Passer au contenu
;

SNUD Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

SPECIAL COMMITTEE ON NON-MEDICAL USE OF DRUGS

COMITÉ SPÉCIAL SUR LA CONSOMMATION NON MÉDICALE DE DROGUES OU MÉDICAMENTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 3 octobre 2001

• 1836

[Traduction]

La présidente (Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.)): La séance est ouverte.

Nous sommes très heureux d'accueillir, de la Gendarmerie royale du Canada, Bob Lesser, surintendant principal et officier responsable de la Sous-direction de la police des drogues; ainsi que, de Service correctionnel Canada, Ross Toller, directeur général, Programmes et réinsertion sociale des délinquants; et Julie Keravel, directrice des Renseignements de sécurité et de la gestion des urgences, également à SCC.

Nous savons que vous êtes, madame et messieurs, assujettis à des pressions considérables ces jours-ci. Nous vous savons gré d'avoir pris le temps de venir rencontrer notre comité.

Nous avons prévu que vous alliez faire vos exposés l'un après l'autre; ensuite nous passerons aux questions.

Ross, vous êtes le premier?

M. Ross Toller (directeur général, Programmes et réinsertion sociale des délinquants, Service correctionnel Canada): Non, c'est Bob qui est le premier.

La présidente: Bob est le premier.

Merci, monsieur Lesser.

Le surintendant principal R.G. (Bob) Lesser (officier responsable, Sous-direction de la police des drogues, Direction des services fédéraux, Gendarmerie royale du Canada): Merci beaucoup. Nous sommes certainement heureux de pouvoir entretenir le comité de questions que nous considérons très urgentes et importantes.

[Français]

Premièrement, je voudrais vous dire que nous sommes en train de faire traduire notre présentation PowerPoint. Aussitôt que ce sera fait, nous en aurons des copies disponibles.

[Traduction]

Nous espérons pouvoir aborder la plupart des questions dont on nous a dit qu'elles intéressent le comité.

Tout d'abord, rappelons, en guise de survol général, que la GRC a pour mandat de faire appliquer les lois, de prévenir la criminalité, de maintenir l'ordre et d'assurer la sécurité publique. De façon plus particulière, dans le cadre de la stratégie canadienne antidrogue—je crois comprendre que Santé Canada a fait un exposé un peu plus tôt aujourd'hui sur la stratégie antidrogue—la GRC intervient principalement dans les programmes de prévention, dans les mesures d'application de la loi et de contrôle, dans la coordination nationale et dans la coopération internationale.

Permettez-moi de vous donner une petite perspective mondiale sur le trafic des narcotiques et des stupéfiants. Ces données sont tirées du rapport du PNUCID, c'est-à-dire le Programme des Nations Unies pour le contrôle international des drogues. Pour vous donner donc une petite idée de la situation, signalons que 70 p. 100 de la production mondiale d'opium est provenue de l'Afghanistan en 2000 et qu'environ 23 p. 100 provenait du Myanmar. La culture mondiale du coca est relativement stable, bien que, du fait de l'aide massive des États-Unis, la production de la Bolivie et du Pérou est passée à la Colombie. Les pressions exercées en Bolivie et au Pérou ont entraîné un accroissement de la production en Colombie.

L'ONU ne dispose pas de renseignements fiables sur la culture mondiale du cannabis. Toutefois, les données dont dispose l'ONU relativement aux saisies révèlent qu'il y a eu augmentation mondiale de 35 p. 100 du cannabis en 1999. Les chiffres sur le trafic et les saisies en 1999 montrent qu'un tiers des drogues saisies sont en Amérique du Nord, un quart en Europe de l'Ouest, un cinquième en Asie et un dixième en Amérique du Sud. Les stimulants de type amphétamine—mieux connus principalement sous le nom d'ecstasy, mais à une certaine époque, c'était plutôt du speed ou de la méthamphétamine—ont plus que doublé en 1999 à l'échelle mondiale. Les plantes de cannabis ont augmenté d'un tiers et les opiacées ont augmenté de 14 p. 100. Les saisies mondiales de cocaïne ont diminué d'environ 6 p. 100.

La tendance décennale de 1990 à 1999 montre que les stimulants de type amphétamine, c'est-à-dire l'ecstasy et les autres, font l'objet d'une augmentation annuelle moyenne des saisies de 30 p. 100, comparativement à environ 6 p. 100 pour le cannabis, 5 p. 100 pour l'héroïne, 4 p. 100 pour la résine de cannabis et 3 p. 100 pour la cocaïne. Il est très évident que les STA et l'ecstasy sont de loin les drogues dont la consommation a le plus augmenté.

• 1840

Pour ce qui est de la consommation, le PNUCID évalue à 180 millions de personnes le nombre de consommateurs de drogues illicites. Cela inclut 144 millions pour le cannabis, 29 millions pour les stimulants de type amphétamine, 14 millions pour la cocaïne et neuf millions pour l'héroïne. Les augmentations de consommation les plus marquées en 1999, à l'échelle mondiale, ont été celles des stimulants de type amphétamine et du cannabis.

Après les événements du 11 septembre, les renseignements que je vais vous présenter prennent un sens particulier, mais j'ai cru que le comité voudrait peut-être en prendre connaissance. Ils proviennent de témoignages présentés au Comité des affaires judiciaires de la Chambre des représentants aux États-Unis, le 13 décembre 2000, c'est-à-dire bien avant le 11 septembre de l'année en cours.

D'après les sources et les témoignages des autorités états- uniennes, l'IRA et le Real IRA sont alliés aux industries moyen- orientales du narco-trafic pour soutenir leurs activités. Le parti des travailleurs du Kurdistan, mieux connu sous le nom de PKK, se livrerait à du narco-trafic et serait lié aux narco-trafiquants. D'après les autorités françaises, le PKK est responsable de l'entrée en contrebande de 80 p. 100 de l'héroïne vendue à Paris.

Dans une grande mesure, le Hezbollah participe à l'importation de narcotiques de la Vallée de la Biqaâ. Les tigres de la libération du Tamil Elam participent au narco-trafic. Le FARC, autrement dit les forces armées révolutionnaires de Colombie, se livrerait également au narco-trafic et à des activités de traitement de la cocaïne.

D'après les sources américaines, les Talibans perçoivent des redevances sur toutes les phases du trafic des drogues. Pour la récolte d'opium, c'est 12 p. 100. Pour les laboratoires d'héroïne, c'est 70 $ du kilogramme produit. Les permis de transport d'héroïne en Afghanistan coûtent aux narco-trafiquants 250 $ par kilo, le revenu annuel net pour les Talibans étant évalué à environ 75 millions de dollars.

Depuis un bon nombre d'années maintenant, nous disposons de beaucoup de renseignements au sujet du narco-trafic, ainsi que du lien entre le crime organisé, le narco-trafic et le terrorisme.

Je vais vous donner un aperçu général de la situation au Canada. Cela dit, l'exposé que nous vous avons communiqué en français et en anglais contient des renseignements plus détaillés sur cette question. Je ne vous donnerai donc pas beaucoup de détails. Vous pourrez consulter ce document à loisir ultérieurement.

Le commerce de la drogue continue d'être une source très importante de recettes pour la plupart des groupes du crime organisé. D'après les estimations, environ 80 p. 100 de leurs fonds proviennent de ce commerce. L'ecstasy s'ajoute désormais au cannabis, à l'héroïne et à la cocaïne au nombre des produits les plus populaires au Canada. Le marché canadien des drogues illicites offre un potentiel de ventes qui s'inscrit entre 4 et 18 milliards de dollars au prix de la rue. La Organized Crime Agency (Agence de surveillance du crime organisé) de Colombie-Britannique évalue à 6 milliards de dollars par année l'industrie britano-colombienne de la marihuana.

En ce qui concerne nos estimations des importations annuelles illicites de drogues au Canada, nous évaluons les importations de hachisch à 100 tonnes, celles de cocaïne à 15 tonnes et celles du hachisch liquide à 6 tonnes. Et nous croyons également qu'on produit, en territoire canadien, environ 800 tonnes de marihuana et que les toxicomanes canadiens utilisent de une à deux tonnes d'héroïne par année.

Pour donner un aperçu rapide des activités de certains groupes du crime organisé et de leur participation au commerce des drogues—mais il est important de signaler qu'ils s'occupent de beaucoup plus qu'uniquement du commerce des drogues—les groupes du crime organisé d'origine asiatique continuent à monopoliser l'industrie de l'héroïne. Ils se livrent également au trafic de cocaïne et de marihuana et se sont récemment diversifiés dans le commerce de l'ecstasy. Les groupes du crime organisé aux racines italiennes se livrent à des importations très importantes de drogue, sont associés à d'autres groupes du crime organisé et s'occupent également du blanchiment des produits du narco-trafic. Les trafiquants basés en Colombie continuent à contrôler une grande partie du commerce de cocaïne de l'est et du centre du Canada. Les gangs de motards criminalisés, et particulièrement les Hell's Angels, continuent de s'occuper exclusivement de l'importation et de la distribution de cannabis, de cocaïne et de drogues chimiques. Bien sûr, il y a également des entrepreneurs canadiens et étrangers indépendants qui interviennent à divers niveaux de la chaîne d'approvisionnement partout au Canada. Au niveau international, des groupes basés en Israël et aux Pays-Bas sont responsables de la plupart des importations d'ecstasy au Canada, en provenance d'Europe.

Je vais passer à une enquête auprès des étudiants en Ontario. Je voudrais vous présenter ce qui se passe à l'échelle nationale, mais il n'y a malheureusement pas eu d'enquête nationale au Canada depuis 1992, faute de fonds. Il y a certaines provinces, dont l'Ontario principalement, qui ont continué à faire des enquêtes au fil des ans.

• 1845

Ce que l'Ontario révèle dans son étude sur les années 90 est extrêmement troublant. Il y a certainement eu une montée de l'utilisation des drogues, et pas seulement des drogues illicites. Comme l'indiquent les déclarations faites par les étudiants, la consommation marquée de produits alcoolisés est passée de 18 p. 100 en 1993 à 28 p. 100 en 1999. La consommation de cigarettes a plus que doublé. La consommation de cannabis a plus que doublé dans les écoles secondaires et élémentaires. La consommation d'ecstasy est passée de 0,6 p. 100 des étudiants à 5 p. 100. C'est une incroyable augmentation de l'utilisation de l'ecstasy. La consommation d'hallucinogènes est passée de 3 p. 100 à 14 p. 100. Et le pourcentage d'étudiants qui consomment quatre types de drogues ou plus est passé de 8 p. 100 à 27 p. 100.

Il y a manifestement au Canada une tendance à l'augmentation de la consommation des drogues, et je ne parle pas uniquement des drogues illicites. À titre anecdotique, d'après des renseignements qui nous viennent principalement de programmes d'échange de seringues alors que dans les années 60 et 70 on consommait des drogues pour avoir une meilleure vision, pour mieux entendre la musique, pour mieux percevoir les sons, les jeunes se tournent maintenant vers les drogues par besoin d'évasion.

Malheureusement, en matière de consommation des drogues, la seule baisse survient dans le nombre de personnes qui déclarent ne pas en consommer. Ce chiffre est passé de 36 p. 100 à 25 p. 100. Il y a donc, dans nos écoles, beaucoup moins de jeunes qui ne consomment pas du tout de drogue. Seulement 27 p. 100 d'entre eux n'en consomment aucune. Je ne sais pas si vous avez des enfants ou des petits-enfants, mais je trouve ce chiffre alarmant.

De 1997 à 1999, dans une moyenne des classes de 7e, 9e, 11e et 13e années, l'utilisation sans contrôle du cannabis, d'après les déclarations fournies, est passée de 6 à 11 p. 100. Le nombre de personnes qui déclarent avoir consommé du cannabis sans contrôle a pratiquement doublé. Le nombre de ceux qui ont essayé de réduire leur consommation de drogues a augmenté, passant de 31 à 43 p. 100 des populations scolaires. Il s'agit bien du nombre de personnes qui essaient de réduire leur consommation de drogues. Les étudiants qui ont trois indicateurs d'utilisation problématique comptent pour 7 p. 100, au lieu de 2 p. 100 antérieurement. Encore une fois, je crois que ces chiffres sont alarmants, lorsque l'on songe qu'il s'agit des jeunes et de l'avenir de notre pays.

Pourquoi y a-t-il eu cette nette augmentation de la consommation? Les auteurs de l'étude ontarienne proposent trois pistes de réflexion. Une d'elles, c'est l'affaiblissement de la perception du risque. Autrement dit, les gens croient qu'il est moins dangereux de consommer des drogues. De 1991 à 1999, le nombre de ceux qui croyaient qu'il y a un grand risque à consommer de la cocaïne a diminué, passant de 43 p. 100 à 34 p. 100. Il est évident que certaines personnes croient que ce n'est pas si grave que ça de prendre de la coke. Ceux qui croient qu'il y a un grand risque à consommer régulièrement—pas de façon expérimentale, mais régulièrement—de la marijuana ne représentent plus que 52 p. 100 de l'échantillon, au lieu de 73 p. 100.

Une autre raison que proposent les chercheurs—cette étude a été effectuée par la Fondation de la recherche sur la toxicomanie de l'Ontario—c'est la perception d'un recul de la désapprobation morale éprouvée à l'endroit des drogues. Autrement dit, d'après nos étudiants, la population approuve de plus en plus la consommation de drogues. La désapprobation de la cocaïne est passée de 55 p. 100 à 42 p. 100. La désapprobation à l'endroit de la marijuana ordinaire a diminué, passant de 61 p. 100 en 1991 à seulement 43 p. 100 en 1999.

En outre, si l'on perçoit une augmentation de la disponibilité—et cela nous amène au rôle important de l'application des lois dans la stratégie canadienne antidrogue—cela mène également à une augmentation de la consommation.

En treizième année scolaire, de 1991 à 1999, le nombre d'étudiants qui signalent que la cocaïne est facile à obtenir est passé de 14 p. 100 à 20 p. 100. Pour ce qui est du cannabis, 29 p. 100 trouvaient facile d'en obtenir il y a 10 ans, mais ils sont maintenant 53 p. 100 à croire qu'il est facile d'en trouver.

Ces chiffres concernent donc l'Ontario, et je pense bien qu'ils représentent probablement la situation dans une grande partie du pays. Cela vous donne, selon moi, une bonne idée de l'attitude à l'endroit des drogues chez les gens importants du pays, chez les jeunes dans les écoles.

Comment la GRC se positionne-t-elle relativement à la consommation de drogues? Nous n'avons eu de cesse de dire depuis de nombreuses années que la meilleure réponse à la toxicomanie tient au potentiel des activités de conscientisation et de prévention. Toutefois, ce n'est que dans un environnement où les approvisionnements sont réduits que les activités de prévention réussissent. Nous considérons les importateurs, les producteurs et les trafiquants de drogues comme faisant partie du problème d'exécution des dispositions de la loi et de bon fonctionnement du système de justice pénale. Par ailleurs, nous considérons que les toxico-dépendants constituent principalement, bien que pas exclusivement, un problème de santé.

L'illégalité de certaines substances n'est qu'un bien léger obstacle pour les organisations criminelles. Leur motivation dépend des profits. Il y a des tas d'exemples de produits qui ne sont frappés d'aucun interdit et qui sont la source de beaucoup de profits pour le crime organisé. Songeons, par exemple, au tabac, aux cigarettes, à la fraude sur Internet et aux manipulations boursières.

