la réussite des longs métrages canadiens, notre industrie doit pouvoir les amener à des publics de l'étranger et attirer du financement et des occasions de partenariat.
Pour réussir sur les marchés mondiaux, le secteur du divertissement doit offrir un contenu intéressant et concurrentiel. Il nous faut pour cela des artistes créateurs qui sachent capter l'imagination du public. Le développement des talents est essentiel. C'est l'élément de R et D de notre industrie. Nous devons former et entraîner nos talents, leur fournir du mentorat ainsi que des occasions de travailler et de se produire dans ce milieu mondial qui leur est nouveau. Il ne leur suffit plus d'exceller ici au pays. Nous devons continuer à offrir autant d'occasions que possible aux générations futures pour perfectionner les talents.
Le festival du film de Toronto est le meilleur tremplin pour lancer les films canadiens sur la scène mondiale. Nous fournissons aux talents canadiens l'occasion de fréquenter plus de 5 000 professionnels de l'industrie venant du monde entier. Nous menons plusieurs programmes pendant la période du Festival et pendant le reste de l'année qui visent à former nos meilleurs jeunes talents canadiens et à leur offrir du mentorat — réalisateurs, rédacteurs, producteurs et acteurs. Nos programmes de développement des talents enrichissent leurs profils, ils leur ouvrent l'accès à des réseaux et leur offrent de la formation pour qu'ils puissent développer une carrière viable dans le milieu concurrentiel de l'industrie mondiale.
Il est urgent que le gouvernement fédéral investisse dans des programmes de développement des talents — non seulement dans nos programmes, mais dans ceux des autres établissements d'enseignement cinématographique qui font un excellent travail partout au pays. Cet investissement est crucial pour l'avenir du pays. La technologie prend toujours plus d'importance dans notre monde, mais elle ne remplace pas la créativité humaine. Nous nous devons d'investir dans la créativité des Canadiens des générations futures. Leur créativité édifiera notre économie.
Je m'en voudrais de ne pas mentionner l'importance des organismes fédéraux qui soutiennent notre secteur. Citons en particulier Téléfilm Canada, qui est un organisme essentiel pour notre industrie du long métrage. Téléfilm est un partenaire de longue date du TIFF, et ensemble nous continuerons à poursuivre une orientation mondiale. Nous continuerons à soutenir et à promouvoir les producteurs canadiens talentueux autant au pays qu'à l'étranger.
En résumé, les films canadiens ont besoin d'un champion qui les place sur la scène mondiale, et les producteurs de films canadiens ont besoin d'une formation adéquate, d'un bon perfectionnement professionnel et d'occasions de se mesurer à la concurrence mondiale.
Merci beaucoup.
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C'est très gentil à vous. Je suis désolé d'avoir été si bavard.
J'allais suggérer d'autres bonnes raisons de soutenir les longs métrages, autres que les raisons culturelles dont nous avons discuté, je pense, et que nous connaissons bien. Si vous menez une analyse de rentabilité, vous remarquerez qu'environ 70 % du budget de chaque film va à la main-d'oeuvre, qui à son tour est imposée à la source. Les films eux-mêmes tirent souvent la plus grande part de leurs recettes à l'extérieur du Canada, ce qui génère des revenus d'exportation. Ils créent énormément d'emplois respectueux de l'environnement et bien rémunérés. Enfin, ces films offrent aux Canadiens un contenu canadien, c'est-à-dire une autre option que les films américains auxquels ils seraient uniquement exposés si le Canada ne produisait pas de longs métrages.
Malheureusement, les films canadiens sont les orphelins d'un système de soutien culturel des médias canadiens très bien conçu. Je m'explique: à l'heure actuelle, la production d'émissions de télévision et la production numérique sont assujetties à des quotas. Tous les diffuseurs du Canada, qu'il s'agisse d'un réseau ou d'une chaîne de spécialité ou de télévision payante, ont toujours dû et doivent toujours respecter des obligations en matière de contenu.
