LANG Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent des langues officielles
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 3 juin 2003
¿ | 0910 |
Le président (M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.)) |
Mme Cécile Chevrier (présidente, Alliance des producteurs francophones du Canada) |
¿ | 0915 |
¿ | 0920 |
¿ | 0925 |
¿ | 0930 |
Le président |
M. Pierre-Raphaël Pelletier (président, Fédération culturelle canadienne-française, Alliance des producteurs francophones du Canada) |
Le président |
M. Robin Cantin (directeur des communications, fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, Alliance des producteurs francophones du Canada) |
¿ | 0935 |
Le président |
M. Louis Paquin (Productions Rivard, Winnipeg, Alliance des producteurs francophones du Canada) |
¿ | 0940 |
Le président |
M. Robert Charbonneau (Productions R. Charbonneau, Ottawa, Alliance des producteurs francophones du Canada) |
¿ | 0945 |
Le président |
Mark Chatel (À titre individuel) |
Le président |
M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Alliance canadienne) |
¿ | 0950 |
Mme Cécile Chevrier |
M. Jason Kenney |
Mme Cécile Chevrier |
Le président |
M. Jeannot Castonguay (Madawaska—Restigouche, Lib.) |
¿ | 0955 |
Mme Cécile Chevrier |
M. Jeannot Castonguay |
Mme Cécile Chevrier |
M. Jeannot Castonguay |
Mme Cécile Chevrier |
M. Louis Paquin |
À | 1000 |
Le président |
M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ) |
À | 1005 |
Mme Cécile Chevrier |
Le président |
M. Pierre-Raphaël Pelletier |
Le président |
M. Benoît Sauvageau |
Mme Cécile Chevrier |
M. Benoît Sauvageau |
Mme Cécile Chevrier |
M. Robin Cantin |
Le président |
Mme Yolande Thibeault (Saint-Lambert, Lib.) |
Mme Cécile Chevrier |
À | 1010 |
Mme Yolande Thibeault |
Mme Cécile Chevrier |
Mme Yolande Thibeault |
Mme Cécile Chevrier |
Mme Yolande Thibeault |
Mme Cécile Chevrier |
Mme Yolande Thibeault |
Le président |
M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD) |
M. Pierre-Raphaël Pelletier |
Mme Cécile Chevrier |
À | 1015 |
M. Yvon Godin |
Mme Cécile Chevrier |
M. Yvon Godin |
Mme Cécile Chevrier |
M. Robert Charbonneau |
Le président |
M. Raymond Simard (Saint-Boniface, Lib.) |
À | 1020 |
Mme Cécile Chevrier |
M. Pierre-Raphaël Pelletier |
M. Raymond Simard |
Mme Cécile Chevrier |
M. Raymond Simard |
Le président |
À | 1025 |
Mme Cécile Chevrier |
Le président |
Mme Cécile Chevrier |
Le président |
Mme Cécile Chevrier |
Le président |
M. Robert Charbonneau |
Le président |
M. Benoît Sauvageau |
Mme Cécile Chevrier |
M. Pierre-Raphaël Pelletier |
M. Benoît Sauvageau |
Le président |
M. Louis Paquin |
À | 1030 |
Le président |
Mme Cécile Chevrier |
Le président |
Mme Cécile Chevrier |
Le président |
Mme Cécile Chevrier |
Le président |
M. Robert Charbonneau |
Le président |
Le président |
M. Michael Wernick (sous-ministre délégué, ministère du Patrimoine canadien) |
À | 1045 |
À | 1050 |
Le président |
M. Benoît Sauvageau |
M. Michael Wernick |
M. Benoît Sauvageau |
Le président |
M. Benoît Sauvageau |
Le président |
M. Michael Wernick |
À | 1055 |
Á | 1100 |
Le président |
M. Michael Wernick |
Le président |
Mme Sandra Macdonald (présidente et Chef de la direction, Fonds canadien de télévision) |
Á | 1105 |
Á | 1110 |
Á | 1115 |
Le président |
M. Benoît Sauvageau |
M. Michael Wernick |
M. Benoît Sauvageau |
Á | 1120 |
M. Michael Wernick |
M. Benoît Sauvageau |
Le président |
M. Benoît Sauvageau |
Mme Sandra Macdonald |
Á | 1125 |
Le président |
M. Eugène Bellemare (Ottawa—Orléans, Lib.) |
Á | 1130 |
Le président |
M. Eugène Bellemare |
Mme Sandra Macdonald |
Á | 1135 |
Le président |
M. Yvon Godin |
Á | 1140 |
Le président |
M. Yvon Godin |
M. Michael Wernick |
Le président |
M. Michael Wernick |
Á | 1145 |
Le président |
M. Yvon Godin |
M. Michael Wernick |
M. Yvon Godin |
M. Michael Wernick |
Mme Sandra MacDonald |
M. Michael Wernick |
Le président |
M. Yvon Godin |
M. Michael Wernick |
Le président |
Mme Sandra Macdonald |
Le président |
Mme Yolande Thibeault |
M. Michael Wernick |
Mme Yolande Thibeault |
M. Michael Wernick |
Mme Yolande Thibeault |
M. Michael Wernick |
Mme Yolande Thibeault |
M. Michael Wernick |
Á | 1150 |
Le président |
Mme Louise Baillargeon (vice-présidente, Fonds canadien de télévision) |
Mme Yolande Thibeault |
Le président |
M. Raymond Simard |
M. Michael Wernick |
M. Raymond Simard |
Mme Sandra Macdonald |
M. Raymond Simard |
Mme Sandra Macdonald |
M. Raymond Simard |
Mme Sandra Macdonald |
Á | 1155 |
M. Raymond Simard |
Mme Sandra Macdonald |
Le président |
M. Raymond Simard |
Mme Sandra Macdonald |
 | 1200 |
Le président |
M. Jeannot Castonguay |
M. Michael Wernick |
M. Jeannot Castonguay |
M. Michael Wernick |
Le président |
Mme Sandra Macdonald |
Le président |
Mme Sandra Macdonald |
Le président |
Mme Sandra Macdonald |
Le président |
M. Michael Wernick |
Le président |
M. Michael Wernick |
 | 1205 |
Le président |
Mme Sandra Macdonald |
Le président |
Mme Sandra Macdonald |
Le président |
CANADA
Comité permanent des langues officielles |
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 3 juin 2003
[Enregistrement électronique]
¿ (0910)
[Français]
Le président (M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.)): Mesdames et messieurs, nous avons un avant-midi chargé devant nous. Il est temps de commencer nos délibérations. Je vous invite à prendre place.
La matinée est divisée en deux parties: une première qui nous mènera jusqu'à 10 h 30 et une deuxième qui durera de 10 h 30 à midi. Lors de la première, nous recevrons notamment l'Alliance des producteurs francophones du Canada, dont la présidente est Mme Cécile Chevrier. Je vous demanderais, madame Chevrier, de vous restreindre à 15 minutes, si possible, parce que vous avez demandé que l'on donne aussi la parole aux gens qui vous accompagnent: M. Pierre-Raphaël Pelletier, président de la Fédération culturelle canadienne-française, M. Robin Cantin, de la FCFA, M. Louis Paquin, M. Charbonneau et M. Mark Chatel. Je ne sais pas si tout le monde aura une chance de parler, car après une demi-heure je céderai la parole aux membres du comité pour qu'ils puissent vous poser des questions.
Nous ferons ensuite une courte pause et à la reprise des travaux, nous entendrons Mme Sandra Macdonald, qui est la présidente et chef de la direction du Fonds canadien de télévision, ainsi que des représentants du ministère du Patrimoine canadien, dont certains sont déjà dans la salle.
Je vais commencer, madame Chevrier, par faire une mise en situation. À l'heure actuelle, au Canada, les producteurs télévisuels francophones hors Québec, certains diront hors Montréal, vivent des moments plus difficiles que d'habitude. À l'automne, lors d'une deuxième attribution de fonds, ils risquent de se retrouver dans une situation équivalente. C'est pourquoi le comité a jugé bon de se pencher sur cette question maintenant, quitte à faire des recommandations pour éviter qu'une telle situation perdure et se répète.
Sur cette entrée en matière, madame Chevrier, je vous cède la parole.
Mme Cécile Chevrier (présidente, Alliance des producteurs francophones du Canada): Merci, monsieur le président. Je tenterai d'être aussi brève que possible, car comme vous le savez, la situation est assez complexe.
Monsieur le président, messieurs les membres du comité, le grand privilège que vous nous avez accordé aujourd'hui en nous invitant s'étend à toute la francophonie canadienne. En effet, au-delà des considérations relatives à l'économie, aux emplois créés et perdus, la situation qui nous amène devant vous en est une qui porte atteinte aux droits de ses communautés.
Nous n'avons pas besoin d'expliquer à des parlementaires tels que vous l'importance cruciale et le caractère incontournable de la télévision dans notre monde. Comme toute société moderne, la francophonie canadienne a elle aussi besoin de ce miroir d'elle-même. Elle a besoin de pouvoir ainsi se connaître, se reconnaître, s'exprimer et évoluer.
Ce dont nous avons à discuter ici la concerne au plus haut point. C'est pourquoi nous avons à nos côtés des représentants de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada et de la Fédération culturelle canadienne-française qui pourront élaborer sur ce que nous, membres de l'APFC, reconnaissons comme notre première motivation, la représentation de nos communautés au petit écran.
Sont présents également à la table mes collègues Louis Paquin et Robert Charbonneau d'Ottawa, ainsi que Mark Chatel. Je leur ai confié tout ce qui touche à ce que j'appelle le plaisir d'être producteur. Ils vous parleront à leur tour de l'impact de notre travail sur les communautés, de la création d'emplois et des effets positifs de la création tout court.
Pour l'instant, si vous me le permettez, je vous parlerai, quant à moi, de la production télévisuelle en français en milieu minoritaire et des graves problèmes auxquels nous sommes confrontés.
L'Alliance des producteurs francophones du Canada compte 15 membres et 11 maisons de production localisées à Vancouver, Edmonton, Winnipeg, Toronto, Ottawa et Moncton. Si nous sommes peu nombreux, c'est qu'il est très difficile d'être un producteur de télévision en français quand on doit surmonter le lourd handicap de l'éloignement.
L'accès aux fonds publics disponibles pour la production, comme le Fonds canadien de télévision et l'aide de Téléfilm Canada, est conditionnel à l'engagement d'un télédiffuseur et à sa participation financière dans un projet soumis. Ou, à l'exception de TFO, toutes les télévisions francophones du Canada sont situées à Montréal. Cette réalité illustre l'incontournable défi que doit sans cesse relever la production francophone en milieu minoritaire.
Il est d'ailleurs très significatif que la première activité à laquelle a participé l'APFC, dans les mois qui ont suivi sa fondation en 1999, fut un stage d'immersion à Montréal organisé par Téléfilm Canada. Nous avons alors été reçus par la direction de toutes les chaînes de télévision. Ce stage a marqué le début d'une évolution éclatante dont le crédit revient à tous ses responsables: le gouvernement canadien et tout spécialement la ministre Sheila Copps, le ministère du Patrimoine canadien, Téléfilm Canada et le Fonds canadien de télévision, sans oublier les autres membres du Groupe de travail sur les arts médiatiques créé par Patrimoine canadien en 1998, l'ONF, le Conseil des arts du Canada, la Société Radio-Canada, le CRTC et d'autres partenaires. Nous nous sommes immergés, nous avons été formés et soutenus et on nous a ainsi permis de nous développer. Nous avons bénéficié de cinq projets dans le cadre du Partenariat interministériel avec les communautés de langue officielle, le PICLO. Tous s'avèrent un succès.
En ce qui concerne le Fonds canadien de télévision, la production hors Québec a bénéficié de critères allégés et de bonification qui ont favorisé un accès sans précédent au financement. À compter de l'année 2000, le volume de production, la diversité, la qualité et l'envergure des projets financés par le fonds ont connu une constante progression.
Ainsi, le montant total des licences, soit l'investissement de diffuseurs dans nos communautés, est passé de 1,6 million de dollars à 4 millions de dollars entre 1999 et 2002. Le total combiné des budgets de production des membres de l'APFC est passé d'environ 9 millions de dollars à 16,7 millions de dollars l'année dernière.
Les producteurs francophones hors Québec sont les seuls fournisseurs de contenu francophone en plus des émissions régionales de Radio-Canada maison dans leur région.
¿ (0915)
Nous avons contribué un total de 285 heures à la télévision canadienne, passant de 49,5 heures en 1999 à 107,5 heures en 2002. Nous produisons de la fiction, des dramatiques, des téléséries aussi bien que des documentaires d'auteurs, bref, un éventail complet de catégories. Nos productions ont gagné, dans certains cas, des prix prestigieux, mérité des nominations aux Prix Gémeaux et des invitations à des festivals au Canada et à l'étranger.
C'est donc ainsi que se présentait, à la fin de 2002, le bilan de la production télévisuelle provenant de la francophonie canadienne grâce, répétons le, aux efforts concertés de toutes les instances en cause.
Sur l'ensemble des Canadiens, ce tableau prometteur ne représente toutefois qu'une part minime d'une activité économique très considérable. En évaluant que la seule contribution du Fonds canadien de télévision, soit 200 millions de dollars, cela représente environ 20 p. 100 du volume global de production d'environ un milliard de dollars que Statistique Canada dote d'un multiplicateur de 2,4.
Considérons, si vous le permettez, la répartition de ces centaines de millions de dollars. Toronto et Montréal étant définis comme centre principaux de production, l'enveloppe anglophone du programme de droits de diffusion au fonds attribuait, en 2002, 55 p. 100 de ces fonds à des productions considérées régionales, c'est-à-dire provenant d'ailleurs que Toronto.
En français, 85 p. 100 de ces mêmes fonds ont été investis à Montréal. Ce fut 10 p. 100 en production reconnue comme hors Québec par le PDD. Il faut signaler que 2002 était une année exceptionnelle et que notre moyenne est plus proche de 8 p. 100.
Aussi mince était-elle, cette part est aujourd'hui largement amputée. L'année 2003 se présente comme une catastrophe pour la production francophone hors Québec. Tout a commencé avec l'adoption d'un nouveau mode d'évaluation des projets déposé au PDD, qui accorde aux diffuseurs une voix prépondérante. C'est ce qu'on appelle les «priorités du diffuseur».
Notre point de vue sur cette question est amplement documenté. Dès le 12 novembre 2002, nous faisions part de nos graves inquiétudes à la présidente du conseil d'administration du fonds. En février, une lettre à la ministre Copps, accompagnée d'un mémoire, signalait l'état d'alerte.
En tant que présidente de l'APFC, j'ai, il faut le dire, l'immense privilège et la lourde responsabilité, disons le aussi, d'occuper un siège désigné par Patrimoine canadien au conseil d'administration du fonds. À ce titre, je suis la seule membre du conseil à s'être opposée à ce critère des priorités.
Pour résumer mon expérience des derniers mois, je vous dirai que c'est totalement, entièrement et intégralement celle d'être minoritaire, celle de l'impuissance. J'ai eu l'immense déception de constater que le système, quel qu'il soit, n'a pas été en mesure de respecter ses propres engagements à l'égard de tout ce que je représente forcément dans la position que j'occupe, soit la minorité francophone du Canada.
Ces priorités du diffuseur réduisent à néant les avantages dont bénéficiaient nos projets jusqu'ici. Dans les deux rondes, le taux de refus général a été environ de 60 p. 100 et de 50 p. 100. Pour les projets déposés par nos membres, il a été de 72 et de 78 p. 100 respectivement. En tout, quatre projets sur 17 ont été financés. Pour la ronde documentaire, deux projets sur 46 relatifs à l'enveloppe francophone ont été financés hors Québec.
Nous sommes donc face à une situation de crise. Tous ces efforts, tous ces appuis, cette formidable concertation d'énergie pour soutenir une activité juste et indispensable, une industrie fragile autant que prometteuse, risque d'être réduite à néant. Au bout de tous les arguments et de toutes les stratégies, nous nous retrouvons ainsi ramenés à l'essentiel, à ce qui fait que nous soyons, malgré tous les défis que nous devons surmonter, toujours déterminés à pratiquer notre métier.
¿ (0920)
Nous sommes des entrepreneurs et des créateurs d'emplois, mais nous sommes aussi des agents culturels profondément ancrés dans nos milieux respectifs. Nos racines et notre inspiration sont, dans notre communauté, l'ensemble de la francophonie canadienne. À bout d'arguments, il ne nous reste plus que la loi. Notre ultime protection est celle qui assure le droit des communautés de langue officielle au Canada. C'est pourquoi nous sommes devant vous aujourd'hui.
