Passer au contenu

LANG Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent des langues officielles


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 27 mai 2003




¿ 0905
V         Le président (M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.))
V         M. Georges Arès (président, Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada)
V         Le président
V         M. Georges Arès
V         Le président

¿ 0910
V         M. Georges Arès

¿ 0915

¿ 0920
V         Le président
V         M. Hubert Gauthier (président, Société Santé en français)

¿ 0925

¿ 0930

¿ 0935

¿ 0940
V         Le président
V         M. Hubert Gauthier
V         Le président
V         M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ)
V         M. Hubert Gauthier

¿ 0945

¿ 0950
V         Le président
V         M. Hubert Gauthier
V         Le président
V         M. Georges Arès
V         Le président
V         M. Raymond Simard (Saint-Boniface, Lib.)
V         M. Hubert Gauthier
V         M. Raymond Simard

¿ 0955
V         M. Hubert Gauthier
V         Le président
V         M. Hubert Gauthier
V         Le président
V         M. Eugène Bellemare (Ottawa—Orléans, Lib.)

À 1000
V         M. Hubert Gauthier
V         M. Eugène Bellemare
V         Le président

À 1005
V         M. Hubert Gauthier
V         Le président
V         M. Benoît Sauvageau
V         M. Hubert Gauthier

À 1010
V         M. Benoît Sauvageau
V         M. Hubert Gauthier
V         M. Benoît Sauvageau
V         M. Hubert Gauthier
V         M. Benoît Sauvageau
V         M. Hubert Gauthier
V         M. Benoît Sauvageau
V         Le président
V         M. Benoît Sauvageau
V         M. Hubert Gauthier
V         M. Benoît Sauvageau
V         M. Hubert Gauthier
V         Le président
V         M. Hubert Gauthier
V         Le président
V         M. Hubert Gauthier
V         Le président
V         M. Hubert Gauthier
V         Le président
V         M. Hubert Gauthier

À 1015
V         Le président
V         M. Hubert Gauthier
V         Le président
V         M. Hubert Gauthier
V         Le président
V         M. Hubert Gauthier
V         Le président
V         M. Hubert Gauthier
V         Le président
V         M. Hubert Gauthier
V         Le président
V         M. Hubert Gauthier
V         Le président
V         M. Hubert Gauthier
V         Le président
V         M. Hubert Gauthier
V         Le président
V         M. Benoît Sauvageau

À 1020
V         M. Georges Arès
V         M. Benoît Sauvageau
V         M. Georges Arès
V         M. Benoît Sauvageau
V         M. Georges Arès

À 1025
V         Le président
V         M. Georges Arès
V         Le président
V         M. Raymond Simard
V         M. Georges Arès

À 1030
V         M. Raymond Simard
V         M. Georges Arès
V         M. Raymond Simard
V         M. Georges Arès
V         M. Raymond Simard
V         Le président
V         M. Jeannot Castonguay (Madawaska—Restigouche, Lib.)

À 1035
V         M. Georges Arès
V         M. Jeannot Castonguay
V         M. Georges Arès
V         M. Jeannot Castonguay
V         M. Georges Arès
V         M. Jeannot Castonguay
V         M. Georges Arès
V         Le président
V         Mme Yolande Thibeault (Saint-Lambert, Lib.)
V         Le président

À 1040
V         M. Georges Arès
V         Le président
V         M. Georges Arès
V         Le président
V         M. Georges Arès
V         Le président
V         M. Georges Arès
V         Le président
V         M. Georges Arès
V         Le président
V         M. Benoît Sauvageau
V         M. Marion Ménard (attaché de recherche auprès du comité)
V         M. Benoît Sauvageau
V         Le président
V         M. Benoît Sauvageau
V         Le président
V         M. Benoît Sauvageau
V         Le président
V         M. Benoît Sauvageau
V         Le président
V         M. Benoît Sauvageau
V         Le président
V         M. Benoît Sauvageau
V         M. Georges Arès

À 1045
V         M. Benoît Sauvageau
V         M. Georges Arès
V         M. Benoît Sauvageau
V         M. Georges Arès
V         M. Benoît Sauvageau
V         Le président
V         M. Armand Boudreau (directeur général, Société Santé en français)
V         Le président
V         M. Georges Arès

À 1050
V         Le président
V         M. Georges Arès
V         Le président
V         Le greffier du comité
V         Le président
V         M. Armand Boudreau
V         Le président
V         M. Jeannot Castonguay
V         Le président

À 1055
V         M. Benoît Sauvageau
V         Le président
V         M. Benoît Sauvageau
V         Le président










CANADA

Comité permanent des langues officielles


NUMÉRO 023 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 27 mai 2003

[Enregistrement électronique]

¿  +(0905)  

[Français]

+

    Le président (M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.)): Messieurs, mesdames, le quorum pour entendre des témoins étant de quatre, nous pouvons commencer. J'invite donc les gens à prendre place. Si vous me le permettez, je vais débuter par une mise en situation.

    Nous entreprenons aujourd'hui des audiences qui nous amèneront à émettre un rapport que la Chambre des communes exige pour la fin octobre. Ces audiences porteront sur le sujet d'un projet de loi qui a été retiré du Feuilleton. Ce projet de loi visait l'ajout d'un sixième principe à la Loi canadienne sur la santé, soit le respect de la dualité linguistique canadienne.

    C'est donc un exercice qui porte plutôt sur le long terme que nous entreprenons aujourd'hui. Pour répondre à une demande de la Chambre, nous devrons sonder la volonté de la majorité des représentants du peuple et voir de quelle façon le gouvernement du Canada pourrait mieux assurer que les populations de langue officielle vivant en situation minoritaire au pays, que ce soit les anglophones au Québec ou les francophones dans les autres provinces et dans les territoires, aient accès à des soins de santé de qualité, dans leur langue. C'est donc un travail de longue haleine que nous entamons. Nous espérons contribuer à l'avancement de cette cause par le biais du rapport que nous présenterons, nous l'espérons, d'ici quelques mois.

    Nous entendrons plusieurs témoins. Nous commençons aujourd'hui par la FCFA et la Société Santé en français et nous recevrons demain des gens du ministère de la Santé. Par la suite, nous entendrons des experts en matière constitutionnelle, des représentants des communautés, des collègues sénateurs, bref, une grande quantité de gens, et nous tenterons aussi d'entendre tous ceux qui voudront bien être entendus afin que nous puissions nous faire une idée à la fois globale et précise de la situation.

    Sur ce, je vais inviter M. Arès, le président de la Fédération des communautés francophones et acadienne et M. Hubert Gauthier, président de la Société Santé en français, à faire leur présentation respective. Nous procéderons par la suite à la traditionnelle et coutumière période de questions et réponses.

    Avant que nous continuions, je voudrais demander à mes collègues s'ils ont quelque chose à ajouter à la mise en contexte que je viens de faire. Ça va?

    Monsieur Arès, à vous la parole.

+-

    M. Georges Arès (président, Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada): Merci, monsieur le président. Je tiens à vous remercier de nous donner l'occasion aujourd'hui de partager avec vous certaines de nos réflexions sur les fondements constitutionnels et légaux de l'accès aux soins de santé en français et sur la pertinence de la création d'un programme de coopération intergouvernemental dans le domaine de la santé.

    J'aimerais tout d'abord souligner que la FCFA du Canada est intervenue à plusieurs reprises au cours des dernières années pour tenter de sensibiliser tant l'appareil politique et gouvernemental que la communauté à l'importance que revêt l'accès aux soins de santé en français pour nos communautés. Que ce soit par les démarches auprès du ministre de la Santé en vue de créer un comité consultatif conjoint, les Équipes francophonies de 2001 et 2002, par nos interventions en appui à la cause Montfort ou encore par nos mémoires devant le Comité sénatorial sur les soins de santé et la Commission Romanow, nous avons voulu rappeler que l'accès aux soins de santé dans notre langue est, après l'accès à l'éducation, un droit essentiel et une priorité fondamentale pour le développement et l'épanouissement de nos communautés.

    Lors de ces interventions, nous avons proposé l'ajout d'un sixième principe à la Loi canadienne sur la santé et la création d'un programme de coopération intergouvernemental pour aider les provinces et les territoires à offrir des soins de santé adéquats et dans leur langue à leurs populations minoritaires de langue officielle. Nous croyons que ces éléments de solution permettraient à la fois de clarifier les responsabilités des provinces quant à l'accès aux services de santé et d'appuyer les provinces dans la livraison de ces services.

    Il est d'ailleurs intéressant de noter que la perception des Canadiennes et des Canadiens face à la dualité linguistique a évolué sur cette question au point où la dernière étude effectuée par Léger Marketing entre le 19 et le 23 mars 2003, après le dépôt du Plan d'action du gouvernement pour les langues officielles, indique que 76 p. 100 des Canadiennes et des Canadiens sont d'accord pour que les Canadiens puissent se faire servir dans leur langue.

+-

    Le président: Je sais que le temps presse, monsieur Arès, mais je vais vous demander de ralentir.

+-

    M. Georges Arès: D'accord.

+-

    Le président: Il y a des gens derrière qui ont peut-être de la difficulté à suivre votre rythme.

¿  +-(0910)  

+-

    M. Georges Arès: D'accord. Donc, 76 p. 100 des Canadiennes et des Canadiens sont d'accord pour que les Canadiens puissent se faire servir dans leur langue, le français ou l'anglais, dans les établissements de santé. Ce taux augmente à 92 p. 100 pour l'ensemble du Canada lorsque les répondants sont âgés entre 18 et 24 ans.

    Quant aux fondements constitutionnels et légaux, les écrits, les textes juridiques et constitutionnels et les programmes gouvernementaux qui soutiennent la dualité linguistique au pays ont évolué dans le temps et ont été rédigés de façon à refléter de nouvelles réalités. C'est ainsi que la dualité linguistique, dont il est déjà question dans la Loi constitutionnelle de 1867, a été mieux définie dans la Charte canadienne des droits et libertés et dans la Loi sur les langues officielles. D'ailleurs, dans la deuxième version de cette loi, adoptée en 1988, la partie VII responsabilise toutes les agences et tous les ministères fédéraux, dont Santé Canada, et leur demande d'adopter, dans le cadre de leurs responsabilités respectives, des mesures concrètes pour assurer le développement et l'épanouissement des communautés de langue officielle en situation minoritaire au pays.

    La Cour suprême du Canada a affirmé à quelques reprises dans sa jurisprudence que la dualité linguistique constitue une valeur fondamentale canadienne et que la protection des minorités de langue officielle constitue aussi une valeur fondamentale canadienne, bien qu'elle ne soit pas inscrite dans les textes législatifs.

    La dualité linguistique et la protection des minorités de langue officielle ont été affirmées entre autres dans le Renvoi relatif à la sécession du Québec en 1998, dans l'arrêt Mahé en 1990, dans le Renvoi relatif aux droits linguistiques au Manitoba en 1985, dans les arrêts Mercure en 1988, Beaulac en 1999 et Arsenault-Cameron en l'an 2000. Vous trouverez en annexe un document préparé par l'avocat-conseil de la FCFA, qui élabore plus amplement sur cette jurisprudence.

    L'arrêt Beaulac aide à comprendre que les droits linguistiques constitutionnels, reconnus explicitement dans la Charte, sont l'aboutissement d'un processus dont le but est d'accorder des droits positifs et exécutoires aux communautés linguistiques officielles du Canada afin de refléter l'histoire, la structure fédérative et le fédéralisme dans notre pays. Je cite:

Le principe de la progression n'épuise toutefois pas l'art. 16 qui reconnaît officiellement le principe de l'égalité des deux langues officielles du Canada. Il ne limite pas la portée de l'art. 2 de la Loi sur les langues officielles. L'égalité n'a pas un sens plus restreint en matière linguistique. En ce qui concerne les droits existants, l'égalité doit recevoir son sens véritable. Notre Cour a reconnu que l'égalité réelle est la norme applicable en droit canadien.

    La demande de services de santé en français par les communautés francophones vivant dans les provinces à majorité anglaise s'appuie donc sur cette notion d'égalité inscrite dans les droits constitutionnels.

    En effet, la Constitution et la Charte canadienne des droits et libertés nous garantissent le droit d'être instruits en français. La Cour suprême nous garantit le droit d'obtenir justice en français. Nous avons même le droit d'acheter un timbre-poste en français. Ne serait-il pas temps qu'on nous reconnaisse également le droit d'être soignés en français? N'est-ce pas là une question de dignité des plus fondamentales?

    L'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés définit ce droit jugé fondamental dans la société canadienne de la façon suivante:

Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.

Or, le droit à la vie sous-entend nécessairement le droit à la santé et, conséquemment, le droit aux soins de santé. Pour être conséquent avec la Charte des droits et libertés, j'ajouterai qu'on doit parler du droit aux soins de santé dans les deux langues officielles de notre pays.