• 1850

Comment la GRC décide-t-elle de ce qu'elle doit faire? Comment ciblons-nous nos moyens? La diapo était censée simplifier les choses, mais je vais essayer de vous décrire le processus. Vous auriez dû voir la version compliquée.

Nous avons toutes sortes de groupes: répression des narcotiques, affaires criminelles, douanes et accise, immigration, produits de la criminalité, opérations en uniforme. Dans le cadre de leurs activités, chaque groupe produit de l'information. Celle-ci est acheminée à notre section du renseignement. C'est elle qui se charge de rassembler l'information, de l'analyser et de le transformer en renseignements de sécurité de type stratégique et tactique. C'est à partir de ce renseignement que nous affectons nos ressources. C'est à partir de la même source que nous procédons à l'évaluation de la menace. Nous examinons 29 indicateurs dans un processus que nous appelons le modèle Sleipnir, faute d'une meilleure appellation.

Des voix: Oh, oh!

Sdt pal Bob Lesser: Il paraît que c'est un dieu norse, sans doute à cheval, avec une sorte de...oh, peu importe.

Nous procédons à l'évaluation de la menace. Nous voyons quelle est l'étendue géographique de l'organisation: est-elle locale, nationale ou internationale? Quelle est la complexité de l'organisation? Y a-t-il un ou deux niveaux, une structure hiérarchique? Quelle est la menace pour l'économie et le secteur financier du Canada? Quelle est la menace pour la sécurité du pays? Se prête-t-elle difficilement aux enquêtes? Est-elle isolée? Il y a 29 facteurs de ce genre, qui permettent d'aboutir à nos priorités.

Ces priorités font ensuite l'objet de discussions par les commandants opérationnels de tout le pays. Ils fixent alors ce que l'on appelle les priorités opérationnelles nationales—et je vais vous les donner dans un instant. À partir de ces priorités stratégiques de nature très générale, l'information dont nous disposons fait l'objet d'une analyse plus poussée du renseignement où nous examinons les groupes à choisir. Par exemple, si nous retenons les bandes de motards criminalisés, quelles bandes choisissons-nous, et quelles sections ciblons-nous? Nous ne pouvons cibler qu'en fonction des ressources dont nous disposons.

Tout cela est ensuite incorporé à nos plans d'opérations, et nous examinons le budget nécessaire pour ces plans. Les dernières discussions se tiennent en février, au moment où nous fixons à nouveau nos budgets et nos priorités. Lorsque le nouvel exercice financier commence le 1er avril, nous avons nos plans tactiques, les objectifs que nous avons choisis, ainsi que les budgets de ces opérations.

Voici les objectifs stratégiques nationaux pour cette année. Il ne s'agit pas uniquement de la répression des stupéfiants; cela englobe toute la GRC, y compris les agents fédéraux, les membres provinciaux et à contrat au niveau municipal. Les objectifs englobent les bandes de motards criminalisés, les groupes du crime organisé d'origine asiatique, italienne et d'Europe de l'Est. Cela montre bien que les secteurs à menace élevée sont ceux qui trempent dans le trafic des stupéfiants, l'immigration clandestine, les cartes de crédit frauduleuses et quantités d'autres crimes graves.

De quoi dispose la GRC comme ressources strictement fédérales? Cela me fait rire ou plutôt pleurer quand j'entends les gens parler de la guerre contre la drogue pratiquée par le Canada. Comme vous le savez, cela n'a jamais été notre politique. Nos budgets de cette année correspondent à peu près à ce que nous avions en 1987. Par suite de la stratégie antidrogue, il y a eu une augmentation en 1988. Il y a ensuite eu une augmentation lorsque le programme antidrogue axé sur les profits des trafiquants—les produits de la criminalité—a reçu des budgets supplémentaires. Nous avons ensuite subi l'examen des programmes versions 1 et 2 et sauf pour une petite aberration en 1997—vous constaterez qu'en 1997 et 1999 l'examen des programmes s'est soldé par une diminution importante de nos ressources—dans l'ensemble, nos moyens sont les mêmes depuis.

Comment sont répartis nos moyens sur le territoire canadien? Le chiffre entre parenthèses représente les moyens fédéraux strictement affectés à la prévention et non à la répression. Vous constaterez que le gros des moyens est en Colombie-Britannique, en Ontario et au Québec. Chaque province ou territoire est représentée, quoique le chiffre peut être très petit dans certains cas à cause de leur petite superficie, puisqu'il y a en quatre dans chacun des territoires sauf au Nunavut et six à l'Île-du-Prince- Édouard. Nous en avons sept à la DG pour la répression et deux pour la prévention du crime. Ceci est notre effectif national à la DG, à Ottawa.

• 1855

Qu'avons-nous accompli avec cet effectif? Qu'a-t-on réussi à saisir? Dans l'ensemble, sauf l'an dernier, les saisies d'héroïne sont restées stables—et je vous dirai tout de suite que certaines de ces saisies ne sont pas forcément le résultat de travail fait cette année-là. Beaucoup de nos enquêtes prennent deux ou trois ans. L'enquête pour une saisie en 2000 a sans doute commencé en 1997 ou 1998.

Les saisies d'héroïne sont donc essentiellement restées stables. Pour la cocaïne, il y a des fluctuations, mais les saisies sont assez stables. Le LSD a beaucoup baissé, de 25 000 doses saisies en 1997 à environ 2 000 en 2000. Malheureusement, cela a été compensé par la progression importante de l'ecstasy. Dix mille comprimés ont été saisis en 1997, et l'an dernier plus de deux millions. C'est une augmentation importante et cela correspond à ce que nous ont appris les sondages auprès des étudiants.

Pour ce qui est uniquement des saisies de feuilles, la marihuana a baissé de plus de 50 p. 100, passant de 50 000 kilos à 21 000 kilos. En revanche, la saisie de plants de marihuana a augmenté. Elle a un peu moins que doublé. C'est la conséquence de deux choses. D'abord, nous ciblons la culture proprement dite au lieu de ramasser les sacs en bout de processus. En Colombie- Britannique et ailleurs, en Ontario et au Québec, cela montre que l'augmentation massive de cannabis maison est tout à fait renversante.

Comme vous le voyez, le haschich a augmenté aussi, mais il a connu ses hauts et ses bas, quoiqu'il était beaucoup plus élevé en 2000 que dans les années précédentes. On saisit habituellement le haschich sous forme de cargaisons de plusieurs tonnes. Il s'agit habituellement d'opérations de grande envergure où l'on saisit de gros navires hauturiers remplis de conteneurs. C'est pourquoi il y a des différences importantes d'une année à l'autre. Cela dépend si l'on a saisi un ou deux de ces navires mères. Il n'est pas rare d'en saisir quatre, cinq, six ou huit tonnes à la fois.

Le haschich liquide a augmenté, mais cette forme de haschich se retrouve surtout dans l'est du pays. Il n'a pas la cote aux États-Unis ni à l'ouest de l'Ontario.

Pour ce qui est des inculpations par la GRC, je n'ai donné qu'une indication générale. Évidemment, les chiffres de nos saisies sont à la disposition de ceux qui veulent...

M. Randy White (Langley—Abbotsford, AC): Vous avez parlé de saisies. Sont-elles accompagnées de condamnations ou s'agit-il uniquement de saisies?

Sdt pal Bob Lesser: Désolé, non. Il s'agit du nombre de personnes inculpées.

Le dernier chiffre désigne les saisies, ce que nous avons saisi.

M. Randy White: Et il y aurait une accusation dans chaque cas?

Sdt pal Bob Lesser: Les chiffres suivants désignent le nombre d'inculpations. Nous ne tenons pas le compte des condamnations mais uniquement des inculpations. Désolé. Vous avez raison.

M. Randy White: D'accord, merci.

Sdt pal Bob Lesser: La ligne du bas représente le total des accusations—possession, trafic et importation—et la majorité de ces accusations, dont le nombre est resté assez stable au fil des années, sont pour le trafic d'héroïne. Même chose pour la cocaïne, ces chiffres représentent toutes les infractions relatives à la cocaïne mais il s'agit surtout d'accusations de trafic. Comme vous pouvez le voir, il y a eu une légère augmentation: environ 500 inculpations en 2000. Nous avons aussi inclus la possession de marihuana parce que c'est un point qui retient l'attention des gens. Comme vous pouvez le voir, il y a eu une augmentation importante en 1990. Cela a baissé aux alentours de 1998, pour des raisons qui m'échappent, puis c'est remonté en 2000.

Ces chiffres montrent deux choses. D'abord, ils correspondent à l'enquête sur les drogues effectuée auprès des étudiants à propos de la consommation et de l'acceptation. Ensuite, il y en a plus, les gens en consomment plus, c'est plus acceptable et la police en voit plus souvent.

Je préciserais toutefois ceci. Les gens affirment que la police s'en prend à la simple possession—quelqu'un qui n'a que quelques grammes de marijuana. Or, cela ne correspond pas aux renseignements que nous avons ni à notre position. Il y a eu une étude—et je n'en ai qu'un seul exemplaire en français et en anglais, mais je peux peut-être vous le laisser si c'est utile—dans laquelle nous avons examiné un rapport préliminaire sur le cannabis effectué à Ottawa entre 1996 et 1998, soit la question de savoir si les consommateurs de pot étaient exagérément pris pour cibles. Cela nous préoccupait parce que ce n'est pas sur ce niveau que nous voulons concentrer nos ressources.

• 1900

Or, sur 96 p. 100 des cas examinés dans la région d'Ottawa—Carleton, c'était relié à d'autres infractions. Autrement dit, un policier arrêtait un véhicule pour excès de vitesse ou une autre infraction ou des gens se plaignaient de jeunes dans un parc ou qui traînaient autour d'un centre commercial et la police est intervenue. Des accusations de trafic de drogue ont ensuite été ramenées à la simple possession ou des gens impliqués dans un vol ou d'autres crimes se sont retrouvés inculpés de possession. C'est donc dire que dans beaucoup de cas les gens avaient du cannabis sur eux et avaient commis d'autres crimes—vous savez, ils ne sont pas toujours très futés...

La présidente: Sur la dernière diapo, ce ne sont que les accusations que vous avez portées?

Sdt pal Bob Lesser: Par la GRC, oui.

La présidente: C'est donc dire que dans les provinces où vous assurez le service...

Sdt pal Bob Lesser: ...cela les inclut. Il s'agit surtout de notre effectif provincial et municipal. Rares sont les cas d'accusations strictement fédérales pour la simple possession. Il y en a, mais j'oublie le chiffre. Nous avons examiné cela, et dans bien des cas il s'agit de gens épinglés par les douanes à leur entrée au pays. Ils nous les ont remis et nous les avons inculpés d'importation, par exemple.

Notre Section de la sensibilisation aux drogues est un élément important de ce que nous faisons. J'ai commencé à travailler à la répression des stupéfiants en 1971 ici à Ottawa. Cette année-là, nous allions dans les écoles secondaires parce qu'on nous avait demandé d'aller parler de la drogue. Nous trouvions important de parler aux jeunes des dangers de la drogue et nous avons continué.

Comme vous le voyez, nous avons 31 personnes à temps plein au niveau fédéral qui coordonnent les séances de sensibilisation aux drogues. De ce nombre, 14 ont été données dans le cadre de la stratégie antidrogue canadienne. Nous sommes allés chercher les autres dans le secteur de la répression et nous les avons placés dans la prévention parce que ça nous semblait important.

Nous avons un budget de 4 millions de dollars pour la sensibilisation. C'est très peu. Malheureusement, quand vous examinez le total du budget fédéral, on me dit que c'est le montant le plus élevé consacré à la prévention pure et simple. D'autres ministères fédéraux consacrent des sommes importantes au traitement et à la désintoxication, mais pour ce qui est du travail en amont—l'intervention avant qu'il y ait un problème—on nous dit que c'est le montant le plus élevé de prévention véritable.

Les gendarmes sur le terrain—essentiellement les policiers en uniforme—donnent environ 10 séances par année aux élèves, aux athlètes, aux groupes locaux et aux groupes de parents. Nous intervenons là parce que nous jugeons important d'y être, parce que nous voulons y être. Il faut aussi savoir qu'il y a un vide dans ce domaine. Personne d'autre ne s'en occupe à l'échelle nationale. On a beau dire que pour chaque dollar consacré à la prévention on en épargne autant en soins médicaux et en travail policier, les sommes consacrées à la prévention au pays sont pitoyables.

C'est tout pour mon sermon.

Pour ce qui est de la Section de la sensibilisation aux drogues de la GRC, elle fait plusieurs choses.

La présidente: Désolé, agent Lesser, mais pour les besoins du compte rendu, il s'agissait de 10 000 séances par année.

Sdt pal Bob Lesser: Merci.

Il y a d'abord la CPEC, c'est-à-dire la Contribution de la police à l'éducation communautaire. Nous avions passé un contrat avec la Nova Scotia Addictions Foundation, lorsqu'elle existait. Elle avait créé un programme dans lequel la police faisait partie d'un groupe réunissant des pharmaciens, des enseignants, des juristes et parfois des toxicomanes qui allaient discuter avec les jeunes des dangers de diverses drogues. Malheureusement, à cause des compressions des années 90, le programme a disparu. Pour cette raison, nous avons fini par nous adresser—et ce n'est pas un reproche—au programme de sensibilisation aux effets de la drogue.

Nous avons eu recours à ce programme parce qu'il était déjà tout fait. Il vient des États-Unis et une cinquantaine de pays s'en servent. Ce serait bien d'avoir un programme conçu au Canada, ou au moins un canevas que les provinces pourraient suivre pour les programmes de prévention dans les écoles. Malheureusement, cela n'existe pas. Ce qu'il y a de plus gênant encore, c'est que pour financer ne serait-ce que la formation des agents de la GRC et d'autres corps policiers à ce programme, les États-Unis nous ont versé 750 000 $. Il n'y a pas eu de fonds venant du Canada.

À partir du programme de sensibilisation aux effets de la drogue, et en collaboration avec le Nechi Training, Research and Health Promotions Institute d'Edmonton, nous avons aussi créé ce que l'on appelle le programme «Notre bouclier» pour les jeunes Autochtones. Celui-ci fait appel aux aînés et à d'autres membres de la communauté autochtone pour renforcer le cercle, faire des exposés sur la toxicomanie et amener les communautés à participer à ce genre d'activité. L'objectif est double puisque c'est conçu pour les parents. On aura beau donné toutes sortes de séances aux enfants, mais s'ils rentrent chez eux et si l'on y consomme de la drogue ou si le cadre familial est malsain, les séances resteront sans effet. Nous traitons donc du mieux possible avec les parents.

• 1905

Ces dernières années, chez les sportifs, on a constaté une augmentation importante de stéroïdes destinés à améliorer la performance. Je pense qu'il y a environ 10 000 consommateurs de drogues injectables qui prennent des stéroïdes. Quand on pense aux piqueurs, on pense aux consommateurs de coke et d'héroïne. Malheureusement, certains de nos meilleurs sportifs dans nos écoles se piquent et s'exposent au sida, au VIH et à l'hépatite C.

Il y a aussi des programmes expressément adaptés au lieu de travail.

Que faisons-nous à la GRC et dans la police communautaire dans le milieu de la drogue à l'échelle nationale? Outre que nous collaborons avec les corps policiers municipaux et provinciaux et la Organized Crime Agency of B.C., nous collaborons évidemment beaucoup avec nos homologues américains et étrangers. Cela ne figure pas dans la liste parce que j'imaginais que cela allait de soi.