Ce qui s'est produit pour la production francophone hors Québec confirme ce qui fait l'unanimité chez tous les intervenants: il faut revoir la façon de faire du Fonds canadien de télévision car elle est inéquitable. Mais contrairement à la notion généralement reconnue que le Fonds canadien de télévision est une agence indépendante et pour ainsi dire privée, nous insistons pour que le fondement même de l'institution soit aussi examiné. Je m'explique.
Le Fonds canadien de télévision est créé par le gouvernement canadien. Son financement est la conséquence des décisions du CRTC, qui oblige le secteur privé à contribuer, un peu à la manière d'une taxe, une part de ses revenus à la production d'un contenu canadien de qualité. Cette contribution des câblodistributeurs est reflétée par une mise de fonds du gouvernement fédéral, soit la participation de Patrimoine canadien au Fonds canadien de télévision.
Dans cette optique, nous affirmons que le fonds doit être impérativement régi par les principes fondamentaux du pays. Nous affirmons qu'au-delà du bilinguisme, l'égalité linguistique, la promotion des minorités, la diversité culturelle et la Loi sur les langues officielles doivent prédominer parmi les paramètres qui régissent son fonctionnement.
Ce qui s'est produit dans le cas des membres de l'APFC nous impose certains constats assez troublants. Mais la conclusion la plus consternante de toutes est que le gouvernement canadien est, dans ce cas-ci, lui aussi en situation d'impuissance face à ses engagements à l'égard des minorités.
Si l'on reconnaît que Téléfilm Canada et le Fonds canadien de télévision, comme toutes les agences et institutions émanant de Patrimoine canadien et des instances fédérales, sont régis par ces valeurs fondamentales, ces grands principes de dualité et de diversité qui caractérisent et définissent notre pays, et que, dans notre société, la télévision représente le principal vecteur de la culture, de l'information, de la communication et de l'expression de l'identité canadienne, la conclusion à tirer est la suivante. En accordant aux diffuseurs, majoritairement des entreprises privées, un droit décisif et même un veto sur l'entière distribution des fonds publics disponibles en production télévisuelle au Canada par l'entremise du PDD et du PPC, cette notion de priorité des diffuseurs et même d'enveloppe placent le fonds, Patrimoine canadien et le public canadien dans l'incapacité de veiller à la répartition équitable de ces mêmes fonds dans le respect des valeurs qui régissent les grandes institutions de notre pays.
Le pouvoir sur un secteur aussi éminemment crucial que la télévision est dorénavant entre les mains de décideurs qui n'ont pas d'obligation à cet égard et dont les décisions sont dictées par les lois du marché. Y a-t-il un problème? Très certainement, et la tendance qui prévaut n'augure rien de favorable.
La perspective de ces enveloppes, qui seraient dévolues aux diffuseurs selon le nouveau système proposé, est tout aussi dévastatrice que l'ont été les priorités de la présente formule pour les producteurs régionaux, pour les jeunes producteurs, bref, pour tous les «petits» face aux «gros». Dans un secteur aussi crucial que la télévision, une telle démesure n'est pas digne d'une société comme la nôtre.
Face aux louables intentions de rechercher le plus grand auditoire possible pour les émissions financées par les contribuables canadiens, la loi du plus fort, les lois du marché, avec leurs conséquences pour nos communautés, doivent être amendées pour tenir compte, avant tout autre intérêt, des lois constitutionnelles et des principes sur lesquels se fonde notre pays.
¿ (0925)
Dans le cadre de la production francophone hors Québec, il s'agit davantage que d'une question de principe; c'est une affaire de survie immédiate. Déjà, nous savons que les dés sont pipés quand Radio-Canada, une télévision publique financée par les contribuables canadiens, accorde 13 points au total à des projets hors Québec sur les 420 à sa disposition, quand Radio-Canada accorde trois priorités trop basses pour se classer à toute la production hors Québec, quand Radio-Canada, par exemple, choisit de privilégier 11 documentaires qui sont passés au PDD, et aucun, je dis bien aucun, à Moncton.
Ce qui est arrivé en cette année difficile est un outrage à toute la francophonie canadienne. Cette production avortée de 2003 aurait normalement été diffusée en 2004. Des projets importants au soutien et très ciblés prévus pour un dépôt à l'automne sont aussi remis en question. Il est désolant de constater qu'en cette année qui célébrera le 400eanniversaire de l'Acadie et de la francophonie canadienne, nous serons, à toutes fins pratiques, éliminés et évacués du petit écran. Certains projets seront réchappés, pour ainsi dire, «in extremis» et grâce à des secours d'urgence, mais nous ne pouvons continuer ainsi, invariablement attaqués dans notre survie.
Depuis longtemps, on parle de la possibilité de consacrer une enveloppe à la production hors Québec. Beaucoup de gens résistent à l'idée, moi la première, car j'ai longtemps avancé qu'il faut nous positionner de façon compétitive dans le marché général comme producteurs, dans le courant général, dans le «mainstream». D'autres auront invoqué l'incertitude de nous reléguer dans une sorte de ghetto. À ce point-ci, franchement, nous répondons que vaut mieux être dans un ghetto qu'au cimetière.
Pour conclure, trois recommandations paraissent cerner l'essentiel de tout ce que nous avons soulevé comme problèmes.
Premièrement, que le gouvernement procède à un examen complet de la situation du fonds, et spécifiquement de son statut et de sa gouvernance comme de ses responsabilités, obligations et devoirs eu égard aux principes qui définissent la société canadienne.
Deuxièmement, qu'une part désignée et irrévocable des fonds publics investis en production indépendante au Canada soit immédiatement attribuée à des productions reconnues comme étant francophones hors Québec dans une proportion correspondante au pourcentage de la population concernée. En ce qui a trait aux modalités de gestion, les paramètres ou les définitions de cette part, les enveloppes minimum garanties ou autres, nous demandons que le ministère du Patrimoine canadien désigne une personne compétente pour faire rapport et soumettre les recommandations appropriées avant le 1erjuillet.
Troisièmement, reconnaissant que le premier défi de la production francophone en situation minoritaire demeure l'accès aux diffuseurs et considérant la déplorable performance de la télévision publique à cet égard, nous recommandons que toutes les télévisions publiques et nationales, et que toutes les télévisions recevant un financement des fonds publics canadiens soient assujetties à un minimum de 15 p. 100 de contenu francophone hors Québec sur l'ensemble de leur participation en licences attribuées à la production indépendante. Ainsi seulement, la francophonie canadienne pourra-t-elle enfin se reconnaître dans le miroir.
Je vous remercie.
¿ (0930)
Le président: Merci, madame Chevrier.
On peut passer maintenant à M. Pelletier.
M. Pierre-Raphaël Pelletier (président, Fédération culturelle canadienne-française, Alliance des producteurs francophones du Canada): Depuis au moins 25 ans, la Fédération culturelle canadienne-française regroupe cinq tables nationales artistiques, comme le théâtre, les gens de l'édition, etc., 11 regroupements culturels provinciaux et territoriaux. C'est donc beaucoup de monde qui sont impliqués dans nos communautés comme artistes et artisans.
La Fédération culturelle défend, promeut les intérêts des créateurs partout au pays, dans nos communautés canadiennes-françaises et acadienne. Donc, ça fait 25 ans qu'on se bat et qu'on se fait entendre un peu partout dans les plates-formes qui sont les nôtres, avec les gouvernements concernés, pour faire valoir l'idée qui nous semble très évidente que les grandes institutions nationales, que ce soit Radio-Canada, le Conseil des arts du Canada, Téléfilm Canada ou l'Office national du film, nous donnent les moyens adéquats—et on donnait des proportions tout à l'heure dans le discours de Mme Chevrier—pour que nos créateurs puissent actualiser dans nos communautés hors des grandes agglomérations urbaines telles que Montréal, des créations qui donnent accès à notre appartenance, à notre identité culturelle, à ce qu'on appelle notre diversité culturelle partout au pays.
Il est inconcevable que des fonds publics servent uniquement à des intérêts qui sont centralisés dans les grandes métropoles, alors qu'on sait très bien que la culture et les arts au pays ont besoin de ces sommes d'argent partout où se trouvent les institutions fédérales, pour faire en sorte que dans nos communautés, dans nos vies, notre imaginaire puisse trouver place sur les écrans.
Je le dirai une dernière fois parce que je ne veux pas m'étendre là-dessus, mais c'est péniblement triste d'avoir à rappeler au gouvernement canadien, particulièrement aux gens du ministère du Patrimoine qui, pour moi, est le ministère de notre culture au pays—pour le Canada français et l'Acadie, le ministère du Patrimoine, c'est le ministère de la culture—qu'il est excessivement impérieux que les fonds publics servent au moins adéquatement à nos créateurs partout au pays. C'est là notre francophonie vivante, et si on ne le fait pas, on la condamne à un ghetto qui se retrouve finalement au Québec; il y a le Canada anglais et le Québec francophone. Nous prétendons que le pays peut être autre chose que ça.
Merci.
Le président: Merci, monsieur Pelletier.
Monsieur Cantin, directeur des communications à la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada.
M. Robin Cantin (directeur des communications, fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, Alliance des producteurs francophones du Canada): Merci.
Vous le savez, la production indépendante contribue, sans aucun doute, à la vitalité de nos communautés et est directement liée à leur développement économique et social. Cécile parlait d'un miroir des communautés, mais c'est en même temps une vitrine pour faire connaître la situation et la vie de nos communautés à l'ensemble de la population canadienne, que ce soit les francophones du Québec, les francophones des autres communautés en milieu minoritaire ou nos amis francophiles.
Dans ce contexte, nous avons été extrêmement surpris d'apprendre qu'une agence du gouvernement fédéral, à plus forte raison un organisme où Patrimoine canadien est directement impliqué au niveau du conseil d'administration, adopte une politique qui a comme conséquence de remettre en question tout ce secteur de développement des communautés francophones et acadienne.
J'espère que M. Wernick pourra nous expliquer quelle place les obligations du gouvernement fédéral à l'égard des communautés de langue officielle ont prise dans les discussions qui ont mené à l'adoption de ces nouveaux critères l'automne dernier. On pense notamment à l'article 41 de la Loi sur les langues officielles que Patrimoine canadien est chargé de faire respecter et aux principes de protection des minorités tels qu'établis par la Cour suprême du Canada.
La solution choisie pour amortir le coup porté à la production à l'extérieur du Québec, soit puiser dans les fonds du Programme d'appui aux communautés de langue officielle pour permettre à certains producteurs de garder la tête hors de l'eau cette année, ne peut être qu'une mesure d'exception, une réponse à une situation d'urgence. D'ici l'automne, un mécanisme doit être mis en place pour assurer que les francophones en milieu minoritaire reçoivent leur juste part de l'enveloppe du fonds.
Merci.
¿ (0935)
Le président: Merci, monsieur Cantin.
Monsieur Louis Paquin, propriétaire, président, directeur général et grand manitou des Productions Rivard à Winnipeg.
M. Louis Paquin (Productions Rivard, Winnipeg, Alliance des producteurs francophones du Canada): Je suis copropriétaire des Productions Rivard, une compagnie nommée d'après l'abbé Léon Rivard, le premier cinéaste francophone au Manitoba, qui était surtout actif dans les années 1930.
Je ne parlerai pas longtemps, quelques minutes, mais je voudrais juste vous rappeler que lorsqu'on a commencé la maison de production, on avait trois objectifs.
Le premier était de raconter nos histoires, l'histoire de l'Ouest et l'histoire de la francophonie que personne d'autre connaît et que les gens de Montréal n'étaient pas intéressés à raconter.
Le deuxième objectif était de contribuer au développement des ressources locales en vue d'assurer que le Manitoba puisse agir comme un centre de production francophone. On s'est dit que si on ne contribuait pas à la production, à un contenu culturel, et qu'on demeurait seulement des consommateurs de contenu culturel, la francophonie allait mourir.
Troisièmement, Charles et moi voulions développer une entreprise viable, un peu à l'argumentation selon laquelle la culture, c'est quand même un projet qui vaut la peine d'être entrepris.
Nos informations, à l'époque, démontraient que le gouvernement avait mis en place une infrastructure, telle que Téléfilm Canada et le Fonds de canadien de télévision, etc., qui permettrait aux diffuseurs francophones de renchérir la programmation en octroyant des licences aux producteurs indépendants, qui pouvaient à leur tour compléter leur structure financière auprès des institutions nationales.
Depuis nos débuts, les Productions Rivard ont produit des documentaires sur nos champions entrepreneurs, commençant par Michel Dorge, percussionniste pour le groupe Crash Test Dummies. Ensuite, trois séries de variétés dans lesquelles nous avons présenté 60 différents groupes artistiques de partout au Canada, une série animalière sur la faune de l'Ouest canadien, un documentaire sur le géant Beaupré, une série de marionnettes de 26 épisodes écrite par une auteure franco-manitobaine et qui visent tous les programmes de «francisation», pour n'en nommer que quelques-uns.
Nous avons fait ceci avec les artisans du Manitoba et parfois en rassemblant des équipes francophones de toutes les régions du Canada. Oui, il nous a fallu former plusieurs de ces gens. Il ne faut pas oublier que l'Office national du film avait quitté le Manitoba 10 ans plus tôt et que Radio-Canada avait réduit les ressources. Donc, il n'y avait à peu près aucune ressource locale.
Avec l'appui de l'ONF, de Téléfilm Canada, de Développement des ressources humaines Canada et de notre province, nous avons réussi. Je souligne aujourd'hui l'engagement de plus de 120 personnes poursuivant les mêmes rêves que nos propriétaires, soit de raconter nos histoires et de célébrer notre patrimoine culturel.
Le message qu'a reçu le Manitoba français dans la dernière ronde de financement est qu'il est possible que les dernières années furent un rêve et que notre place dans l'industrie de la production francophone est plus que fragile, qu'elle n'est qu'une illusion. Depuis quatre ans, nous sentions une énergie palpable qui suscita de la part de nos auteurs, techniciens, comédiens et détenteurs de postes de soutien une fierté de pouvoir produire pour les antennes de la Société Radio-Canada, de TFO, de Canal D et de TVA des émissions qui font valoir la diversité et la vitalité de notre communauté.
Les Productions Rivard ont même obtenu le prix de l'entreprise de l'année dans la catégorie de l'intégration de la jeunesse en 2001, offert par le Comité national de développement des ressources humaines de la francophonie canadienne. Nous recevons des demandes d'emploi des jeunes diplômés de l'École technique et professionnelle de Saint-Boniface pour des emplois dans le secteur des communications.
Aujourd'hui, nous devons expliquer aux médias locaux, aux représentants de la Division scolaire franco-manitobaine, au Collège universitaire de Saint-Boniface, aux représentants de l'industrie et aux intervenants anglophones du Manitoba que la production francophone hors Québec est sérieusement fragilisée et que sa juste place est mise en question. Les gens sont perplexes et inquiets. La confiance qui tranquillement s'installait chez nous est sérieusement mise en doute. L'idée que nous aussi pouvions être des contribuants au contenu sur les antennes francophones était une motivation qui interpellait les jeunes et les moins jeunes à renouveler leur espoir dans la viabilité du secteur culturel.
La seule chose qui puisse donner espoir est un engagement politique de la part des institutions, appuyé par des politiques administratives dans lesquelles il est possible de quantifier leur engagement. Malheureusement, notre situation minoritaire, nos histoires et notre position géographique font que sans des mesures claires et précises spécifiant des objectifs de contenu, nous serons marginalisés.
Les administrateurs de programmes, qu'importe que ceux-ci se trouvent chez un diffuseur ou une agence de financement, ne pourront maintenir un engagement envers la production émanant des communautés, puisque les besoins de Montréal paraîtront toujours plus importants. On doit exiger de la part des institutions concernées d'assurer une place stratégique pour la production émanant des communautés; ceci est essentiel. Imposer aux gestionnaires de programmes le mandat de maintenir une place importante pour la production hors Québec sans directives ni politiques de leur patron aura toujours l'effet de fragiliser la production provenant des communautés.
¿ (0940)
La dernière ronde nous a démontré qu'on ne peut plus compter sur les champions. Quand ils quittent, on doit tout recommencer. Si les politiques sont en place, la production devient intégrée dans les opérations.