Les producteurs de longs métrages n'ont jamais connu cela. On ne leur a jamais imposé de quotas, et je ne dis pas qu'il faudrait le faire. Cependant, l'industrie canadienne, qui est très prolifique, a été édifiée — et j'y ai participé pendant très longtemps — sur la base d'une série de règlements que supervise le CRTC et qui visent à créer un marché intérieur permettant au Canada de produire son propre contenu. Les longs métrages ne sont aucunement assujettis à de tels règlements. Les radiodiffuseurs eux-mêmes n'ont jamais dû affecter des heures d'écoute et des fonds particuliers au lancement de longs métrages dans les salles de cinéma. D'autres pays le font. Ces règlements sont très forts en France, mais pas ici; on n'a jamais vu cela ici.
Comme nous n'avons pas de tels règlements et systèmes de soutien législatif, les films canadiens ont dû se débrouiller sans aide. Au Canada anglais, ils ont toute une escalade à faire. Le Québec a l'avantage d'avoir sa propre langue. Le Canada anglais a la même langue que celle de nos voisins au sud.
J'ai quelques solutions concrètes à suggérer, autres que des règlements et des quotas. L'une d'elles a trait aux crédits d'impôt qui s'appliquent actuellement de manière égale aux longs métrages et aux productions de télévision; je suggère qu'on augmente le crédit offert sur les longs métrages de façon à ce que si une production de télévision est admissible à un pourcentage x de ses dépenses en crédit d'impôt, les longs métrages soient admissibles au double de x. Par longs métrages, je désigne uniquement les films conçus pour les salles de cinéma et projetés dans ces salles.
Je voudrais aussi exhorter le gouvernement à envisager d'augmenter le budget de Téléfilm Canada qui, comme je l'ai dit plus tôt, est inférieur au budget d'un seul film d'Hollywood. En le doublant, on s'approcherait des budgets de deux films d'Hollywood. Selon moi, ce montant constituerait un investissement sage et rentable du point de vue autant commercial que culturel.
Enfin, je suggère aussi que les fonds utilisés pour commercialiser des films canadiens, surtout au Canada, soient admissibles aux mêmes crédits d'impôt que la production de films canadiens. En effet, les fonds affectés au marketing sont tout aussi importants que les fonds de production pour amener les films vers le public et le public vers les films.
Ce sont les suggestions précises que je voulais vous présenter. Merci de m'avoir accordé ce temps supplémentaire.
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie tous les deux d'être venus partager votre savoir avec nous. Il est évident que vous êtes des joueurs très différents, mais extrêmement compétents.
Je remercie les gens du TIFF de faire rayonner à ce point chaque année la planète du cinéma canadien.
[Traduction]
Vous n'avez cessé de vous accroître. Les gens de Toronto ont été extrêmement heureux de pouvoir ainsi exprimer leur passion pour cet art, qui est très important.
[Français]
Je vais m'adresser à M. Lantos.
[Traduction]
Il est clair que vous travaillez dans ce domaine depuis longtemps. Vous avez participé à toutes ces croisades. Vous nous avez expliqué de façon très éloquente la difficulté d'obtenir de l'espace d'écran en 1977.
Il faut cependant que je vous demande une chose. Il est clair que l'industrie canadienne du long métrage se concentre plutôt sur la création d'un cinéma d'auteur. En regardant votre liste de productions, je pense que vous aimez beaucoup ce genre qui, très évidemment, définit la culture canadienne.
Quand les gens disent que les films canadiens ne sont pas bons, c'est qu'ils les comparent aux superproductions comme Transformers et autres, mais les États-Unis produisent aussi des films indépendants. Je me souviens du temps où Dallas Buyers Club était très apprécié. Peu de temps après ça, j'ai vu Mud avec le même acteur, Matthew McConaughey, et c'était un film indépendant produit aux États-Unis. Cela se fait.
Comment avez-vous développé tant de passion pour le soutien et la production de ce genre de films, des films pour adultes comme vous les appelez?