Le ministère du Patrimoine canadien apprécie votre invitation alors que le comité entreprend son étude sur l'industrie canadienne du long métrage.
[Traduction]
Notre objectif aujourd’hui est de vous présenter une vue d’ensemble de l’industrie canadienne du long métrage et du cadre de politique fédéral.
[Français]
J'aimerais commencer par la page 3, qui présente un aperçu de l'écosystème dans lequel évoluent les principaux intervenants que vous rencontrerez tout au long de vos travaux.
[Traduction]
La création d’un long métrage nécessite plusieurs professionnels et activités avant que le public puisse le voir. Ce processus était autrefois assez linéaire, mais c’est une tout autre paire de manches de nos jours. Les technologies transforment les relations traditionnelles au sein de l’industrie cinématographique.
Le secteur audiovisuel canadien est énorme; en 2012-2013, il a généré 5,8 milliards de dollars en production cinématographique et télévisuelle au Canada, et plus de 127 000 Canadiens y travaillent. En particulier, la production de longs métrages canadiens a représenté 6 % de l’activité globale du secteur. Environ 500 entreprises participent à la production télévisuelle et cinématographique au Canada, et 30 000 créateurs canadiens gagnent leur vie dans ces secteurs. Bon nombre d’entrepreneurs et de créateurs travaillent dans les deux domaines.
Dans le monde, les longs métrages sont des activités culturelles à haut risque et très coûteuses. Le Canada n’y fait pas exception.
[Français]
Premièrement, notre marché est petit, et les coûts de production ne peuvent être récupérés au niveau intérieur.
[Traduction]
Deuxièmement, le Canada est divisé en deux marchés linguistiques qui ont chacun leurs caractéristiques et leurs défis.
En particulier, dans le marché de langue anglaise, les producteurs canadiens doivent directement faire concurrence aux studios américains en ce qui concerne les artistes et le public. À l’instar de la majorité des pays, le gouvernement du Canada soutient son secteur intérieur. De plus, comme nous pouvons le voir dans le tableau à la page 5, le financement des longs métrages canadiens provient en grande partie de fonds publics.
Les Canadiens regardent des films de diverses manières. Même si la consommation en ligne est en croissance, les formats traditionnels dominent toujours le secteur. L’affluence dans les cinémas au Canada demeure relativement stable. Les recettes ont dépassé 1 milliard de dollars au cours de chacune des cinq dernières années. La majorité des Canadiens regardent des longs métrages à la télévision. En 2013, plus de 90 % du visionnement de films canadiens a été fait à la télévision. Cependant, la croissance des plates-formes en ligne pour les films, notamment les services sur demande comme Netflix, est rapide et considérable.
[Français]
L'utilisation du pouvoir des médias sociaux dans l'industrie du film est en pleine effervescence. Elle s'annonce comme un élément clé dans l'interaction entre les créateurs, les entrepreneurs et l'auditoire.
Le cadre de politique fédéral aspire à une intégration optimale de ses outils législatifs, de financement et institutionnels, afin de s'assurer que des films canadiens sont créés et qu'ils sont accessibles.
[Traduction]
Le système de points concernant le contenu canadien est un pilier du cadre de politique depuis les années 1970. Ce système de 10 points se fonde sur la nationalité du personnel de création qui occupe des postes clés dans des productions audiovisuelles.
[Français]
Le système de points est fondamentalement objectif: il ne s'intéresse pas aux facteurs subjectifs tels que le sujet de l'oeuvre ou l'endroit où elle se déroule.
[Traduction]
Une coproduction audiovisuelle régie par un traité international est créée en mettant en commun les ressources créatives et financières de producteurs canadiens et étrangers. Le Canada fait des coproductions depuis 50 ans et a conclu des traités avec 54 pays. Nos principaux partenaires sont la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne. Le système de points concernant le contenu canadien ne s’applique pas aux coproductions régies par des traités, mais ces coproductions jouissent d’un statut national dans les deux pays. À ce titre, elles sont admissibles aux programmes de financement public. Le nombre de coproductions varie d’une année à l’autre; il y en a eu 20 en 2013.
Créé en 1995, le crédit d’impôt pour production cinématographique ou magnétoscopique canadienne est le principal encouragement fiscal pour les productions cinématographiques et télévisuelles canadiennes. Le montant du crédit se fonde sur les dépenses de main-d’oeuvre canadienne. Les productions doivent obtenir 6 points sur 10 dans le système de points concernant le contenu canadien ou être des coproductions régies par des traités. Il y a eu 93 longs métrages qui ont été certifiés comme canadiens en 2012-2013. Finances Canada projetait que la valeur totale du crédit d’impôt était de 265 millions de dollars en 2013. Les longs métrages représentaient environ 9 % de cette somme, soit environ 23 millions de dollars.