Merci.
Le président: Merci monsieur Paquin.
Passons maintenant à M. Robert Charbonneau, qui est le président des Productions R. Charbonneau et réalisateur, je pense, de l'émission FranCoeur, que l'on connaît dans l'Est ontarien.
M. Robert Charbonneau (Productions R. Charbonneau, Ottawa, Alliance des producteurs francophones du Canada): Étant donné qu'il ne reste pas beaucoup de temps, je m'excuse auprès des gens de la traduction, mais je vais lire mon texte en diagonale.
Notre compagnie fête son 25e anniversaire ici, à Ottawa, cette année, et nous sommes membre fondateur de l'Alliance des producteurs francophones du Canada. Un des grands besoins de notre population en milieu minoritaire, c'est de se faire valoir et de se faire reconnaître à l'écran. Si nous ne passons pas à l'écran, nous devenons folklorique, comme le dit si bien M. Guy Fournier dans son récent rapport à Téléfilm Canada et au CRTC.
M. Fournier indique dans son rapport qu'il y a un Québec et un Canada anglais. Il ne parle jamais, en 45 pages, du Canada français en milieu minoritaire. Cette vision de M. Fournier est partagée, malheureusement, par beaucoup de Québécois, de Canadiens même et par beaucoup trop de gens impliqués dans le domaine de la télévision et de son financement. C'est peut-être cette vision qui permet, encore aujourd'hui, que plus de 85 à 90 p. 100 des fonds soient dépensés à Montréal exclusivement.
Ici, à Ottawa, sans la bonne volonté des gens de TFO et de Radio-Canada à Ottawa, la production indépendante serait exclusivement anglophone ou américaine.
Depuis 1996, notre compagnie a produit plus de 255 demi-heures de télévision en magazines, émissions pour enfants, documentaires et dramatiques. Nous sommes devenus la porte d'entrée locale pour les étudiants en art dramatique dans nos écoles francophones telles que l'École secondaire publique De La Salle, la Cité collégiale ainsi que l'Université d'Ottawa. C'est le cas pour nos étudiants en théâtre, en production télévisuelle et en communications aussi.
Seulement l'an passé, nous avons embauché plus d'une centaine de professionnels en production et nous sommes les premiers à produire une série pour enfants pour le réseau de Radio-Canada en milieu minoritaire, et les premiers à produire une série dramatique, le téléroman FranCoeur, pour TFO.
FranCoeur a été un exemple hors pair pour démontrer le grand appétit qu'une importante population francophone en milieu minoritaire avait pour une télévision de proximité, une télévision qui racontait leur histoire, une histoire qui a stimulé l'imagination des médias locaux et des auditeurs de TFO. J'ai d'ailleurs fait part à votre greffier de la couverture médiatique seulement pendant la crise. Des dizaines d'articles ont été écrits et ont mis en vedette la série tournée en milieu rural l'an passé.
La soirée des prélèvements de fonds chez TFO durant la première de FranCoeur n'a jamais eu d'équivalent. Lorsque les auditeurs se sont aperçu, lors des dernières semaines, que le renouvellement de la série était en danger, la population s'est soulevée en très peu de temps. Cette série est devenue la leur. Notre population en Ontario la mérite et en mérite bien d'autres. Je crois même que de telles histoires doivent être racontées et produites—je dis bien produites—et jouées par des gens de chez nous. Que ce soit au Manitoba, en Acadie ou en Ontario, des histoires doivent être racontées aux gens du milieu, parce qu'ils le méritent. Parce qu'ils sont tous des contribuables au fonds, ils et elles méritent que leurs enfants passent à la télé, que leurs fils et leurs filles rédigent des scénarios et qu'ils contribuent en équipe à la fabrication de séries qui protègent une image qui est la leur.
Nous avons produit plus de six millions de dollars en télévision l'an passé ici grâce au fonds, et le changement draconien apporté au fonds dans les derniers mois a presque tué tout le travail que nous avions déjà fait depuis 1996: plus de 150 personnes sans emploi sont obligées de travailler dans des projets de langue anglaise; une relève a été rasée de son terrain natal; des emplois hautement spécialisés et bien rémunérés s'exilent; une formation qui a requis beaucoup d'investissements et de temps bénéficiera à d'autres.
La qualité de nos émissions ainsi que le coût étaient aussi très compétitifs. Le sujet était différent; il nous distinguait et renforçait l'image de nos populations francophones.
Donc, le retour en arrière est inacceptable. Le temps presse pour rassurer nos populations, nos scénaristes, nos comédiens et artisans de la télévision qu'une solution à long terme et immédiate renforcera bientôt les reins de la production télévisuelle en milieu minoritaire et francophone, une solution qui permettra à nos auditeurs de voir et d'écouter des histoires qui sont les leurs et qu'ils méritent, des histoires conçues et créées par des artisans et spécialistes de chez nous.
La population canadienne-française écoute en moyenne plus de trois heures de télévision par jour, selon les dernières statistiques, et je crois fermement que le travail que ce comité entamera dans les prochains jours et dans les prochaines semaines pourrait influencer d'une façon importante et pour le meilleur, je l'espère, le contenu que l'on retrouve dans ces trois heures.
Plus de 11 compagnies et 15 membres enracinés depuis longtemps dans le milieu minoritaire et francophone sont prêts à faire valoir ce principe d'équité.
Merci.
¿ (0945)
Le président: Merci, monsieur Charbonneau.
Nous passons au dernier intervenant, M. Chatel, qui est le président de Balestra Productions.
Mark Chatel (À titre individuel): M. Mark Chatel (président, «Balestra Productions», Alliance des producteurs francophones du Canada)
Monsieur le président, chers membres du comité, distingués invités, il y a sept ans, lorsque je suis arrivé de Montréal dans la région de la capitale nationale après avoir fait des études de maîtrise aux États-Unis, je ne me doutais pas que j'aurais la piqûre pour cette ville, Ottawa, et que je m'y établirais et y fonderais non seulement une famille, mais aussi une entreprise de production télévisuelle.
En effet, peut-être est-ce ma fierté canadienne, qui remonte aux années où j'ai représenté notre pays lors de compétitions internationales à titre de champion canadien d'escrime, peut-être est-ce mon tout premier emploi en communications, où j'ai animé une émission de radio pour les jeunes à Radio-Canada dans la ville de Windsor, en Ontario... J'avais été frappé par le phénomène de l'assimilation dans les écoles. C'était plus cool de parler en anglais dans la cour d'école. L'émission de radio était pourtant si populaire que les jeunes pensaient qu'elle provenait de Montréal; comme si on ne pouvait pas faire de grandes choses en région.
Peut-être aussi ai-je fait le choix de m'établir dans la capitale canadienne pour mon côté rassembleur qui tente d'unir les aspirations de la jeunesse canadienne d'un bout à l'autre du pays. Car c'est la jeunesse canadienne que j'ai choisi d'aider. Mon entreprise, Balestra, qui veut dire faire un bond en avant en escrime—en fait, je veux justement faire faire des bonds en avant aux jeunes—, a pour mission de produire, à la télévision et dans les nouveaux médias, du contenu positif qui aidera à créer de grandes visions pour la jeunesse canadienne.
À l'heure où le décrochage scolaire et le taux de suicide chez les jeunes sont accablants, il est impératif de créer du contenu qui aidera les jeunes de partout à mieux se connaître, à croire en leurs possibilités et à viser de grandes réalisations personnelles dans leur vie. Il faut absolument donner l'espoir aux jeunes francophones qu'ils peuvent apporter une contribution significative à leur communauté, où qu'ils soient au pays.
Ce mandat s'inscrit au premier rang des priorités de mon entreprise et, j'ose l'espérer, au premier rang des priorités du gouvernement canadien. Je rêve, moi aussi, d'un Canada où il sera possible pour tous les jeunes de rêver dans leur langue, d'un bout à l'autre du pays.
Pourtant, la situation actuelle de la production télévisuelle au Canada est critique. Vous savez maintenant qu'il est devenu presque impossible de produire des projets sans l'appui d'un fonds spécial réservé aux producteurs en région. Je trouve regrettable que les jeunes en milieu minoritaire soient privés de leur réalité au petit écran. La télévision demeure le média le plus puissant et ces jeunes n'y sont presque pas représentés.
Sur le plan personnel, je n'aime pas non plus penser que la précarité actuelle de l'industrie de la télévision, celle où l'on doit se demander si notre entreprise va encore exister dans six mois, influence mes choix de vie, comme, par exemple, de reporter ma décision d'avoir un enfant ou éventuellement de redéménager vers Montréal pour vivre de ce métier et de cette passion. Ne serait-ce pas alors l'exemple flagrant auprès des jeunes qu'un producteur qui a justement à coeur leurs intérêts ne peut même pas, lui-même, s'émanciper en région en français? N'est-ce pas envoyer le message clair aux jeunes francophones que pour rêver en français, il faut à tout prix quitter sa communauté et retourner vers les grands centres au Québec?
J'espère que je me trompe et que votre comité verra à ce que cela ne se produise pas.
Le président: Merci, monsieur Chatel. Merci à tous pour vos présentations.
Nous allons maintenant passer à la période de questions, en commençant par M. Kenney.
Maintenant, puisque nous terminerons cette séance à 10 h 30, il se peut que nous n'ayons qu'un tour de questions; soyez-en avertis.
Monsieur Kenney.
M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président, et merci à tous les témoins.
J'ai une question pour Mme Chevrier à propos de la nouvelle politique des priorités des diffuseurs.
[Traduction]
Madame Chevrier, je ne comprends pas pourquoi vous refusez que l'on permette aux télédiffuseurs d'intervenir dans l'établissement des priorités. J'estime qu'il va de soi que les télédiffuseurs sont au courant des exigences des téléspectateurs et connaissent mieux leurs aspirations que les producteurs. Pourquoi le reste du conseil d'administration auquel vous siégez a-t-il donné son accord à cette politique alors que...
¿ (0950)
Mme Cécile Chevrier: [Note de la rédaction: Inaudible]
M. Jason Kenney: Le conseil d'administration dont vous étiez membre. Excusez-moi.
Pourquoi les télédiffuseurs ne pourraient-ils pas intervenir dans le choix des productions qu'ils vont proposer à leurs consommateurs?
[Français]
Mme Cécile Chevrier: Dans le cas de la production francophone en milieu minoritaire, dès les premiers moments où cette proposition de remplacer des critères précédents relatifs au contenu canadien par cette question des priorités des diffuseurs a été examinée, j'ai tout de suite vu des problèmes pour nous, parce que, comme je l'ai dit dans mon mémoire, les télévisions francophones du Canada, à l'exclusion de TFO, sont toutes situées à Montréal. On n'est pas au nombre de leurs priorités. C'est déjà très difficile d'accéder à ces diffuseurs, d'aller chercher une licence, de négocier un projet avec eux.
Alors, lorsque j'ai vu cela, j'ai tout de suite pensé que les seules priorités auxquelles on peut s'attendre pour avoir une chance de faire adopter certains projets, c'est à TFO. On a fait certaines pressions et on en a obtenu plus, mais de trop petites.
Donc, l'histoire démontre que, effectivement, c'était nocif pour nous. Pourquoi? Parce que ces nouveaux modes d'évaluation réduisaient à néant des critères qu'on avait négociés précédemment, lors d'une crise en l'an 2000, alors qu'on avait failli tous couler.
À ce moment-là, on nous avait donné certains avantages qui compensaient pour les difficultés qu'on a à accéder aux diffuseurs, tels une bonification des licences, un multiplicateur plus gros, etc. Donc, on passait des projets. La progression a été phénoménale dans ces deux années-là. Les priorités viennent annuler cela.
En réponse à votre question sur le principe de ne pas accepter que les diffuseurs décident, je dirai que les diffuseurs décident, très certainement. Et ça va rester comme ça. De toute façon, ce sont les diffuseurs qui diffusent. Mais l'histoire qui vient de se passer démontre que le système canadien qui finance la télévision à l'heure actuelle n'est pas équipé pour défendre une minorité, pour assurer la diversité. Il y a plein de trous parce que ces fonds publics—je maintiens que ce sont des fonds publics—sont attribués en vertu de décisions unilatérales, pratiquement par veto, de décideurs des télévisions qui n'ont pas d'obligations à l'égard de la diversité, etc.
Donc, cela crée un problème faisant en sorte que nous, les régions et les minorités, sommes les premiers évacués du système lorsqu'il y a un problème; c'est évident.
Le président: Merci.
Monsieur Castonguay.
M. Jeannot Castonguay (Madawaska—Restigouche, Lib.): Merci, monsieur le président.
Comme francophone du Nouveau-Brunswick, je réalise encore une fois que pour beaucoup de gens, il y a le Québec francophone et le Canada anglais. Je dois vous dire que pour moi, c'est frustrant, à certain moment, de voir que c'est comme ça qu'on connaît notre pays. Je crois qu'on a un rôle à jouer pour diffuser de l'information en français, pour faire comprendre qu'il y a des francophones hors Québec et qu'on a une contribution à faire à ce pays.
Cela étant dit, est-ce qu'on pourrait savoir qui sont les membres du conseil d'administration de ce fameux fonds? Peut-être que cela pourrait nous expliquer pourquoi, à un moment donné, il y a des décisions qui sont prises où on semble donner la priorité aux diffuseurs, sans tenir compte de certaines réalités. C'est une première question qui vise à me faire connaître un peu mieux ces dossiers.
Deuxièmement, avant de changer ces règles concernant l'attribution des fonds, est-ce qu'on a pris le temps d'étudier l'impact que cela aurait sur les différentes communautés francophones hors Québec, sur les plus petits centres? Est-ce qu'on a pris le temps de faire cet exercice?
Finalement, lorsqu'on prend des décisions au conseil d'administration ou lorsqu'on parle de décider de la distribution des fonds, est-ce qu'on tient compte de la dualité linguistique et du respect des minorités francophones hors Québec?
¿ (0955)
Mme Cécile Chevrier: Critique assemblée, je vous remercie de vos questions. Je suis aussi du Nouveau-Brunswick, de Moncton. Je suis Acadienne.
Les membres du conseil d'administration du fonds sont désignés par les grandes associations nationales. Par exemple, on va avoir l'Association canadienne des radiodiffuseurs, les corporations professionnelles. Ce sont des instances, finalement, qui représentent les diffuseurs, les câblodistributeurs et l'industrie. D'ailleurs, vous allez recevoir les représentants du Fonds canadien de télévision tout à l'heure; ils pourront probablement répondre plus précisément. Je me sens un peu mal d'identifier tous ces gens-là.
Quant à votre deuxième question, à savoir si on a mesuré les impacts, je dois vous dire que c'est la chose qui m'a personnellement horrifiée dès le départ. Malgré la grande compétence du personnel du fonds—je tiens à le dire—et le grand dévouement de ces gens-là, il leur a été impossible de mesurer l'impact d'une chose aussi impondérable que les goûts, les envies, la décision de dernière minute d'un diffuseur qui a 12, 15 ou 20 priorités à donner. Donc, c'était impossible de mesurer l'impact sur la production, sauf, évidemment, que j'ai soulevé l'argument selon lequel on n'avait pas de priorités désignées pour nous au départ, sauf les cinq de TFO.
Ensuite, il y a la question de la dualité et du respect des minorités. À l'heure actuelle, les fonds disponibles au Fonds canadien de télévision sont divisés un tiers, deux tiers, donc un tiers du côté français, deux tiers du côté anglais. D'un autre côté, certaines personnes, et très certainement au Fonds canadien de télévision, soulèvent l'argument selon lequel le fonds est une agence indépendante du gouvernement, donc qui n'est pas tenue à quelque obligation qui relèverait du gouvernement.
Moi, je dis qu'on ne peut pas être un petit peu enceinte. Si on reconnaît la répartition linguistique au Canada, un tiers, deux tiers, on devrait, à mon avis, reconnaître les minorités dans tout ça. Mais quant savoir si la dualité et la diversité des minorités font partie des principes du fonds, je pense qu'il y aurait peut-être lieu de poser la question aux représentants qui vont passer tout à l'heure. Merci.
M. Jeannot Castonguay: Si je comprends bien, pour les gens qui viennent des minorités francophones hors Québec, si on prend un vote parmi les gens réunis autour d'une table et que la majorité n'est pas en leur faveur pour différentes raisons, ça devient très difficile pour elles de prendre leur place au soleil.
Est-ce que c'est ce que je dois comprendre?