Nous collaborons également avec l'Association canadienne des chefs de police et son comité de répression des narcotiques. Celui-ci compte des représentants de tous les ministères fédéraux ainsi que de la Fédération canadienne des municipalités.

Nous faisons partie du PSSP, le Partenariat des secteurs de la santé et des services de police. Les coprésidents actuels sont Barry King, président du Comité de répression des narcotiques de l'ACCP et Michel Perron, directeur administratif du Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies. Le PSSP comprend des professionnels de la santé et de la police, des gens qui s'occupent des toxicomanies, des programmes d'échange de seringues. Ils se réunissent pour examiner la façon dont nous pouvons mieux collaborer au pays. Le Nouveau-Brunswick est sans doute notre meilleur exemple—l'Île-du-Prince-Édouard aussi—de collaboration entre la police et ceux qui s'occupent des programmes d'échange de seringues et de réduction des méfaits de la drogue pour voir comment s'attaquer au problème sous divers angles.

Nous travaillons en très étroite collaboration avec le Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies—il s'agit d'un centre de ressources national pour la Canada, qui est financé notamment par Santé Canada—en ce qui concerne les recherches les plus pointues à l'échelle nationale et internationale.

Nous faisons partie du Réseau communautaire canadien d'épidémiologie des toxicomanies, ou RCCET, ce qui est plus facile à dire. Ce réseau compte 14 sites au Canada qui signalent les diverses admissions aux hôpitaux et les tendances en matière de consommation des drogues dans les grandes villes du pays.

Nous avons pris part aux consultations sur l'usage médical de la marijuana. Nous siégeons au Comité fédéral-provincial- territorial sur les drogues injectables. Son rapport vient d'être rendu public par les ministres de la Santé la semaine dernière à St. John's. Et je siège au groupe de travail sur le Projet de recherche sur la faisabilité des sites d'injection supervisés au Canada.

Nous faisons donc plus qu'appliquer les lois et encourager la prévention. Nous tâchons de prendre part à toutes les initiatives qui visent à régler les divers problèmes.

Pour ce qui est de la position du milieu policier en général, en 1999, l'Association canadienne des chefs de police a adopté des résolutions invitant les gouvernements à donner suite à la stratégie antidrogue du Canada par des initiatives visant à réduire la demande, la sensibilisation et les initiatives contre le crime organisé; à créer un champion qui serait responsable de la stratégie antidrogue du Canada; à faire de la R-D et à adopter des lois qui faciliteront la détection de personnes dont les capacités sont affaiblies par les drogues; et à prendre des mesures de justice alternative pour les déclarations de culpabilité par procédure sommaire dans les cas de possession au Canada.

En 2000, les résolutions de l'ACCP allaient dans le même sens. Nous avons invité les gouvernements à faire de la stratégie antidrogue du Canada un impératif national; à nommer un champion responsable de la stratégie antidrogue du Canada afin de concrétiser l'initiative fédérale; et à adopter des lois afin de doter les services policiers des capacités voulues pour déterminer le niveau d'affaiblissement des facultés par les drogues.

À l'heure actuelle, il est impossible de déterminer le niveau d'affaiblissement des facultés des personnes au volant. Alors qu'on sait qu'il y a bel et bien un plus grand nombre de gens qui consomment de la drogue, il n'existe aucune disposition ni aucune recherche qui permet de dire dans quelle mesure le cannabis affaiblit les facultés d'une personne. Il n'existe pas non plus de recherches concluantes sur la combinaison du cannabis et de l'alcool. Ceux qui vivent à Ottawa se rappellent qu'il y a trois ans de cela, il s'est produit un accident très tragique où quatre jeunes gens ont péri. Le père de l'un des jeunes qui est mort fait encore la tournée des écoles ici, dans la région d'Ottawa, pour mettre les jeunes en garde.

Le milieu policier canadien insiste sur le fait qu'il faut une approche intégrée permettant à tous les paliers de gouvernement et à toutes les collectivités d'intervenir.

• 1910

En conclusion, je mentionnerai deux choses. Il ne s'agit pas seulement de faire respecter les lois, il ne s'agit pas seulement d'enfermer les gens dans des cliniques médicales, et ce n'est pas non plus une simple question de ressources. Tous ces éléments sont importants, mais c'est de notre avenir qu'il s'agit. Quel héritage voulons-nous laisser à nos enfants? Voulons-nous leur laisser une société toxicomane, ou voulons-nous leur laisser une société acquise à un mode de vie sain? À mon avis, il appartient sûrement à votre comité de faire ce choix, et il nous tarde de prendre connaissance de vos constatations.

Merci.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Lesser.

Monsieur Toller ou madame Keravel.

M. Ross Toller: Merci beaucoup de nous avoir invités. Désolé, je n'ai pas de diapositives.

La présidente: Mon chiropraticien sera heureux de l'apprendre.

M. Ross Toller: Le 5 avril 2000, le Service correctionnel du Canada a annoncé une initiative à volets multiples visant à s'attaquer aux problèmes de l'utilisation de drogues illicites, notamment, lutter contre l'introduction de drogues dans les établissements fédéraux; réduire la demande de drogues par les délinquants sous responsabilité fédérale; et lutter contre le problème de la toxicomanie chez les délinquants dans les collectivités du Canada.

Le problème de la toxicomanie et de l'alcoolisme chez les délinquants est présent dans tous les services correctionnels du monde. Près de sept délinquants sous responsabilité fédérale sur dix sont évalués, à leur arrivée dans le système correctionnel, comme ayant un problème de toxicomanie ou d'alcoolisme. Environ 60 p. 100 des délinquants déclarent qu'ils étaient sous l'influence de l'alcool ou de drogues au moment de commettre leur crime. Nous savons que leur dépendance aux drogues ne s'arrête pas lorsqu'ils entrent dans nos pénitenciers.

Certaines études montrent que 25 p. 100 des délinquants ont indiqué avoir fait l'objet de pressions pour faire entrer de la drogue en établissement correctionnel. Près d'un tiers des délinquants admettent avoir utilisé des drogues par injection avant leur incarcération, et 11 p. 100 indiquent qu'ils se sont injecté des drogues depuis leur incarcération.

Nos saisies de drogues ressemblent beaucoup à celles dont faisait état l'exposé de M. Lesser. Les saisies effectuées dans nos établissements indiquent que l'alcool, le THC, le benzodiazépine—c'est la famille du valium qui est souvent associée aux types de drogues relaxantes—la cocaïne, diverses drogues sous forme de comprimés—il s'agit souvent d'ecstasy—et les opiacés sont les types de drogues qu'on retrouve le plus souvent. La demande de drogue chez les délinquants menace la sûreté et la sécurité de nos établissements.

Comme vous le savez, l'utilisation ou l'abus de substances est un comportement à haut risque associé à la transmission de maladies infectieuses. Le nombre connu de détenus fédéraux aux prises avec le VIH ou le sida a atteint 200 pour la première fois en avril 1999. Cela représente une augmentation de près de 100 p. 100 depuis 1994, et cette hausse est attribuée principalement à l'augmentation du nombre d'utilisateurs de drogues par injection. Le nombre de détenus souffrant d'hépatite C est évalué à environ 3 000; parmi les utilisateurs de drogues par injection, le taux des cas d'hépatite C peut atteindre 70 p. 100. Vous pouvez donc constater que notre population carcérale pose plusieurs défis.

J'ai mentionné plus tôt l'approche à volets multiples que nous avons adoptée pour relever ces défis et qui touche la réduction de la demande et l'interdiction. En plus de nos fonctions régulières de fouilles, qui comprennent des fouilles routinières et spéciales, des tests d'analyse d'urine, des renseignements de sécurité—auxquels collaborent les forces policières—et des techniques de surveillance, nous avons mis en place des détecteurs ioniques dans tous les établissements cette année. Les détecteurs ioniques nous permettent de détecter les ions—j'imagine que c'est la meilleure description que je peux en donner—sur les personnes qui ont été en contact avec des drogues, mais je vous expliquerai cela plus tard, au moment des questions, j'espère.

De plus, nous avons instauré un programme de chiens détecteurs de drogue qui nous permettra d'avoir un chien détecteur dans chacun de nos établissements d'ici trois ans. À l'heure actuelle, nous avons des chiens détecteurs dans 12 établissements. Les établissements qui n'en ont pas peuvent utiliser les chiens détecteurs des établissements qui en ont et ceux des autres organismes d'application de la loi, par exemple les douanes ou les services policiers.

Nous avons élaboré un concept d'unités de soutien intensif; les délinquants hébergés dans ces unités doivent s'engager par écrit à demeurer sobres. Dans ces unités, il y a davantage de tests d'analyse d'urine, de fouilles et de programmes de soutien. Ces unités existent présentement dans 14 de nos établissements, et l'on prévoit en installer dans tous nos établissements d'ici mars 2002.

Nous offrons une gamme de programmes de toxicomanie conçus en fonction des divers besoins évalués. Le traitement se fonde sur une approche cognitivo-comportementale, et met notamment l'accent sur le développement des compétences et la prévention des rechutes, la réduction des torts, le counselling, et la continuité des soins de l'établissement à la collectivité, ainsi que les interventions dans la collectivité.

• 1915

Dans le but d'accentuer l'approche de réduction des méfaits, nous offrons des programmes éducatifs et du counselling par le biais des centres de santé de nos établissements afin de sensibiliser les délinquants à certains sujets comme le VIH. Nous offrons aux délinquants un programme volontaire de tests de dépistage du VIH de même que les traitements appropriés. Nous mettons de l'eau de javel à la disposition des délinquants, et bien que cette pratique puisse sembler contraire aux pratiques correctionnelles, elle ne l'est pas. Cette pratique contribue à prévenir la propagation des maladies infectieuses.

Nous avons également un programme de méthadone pour les délinquants aux prises avec de graves problèmes de dépendance. Ce programme vise à aider les détenus qui bénéficiaient d'un programme de méthadone dans la collectivité avant leur arrestation, ainsi que les cas exceptionnels de détenus qui en ont absolument besoin pour des raisons de santé.

Nous avons ouvert cette année notre Centre national de recherche en toxicomanie, qui nous aidera à mieux comprendre la nature des dépendances et leur lien avec les activités criminelles, la meilleure façon de traiter les délinquants aux prises avec des problèmes de toxicomanie, et la meilleure façon de prévenir les dépendances à l'alcool ou aux drogues dès le départ. Ces initiatives nous aideront à protéger la santé et la sécurité de tous les Canadiens et Canadiennes.

Nous dépensons environ 200 millions de dollars pour réduire l'offre et la demande de drogues illicites afin de protéger la société canadienne—et je vous demanderais, madame la présidente, de m'accorder quelques minutes à la fin de mon exposé pour vous donner un peu plus de détails sur la manière dont nous sommes parvenus à ce chiffre.

Nous voyons des résultats positifs émerger. En 1999, une évaluation du programme pré-libératoire pour les toxicomanes nous a permis de constater, chez les participants au programme, une réduction de 13 p. 100 du taux de réincarcération, de 29 p. 100 du nombre de délinquants reconnus coupables d'une nouvelle infraction, et de 53 p. 100 du nombre des infractions violentes commises dans l'année suivant la mise en liberté. Une évaluation similaire...

M. Randy White: Puis-je obtenir une clarification? Avez-vous dit que vous dépensez en ce moment 200 millions de dollars rien que pour les drogues...?

M. Ross Toller: Pour notre approche visant à contrer le problème des drogues. Ce que je veux faire à la fin, si on me le permet, c'est vous donner un peu plus de détails sur la manière dont nous sommes parvenus à ce chiffre, parce que cela mérite explication.

M. Randy White: D'accord, merci.

M. Ross Toller: Une évaluation similaire du programme CHOIX a indiqué une réduction de 29 p. 100 du taux global de réincarcération, de 56 p. 100 du taux de nouvelles condamnations, et de 50 p. 100 du taux de réincarcération des toxicomanes endurcis. Le programme de méthadone a aussi été évalué, et l'on a constaté que 16 p. 100 des détenus utilisant la méthadone étaient moins susceptibles de revenir derrière les barreaux. De ceux qui y reviennent, 7 p. 100 sont moins susceptibles d'avoir commis une nouvelle infraction.

En ce qui a trait à l'analyse d'urine, le taux de résultats positifs de l'échantillonnage au hasard est passé de 39 p. 100 à environ 14 p. 100 à la fin de l'année financière 2000-2001. Par ailleurs, il n'y pas lieu de croire que notre programme d'analyse d'urine a incité les détenus à opter pour des drogues dures.

En terminant, nous avons encore beaucoup de pain sur la planche pour régler ce problème de société. Nous continuerons à travailler avec nos partenaires du système de justice pénale, les services correctionnels d'autres administrations tant au Canada qu'au niveau international, le milieu médical et le monde de la recherche, afin de contribuer à l'atteinte de ce but fondamental qui est la sécurité publique pour tous les citoyens canadiens.

Au sujet du budget, si vous le permettez, madame la présidente, il est assez facile de quantifier les crédits budgétaires dans certains cas. Par exemple, si je prends notre programme d'analyse d'urine, nous y consacrons directement trois millions de dollars. Dans le cas des programmes de base pour les toxicomanies, nous investissons huit millions de dollars directement dans cette approche. Pour les autres types de programmes, comme le counselling psychologique, certains programmes pour l'alcoolisme ou de type AA, nous dépensons quatre millions de dollars. Pour le programme de méthadone, c'est 1,5 million de dollars.

Au sujet de ces 200 millions de dollars, étant donné que près d'un détenu sur cinq est incarcéré pour des infractions liées aux drogues, nous prenons simplement notre budget globalement et procédons à une répartition au prorata des crédits. Cela comprend tout, l'habillement, la rémunération des détenus, les activités récréatives, le coût de la sécurité, les programmes de gestion de cas, etc., tout cela dans cette masse budgétaire, sachant que près de 20 p. 100 de notre population est incarcérée pour des infractions liées aux drogues. Nous établissons un prorata sur cette base, et cela consume essentiellement la part du lion de ces 200 millions de dollars.

La présidente: Donc, tous ces autres chiffres sont retranchés, comme ces trois millions de dollars pour l'analyse d'urine, et tout le reste? Oui? D'accord, je crois que je comprends.

M. Ross Toller: Oui.

La présidente: Monsieur White, premier tour.

• 1920

M. Randy White: J'aimerais avoir une semaine pour poser toutes mes questions, madame la présidente, mais ce n'est pas le cas. Je note que M. Lesser regarde du côté de Service correctionnel Canada et se demande comment il se fait que Service correctionnel Canada a 200 millions de dollars, alors que la GRC a quatre millions de dollars et les services de santé 33 millions de dollars.

J'ai des reproches à adresser à Service correctionnel Canada. Service correctionnel Canada fait un travail horrible, et nous allons en reparler. Vos programmes antidrogue ne me plaisent pas beaucoup.

Voici la question que je veux poser à M. Lesser: J'ai fait pas mal de recherches sur des personnes qui ont été reconnues coupables de crimes et d'infractions relatives aux drogues. J'ai fait cette recherche en collaboration avec la police, et nous nous sommes penchés sur environ 180 cas divers faisant intervenir certains individus. Je veux seulement vous lire le cas d'un de ces individus—et je peux vous assurer qu'il y en a beaucoup d'autres qui sont pires que celui-là, et vous le savez sûrement—et je veux que vous me disiez en quoi consiste ici la nature du problème.