Depuis 1997, le crédit d’impôt pour services de production cinématographique ou magnétoscopique canadienne a encouragé l’embauche de Canadiens dans les productions au Canada. Le contenu canadien n’entre pas en ligne de compte quant à l’admissibilité à ce crédit d’impôt, qui se fonde également sur les dépenses de main-d’oeuvre canadienne. Ce programme a contribué à l’essor d’un secteur de la production de calibre mondial au Canada qui attire les producteurs étrangers. Finances Canada projetait que la valeur totale du crédit d’impôt était de 110 millions de dollars en 2013.
Fondé en 1967, Téléfilm Canada est une société d’État dont le mandat est de favoriser et de promouvoir le développement de l’industrie audiovisuelle au Canada. L’organisme soutient le développement, la production, la distribution et la mise en marché de longs métrages canadiens. Téléfilm Canada gère aussi les traités de coproductions audiovisuelles et le Fonds des médias du Canada.
[Français]
Téléfilm Canada soutient également les festivals canadiens de films et la participation canadienne aux marchés et festivals de films à l'étranger.
En 2013-2014, Téléfilm Canada a investi dans 73 longs métrages, tous ayant un minimum de 8 points sur 10 de contenu canadien ou ayant été réalisés en coproduction.
[Traduction]
CBC/Radio-Canada joue un rôle important pour les films canadiens. Selon ses exigences de licence, CBC doit diffuser des longs métrages canadiens.
[Français]
S'agissant de Radio-Canada, son engagement envers les films canadiens est solide, et ce, depuis plusieurs années. Cela est important car, tel que je l'ai mentionné, c'est à la télévision que les Canadiens visionnent le plus de films canadiens.
L'Office national du film du Canada produit et distribue des contenus audiovisuels depuis plus de 75 ans. L'ONF dispose d'un impressionnant catalogue de plus de 13 000 titres, dont plusieurs longs métrages canadiens.
[Traduction]
Lancée en 2000, la politique Du scénario à l’écran a représenté un virage important dans la politique gouvernementale en ce qui concerne les longs métrages en vue notamment de construire une industrie et de bâtir un public. À l’époque, les ressources provenant du gouvernement fédéral pour les longs métrages ont été doublées pour atteindre 100 millions de dollars, et la politique avait comme objectif d’accroître à 5 % la part de marché des recettes en salle des longs métrages canadiens.
Dans les années 1970 et 1980, le secteur de la distribution cinématographique au Canada était marginal. Le marché était dominé par les grosses machines d’Hollywood qui ne distribuaient pas de films canadiens. À la fin des années 1980, trois mesures ont été adoptées pour créer un secteur de la distribution au Canada en vue de soutenir les longs métrages canadiens: des restrictions sur les investissements étrangers; l’obligation d’avoir un distributeur canadien pour les films canadiens en vue d’être admissibles à des fonds publics ou à des crédits d’impôt; et un programme de financement pour les distributeurs canadiens par l’entremise de Téléfilm Canada.
[Français]
La Loi sur la radiodiffusion confère notamment des pouvoirs de réglementation au CRTC. Il y a trois principales mesures réglementaires en matière de contenu canadien: des exigences à l'égard de la diffusion de contenu canadien, des exigences de dépenses en contenu canadien ainsi que des contributions au financement de contenu canadien par les services de distribution par câble et par satellite.
Les pages 18 et 19 présentent d'autres outils pertinents au cadre de politique du gouvernement du Canada pour le secteur du film. On parle de la Loi sur Investissement Canada, de la Loi sur le droit d'auteur, du Conseil des arts du Canada et de Bibliothèque et Archives Canada.
[Traduction]
À la page 20, on constate que, même si certains films ont été encensés par la critique et qu’ils ont connu du succès en salle, il est encore difficile dans l’ensemble pour les films canadiens de trouver un public, en particulier dans le marché canadien de langue anglaise.
Les résultats pour les diverses plates-formes, y compris la télévision, donnent une meilleure idée des résultats, et la part de marché global est généralement plus élevée.