Mme Cécile Chevrier: Je dois dire très franchement par contre que les gens au conseil d'administration du fonds sont sympathiques, mais impuissants. Certains sont indifférents, oui, mais je ne peux pas dire qu'il y a des gens hostiles. Ils sont sympathiques dans certains cas, indifférents dans d'autres et impuissants dans tous les cas.
M. Jeannot Castonguay: Vous disiez qu'on ne peut pas être un peu enceinte. Justement, pour régler le problème d'impuissance, peut-être qu'on pourrait en parler également. Pour régler ça, que doit-on faire? Pour moi, c'est quand même un problème important. Il faut s'y attaquer et il faut trouver une solution pour quand même réaliser que les francophones de tout le pays ont le droit, encore une fois, d'avoir une place au soleil. Comment peut-on arriver à faire cela?
Je réalise que c'est une agence qui n'est pas pilotée par le gouvernement, mais d'un autre côté, je réalise aussi que ce sont des deniers publics. Et je pense que les deniers publics doivent tenir compte des réalités du pays. Dites-moi simplement ce qu'on doit faire. J'ai vu vos recommandations à la fin, mais dites-moi succinctement ce qu'on doit faire.
Mme Cécile Chevrier: Je pense que M. Paquin a envie de répondre à cette question-là.
M. Louis Paquin: Je peux répondre à celle-là et je vais aussi répondre à la question concernant les diffuseurs qui ont un droit de décision.
Dans la pratique, si on laisse notre situation au hasard, lorsqu'un diffuseur a besoin d'un contenu, surtout si ce sont des fonds publics comme à Radio-Canada, il peut décider que certains contenus proviendront d'une telle région. Il ne s'agit pas de lui enlever le droit de décider de sa programmation; il fait le choix de prendre son contenu de différentes régions.
Présentement, lorsqu'ils ne sont pas obligés, c'est sûr que les gens qui prennent les décisions, que ce soit au Fonds canadien de télévision, chez Téléfilm ou chez un diffuseur, par exemple, et qu'ils ont 50 idées sur la table, s'ils n'ont pas de directives comme quoi 15 p.100 des idées doivent émaner des régions, ils ne sont aucunement motivés à discuter avec nous. Mais s'il y avait une directive à l'effet que 15 p. 100 des idées doivent émaner des régions, les diffuseurs nous appelleraient pour partager.
Je vais vous donner l'exemple de TFO. Selon mon expérience et selon celle d'autres producteurs, je pense, les gens de TFO s'assoient avec nous et on dialogue sur le contenu, parce qu'ils ont pris la décision que le «branding» de TFO aura une couleur francophone hors Québec. Lorsqu'on travaille avec les autres diffuseurs, c'est comme sortir avec une fille qui ne veut pas vraiment sortir avec toi: tu lui fais des avances, tu lui lances des idées, tu fais tout ce que tu peux, et elle est bien, bien froide. Si tout à coup tu frappes la bonne corde, eh bien là, ça s'adonne.
Je vais vous donner l'exemple du géant Beaupré. Lorsque j'ai fait le «pitch» du géant Beaupré, j'étais en train de couler, parce qu'elle n'avait jamais entendu parler du géant Beaupré. Lorsque je lui ai dit que Beau Dommage avait fait une chanson sur le géant Beaupré, je l'ai eue. Il y avait un lien. Mais beaucoup d'histoires n'ont pas de lien.
Ce ne sont pas les patrons des entreprises qui prennent les décisions, ce sont les gens dans le système. S'ils n'ont pas de directives, que ce soit au Fonds canadien de télévision, chez Téléfilm, à Radio-Canada ou ailleurs, les forçant à choisir des contenus qui viennent des régions, on sera toujours marginalisés. Ils n'ont pas d'incitatifs, ils n'ont pas de budget.
Lorsque Radio-Canada a fait une présentation au CRTC, il y avait des montants d'argent pour les contenus hors Québec. Les diffuseurs en région doivent partager cet argent avec nous. C'est difficile pour eux. Il faudrait qu'il y ait un budget pour les diffuseurs en région et un budget pour déclencher la production francophone hors Québec. C'est dans les directives.
À (1000)
Le président: Merci, monsieur Paquin. Je m'excuse de vous interrompre, mais le temps est écoulé.
En passant, j'ai un message publicitaire pour Willow Bunch. Ceux qui veulent aller voir le géant Beaupré, du moins sa dépouille, le trouveront à Willow Bunch, un petit village dans le sud de la Saskatchewan.
Monsieur Sauvageau.
M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ): Madame, messieurs, merci de vos présentations et surtout merci de nous sensibiliser à l'urgence de la situation. J'ai appris beaucoup de choses que je trouve très intéressantes et inquiétantes. Je sais qu'on n'a pas beaucoup de temps, alors je vais essayer d'y aller rapidement.
C'est la ministre du Patrimoine qui nous défend au niveau international en matière d'exception culturelle, dans un premier temps. C'est ce même gouvernement qui, par le biais du CRTC, a fermé des télévisions régionales, des télévisions communautaires et qui, si j'ai bien compris, va fermer aussi la production. Donc, l'exception culturelle canadienne sera la production uniformisée canadienne, et ce sera ça l'exception culturelle. Je pense qu'avant d'aller la défendre à l'extérieur, on doit l'exprimer chez nous. Or, si je vous ai bien compris, ce n'est pas vers cela qu'on s'en va, au contraire. Donc, je vous remercie de nous avoir sensibilisés à ce niveau-là. C'est le message que j'ai entendu.
Le deuxième message, c'est sur le plan d'action de M. Dion. Je pense qu'on peut s'en inspirer ou, en tout cas, le comprendre d'une autre façon. Il nous disait que nos trois priorités sont la santé, l'éducation et l'immigration. Et M. Pelletier, je pense, a peut-être été un des seuls éléments discordants lors du dépôt du rapport, alors que tout le monde l'a encensé avant d'en avoir tourné la page couverture; tout le monde a dit que c'était sublime et merveilleux.
Effectivement, sans vouloir faire dans le folklore, comme vous dites, la santé, l'éducation et l'immigration, c'est une chose, mais ensuite, il faut démontrer notre vitalité, et c'est par la culture qu'on peut le faire. C'est peut-être là la plus belle démonstration du non-intérêt du gouvernement canadien envers la culture canadienne-française, compte tenu du fait qu'il n'y a pas une ligne à ce sujet dans le plan d'action Dion. Ensuite, on se pose la question à savoir pourquoi Patrimoine canadien, qui est responsable de la Loi sur les langues officielles, ne vous donne pas une cenne. Il y a sûrement un lien à faire, qui n'est pas indirect.
Maintenant, j'aimerais vous demander quelles sont, selon vous, les obligations législatives de Patrimoine canadien pour répondre à vos demandes. Pour vous poser une question un peu plus concrète, est-ce que, comme dans le domaine de l'éducation ou dans le domaine de la santé, mais surtout en éducation, où les communautés francophones ont dû défendre la reconnaissance de leurs droits devant les tribunaux, vous avez des droits législatifs sur lesquels vous pourriez appuyer davantage vos demandes, c'est-à-dire des droits qui vous permettraient même d'amener le gouvernement en cour en vertu de l'article 41, en vertu de la Charte des droits et libertés ou en vertu d'autres pouvoirs que vous avez?
À (1005)
Mme Cécile Chevrier: Je ne vous cacherai pas que c'est quelque chose qu'on explore déjà. Je ne vous cacherai pas non plus que j'ai même dit au conseil que j'allais me rendre à la Cour suprême. Ce qu'on est en train de faire n'a pas de sens.
Je ne suis pas avocate, je ne suis pas non plus constitutionnaliste, mais il me semble que dans un secteur aussi éminemment pointu et crucial que la télé—la télé est l'instrument de «brainwashing» par excellence de tous les pays de la planète—, il faut que les francophones hors Québec y aient accès. Comme tout le monde au Canada a le téléphone, on devrait peut-être aussi pouvoir recevoir les émissions de télé de temps en temps.
Donc, il me semble que dans un pays comme le nôtre, qui est quand même une image de respect des minorités et des diversités, que cela ne se peut pas qu'il n'y ait pas quelque chose qui puisse nous appuyer là-dedans et faire en sorte que sur 200 millions de dollars, on ait aussi notre part à un moment donné. C'est impossible que ce ne soit pas le cas.
Le président: Merci, madame Chevrier.
M. Pelletier a demandé la parole.
M. Pierre-Raphaël Pelletier: Oui, parce que c'est trop tentant. Elle m'a tendu la perche et je m'en voudrais de ne pas la prendre pour tirer sur la ficelle qu'on me donne.
Écoutez, c'est aberrant et même très consternant de voir que dans une vision des langues officielles, on ne conjugue pas langues et culture, ce qui assurerait, au point de départ, la diversité culturelle de nos communautés par le biais des institutions nationales. Vous demandez si on a un pouvoir législatif. On ne se racontera pas d'histoires. Tant et aussi longtemps que la Loi sur les langues officielles reposera sur la bonne volonté des gens, je regrette, mais cela a une grande valeur déclaratoire. C'est bon pour la vertu, mais l'exécutoire ne suit pas.
On est en train de vous dire cela concrètement. Quand le ministère ou le gouvernement canadien met des fonds publics à la disposition des créateurs, il me semble que c'est bien évident que ce sont tous les créateurs du pays qui devraient en bénéficier et non seulement une poignée de gens qui se trouvent à Montréal. L'inverse est vrai aussi pour Toronto, pour les anglophones.
D'ailleurs, quand on parle comme cela au Québec, les gens des régions nous comprennent parce qu'ils ont les mêmes revendications. Comment se fait-il que nos artistes et nos créateurs dans nos régions ne peuvent pas créer dans leur région? C'est aberrant de voir cela, alors qu'on prêche, comme vous le dites, sur le plan international qu'on est un grand pays, qu'on a une diversité culturelle éclatante, qu'on veut considérer la spécificité de ces créations pour les mettre à l'abri de la globalisation des marchés et qu'ici, à toutes fins utiles, on se tire dans le pied.
Le président: Monsieur Sauvageau, vous avez la parole.
M. Benoît Sauvageau: M. Cantin voulait ajouter quelque chose, mais de toute façon, j'ai une autre brève question.
Le montant idéal pour respecter les engagements serait de combien? Est-ce qu'on parle de 10, 15, 20 ou 30 millions de dollars?
Mme Cécile Chevrier: C'est un minimum de 15 p. 100. Un peu à la manière de l'enveloppe autochtone, d'ailleurs, où il y a des fonds réservés.
M. Benoît Sauvageau: Je n'osais pas faire le parallèle.
Mme Cécile Chevrier: C'est vrai, il y a des fonds réservés, mais ils ont aussi accès aux fonds généraux. D'ailleurs, cette année, ils ont eu bien plus que nous. Déjà, c'est assez révélateur.
M. Robin Cantin: Je voulais simplement souligner que oui, il y a certainement la possibilité du côté de l'article 41. Toutefois, tout comme Cécile et Pierre, je ne suis pas juriste. Néanmoins, on me dit que le Commissariat aux langues officielles serait en train de faire une étude. Je vois que Dyane Adam est ici avec nous aujourd'hui. Peut-être qu'il y a des possibilités de ce côté-là. Évidemment, on va essayer de se tenir au courant.
Le président: Avant de passer à Mme Thibeault, je vous ferai remarquer que le comité a une relation de travail privilégiée avec la commissaire aux langues officielles. Elle est libre d'intervenir après la comparution des témoins lorsqu'elle le veut. Elle l'a déjà fait et j'espère qu'elle le fera à nouveau.
Madame Thibeault.
Mme Yolande Thibeault (Saint-Lambert, Lib.): Merci. Bonjour messieurs, mesdames.
Madame Chevrier, à la fin de votre exposé, vous avez parlé de la possibilité de consacrer une enveloppe à la production hors Québec. Vous dites que vous n'êtes pas d'accord là-dessus, que vous préférez aller du côté compétitif. Par contre, si je comprends bien, dans votre deuxième recommandation, c'est ce que vous demandez.
Est-ce que c'est vrai?
Mme Cécile Chevrier: C'est assez déchirant comme choix. Il est vrai, comme je l'ai dit dans le mémoire, que beaucoup d'entre nous préférons normalement «être dans la game», comme on dit chez nous. Il semble que pour l'instant, tant que certaines choses ne seront pas réglées au niveau de la gouvernance ou du statut du fonds, s'il y a des obligations ou non, on ne peut pas. On va mourir avant.
Donc, peut-être que la façon de le faire ne serait pas nécessairement un fonds, mais une obligation de dépenser partout, au Fonds canadien de télévision comme à Téléfilm Canada, soit dans toute la structure, un 15 p. 100 obligatoire en productions hors Québec. C'est une chose à laquelle il faudra réfléchir, mais cette notion de 15 p. 100 doit être intégrée finalement au système.
À (1010)
Mme Yolande Thibeault: Je vous avoue que pour une profane, je trouve cela très difficile de regrouper toutes ces instances. Vous avez un fonds, vous avez une alliance. C'est pas mal difficile à comprendre.
J'ai devant moi des chiffres du Fonds canadien de télévision. Peut-être que je devrais attendre pour poser cette question, mais j'aimerais avoir votre réaction. Ce sont des montants alloués par groupe linguistique. Qui décide à qui vont être remis les fonds? Est-ce que ce sera 50 p. 100 aux anglophones, 30 p. 100 aux francophones et ainsi de suite? Est-ce que ces montants sont décidés à l'avance ou si ce sont des montants qui sont aléatoires et qui peuvent changer à chaque année?
Mme Cécile Chevrier: Je conviens avec vous que c'est un secteur extrêmement compliqué et complexe. Oui, les fonds sont répartis au départ entre les secteurs anglophone et francophone. Il y a aussi ce qu'on appelle les enveloppes, c'est-à-dire par genre, soit une certaine portion au documentaire, une certaine portion au dramatique etc. Cela est préétabli.
Mme Yolande Thibeault: C'est coulé dans le ciment?
Mme Cécile Chevrier: Eh bien, avant de...
Mme Yolande Thibeault: Comment se fait-il qu'on arrive ici avec une enveloppe francophone hors Québec de 10 millions de dollars, alors que l'enveloppe pour les anglophones au Québec est de 17 millions de dollars? Est-ce que quelqu'un peut m'expliquer cela?
Mme Cécile Chevrier: C'est au représentant du fonds qu'il va falloir que vous posiez la question.
Mme Yolande Thibeault: Je vous remercie beaucoup.
Le président: Monsieur Godin.
M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Merci, monsieur le président. J'aimerais vous souhaiter la bienvenue à notre Comité permanent des langues officielles. Nous sommes honorés de vous recevoir ici aujourd'hui.
Je peux comprendre votre frustration, ne venant pas du Québec et étant un francophone canadien. Je déteste utiliser l'expression «francophone hors Québec» parce que je suis un francophone canadien, bien que parfois, Patrimoine Canada ne prend pas ses responsabilités à ce sujet pour être capable de montrer à tous les Canadiens qu'il y a des francophones canadiens.
Je suis vraiment déçu de la manière dont Radio-Canada traite les francophones au Canada. Je suis totalement déçu. J'aimerais faire ces commentaires en commençant. Je suis vraiment inquiet. On va fêter le 400eanniversaire des Acadiens et, encore une fois, il va falloir qu'on se batte pour être capables d'être à l'écran de Radio-Canada. Je suis vraiment déçu qu'il y ait eu un congrès à Toronto en fin de semaine d'un parti politique assez reconnu au Canada et que moi, comme francophone, j'étais obligé de regarder la télévision de langue anglaise pour avoir les résultats. Je suis vraiment déçu qu'on ait eu les Jeux du Canada à Bathurst, au Nouveau-Brunswick, et qu'on ait été obligés de se battre pour les faire diffuser au Canada. Je suis vraiment déçu de voir qu'on a eu le Sommet de la Francophonie à Moncton et que Radio-Canada ait interrompu les émissions pour diffuser des nouvelles de Montréal parce que le directeur général de l'équipe de hockey avait été nommé. Je suis vraiment déçu de cela.
Avez-vous déjà pensé, parce que vous avez fait de bonnes présentations, à demander non seulement une étude de la part de commissaire aux langues officielles, mais à faire une enquête et peut-être intenter des poursuites contre Radio-Canada et Patrimoine Canada? Je parle d'aller en cour et de vraiment voir quels sont nos droits comme Canadiens-français? Je pense surtout à Radio-Canada. Il s'agirait peut-être d'avoir une quatrième recommandation et de demander au gouvernement du Canada de changer le nom de Radio-Canada pour celui de Radio-Montréal.