Il s'agit d'un individu qui, en 1998, a reçu la visite de la police là où il cultivait de la marijuana. Il a été pris avec de la marijuana pour une valeur de 194 000 $—valeur au détail—, et l'on a saisi pour 6 000 $ de matériel de culture. Il a été reconnu coupable et condamné à six mois de prison.

Cette même personne a été récemment reconnue coupable d'avoir vendu deux livres de cocaïne. En outre, sa carrière criminelle a commencé en août 1977 par une accusation de voies de fait simples; 1978, avoir troublé la paix; 1978, défaut de comparution...et ça continue et ça continue, presque tous les mois il y a quelque chose: recel, possession de stupéfiants, défaut de comparution, stupéfiants, stupéfiants, fraudes, stupéfiants. Dans chaque cas, il est reconnu coupable.

Une voix: [Note de la rédaction: Inaudible]

M. Randy White: Non, on part de 1978 jusqu'à maintenant.

Les sanctions sont une journée de prison, une journée de prison, 300 $ d'amende, 800 $ d'amende, 14 jours, une journée, suspension d'instance, six mois, peine concurrente de trois mois, 21 jours, 1 000 $, quatre mois. Comme beaucoup de criminels, ce gars-là entre et sort essentiellement. Vous voyez à quoi je veux en venir. Et ça continue: possession de stupéfiants, stupéfiants, biens volés, impôt, trafic de stupéfiants, trafic, défaut de comparution. Et ce n'est pas fini: trafic, trafic, trafic, possession, et ainsi de suite.

Nous avons ici un gars—et il y en a beaucoup d'autres comme lui—qui a un casier judiciaire long comme le bras, et au bout du compte, pour la dernière infraction, ce gars-là écope de six mois de prison pour 194 000 $ de marijuana. Vous pouvez m'expliquer cela, vous?

Sdt pal Bob Lesser: J'aimerais bien.

La réponse, c'est que la police doit présenter des preuves solides et s'assurer que la cour comprend bien l'importance de ces infractions. Il appartient à la cour de comprendre cela, de rendre un bon jugement, d'imposer la peine appropriée. Il faut avoir en place des lois appropriées aussi.

Il y a des personnes aujourd'hui qui prennent part à de grandes opérations de blanchiment d'argent, mais étant donné qu'elles n'ont jamais commis d'actes de violence, ou parce qu'elles en sont à leur première infraction, même si elles ont blanchi des millions de dollars provenant de la drogue. Ces personnes sont admissibles à la libération après avoir purgé le sixième de leur peine.

Dans mon exposé, j'ai dit que la solution réside dans l'application des lois et dans tout le système de justice pénale. Nous croyons que, même s'il est toujours bon d'essayer de rééduquer diverses personnes, il y en a qui comprennent très vite comment le système marche. Si nous avons pour but de désorganiser ou de démanteler le crime organisé, il faudra mettre un tas de gens derrière les barreaux et retirer ces personnes du système pendant un bon bout de temps. Malheureusement, nous n'arrivons pas à désorganiser ou à démanteler le crime organisé. Parfois, c'est à peine si nous le dérangeons. Il faut que tous les systèmes soient en place si nous voulons faire ça.

M. Randy White: Je suis d'avis que c'est la raison pour laquelle nous ne voyons plus beaucoup de statistiques sur les condamnations, ou pour laquelle les statistiques relatives à la marijuana semblent être à la baisse. Je pense que c'est parce que des gens comme vous abandonnent. Je le crois sincèrement. Ils voient ce que font les tribunaux et se disent que ça n'en vaut la peine. J'étais avec des policiers qui auraient dû arrêter des gars qui fumaient de la marijuana, mais qui en avaient de fortes quantités sur eux. Les policiers ont seulement dit que ces gars-là seraient remis en liberté dans quelques minutes à peine.

Sdt pal Bob Lesser: Il est clair que les tribunaux envoient un message. Que ce soit leur intention ou non, je crois que cette question s'adresse aux tribunaux.

• 1925

M. Randy White: Je vais lire une déclaration à M. Toller, qui vient d'une personne qui a été interviewée:

    La politique fédérale officielle relativement à la consommation de drogues dans les prisons est la tolérance zéro, mais le médecin de Matsqui nous dit qu'il y a là huit prisonniers sur dix qui sont gelés à l'héroïne en tout temps.

Je le crois. J'habite à côté de Matsqui, et je critique souvent cet établissement. C'est une des pires prisons que j'ai vues pour les drogues. Les prisonniers vont vous le dire, et le personnel aussi.

Comment se peut-il qu'au Canada nous ayons pu nous doter d'une politique de lutte contre le trafic de la drogue dans nos rues et espérer faire quelque chose de bien, alors que les gens qui sont entre quatre murs, entourés de barbelés, de gardes, et tout le bataclan, et qu'on ne peut empêcher la drogue d'entrer dans les prisons, à tel point que les détenus y entrent propres et en sortent accrochés?

M. Ross Toller: Je vais rappeler certains chiffres que j'ai cités plus tôt. Nous avons beaucoup de détenus qui veulent des drogues, qui veulent consommer des drogues, pour diverses raisons. Comme l'a dit M. Lesser dans son exposé, qu'il s'agisse de l'appât du gain, qu'il s'agisse d'avidité, qu'il s'agisse de sensations que l'on recherche, peu importe, ces gens-là vont se donner beaucoup de mal pour faire le trafic de la drogue dans divers secteurs d'activités.

Ces gens ont démontré par le passé qu'ils ne sont pas sociables. Nous avons la part du lion, pour ainsi dire, en fait de captivité, et beaucoup se donnent énormément de mal et ont recours à des méthodes ingénieuses dans toute la mesure du possible. Comme je l'ai dit, nous prenons diverses mesures avec ces approches que nous essayons de mettre en place, qu'il s'agisse des interdictions ou des fouilles, et nous tâchons de faire tout en notre pouvoir pour les stopper. Cela se conjugue à toutes les autres mesures que nous prenons. La vaste majorité réintègre la société, il est donc important que nous prenions toutes les mesures voulues pour prévenir cet état de choses.

La présidente: Merci, monsieur Toller.

[Français]

Monsieur Bigras, sept minutes, s'il vous plaît.

M. Bernard Bigras (Rosemont—Petite-Patrie, BQ): Merci, madame la présidente. J'ai quelques questions à poser.

Tout d'abord, le constat que vous avez fait quant à l'augmentation de la consommation des drogues chez les jeunes est inquiétant. Je pense que le comité devra en tenir compte dans l'approche qu'il lui faudra mettre au point.

Les ressources qui ont été mises à votre disposition pour lutter contre les drogues et le constat que vous avez fait démontrent que, dans une certaine mesure, c'est un échec.

Si j'ai bien compris votre tableau sur la distribution de vos ressources en termes de de répression ou même de prévention, pour la prévention au Québec, il n'y a que quatre personnes, alors que 132 sont affectées au contrôle. Je pense qu'il y a là matière à s'interroger, puisque la stratégie qui a été mise en oeuvre jusqu'à maintenant n'a pas permis de réduire la consommation de drogues, particulièrement chez les jeunes.

Ma question est la suivante. Étant donné qu'il y a eu, à tout le moins, augmentation de la consommation de drogues chez les jeunes, sinon échec, estimez-vous qu'une approche axée sur l'offre plutôt que sur la demande n'est peut-être pas l'approche à privilégier?

Je sais qu'il y a eu des réductions de ressources, et vous avez tout à fait raison de dire qu'il faut augmenter les ressources, mais est-ce qu'on ne doit pas réallouer nos ressources de manière, non pas nécessairement à réduire l'offre, mais plutôt à agir au niveau de la prévention?

L'exemple du Service correctionnel est un bon exemple. Dans un microcosme, un petit environnement où on contrôle les quatre murs, on n'est pas en mesure de diminuer l'offre de drogues aux prisonniers. Donc, il y a un problème. Si, à l'intérieur d'un microcosme comme celui-là, dans un environnement comme celui-là, on n'est pas capable de réduire l'offre, comment peut-on réussir à réduire l'offre sur un territoire?

Est-ce qu'il ne faudrait pas changer notre approche? Bien sûr, il faut augmenter les ressources, mais il faut aussi agir au niveau de la prévention. Votre exemple est intéressant. Au Service correctionnel, par des programmes de prévention, vous avez réussi à réduire la consommation. N'est-ce pas l'approche à privilégier?

La présidente: Monsieur Toller.

[Traduction]

M. Ross Toller: Je vais peut-être essayer de répondre le premier.

• 1930

Je crois fermement dans la notion de prévention. J'ai parlé un peu plus tôt du genre de clientèle que nous recevons. Souvent, ils ont un passé de toxicomane horriblement chargé. Dans le cours de leur vie, nombreux sont ceux que l'État a dû prendre en charge dans divers secteurs, que ce soit à l'école, au foyer, à la Société de l'aide à l'enfance, en foyer de groupe ou dans le système provincial. La question est extrêmement complexe, mais je crois sincèrement qu'un minimum de prévention qui permet de réduire la demande vaut largement l'investissement que l'on fait en dollars, temps, énergie ou efforts.

Comme l'a dit M. Lesser au sujet de la participation de la GRC, nous avons aussi du personnel—et dans certains cas, nous avons fait appel à des détenus—qui vont dans les écoles et les services communautaires pour parler du fléau de la drogue et des choses qui se passent dans les prisons. Il y a un travail de prévention à faire dans divers secteurs et compétences.

J'espère qu'on ne s'arrêtera pas trop longtemps à la comparaison des montants que j'ai cités par rapport à ce qui a été dit plus tôt. C'est largement parce que, comme je l'ai dit, j'ai pris tout le budget de Service correctionnel Canada, sachant qu'une partie de notre population carcérale est en prison pour des affaires de drogues. Une «partie» de tout notre personnel se consacre donc à cette question. Et j'imagine que, si l'on faisait les mêmes comparaisons avec d'autres ministères, vous aboutiriez à des chiffres plus élevés.

Donc, oui, je crois que la prévention est une très bonne chose. Je crois sincèrement que bon nombre des programmes que nous mettons en place sont de nature très préventive. En fait, ils sont tous de nature préventive, sachant que la vaste majorité des détenus vont réintégrer la société, comme je l'ai dit plus tôt. Les programmes que nous offrons nous permettront de réduire la demande, et cela contribue donc au bien-être de la société.

[Français]

La présidente: Merci beaucoup. Ce n'est pas M. Lesser, n'est-ce pas? Est-ce officier Lesser?

Sdt pal Bob Lesser: C'est ce que vous voulez.

[Traduction]

La présidente: Le surintendant principal Lesser.

Sdt pal Bob Lesser: Peu importe. J'ai entendu pire.

Puis-je répondre très rapidement à cela? À Vancouver, qui est à mon avis une des scènes au Canada où les drogues sont les plus visibles—ce n'est pas un reproche que je fais à la ville en particulier, mais il se trouve simplement que c'est le cas; d'autres villes ont des secteurs plus petits et d'autres zones où il y a des drogues mais où on les cache—et on a mis là-bas en place un plan d'action stratégique qui mentionne quatre piliers: prévention, application de la loi, traitements et réduction des méfaits. Santé Canada parle de ces mêmes piliers.

Quand on parle d'équilibre, il ne faut jamais parler de l'application de la loi par rapport à la réduction de la demande. C'est une approche intégrée qu'il faut. Il faut que tous les gouvernements, écoles et services communautaires prennent part à cela. À mon avis, l'un des plus gros problèmes tient au fait qu'on a confié cette mission à certains groupes, et tout le monde se dit alors que ce n'est pas leur problème puisque quelqu'un d'autre s'en occupe. Au bout du compte, c'est le message qu'on envoie constamment à nos jeunes et aux parents.

Voyez certaines de ces personnes qui vivent en ce moment dans l'assuétude. Quelle chance ont leurs enfants d'avoir une vie saine, normale? On peut en débattre, mais moi, je n'ai pas grand espoir pour eux.

Il faut cibler. La consommation de la drogue n'est qu'un symptôme. C'est un symptôme de phénomènes beaucoup plus grands. C'est un symptôme d'analphabétisme. C'est un symptôme de manque d'instruction. C'est un symptôme de familles dysfonctionnelles. Vous le savez mieux que moi. Il faut trouver un remède à ces problèmes aussi. Il n'y a pas de solution rapide ici—et la solution policière n'a jamais été conçue comme étant la seule solution, ce n'est que l'une d'entre elles—ou s'attaquer seulement aux drogues ne remédiera jamais aux causes fondamentales de ce que nous voyons au Canada. Je pense que c'est une intervention tous azimuts qu'il faut.

[Français]

M. Bernard Bigras: Je ne suis pas intervenu pendant les interventions de nos témoins.

Ce qui me frappe, c'est le nombre de saisies d'ecstasy qu'il y a eu au Québec et même dans la ville de Brossard. Je voudrais savoir ce qui explique cela.

M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): Ce n'est pas ma faute. Ne me regardez pas comme cela.

Des voix: Ah, ah!

M. Bernard Bigras: Comment expliquez-vous le nombre de comprimés saisis au Québec, plus particulièrement à Montréal? Est-ce parce que la demande est plus forte à Montréal? Est-ce parce que Montréal est une porte d'entrée?

Mme Julie Keravel (directrice, Renseignements de sécurité et de la gestion des urgences, Service correctionnel du Canada): C'est le port de Montréal.

• 1935

M. Bernard Bigras: Pourquoi pas ailleurs?

Mme Julie Keravel: Montréal est un gros port d'entrée.

[Traduction]

Sdt pal Bob Lesser: Le problème, c'est que ça vient d'Europe, une grande partie nous est envoyée de Belgique en passant par l'Allemagne, donc le port d'entrée le plus facile est Montréal. Il y a là aussi un gros marché, mais il se trouve sur le littoral atlantique, qui est le plus près de la source d'approvisionnement.

La présidente: Avant de céder la parole à M. Saada, j'aimerais savoir pourquoi cela vient d'Israël et de Hollande en particulier? Est-ce qu'il y a là-bas un produit chimique quelconque que l'on trouve plus aisément?

Sdt pal Bob Lesser: Ils l'ont mis au point là-bas, et les grands laboratoires de stupéfiants sont encore là. Jusqu'à présent, au Canada, on reçoit surtout les comprimés ou alors la poudre dont on fait des comprimés. On ne fait pas ces choses ici au Canada, où nous avons pourtant maîtrisé ces méthodes. Pourquoi? Diverses personnes vous le diront, c'est tout simplement parce que les drogues circulent librement en Hollande pour commencer, et que c'est la solution la plus facile.

L'ecstasy est très populaire parce qu'elle combine deux choses: les amphétamines, qui sont une sorte de stimulants, et les hallucinogènes, donc on trouve son LSD et son stimulant dans le même comprimé. Parce que tout cela a commencé dans les boîtes de nuit, c'est devenu très à la mode. On ne considère pas que c'est aussi dangereux parce que ça ressemble presque à un médicament. Vous avalez seulement un comprimé. C'est comme à la télévision: si vous avez un problème, vous prenez un comprimé, et le problème s'en va. Cela fait simplement partie de toute cette attitude générale que nous avons dans le monde, j'imagine, mais chose certaine en Amérique du Nord. Cela s'est seulement répandu très rapidement.

La présidente: D'accord, merci.

Monsieur Saada.

[Français]

M. Jacques Saada: J'ai beaucoup de questions. Je vais essayer de me limiter à deux ou trois pour commencer. On pourrait passer trois jours juste à poser des questions là-dessus.