    Or, les études nous ont démontré que 50 p. 100 des francophones vivant en situation minoritaire au Canada n'ont accès que rarement, ou pas du tout, à des soins de santé dans leur langue. Nous sommes pourtant convaincus que des services de santé en français devraient être offerts en milieu minoritaire au nom de l'équité, de la qualité du service et de l'efficacité. Ils doivent aussi être offerts parce qu'ils permettent de meilleurs rendements pour l'argent investi. Nul ne peut nier cette adéquation: un service de qualité donne de meilleurs rendements. Or, la qualité se définit, entre autres, en fonction de la capacité des programmes et des intervenants en santé de communiquer, d'informer, d'instruire, de soigner, d'aider, de conseiller et d'orienter les usagers des services de santé, dont le million de francophones vivant dans les provinces à majorité anglaise. La capacité de comprendre et d'être compris est donc une partie intégrante de la qualité du service.

¿  +-(0915)  

    Quelques études sur la barrière de la langue dans les services de santé ont permis d'affirmer que l'incapacité de communiquer adéquatement dans la langue de l'usager produit les conséquences suivantes: elle réduit le recours aux services préventifs; elle augmente le temps de consultation, le nombre de tests diagnostiques et la probabilité d'errer dans les diagnostics et les traitements; elle influence la qualité des services pour lesquels une bonne communication est essentielle; elle diminue la fidélité aux traitements; elle provoque une surutilisation des salles d'urgence; elle réduit la satisfaction des usagers à l'égard des soins et services reçus.

    Tout simplement, un patient doit comprendre clairement les conseils et les directives de son médecin. Sa santé et peut-être même sa vie en dépendent. Ne conviendriez-vous pas avec moi, à la lumière de ces constats, que la population francophone vivant en situation minoritaire a eu droit à des services qualitativement inférieurs à ceux de la majorité?

    La Loi canadienne sur la santé affirme dans son préambule que le Parlement du Canada souhaite favoriser le développement des services de santé dans tout le pays en aidant les provinces à en assumer le coût.

    Elle stipule également à l'article 3:

3. La politique canadienne de la santé a pour premier objectif de protéger, de favoriser et d'améliorer le bien-être physique et mental des habitants du Canada et de faciliter un accès satisfaisant aux services de santé, sans obstacles d'ordre financier ou autre.

    Et elle dit à l'article 7:

7. Le versement à une province, pour un exercice, de la pleine contribution pécuniaire visée à l'article 5 est assujetti à l'obligation pour le régime d'assurance-santé de satisfaire, pendant tout cet exercice, aux conditions d'octroi énumérées aux articles 8 à 12 quant à :
a) la gestion publique;
b) l'intégralité;
c) l'universalité;
d) la transférabilité;
e) l'accessibilité.

    Déjà, en vertu des principes d'universalité et d'accessibilité, le droit des francophones à des services de santé en français aurait dû être reconnu dans la Loi canadienne sur la santé en 1984, compte tenu que la Charte canadienne des droits et libertés a été adoptée en 1982. L'article 7 précité et l'article 16 de la Charte, qui traite de l'égalité du français et de l'anglais, auraient pu influencer l'interprétation des principes d'universalité et d'accessibilité.

    De plus, la Cour suprême du Canada a clairement indiqué aux gouvernements que le principe de l'égalité des langues française et anglaise signifie notamment que les droits linguistiques de nature institutionnelle exigent des mesures gouvernementales pour leur mise en oeuvre et créent, par conséquent, des obligations pour l'État. De fait, le plus haut tribunal du pays indique que l'exercice des droits linguistiques ne doit pas être considéré comme exceptionnel ou comme une sorte de réponse à une demande d'accommodement. En fait, ces droits linguistiques ne peuvent être exercés que si les moyens en sont fournis. Qui plus est, le gouvernement fédéral y est tenu de par le principe de la progression de l'égalité de statut des langues anglaise et française au Canada. Il s'agit de la cause Beaulac.

    Nous croyons également que lorsque le gouvernement fédéral agit en vertu de son pouvoir fédéral de dépenser, même s'il agit dans un champ de compétence qui n'est pas le sien, il doit respecter la Loi sur les langues officielles et les principes de la partie VII. De plus, la jurisprudence récente oblige tous les gouvernements du Canada à respecter l'un des quatre principes directeurs de la Constitution canadienne, à savoir le respect et la protection des droits des minorités.

    Je voudrais citer ici un paragraphe du Renvoi relatif à la sécession du Québec de la Cour suprême:

Des principes constitutionnels sous-jacents peuvent, dans certaines circonstances, donner lieu à des obligations juridiques substantielles (ils ont « plein effet juridique » selon les termes du Renvoi relatif au rapatriement, précité, à la p. 845) qui posent des limites substantielles à l'action gouvernementale. Ces principes peuvent donner naissance à des obligations très abstraites et générales, ou à des obligations plus spécifiques et précises. Les principes ne sont pas simplement descriptifs; ils sont aussi investis d'une force normative puissante et lient à la fois les tribunaux et les gouvernements.

    En d'autres termes, comme l'affirme la cour dans le Renvoi relatif aux droits linguistiques au Manitoba:

En d'autres termes, dans les décisions constitutionnelles, la Cour peut tenir compte des postulats non écrits qui constituent le fondement même de la Constitution du Canada.

¿  +-(0920)  

    Dans l'arrêt Montfort, la Cour d'appel de l'Ontario a indiqué:

...[l]es valeurs constitutionnelles fondamentales ont une force juridique normative. Même si le texte de la Constitution ne contient pas expressément un droit spécifique susceptible d'être sanctionné par les tribunaux, les valeurs constitutionnelles doivent être prises en compte dans l'évaluation de la validité ou de la légalité d'une action gouvernementale.

    Cela dit, il est de notre avis que lorsque le gouvernement fédéral édicte des objectifs pancanadiens, il se doit de respecter les principes sous-jacents à la Constitution canadienne ainsi que la Loi sur les langues officielles. Le gouvernement fédéral ne peut forcer une province à s'y soumettre, mais il peut être possible de croire que le gouvernement provincial, s'il veut obtenir les fonds fédéraux, doive respecter tant la Constitution que la loi. Autrement dit, la province n'a pas l'obligation de prendre l'argent du fédéral, mais si elle l'accepte, elle devra respecter les objectifs pancanadiens.

    Afin d'assurer l'engagement du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux dans la voie du développement des services de santé en français dans les provinces et territoires majoritairement de langue anglaise, et puisque la Loi canadienne sur la santé ne reconnaît pas, dans son libellé actuel, le droit des francophones vivant en situation minoritaire à des services de santé dans leur langue, nous croyons qu'il s'avère nécessaire d'ajouter un sixième principe reconnaissant la dualité linguistique et les obligations que confèrent la Charte des droits et libertés et la Loi sur les langues officielles sur cette question. Ce sixième principe pourrait clarifier la loi et reconnaître formellement le droit des minorités de langue officielle d'obtenir des services de santé dans leur langue. Une telle prescription s'inscrirait aussi dans la notion de la progression des droits des francophones au pays et suivrait le modèle déjà en vigueur dans les secteurs de l'éducation et de la justice.

    Quand nous parlons de la possibilité de la création d'un programme de coopération intergouvernementale dans le domaine de la santé, nous sommes bien conscients que les changements législatifs ne se font pas du jour au lendemain. Aussi avons-nous demandé au gouvernement fédéral d'appuyer dans l'immédiat les provinces et territoires qui sont prêts à passer à l'action par la création d'un fonds spécial ou d'un programme d'appui à la mise en place et au maintien de services de santé en français pour les communautés francophones en situation minoritaire.

    Nous avons aussi suggéré un programme spécial qui offrirait des mesures incitatives aux gouvernements provinciaux en vue de les encourager à offrir des services de santé à leur population minoritaire de langue officielle.

    Nous pensons que Santé Canada pourrait développer un programme en collaboration avec les provinces et les territoires. Une telle initiative irait dans le sens du principe de la dualité linguistique et de la responsabilité interministérielle prévu dans la Loi sur les langues officielles et elle encouragerait les gouvernements provinciaux et territoriaux à prévoir des services de santé qui répondent aux besoins de leur minorité de langue française.

    Les ministres responsables des Affaires francophones dans chaque province ou territoire pourraient promouvoir une telle démarche auprès de leurs collègues responsables de la santé et devenir des partenaires dans ce dossier de collaboration constructive. Bref, nous proposons un programme semblable à celui qui existe dans le domaine de l'éducation avec les provinces.

    En terminant, j'aimerais réitérer l'importance que nous attachons à l'accès, pour les francophones de nos communautés, à des soins de santé de qualité et dans leur langue. Nous sommes convaincus que même si, à l'heure actuelle, le droit à des services de santé en français pour les francophones vivant en situation minoritaire n'est pas clairement inscrit dans la Charte canadienne des droits et libertés, dans la Loi sur les langues officielles ou dans la Loi canadienne sur la santé, il n'en demeure pas moins que ce droit est fondamental.

    Le droit à l'éducation nous a été reconnu après de longues et pénibles luttes. Souhaitons que la reconnaissance de notre droit à des services de santé en français ne se fasse pas aussi longuement attendre.

    Nous tenons aussi, monsieur le président, à reconnaître votre engagement personnel quant à cette question si importante pour nos communautés. Nous vous remercions d'avoir mis cette question à l'avant-plan avec votre projet de loi. Nous souhaitons que vous continuiez à défendre ce dossier auprès des parlementaires et que ce comité fasse de même.

    Merci.

+-

    Le président: Merci, monsieur Arès.

    Monsieur Gauthier.

+-

    M. Hubert Gauthier (président, Société Santé en français): Merci, monsieur le président. Merci de l'occasion que vous nous donnez d'ajouter à ce que M. Arès vient de dire.

    La Société Santé en français s'occupe davantage du côté pratico-pratique des choses. Je vais tenter de vous expliquer très brièvement qui nous sommes, quel est l'objet du travail que nous faisons, les résultats que nous attendons et, dans la foulée de ce que disait M. Arès, ce qui reste à faire.

    Je n'insisterai pas davantage sur la question du lien entre la langue et les résultats de santé, car M. Arès l'a évoquée de façon passablement détaillée. Nous pourrions vous donner bien des exemples qui démontrent très clairement qu'on porte préjudice aux citoyens qui ne sont pas en mesure de recevoir des services dans leur langue. Certains vont jusqu'à faire semblant de comprendre l'anglais pour éviter d'avoir un service de seconde classe en français dans leurs établissements, quand ce service n'est pas offert d'une façon très proactive. Je ne commencerai pas à vous donner plein d'exemples, mais nous avons pris connaissance de beaucoup d'histoires, à la Société Santé en français, qui démontrent que nos personnes vieillissantes évitent de demander des services en français parce que, croient-elles, elles risqueraient de perdre tous les services qu'elles pourraient avoir si elles en exigeaient trop à cet égard. Vous connaissez tous des personnes âgées qui ont cette mentalité et qui évitent de demander les services qui leur sont dus et qui leur seraient infiniment plus utiles au plan de la santé.

    La Société Santé en français est un organisme relativement nouveau, qui a été créé à la suite des travaux qui ont été faits en lien avec le comité consultatif que le ministre Allan Rock avait créé en l'an 2000 et qui a fait un certain nombre de recommandations au gouvernement. La société a été incorporée en février 2002. Son congrès de fondation, qui a eu lieu du 29 novembre au 1er décembre 2002, réunissait pas moins de 150 délégués de partout au pays. J'insiste pour dire que ces délégués représentaient cinq grands partenaires dans le monde de la santé: les établissements de santé; des gens des organismes communautaires se consacrant aux services de santé; des professionnels de la santé, c'est-à-dire des médecins, des infirmières et des thérapeutes de toutes sortes; des gens du domaine de la formation; enfin--et j'insisterai là-dessus tout au long de ma présentation--des représentants gouvernementaux non seulement provinciaux mais aussi fédéraux. Je pense que c'est une dimension importante. On pourrait se demander ce que fait le gouvernement fédéral dans un domaine de juridiction provinciale et ce serait une question très légitime. M. Arès a indiqué la raison pour laquelle nous nous sommes impliqués dans cela. Pour la Société Santé en français, l'implication du gouvernement provincial est primordiale dans ce dossier, et je vais y revenir.

    La Société Santé en français est un organisme qui regroupe des réseaux de tout le pays. Ces réseaux sont des regroupements d'individus qui représentent les cinq grands partenaires que j'ai énumérés plus tôt et qui font des plans d'action pour améliorer l'accessibilité des services en français sur leur territoire. Le réseau national est là pour donner de l'appui professionnel et technique aux gens qui sont sur le terrain et pour créer des ponts entre les provinces, les territoires, le gouvernement fédéral et les communautés. Il est extrêmement important de faire ces liens, parce que dans le domaine de la santé, les gens travaillent souvent en silo. Un de nos défis est d'essayer de briser les barrières entre les différents partenaires pour qu'ils élaborent ensemble de meilleurs plans pour améliorer l'accessibilité des services de santé pour nos citoyens.

    La Société Santé en français travaille pour réunir ces forces et les faire travailler ensemble, ce qui n'est pas absolument évident, surtout quand on doit impliquer les gouvernements provinciaux. Mais on commence à connaître du succès de ce côté.

¿  +-(0925)  

    Un cadre financier a été annoncé récemment par l'entremise du plan Dion. Vous savez, monsieur le président, que dans le cade de ce plan, on a annoncé 119 millions de dollars pour le domaine de la santé. Du côté des francophones vivant à l'extérieur du Québec, de ce montant, 20 millions de dollars sont consacrés aux services proprement dits, 63 millions de dollars sont consacrés à la formation et 10 millions de dollars sont consacrés à la mise en place des réseaux que je viens de décrire.