M. Pierre-Raphaël Pelletier: Merci beaucoup. C'est très bien parce que cela va dans le sens de toutes nos convictions.
Mme Cécile Chevrier: Je pense que par rapport à l'aspect légal de la chose, c'est une démarche à laquelle on songe et qui va être entreprise, si elle l'est, par les grands organismes nationaux, soit la SCFA, la SCCF et l'APFC. C'est toutefois une longue démarche. Je pense que pour l'instant, il faut agir de façon urgente pour sauver la production hors Québec pour que lorsqu'on aboutira devant un juge, on soit au moins encore en vie pour en parler.
À (1015)
M. Yvon Godin: J'ai de la difficulté à comprendre Patrimoine Canada, le gouvernement du Canada ou le plan Dion, comme notre collègue M. Sauvageau le disait plus tôt. Y a-t-il quelqu'un qui dit vraiment que le gouvernement se ferme les yeux sur ce qui se passe et sur le fait qu'il veut vraiment donner à Montréal tous les droits et oublier les autres régions? Favorise-t-on vraiment une région? Je pense que le gouvernement peut arriver et dire qu'il y a des décisions qui doivent être prises. Vous êtes généreux quand vous parlez de 15 p. 100; moi, je dirais plus que 15 p. 100.
Mme Cécile Chevrier: Serait-ce 25 p. 100?
M. Yvon Godin: Le gouvernement n'aurait-il pas la responsabilité de dire que ce n'est pas le mandat de Radio-Canada que de suivre la loi du marché. Radio-Canada a le mandat de rassembler le Canada, pas seulement de refléter ce qui se passe au Québec dans le reste du Canada. Il doit rassembler tout le Canada et faire connaître les régions de notre pays. Le nom est Radio-Canada. Ce n'est pas Radio-Montréal.
Je reviens de nouveau là-dessus. Ça m'insulte de voir que lorsqu'on allume la télévision, c'est Montréal. Ça m'insulte, et ce n'est pas parce que je n'aime pas Montréal. J'adore Montréal; c'est une belle ville. Mais quand on parle de Radio-Canada, il y a un mandat. Le seul qui pourrait l'obliger à le respecter, c'est le gouvernement, par le biais des règlements et des lois. Il faut qu'il y ait un mandat spécifique et clair qui leur dise de prendre leurs décisions, mais il faudra qu'elles soient prises selon la loi et qu'il y ait un pourcentage de programmation hors Québec.
Mme Cécile Chevrier: Je pense qu'il faudra mettre de l'ordre dans tout ça. Vous avez tout à fait raison.
Robert voudrait intervenir.
M. Robert Charbonneau: Je crois que vous avez raison et j'irais plus loin que ça. Je pense que tous les diffuseurs sont assujettis au CRTC. Tous les diffuseurs francophones qui ont des auditeurs francophones bénéficient des fonds publics. Donc, tout diffuseur qui bénéficie des fonds publics, y compris Radio-Canada, devrait avoir une certaine obligation morale d'appuyer la francophonie. Je parle surtout des réseaux dont les émissions sont diffusées à l'extérieur du Québec.
On en connaît au moins deux ou trois qui diffusent à l'extérieur de la province. Il y a Radio-Canada, TVA et TFO. Il y a TQS et TV5 qui s'éparpillent un peu partout, ARTV, et ainsi de suite.
Le système qui a été mis en place est fondé sur le nombre. Pour ce qui est du nombre requis pour justifier cela, on parle de millions et de millions. Toutefois, on est seulement un million hors Québec. On ne pourrait jamais faire d'émissions dramatiques. Je ne pourrais pas vous raconter votre histoire sur l'Acadie, et les Acadiens ne se verraient jamais à l'écran avec les nouvelles politiques qui ont été mises en place, les nouvelles directives au sein même, par exemple, de Téléfilm Canada et d'autres organisations.
Tout à l'heure, quelqu'un demandait pourquoi les diffuseurs n'ont pas le droit de se faire valoir. TFO a essayé. Dans le programme des droits de diffusion, TFO avait cinq priorités. Au PDD, seulement une fut acceptée, soit celle de FranCoeur. Alors, même si on a ces fameuses priorités, les plus forts gagnent en partant parce qu'ils peuvent investir les montants aussi mirobolants qu'ils veulent dans les projets.
Le président: Merci.
Monsieur Simard.
M. Raymond Simard (Saint-Boniface, Lib.): Merci, monsieur le président.
Premièrement, je veux vous remercier pour votre excellente présentation. Cela m'a mis au courant d'un dossier dont M. Paquin m'a beaucoup parlé dans le passé. Ce fut très clair.
Évidemment, je trouve ce qui se passe ici triste. Par exemple, chez nous, au Manitoba français, les Productions Rivard sont devenues un peu une institution. On aime beaucoup, par exemple, recevoir la programmation du Québec, mais en principe, on aime mieux recevoir les choses de chez nous, qui sont normalement plus sensibles aux nuances culturelles. Alors, je pense qu'il est très important de continuer à promouvoir nos organismes locaux.
Vous avez parlé tout à l'heure d'une enveloppe minimale. Je trouve ça triste qu'il faille imposer ces choses. On a répondu à plusieurs de mes questions, mais je veux répéter un peu ce qui s'est passé à cet égard, parce que je trouve ça un peu triste qu'il faille imposer des minimums. En principe, s'il faut le faire pour protéger l'industrie, je pense qu'on devrait le faire. Encore une fois, je trouve ça triste de voir que si on perd nos champions sur les conseils d'administration, nos entreprises sont en péril.
Il y a quand même un investissement considérable du gouvernement dans ce fonds. Est-ce que vous voyez un rôle plus important de Patrimoine canadien comme étant une des options? On pourrait imposer un minimum de 15 p. 100 ou on pourrait changer la structure du conseil d'administration pour avoir des gens qui sont plus sensibles aux besoins des minorités. Est-ce que vous voyez cela comme une option?
À (1020)
Mme Cécile Chevrier: Je crois que oui, mais il va falloir que le gouvernement intervienne davantage dans ce qu'est le fonds, le statut de la gouvernance et le reste. Je le sens et je ne peux pas l'identifier, mais depuis trois ans que je suis là et que je réfléchis beaucoup à cette question, je constate qu'il y a quelque chose à explorer.
Pour revenir aux commentaires qui ont été faits jusqu'à maintenant par rapport à l'appui, je tiens quand même à dire qu'on a eu un appui des instances et des groupes de travail qui regroupent tous les intervenants dans notre domaine, comme le CRTC. Je ne les nommerai pas tous, mais cet appui a été présent et c'est pour cela qu'il y a des projets du programme PICLO en notre faveur.
D'ailleurs, il y a un petit paradoxe assez spécial que j'aimerais partager avec vous. Il y a le Festival de Banff, où on a traditionnellement une rencontre à tous les ans et où on voit les décideurs. Cette année, on y va et Téléfilm Canada nous offre une formation en PICLO sur le marché international. On n'est même pas sûrs d'être en vie dans le marché de Moncton. Donc, c'est assez bizarre.
Pour répondre à votre question, je pense que le gouvernement devrait être un peu plus actif.
M. Pierre-Raphaël Pelletier: Pour la Fédération culturelle, il est clair que le ministère du Patrimoine—, je l'ai dit et ce n'est pas une boutade—, c'est le ministère de la culture des Canadiens français et des Acadiens. Il faut donner tous les moyens nécessaires à ce ministère pour vraiment refléter notre diversité culturelle.
M. Raymond Simard: Est-ce que vous pouvez m'expliquer brièvement quel est le processus pour faire accepter un projet? Est-ce qu'on fait application une fois par année ou deux fois par année? Comment cela fonctionne-t-il?
Mme Cécile Chevrier: Par genre, il y a deux périodes d'application, soit au printemps et à l'automne. À l'automne, c'est seulement pour les documentaires. Pour faire application, la condition numéro un, c'est l'appui du diffuseur. Cet appui se traduit par ce qu'on appelle une licence, c'est-à-dire son investissement dans un projet donné. Plus il y a d'argent du diffuseur, meilleures sont les chances du projet. À cela s'ajoute ce fameux critère des priorités. Celles-ci vont selon un système décroissant où la première vaut 20 et la dernière vaut 1. Certains diffuseurs en ont plus, d'autres en ont moins. Radio-Canada en avait 40 et TFO en avait 5 cette fois-ci.
Alors, on a cette licence et quand il s'agit du Fonds canadien de télévision, il y a deux programmes. Il y a le PDD, soit le Programme de droits de diffusion. C'est là qu'on a eu un sérieux problème au départ. C'est là qu'étaient les priorités. L'autre volet de l'intervention du fonds, c'est le PPC, soit le Programme de participation au capital, qui est géré par Téléfilm Canada. Le PDD est un programme objectif, c'est-à-dire que c'est la licence qu'obtient un projet pourvu qu'il soit reconnu comme canadien. Il y a toute une grille d'évaluation à ce niveau. C'est la licence qu'obtient un projet. Évidemment, c'est l'appui du diffuseur qui va déterminer s'il est accepté ou non au PDD.
Au PPC, c'est un peu plus subtil, en ce sens qu'ils sont un peu tenus de prendre les décisions du PDD. Il y a une évaluation objective des projets, c'est-à-dire qu'ils lisent les contenus et évaluent si c'est bon, si c'est moins bon ou si ça mérite d'être appuyé ou non. Il y a évidemment beaucoup plus de détails que je pourrais vous donner, mais je vais vous les épargner.
C'est assez compliqué, même pour les producteurs. Tous les ans, on s'arrache les cheveux parce que ça change assez souvent.
M. Raymond Simard: Merci.
Le président: Monsieur Bellemare, ça va?
J'aurais une question pour vous, madame Chevrier.
Pour faire suite à ce que M. Simard vous demandait, lorsqu'on arrive à Téléfilm Canada et j'aurai une chance d'en parler demain lorsque Téléfilm Canada comparaîtra, j'ai lu dans les journaux et dans les reportages, suite aux difficultés que votre association, ses producteurs et ses membres connaissent, la question du critère du nombre de téléspectateurs, soit de 1,5 million. Pourriez-vous m'expliquer quel est ce critère et comment il s'applique à vous?
À (1025)
Mme Cécile Chevrier: C'est un nouveau problème que nous avons. Le directeur général de Téléfilm Canada, M. Richard Stursberg, fait une grande campagne pour ça. Personnellement, je suis d'accord en principe. C'est en quelque sorte normal que le système cherche à financer des projets qui vont avoir la plus grande popularité. On peut admettre cela. Toutefois, en même temps, il y a le danger de niveler par le bas et d'écarter des gens comme nous.
L'histoire des cotes d'écoute a d'ailleurs a été très dure à prendre dans le cas de FranCoeur. On sait que FranCoeur a eu du mal à être acceptée à Téléfilm Canada à cause de ça. Ce n'était pas la qualité du projet, la qualité du scénario ou même le bénéfice politique d'aider une dramatique d'Ottawa qui était en cause.
Le président: Vous parlez des critères?
Mme Cécile Chevrier: On a dit qu'une série dramatique doit pouvoir anticiper un auditoire de 1,5 million avant d'être considérée comme acceptable par Téléfilm Canada. Alors, pour arriver à 1,5 million de téléspectateurs hors Québec, c'est évident qu'il faudrait avoir tous les petits bébés.
Le président: Sans être au réseau national, soit de Radio-Canada ou de TVA, est-ce qu'il est possible d'aller chercher cette cote d'écoute?
Mme Cécile Chevrier: C'est impossible.
Le président: Donc, ce critère élimine en partant TFO et tout ce qui n'est pas un réseau national comme Radio-Canada ou TVA.
M. Robert Charbonneau: TFO, TQS, Astral et ainsi de suite.
Le président: Monsieur Sauvageau, vous aviez demandé de revenir pour deux minutes.
M. Benoît Sauvageau: Vous avez établi un parallèle avec les subventions accordées aux communautés autochtones. Je ne voulais pas parler de cela, mais puisque vous m'ouvrez la porte, je vais aborder cette question.
Est-ce qu'un canal spécialisé comme celui qu'ils ont a fait l'objet de vos discussions à un certain moment donné? Lorsque vous parliez de ghettoïsation, est-ce que ce serait trop ghettoïsé?
Mme Cécile Chevrier: C'est sûr qu'on en parle. Je vais vous rappeler que nous avons eu l'automne dernier, à la fin septembre, la Conférence nationale de la production des régions. Cette rencontre a eu lieu à Moncton. Nous avons réuni plus de 40 producteurs régionaux francophones, des Québécois comme les membres de l'APFC, et nous en avons discuté. C'est sûr que la télévision est la clé d'accès au financement public. On n'en sort pas. Parlons justement du ghetto. Il ne faut pas oublier qu'une partie de notre travail, dans mon cas certainement, et une partie de la motivation de se mettre dans la misère où on se trouve comme producteurs, c'est, bien sûr, d'être cette fenêtre de nos communautés au Québec. C'est de transmettre la connaissance de notre existence, de mettre en valeur ce qu'on est et nos réalités.
C'est sûr que toutes les télévisions seraient contentes si on avait une télévision régionale. Elles seraient débarrassées de nous. Si on se limite à cela, c'est sûr qu'il y a un danger. On risque d'être dans un ghetto.
Encore une fois, il faut viser à la fois le grand public, mais en même temps, il faut préserver la survie de ce qu'on essaie de créer. On est un peu face à un dilemme.
M. Pierre-Raphaël Pelletier: À la Fédération culturelle canadienne-française, on réclame toujours de passer dans les grands réseaux nationaux avec nos quotas et nos contenus pour que, justement, il y ait de l'interculturel.
M. Benoît Sauvageau: Merci.
Le président: Monsieur Paquin, allez-y.
M. Louis Paquin: Tout à l'heure, quelqu'un a parlé du fait que Patrimoine Canada peut jouer un plus grand rôle. Je pense que c'est très important. Souvent, on oublie à Montréal et à Toronto que le fonds qui vient de Patrimoine Canada est un fonds culturel. Lorsque ça entre dans la machine de Montréal, ça devient une industrie. Ils oublient que c'est un fonds culturel et qu'il y a des objectifs qui viennent avec cela. Si Patrimoine Canada n'y est plus, il n'y a plus personne pour les rappeler à l'ordre. Il ne s'agit pas de dire «take the money and run», il y a des responsabilités qui viennent avec cela. Le fonds culturel vient de Patrimoine Canada pour une raison. Sinon, ce serait des crédits d'impôt fédéraux et ce serait tout.
À (1030)
Le président: Dans le document de recherche qui a été préparé par notre recherchiste, M. Ménard, à partir de 1997-1998 et pour chaque année financière jusqu'à 2001-2002, le pourcentage de fonds qui est allé à l'enveloppe francophone attribuée aux minorités était de 3,3 p. 100 en 1997-1998. L'année d'après, ce fut de 8 p. 100 et de 7,5 p. 100 pour l'année subséquente. En 2000-2001, ce fut de 5,2 p. 100. En 2001-2002, comme vous l'aviez mentionné, madame la présidente, ce fut 10,5 p. 100.
Est-ce que vous avez une estimation pour l'année 2002-2003 et surtout pour l'année qui s'amorce?
Mme Cécile Chevrier: Sous toutes réserves, selon un petit calcul que j'ai fait sur le coin d'une feuille, je crois qu'on va chercher environ 7 p. 100.
Le président: L'enveloppe que vous proposez de 15 p. 100 n'a jamais été atteinte, d'où votre décision d'accepter la notion et d'en faire une recommandation. Vous aviez peut-être peur que le fait de vous limiter à 15 p. 100 soit à l'encontre de vos intérêts.
Mme Cécile Chevrier: C'est ça.
Le président: D'accord.
Mme Cécile Chevrier: Au fur et à mesure que des gens comme Robert et moi allons faire des séries dramatiques, cela va vider l'enveloppe très rapidement. C'est beaucoup plus coûteux que de faire des documentaires.
Le président: On va terminer cette séance et commencer la suivante dans deux minutes. Je vous invite à rester dans cette salle.
Je vais proposer quelque chose qui n'est pas habituel. Puisque vous savez que demain après-midi, à 15 h 30, dans la même salle, nous recevons des représentants de Téléfilm Canada, de Radio-Canada et de TFO, peut-être qu'il y en a parmi vous qui pourront être là également. S'il y avait une occasion peut-être informelle de poser des questions, nos collègues pourraient peut-être aller vous voir de façon à mieux comprendre la situation et la dynamique à laquelle vous êtes confrontés.