D'abord, pour que je comprenne bien, pouvez-vous me dire si la responsabilité en matière de prévention repose bien entre les mains de la police de compétence,

[Traduction]

la police de compétence?

Sdt pal Bob Lesser: Que ce soit le cas ou non, c'est discutable. Nous sommes présents maintenant parce qu'il y a un vide. Je pense qu'une bonne part de la recherche le démontre, à savoir que s'il y a intervention auprès des jeunes avant qu'ils ne soient en âge de consommer de la drogue, la contribution de la police, ainsi que des autres services communautaires, est valable.

La police a plus de difficulté lorsqu'elle fait affaire avec des groupes dont certains éléments consomment déjà des drogues. On passe alors à certains messages visant à réduire les méfaits que la police ne peut pas vraiment transmettre. Je suis comme ça, moi aussi, si je parle à ma fille et que je veux lui dire—je suis un peu vieux jeu ici—qu'elle ne devrait pas avoir de rapports sexuels avant d'être mariée. Et alors, si elle a quand même des rapports sexuels, je tiens aussi à ce qu'elle sache qu'elle a certaines précautions à prendre. Mais comme père, il m'est difficile de lui envoyer ces deux messages.

M. Jacques Saada: Excusez-moi, permettez-moi de répéter ma question pour bien nous comprendre. Je comprends ce que vous dites, mais je ne crois pas que c'est la réponse que j'attendais.

Sdt pal Bob Lesser: Ce n'était pas votre question.

M. Jacques Saada: En Ontario et au Québec, la police provinciale est chargée du maintien de l'ordre. Dans d'autres provinces, comme le Nouveau-Brunswick ou la Colombie-Britannique, les services de la GRC sont retenus en vertu d'un contrat. Voici ma question: Ai-je raison de penser que la responsabilité de la prévention au sein de la police est assumée essentiellement par la police compétente? Autrement dit, elle est assumée par la Sûreté du Québec au Québec, par...

Sdt pal Bob Lesser: Oui.

M. Jacques Saada: Très bien.

Quand on compare les efforts de prévention et de sensibilisation—et nous n'avons pas besoin de chiffres parce que nous croyons tous que c'est la chose à faire, même s'il peut être très difficile de mesurer objectivement l'effet de telles mesures—, est-ce qu'on peut avoir une idée des montants qui sont investis dans les provinces qui ont leur propre police, comparativement à ce qui se fait dans les provinces où la GRC est la police compétente?

Sdt pal Bob Lesser: Je n'ai pas leurs chiffres, et la seule chose que nous retenons vraiment, ce sont les heures que nos membres consacrent à cela.

M. Jacques Saada: Je vais vous dire pourquoi je pose cette question. Voici à quoi je veux en venir.

Nous avons les chiffres, qui sont alarmants, mais nous avons du mal à savoir qui fait quoi, qui obtient des résultats satisfaisants et qui n'en obtient pas. Je ne veux pas blâmer qui que ce soit ici, j'essaie seulement de...parce que les programmes ne sont pas tous pareils. Vous dites qu'il est très difficile d'y voir clair, mais nous mettons tout cela dans les statistiques nationales.

Sdt pal Bob Lesser: La prévention?

M. Jacques Saada: Les résultats—quand vous portez des accusations et le reste. Ai-je raison d'être très prudent dans l'interprétation qu'il faut donner à ces chiffres pour ce qui est du lien direct entre les efforts que font toutes les polices et l'augmentation ou la diminution du nombre d'accusations, du nombre de saisies et ainsi de suite?

• 1940

Sdt pal Bob Lesser: Non, il n'y a pas vraiment de rapport. Premièrement, on aimerait porter accusation moins souvent dans de nombreux cas parce que nous nous attaquons aux grands trafiquants et nous n'écumons plus les rues comme on le faisait dans les années 70 et au début des années 80. Dans le temps, on mettait la main au collet de centaines de petits trafiquants, littéralement, mois après mois, alors qu'aujourd'hui la police n'arrête qu'une ou deux personnes, parce qu'OMERTA, à Toronto, vient de se lancer à la poursuite d'une grande antenne du crime organisé sicilien qui ne compte qu'un petit nombre de gens. Si nous avions suivi ces drogues jusque dans les rues, on aurait arrêté des milliers de personnes. Donc le nombre d'accusations devrait vraiment baisser, selon le niveau où la police travaille, si vous ne vous en tenez qu'au niveau fédéral.

Les quantités saisies pourraient ou bien augmenter de beaucoup—comme on l'a vu pour le haschich, où il y a des saisies multiples ou...par exemple, Maurice «Mom» Boucher ne touche pas souvent aux drogues. Vous allez pincer «Mom» Boucher pour un complot de meurtre, mais vous ne le pincerez jamais pour possession de drogue, donc il n'y aura jamais d'accusation relative aux drogues dans son cas.

C'est donc très hasardeux. Il y a beaucoup trop d'incertitude ici pour combiner tous ces chiffres.

M. Jacques Saada: Très bien. Je comprends.

J'ai une question qui a trait à la proportionnalité—faute d'un meilleur terme—entre le financement et ce qui arrive en bout de ligne. Si je me souviens bien—et nous pourrions peut-être revenir à la diapositive, si besoin est—en 1993, vos services ont touché le financement le plus élevé, mais le nombre d'accusations pour 1993 et 2000 est à peu près le même. Je comprends que vous portez accusation moins souvent pour possession simple et plus souvent pour trafic. Surtout si je tiens compte du fait que vous venez de mentionner, à savoir qu'il faut trois ou quatre ans pour...mais je ne vois pas de lien direct entre le niveau du financement et le nombre de saisies ou d'accusations ou quoi que ce soit d'autres. Ici encore, pourriez-vous m'expliquer comment vous établissez ce lien, si ce lien doit être fait?

Sdt pal Bob Lesser: Ce sont d'excellentes questions que nous nous sommes posées nous-mêmes. Nous avons essayé de prouver l'efficacité de diverses mesures, mais la scène change sans cesse. À l'heure actuelle, il nous en coûte littéralement des millions de dollars pour faire aboutir un dossier devant les tribunaux, rien que pour la divulgation de la preuve. Nous soumettons littéralement des millions de documents à la défense. Dans certains cas, nous avons eu des complots où il fallait traduire en justice 30 ou 31 personnes, donc nous repensons sûrement nos façons de faire ici.

Les coûts sont simplement phénoménaux. Si vous menez une enquête qui prend deux ou trois ans, et que vous mettez sur écoute électronique 80 téléphones différents, et que vous faites de la surveillance partout, il vous en coûte des millions et des millions de dollars. Dans un autre cas, l'affaire pourrait être tout aussi importante, mais il se peut que vous trouviez un informateur que vous pourrez utiliser, et que vous devrez protéger dans le cadre du Programme de protection et de réinstallation des témoins. Pour peut-être 100 000 $, vous pourrez faire condamner quelqu'un avec ça. Les situations étant tellement diverses, il est très difficile de faire ces comparaisons. Certains cas débouchent très rapidement, alors que d'autres n'aboutissent jamais même si vous consacrez des centaines de milliers de dollars à la surveillance, à l'écoute électronique et au recrutement d'informateurs. Parfois, tout cela avorte tout simplement.

C'est donc comme une entreprise, mais nous n'avons pas vraiment trouvé un bon moyen de comparer cela à d'autres entreprises. Chose certaine, le Conseil du Trésor, avec ses exigences, veut que l'on mesure le rendement. Les normes de mesures de rendement que nous avons mises au point sont d'un caractère plus général.

M. Jacques Saada: Madame la présidente...

La présidente: Comme vous voudrez.

M. Jacques Saada: Ou Big Paddy? Allez-vous m'arrêter lorsque mon temps de parole sera écoulé? J'ai encore quelques questions, d'accord?

La présidente: Je vais inscrire votre nom pour le prochain tour puisque vos sept minutes sont écoulées.

M. Jacques Saada: Très bien, pas de problème.

La présidente: Merci.

Monsieur Sorenson, à vous.

M. Kevin Sorenson (Crowfoot, AC): J'ai beaucoup aimé la discussion que nous avons eue ce soir. C'était très instructif. J'ai appris beaucoup, peut-être parce que je ne connaissais pas bien au départ le dossier des drogues. J'ai écouté quelques rapports, et celui-là, pour moi, était excellent.

Dans ma circonscription, j'ai neuf détachements de la GRC, je crois. C'est une circonscription essentiellement agricole où la consommation de drogues n'a jamais été très répandue. Je suis peut- être naïf, mais historiquement, traditionnellement, on n'a pas vu beaucoup de drogues chez nous.

• 1945

Cela dit, cependant, l'un des secteurs, l'une des localités de ma circonscription ne pouvait pas obtenir davantage de gendarmes. On avait pourtant prouvé que la consommation de drogues était vraiment à la hausse dans cette localité. La GRC avait donc besoin d'un autre gendarme, elle avait besoin de renfort. Elle n'a pas pu les obtenir, donc ce qui s'est passé essentiellement dans cette localité, c'est que le directeur de l'école secondaire a puisé dans son propre budget lorsqu'il a vu le problème émerger dans cette localité rurale. Il a dit qu'il fallait ajouter un autre gendarme dans sa petite localité parce que la consommation de drogues augmentait tellement.

Nous regardons les statistiques de la GRC concernant les réductions budgétaires—2 200 personnes et 175 millions de dollars de moins—et nous avons beau parler de la guerre contre la drogue, mais en réalité, les soldats ont de moins en moins de moyens. Dans d'autres corps policiers, lorsque vous parlez aux gens qui sont en première ligne et qu'ils vous disent qu'ils connaissent quelqu'un qui en cultive ou qui en vend aux jeunes, ils ajoutent qu'ils ne parviennent pas à continuer la lutte parce qu'ils sont trop peu nombreux.

L'un des éléments que vous avez mentionnés est qu'il y a énormément de choses qui, nous le savons, ont contribué à faire augmenter la consommation de drogues. J'imagine qu'il s'agit de symptômes, mais vous avez parlé d'analphabétisme, des familles dysfonctionnelles et de la pauvreté. Ce sont là trois facteurs, mais n'est-il pas vrai que l'augmentation de la consommation de drogues touche tous les secteurs, même la classe moyenne et les familles aisées? L'utilisation de la drogue est un phénomène en expansion, nous le constatons partout, et peut-être le phénomène est-il encore plus marqué chez les enfants issus de la classe moyenne et des classes riches.

Nous avons entendu cet après-midi la personne qui, au Canada, a la responsabilité de la stratégie antidrogue, et qui nous a dit qu'il était absolument impossible de dire si cette stratégie était gagnante pour nous. Pourtant, lorsque je parle aux gens de la GRC, lorsque je parle aux agents en première ligne, tous me disent que nous sommes en train de perdre la guerre. Voilà donc ma première observation. Où en sommes-nous?

Et je voudrais également poser une autre toute petite question.

La présidente: Peut-être pourriez-vous la garder pour un tour suivant, étant donné que vous avez déjà utilisé trois minutes et demie.

M. Kevin Sorenson: Je vais la poser tout de suite très rapidement.

S'agissant des prisons et du système correctionnel, j'ai un établissement carcéral dans ma circonscription. J'ai constaté exactement la même chose que M. White. On y enferme des gens qui ont été condamnés pour cambriolage mais qui n'ont jamais touché à la drogue. Il y a parmi les détenus des gens qui n'ont jamais touché à la drogue, et pourtant lorsqu'ils sortent de prison, ce sont des drogués. J'aimerais poser une question sur le programme de substitution par la méthadone et sur les autres drogues. J'ai vu des gens redescendre après une prise. J'ai parlé à des gens qui étaient incontestablement en phase de sevrage et qui, pourtant, planaient toujours.

La présidente: Votre question, je vous prie.

M. Kevin Sorenson: Parmi toutes les drogues qu'on trouve dans les prisons, y en a-t-il qu'on fasse venir pour amoindrir les effets qu'on ressent lorsqu'on voit quelqu'un connaître les affres d'un sevrage?

La présidente: Je vous remercie.

M. Ross Toller: Oui, et la méthadone est certainement un excellent exemple. Lorsqu'on reçoit un condamné qui, au moment de son arrestation, était déjà drogué, nous lui offrons un programme de substitution par la méthadone s'il continue à manifester certains symptômes de dépendance. Par ailleurs, chaque région a un centre psychiatrique qui accueille les détenus en état de surdose et chez qui la drogue a provoqué une psychose. Ce programme s'applique aux cas de ce genre.

Sdt pal Bob Lesser: Puis-je ajouter rapidement quelque chose à ce que vous venez de dire?

Lorsque j'ai dit que certaines personnes venant de familles dysfonctionnelles souffraient de toxicomanie, je ne voulais pas du tout parler des familles pauvres. On trouve cela également à Rockcliffe, même si l'analphabétisme n'y est pas fréquent.

Mais vous avez raison. La fin de semaine passée, j'étais dans le quartier est du centre de Vancouver et je déambulais avec deux drogués. Ces deux drogués dirigent le réseau VANDU, le Vancouver Area Network of Drug Users. L'un des deux a un diplôme universitaire, il est très intelligent et il s'exprime très clairement lorsqu'il est sobre. Nous avons observé pendant quelques instants un de ces drogués, un ancien joueur de baseball de Burnaby. Il était assis là et il se piquait devant son écran de télévision, et il était sur une tout autre planète. Il y en avait un autre, un fanatique de la cocaïne. Il était auparavant... [Note de la rédaction: difficultés techniques]...magasin dans le quartier chinois, et maintenant, il est gelé en permanence. Alors oui, la drogue frappe tous les milieux, et elle ne s'attaque pas uniquement aux pauvres.

• 1950

Pour ce qui est de perdre la guerre contre la drogue, encore une fois, il faut absolument adopter une approche intégrée. Personne ne niera qu'il faut davantage de ressources dans tous les domaines. Je pense que nous pouvons être beaucoup plus malins, et peut-être beaucoup mieux coordonnés dans nos actions. Je pense qu'en réalité, nous évitons de faire la guerre. Si nous voulons être réalistes, dans tous ces détachements mais probablement aussi au plan national, nous serions bien en peine de tendre une embuscade, et encore plus de partir en guerre. Il faut également la participation de toute la collectivité. Il faudrait que le directeur d'école ajoute cela à son programme et parle de prévention, qu'il fasse venir un pharmacien pour en parler ou une infirmière, ou quelqu'un qui fait de la formation professionnelle, si vous voyez ce que je veux dire. Il faut faire quelque chose pour mettre en branle la collectivité, pour que tous les pouvoirs publics fassent quelque chose. Certains d'entre eux le font déjà, mais en règle générale, c'est plutôt le contraire.

Vous avez également dit que certaines provinces ou certaines régions étaient un peu pauvres en effectifs dédiés à la lutte contre la drogue. Hormis le Québec et l'Ontario, les provinces n'ont pas vraiment attribué beaucoup de ressources provinciales ou municipales. Pour l'essentiel, elles se sont surtout reposées sur la GRC, même s'il y a des exceptions dans certaines des grandes villes. Cela change un peu en Colombie-Britannique, mais si vous prenez le nombre de policiers provinciaux et municipaux que le Québec et l'Ontario affectent à la lutte contre la drogue, vous constatez que ces chiffres sont bien plus élevés que dans les autres provinces.

La présidente: Je vous remercie beaucoup.

[Français]

Madame Allard.

Mme Carole-Marie Allard (Laval-Est, Lib.): Merci d'être ici ce soir.