    Je vais maintenant prendre quelques minutes pour vous parler de ce que nous faisons à l'heure actuelle. J'aborderai trois éléments.

    Premièrement, il y a le réseautage. En milieu minoritaire, il nous est apparu évident que tous les intervenants devant améliorer l'accessibilité des services en français sur leur territoire n'avaient pas souvent l'occasion de se réunir pour faire des plans d'action propres à leur communauté. Très souvent, un hôpital ou un centre de services communautaires est noyé dans des associations à majorité anglophone, et le sujet de l'accessibilité des services en français n'est pas souvent à l'ordre du jour, quand il l'est. C'est dans cet esprit qu'on a voulu faire en sorte qu'il y ait une plaque tournante, qu'on a appelée les réseaux. Ces réseaux ont différents noms selon les provinces. Dans ma province, le Manitoba, on l'appelle Conseil de Communauté en santé du Manitoba. Il nous semble que travailler sans ces réseaux équivaudrait à bâtir une maison sans construire un solage. Les réseaux qui regroupent les intervenants ont quelque chose à dire et à faire pour améliorer l'accessibilité des services. C'est la priorité. C'est la fondation qui nous permettra de construire le reste. Ces réseaux nous permettent de planifier et d'être un intervenant pour les gouvernements. Il nous semble très important d'impliquer le gouvernement provincial dans ces réseaux dès le départ. Bien que nous parlions au gouvernement fédéral aujourd'hui, je dois vous dire que sur le terrain, dans chacune des provinces, on fait des efforts considérables pour impliquer les gouvernements provinciaux. Pour nous, c'est une carte essentielle à jouer. À l'heure actuelle, le gouvernement fédéral participe aux différents réseaux que nous sommes en train de monter. On ne peut donc parler d'un effort du fédéral à l'insu des provinces. Au contraire, c'est un effort qui implique et engage les provinces. Voilà pour ce qui est du réseautage.

    La deuxième priorité est la formation. C'est un élément extrêmement important. À quoi sert de faire des plans d'action si on n'a pas de professionnels de la santé pour donner les services aux gens? Nous avons été obligés de constater qu'il y avait, au-delà de la carence de professionnels, une carence dans la population en général. Ce problème est aggravé par le manque de personnel bilingue, de personnel francophone ou acadien qui soit en mesure de donner les services à la population. Donc, comme vous l'avez vu, une bonne partie de l'argent que M. Dion a annoncé est consacrée à la formation, ce qui permettra, au cours des cinq prochaines années, de former de 2 500 à 3 000 nouveaux professionnels. C'est long, et on parle d'un programme de cinq ans. À mon avis, il va falloir envisager cette question dans la perspective des 10 prochaines années. Indépendamment des beaux plans qu'on pourra faire, si on n'a pas les médecins, infirmières et thérapeutes qu'il faut, on va faire de belles réunions mais on n'aura aucun résultat. Donc, ce dossier est extrêmement important. La Société Santé en français appuie fortement le consortium de formation qui est un joint-venture avec toutes les universités et tous les collèges francophones du pays: Moncton, Ottawa, l'Université Sainte-Anne, l'Université Laurentienne, le Collège universitaire de Saint-Boniface, la Faculté Saint-Jean, la Cité collégiale, le Collège Boréal, le collège communautaire de Campbellton et ainsi de suite.

    Le troisième volet est celui des services. Encore là, j'insiste pour dire que le réseautage nous permet de faire une bonne planification. La formation va nous donner des professionnels, mais encore faut-il qu'il y ait des lieux d'accueil, des endroits où les francophones et les Acadiens se reconnaissent et où on soit en mesure d'offrir activement les services.

¿  +-(0930)  

    Je reviens à mon exemple du citoyen malade qui se présente dans un service de santé. Une personne malade est vulnérable. Lui demander de se battre pour obtenir des services en français, c'est lui demander l'impossible. Aucun de nos pères ou de nos mères ne va commencer à se battre à l'urgence pour obtenir des services en français. On va peut-être faire cette bataille à Air Canada ou à Revenu Canada, mais on ne la fera pas à l'urgence, parce qu'on est alors vulnérable et préoccupé par sa santé.

    Donc, au niveau de l'organisation des services, il faut avoir des moyens qui nous permettent d'offrir les services d'une façon proactive. Il faut dire: « Bonjour, madame, pouvons-nous vous donner des services dans votre langue? » Il ne s'agit pas de dire, quand une personne demande des services en français: «  Well, let's see if we have somebody here. »

    Étant donné ces indications, nous croyons qu'il est extrêmement important de créer un bon réseau de santé primaire. Un certain financement a été accordé pour démarrer les choses, qui va permettre de mettre en place les premiers modèles qui, nous l'espérons, seront durables et répondront aux besoins de la communauté francophone. Très souvent, il faut mettre au point des modèles novateurs, compte tenu du nombre peu élevé de gens et de l'éparpillement de ces gens dans la diaspora canadienne. Je pense qu'on sera même en mesure d'offrir à la communauté en général des solutions qui pourraient faire partie de projets novateurs et même être des modèles pour la communauté majoritaire.

    Je pense, par exemple, à des centres de santé communautaires, à des services intégrés, à des guichets uniques, surtout dans les plus petites communautés, qui pourraient même être intégrés dans le système scolaire, à des lignes téléphoniques d'info-santé 24 heures par jour, sept jours par semaine, au télétriage, aux liens avec nos commissions scolaires pour la santé scolaire, à la formation d'équipes multidisciplinaires ambulantes. Si on n'en a pas assez, on va peut-être en faire un service mobile qui va circuler un peu partout.

    Monsieur le président, je voudrais vous dire deux choses avant de terminer ma présentation. Je voudrais vous indiquer que nous sommes déjà passés à l'action pour impliquer les provinces. Si vous me demandez si les provinces sont à la table à l'heure actuelle, je vous répondrai oui. Mais il y a une condition très importante. On peut parler d'un programme fédéral-provincial, comme le disait mon collègue Arès, mais je pense qu'il y a un ingrédient qui est extrêmement important pour assurer le développement de plans de service à long terme au niveau de la santé: il y a trois partenaires et il faut les impliquer tous les trois si on veut aboutir à des plans réalistes qui donneront de bons résultats. Ce sont les trois pattes de la table: si une patte tombe, la table tombera. On parle souvent d'un programme fédéral-provincial, mais j'insiste pour dire qu'il faut qu'il y ait un programme fédéral-provincial-communauté. Sans la communauté, on risque de trouver des solutions qui ne seront pas à la mesure des besoins des communautés francophones. À l'heure actuelle, nous vivons un modèle intéressant que Santé Canada met de l'avant. Les outils et les ressources passent par la communauté, par le biais de la Société Santé en français, ce qui nous donne un levier éminemment important pour attirer la province à la table et faire en sorte que cette dernière joue un rôle de partenaire au lieu d'un rôle de définisseur isolé de la solution.

    Monsieur le président, la Société Santé en français, par l'entremise de ses réseaux, joue et jouera un rôle de pont entre les communautés et les autorités gouvernementales provinciales. Nous avons l'impression qu'il peut y avoir un pacte important entre les provinces et les communautés, et ensemble on sera probablement en mesure de parler au gouvernement fédéral dans un contexte autre que celui des traditionnelles querelles fédérales-provinciales dans le monde de la santé.

    Quant à nos inquiétudes, nous avons un cadre juridique qui ne nous appuie pas beaucoup, ou pas du tout, sauf pour ce qui est de certaines politiques et de certaines lois dans certaines provinces. On n'a pas un cadre juridique aussi solide que dans le domaine de l'éducation, par exemple. Votre projet de loi l'évoquait d'ailleurs, monsieur le président.

¿  +-(0935)  

    Or, la Société Santé en français croit qu'il est essentiel, dans le cadre du travail qu'elle fait avec les provinces, d'éviter de s'embarquer dans les querelles fédérales-provinciales au niveau des juridictions.

    Deuxièmement, notre préoccupation au niveau des services est d'assurer la pérennité de l'argent qui a été annoncé. Si nous voulons vraiment donner un service de qualité, nous devons reconnaître que l'argent que nous avons à l'heure actuelle n'est qu'un début et que quand les bases auront été jetées, il sera nécessaire d'en ajouter et de créer un programme, comme le disait Georges Arès, en incluant la communauté. À mon avis, exclure la communauté serait une grave erreur, comme le disent d'ailleurs les gens dans le domaine de l'éducation.

    J'aimerais vous indiquer que pour nous aider, vous devez appuyer le travail que nous faisons à l'heure actuelle, qui nous permettra d'établir un lien entre les communautés et les gouvernements provinciaux qui, au premier chef, doivent s'engager et s'impliquer, et vous devez aussi nous donner de l'argent, ce qui nous permettra d'avoir une vision à long terme au plan des services au lieu de la vision à court terme que nous sommes forcés d'avoir à l'heure actuelle.

    Monsieur le président, je termine en vous disant que la commande est énorme. Le retard que nous accusons au chapitre de la santé, en raison du fait que l'éducation est à l'ordre du jour depuis des décennies dans nos communautés, nous oblige à prendre les bouchées doubles. Nous espérons que des gens comme vous pourront appuyer les démarches que nous faisons pour obtenir de meilleurs services pour nos pères, nos mères et nos enfants sur le terrain. Merci.

¿  +-(0940)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Gauthier. Est-ce qu'il y a d'autres témoins qui veulent ajouter quelque chose?

+-

    M. Hubert Gauthier: Monsieur le président, je devrai m'absenter vers 10 heures ou 10 h 15. Armand Boudreau, le directeur général de la Société Santé en français, m'accompagne. Il pourra participer à la période des questions si vous êtes d'accord.

+-

    Le président: D'accord. J'invite ceux de mes collègues qui ont des questions à poser à M. Gauthier à les lui poser en premier lieu.

    Monsieur Sauvageau.

+-

    M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ): Madame, messieurs, bonjour. Soyez les bienvenus parmi nous. Vous êtes les premiers intervenants à parler de la santé et plus précisément du projet de loi de notre président. J'en suis honoré.

    J'aimerais poser quelques questions à M. Gauthier. J'ai entendu l'intervention de M. Arès lors du dépôt du plan d'action de M. Dion. Vous êtes sûrement intervenu aussi. Cependant, comme il y a eu beaucoup d'interventions lors du dépôt du plan d'action, j'ai moins retenu les vôtres.

    Ça paraît bien quand on affecte 10 millions de dollars, 25 millions de dollars ou 52 millions de dollars à la santé, mais cet argent sera réparti sur cinq ans et dans 10 provinces et deux territoires. Lorsqu'on compare ces montants et ceux investis dans chacune des provinces en santé, on se rend compte que les montants peuvent être très jolis sur papier, mais que leur impact dans les communautés, comme vous l'avez souligné, peut être peu important.

    J'aimerais que vous nous parliez de l'absence d'objectifs précis dans le plan d'action Dion, entre autres au niveau de la santé. On a parlé d'imputabilité, mais je crois qu'on aurait dû avoir des objectifs précis et des vérifications à court terme de ces objectifs pour voir si le plan d'action va dans la bonne direction, afin qu'on ne soit pas obligé de se rencontrer à nouveau dans 10 ans pour se dire que  c'est bien dommage, mais qu'on a manqué notre coup parce qu'on n'avait pas de balises. J'aimerais vous entendre là-dessus.

    À première vue, il semble y avoir trois solutions possibles pour les soins de santé. Premièrement, un sixième principe a été mis de l'avant par la FCFA et différents autres intervenants, dont notre président, qui a déposé un projet de loi. Deuxièmement, des accords fédéraux-provinciaux inspirés des accords sur l'éducation peuvent être conclus. Troisièmement, selon moi, on peut demander aux provinces de s'inspirer de la Loi 142--si ma mémoire m'est fidèle--au Québec sur les soins de santé offerts à la minorité anglophone et d'appliquer une loi semblable pour assurer les soins de santé.

    Compte tenu de la longue expérience que vous avez eue au niveau de l'éducation, que vous ne voulez sans doute pas répéter, pensez-vous qu'une de ces trois priorités doit être mise de l'avant dans notre étude et, s'il y en a d'autres, quelles sont-elles?

+-

    M. Hubert Gauthier: Merci, monsieur le président.

    Quant à votre première question, les objectifs sont clairs. En fait, j'ai l'impression qu'on nous a fait travailler beaucoup pour clarifier nos objectifs, parce que le domaine de la santé n'était pas quelque chose d'admis au début, dans le cadre du plan Dion. La première question qu'on nous a posée a été celle-ci: que vient faire le fédéral dans une question comme celle-là? Donc, on a travaillé et on nous a obligés, de notre côté, à préciser nos objectifs, si bien que maintenant, s'il y a un volet du plan Dion... Si jamais on avait l'occasion de revenir, je pourrais vous faire une présentation sur les objectifs quantitatifs et qualitatifs de chacun des dossiers que je vous ai présentés. Si on veut assurer un soutien continu, on devra être en mesure de démontrer qu'on a réussi à atteindre les objectifs qu'on s'était engagés à atteindre. Par exemple, en ce qui a trait au réseautage, on s'est donné quatre ou cinq objectifs très précis que l'on peut mesurer.