J'invite mes collègues à songer à la rédaction d'un rapport dès la semaine prochaine. Je termine donc là-dessus.
Monsieur Charbonneau, vous avez la parole.
M. Robert Charbonneau: Étant donné que la série FranCoeur était la première dramatique jamais faite à l'extérieur du Québec dans les 50 ans d'histoire de la télévision au Canada, j'ai apporté un petit souvenir. C'est une belle tasse à café avec une belle petite vache pour tous les députés qui aimeraient l'utiliser.
Le président: Si M. Paquin veut faire circuler une copie de son émission sur le géant Beaupré, je pense qu'il y aurait peut-être un intérêt autour de la table.
Sur ce, je vous remercie.
À (1032)
À (1040)
Le président: Mesdames, messieurs, si vous voulez prendre place, nous allons continuer la séance. Nos témoins seront maintenant des représentants du ministère du Patrimoine canadien, en l'occurence M. Michael Wernick, le sous-ministre délégué, fera la première présentation.
Par la suite, Mme Sandra Macdonald, présidente et chef de la direction du Fonds canadien de télévision, prendra la parole.
Monsieur Wernick, vous avez la parole.
M. Michael Wernick (sous-ministre délégué, ministère du Patrimoine canadien): Merci, monsieur le président.
Aujourd'hui plusieurs de mes collègues du ministère m'accompagnent; ils sont plus compétents que moi pour répondre aux questions détaillées, en termes de règles de financement, et d'autres sujets. Si vous le permettez, je vais les présenter rapidement.
Il y a ma collègue Susan Peterson, qui est la sous-ministre adjointe responsable du secteur culturel au ministère; M. René Bouchard, qui a récemment été nommé directeur général responsable de la radiodiffusion; M. Robert Soucy, qui gère la boîte de certification de produits audiovisuels et qui connaît très bien le financement de la télévision et les longs métrages.
J'ai fait circuler notre présentation à l'intention de vos invités; je n'ai pas l'intention de lire toutes les pages en détail. J'avais pensé que ce serait utile pour le comité d'avoir un peu de renseignements relativement au système de radiodiffusion et le contexte dans lequel nous nous trouvons avec les situations ponctuelles que Mme Chevrier et ses collègues ont très bien décrites ce matin.
En commençant, je vous dirai que le ministère accepte entièrement les diagnostics et les plaidoyers faits par Mme Chevrier et ses collègues. Nous n'avons rien à contester en ce qui concerne l'importance de la production télévisuelle sur le plan culturel, sur le plan des langues officielles ou de la dualité linguistique, ainsi que sur le rôle de ces histoires pour ces communautés et pour la culture et l'identité canadiennes. Nous acceptons entièrement l'importance de ces questions et nous voulons trouver des pistes de solution rapidement, et c'est dans ce but qu'on veut donner un peu de contexte.
La première page de notre exposé se veut un effort afin de résumer en une seule page l'ensemble du système de télédiffusion au Canada. Je remarque que plusieurs membres de ce comité font aussi partie du Comité permanent du patrimoine canadien. Nous attendons avec impatience le rapport de ce comité, qui a fait une étude très importante sur le système de radiodiffusion. Le comité a fait un examen exhaustif, a entendu beaucoup de témoins, fait beaucoup de visites, et nous attendons ses recommandations. Je dois dire que pour toutes les questions de radiodiffusion, le travail important de ce comité parlementaire sera notre feuille de route, le contexte et le point de départ pour toutes les questions dans les prochains mois.
Quels sont les acteurs clés du système? C'est un système qui progresse rapidement et je ne vais pas répéter tous les chiffres. Il y a la télévision privée, le rôle important de la Société Radio-Canada, des réseaux privés importants, la télévision éducative, la télévision spécialisée et payante, les services numériques et la diffusion par satellite qui prend de plus en plus d'importance. Maintenant, deux millions de foyers canadiens reçoivent la télévision par satellite, non pas par le câble. Cela devient une question de choix et de diversité très importante.
Il y a aussi le secteur de production qui est en grande partie un secteur de PME. Il y a de grandes entreprises, ou relativement grandes, comme Alliance Atlantis ou d'autres, mais pour la plupart, ce sont vraiment des PME partout au Canada, dans toutes les régions et tous les centres importants.
S'il y a une chose de ma présentation qui est importante, c'est le graphique qui figure à la page 3. Il décrit l'équilibre entre les mesures visant la demande dans le système et celles qui concernent l'offre. Le monde des producteurs francophones en situation minoritaire, le monde de tous les producteurs régionaux ou ailleurs, est touché par deux sortes de facteurs. Du côté gauche du tableau, vous voyez tous les instruments qui influent sur la demande pour le produit. Je sais, monsieur le président, que votre comité a étudié en profondeur le rôle du CRTC, une agence réglementaire indépendante et autonome, les règlements établis par la commission, les conditions de licences imposées sur les diffuseurs comme la Société Radio-Canada, TVA et Astral. Cela est très important pour ce qui est de leur comportement.
La SRC et CBC jouent un rôle important parce qu'ils commandent et achètent les programmes des producteurs. Le comportement de ces deux sociétés est important.
À (1045)
Ce n'est pas le rôle du ministère de s'ingérer dans les opérations quotidiennes d'un diffuseur public. Je pense que les représentant de la SRC comparaîtront devant le comité et pourront répondre à vos questions. L'ONF joue également un rôle important.
Mme Macdonald, qui travaille maintenant au Fonds canadien de télévision, était anciennement commissaire du gouvernement à la cinématographie et présidente de l'ONF, et cela joue surtout un rôle dans le développement d'une nouvelle voie.
Les coproductions internationales sont un instrument très important parce que parfois, on peut partager les coûts et les risques avec un producteur étranger; c'est très important dans un marché comme le marché canadien. Donc voilà une liste d'instruments qui touchent la demande.
De l'autre côté, il y a les mesures d'offres, et le Fonds canadien de télévision joue un rôle névralgique très important. On doit en discuter en profondeur aujourd'hui, mais je veux insister sur le rôle des autres instruments qui peuvent aussi changer la trajectoire du secteur canadien de long métrage et de télévision.
Les pages suivantes de notre mémoire décrivent plus en détail le rôle de ces institutions et les efforts spéciaux en ce qui concerne les producteurs de créations en situation minoritaire. Je ne peux pas passer le tout en détail, mais le Conseil des arts du Canada, le Fonds canadien du film et de la vidéo indépendants, qui subventionnent les très petits projets, les deux crédits d'impôt offerts par le gouvernement du Canada et, encore une fois, le rôle de la SRC, de CBC et de l'ONF comme maisons de production sont tous des outils très importants.
Ça, c'est l'ensemble du système qui touche les producteurs francophones en situation minoritaire, et le Fonds canadien de télévision est l'instrument de subvention le plus important; cela joue un rôle mais ce n'est pas le système entier. On peut faire des progrès si on mobilise tous les autres instruments du système.
Il y a un rôle important aussi, celui d'une voix dans la prise de décisions, et je cite, juste pour votre information, la situation actuelle en termes des membres du conseil des décisions de toutes ces instances publiques, les représentants nommés qui viennent des communautés en situation minoritaire. En ce moment, au comité de gestion il n'y a personne de qualité, mais dans le passé, il y avait un représentant du Nouveau-Brunswick.
Les pages suivantes donnent plus de détails. Peut-être qu'on peut simplement passer aux questions s'il y a des points spécifiques. Je sais que votre comité a étudié le rôle du CRTC. Cela soulève quelquefois des questions difficiles, à savoir si le gouvernement doit ou devrait faire quelque chose. Il y a une agence réglementaire indépendante, et les limites de notre capacité et de votre capacité de diriger le CRTC sont, de temps en temps, une source de frustration pour vous comme pour nous. En ce qui touche la demande de programmation, les décisions du CRTC sont très importantes. La commission a refait la structure de réglementation régissant la télévision canadienne depuis trois ou quatre ans. Les décisions les plus importantes sont la politique générale de la télévision, des renouvellements de licences importantes, des conditions imposées sur ces chaînes de télévision.
Une enquête spécifique que nous avons menée sur la situation dans les communautés en situation minoritaire a touché, à l'époque, plutôt les questions de diffusion et la disponibilité des services, mais elle ne mettait pas le même accent sur les mesures de subvention. Il y a là des éléments relatifs à la vitalité et à l'importante du système sur lesquels on peut revenir plus tard. La politique communautaire joue aussi un rôle important.
Au sujet de la SRC, on cite juste un peu leur budget, leur comptabilité et leur intérêt. Ils sont un partenaire important dans la structure des ententes PICLO. C'est la même chose pour l'ONF, pour les coproductions internationales, le Conseil des arts, le Fonds canadien du film et Téléfilm Canada, comme instruments privilégiés pour financer la production télévisuelle et de long métrage. Je passe rapidement mais si vous avez des questions, il me fera plaisir d'entrer dans les détails.
Je voudrais aussi insister sur le modèle canadien. Ce n'est pas le ministère qui choisit les programmes ou les films, ni qui décide en détail comment choisir. On donne cette responsabilité à une agence autonome, avec un conseil d'administration, qui a ses propres responsabilités et doit rendre compte au Parlement du Canada.
À (1050)
Le président: Monsieur Sauvageau.
M. Benoît Sauvageau: Monsieur Wernick, je ne voudrais pas être impoli à votre égard, loin de moi cette idée, mais comme vous l'avez souligné dans votre document, une étude qui a duré longtemps a été faite par le Comité permanent du patrimoine canadien sur l'ensemble, dont Téléfilm Canada et tout cela...
M. Michael Wernick: Oui.
M. Benoît Sauvageau: Aujourd'hui, la convocation porte sur le Fonds canadien de télévision. Je trouve cela très joli d'apprendre tout ce qui se passe à Patrimoine Canada, mais on nous parle maintenant de Téléfilm Canada. J'aimerais que les fonctionnaires de Patrimoine Canada nous parlent plus spécifiquement de ce qui est à l'ordre du jour.
Le président: Monsieur Sauvageau, nous avons invité des représentants du ministère pour nous donner une vue d'ensemble.
M. Benoît Sauvageau: Une vue d'ensemble de tout, pas sur le Fonds canadien de télévision?
Le président: Continuez monsieur Wernick.
M. Michael Wernick: Merci, monsieur le président.
Il s'agit simplement de donner un peu de contexte, car parfois, les gens se tournent vers le Fonds de télévision pour régler ou traiter de toutes les questions portant sur le système de radiodiffusion, mais il y a d'autres instruments importants. Je vais maintenant passer à la dernière diapositive.
On travaille très fort à mobiliser toutes ces agences. Le système fonctionne mieux quand on peut arrimer les instruments de demandes avec ceux portant sur les offres.
De là, je passe tout de suite au Fonds canadien de télévision, parce qu'il y a une tendance, ce printemps, à vouloir se débarrasser du fonds et dire qu'il ne fonctionne pas. Je dois dire que je ne veux pas défendre tous les détails. Nous sommes tout à fait prêts à accepter la première recommandation de Mme Chevrier, à l'effet qu'il faut revoir la structure de gouvernance, du financement. L'étude du fonds se poursuivra dans le contexte du rapport qu'on va recevoir du comité présidé par M. Lincoln.
La beauté de ce fonds, c'est qu'il est un partenariat public-privé; ce n'est pas un programme du ministère et ce n'est pas une agence du gouvernement. C'est un partenariat privé-public et j'ose vous dire que la question qui se pose aujourd'hui, pour vous et pour nous, c'est de savoir quel niveau d'ingérence de la part du ministère est approprié dans un tel partenariat. C'est un mélange de fonds publics avec des fonds privés et il est gouverné par un conseil d'administration de 18 membres. La beauté de ce fonds, c'est que les règles d'allocation des priorités, des plans d'affaires, font le consensus de tous les intervenants dans le secteur de la télévision au Canada. Ce ne sont pas les fonctionnaires du ministère qui décident, ce ne sont même pas les fonctionnaires de l'ONF ou de Téléfilm Canada qui décident. On a des représentants des compagnies de câble, des diffuseurs privés, des diffuseurs publics, des diffuseurs de télé éducative, beaucoup de producteurs et aussi les associations qui représentent les producteurs du Québec, ainsi que les producteurs du reste du Canada.
Ils ont tous une voix, ils peuvent tous voter et les décisions, pour la plupart, font consensus; elles reçoivent l'unanimité. On peut dire que c'est un partenariat où il faut arrimer les objectifs de politiques publiques, les objectifs du gouvernement avec le bon sens et le test de réalité offert par ces intervenants. C'est une expérience qui dure maintenant depuis huit ans. Cette année, nous en sommes au huitième cycle, et c'est la première fois que je comparais devant un comité parlementaire pour expliquer tout cela.
Il est clair que des choses troublantes se sont passées cette année, mais il faut dire que le fonds a généré plus ou moins 2 000 heures de programmation à chaque exercice depuis huit ans, et c'est un succès sur le plan culturel et économique. Il a aidé le secteur de la production à se développer et les diffuseurs, surtout les nouveaux diffuseurs spécialisés et numériques, à remplir leur grille de programmation avec de la programmation canadienne, parce que le facteur dominant dans l'allocation des fonds est la licence payée par le diffuseur.
Je voudrais reculer un peu, si vous me le permettez.
Le fonds subventionne seulement des programmes qui sont déjà commandés par un diffuseur, donc il n'y a pas le risque d'avoir un programme de subventions où on collecte une pile de cassettes de programmes, qui ne sont jamais regardés par les Canadiens ayant contribué au financement. Tous les programmes financés par le fonds sont diffusés et cette année aussi, on va financer environ 2 000 heures de programmation, qui seront vues par les téléspectateurs canadiens et étrangers. Donc, il y a des éléments du fonds qui fonctionnent très bien.
Nous sommes très conscients de nos responsabilités du côté public dans le partenariat public-privé. Il y a une entente de contributions qui gère l'allocation des fonds publics. Nous contribuons pour la moitié, et l'entente est disponible, elle est publique et vous pouvez l'étudier, ainsi que poser des questions.
Nous devons décider, comme ministère, à quel niveau on veut s'ingérer. Il y a certains éléments sur lesquels on insiste dans la structure, comme l'accent sur les objectifs culturels. Il faut aussi respecter une allocation de deux tiers, un tiers en ce qui concerne l'allocation linguistique.
À (1055)
Il faut également avoir des mesures pour favoriser les productions régionales; il faut renforcer ou respecter les dualités linguistiques. Mais il faut aussi se poser une question: veut-on vraiment imposer en détail toutes les règles d'allocation, ou est-ce qu'on veut profiter de l'expérience et de l'expertise offertes par le conseil d'administration, et lui donner un rôle de responsabilité fiduciaire de gérer l'ensemble du fonds?
Les membres du conseil ont des mécanismes de rendement et de rapport annuel. En ce qui concerne le fonds, rien n'est secret. Les règles d'allocation, les critères d'admissibilité, les rapports annuels sont tous sur le site web. Je pense Mme Macdonald et moi-même pouvons essayer de répondre à vos questions à ce sujet.
Qu'est-ce qui s'est passé cette année? Je voudrais insister sur la page 15, qui porte sur le financement du fonds. Je pense qu'un élément de ce qui s'est passé cette année, c'est la réduction du financement, parce qu'il y a toujours plus de demandes que de moyens disponibles pour ce fonds. Cela a toujours été le cas et le sera toujours. Il y a beaucoup de demandes. Donc, les règles d'allocation sont plus ou moins la façon de décider qui reçoit le financement et qui ne le reçoit pas. Il y a un taux d'acceptation et un taux de rejet qui changent d'année en année. Depuis huit ans, l'investissement public est assez substantiel, mais quand il y a moins de ressources, on constate que le taux de rejet va monter. C'est ce qui s'est passé cette année.
Les pages 16 et 17 donnent un peu l'historique fait par Mme Chevrier. On a fait beaucoup de progrès depuis 2000 avec les mesures incitatives. Ce qui a changé dans le graphique pour 2000-2001, c'est que le conseil d'administration du fonds a étudié la question de productions en situation minoritaire et ajouté certains éléments basés sur un modèle d'incitation. Inciter les diffuseurs à recommander et à réduire le coût de production dans les situations minoritaires a produit des fruits assez intéressants et un taux de progrès remarquable dans les deux années suivantes.