Je voudrais vous amener dans un domaine dont on n'a pas encore parlé, celui des sentences qui sont imposées aux trafiquants.

Parmi vos rangs, a-t-on le sentiment que les sentences qu'on donne aux trafiquants de drogues sont trop clémentes compte tenu du temps?

J'ai lu le livre Blood Lines récemment et j'ai vu à quel point il était difficile de faire une enquête de drogue, surtout lorsque j'ai lu par la suite que l'un des principaux trafiquants arrêtés se promenait allègrement dans d'autres pays pendant qu'il était en liberté surveillée.

Cela fait peur et cela fait perdre confiance dans le système.

[Traduction]

Après tout, ces gens tuent nos enfants. J'aimerais donc savoir s'il y a un sentiment général à ce sujet parmi vos troupes? Que pensez-vous des peines?

Sdt pal Bob Lesser: C'est une de ces questions insidieuses, n'est-ce pas?

Pour commencer, il est clair que le rapport des Nations Unies a très vivement critiqué le régime des peines au Canada. L'Organisation des États américains a tout aussi vertement critiqué le régime des peines au Canada, surtout en ce qui concerne la marijuana et surtout dans l'Ouest.

Il y a manifestement, selon la région du Canada où l'on se trouve, des différences entre les peines qui sont prononcées. Dans un cas d'espèce, nous avions remis au procureur général de la Colombie-Britannique un enregistrement fait par table d'écoute où l'on entendait très clairement les cibles affirmer qu'ils préféraient de loin se faire prendre au Canada parce que le système judiciaire y est beaucoup plus laxiste.

Certes, personne n'aime montrer un élément du doigt en oubliant le reste. Je pense que c'est un processus d'ensemble et que tout le monde doit embarquer et bien ouvrir les yeux sur le problème. J'ai parlé de la police et de la justice, mais il y a également un problème au niveau des lois. Je pense que tout doit être coordonné si nous voulons être efficaces.

Mme Carole-Marie Allard: Peut-être, mais quel est votre avis personnel sur la situation actuelle?

Sdt pal Bob Lesser: Bon, combien d'années me reste-t-il?

Des voix: Oh, oh!

Sdt pal Bob Lesser: Il y a beaucoup de points sur lesquels, c'est évident, je ne suis pas d'accord. Si nous avons pour objectif—et c'est ce qu'on trouve dans bons nombres d'accords du Conseil du Trésor—de perturber ou de démanteler le crime organisé, il est certain que nous devons mettre ces gens-là à l'ombre pendant une période suffisamment longue. Retirer quelqu'un du circuit pendant quelques mois ne suffit pas.

Mme Carole-Marie Allard: J'ai lu que, en règle générale, les trafiquants se tiennent très tranquilles lorsqu'ils sont en prison afin de pouvoir en sortir plus rapidement. Ce sont des gens très bien, mais, semble-t-il, ils récidivent toujours et n'abandonnent jamais vraiment le métier.

Sdt pal Bob Lesser: Vous savez, cela rapporte gros. À part le fait qu'ils vendent de la drogue, souvent ils sont très gentils, je l'ai moi-même constaté. En règle générale, ils sont plutôt intelligents. Lorsque vous leur parlez, vous vous demandez pourquoi ils se livrent à ce genre d'activité parce qu'ils pourraient fort bien réussir dans la vie avec un boulot légitime. Mais comme le disait Ross, c'est soit une question d'adrénaline, le groupe dont ils font partie, je ne sais pas, moi, mais il se fait qu'il y a des gens dont le style de vie ne cadre pas du tout avec ce que réclame la loi.

• 1955

[Français]

Mme Carole-Marie Allard: Sentez-vous que partout dans le monde, on repoche au Canada d'imposer des sentences trop clémentes?

Sdt pal Bob Lesser: Oui. [Note de la rédaction: difficultés techniques] ...à chaque mois qui donnent des histoires.

Mme Carole-Marie Allard: Quand j'étais au tribunal et que je voyais qu'on disait à des jeunes de ne pas consommer de la drogue, je me demandais toujours ce qu'on faisait de ceux qui leur vendent de la drogue.

Sdt pal Bob Lesser: C'est ça.

Mme Carole-Marie Allard: On les laisse dans la rue.

Sdt pal Bob Lesser: C'est un travail difficile.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Saada, vous vouliez la dernière minute de ce tour de questions.

M. Jacques Saada: En effet, et je voulais précisément parler de cela.

[Français]

On a déposé un projet de loi sur le crime organisé qui prévoit parfois des mesures assez sèches. J'espère qu'elles sont assez sèches. En particulier, il y a la non-accessibilité à ce qu'on appelle la libération d'office au sixième de la peine. En fait, je ne me souviens plus comment on appelle cela, mais il s'agit du truc auquel on peut avoir recours au sixième de la peine: c'est l'accelerated parole review. On prévoit aussi des sentences plus longues et plus lourdes pour des gens qui sont liés au crime organisé, qu'ils aient participé ou non aux infractions.

Il y a toute une batterie de mesures dans ce projet de loi, qui me semble viser ce que vous déplorez. Mais il y a un problème que cela ne réglera pas. C'est que le Code criminel tel qu'il existe actuellement n'est pas appliqué dans sa pleine mesure. Je ne parle même pas du système carcéral et de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition; je parle vraiment du Code criminel. Les sentences prévues pour les infractions qui nous concernent ne sont déjà pas appliquées d'une façon très pleine. Ce sont les juges qui déterminent ces sentences-là. La police fait un travail énorme et investit beaucoup de temps. Elle fait un très bon boulot. Elle monte son dossier à coup de gros investissements et de ressources et quand elle arrive devant le juge, il arrive fréquemment que la peine semble être relativement minime par rapport à l'effort qui a été fait pour coincer ces gens-là.

On est dans une démocratie. Il est très difficile pour des législateurs de forcer le juge à appliquer les sentences telles qu'elles peuvent être prévues dans le Code criminel. Qu'est-ce que vous suggérez? Comment suggérez-vous qu'on s'y prenne?

[Traduction]

Sdt pal Bob Lesser: Il est évident que nous devons préserver le pouvoir discrétionnaire et l'indépendance du système judiciaire parce que c'est précisément un des fondements du Canada. Par contre, il y a eu des entretiens au cours desquels nous avons expliqué à certains membres de la magistrature quelles sont nos stratégies lorsque nous faisons respecter la loi. Laissez-moi simplement vous donner l'exemple le plus récent, celui de Vancouver, et, pour faciliter encore les choses, l'exemple du quartier est du centre ville.

À Vancouver, nos forces s'en prennent aux véritables trafiquants, par opposition aux drogués qui vendent un peu pour se payer leur morceau de crack. C'est donc un ciblage très précis. Ces gens sont traduits devant les tribunaux spécialisés et on leur impose des thérapies pour voir si celles-ci fonctionnent.

Nous avons bien entendu aussi eu des entretiens avec des gens du ministère public. Là aussi, l'argent manque. Lorsque nous parvenons devant les tribunaux, il y a souvent un ou deux procureurs de la Couronne face à 32 avocats de la défense, de sorte qu'ils sont inondés de requêtes.

Comme nous avons pu le constater dans l'affaire «Mom» Boucher, la défense a prétendu, par voie de requêtes, qu'il était en train de perdre la tête et ils ont donc dû consentir à ce qu'on lui donne des distractions. Peu de temps après la grosse affaire à Edmonton, tout d'un coup, la défense a soutenu que l'accusé était en train de devenir fou parce qu'il avait été emprisonné trop longtemps.

Les avocats de la défense—il faut leur rendre justice—ont un excellent système, et il faut donc aider les juges en leur présentant des témoins experts et en essayant de démêler tout cela. Je pense également qu'il ne serait pas inutile de parler, notamment, au moment de la présentation de la preuve, de la gravité et de l'envergure du crime organisé, sans se limiter uniquement à l'affaire entendue. Je sais qu'il y a eu des conversations dans ce sens et que les juges ont apprécié de pouvoir apprendre ce genre de choses, étant donné que cela sort un peu de leur domaine. Les gens qu'ils sont appelés à entendre leur livre une perspective très intéressante des choses, sous l'angle à la fois de l'accusation et de la défense. Je pense donc que le dialogue est essentiel.

• 2000

Comme vous l'avez dit, certaines de ces lois ne sont pas mauvaises. La majorité de nos lois sont relativement bonnes. Il va y avoir des changements. Nous allons bien voir ce que donnera le projet de loi C-24 lorsqu'il sera adopté, mais il y a énormément d'éléments qui sont déjà excellents. C'est l'ensemble du système, le fait de se préparer, mais aussi de connaître l'impact produit, qu'on pourrait à mon avis leur faire valoir.

Je dirais aussi que, dans ces milieux-là, on s'interroge sérieusement—et vous en avez vous-mêmes parlé—sur l'efficacité des activités de répression et on se demande si les forces de l'ordre vont finir par avoir le dessus. Vous savez, nous n'aurons jamais le dessus. Lorsque nous nous sommes attaqués à l'ivresse au volant, il est certain que la répression a joué un rôle, mais en fin de compte, ce qui a fait la différence, c'est l'évolution des attitudes sociales. Si nous voulons nous attaquer au problème de la drogue, il faut que la société toute entière change d'attitude à l'endroit de ceux qui veulent consommer. Ensuite, il faut également qu'il y ait un volet répression, c'est-à-dire l'intervention des corps policiers et un régime de sanctions pour ceux qui contreviennent à la loi. Mais pour arriver à des résultats, il est évident qu'il faut que toute une série d'éléments différents agissent de concert.

M. Ross Toller: Je voudrais simplement ajouter mon point de vue à cette réponse, en l'occurrence vous parler du lien entre les différents pouvoirs publics du point de vue de l'échange d'informations. Nous faisons déjà beaucoup dans ce sens, mais je pense que nous pourrions encore faire mieux et je crois que plusieurs initiatives sont déjà en cours. Ce que nous avons nous est indispensable pour les corps policiers, ce que les corps policiers ont est indispensable à ce que nous faisons et d'autres aussi. Cela, en fin de compte, revient à ce tableau plus général dont vous parliez je crois.

La présidente: La parole est à M. White.

M. Randy White: Je vous remercie. J'ai deux questions à vous poser. Connaissez-vous tous deux la stratégie antidrogue du Canada? Pensez-vous qu'elle produise des résultats?

Sdt pal Bob Lesser: Je pense que c'est une question piège.

La présidente: Elles sont familières.

M. Randy White: Non, en fonction de ce qu'ils ont déclaré...

Sdt pal Bob Lesser: Je pense que ce document est valable et que ce qu'il contient est excellent. Comme le dit la résolution de l'ACCP, il faut passer aux actes. Je pense que la dernière stratégie qui avait été financée par le Trésor public remonte à 1995. Je pense donc que ce n'est pas un mauvais document, que c'est un bon point de départ. Mais nous devons passer aux actes et faire quelque chose. C'est bien beau d'avoir des textes, mais il en faut davantage.

M. Ross Toller: Personnellement, j'ai l'intime conviction que ce qu'il faut, c'est une approche tous azimuts. Pas simplement un seul secteur d'intervention. Le problème est extrêmement complexe, vous vous en rendez compte, ne serait-ce que parce qu'il touche toutes les couches de la société, depuis la classe moyenne jusqu'aux pauvres.

Je pense que la stratégie a mis le doigt sur l'élément principal, à savoir comment faire la guerre à la drogue, du moins c'est mon avis. Elle présente une approche ciblée et multidimensionnelle. À mon avis, nous ne devrions jamais nous écarter de cette perspective très particulière de nos actions et continuer à partir de là. Voyez ce qu'on commence à découvrir grâce aux recherches. Toute l'idée, c'est de trouver quelque chose, n'importe quoi, qui nous permette de progresser. Je pense donc que c'est à partir de là qu'on va pouvoir avancer.

M. Randy White: [Note de la rédaction: difficultés techniques]...villes et localités un peu partout au Canada, depuis Sydney en Nouvelle-Écosse, où nous sommes, jusqu'à Vancouver. Non seulement ce document était inconnu de toutes les organisations auxquelles je l'ai montré, mais celles-ci m'ont simplement dit: «Vous savez, la rue, c'est ici; Ottawa, c'est ailleurs».

Je voudrais vous poser à tous deux une autre question. Il nous appartient de formuler des recommandations à la Chambre des communes dans un domaine qui n'a, jusqu'à présent, quasiment pas été étudié par un comité du Parlement. Même la Commission Le Dain nous parlait somme toute que du cannabis, alors que nous, nous parlons de toutes sortes de drogues.

Alors je vais vous soumettre un concept, mais je vous demanderais de ne pas paniquer en m'écoutant. Pourquoi ne pas vider une prison existante, la transformer en centre de désintoxication et y mettre par exemple des drogués qui ont déjà été condamnés trois fois, je dis ça comme cela, en faisant en sorte que leur condamnation exige leur détention dans un centre de désintoxication? En d'autres termes, on pourrait ainsi vider les rues et réunir ces gens au même endroit, de force, et les désintoxiquer pendant une période allant de 18 mois à trois ans. Qu'est-ce que cela aurait pour effet, n'en déplaise aux défenseurs des libertés civiles qui diront que je suis fou?

• 2005

Moi ce que je prétends, c'est qu'il y a au Canada des milliers et des milliers de gens dans ce cas. Ils vivent dans des conditions que je ne voudrais même pas imposer à un chien—j'ai été là-bas, je l'ai vu moi-même, et j'imagine que si vous avez été dans le quartier est du centre de Vancouver, vous l'avez vu également. Que penseriez-vous d'une idée comme celle-là?

M. Ross Toller: Je pense que je vous répondrais pour commencer qu'à bien des égards, nous essayons déjà de copier cela à une plus petite échelle dans le cadre de certains programmes de désintoxication. À mon sens, la question fondamentale que vous posez ici, revient à assimiler les toxicomanes à des criminels...

M. Randy White: Non, je parle plutôt de désintoxication obligatoire. C'est cela que je veux dire en fait.

M. Ross Toller: Tout à fait, précisément.

Je pense par ailleurs que le caractère obligatoire de la désintoxication dont vous parlez, c'est-à-dire le fait de pouvoir imposer une thérapie, est une notion de liberté qui transcende et de beaucoup ce que je pourrais vous dire. Mais pour en revenir à l'hypothèse de base, c'est-à-dire faire en sorte que les gens soient mis en détention et subissent un genre de thérapie sous contrainte, je ne sais si ce genre de chose produirait des résultats.

Dans le cas des détenus qui sont motivés et qui acceptent une thérapie pour arriver à changer d'attitude ou d'idéal, nous savons d'expérience que parfois, cette motivation est suspecte, mais que souvent elle ne l'est pas. C'est probablement la meilleure façon de présenter la chose.

M. Randy White: Je serai très bref, madame la présidente.

Ce que j'essaie de faire ici, c'est de faire éclater le cercle vicieux. Il y a tant de gens qui sont incapables de s'aider eux- mêmes et, pour pouvoir continuer à consommer, il faut qu'ils finissent par enfreindre la loi d'une façon ou d'une autre. Il me semble qu'en plus de tout le reste, nous devons d'une façon ou d'une autre trouver le moyen de briser ce cycle. Je sais que ce n'est pas agréable, mais leur situation actuelle ne l'est pas non plus.

Sdt pal Bob Lesser: Je pourrais peut-être dire quelques mots en réponse à cela.