    Deuxièmement, en parle de la formation de 2 500 à 3 000 personnes. Chacune des universités a un plan très précis, année par année, et elle sera en mesure de démontrer qu'elle a obtenu des résultats à cet égard. C'est probablement en matière de services qu'on est le plus inquiets. Le montant de 30 millions de dollars qui a été annoncé fait partie de l'enveloppe des soins de santé primaires, qui est une enveloppe transitoire, non récurrente. On va l'utiliser, bien entendu, mais on souhaiterait que cette enveloppe soit récurrente. C'est l'aspect qui nous inquiète le plus. Pour tenter d'assurer sa pérennité, on va monter des dossiers avec la collaboration des provinces. Donc, c'est une enveloppe d'argent non récurrente. Là aussi, les objectifs sont clairs en termes quantitatifs et qualitatifs. On a développé des modèles et différents projets sont en train de s'articuler.

    Évidemment, on travaille sur les trois fronts en même temps. Au cours de la prochaine année, il faudra régler le problème de l'organisation des services sur le terrain. Il s'agit des objectifs du plan Dion, bien sûr, mais à mon point de vue, il appartiendrait au ministère de la Santé et aux gouvernements provinciaux de définir les objectifs avec plus de précision. Donc, pour nous, le plan Dion est une réponse et non la seule réponse. Il faut que d'autres s'engagent. On ne peut pas dire que tout passe par le plan Dion. Il ne faut pas penser que c'est la seule avenue. On doit explorer toutes les autres avenues. Au plan de la technologie, par exemple, d'autres ministères devraient contribuer. Le plan Dion n'est pas l'unique voie à suivre. Voilà ma réponse à votre première question.

    Je vais laisser Georges répondre à votre deuxième question. La Société Santé en français représente le côté pratique des choses. Vous m'excuserez d'être pratique, mais comme je vous l'ai déjà dit, monsieur le président, les personnes vieillissantes n'ont pas le temps d'attendre que se termine un débat juridique qui peut s'éterniser pendant 10 ans. Je pense que ce débat doit se faire. À mon point de vue, il faut qu'il se fasse, mais nous nous intéressons au côté pratique des choses. Ma mère a besoin de services à domicile. À l'heure actuelle, elle a des contacts avec 21 personnes, dont deux parlent français. On est en 2003 et ma mère a 80 ans. Elle a besoin de services tout de suite, pas dans 10 ans. Nous sommes le côté pratico-pratique des choses, et c'est aujourd'hui qu'il faut trouver des moyens de fournir les services.

    Nous consacrons toute notre énergie à améliorer l'accès aux soins de santé en français. Je répète sans cesse à tous nos réseaux qu'il est important, au-delà des grands débats juridiques, que nous fassions des gains tous les jours. Nous nous acharnons à cela, tout en remerciant la fédération de faire le débat juridique, ce qui nous aide beaucoup et nous permet d'être ici aujourd'hui. On n'y serait peut-être pas autrement.

¿  +-(0945)  

    Je suis obligé de dire que ces questions ne vont pas l'une sans l'autre. Pour moi, ultimement, tous les niveaux de gouvernement devraient s'engager au plan juridique et aussi au plan pratico-pratique. Comme je le disais plus tôt, je souhaite que le comité ne s'oriente pas uniquement vers des démarches fédérales-provinciales, car si c'était le cas, la communauté pourrait être exclue de ces débats et faire les frais de grandes chicanes fédérales-provinciales.

¿  +-(0950)  

+-

    Le président: Je dois vous interrompre.

+-

    M. Hubert Gauthier: Comme me dit ma mère, qu'est-ce que cela change aux services qu'elle reçoit?

+-

    Le président: Je vais vous interrompre, monsieur Gauthier, afin de permettre à M. Arès d'ajouter à cela. Nous allons ensuite passer à M. Simard.

    Monsieur Arès.

+-

    M. Georges Arès: Je ne vais pas le faire tout de suite, parce que M. Gauthier doit quitter dans quelques minutes. Il y a peut-être d'autres députés qui ont des questions à lui poser.

+-

    Le président: Monsieur Simard.

+-

    M. Raymond Simard (Saint-Boniface, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Soyez les bienvenus, messieurs, madame. Étant donné que je suis de Saint-Boniface, c'est quelque chose qui me tient particulièrement à coeur. Également, chez nous, 25 p. 100 des francophones ont plus de 65 ans comparativement à 15 p. 100 à Winnipeg. La santé est évidemment quelque chose qui préoccupe beaucoup mes électeurs, entre autres.

    Je ne veux pas parler au nom de tous ceux qui sont ici, mais je pense que tous les gens sont d'accord pour dire qu'on a droit à des services en français. Cependant, nos ressources sont limitées. Vous avez cinq lignes directrices, monsieur Gauthier. Où voulez-vous inscrire un sixième principe?

    Vous connaissez certainement le rapport Chartier, dans lequel on préconise la prestation de services en français là où la population l'exige, par exemple. Chez nous, cela a été un succès foudroyant. Dernièrement, je suis allé à Notre-Dame-de-Lourdes, où on a ouvert un centre de services bilingues il y a quelques mois; on songe déjà à doubler l'espace actuel. Seriez-vous d'accord pour qu'on fournisse des services en français là où la population francophone se trouve, au lieu d'inscrire dans la loi un sixième principe, ce qui pourrait faire en sorte qu'on instaurerait des services en français à des endroits où ils ne seraient pas utilisés?

+-

    M. Hubert Gauthier: Votre question ressemble à celle qu'a posée M. Sauvageau. La Société Santé en français, comme je vous l'ai dit, se préoccupe d'identifier les endroits où il y a une population francophone et d'imaginer des solutions pratiques pour que les gens aient réellement accès aux services. C'est un travail qui se fait en collaboration avec les régies régionales et les ministères de la Santé. Ce n'est pas de la théorie. La Société Santé en français appuie la FCFA dans son travail de revendication au niveau juridique, et il s'agit d'un débat constant, mais même s'il y avait une victoire du côté juridique, il faudrait que cette victoire se traduise par une organisation de services qui soit propre à la communauté et qui donne des services concrets aux gens.

    Je n'entrerai pas ce matin dans le débat juridique--je vais laisser cela à mon ami Georges--, parce que notre préoccupation quotidienne est d'améliorer l'accessibilité, mais je reconnais que l'un des objectifs de votre comité est précisément celui-là. Je pense que les deux débats sont nécessaires et qu'il ne faut pas évacuer l'un au profit de l'autre. Notre rôle est véritablement d'agir sur le terrain tous les jours. Le rôle de Georges est de faire valoir le fait que sans assises juridiques, ce que nous faisons ne pourrait être que de courte durée. Comme l'argent, cela est nécessaire à la pérennité des services, car aussitôt qu'on décide d'arrêter de dépenser, si on n'a pas d'assises juridiques, on peut se retrouver en difficulté.

    Je ne dirai pas que je suis marié avec Georges, mais nous avons chacun un rôle distinct mais connexe à jouer. Pour ma part, je parle de choses concrètes par rapport aux citoyens qu'on dessert. J'étais un gestionnaire de la santé, et c'est pour ça que je me suis engagé de ce côté-là. Cela ne veut pas dire, par ailleurs, que je ne reconnais pas la nécessité de bonnes assises juridiques. Il existe certaines assises au pays, qu'il s'agisse de la Loi 142, de ce qu'il y a au Nouveau-Brunswick ou même des politiques que nous avons chez nous, mais elles sont très inégales d'une région à l'autre du pays.

+-

    M. Raymond Simard: Vous avez dit, monsieur Gauthier, que les provinces étaient à la table, mais elles sont à différents niveaux. Selon vous, quel est le secret du succès de certaines provinces? Pouvez-vous nous dire où en sont les provinces et ce qui a été fait pour les inciter à participer?

¿  +-(0955)  

+-

    M. Hubert Gauthier: Vous voulez un bulletin, n'est-ce pas? Quand on a commencé, on était un énergumène un peu surprenant. Un des secrets de notre réussite a été que Santé Canada s'était dit qu'il allait utiliser la Société Santé en français pour canaliser l'argent, ce qui est une formule passablement inusitée. Même si les 20 millions de dollars qu'on aura pour les services à la clientèle dans tout le pays ne représentent pas une somme énorme, le simple fait que les gouvernements provinciaux se rendent compte du fait que de l'argent circule par l'entremise des gens de la communauté est bénéfique. Par ailleurs, Ottawa dit qu'il faut impliquer les provinces. Cela oblige les provinces à se mettre à la table et oblige les communautés à entrer en relation avec les provinces. Ce simple fait a attiré les gens à la table, mais il a fallu faire beaucoup de démarches pour y arriver.

    Souvent, les provinces n'ont pas de lieu commun pour discuter avec les communautés. Il peut y avoir un groupe communautaire par ci, un groupe de professionnels par là. Il peut y avoir telle association ici et telle autre association ailleurs. Les gouvernements provinciaux, un peu comme vous, voient venir cela de toutes parts. Il n'y a pas de concertation ou d'unité de pensée. Pour les provinces, le réseautage est une solution à la question: What the hell do francophones want? Nous disons aux gouvernements provinciaux qu'ils n'auront pas 15 ou 20 démarches à faire; il va y avoir un seul groupe, et celui-ci va établir les priorités. Les gouvernements aiment-ils les priorités? Oui. Ils détestent être obligés de choisir parmi 25 priorités. Avec nos réseaux, la communauté pourra dire au gouvernement quelles sont ses priorités, et on évitera ainsi qu'il y ait des Enron et que d'autres groupes demandent d'autres choses. Cela donne au gouvernement provincial un lieu et un interlocuteur qu'il n'avait pas auparavant. Différents groupes pouvaient lui dire qu'ils avaient besoin de ceci et de cela. Donc, le réseau est un deuxième outil très important, et on a eu du mal à faire valoir cet argument.

    Mme McLellan nous disait toujours de nous assurer d'obtenir la participation des provinces. Je lui ai dit que dans la mesure où elles auraient un interlocuteur clair, les provinces allaient venir. C'est ce qui est en train de se produire. On n'a pas besoin de travailler fort pour les convaincre. Aussitôt qu'elles voient qu'il y a un bon interlocuteur solide et crédible et que les partenaires sont à la table, les provinces viennent à la table. Armand a fait une tournée de tout le pays et a insisté pour rencontrer des représentants non seulement de la communauté, mais aussi du gouvernement provincial. Je vous dirai que maintenant, il y a des participants des gouvernements provinciaux à toutes les tables. L'intensité n'est pas la même partout, mais à l'heure actuelle, on a des représentants provinciaux partout. Récemment, au mois d'avril, on a été en mesure de réunir tous les représentants provinciaux. On les a tous fait venir à Ottawa, avec des gens de nos communautés, pour amorcer un dialogue. Je ne vous dis pas que la participation de telle province se situe à 3 sur une échelle de 10 et que la participation de telle autre province se situe à 10. C'est un travail de longue haleine, mais à l'heure actuelle, elles sont toutes à la table.

+-

    Le président: Merci, monsieur Simard.

    Monsieur Bellemare.

+-

    M. Hubert Gauthier: Je dois vous dire que la sous-ministre adjointe à la santé publique et aux services médicaux au Nouveau-Brunswick, Mme Rachel Bard, est la vice-présidente du conseil d'administration de la Société Santé en français. Rachel travaille très fort pour sensibiliser ses collègues de partout au pays.

+-

    Le président: Monsieur Bellemare, s'il vous plaît.

+-

    M. Eugène Bellemare (Ottawa—Orléans, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Évidemment, le comité est très sensibilisé à la question de la francophonie, surtout dans le domaine de la santé. Vous avez parlé des principes, de la loi et de la Charte des droits et libertés. On est au courant de tout cela. C'est dans la pratique que se posera le problème. Naturellement, il n'y a pas ici de gens qui sont contre cette idée ou qui vont trouver des problèmes.

    Vous avez parlé d'aujourd'hui et de demain. M. Gauthier, lui, a parlé d'aujourd'hui. Il a dit que tout cela pressait, qu'il fallait que les choses se fassent tout de suite. Je suis d'accord, mais a-t-on les effectifs nécessaires là où il y a une demande? Et où est la demande? Est-ce qu'on a ciblé les endroits? Vous nous avez énuméré une gamme de gens responsables de différents services.

    Pour ce qui est de l'avenir, il faut faire de la formation. En avez-vous estimé les coûts dans vos communautés? Les opposants vont immédiatement nous demander combien cela va coûter. Est-ce qu'on va simplement prendre un panier rempli d'argent et le lancer aux communautés qui crient le plus fort, en espérant que dans cinq ans, elles auront accompli telle chose?

    Comment le fédéral peut-il aider les communautés directement? Comment peut-il contribuer à la formation? Je pourrais vous suggérer deux idées pour la formation, mais j'aimerais d'abord entendre vos réponses.