[Français]
De manière générale, sur la scène nationale, les films canadiens de langue française performent mieux, que ce soit dans les salles ou les autres plateformes. Les films canadiens de langue anglaise, les coproductions en particulier, performent bien à l'international.
[Traduction]
À la page 21, nous avons donné des exemples récents de films canadiens qui ont connu un succès commercial ou qui ont été encensés par la critique. La semaine dernière, Mommy a gagné le César du meilleur film étranger lors de la cérémonie des César, soit l’équivalent français des Oscars.
Le soutien continu du gouvernement à l’égard de la création de films canadiens et de leur accès a toujours été l’objectif principal des gouvernements qui se sont succédé. Les décideurs doivent demeurer attentifs aux conditions du marché qui évoluent rapidement. Notre adaptabilité nous assurera que les films canadiens continuent d’être un important moteur économique au Canada et un ambassadeur de la culture canadienne au pays et à l’étranger.
Mes collègues et moi-même avons hâte de lire votre rapport et sommes disposés à répondre à vos questions.
:
À mon avis, l’un des principaux facteurs est les changements technologiques. Nous avons constaté une diminution des coûts de production et de distribution.
Les gens cherchent du contenu sur les plates-formes mobiles et du contenu qu’ils peuvent consommer quand ils le veulent. Il y a donc eu un changement dans la dynamique entre ceux que nous pourrions appeler les gardiens, soit les producteurs et les distributeurs, et les consommateurs. Les consommateurs sont de plus en contrôle de ce qu’ils regardent et quand ils le font.
Ailleurs dans le monde, nous constatons également une croissance dans les marchés. C’est aussi un élément qui a changé depuis 10 ans. Les États-Unis sont toujours le marché audiovisuel dominant dans le monde, mais cela ne devrait pas tarder à changer. Le marché chinois est très fort, et le marché indien a toujours été très imposant. C’est dans le marché chinois que ça se passe actuellement pour les producteurs américains qui veulent se tailler une place. Voilà un autre changement important.
Jean-François a fait allusion à la réduction des périodes. C’est un peu un sujet pointu, mais il est ici question du temps qui est accordé à la distribution d’un film sur diverses plates-formes. À l’époque, c’était fait de manière très ordonnée. Les cinémas étaient les premiers à avoir le film, et le film pouvait être disponible uniquement dans les cinémas durant plusieurs mois. Si vous vouliez ensuite le regarder à la télévision, vous deviez attendre plusieurs mois, voire plusieurs années. Il y avait une progression ordonnée en la matière.
Cet aspect a été mis à rude épreuve, en particulier au cours des deux ou trois dernières années. Nous le constatons peut-être plus aux États-Unis, mais je crois que nous le verrons aussi au Canada. Nous voyons maintenant des films qui sont accessibles directement sur les plates-formes numériques et qui font fi des cinémas. Cette situation présente des défis, mais cela dépend de votre point de vue. Les propriétaires de cinémas en sont probablement anxieux, mais cela offre beaucoup plus de possibilités aux producteurs en vue de distribuer leurs produits sur diverses plates-formes, parce que ce ne sont pas tous les films qui conviennent à une projection en salle. Nous avons maintenant l’occasion de présenter divers types de films au public.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie nos trois témoins d'être là.
On pourrait croire que je dis cela par politesse ou par habitude, mais c'est très important pour nous car nous entreprenons une étude importante. Nous avons convenu de recevoir des gens qui ont une belle vision d'ensemble de la chose et de faire bien comparaître nos témoins. Nous voulons essayer de bien comprendre la situation en se centrant sur les questions prioritaires. Comme M. Brown l'a dit, une étude très poussée a été faite il y a 10 ans. Il faut, comme le dit M. Young, porter notre attention sur ce qui a changé. Je vous remercie donc d'être là.
Parlons de ce qui a changé. Je parcourais votre document et je pense qu'il va nous aider à bien organiser les audiences de témoins. Je ne peux m'empêcher de remarquer que vous avez dit, un peu plus tôt, que la technologie constituait le grand changement. Nous sommes du même avis. J'aime beaucoup rappeler que quand tout le monde est arrivé ici, en 2011, à peu près personne n'avait un iPad, alors que tout le monde en a un maintenant. Il est évident que cela a changé.
Vous avez dit que la question était d'avoir les statistiques sur l'auditoire des compagnies comme Netflix qui bouleversent complètement la donne. Dans un article que je lisais ce matin dans La Presse, on pouvait lire que Netflix avait le même effet sur le cinéma qu'Uber avait sur le taxi. On ne peut pas être contre la technologie, mais il faut tenir compte de ses impacts.