Dans les tribunaux qui s'occupent des affaires de drogue, nous savons fort bien, pour commencer, que vous voulez parler ici de thérapie sous contrainte. Aux États-Unis, il y a beaucoup plus de gens qui s'y soumettent étant donné que c'est en fin de compte un choix entre 10 ans de prison et la désintoxication. C'est un choix important à faire, même si au Canada ce choix est sans doute moindre.

Je ne suis pas spécialiste de la désintoxication, mais j'ai parlé à un grand nombre de drogués qui m'ont dit que pour eux, cela ne marchait pas. Peut-être les thérapies obligatoires marchent- elles dans certains cas—un petit pourcentage de cas vous diraient- ils. Mais pour la majorité d'entre eux, c'est un peu la même chose que pour les fumeurs. Certains fumeurs se sentent parfois prêts à arrêter et d'autres non. Parfois ils arrêteront plusieurs fois avant de s'arrêter pour de bon, alors que d'autres n'arrêteront jamais. C'est un peu la même chose pour les héroïnomanes et les cocaïnomanes.

Il faut un certain état d'esprit, et c'est pour cette raison qu'il est fondamental, à mon avis, d'offrir des centres de thérapie relativement ouverts que les drogués peuvent utiliser, ne serait-ce que pour obtenir des seringues neuves, pour parler à un conseiller, pour manger un morceau, pour recevoir des vêtements neufs et ainsi de suite. C'est dans ce genre d'environnement qu'on peut leur offrir un endroit où ils soient acceptés si jamais ils en viennent à penser qu'ils sont peut-être prêts à arrêter.

Jusqu'il y a tout récemment encore, il n'y avait à Vancouver moins de 300 lits pour environ 10 000 toxicomanes. Et cela, c'est un exemple facile. Il n'y a nulle part au Canada d'établissement spécialisé. La méthadone n'est pas encore vraiment acceptée où que ce soit au Canada. Nous essayons d'élaborer une politique nationale dans bien des domaines, mais une région du pays préfère la formule des centres d'accueil où les toxicomanes peuvent se piquer sous supervision, alors qu'une autre région s'interroge encore sur le bien-fondé des programmes de substitution par la méthadone. Sur le plan national, à cet égard, nous sommes encore aux antipodes les uns des autres.

Les travaux de recherche à ce sujet sont également nuls. Nous avons suivi les audiences du comité sénatorial et nous avons entendu certains des experts qui ont comparu devant lui. Même si d'aucuns ne sont pas d'accord avec nous lorsque nous affirmons qu'il faut multiplier les recherches parce que ce qui existe déjà n'est pas concluant, les experts sont loin de s'entendre. Certains vous diront qu'il y a des effets à court terme et d'autres prétendront le contraire. Finalement, les experts se disputent entre eux et ils disent tout et n'importe quoi.

Avant donc de changer quoi que ce soit de façon radicale, je pense qu'il faut en fait savoir ce dont nous parlons.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur White.

Monsieur Lee, allez-y.

M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.): Je vous remercie.

J'ai été heureux d'apprendre, grâce à votre exposé, que la GRC utilisait ses ressources de façon ciblée et analysait les renseignements qu'elle recueillait. J'imagine que mes questions vont surtout porter sur cette question du ciblage des ressources.

• 2010

À partir de ce que nous avons pu voir jusqu'à présent, j'ai un peu l'impression que toutes les drogues sont traitées de la même façon. Je ne pense pas que la stratégie antidrogue soit ciblée, du moins de façon visible. Je me trompe peut-être, auquel cas je vous saurais gré de me le dire. Toutes les drogues sont néfastes, qu'il s'agisse des antidépresseurs, des stimulants, des drogues psychotropes ou du cannabis. J'aimerais donc savoir si la GRC—je ne suis pas certain en ce qui concerne CORCAN qui est le bout du tunnel en quelque sorte—utilise un quelconque indice de nocivité. Est-ce que vous ciblez certains types de drogues parce qu'elles sont plus nuisibles que d'autres pour la société?

Sdt pal Bob Lesser: Nous avions jadis des équipes qui combattaient le trafic d'héroïne, nous en avons eu qui combattaient le trafic de cocaïne et nous en avons eu qui combattaient le trafic de hachisch. Nous avons encore des équipes qui ciblent les laboratoires clandestins parce que ce genre de travail exige des compétences spéciales. Mais ce que nous avons constaté, dans le cas des différentes organisations du crime organisé dont nous avons parlé, c'est que souvent, elles font le trafic de tous les types de drogues. Ces organisations feraient n'importe quoi pour de l'argent. Jadis, le crime organisé de souche vietnamienne ne faisait que le trafic de l'héroïne, mais maintenant il s'est diversifié. D'un point de vue très pratique donc, si nous disons que l'héroïne est la drogue la plus dangereuse, nous allons quand même devoir nous attaquer au même groupe parce que la plupart d'entre eux s'intéressent à toutes les drogues.

M. Derek Lee: Je comprends bien de quelle façon vous identifiez les groupes cibles. Je comprends également qu'il est beaucoup plus rentable pour vous de vous attaquer au crime organisé. Mais votre analyse repose-t-elle d'une façon ou d'une autre sur la nature même de la drogue. J'ai ici la liste des drogues sous les yeux, mais du point de vue de la tolérance et de la dépendance, ce qu'on lit au sujet de l'ecstasy est un peu mince. Je sais que c'est une drogue qui peut être dangereuse ou très dangereuse, mais elle n'est pas considérée comme aussi nocive que d'autres. Du moins, c'est de cette façon que j'interprète cela. S'il s'agit d'axer une opération sur la cocaïne ou l'héroïne, deux drogues qui créent une très forte dépendance, je préférerais vous voir faire cela que d'essayer de confisquer 10 000 pilules d'ecstasy. La GRC fait-elle ce genre d'analyse lorsqu'elle distribue ses ressources?

Sdt pal Bob Lesser: Oui, nous tenons compte du genre de produit mais, comme je l'ai mentionné, si nous nous attaquons par exemple aux Hell's Angels, c'est un groupe qui fait le trafic de toutes les drogues. Au bout du compte, peu importe ce qui vous permettra de les faire tomber. Nous les pinçons pour n'importe quel motif. Très souvent, nous finissons par les coincer pour meurtre simplement parce que c'est ainsi qu'ils fonctionnent.

Il y a plusieurs groupes qui ne ciblent pas expressément le crime organisé et, d'une façon générale, ce sont eux qui font le travail le plus dangereux. Ils portent leur propre jugement, mais ils procèdent par évaluation régionale ou locale. Ils tiennent compte de la nature du dossier, mais également des groupes qui sont les plus dangereux pour la collectivité en question, qui sont les plus menaçants. Peut-être s'agira-il d'un groupe qui fait uniquement du trafic de cannabis, mais qui va forcer les gens à continuer à vivre là où il cultive du cannabis et qui va les menacer si jamais ils les dénoncent. En l'occurrence, le choix de la cible va dépendre de cette connotation de sécurité.

À un niveau inférieur, les opérations vont probablement cibler davantage tels ou tels produits. Il est certain que ces équipes vont privilégier la cocaïne, l'héroïne ou les autres drogues dures plutôt que des drogues douces. Dans l'ensemble toutefois, c'est souvent grâce à nos collègues européens que nous arrivons à faire des saisies d'ecstasy. Dans l'ensemble, il s'agit de livraisons contrôlées. Nos collègues repèrent la cargaison en Belgique par exemple et ils nous téléphonent pour nous dire qu'il y a 100 000 ou 500 000 doses qui vont arriver à Montréal, et nous demandent si nous voulons nous en charger. À ce moment-là, c'est nous qui nous chargeons de surveiller la livraison. Il y a donc pas mal de coups qui se font comme cela, vite et bien.

M. Derek Lee: Toujours sur le thème du ciblage, je me rends compte que ni l'une ni l'autre de vos organisations ne représentent les tribunaux, mais nous avons discuté tout à l'heure de la détermination des peines. Je pense que c'est Mme Allard qui a soulevé la question. Existe-t-il à votre connaissance un certain ciblage dans le domaine de la détermination des peines, ou bien la situation est-elle fragmentée dans les diverses régions du pays? Les peines sont-elles fonction du tort causé par la drogue? Je sais qu'il y a un certain ciblage des peines pour le crime organisé. Pour les criminels de ce milieu, les peines correspondent à une certaine enveloppe. Mais qu'en est-il des drogues? À votre connaissance, vos agents, quand ils travaillent avec les procureurs, se fondent-ils sur un indice de nocivité? Y a-t-il une série de cas permettant de dire que, pour telle ou telle drogue, on risque six ans? Existe-t-il quelque chose de cette nature?

• 2015

Sdt pal Bob Lesser: Non, et nous n'avons pas vraiment fait beaucoup de suivi jusqu'à maintenant. Cela varie énormément d'une région à l'autre. Comme je l'ai dit, nous n'avons pas suivi cela parce que, historiquement, nous ne sommes pas censés nous attarder sur cela. C'est du domaine judiciaire. C'est seulement récemment que cette question a commencé à attirer un peu l'attention et que l'on a commencé à se dire que c'était peut-être un élément de la solution.

Ce que nous essayons de faire quand nous présentons nos dossiers, c'est de donner une explication complète au tribunal. Au lieu de démanteler une entreprise en pleine croissance, disons à Burnaby, où il peut s'agir d'un couple qui cultive 5 000 ou 6 000 plants pour sa propre consommation personnelle au cours de l'hiver, ce que nous faisons plutôt, c'est de rassembler un dossier dans lequel on a cinq maisons, toutes dotées du même modèle d'ordinateurs pour contrôler le tout, maisons qui n'appartiennent pas à leurs occupants mais à des membres du crime organisé, et nous nous efforçons de démontrer les similitudes entre les cas. Ainsi, la cour comprend mieux le degré d'implication des différents groupes. Mais c'est au tribunal de prendre la décision.

Si je me rappelle bien, je crois qu'il y a des dispositions dans la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et aussi dans le Code criminel qui permettent de tenir compte de la proximité des écoles où d'autres circonstances atténuantes que nous pouvons présenter à la cour et qui sont susceptibles de convaincre les juges d'examiner plus sérieusement certains cas.

Je dois dire, en toute justice pour la Colombie-Britannique, d'après les discussions que j'ai eues avec des officiers de la police municipale de Vancouver la semaine dernière, que les tribunaux ont rendu d'assez bonnes décisions dans cette région. On a infligé des peines de trois, quatre, cinq et même six ans dans certains quartiers, ce qui nous donne bon espoir.

La présidente: Monsieur Toller, voulez-vous répondre à la question sur la détermination des peines en fonction du type de drogue? On tient certainement compte de la quantité, à tout le moins.

M. Ross Toller: Nous disions justement que la seule évolution que nous ayons remarquée parmi la magistrature, c'est l'attitude à l'égard de certaines campagnes sur la conduite en état d'ébriété ou la consommation d'alcool, à cause de leur impact social. Mais non, nous venons tout juste d'en parler...

La présidente: Mais pour les drogues?

M. Ross Toller: ...et nous n'avons rien constaté.

La présidente: Merci.

Nous allons faire un autre tour de table, en commençant par M. Sorenson et Mme Allard, mais je voudrais moi-même poser deux ou trois questions.

Vous avez mentionné l'existence d'un Centre national de recherche sur les toxicomanies. Je pense que c'est assez nouveau. C'est le seul centre de recherche de ce genre au Canada, mais son mandat porte-t-il strictement sur les prisons, ou quoi? Pourriez-vous nous donner des explications là-dessus?

M. Ross Toller: Non, il ne s'occupe pas exclusivement des prisons. Bien sûr, je peux vous donner rapidement la liste des activités du centre.

Le centre a ouvert ses portes en mai 2001 et l'une des recherches que l'on y fait actuellement porte sur les besoins particuliers des délinquants autochtones dans le domaine de la consommation abusive de substances. Il y a bien sûr un aspect criminel, mais l'étude va bien au-delà de la criminalité.

On examine aussi les besoins spéciaux des femmes dans ce domaine. Bien sûr, il ressort des travaux préliminaires qu'il y a des différences au niveau de la rationalisation, c'est-à-dire des raisons pour lesquelles les personnes des deux sexes abusent de diverses substances. On examine aussi le problème du syndrome d'alcoolisme foetal, les facteurs de causalité, l'incidence sur la criminologie, et les répercussions sur le comportement cognitif à l'avenir.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, le centre évalue actuellement nos unités de soutien intensif que nous avons établies dans tous nos établissements. Nous voulons évaluer ces unités pour voir si elles sont vraiment efficaces et savoir ce qui fonctionne. Fondamentalement, c'est la question qu'il faut se poser dans le domaine des drogues.

La question du traitement d'entretien à la méthadone a été soulevée ici par M. Sorenson et quelques autres. Nous évaluons ce programme dans une optique de recherche. Dans quelle mesure ce programme est-il efficace?

Le programme d'analyse d'urine aléatoire et obligatoire, que Julie administre, fait également l'objet d'une évaluation pour en vérifier l'efficacité.

Et nous faisons aussi le point sur deux ou trois autres outils d'évaluation que nous utilisons pour déterminer la prévalence de certains comportements d'abus des drogues.

Par conséquent, on a élargi le champ d'étude au-delà du domaine correctionnel. Bien sûr, notre intérêt primordial est l'aspect correctionnel et la criminalité, mais nous allons plus loin.

La présidente: Le budget de ce programme est-il compris dans ces 200 millions de dollars?

Mme Julie Keravel: Oui, il l'est.

M. Ross Toller: Oui, c'est le cas.

La présidente: Combien de personnes travaillent dans ce centre à l'Île-du-Prince-Édouard? C'est bien là qu'il est situé, n'est-ce pas?

M. Ross Toller: Oui, et je crois qu'il y en a 11, mais je peux vérifier, si vous le voulez.

• 2020

La présidente: Pendant qu'il vérifie cela, monsieur Lesser, vous avez dit que la GRC a recommandé—je crois que c'était par l'entremise de l'ACCP—que vous ayez un maître d'oeuvre, un champion, qui prendrait en main le dossier de la drogue. Je me demande si vous pourriez nous en dire plus long là-dessus et si, à votre avis, cela pourrait constituer la seule et unique réalisation de notre comité. Ou bien attendez-vous autre chose de notre part?

Je voudrais aussi savoir si vos programmes—et cette question s'adresse également aux représentants du Service correctionnel—sont ciblés, taillés sur mesure selon le modèle de la santé de la population que nous sommes censés tous suivre dans le cadre de la stratégie canadienne de lutte contre les drogues? Si vous ne l'avez pas fait, pouvez-vous le faire à notre intention?

Sdt pal Bob Lesser: Pour la première question, l'ACCP et le Comité de la police recherchent une certaine convergence. Sans vouloir critiquer Santé Canada, ils ont un mandat confiné essentiellement à certains domaines. Bien que le problème de la drogue tourne en grande partie autour du domaine de la santé, il y a bien des aspects qui n'ont aucun rapport avec la santé. Ce sont des questions d'éducation, et nous sommes certainement conscients du fait que tout cela relève des provinces et des territoires. Il y a donc une foule de gens de divers milieux qui mettent l'épaule à la roue ou qui devraient le faire.