À  +-(1000)  

+-

    M. Hubert Gauthier: La formation est le dossier qui a eu le plus d'appui: 63 millions de dollars. C'était une de nos priorités. Si on ne forme pas des gens, on peut rêver à tout ce qu'on voudra, mais on n'y arrivera pas. Donc, dans le plan d'action Dion, on a consacré 63 millions de dollars à la formation; comme je l'ai dit plus tôt, on veut former de 2 500 à 3 000 nouveaux professionnels. C'est indispensable. Sans cela, on ne peut penser à établir des centres de santé et des points de service un peu partout. Ce sont des choses qui doivent être en parallèle. Pour former une infirmière, il faut trois ans et demi ou quatre ans, selon les endroits. Pour former un médecin, il faut de cinq à huit ans, selon qu'il est un généraliste ou un spécialiste. Il y a déjà de la formation en cours, mais on vient de faire un effort supplémentaire considérable, et la capacité de nos universités sera utilisée quasiment à sa limite avec ça.

    On avait pensé que nos institutions seraient en mesure de former des professionnels jusqu'à concurrence de 100 millions de dollars, car il faut tenir compte de leur capacité. On ne demandera pas aux universités anglophones de former des francophones. Nos universités et nos collèges ont fait un plan très réaliste, et nous pensons que ces 2 500 à 3 000 personnes combleront 40 p. 100 des besoins, mais il faut commencer par cela. On va réévaluer la situation dans trois ans pour voir où nous en sommes, si nous atteignons nos objectifs et si nous avons besoin d'aller plus loin.

    La formation, à mon point de vue, est primordiale. On a un bon consortium de neuf ou dix institutions au pays, et c'est la base. Vous demandez qui il faut aider. Ce groupe a été aidé et il faut continuer à l'appuyer, à mon avis; sans cela, tout le reste ne sera pas viable au niveau de la formation.

    Au sujet des services, je vous ai dit que j'étais inquiet à cet égard. Pour améliorer l'accessibilité, des lieux d'accueil spécifiques aux francophones doivent être établis. On a 20 millions de dollars, ce qui n'est pas beaucoup. Dans les premières recommandations qu'on avait faites à Santé Canada, on disait qu'il fallait quatre fois cette somme pour assurer quelque chose de solide et à long terme. Ce n'est pas encore acquis. On a encore du travail à faire à cet égard avec la collaboration des provinces. Les provinces donnent déjà un certain montant d'argent, et il y a probablement moyen d'ajouter à ce qui a déjà été mis sur la table. C'est ainsi qu'on voit l'avenir.

+-

    M. Eugène Bellemare: Au début, vous avez félicité notre président pour son projet de loi, et avec raison. Maintenant, trouvez-vous que son projet de loi serait pratique sur le plan national? On a besoin de ces réponses, parce qu'on va faire un débat avec des gens qui sont contre ce projet de loi, ou qui sont pour mais qui se demandent si cela va fonctionner.

+-

    Le président: Excusez-moi, monsieur Gauthier. Avant que vous répondiez, j'aimerais faire une mise au point. Le projet de loi auquel fait allusion mon collègue Bellemare et auquel a fait allusion M. Sauvageau n'existe plus, car il a été retiré du Feuilleton. Il faut qu'on comprenne cela. Notre comité a reçu le mandat de faire une étude sur le sujet du projet de loi, qui porte essentiellement sur la notion d'un cadre juridique ou d'une protection juridique quelconque. Donc, il faut faire la part des choses. Si c'était mon projet de loi, comme vous dites, je ne présiderais pas. Voilà.

    Deuxièmement, nous avons également reçu, et je vais m'assurer qu'elle soit distribuée aux membres du comité, une lettre signée par le ministre Dion et la ministre McLellan nous demandant d'aller au-delà du renvoi de la Chambre des communes, si nous le voulons bien, d'examiner la notion d'un régime de santé comme celui qui existe dans le domaine de l'éducation, et de consulter les provinces. Quand on parle d'un projet de loi, il faut faire attention de ne pas induire quiconque en erreur. Merci.

    Monsieur Gauthier.

À  +-(1005)  

+-

    M. Hubert Gauthier: J'allais simplement dire que tout cadre juridique serait un outil fort utile. On est souvent à bout de bras dans nos discussions parce qu'on n'a pas une assise légale comme celle qu'on a en éducation. Là aussi, on était à bout de bras et on se retrouvait souvent en cour. Donc, l'outil juridique est toujours utile, mais ce n'est pas l'unique outil. On ne peut pas penser que cet outil va faire des miracles à lui seul, mais c'est un outil utile et important quand on travaille à de tels dossiers.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Sauvageau.

+-

    M. Benoît Sauvageau: Monsieur Gauthier, vous avez parlé de choses pratiques, et j'apprécie beaucoup. Vous avez parlé d'aujourd'hui, de demain et d'après-demain, et des services concrets offerts directement à la population. Pour ce qui est de la formation, vous avez également parlé des contraintes des universités francophones à l'extérieur du Québec. Cependant, des ententes ont été signées, notamment entre le Nouveau-Brunswick et l'Université de Sherbrooke et d'autres universités au Québec. Pour demain et après-demain, pensez-vous qu'on doit multiplier ce genre d'ententes? Vous avez parlé des limites des institutions francophones à l'extérieur du Québec. Doit-on multiplier ces accords avec le Québec? C'est très pratique.

    Deuxièmement, serait-il souhaitable d'encourager la création de programmes d'échange et de formation linguistique chez les professionnels de la santé, infirmiers, thérapeutes, etc.? Ces professionnels, qui viendraient principalement du Québec, iraient dans les milieux minoritaires anglophones pour permettre à ces gens de travailler en français. Ils sont déjà formés et ils ont déjà de l'expérience. Deuxièmement, on pourrait permettre à des professionnels de la santé qui ont étudié en français ou qui veulent travailler en français d'aller au Québec pour apprendre la langue. Est-ce que cela pourrait faciliter la formation?

+-

    M. Hubert Gauthier: Oui, sur les deux fronts. D'abord, il y a une entente entre le Nouveau-Brunswick et l'Université de Sherbrooke, comme vous l'avez dit. D'ailleurs, il y a une partie des 63 millions de dollars qui ne peut être dépensée que dans le cadre de cette entente sur la formation des médecins. Donc, il est clair que c'est pour nous une ligne de vie. Cela nous est essentiel.

    Je vais vous donner un deuxième exemple. Mon hôpital, à Saint-Boniface, est jumelé avec le campus de Sherbrooke. Nous avons signé un protocole, qui a été appuyé par la province du Manitoba et le gouvernement du Québec, en vue de faire plusieurs projets ensemble, des projets de formation, mais aussi de partage de connaissances, de services et ainsi de suite. J'ai toujours dit et je dirai toujours que les francophones hors Québec ont besoin d'une ligne de vie avec le Québec et les institutions québécoises. Nous pouvons en bénéficier. Chez nous, par exemple, il y a des jeunes qui étudient en anglais à la faculté de médecine au Manitoba, mais nous sommes capables de les récupérer en cours de route. On a convenu avec le doyen de la faculté de médecine au Manitoba qu'au cours de leur formation, on ferait des ententes avec Sherbrooke, notamment, mais peut-être aussi avec Ottawa et d'autres, pour qu'ils puissent faire des stages et pour qu'on accrédite ces stages. Donc, la réponse est clairement oui et oui.

    Il y a déjà beaucoup de travail qui a été fait par le Nouveau-Brunswick à cet égard et qui nous a ouvert des portes. L'Université de Sherbrooke est souvent à la table quand on discute de ces questions et a participé très activement à tous nos débats sur la formation.

À  +-(1010)  

+-

    M. Benoît Sauvageau: À court terme, tout en appuyant les 63 millions de dollars consacrés à la formation, vous avez dit  oui et encore oui. Or, de quelle façon pouvons-nous--non pas le comité, mais nous tous ensemble--inciter les provinces à multiplier ce genre d'entente avec les hôpitaux ou les centres de santé francophones?

    Vous parlez de votre hôpital à Saint-Boniface qui a conclu une entente avec Sherbrooke; il est donc possible que demain--on n'a pas besoin d'attendre que soient terminées les cinq années de formation--, dans d'autres hôpitaux qui accueillent des francophones vivant en situation minoritaire, on offre ces services. Il s'agit sûrement d'une avenue à étudier en priorité, parallèlement à vous.

+-

    M. Hubert Gauthier: Je dirais que pour tous ceux qui encouragent les gens qu'ils connaissent au sein des gouvernements provinciaux à faire des ententes avec le Québec, c'est positif. Non, je ne veux pas aborder cette question, car c'est un terrain...

+-

    M. Benoît Sauvageau: Honnêtement, je ne parle pas de politique, mais de questions purement pratiques.

+-

    M. Hubert Gauthier: Oui, mais la politique éloigne parfois les francophones du pays.

+-

    M. Benoît Sauvageau: Je le sais, et c'est malheureux.

+-

    M. Hubert Gauthier: Et je vais m'en tenir à cela.

+-

    M. Benoît Sauvageau: Si le président me permet un dernier commentaire, s'il s'agit d'une initiative souhaitable et si le temps nous le permet, j'aimerais savoir si vous pourriez, en fonction de nos déplacements, nous faire part de noms d'endroits à visiter afin que nous puissions voir des exemples concrets.

+-

    Le président: Permettez-moi de vous dire que le comité a proposé un voyage en septembre--la deuxième semaine de septembre, si je ne m'abuse--au Yukon, à Whitehorse, Vancouver, Saint-Boniface, Sudbury, Québec et Moncton. Je crois que c'est exact, monsieur le greffier. Cela a été soumis à la Chambre, et on s'attend à avoir le feu vert pour ce qui est de faire cette tournée.

+-

    M. Benoît Sauvageau: Le greffier pourrait vous donner les dates de nos déplacements, étant donné que ce n'est pas pour demain matin.

+-

    M. Hubert Gauthier: Je crois que nous sommes en contact avec le greffier.

+-

    M. Benoît Sauvageau: Vous pourriez nous faire part d'endroits que nous pourrions visiter.

+-

    M. Hubert Gauthier: Ça me fera plaisir.

+-

    Le président: Messieurs les députés, j'aimerais clarifier quelques détails, si vous me le permettez. La somme de 63 millions de dollars et celle de 75 millions de dollars qui sera consacrée à la formation vous ont-elles été confirmées?

+-

    M. Hubert Gauthier: Cela a été confirmé en fin de semaine, lors d'une annonce faite par M. Dion à Halifax. Si vous ne l'avez pas déjà, nous pourrons vous donner le texte de son discours.

    M. Dion, donc, a confirmé que 75 millions de dollars seraient consacrés à la formation, que 63 millions de dollars seraient affectés au consortium des francophones hors Québec et que le solde irait aux anglophones du Québec. Pour ce qui est du réseautage, on parle de 14 millions de dollars, dont 10 millions iront aux francophones et 4 millions aux anglophones du Québec. En ce qui concerne les services à la population, il s'agit de 30 millions de dollars, dont 20 millions iront aux francophones hors Québec. C'est exactement ce qu'il a dit.

+-

    Le président: Parfait.

+-

    M. Hubert Gauthier: C'est à peu près ce à quoi on s'attendait.

+-

    Le président: Je ne l'avais pas reçu.

+-

    M. Hubert Gauthier: Ça a eu lieu vendredi soir à Halifax.

+-

    Le président: Merci. On va faire circuler cela. Je sais que vos relations avec les provinces évoluent, mais vous serait-il possible de nous faire parvenir un genre de tableau qui nous donnerait une idée, dans chaque cas, des relations qui prévalent et des choses qui se font au niveau des programmes et de l'apport des provinces? Un tel document pourrait alimenter nos discussions.

    J'aimerais vous poser une question. Vous parliez plus tôt de vos deux préoccupations, la première étant la réalisation d'un partenariat fédéral-provincial-communautaire. Je ne crois pas qu'il y ait à cet égard beaucoup d'opposition de la plupart des membres de ce comité. Vous parliez aussi de la pérennité des fonds; désigniez-vous par cela seulement les fonds fédéraux ou les fonds provinciaux également?

+-

    M. Hubert Gauthier: Je parlais de tout, mais quand je viens à Ottawa, je parle des sous fédéraux. Dans les provinces, en règle générale, dans le domaine de la santé, le financement est récurrent.

À  +-(1015)  

+-

    Le président: Est-il récurrent dans le cas des programmes pour les minorités linguistiques?

+-

    M. Hubert Gauthier: Les programmes pour les minorités linguistiques n'existent pas dans les provinces; il n'y a pas d'enveloppe particulière pour ça. On donne des enveloppes aux régions. Une partie du travail que nous devons faire avec les régions, dans nos territoires, est de déterminer qui est responsable des services en français et de clairement identifier les ressources consacrées à ça. C'est une partie du travail qui est en train de se faire.

    Au Nouveau-Brunswick, quand on réorganise des choses, il y a des batailles à faire pour assurer que les régies donnent des services aux francophones. C'est un débat qui a fait rage au Nouveau-Brunswick et qu'on a suivi avec beaucoup d'attention. Dans nos communautés plus petites où il y a moins de population, les francophones sont desservis par une grande régie. C'est le cas à Winnipeg, par exemple, où les francophones doivent s'assurer qu'une partie du budget d'environ un milliard de dollars est consacrée aux services aux francophones.