Cette année on a vu un échec. À ce sujet, j'accepte le diagnostic de Mme Chevrier. Cet échec est probablement causé par le changement dans les règles. On a ajouté un élément dans les règles de décision, que Sandra peut décrire mieux que moi, qui donne plus de poids aux décisions des diffuseurs. Ils ont déjà un choix, un élément de décision parce qu'ils doivent commander le programme. C'est le point de départ. C'est la licence qu'ils paient aux producteurs qui est le facteur dominant dans la grille d'évaluation. De plus, on ajoute comme partie du pointage, les cadres de priorité des diffuseurs. J'accepte entièrement que Mme Chevrier ait reconnu tout de suite que cela aurait un impact spécifique sur la production en situation minoritaire. Elle avait raison.
À l'époque, le conseil d'administration avait décidé d'aller de l'avant avec ce système pour remplacer un autre modèle, qu'on peut décrire si vous voulez, et cela a fait le consensus de la SRC, des télévisions privées, des télévisions éducatives, de l'Association des producteurs de films et de télévision du Québec, ainsi que l'ACPFT aussi. Ils ont tous pensé à l'époque que cela pourrait avoir un bon effet en termes de règles d'allocation dans une situation où il y a énormément plus de demande que d'offre.
Á (1100)
Le président: Je vais être obligé de vous demander de conclure et de passer tout de suite à Mme Macdonald parce qu'on va manquer de temps.
M. Michael Wernick: C'est entendu.
Le défi pour nous, c'est de revoir la situation. Le fonds a déjà alloué à peu près 192 millions de dollars de ses ressources pour cette année. Il reste peut-être une quinzaine de millions de dollars pour cet automne. Donc, les cartes sont plus ou moins jouées pour cette année et il faut revoir la situation avant le cycle de 2004. Nous acceptons entièrement qu'il faut revoir le système de pointage des critères et bien d'autres choses. Si le comité veut recommander des changements structurels plus profonds, nous voulons absolument poursuivre cela dans le contexte du rapport du comité présidé par M. Lincoln.
Je vous remercie.
Le président: Merci, monsieur Wernick.
Madame Macdonald.
Mme Sandra Macdonald (présidente et Chef de la direction, Fonds canadien de télévision): Monsieur le président, je remercie le comité pour l'invitation aujourd'hui.
Mon nom est Sandra Macdonald et je suis présidente et chef de la direction du Fonds canadien de télévision. Il me fait plaisir de me présenter aujourd'hui devant votre comité pour répondre à vos questions sur l'appui donné par le Fonds canadien de télévision au secteur des productions de la minorité linguistique au Canada.
J'aimerais commencer par vous présenter Mme Louise Baillargeon qui m'accompagne aujourd'hui. Mme Baillargeon est vice-présidente principale du Fonds canadien de télévision. Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions dans quelques minutes.
Comme vous le savez sans doute, le Fonds canadien de télévision, le FCT, a été créé en 1996 grâce à un partenariat des secteurs publics et privés. À ce moment, le ministre du Patrimoine canadien et les compagnies de câblodistribution du Canada ont décidé de conjuguer leurs efforts pour appuyer la programmation télévisuelle canadienne.
Le FCT comprend deux programmes de financement distincts.
Le premier, qui s'appelle le Programme de droits de diffusion, le PDD, est administré directement par le FCT.
Le second, le Programme de participation au capital, le PPC, est administré par Téléfilm Canada pour le Fonds canadien de télévision.
Le comité a invité le directeur général de Téléfilm Canada, M. Richard Stursberg, à se présenter devant lui demain. M. Stursberg pourra alors donner de plus amples renseignements sur les activités et les réalisations du Programme de participation au capital relativement aux obligations de Téléfilm Canada en vertu du partenariat interministériel avec les communautés de langue officielle.
Depuis sa création, le Fonds canadien de télévision a alloué le tiers de son budget aux productions de langue française. Bien que cette répartition soit disproportionnellement élevée par rapport à la population, elle a toujours été jugée équitable par le FCT et ses intervenants. Cette conception de l'équité demeurera une valeur fondamentale du fonds.
[Traduction]
Comme je l'indiquais tout à l'heure, le programme de participation au capital est administré pour le Fonds canadien de télévision par Téléfilm Canada. Par conséquent, ce programme est non seulement soumis aux objectifs assignés au Fonds par le ministère du Patrimoine, mais il est aussi assujetti au plan d'activités de Téléfilm et aux obligations qu'elle assume en tant que société d'État. Par ailleurs, le programme de participation au capital est un programme sélectif doté d'une certaine souplesse dans le choix de l'aide à apporter aux émissions qui traduisent le mieux son mandat culturel, notamment aux émissions en langue minoritaire.
Cette flexibilité est absente de l'autre programme de financement du FCT, celui qu'il administre directement, c'est-à-dire le programme des droits de diffusion. Vous trouverez dans notre document un tableau indiquant ce qui différencie les deux programmes quant au financement qu'ils accordent. Le greffier veillera à ce que tout le monde en obtienne copie.
Vous allez voir que d'un programme à l'autre, le processus décisionnel est totalement différent. Il n'y a pratiquement aucune ressemblance.
Le programme des droits de diffusion est le successeur du Fonds de télévision et de câblodistribution pour la production d'émissions canadiennes, qui était l'un des deux éléments fusionnés en 1996 en vue de la création du partenariat public-privé, dont il constitue la composante privée. Ces ressources proviennent presque intégralement des revenus des câblodistributeurs.
Dès le départ, avant même qu'il ne soit versé au fonds fusionné, il était conçu pour fonder ses décisions de financement sur les exigences du marché. Il avait pour objet de proposer un financement objectif et quasi automatique aux producteurs, sans que la valeur créative ou culturelle de la production en soit évaluée subjectivement, une fois que l'admissibilité fondamentale au programme avait été établie. Néanmoins, malgré ce cadre rigide, le programme des droits de diffusion s'est efforcé de favoriser la diversité culturelle de la programmation qu'il appuie en proposant des mesures incitatives aux productions régionales de langue minoritaire.
Dans la pratique, le programme des droits de diffusion peut être qualifié d'objectif dans la mesure où il fait appel à un système mathématique de classement qui attribue des points aux productions en fonction d'un certain nombre de critères. Quand vient le temps d'accorder du financement, le programme des droits de diffusion commence par les productions qui ont obtenu le meilleur classement, puis redescend dans la liste jusqu'à ce que les fonds disponibles soient épuisés.
Conformément à l'orientation du programme axée sur le marché, deux des trois critères de classement sont directement liés aux décisions que prennent les télédiffuseurs canadiens.
Le premier critère évalué par le PDD correspondant au montant d'argent qu'un télédiffuseur ou qu'un groupe de télédiffuseurs canadiens sont prêts à avancer pour obtenir le droit de télédiffuser une émission. C'est ce qu'on appelle le droit de diffusion. Disons, pour simplifier les choses, que plus les droits de diffusion augmentent en proportion du budget de l'émission, plus elle va obtenir de points dans l'échelle de classement du programme des droits de diffusion. Comme les télédiffuseurs payent des droits en proportion de l'intérêt qu'ils portent à une émission, ces droits deviennent la preuve concrète de l'importance que présente une production pour le télédiffuseur.
Le deuxième critère de financement de l'échelle de classement du programme des droits de diffusion est ce que nous appelons la priorité du télédiffuseur. Le Fonds canadien de télévision permet aux télédiffuseurs de désigner un nombre déterminé de productions comme étant prioritaires dans leurs calendriers de télédiffusion. Les télédiffuseurs sont tenus de classer ces priorités en ordre d'importance décroissante. Chaque priorité figurant sur leur liste reçoit ensuite un certain nombre de classements.
Par exemple, si un télédiffuseur a désigné 20 priorités pour le taux de financement du printemps, la première priorité reçoit 20 points, la deuxième en reçoit 19, et ainsi de suite jusqu'au bas de la liste.
Comme les télédiffuseurs attribuent naturellement les plus hautes priorités aux productions qui, à leur avis, attireront les plus fortes cotes d'écoute, et comme ils sont prêts à leur accorder des droits de diffusion plus élevés, le programme des droits de diffusion se fonde sur ces deux critères pour déterminer la puissance d'attrait d'une émission pour les auditoires canadiens.
Á (1105)
Le troisième critère de classement du programme des droits de diffusion attribue cinq points aux petites et moyennes entreprises de production afin de rétablir l'équilibre entre elles et les plus grosses. On remarquera que tous les producteurs canadiens de langue minoritaire exploitent des PME et par conséquent, ils bénéficient tous de ces points supplémentaires de classement.
Le système de classement comporte également deux mesures incitatives favorables aux productions régionales. Comme la plupart des producteurs de langue minoritaire sont installés ailleurs qu'à Montréal ou Toronto, ces mesures incitatives revêtent pour eux une importance particulière.
Tout d'abord, le programme des droits de diffusion favorise les émissions produites à plus de 150 kilomètres de Montréal ou de Toronto en ajoutant un multiplicateur au calcul de leurs points résultant des droits de diffusion. Les productions régionales, en particulier des émissions en français produites en dehors du Québec, reçoivent ainsi plus de points pour chaque dollar versé par le télédiffuseur que leurs homologues de Montréal ou de Toronto. Autrement dit, un télédiffuseur peut payer moins cher pour une production régionale tout en se classant au même rang sur l'échelle du PDD. Cet incitatif vise à renforcer l'attrait des productions régionales de langue minoritaire pour les télédiffuseurs canadiens.
Une fois que ces productions se sont classées sur l'échelle du PDD, elles bénéficient de l'avantage supplémentaire d'un plus fort pourcentage de contribution de financement. Alors que la contribution moyenne du programme des droits de diffusion représente 15 p. 100 du budget de production, toutes les productions de langue française, indépendamment de leur lieu d'origine, reçoivent une prime de 5 p. 100 sur l'ensemble du budget de production. Les productions régionales reçoivent une prime régionale de 5 p. 100, les productions en français réalisées ailleurs qu'à Montréal reçoivent une prime supplémentaire de 5 p. 100, et les émissions en français réalisées en dehors du Québec reçoivent un autre montant supplémentaire de 5 p. 100.
Comme toutes ces primes sont cumulatives, une production en français réalisée à Moncton recevra une contribution de droits de télédiffusion représentant 35 p. 100 de son budget, alors qu'une production en français réalisée à Montréal ne recevra que 20 p. 100 et qu'une production en anglais réalisée à Toronto ne recevra que 15 p. 100.
Comme le programme des droits de diffusion et le programme de participation au capital fonctionnent en tandem, le Fonds canadien de télévision a remporté un succès remarquable dans l'aide qu'il accorde aux productions de langue minoritaire. Ainsi, en 2002, le FCT—les deux programmes confondus—a accordé près de 11 millions de dollars de financement à 23 projets télévisuels produits en français en dehors du Québec. Ces émissions ont représenté environ 135 heures de programmation originale provenant du milieu de la production.
Au printemps 2003, on a assisté à une diminution sensible de l'aide accordée à tous les types de programmation à cause de la diminution du budget du FCT pour cette année. Notre capacité à venir en aide aux productions de langue minoritaire ainsi qu'à toutes les autres catégories de production s'en est trouvée amoindrie.
Le fonds a abordé l'année 2003 avec près de 70 millions de dollars de moins que l'année dernière, à cause de l'utilisation d'environ 40 millions de dollars de réserve en 2002, qui n'étaient évidemment plus disponibles après avoir été dépensés, et d'une réduction de 25 millions de dollars dans le financement fourni par le gouvernement du Canada, et d'un changement de la réglementation du CRTC, qui permettait aux câblodiffuseurs de réorienter vers leur canal communautaire local 5 millions de dollars de contributions qu'ils devaient antérieurement verser au Fonds canadien de télévision. Au total, ces mesures ont représenté une réduction d'environ 24 p. 100 des fonds disponibles en 2003 au Fonds canadien de télévision pour venir en aide à la programmation.
Du fait de cette réduction de budget, les deux programmes du Fonds canadien de télévision se sont vus dans l'impossibilité d'assurer cette année le même niveau de soutien à l'activité de programmation des différents secteurs. L'exercice décisionnel du printemps n'est pas encore terminé. Nous avons les résultats définitifs pour les dramatiques, les variétés et les émissions pour enfants, mais les résultats des documentaires ne sont que partiels. Les productions minoritaires subissent un taux de rejet supérieur aux années précédentes, mais conforme au taux de rejet de l'ensemble des productions soumises au FCT.
Á (1110)
[Français]
À la demande du comité, le FCT a préparé des statistiques tirées de son dernier exercice financier complet, soit l'année 2002-2003. Celles-ci tracent un tableau de la contribution financière du fonds aux émissions créées par les communautés appartenant à la minorité linguistique.
Il convient de souligner que nous désignons une production comme étant d'expression française ou anglaise selon la langue de la production et non la langue du producteur. Nous finançons des productions de langue anglaise qui sont réalisées par des compagnies de production travaillant principalement en français et vice versa. Nous ne demandons pas aux requérants de nous indiquer leur origine ethnique.
Je termine ainsi ce tour d'horizon du financement offert par les deux programmes de production du Fonds canadien de télévision. Cette année est évidemment particulièrement difficile pour nous tous. Toutes les productions qui ont reçu cette année une réponse négative à leurs demandes de financement étaient de bonnes productions. Il a aussi été pénible de devoir refuser tant de demandes, comme ce fut le cas cette année. Notre taux de refus pour certains domaines de production, notamment les dramatiques, a été de plus de 80 p. 100. Il est évident que si nous avions plus de fonds, les réponses seraient différentes et positives pour plus de monde. Nous avons essayé de faire de notre mieux dans les circonstances. Si nous pouvions améliorer les choses, notre premier objectif serait de s'assurer que l'argent du Fonds canadien de télévision, autant sa partie publique que sa partie privée, soit utilisé de façon à obtenir de meilleurs résultats pour le public canadien et pour l'industrie de production et de radiodiffusion.
Á (1115)
Le président: Merci, madame Macdonald.
Nous allons passer maintenant à la période traditionnelle des questions, en commençant par M. Sauvageau.
M. Benoît Sauvageau: Merci, mesdames et messieurs. Si vous me permettez, je vais m'adresser d'abord à M. Wernick.
Vous nous avez remis des feuilles. À la page 2, on trouve un tableau de la situation canadienne. Il y a 96 stations de télévision privées. Serait-il possible de connaître—pas nécessairement aujourd'hui—le nombre exact de stations anglophones et de stations francophones?
On constate aussi que la SRC a 24 stations de base, 16 anglaises et 8 françaises. Cela paraît bien, il s'agit d'une proportion d'un tiers de francophones et de deux tiers d'anglophones. Il faut, par contre, aussi considérer le poids relatif des employés et des budgets des deux réseaux, et se poser la même question pour les deux réseaux nationaux francophones. Considérez-vous que la SRC et TVA sont sur un pied d'égalité avec les chaînes anglophones? La SRC et TVA sont-elles disponibles dans toutes les provinces canadiennes?
M. Michael Wernick: C'est le cas pour TVA; il s'agit d'une décision récente. Elle est obligatoirement disponible partout, mais ce n'est pas le cas des canaux spécialisés.
M. Benoît Sauvageau: Je veux simplement obtenir des précisions sur ce tableau, parce que si on le regarde tel quel et qu'on vient d'un autre pays, on pourrait croire que tout est bilingue partout et que tout va bien. J'aimerais donc obtenir des précisions. D'autre part, j'ai apprécié votre commentaire sur la coupure de 25 millions de dollars qu'on peut résumer par l'expression «si on a moins d'argent, on acceptera moins de projets». Nous passons ensuite à la page 16.
J'aimerais d'abord revenir à la page 15, parce que vous avez à peu près dit que Mme Copps avait garanti—et il est important de le savoir—que les 25 millions de dollars seraient réinvestis. Elle l'a dit à la Chambre des communes, elle l'a dit aux producteurs, elle l'a dit à tout le monde, mais on attend toujours. Les gens doivent préparer leur budget.
Pensez-vous qu'effectivement les 25 millions de dollars viendront bonifier le montant actuel de 75 millions de dollars?