Le premier grand responsable des drogues aux États-Unis n'est peut-être pas le meilleur exemple dont on peut s'inspirer, mais il y en a eu d'autres par la suite aux États-Unis. Au Royaume-Uni, ils ont un grand responsable des drogues. Il y en a également un en Australie, pays qui vient tout juste de mettre au point sa stratégie. Cela permet de faire converger toutes les énergies vers un seul but, et cela crée également un secrétariat qui constitue un lieu de rassemblement des divers intérêts aux différents niveaux de gouvernement, dans différentes communautés, afin de tenter de faire en sorte que tous les intervenants travaillent à l'unisson.

La présidente: À vos yeux, ce grand responsable serait-il une sorte de personnage à la Nancy Reagan, répétant partout «Dites simplement non!», une sorte de porte-parole, ou bien un véritable ministre, membre du cabinet et chargé de responsabilités réelles?

Sdt pal Bob Lesser: Nous en avons discuté. Il y a certains avantages à avoir une personne élue à ce poste. Je suppose que l'inconvénient, c'est justement qu'il s'agit d'une personne élue...vous voyez ce que je veux dire, dans le bon sens du terme.

Des voix: Oh, oh!

La présidente: Bon, ça va. Je savais que vous disiez cela dans un sens positif.

Sdt pal Bob Lesser: Oui, c'est ce que je voulais dire.

La présidente: Vous vouliez dire que nous avons seulement des mandats courts.

Sdt pal Bob Lesser: Eh bien, c'est un aspect, mais les élus ont aussi beaucoup de préoccupations et il leur est donc parfois difficile de faire avancer des dossiers qui n'ont pas toujours la faveur politique. Je pense que ce qu'il faut, c'est une personne de grande réputation qui a la confiance du gouvernement et qui a aussi l'énergie et la capacité voulues pour travailler avec des gens de milieux très divers, une personne qui va renforcer la crédibilité du poste et étendre son influence, qui va rester en poste durant une période raisonnablement longue.

La présidente: Eh bien, nous avons certains sénateurs assez jeunes. Peut-être que cela pourrait les intéresser.

Monsieur Toller, vous deviez nous donner...

M. Ross Toller: Oui, je peux confirmer que c'est bel et bien 11 employés, huit autres seront embauchés cette année et il y a aussi quatre étudiants qui font des stages. Donc, au bout du compte, quand le centre aura atteint son rythme de croisière, il comptera 19 employés à plein temps et quatre étudiants.

La présidente: Je suppose qu'il va également commander des travaux de recherche à diverses universités.

M. Ross Toller: Je sais qu'ils ont des liens très étroits avec les milieux universitaires et j'imagine qu'il y aura beaucoup de dialogues entre les deux.

La présidente: Bien, merci.

Et au sujet de...[Note de la rédaction: Difficultés techniques]...la santé.

Sdt pal Bob Lesser: Je n'ai pas très bien compris votre question. C'est peut-être parce que je ne vois pas comment elle cadre dans la stratégie.

La présidente: Eh bien, d'aucuns soutiendraient qu'au lieu de se contenter de cibler les programmes PSED, qui s'adressent aux enfants de 12 et 13 ans...ce qui est d'ailleurs une bonne chose, parce que cela leur transmet un message et qu'ils prennent des engagements. Mais quand ils atteignent l'âge de 15 ans et qu'ils s'intègrent à un groupe de jeunes de leur âge, cela devient tout à coup beaucoup plus difficile de se rappeler toutes les leçons qu'ils ont apprises. Ensuite, quand ils arrivent à l'université, il y a une foule d'autres problèmes. Quand ils arrivent sur le marché du travail et qu'ils vont à des fêtes de bureau où de la cocaïne circule, c'est encore toute une autre histoire.

Le programme prénatal devrait être... Il nous faut vraiment un continuum d'interventions et d'approches. Nous devrions concentrer nos efforts tout le long de cet éventail—et les personnes âgées sont d'ailleurs encore un autre groupe où les problèmes sont différents. Pourtant, il y a des points communs et il y a des approches différentes. Nous devrions vraiment suivre ce que l'on appelle, je crois, la méthode de la santé de la population.

Sdt pal Bob Lesser: Oui, je suis entièrement d'accord avec vous.

Brièvement, je viens de remanier le programme PSED au cours de la dernière année, à cause de certaines critiques, mais il cible les écoles primaires. Il y a aussi une composante pour l'école secondaire, et une autre pour l'université; il y a un programme équivalent pour les drogues en milieu de travail, et l'on commence à mettre au point un programme pour les sports. Dans le cadre de ce programme et de nos divers programmes, nous essayons d'inclure cela dans nos activités.

• 2025

Il est très clair que ce qu'il faut donner aux gens dès le départ, ce sont des messages clairs et cohérents. Ces messages doivent changer. Pour les enfants de 6 ans, «Dites simplement non!» suffit probablement. Cela ne fonctionnera certainement pas pour les adolescents de 14 ans. Le message doit être différent et il doit probablement aussi émaner de personnes différentes. Mais il doit y avoir des points communs.

Les jeunes sont aussi à ce moment-là à un âge auquel ils peuvent prendre leurs propres décisions. Ils doivent d'ailleurs le faire de plus en plus jeunes, de sorte que l'information qu'on leur donne doit changer pour qu'ils puissent prendre ces décisions.

La présidente: Donc, pour ce qui est de vos programmes, pouvez-vous préciser quels éléments ciblent quels groupes? Encore une fois, un enfant de six ans qui ne prend aucune drogue doit recevoir un certain message, un enfant de 6 ans qui prend des drogues doit recevoir un tout autre message, et il faut encore un troisième message différent pour un enfant de 6 ans qui est complètement perdu et toxicomane. Votre information est-elle présentée de cette manière? Pouvez-vous faire une ventilation de ce genre à notre intention?

Sdt pal Bob Lesser: Le programme que nous appliquons aujourd'hui dans les écoles primaires est le PSED. Nous avions autrefois le CPEC, mais ce programme a été éliminé. Nous avons très peu de programmes au niveau de l'école secondaire, parce que nous n'avons tout simplement pas les ressources voulues pour former des gens et les envoyer s'adresser aux jeunes dans les écoles et entreprendre d'autres activités.

En milieu de travail, nous avons spécifiquement le programme Les drogues en milieu de travail, qui est conçu dans une double optique, d'abord pour lutter contre les toxicomanies au travail pour créer un environnement plus sûr, mais aussi pour transmettre aux parents les mêmes messages que nous envoyons aux enfants, de manière que les enfants obtiennent des messages uniformes. Ce programme est également dispensé en milieu communautaire. Qu'il s'agisse du programme PSED ou du CPEC, les enseignants sont parties prenantes, mais ils s'adressent aussi aux parents pour que ceux-ci sachent à quoi s'attendre. Et il y a d'autres programmes semblables. Lions International a un programme appelé Lions-Quest. Il y a aussi le Programme VIP de la Police provinciale de l'Ontario.

Quand je m'adresse aux gens et leur demande si leurs enfants reçoivent une sensibilisation quelconque aux drogues et à la prévention des toxicomanies, il est intéressant de constater que, de façon générale, la plupart des gens obtiennent cela de la police, quand elle est en mesure de l'offrir. Il ne semble pas y avoir grand-chose dans les écoles. Cela ne fait tout simplement pas partie du programme, bien que je sais que l'Alberta envisage de mettre au point un cours qui serait intégré au programme scolaire de base. Cela s'étendrait tout au long de la scolarisation et ce serait fantastique.

Comme je l'ai dit, nous avons des programmes visant spécifiquement les Autochtones et les athlètes. Nous avons donc certains programmes, mais il y a d'énormes lacunes et il n'y a aucune évaluation.

La présidente: Le Service correctionnel fait-il aussi... [Note de la rédaction: Difficultés techniques]...les adultes et les personnes âgées, les toxicomanes et les autres? Je suppose qu'il y a aussi des programmes familiaux.

Mme Julie Keravel: Oui, nous avons aussi des programmes familiaux.

La présidente: Très bien.

Monsieur Sorenson, à vous.

M. Kevin Sorenson: J'ai seulement deux questions.

Premièrement, je vais citer deux ou trois phrases de votre mémoire.

La présidente: En une minute?

M. Kevin Sorenson: Oui.

Je ne veux pas vous citer hors contexte, mais je veux seulement que vous compreniez le thème fondamental qui est le nôtre:

    Le problème de la toxicomanie et de l'alcoolisme chez les délinquants est présent dans tous les services correctionnels du monde [...] Nous savons que leur dépendance aux drogues ne s'arrête pas lorsqu'ils entrent dans nos pénitenciers.

    [...] certaines études montrent que [...] des délinquants ont indiqué avoir reçu des pressions pour faire entrer de la drogue en établissement correctionnel.

    [...] La demande de drogue chez les délinquants menace la sûreté et la sécurité de nos établissements.

Les détenus sont menacés. Les employés sont menacés. Les gardiens de prison sont menacés. On menace les gardiens pour qu'ils fassent entrer des drogues. Il arrive que quelqu'un laisse des drogues à l'intention d'un gardien, lequel fait l'objet de menaces pour s'assurer que les drogues en question entrent en contrebande. C'est très grave... Si nous ne pouvons pas empêcher les drogues d'entrer dans nos prisons, comment diable pouvons-nous les empêcher de circuler dans nos rues?

Je continue:

    De plus, nous avons instauré un programme de chien détecteur de drogues qui nous permettra d'avoir un chien détecteur dans chacun de nos établissements d'ici trois ans. À l'heure actuelle, nous avons des chiens détecteurs dans 12 établissements.

Je vous demande de commenter cela. Ces chiens détecteurs sont-ils dans des établissements à sécurité maximale, moyenne ou faible?

Par ailleurs, je ne veux pas contredire ou contester ce que M. Lee a dit, mais je m'inscris en faux contre son affirmation, quand il a dit que nous avons le choix entre cibler l'ecstasy ou d'autres drogues douces ou bien s'en prendre plutôt aux drogues dures. Je suis épouvanté par les drogues introductives. Cela commence par des drogues douces et ensuite...personne ne commence par l'héroïne.

M. Derek Lee: Cela commence avec l'aspirine.

La présidente: Ou peut-être le Tylenol.

M. Kevin Sorenson: Oui. Très peu de gens commencent par la cocaïne. Nous devons nous attaquer résolument aux drogues douces. On constate que la GRC réduit son engagement de ce côté; voyez les ressources consacrées à l'élaboration de dossiers pour porter des accusations dans des affaires de marijuana, par exemple. En 30 secondes, pourriez-vous nous dire comment résoudre ce problème?

• 2030

La présidente: On s'empare d'abord de leur projectile magique...

Mme Julie Keravel: Pour ce qui est des établissements, nous nous efforçons d'abord et avant tout d'empêcher la drogue d'y entrer, qu'elle soit apportée par des employés, par un visiteur ou par un délinquant qui a bénéficié d'une sortie. S'ils subissent des pressions, nous essayons de travailler avec nos agents du renseignement et avec le personnel d'observation. Si nous pouvons déceler le problème, nous pouvons alors prendre des mesures pour y mettre fin.

Quant aux chien détecteurs de drogues, nous en aurons dans tous nos établissements, à tous les niveaux de sécurité, qu'elle soit minimale, moyenne ou maximale. Actuellement, ces chiens se trouvent dans les établissements à sécurité moyenne et maximale. Nous en avons six autres qui viennent de commencer leur entraînement et sept autres encore le termineront d'ici la fin de l'année financière en cours.

Nous essayons de faire tous les efforts possibles, qu'il s'agisse de faire des fouilles à la porte d'entrée, de fouiller tout ce qui entre, notamment les aliments, ou ce qui sort, comme les ordures. À chaque fois que nos portes s'ouvrent, il y a possibilité que quelque chose soit apportée en contrebande. Il arrive même que l'on lance des drogues par-dessus le mur. Comme dans le cas de nos homologues de la police, nous avons affaire à toute une économie. Dès qu'il y a des gens toxicomanes, il y a suffisamment de gens pour les approvisionner. Nous ne ciblons pas seulement les drogues dures, nous les ciblons toutes, parce qu'elles représentent toutes un risque pour la sécurité de nos employés et de nos délinquants.

La présidente: Monsieur Lesser, allez-y.

Sdt pal Bob Lesser: Il est vrai que les ressources fédérales ciblent les couches supérieures, mais nous avons entendu des commentaires intéressants de nos collègues européens qui disent que même si les drogues sont toujours interdites par la loi, elles ont été légalisées dans les faits, à tout le moins les drogues douces, à cause de la situation financière des services de police.

Mais ici, à l'heure actuelle, nos ressources contractuelles provinciales et municipales sont chargées de s'occuper des échelons inférieurs et des drogues au niveau de la rue. Évidemment, elles n'ont qu'une capacité limitée. Dans ces domaines, je m'excuse d'insister là-dessus, mais il faut que le message soit cohérent.

À l'heure actuelle, le gouvernement déploie beaucoup d'efforts et dépense des millions de dollars pour essayer d'empêcher les gens de fumer de simples cigarettes. Nous savons qu'environ 23 000 décès par année sont attribuables au tabagisme. Nous avons des paquets de cigarettes ornés d'images affreuses. Des messages explicites figurent partout sur les emballages. Le ministre de la Santé refuse même qu'on parle de cigarettes légères ou douces. Mais depuis 10 ans, je n'ai pas entendu un seul gouvernement dire clairement que le fait de prendre de la cocaïne ou de l'héroïne n'est peut-être pas vraiment très bon pour la santé.

Il n'y a pas de message. Il n'y a rien. Dans l'ensemble, ce que les gens entendent d'un bout à l'autre du pays, c'est qu'il est question de libéraliser ou même de légaliser les drogues. Ce que j'espère, c'est qu'il y a une majorité silencieuse qui ne dit mot mais qui n'en pense pas moins. Il n'y a rien. En comparaison des cigarettes. C'est tout simplement déplorable.

La présidente: Je tiens à remercier chacun d'entre vous, et aussi votre équipe de collaborateurs qui ont comparu avec vous ce soir. Nous vous sommes reconnaissants de vos conseils.

Notre comité va se déplacer et si vous songez à des endroits que nous devrions visiter, à des programmes que nous devrions examiner, nous vous serions reconnaissants de toute suggestion à cet égard. Si vous tombez sur quelque chose que nous devrions lire, à votre avis, ou qui serait susceptible de nous intéresser, ou bien si vous voulez nous envoyer des documents sur lesquels vous mettrez la main au cours des prochaines semaines ou des prochains mois, nous serions très contents que vous les fassiez parvenir à notre greffier qui les distribuera à tous les membres du comité.

Tout reste à décider, et nous essayons de voir comment on pourrait améliorer les choses pour vous et pour tous les Canadiens et Canadiennes. Nous vous savons gré de votre appui et de votre aide.

Enfin, merci d'être venus en dépit d'un si court préavis. Espérons que les gens des services correctionnels ne sont pas aussi occupés, mais nous savons bien que la GRC a été très occupée depuis le 11 septembre avec beaucoup d'initiatives différentes, donc nous vous sommes très reconnaissants pour le temps que vous avez pris pour comparaître ici ce soir.

Chers collègues, quand nous reprendrons après l'intersession, nous allons demander au sénateur Nolin de comparaître afin de nous donner un bilan des travaux de son comité. Il faudra également avoir une réunion à huis clos portant sur notre budget—puisque Randy nous organise des voyages un peu partout—, sur l'horaire des réunions, etc. Pour le moment, c'est ce que nous allons programmer pour le mercredi 17 octobre, à moins que tout le monde veuille une réunion le lundi ou autre chose. C'est à vous de décider.

• 2035

Merci. La séance est levée.

Haut de la page