    Je parlais de la pérennité des budgets. La somme de 30 millions de dollars que M. Dion a annoncée pour les services est un one-time shot. Dans des cas semblables, tant les provinces que les communautés s'inquiètent de savoir ce qui va se passer par la suite. Cette question a été mise sur la table dès le départ. C'est d'ailleurs le problème des provinces. Je vais mettre mon chapeau provincial pendant 30 secondes, parce que mon organisme est financé par le provincial. L'entente de 800 millions de dollars qui a été conclue entre le fédéral et les provinces pour les soins de santé primaires est un fonds qui ne sera pas renouvelé. La balle sera ensuite lancée dans le camp des provinces. Je vous prie de me croire: les provinces vont revenir à la table pour discuter de cela d'ici quelque temps.

+-

    Le président: J'ai de la difficulté à comprendre. Vous avez fait allusion à la nécessité d'intégrer les services qui sont créés, mais d'après ce que vous me dites, ils sont déjà intégrés au niveau provincial.

+-

    M. Hubert Gauthier: Même si à l'intérieur d'une région, on tente d'intégrer les services dans les hôpitaux, les soins de longue durée et les soins de première ligne, les francophones sont noyés dans chacune de ces catégories.

    Quand nous parlons d'intégrer les services et du guichet unique, auquel M. Simard a fait allusion, nous pensons à des centres de santé communautaires qui vont regrouper tous les services en santé et même les services sociaux.

+-

    Le président: Vous parlez de l'intégration de tous les services en français et non de l'intégration des services en français dans le reste du système.

+-

    M. Hubert Gauthier: Voilà. Maintenant, ces systèmes ne sont pas étrangers au reste du système, mais il faut un lieu où les francophones se reconnaîtront et se sentiront chez eux, où ils ne seront pas gênés de parler en français. C'est comme la différence entre aller chez un voisin où tout le monde parle anglais et aller chez un autre voisin où tout le monde parle français.

+-

    Le président: Je suis content d'avoir saisi la différence; je n'avais pas compris de la même façon la notion d'intégration. Je suis à l'aise avec la notion d'intégration des services en français telle que je la comprends maintenant, mais pour cela, un financement provincial sera nécessaire également. On parlerait donc d'une désintégration du financement.

+-

    M. Hubert Gauthier: On le voit parfois ainsi.

+-

    Le président: Je suis un chat échaudé. Dans ma circonscription, j'ai vécu récemment la situation de Montfort, qu'on connaît tous d'ailleurs. Tout cela était intégré dans le budget provincial, et on a voulu réduire les services dispensés par l'hôpital. Cela a suscité la réaction qu'on connaît et nous a menés ici aujourd'hui.

+-

    M. Hubert Gauthier: Monsieur le président, le fait d'avoir des réseaux va obliger la province à bien identifier qui a la responsabilité de faire quoi et how much.

+-

    Le président: Merci.

+-

    M. Hubert Gauthier: Cela va nous aider beaucoup, je pense.

+-

    Le président: On se comprend. Je n'ai pas d'autres questions. S'il n'y a pas d'autres questions pour M. Gauthier, je vais le remercier de s'être déplacé.

+-

    M. Hubert Gauthier: Je vous remercie beaucoup.

+-

    Le président: Si vous voulez revenir nous voir...

+-

    M. Hubert Gauthier: Eh bien, on vous reverra à Saint-Boniface.

+-

    Le président: C'est cela.

    Les députés vont maintenant poser des questions aux autres témoins, à M. Arès en particulier.

    Monsieur Sauvageau.

+-

    M. Benoît Sauvageau: Monsieur Arès et madame Côté, bonjour. Je vais recommencer la question que je vous ai posée au début.

    Vous avez parlé du sixième principe. Entre le moment où vous avez commencé à en parler et aujourd'hui, les choses ont sans doute évolué. Considérez-vous toujours que c'est une priorité, même si le projet de loi de notre président n'existe plus?

    Selon moi, il y a deux autres solutions possibles en ce moment. On commence les discussions. Il y a le sixième principe tel que vous l'avez énoncé. Il y a les accords entre le fédéral, le provincial et la communauté qui s'inspireraient des accords sur l'éducation, tel que nous l'ont demandé M. Dion et Mme McLellan dans leur lettre au comité. Il y a aussi les lois existantes comme la Loi 142 au Québec ou celle du Nouveau-Brunswick, où on incite les provinces à offrir des services en anglais au Québec et en français au Nouveau-Brunswick. Donc, tout le monde est d'accord avec vous pour dire qu'on veut corriger la situation. On est dans le domaine de la santé. Tous font le même diagnostic, mais je ne pense pas que tous proposent le même remède. Voulez-vous toujours donner au patient la même pilule, c'est-à-dire le sixième principe, ou si vous pensez qu'on devrait s'inspirer d'autres exemples dans d'autres provinces?

À  +-(1020)  

+-

    M. Georges Arès: À mon avis, les trois solutions devraient aller de pair. Le sixième principe devrait être présent, ne serait-ce que pour reconnaître que le Canada est un pays où on valorise la dualité linguistique. Ce principe devrait se traduire dans les lois et les initiatives du gouvernement du Canada.

    Il peut y avoir par la suite des accords fédéraux-provinciaux-communautaires. J'apprécie beaucoup ce que M. Gauthier a dit: il ne faut pas oublier les communautés.

+-

    M. Benoît Sauvageau: Permettez-moi de vous interrompre, respectueusement, monsieur Arès.

    Et si le sixième principe empêchait la réalisation des deux autres? Comprenez-vous ce que je veux dire par là?

+-

    M. Georges Arès: Je ne suis pas expert en matière constitutionnelle et je ne peux donc déterminer si l'ajout d'un sixième principe pourrait constituer un empêchement. Selon ma façon de voir les choses, le sixième principe encouragerait les accords fédéraux-provinciaux, et j'accepte d'inclure là-dedans les communautés, car c'est bien important. Il pourrait par la suite y avoir dans chaque province des lois semblables à la Loi 142 et à celle du Nouveau-Brunswick.

    Ajouter un sixième principe ne signifie pas qu'on exclue les autres. D'abord, on souligne l'importance de la dualité linguistique dans le cadre des services de santé. Ensuite, qu'est-ce qu'on en fait? On conclut des accords à l'échelle provinciale, et par la suite, les gouvernements provinciaux peuvent adopter des lois pour respecter tout cela. Je ne vois pas comment ça peut être conflictuel.

+-

    M. Benoît Sauvageau: Je vais vous expliquer ma perception, même s'il est possible que je sois complètement dans l'erreur. D'abord, le principe de la dualité linguistique existe déjà sans le sixième principe et ce, en vertu de la Charte et de la Loi sur les langues officielles. On affirmerait donc un principe déjà existant.

    Ensuite, si on réaffirmait ce principe, le Québec ou d'autres provinces se braqueraient, pour ce qui est de la santé, comme ils l'ont fait trop longtemps pour ce qui est de l'éducation. On enclencherait alors des chicanes constitutionnelles et juridiques pour déterminer si le sixième principe en santé intervient dans les champs de compétence provinciale, qu'on soit du Québec ou du Manitoba. Je ne commencerai pas une chicane de politique québécoise; il s'agit ici d'une chicane de juridiction.

    Les provinces se braqueraient à un point tel que si on leur disait qu'elles peuvent en plus s'inspirer d'autres lois, elles nous répondraient qu'elles ne veulent plus rien savoir de notre idée et que nous avons voulu leur imposer une chose qui leur est restée prise dans la gorge. Veuillez excuser l'expression, mais elles nous diraient de ne plus les écoeurer avec ce sujet, qu'elles ne veulent plus rien savoir.

    Pour ces motifs, je veux m'assurer que, comme vous l'avez mentionné, le sixième principe serait complémentaire aux autres choses. Dans la perspective où tout le monde serait de bonne foi, je serais d'accord avec vous, mais je ne peux pas présupposer que ce serait le cas. Ainsi, je me demande si, pour arriver à aider M. Gauthier, nos parents, nos enfants et nous-mêmes à recevoir quotidiennement des services de santé, le sixième principe est pour nous la voie à suivre--le cas échéant, on commence la discussion ce matin et on étudie la question--ou s'il n'y a pas d'autres avenues prioritaires à prendre comme, par exemple, ce qui se fait et ce qui s'est fait ailleurs.

    Je voudrais que vous émettiez vos commentaires et que vous teniez compte également de la question de l'éducation. Je suis sûr que si la vie était comme un appareil vidéo, on appuierait sur stop et rewind; il y a des gestes qu'on ne poserait pas de la même façon pour défendre le dossier de l'éducation dans les différentes provinces.

    Maintenant que cela fait partie de notre bagage, est-ce qu'on fait la même démarche politique à l'égard du dossier de la santé ou s'il y a des erreurs qu'on ne doit pas et qu'on ne veut pas répéter? C'est à ce sujet que je veux entendre vos commentaires et initier les discussions du comité.

+-

    M. Georges Arès: Dans le domaine de l'éducation, si on se souvient bien, la Commission Laurendeau-Dunton avait donné lieu à la Loi sur les langues officielles, qui a ensuite généré le programme des langues officielles dans l'enseignement. Il y a donc d'abord eu une étude et ensuite une loi. En ce qui me concerne, je vois le sixième principe comme la loi qui pourrait inciter à conclure des accords fédéraux-provinciaux. Si les provinces s'engagent, on pourrait commencer par ça, mais qu'est-ce qui va les inciter à s'engager? Le fait de reconnaître que la dualité linguistique est un principe fondamental de ce pays et qu'il doit être reconnu au sein des services de santé.

    À mon avis, si elles ne s'engagent pas facilement, on aura besoin du sixième principe pour leur faire reconnaître que ce principe existe, qu'il doit exister et qu'il doit être respecté. Nous pourrons ensuite conclure des accords. Si elles veulent s'engager avant, d'accord, mais à mon avis, le sixième principe doit être là pour faire reconnaître à toute la société canadienne, à tous les gouvernements provinciaux, municipaux, et ainsi de suite ainsi qu'aux régies de la santé, que la dualité linguistique est un principe fondamental qui doit être respecté dans le cadre des services de santé qu'ils offrent à leur population.

À  +-(1025)  

+-

    Le président: Merci, monsieur.

+-

    M. Georges Arès: Permettez-vous d'ajouter ceci. M. Bellemare a parlé de « là où il y a une demande ». Si le gouvernement fédéral veut mettre en oeuvre une initiative pour faire reconnaître les besoins en matière de services de santé et y répondre, il doit faire abstraction de « là où il y a une demande ». On a un problème sérieux dans le domaine de l'éducation parce que la Charte dit: « là où il y a une demande ».

    La Cour suprême a répondu à cet argument du gouvernement de l'Alberta dans la cause Mercure. Lorsque le gouvernement de l'Alberta avait dit qu'il n'y avait pas un nombre suffisant en Alberta pour offrir des services du gouvernement provincial, la Cour suprême avait répondu que la province ne pouvait pas raisonnablement présenter un tel argument après avoir fait tout en son pouvoir pour réduire le nombre.

    Or, la situation est semblable dans le domaine de la santé. On n'a pas fait grand-chose pour développer la demande et on a même laissé les gouvernements provinciaux ne pas offrir de services de santé pendant longtemps. Le gouvernement fédéral n'a pas cherché, dans sa loi et dans les sommes d'argent qu'il donnait aux provinces, à encourager les provinces à augmenter la demande en français, puis il se dit qu'il va peut-être envisager d'offrir des services là où il y a une demande. Ce n'est pas raisonnable de penser ainsi.

    Si vous proposez quelque chose après vos consultations, j'aimerais que l'expression « là où il y a une demande » ne figure pas dans votre proposition. C'est un non-sens pour moi, parce qu'on n'a pas soutenu et alimenté la demande depuis que le Canada existe. Donc, ce n'est pas raisonnable de dire maintenant que si la demande n'est pas assez importante à Saint-Albert, en Alberta, ou à Wainwright, on n'offrira pas les services. Cela crée des citoyens de deuxième classe. Les gens qui ne font pas partie d'un regroupement suffisamment important ne reçoivent pas de services. Comme ils n'ont pas droit à des services, ce sont des citoyens de deuxième classe. Au Canada, on ne devrait pas avoir de citoyens de deuxième classe, surtout pas quand il s'agit de la dualité linguistique. Pour nos communautés, ce serait une erreur monumentale que d'ajouter « là où il y a une demande importante » ou « là où il y a une demande ». Je voulais faire le point à cet égard.

+-

    Le président: On est assez flexibles ici.

    Monsieur Simard.

+-

    M. Raymond Simard: J'aimerais poursuivre à ce sujet. Chez nous, il y a des problèmes quant aux programmes universels. Par exemple, il y a des emplois désignés bilingues et les fonds qui sont censés être destinés aux francophones ne sont pas utilisés pour les francophones. Dans des villages pas loin de chez nous il y a des postes bilingues, mais aucun francophone n'a recours aux services en français. C'est un problème. Je comprends ce que vous dites, mais comment omettre d'inscrire « là où il y a une demande » tout en ciblant les francophones et en s'assurant que les services vont aller aux francophones directement? C'est ce qui m'inquiète. Quand on légifère pour tout le pays et que 20 p. 100 de l'argent sert à desservir les francophones, ça ne me va pas. Je veux savoir comment on peut éviter cela.