Quand je vous entends dire qu'avoir les statistiques est ce qui va nous aider à nous ajuster à tout cela, j'ai le goût de vous demander comment vous comptez récupérer l'erreur de la . En effet, elle a dit, lors du deuxième jour des audiences du CRTC qu'elle ne toucherait pas à Internet alors que, de toute évidence, c'est ce qui chamboule tout l'écosystème.
:
Je comprends, mais c'est une question que je me devais de poser. C'est dans la tête de tout le monde, même dans celle de ceux qui ne veulent pas qu'on en parle. Ils savent bien que cela a été dit. Je ne vous demanderai pas de commenter davantage.
Je vais cependant me permettre de vous dire ceci. Je suis allé sur le site de Netflix tout à l'heure. J'ai calculé, avec une appli de iPhone — c'est sûrement similaire sur un iPad —, qu'il y avait 13 colonnes. Dans la première colonne, il y avait 77 choix, ce qui donne environ 1 000 titres. On peut donc imaginer que c'est volontaire. Je n'ai pas fait tout cela pendant que vous parliez puisque je vous écoutais. Sur les 77 choix de la première colonne, je n'ai pas vu de contenu canadien.
C'est ce à quoi nous sommes confrontés aujourd'hui; c'est l'enjeu le plus important. Il faudra trouver un moyen, sans que ce soit invivable sur le plan politique pour certains d'entre nous. Nous devrons nous pencher sur cette question.
J'ai 51 ans. Le contenu canadien dans les différents médias a fait toute la différence et m'a exposé à autre chose. Je me souviens très bien que la première série canadienne que j'ai écoutée était The Friendly Giant. Quelques années plus tard, j'écoutais la série The Beachcombers. Aujourd'hui, il y a des séries commeLittle Mosque on the Prairie et Corner Gas.
Comme vous l'avez dit, c'est plus facile au Québec à cause du plus grand auditoire, de la barrière linguistique, de notre grande productivité et de notre aptitude à raconter des histoires. Cependant, on imposait un quota de contenu local au diffuseur qui voulait obtenir le droit d'utiliser les ondes dans son secteur. La grande question à se poser au sujet de la production cinématographique au Canada est: qu'allons-nous faire? La réponse est loin d'être simple.
J'invite tous les membres du comité à consulter le livre intitulé The Birth of Korean Cool. Je me suis intéressé à ce sujet en feuilletant L'actualité et aussi parce qu'une de mes voisines de Longueuil — appelons-la Geneviève Duquette — me disait adorer la télévision coréenne. Cela m'a surpris. Le site dont elle me parlait était dramafever.org. Je ne parle que de la finalité, mais il y a toute une politique culturelle autour de cela.
Veuillez excuser mon préambule long de huit siècles.
Selon vous, comment pouvons-nous aiguiller notre étude sur les solutions concrètes liées aux multiplateformes? Ultimement, comment éviter que le CRTC puisse dire, en fin de compte, qu'il n'a pas le mandat d'étudier cela?
:
Je vais répondre à cette question, qui me semble contenir aussi un piège.
Dans les années 1980, il n'y avait pas de distributeurs canadiens, sinon René Malo, peut-être. Les films canadiens ne sortaient pas dans les salles et n'étaient pas diffusés à la télévision. C'est comme si, 25 ans plus tard, nous étions victimes de notre succès. Une industrie de la distribution s'est développée. Combien a-t-on besoin de distributeurs dans un pays comme le Canada? En faudrait-il 5, 10, 150?
Si vous aviez tenu cette étude il y a un an, il y aurait eu deux immenses distributeurs. Aujourd'hui, il y en a un encore plus gros. Nous analysons la situation pour savoir si elle pose des problèmes pour l'industrie canadienne du long métrage. C'est une question que vous pourriez poser aux quelques producteurs qui se présenteront ici.
De notre perspective, les films canadiens trouvent un distributeur. La société eOne a des activités dans 40 pays. Est-ce que cela aide à distribuer les films canadiens à l'étranger? On pourrait sans doute prétendre que oui.
M. Pierre Nantel: Oui, c'est fort probable.
M. Jean-François Bernier: En fait, eOne est le plus gros distributeur indépendant au monde. Il y a les majors, puis il y a eOne. Il faut que cela présente des avantages pour le produit canadien, mais qu'en est-il des désavantages? Je vous laisse le soin de vérifier cela auprès des producteurs.