+-

    M. Georges Arès: Je pense qu'il y a toute une éducation à faire et il y a aussi toute la question de l'offre proactive. On nous dit, par exemple, que peu de francophones remplissent le formulaire de Revenu Canada en français. Qu'est-ce que Revenu Canada a fait pour aider les gens à remplir leurs formulaires en français? Est-ce que des gens de Revenu Canada sont allés dans les écoles secondaires pour montrer aux jeunes du secondaire comment remplir un formulaire d'impôt en français, afin qu'ils soient en mesure de remplir le formulaire français lorsqu'ils obtiendront leur premier emploi? Rien de cela n'a été fait. Il n'y a ni offre proactive ni formation, et ensuite on dit que la demande n'existe pas. Il faut être proactif et voir comment on peut amener les francophones à demander ces services et à les utiliser. Il y a toute une sensibilisation et de la formation à faire, et il faut une approche proactive. Si on ne l'a pas fait, on ne peut pas dire que les francophones n'utilisent pas le service. Il n'appartient pas seulement aux communautés de dire aux gens de remplir le formulaire de Revenu Canada en français. Les gens l'ont toujours fait en anglais. Que doit-on faire pour qu'ils changent leurs habitudes? Ils ne comprennent pas, car c'est tellement complexe.

    Il y a d'autres exemples. Je prends celui-là parce qu'il est évident. Revenu Canada publie des annonces dans les journaux français pour encourager les gens à remplir leur formulaire en français. Cela ne donne aucun résultat, car les gens ont toujours rempli leur formulaire en anglais.

À  +-(1030)  

+-

    M. Raymond Simard: Seriez-vous d'accord pour qu'on identifie certaines régions où on sait que la population francophone utiliserait les services, ou si vous pensez qu'il faut absolument légiférer à l'échelle du pays?

+-

    M. Georges Arès: Je pense qu'il faut légiférer à l'échelle du pays. Comme je l'ai dit, je ne voudrais pas qu'on continue à créer des citoyens de deuxième classe en disant que dans telle région il y a suffisamment de francophones. Qu'est-ce qui arrive aux francophones de Whitehorse, au Yukon, ou de Vancouver lorsqu'on parle de pourcentages de la population? Dans les grandes villes, les francophones ne sont pas tous regroupés dans un même secteur ou dans un même quartier. Et qu'est ce qu'on fait dans les petits villages?

    On a un problème d'urbanisation. Le phénomène de l'urbanisation affecte maintenant nos communautés. Certains régions rurales sont en train de se vider au profit des grands centres urbains. Que fait-on de ceux qui restent en région? Si la population d'un village n'est plus que de 500, 5 000 ou 200, les gens n'ont plus de droits? J'ai beaucoup de problèmes avec ça. Selon moi, on doit évacuer cette notion voulant que pour avoir des droits comme francophones dans ce pays, il faut avoir un nombre spécifique et être dans une région bilingue. Je n'accepte plus cela. Je pense que la jeunesse de notre pays est en train de nous dire que ça ne fonctionne plus. Les sondages nous disent où le Canada s'en va, et il faut un leadership de la part du gouvernement fédéral. Le gouvernement ne doit pas attendre que nos communautés exercent des pressions pour leur donner les services dont elles ont besoin. Il doit établir une vision du pays et aller de l'avant. Il doit faire preuve du leadership nécessaire et ne pas limiter ces services aux régions bilingues. La dualité linguistique, valeur fondamentale du pays, signifie que tout le monde au pays a droit et doit avoir accès à ces services. Il s'agit de trouver la façon de le faire.

+-

    M. Raymond Simard: Monsieur Arès, la réalité n'est-elle pas, par exemple, que le Health Sciences Centre, à Winnipeg, reçoit des fonds pour livrer des services en français mais affecte cet argent à autre chose? C'est cela, la réalité. Que faut-il faire? Essentiellement, les ressources sont limitées et il faut s'assurer que les francophones ou les minorités en profitent.

+-

    M. Georges Arès: Le gouvernement fédéral devrait certainement mettre des conditions quand il alloue des fonds. On demande au gouvernement fédéral depuis des décennies d'imposer des conditions aux provinces quand il leur envoie des fonds pour l'éducation. Cela a pris du temps, mais certains gouvernements provinciaux commencent à dépenser de leur propre argent pour l'éducation en français. Par exemple, en Alberta, le gouvernement de la province a dépensé 30 millions de dollars de ses propres fonds au cours des deux dernières années pour l'amélioration et l'agrandissement des écoles françaises. C'est du jamais vu. Il y a 20 ans, l'argent du fédéral était utilisé pour les routes, mais je pense que l'attitude des gouvernements provinciaux change. Le fédéral devrait être plus proactif et demander qu'on rende des comptes et exiger des résultats.

    Les Canadiens et Canadiennes ont dit, notamment à la Commission Romanow et à la Commission Kirby, qu'ils veulent que l'argent soit utilisé pour les fins pour lesquelles il a été alloué et qu'il y ait des résultats.

+-

    M. Raymond Simard: Merci, monsieur le président.

+-

    Le président: Monsieur Castonguay.

+-

    M. Jeannot Castonguay (Madawaska—Restigouche, Lib.): J'aimerais revenir sur la question du sixième principe et vous faire part de quelques réflexions. Si on adopte cette approche, je me demande si, du point de vue pratique, cela pourrait devenir davantage une source de gros ennuis et provoquer une levée de boucliers. Il est possible de le faire en même temps qu'on fait autre chose, mais ma crainte est celle-là. Vous dites dans votre texte:

Nous avons aussi suggéré un programme spécial qui offrirait des mesures incitatives aux gouvernements provinciaux en vue de les encourager à offrir des services de santé à leur population minoritaire de langue officielle.

    On parle de collaboration et de programmes de services aux francophones ou aux anglophones en situation minoritaire. N'est-ce pas une meilleure approche pour atteindre le résultat souhaité? Je pense qu'au fond, on a tous le même objectif.

    Je ne parle pas comme médecin mais plutôt comme politicien et je ne suis pas un expert dans ce domaine. Je me demande où on pourrait trébucher et manquer le bateau, alors que si on adopte une approche différente... Mes questions vont dans ce sens-là.

À  +-(1035)  

+-

    M. Georges Arès: À mon avis, il s'agit là d'une question valable que vous devez vous poser: c'est l'approche qui sert à atteindre le but. Or, selon moi, le but doit être le sixième principe.

    Si on examine ce qui s'est passé en éducation, on constate que le fédéral a mis en vigueur la Loi sur les langues officielles, mais qu'il n'y était pas spécifiquement question d'un programme de financement pour l'éducation en français. Le programme a été créé par la suite, avec les provinces, et il y a eu ensuite, une douzaine d'années plus tard, l'article 23. Cet article était nécessaire pour confirmer le droit aux écoles et à la gestion scolaire. Il reste que le programme a commencé bien avant l'article 23.

    Ce sera à vous de décider. Néanmoins, l'article 23 était nécessaire, même si le programme existait déjà. Il a donné lieu à l'expansion des écoles et de la gestion scolaire. On est maintenant arrivés au point où la pierre angulaire du développement de la communauté est finalement reconnue, d'abord par la loi, et ensuite par la Charte et le programme. Il nous faut, nous aussi, en arriver à cela. Ce sera à vous de décider de commencer par le sixième principe ou d'obtenir autrement l'engagement des provinces.

    À mon avis, les réseaux que la Société Santé en français est en train d'établir sont une excellente occasion de sensibiliser les gouvernements provinciaux. Ces derniers vont reconnaître que le fait de travailler de concert avec tous les intervenants importants du domaine de la santé va permettre de cibler les problèmes et d'y apporter ensemble des solutions. Selon moi, il est possible d'obtenir leur collaboration. Ce sera à vous de juger ce qui, à l'heure actuelle, est le plus rentable au point de vue politique. Mais j'insiste: il faut aboutir à quelque chose et inclure le sixième principe dans la Loi canadienne sur la santé.

+-

    M. Jeannot Castonguay: J'avais l'impression que le but ultime était d'assurer que les gens reçoivent les services de santé dans leur langue.

+-

    M. Georges Arès: Oui, mais il faut des mesures de protection.

+-

    M. Jeannot Castonguay: Je vais réfléchir à cela.

+-

    M. Georges Arès: Comme je l'ai dit déjà, nous avons la Loi sur les langues officielles et l'article 23 de la Charte des droits et libertés. Ce qu'il nous faut, c'est de la protection. Même si on peut affirmer être en mesure d'offrir les services, cette protection est toujours nécessaire; en plus, il faut que la dualité linguistique soit reconnue comme valeur et caractéristique fondamentales du pays. Cela devrait être inclus dans les lois. Il le faut.

    Il ne faut pas évacuer cela et dire qu'on n'en parle pas. À mon avis, une fois qu'on réussit à inclure cela dans la loi, c'est là pour toujours, à moins que la loi soit modifiée. Je pense que les jeunes du Canada sont en train de nous dire que pour eux, le pays devrait être beaucoup plus respectueux de la dualité linguistique qu'il ne semble l'être présentement ou qu'il ne l'a été par le passé.

+-

    M. Jeannot Castonguay: Voulez-vous dire par là que les dispositions de la Charte et de la Loi sur les langues officielles ne sont pas suffisantes?

+-

    M. Georges Arès: Non, je dis qu'avec l'article 23, la Loi sur les langues officielles et le programme d'appui en éducation, c'est suffisant. C'est la raison pour laquelle j'ai répondu à M. Sauvageau que je voyais les trois comme allant de pair et ce, même s'ils ont été mis en vigueur à des époques différentes. Il s'agit de décider comment procéder. Au plan politique, ce n'est pas à moi de décider comment vous allez aborder les provinces.

+-

    Le président: Madame Thibault.

+-

    Mme Yolande Thibeault (Saint-Lambert, Lib.): Non, ça va.

+-

    Le président: J'aimerais faire part à mon collègue de certains aspects de mon expérience et de mes connaissances en éducation.

    Bien que la Charte soit enchâssée dans la Constitution canadienne et que presque toutes les provinces canadiennes y aient adhéré, 15 années ont passé avant que les droits soient respectés et qu'il y ait une application pratique sur le terrain. Malgré la Charte, la Loi sur les langues officielles et les programmes d'appui, il a fallu 15 ans pour cela. Donc, ce dans quoi nous nous engageons aujourd'hui ne sera pas réglé demain.

    Mais je pense néanmoins qu'il est de notre devoir d'adopter une vision à long terme. À cet égard, je veux poser quelques questions à M. Arès.

    Vous disiez plus tôt que le gouvernement canadien pourrait ou devrait imposer des conditions. J'aimerais d'abord vous demander--je crois connaître la réponse, mais je veux m'assurer qu'elle est la même pour vous--si, à votre avis, même sans modifier la Loi canadienne sur la santé afin d'y inclure un quelconque sixième principe, le gouvernement du Canada pourrait d'ores et déjà inclure des conditions à ses transferts aux provinces en matière de santé.

À  +-(1040)  

+-

    M. Georges Arès: Je crois que oui.

+-

    Le président: Merci.

+-

    M. Georges Arès: Le fédéral, en vertu de son pouvoir de dépenser, peut à mon avis exiger que ces sommes servent à cet effet.

+-

    Le président: Depuis l'an 2000, on a connu deux négociations: une en l'an 2000, qui a mené à une entente, et une autre, plus tôt cette année, qui a suivi le dépôt des rapports Romanow et Kirby.

    Est-ce que la FCFA est tentée de rencontrer le gouvernement, de participer aux négociations et de demander que des conditions soient greffées aux ententes de transferts?

+-

    M. Georges Arès: On a participé à des discussions avec les gens du comité consultatif de Santé Canada, mais on n'a pas fait de demande officielle.

+-

    Le président: Merci. Est-ce que vous êtes suffisamment au courant de la situation du Nouveau-Brunswick, incluant au plan juridique, pour répondre à mes questions?

+-

    M. Georges Arès: Non.

+-

    Le président: J'aimerais revenir sur le commentaire de M. Bellemare portant sur la demande et sur les expressions « là où le nombre le justifie » et « là où le nombre est suffisant »; une recherche pourrait être faite à ce sujet.

    Je voudrais savoir si au Nouveau-Brunswick, la seule province officiellement bilingue--je ne sais pas si mon collègue M. Castonguay est au courant--, cette notion de « là où la demande est suffisante » ou « là où la demande le justifie » existe. Est-ce que tous les citoyens du Nouveau-Brunswick ont droit à des services de santé dans leur langue ou s'ils doivent être assujettis à cette question concernant la demande suffisante? Est-ce que quelqu'un peut répondre à cela? Sinon, je vais poser la question à notre recherchiste.

+-

    M. Georges Arès: Je pense que vous devriez faire faire la recherche parce que pour ma part, je n'en suis pas certain.

+-

    Le président: D'accord. Merci.

    Monsieur Sauvageau.

+-

    M. Benoît Sauvageau: Je vais saisir la balle au bond et vous dire qu'une recherche a déjà été faite par la bibliothèque. Malheureusement, je ne l'ai pas avec moi. Il reste que pour bien faire mes devoirs, avant de venir au comité, j'ai demandé une recherche. Je ne sais pas si c'est M. Ménard ou quelqu'un d'autre de la bibliothèque qui l'a faite. Il s'agit d'une recherche sur la Loi 142 au Québec ainsi que sur la loi au Nouveau-Brunswick. On a reçu ces réponses?

+-

    M. Marion Ménard (attaché de recherche auprès du comité): Oui.

+-

    M. Benoît Sauvageau: Je ne les ai pas mémorisées au complet, mais je sais que la recherche est faite. J'en ai un exemplaire à mon bureau.

+-

    Le président: Est-ce une chose que vous seriez prêt à partager avec le comité, monsieur Sauvageau?

+-

    M. Benoît Sauvageau: Avec plaisir.

+-

    Le président: Vous avez la permission?

+-

    M. Benoît Sauvageau: Étant donné qu'on est une grande famille, on partage tout.

+-

    Le président: Et ce sera un document public?

+-

    M. Benoît Sauvageau: Oui, c'est un document de la bibliothèque.

+-

    Le président: S'il s'agit d'un document demandé par un député, la permission de ce dernier est nécessaire pour qu'il soit rendu public.

+-

    M. Benoît Sauvageau: Je vous en donne la permission.

+-

    Le président: Voilà.

+-

    M. Benoît Sauvageau: J'avais deux questions. La première concernait les conditions liées au transfert des fonds en santé. Or, vous avez répondu à M. Bélanger à ce sujet. Maintenant, j'en ai encore trois.

    Le Québec et le Nouveau-Brunswick, qui ont adopté des lois pour aider les francophones--et les anglophones au Québec--à obtenir des soins de santé dans leur langue, n'avaient pas de sixième principe. Pour que les autres provinces adoptent des lois semblables à celles du Québec et du Nouveau-Brunswick, pensez-vous qu'on doit leur imposer un sixième principe?

+-

    M. Georges Arès: Non, ce n'est pas ce que j'ai dit.

À  +-(1045)  

+-

    M. Benoît Sauvageau: Non?

+-

    M. Georges Arès: J'ai dit que j'aimerais inclure le sixième principe. Vous pourriez commencer de la façon dont on a procédé avec l'éducation. Mais il ne faut pas oublier que dans ce domaine, il y avait la Loi sur les langues officielles et que cette dernière a donné lieu au programme d'appui en éducation. En outre, je pense que les réseaux qui seront en place vont susciter l'engagement des décideurs politiques provinciaux et ceux des régies de la santé. À mon avis, il y a lieu de sensibiliser ces gens.

    Je ne crois pas que les provinces vont collaborer si on leur impose des choses, à moins que ce soit dans la Constitution. C'est pourquoi je dis qu'au plan politique, ce sera à vous de décider comment aborder les provinces. Chose certaine, les fonds sont un excellent incitatif pour les provinces.

+-

    M. Benoît Sauvageau: C'est exact.

+-

    M. Georges Arès: L'argent...

+-

    M. Benoît Sauvageau: Dans le cadre des transferts et des négociations des ministres de la Santé, nous--ou la FCFA--pourrions mettre à l'ordre du jour, pour les provinces qui n'ont pas adopté de projet de loi en ce sens, des discussions sur la mise en vigueur de projets de loi tels que ceux adoptés par d'autres provinces. Ainsi, on pourrait procéder à un transfert X, avec un délai X. Il me semble que cet incitatif risque moins--comme mon ami, M. Castonguay, le disait plus tôt--de susciter un braquage. On est d'accord pour dire qu'on doit arriver au même but. Je vous en remercie; cela nous donne l'obligation de réfléchir à cette question.

    Je me pose aussi des questions sur la teneur de l'expression « là où le nombre le justifie ». Je regardais plus tôt l'adjoint du sénateur Gauthier; je sais que ce sujet l'intéresse au plus haut point. M. Simard m'a fait réfléchir au sens des mots « là où le nombre le justifie ». En théorie, je suis parfaitement d'accord avec vous, monsieur Arès. Cela devrait être appliqué partout, il n'y a pas de doute. Or, en pratique, j'ai des hésitations.

    Le Conseil du Trésor désigne des régions bilingues. On sait que 33 p. 100 de la fonction publique est bilingue et qu'il y a aussi des régions bilingues. Par exemple, si vous vivez dans une région où la proportion de francophones est de 0,5 p. 100, il n'y a pas d'obligation de la part du gouvernement fédéral d'offrir des services en français dans cette région.

    Par exemple, si je décide de m'établir dans une région rurale du Québec où il n'y a que huit enfants d'âge scolaire mais que je ne veux pas être considéré comme un citoyen de seconde zone--je veux une école et des autobus jaunes--, je risque de faire face à un problème d'ordre purement pratique. Je suis citoyen québécois et, selon la loi du Québec, j'ai droit à l'éducation, mais si je m'établis en banlieue de la Baie-James, par exemple, pour faire appliquer cette loi, je risque effectivement d'être confronté à un problème d'ordre pratique.

    Donc, pour bien utiliser les ressources, est-ce qu'on ne devrait pas commencer par les zones désignées bilingues par le Conseil du Trésor, par exemple, pour en venir éventuellement à ce que ces services soient offerts à tout le monde, plutôt que d'essayer à prime abord de les offrir à tout le monde?

+-

    Le président: M. Boudreau voudrait répondre à cette question.

    Allez-y, monsieur Boudreau.

+-

    M. Armand Boudreau (directeur général, Société Santé en français): Merci, monsieur le président.

    Je voudrais vous faire part d'un élément qui, dans le domaine de la santé, ajoute une certaine complexité à la chose; il s'agit, je crois, d'un phénomène qui n'existe pas dans le domaine de l'éducation. Je ne veux pas dire par là que l'éducation n'est pas complexe. Néanmoins, en santé, plusieurs provinces ou territoires, comme vous le savez, ne sont pas autonomes. Par conséquent, plusieurs services spécialisés doivent s'acheter d'une province à l'autre--c'est le cas même en éducation--afin de former, comme vous l'avez dit plus tôt, les professionnels. Par exemple, les médecins du Nouveau-Brunswick sont formés au Québec. Donc, quand il est question de situations « où le nombre le justifie », il faut aussi avoir cela en tête; de quels services s'agit-il quand on dit « où le nombre le justifie »?

    Je suis allé à Iqaluit la semaine dernière. Comme vous le savez, la population de francophones à travers tout le territoire du Nunavut est au maximum d'environ 600 ou 700 personnes. Pour répondre aux besoins de ces personnes, on n'offre pas, dans tous les cas, des services directs sur le terrain.

    Il est question que parmi les infirmières praticiennes, certaines parlent français, mais on parle surtout d'ententes particulières qui existent déjà avec l'hôpital d'Ottawa ainsi que d'ajustements à ces dernières. Ainsi, les patients francophones du Nunavut pourraient se rendre à Montfort, lorsque le service requis y est disponible, plutôt qu'à l'hôpital d'Ottawa, où le spécialiste risque d'être anglophone.

    Étant donné qu'on parle ici de désigner des régions du pays, je voulais vous dire que la complexité du domaine de la santé rend la chose plus difficile, entre autres à cause de la prestation des services.

+-

    Le président: Monsieur Arès, voulez-vous ajouter quelque chose?

+-

    M. Georges Arès: M. Boudreau a bien expliqué la situation. Néanmoins, elle s'applique aussi à l'éducation. Dans un village où il y a huit étudiants, reconnaître le droit à l'éducation en français ne signifie pas forcément qu'on va construire une école pour eux. Il faut trouver une façon d'assurer les services. Mon idée est précisément qu'on reconnaisse le droit de tous les Canadiens et Canadiennes de recevoir des services de santé en français. S'il n'y a pas suffisamment de gens dans un village pour justifier qu'il y ait un hôpital, il faut trouver une autre façon de reconnaître leurs droits et de leur livrer les services.

À  +-(1050)  

+-

    Le président: Merci.

    Messieurs, madame, je vous ferai remarquer qu'à 11 heures, nous devrons quitter la salle étant donné qu'il y a une réunion du Comité de l'agriculture. Nous allons donc faire un dernier tour. Pour ma part, je me réserve deux minutes à la fin pour vous donner un aperçu de ce qui s'en vient.

    Monsieur Arès, voulez-vous conclure?

+-

    M. Georges Arès: Je voudrais parler de la question des fonds. Souvent, pour que les provinces s'engagent, il faut fournir de l'argent, comme on l'a fait dans le domaine de l'éducation. Comme je l'ai expliqué plus tôt, les provinces commencent à affecter de leurs propres fonds à cela. Donc, il y a l'approche juridique, le sixième principe, la loi, etc., et il faut maintenant fournir de l'argent pour inciter les provinces à s'engager. Les provinces s'inquiètent du financement récurrent. Quand on leur demande d'offrir des services à la minorité française, elles se demandent  qui va payer et pendant combien de temps. Si on n'est pas prêt à établir un programme semblable à celui qu'il y a en éducation au lieu d'attendre que les provinces acceptent et commencent à y consacrer de leur propre argent, on n'ira nulle part.

    M. Gauthier a parlé d'un montant de 20 millions de dollars. Ce n'est pas beaucoup pour inciter les provinces à s'engager. Et il y a une chose qu'il n'a pas dite: les provinces ne pourront pas avoir accès à ces 20 millions de dollars si elles ne garantissent pas un financement récurrent. Sont-elles prêtes à le faire? Je ne le sais pas. Certaines provinces refuseront. Seules les communautés francophones des provinces qui sont prêtes à s'engager recevront certains services. Les autres n'en recevront pas parce qu'on n'est pas prêt à garantir le financement récurrent. Il faut donc trouver un moyen d'inciter les provinces à s'engager, et cela se fait souvent avec de l'argent.

+-

    Le président: C'est noté, monsieur Arès. Je vous remercie.

    Je crois qu'on a eu une bonne entrée en la matière. Naturellement, je voudrais vous inviter, ainsi que la Société Santé en français, à suivre les délibérations du comité. Si vous voulez y assister en personne, vous serez les bienvenus. Vous pouvez aussi le faire sur notre site web, où les procès-verbaux sont affichés trois ou quatre jours après la séance.

+-

    Le greffier du comité: Vingt-quatre heures après.

+-

    Le président: Quelle efficacité!

    Donc, je vous invite à suivre nos délibérations. Si vous avez des commentaires à nous faire parvenir, nous les accueillerons avec plaisir. Merci infiniment de votre présentation; elle a été très appréciée.

    Chers collègues, nous rencontrerons demain des représentants du ministère de la Santé du Canada, notamment M. Marcel Nouvet, qui est sous-ministre adjoint, coprésident du groupe consultatif qui avait été créé et également coprésident, je crois, de la Société Santé en français.

+-

    M. Armand Boudreau: Il n'est pas coprésident, mais membre du conseil.

+-

    Le président: Nous recevrons également Mme Mandy, qui est directrice de la Division de la Loi canadienne sur la santé.

    J'avais espéré que le secrétaire parlementaire de la ministre participe également à la séance en tant que témoin, mais il préfère y participer en tant que membre du comité.

+-

    M. Jeannot Castonguay: Je serai plus à l'aise si on ne me questionne pas.

+-

    Le président: Nous aurions voulu vous questionner, cher collègue.

À  -(1055)  

+-

    M. Benoît Sauvageau: Et pas à peu près.

+-

    Le président: Je vais maintenant faire mon mea-culpa et demander l'absolution de mes collègues. Si je ne l'obtiens pas, on agira en conséquence et on annulera, mais je dois vous donner des explications.

    J'ai eu la chance de parler avec quelques-uns d'entre vous d'une chose qui n'a rien à voir avec la santé. Il y a présentement une situation qui prévaut au niveau de la capacité de nos producteurs télévisuels indépendants francophones hors Québec à la suite des annonces de financement qu'ont faites le Fonds de production télévisuelle et Téléfilm. Certains critères font en sorte qu'on élimine presque complètement le financement de la production télévisuelle francophone hors Québec, ou hors Montréal, comme certains disent.

    On m'a fait plusieurs représentations, et le mercredi précédant la semaine de la pause, j'ai rencontré la présidente de TFO. J'étais conscient du problème, comme le sont aussi certains de mes collègues, mais elle m'a expliqué que puisqu'il y a deux tranches de financement par année--la prochaine est à l'automne--, si les mêmes règles restent en place, ce sera fini pour la plupart de ces producteurs.

    Je quittais cet après-midi, comme la plupart, et j'ai pris l'initiative de demander au greffier de convoquer pour les deux réunions de la semaine prochaine les témoins suivants: Téléfilm et le Fonds de production télévisuelle, Radio-Canada et TFO, l'Alliance des producteurs francophones du Canada et le ministère du Patrimoine canadien. Avec son efficacité habituelle, le greffier les a tous convoqués pour mardi et mercredi de la semaine prochaine.

    Si vous le voulez, chers collègues, on pourrait traiter de cette question en deux séances et préparer un rapport qui aura peut-être une influence bénéfique. Consentez-vous à ce que nous procédions de cette façon la semaine prochaine?

+-

    M. Benoît Sauvageau: Je partage toutes vos observations, sauf pour ce qui est du « peut-être ». Un tel rapport aura sûrement un impact positif.

-

    Le président: Merci. Voilà pour la semaine prochaine.

    Le 10 juin, le ministre de la Défense nationale, M. McCallum, sera ici, et nous continuerons notre étude sur la santé le 11 et la semaine suivante.

    Merci et à demain après-midi.

    La séance est levée.