Si on considère les montants des sept années précédentes, on constate qu'il y avait toujours 100 millions de dollars disponibles. J'aimerais savoir, premièrement, si les 25 millions de dollars, tel que promis par Mme Copps, vont être réinvestis. J'aimerais savoir, deuxièmement, sur quoi on s'est basé pour couper ces 25 millions de dollars. Après tout, il s'agit du quart du budget. J'aimerais savoir, troisièmement, si à votre avis vous avez le droit de donner de l'argent sans faire d'ingérence. Je pense que quand on coupe 25 millions de dollars, on fait de l'ingérence, sinon directement, au moins indirectement.
Avez-vous le droit de transférer 75 ou 100 millions de dollars et de ne pas vérifier si l'article 41 est respecté? Est-ce légalement possible?
S'il me reste du temps, je vais aussi poser des questions à Mme Macdonald.
Á (1120)
M. Michael Wernick: Je ne vais pas tâcher de défendre les décisions qui ont été prises par rapport au budget, ou même d'en parler, parce qu'il s'agit d'une décision du Conseil des ministres. J'imagine que beaucoup de facteurs ont joué lors de cette prise de décision. Nous devons maintenant l'accepter. Présentement, ce matin, je n'ai aucune confirmation qu'il y aura une injection supplémentaire d'argent cette année. Le Fonds canadien de télévision et le conseil d'administration continuent de se baser sur l'hypothèse actuelle, c'est-à-dire qu'ils disposent de 230 millions de dollars. S'il y a une annonce dans les prochains jours ou les prochaines semaines, tant mieux. Le conseil d'administration devra alors décider comment allouer ces fonds. Pour l'instant, nous n'avons aucune confirmation d'investissement supplémentaire.
C'est pourquoi j'ai dit que les cartes étaient plus ou moins jouées pour cet exercice, que ce soit pour l'allocation pour les dramatiques ou pour les programmes pour enfants. Les lettres d'acceptation et de rejet ont été envoyées, et les producteurs doivent s'ajuster, c'est-à-dire chercher du financement ailleurs ou modifier leur plan d'affaires. Cette situation est grave pour les producteurs; nous le reconnaissons entièrement.
La question de l'ingérence est selon moi fondamentale. Jusqu'à quel point devons-nous faire de l'ingérence? On pourrait fournir au comité l'entente de contribution. Elle est longue, détaillée et fort complexe. Elle contient beaucoup de mesures concernant l'imputabilité du Fonds canadien de télévision envers le gouvernement et, donc, envers le Parlement. Si ce n'est pas suffisant, on peut bonifier et corriger le tout. Nous n'avons pas insisté sur la manière par laquelle le Fonds canadien de télévision doit favoriser la production régionale ou respecter la dualité linguistique. Je dois dire que je ne sais pas vraiment comment nos obligations ou même nos principes, prévus aux articles 41 et 42, se traduisent en décisions spécifiques. Nous reconnaissons entièrement notre responsabilité spéciale envers ces communautés et ce genre de contenu, mais il y aura des productions financées cette année et je ne sais pas à quel point nous devrions insister sur l'obtention d'un résultat spécifique et comment un juge traiterait une cause hypothétique où on se plaindrait du fait que le Fonds canadien de télévision a financé cinq programmes plutôt que sept. Quel est le seuil nécessaire? C'est une question de jugement . Je reconnais tout à fait que nous sommes très déçus de ce qui s'est passé, et nous souhaitons retrouver le momentum et les progrès des années précédentes.
M. Benoît Sauvageau: J'aimerais faire un commentaire avant de passer à Mme Macdonald.
Le président: Il vous reste une minute, monsieur Sauvageau.
M. Benoît Sauvageau: Il me semble que lorsqu'on donne 100 millions de dollars pendant les huit précédentes années, il est un peu tard pour se demander si ces millions de dollars ont bel et bien été affectés au bon objectif. Il me semble qu'il est tard pour se poser la question, mais quand même...
Madame Macdonald, Mme Chevrier nous a fait un constat assez accablant auquel M. Wernick dit s'associer. En fait, ça ne va pas bien. Dans votre présentation, au contraire, ça semblait bien aller.
Est-ce que vous partagez les principales doléances qui sont dans le rapport qu'on nous a remis ce matin sur les coupures drastiques à l'endroit des producteurs en milieu minoritaire francophone? Sériez-vous d'accord sur la troisième recommandation pour régler un tant soit peu le problème en mettant une enveloppe fixe pour un type de production?
J'aimerais savoir si vous faites le même constat que Mme Chevrier et M. Wernick au sujet de la situation actuelle, ou si votre réalité est différente? Est-ce que vous appuyez la troisième recommandation?
Mme Sandra Macdonald: Premièrement, je dois dire que Mme Chevrier n'a pas tout à fait le même discours que nous, mais on verra peut-être à l'avenir. Comme je l'ai dit, au Fonds canadien de télévision et aussi au conseil d'administration du Fonds canadien de télévision, dont Mme Chevrier est membre, nous sommes évidemment tous très déçus des résultats cette année, parce que le taux de rejets, le taux de refus des projets et des demandes est très élevé par rapport aux années précédentes, et ce, dans toutes les catégories.
Il y a deux éléments qui expliquent cela. Les fonds dont nous disposons ont été amputés d'un quart, alors que dans certains cas, la demande d'appui financier est élevée et ne cesse d'augmenter. Nous avons, à l'évidence, un problème qui est simplement mathématique d'une certaine façon: moins de fonds, plus de demandes. Il y aura donc un plus grand nombre de projets qui ne pourront pas être financés.
Cela dit, je peux vous assurer que nous avons fait tout en notre pouvoir, dans les deux programmes, pour offrir un appui spécial aux programmes émanant des régions, certainement plus pour les programmes en français à l'extérieur de Montréal et encore davantage pour ceux à l'extérieur du Québec.
Comme je l'ai dit, dans notre programme objectif, le programme de licences, si on est un producteur de langue française à l'extérieur du Québec, on peut avoir 35 p. 100 du budget de projets.
Á (1125)
Le président: Madame Macdonald, j'ai laissé passer un peu de temps, mais c'est terminé.
Monsieur Bellemare, monsieur Godin et madame Thibeault. Ensuite, monsieur Simard et monsieur Castonguay. Il y aura seulement un tour.
M. Eugène Bellemare (Ottawa—Orléans, Lib.): Monsieur Wernick, madame Macdonald, je vous félicite d'abord: sept ans de vie, c'est maintenant le «seven year itch». C'est votre succès qui nous amène à poser des questions et à réfléchir sur vos opérations. Alors, si on pose des questions aujourd'hui, c'est parce que nous sommes intéressés à quelque chose qui semble avoir beaucoup de succès.
Si j'ai bien compris votre message, le gouvernement devrait contribuer davantage. Comme député, je viens de recevoir cette copie du rapport 2001-2002. Le rapport 2002-2003, à ce qu'on me dit, n'est pas encore imprimé ou distribué. Alors, au lieu de vous poser des questions auxquelles, il n'y a aucun doute, vous pourriez répondre sans problème, je vais procéder différemment et vous faire part de l'impression que peut avoir un député en parcourant votre rapport. Il est possible que cela vous incite à changer la façon de présenter votre prochain rapport annuel.
À la lecture de votre rapport, je remarque qu'à votre bureau de direction ou au conseil d'administration, il y a des gens de TV Ontario mais pas de TFO. Alors, comme Franco-Ontarien, je me pose une question. Ensuite, je vois les noms suivants: Rogers Cable, Shaw Cable, Corus, dans les producteurs Barna-Alper, Keatley Films Ltd., Memory Films Productions Ltd., Radio-Canada—certains disent Radio-Montréal, ce n'est sûrement pas Radio-Ontario—et Télé Astral. Alors, ce sont les décideurs de vos projets. On dirait quasiment que ça sent un peu le conflit d'intérêts. Ça ne l'est pas, mais ça sent ça, parce que ce sont ces gens-là qui sont membres du bureau de direction et qui décident qui va avoir quoi.
Je regarde vos objectifs, trois objectifs, dont un:
2. Refléter la réalité du Canada aux Canadiens en appuyant la création et la diffusion, aux heures de grande écoute, d’émissions canadiennes de grande qualité, dont l’intérêt culturel est manifeste et qui sont produites dans les deux langues officielles [...] |
Puis en parlant de l'avenir, vous dites qu'il importe que le conseil fasse preuve de flexibilité face aux demandes de l'industrie. Je me dis immédiatement «aux demandes de l'industrie», mais est-ce vraiment aux demandes de l'industrie qu'on devrait réagir, ou bien aux demandes des communautés? Vos fonds provenant principalement de Patrimoine canadien et non pas d'Industrie Canada, le message du gouvernement du Canada n'était pas l'industrie mais le patrimoine. Et le patrimoine, c'est la culture, les arts, l'éducation, les langues officielles.
J'ai aussi l'impression que votre système de pointage, c'est surtout pour ce que ça rapporte. Est-ce payant de produire ces choses-là?
Peut-être que c'est le mauvais ministère qui semble vous avoir donné les directives, d'après ce que je lis, mais moi, j'ai l'impression que c'est vraiment une question de culture et que c'est vraiment Patrimoine canadien qui devrait ou qui vous a donné le message.
On passe ensuite à la répartition linguistique et par titre d'émission. Par exemple, dans les documentaires dramatiques, les longs métrages et le reste, le ratio est de deux pour un, canadiens-français et canadiens-anglais. Mais lorsqu'on passe aux enfants, la répartition est de quatre pour un, quatre pour les anglophones et un pour les francophones. J'aurais toute une série de questions à poser. Je comprends mal pourquoi on donnerait quatre fois plus aux anglophones qu'aux francophones pour les programmes destinés aux enfants, étant donné qu'au moins le tiers des Canadiens sont de langue française et que si on compte les programmes d'immersion, je dirais que c'est 50-50.
Á (1130)
Alors, il y a un grand nombre de Canadiens d'un bout à l'autre du pays qui aimeraient avoir de la production en français, non seulement des francophones mais des francophiles, c'est-à-dire les anglophones qui désirent apprendre le français ou qui désirent que leurs enfants apprennent le français.
Alors, j'espère que le prochain rapport va s'améliorer, mais ça, je le vois comme un péché mortel. Je suis sûr que vous allez réagir...
Le président: Monsieur Bellemare, je dois vous interrompre. Pour que Mme Macdonald ou Mme Baillargeon ait deux minutes pour répondre, il faudrait que vous vous arrêtiez bientôt.
M. Eugène Bellemare: Je vais en passer parce que le président va me bousculer. En ce qui concerne la production des minorités linguistiques, le FCT contribue 20 millions de dollars aux anglophones et 8 millions de dollars aux francophones à l'extérieur du Québec. Je comprends mal. En lisant le rapport, tout de suite je commence à être négatif, à réagir et à vouloir vous bousculer, ce à quoi je ne devrais même pas penser.
En terminant, en ce qui a trait aux droits de diffusion, pour avoir accès aux fonds du FCT, tous les projets doivent obtenir une licence d'une chaîne canadienne de télévision payante ou spécialisée ou d'un autre télédiffuseur, que ce soit de la télévision conventionnelle publique ou privée ou encore de la télévision éducative. Ça, c'est donner un handicap à bien des producteurs en herbe, parce que si vous n'êtes pas de la partie, si vous n'êtes pas du club, si vous n'avez pas un parrain ou une marraine, «tough luck».
Avez-vous des réactions à mes réactions?
Mme Sandra Macdonald: Certainement. Comme je l'ai dit déjà, le fonds est en quelque sorte un mariage entre une entreprise publique ayant toute la gamme d'obligations liées aux fonds du Parlement, en l'occurence Téléfilm Canada, et une entreprise privée incorporée recevant la plupart de ses fonds des câblos. Le conseil d'administration de ce fonds a été désigné par le CRTC en 1994, et cela a été adopté par le Fonds canadien de télévision quand les deux parties ont été fusionnées.
C'est le CRTC qui a choisi d'assurer que les intervenants de l'industrie aient la capacité de nommer leurs représentants chaque année au conseil d'administration. C'est pour cette raison que cette année figurent les noms que vous voyez là. La semaine prochaine, il y aura un autre groupe de personnes provenant des mêmes secteurs de l'industrie: la production, la radiodiffusion, la câblodistribution, l'éducation, et ainsi de suite. En outre, cinq membres sont nommés par le ministre des Communications.
Je tiens à dire, d'abord, que le conseil d'administration a été créé par le CRTC. Ensuite, nous avons toujours accordé un tiers de nos fonds aux productions de langue française et deux tiers aux productions de langue anglaise. Ou, si vous lisez le document en profondeur, vous constaterez que le nombre d'heures de production achetées avec cet argent se situe plutôt autour de 80 p. 100 et 55 p. 100. En fait, c'est un atout pour la production française que d'être capable, en général, de réaliser une heure de production à un coût moindre que celui d'une heure de production de langue anglaise. Évidemment, le nombre d'heures est un élément très important pour nous, et nous essayons toujours de l'augmenter.
Pour ce qui est de la programmation pour les enfants, nous commençons avec un tiers et deux tiers; ensuite, nous accordons des fonds aux quatre genres de programmation qui reçoivent l'appui du fonds, soit les dramatiques, les émissions pour enfants, les variétés et les documentaires. Nous accordons à chacun un pourcentage des fonds disponibles; cela est lié aux demandes des trois premières années. Si nous avons plus de demandes pour la programmation pour enfants, ce genre sera plus élevé que tous les autres genres. Ces derniers varient selon qu'ils soient dans le marché anglophone ou francophone.
Á (1135)
Le président: Madame Macdonald, je dois vous interrompre, sinon nous allons manquer de temps. Tous les collègues doivent pouvoir poser leurs questions.
Monsieur Godin.
M. Yvon Godin: Merci, monsieur le président, et merci aux témoins qui comparaissent aujourd'hui.
D'abord, monsieur Wernick, j'aimerais vous dire que je vous ai trouvé gentil de dire que vous étiez toutes et tous d'accord. Cependant, encore une fois, il ne s'agit que de sympathie et je dois dire, malgré tout le respect que je vous dois, que cela ne nous mène nulle part. Même si vous venez nous dire que tout le monde est d'accord, il reste qu'on a un problème qui ne se règle jamais. La sympathie, en ce qui me concerne, est loin de mes pensées; c'est de l'action que j'aimerais voir de la part de Patrimoine canadien.
À la page 4 du document, on dit: «Des francophones en situation minoritaire—une voix dans la prise de décision.»
Ou, si on regarde la liste des membres de Radio-Canada et CBC, on constate que sur douze membres, il y a une personne du Nouveau-Brunswick, soit Clarence LeBreton. Est-ce à dire que personne d'autre au Canada n'est membre de Radio-Canada? Selon moi, le document devrait préciser qui, au Canada, est membre de la Société Radio-Canada. C'est l'objectif du document, cependant, il ne mentionne qu'une personne du Nouveau-Brunswick: Clarence LeBreton.
Une voix dans une prise de décision impliquant de nombreuses personnes ne va nulle part. C'est comme si dans une ville, les conseillers étaient tous regroupés dans le centre de la ville; ce serait alors le centre et non les rues aux extrémités de la ville qui en profiteraient.
À mon avis, c'est là que des changements devraient avoir lieu. Je m'en prends encore à Radio-Canada, mais il faut dire qu'on nous donne toutes les raisons de le faire, d'autant plus qu'il s'agit de l'argent des contribuables.
Pour ce qui est du CRTC, on indique dans le document 19 membres, dont une personne de l'Ontario. Si ce n'est pas exact, ça se résume à dire que le document ne nous donne pas vraiment l'heure juste. Pour ce qui est du Fonds canadien de télévision, on parle de 18 membres, dont une personne du Nouveau-Brunswick. Encore une fois, je me demande si le document reflète la réalité.
Vous disiez aussi, monsieur Wernick, que le gouvernement ne devrait pas faire de l'ingérence. Je vais utiliser un exemple qui, dans un sens, va nous éloigner du sujet, mais ce n'est que pour les besoins de la cause.
La caisse de l'assurance-emploi est financée strictement par les employeurs et les employés; le gouvernement n'y contribue pas. Pourtant, il s'est ingéré dans cette caisse. C'est maintenant le gouvernement qui décide du montant des cotisations à l'assurance-emploi; il a même retiré ce pouvoir à la Commission de l'Assurance-emploi.
Quand l'argent est en cause, il n'a pas peur de s'ingérer. Ainsi, il s'est approprié 43 milliards de dollars fournis par ceux et celles qui ont cotisé au programme, et vous, sous-ministre de Patrimoine canadien, dites que le gouvernement ne devrait pas s'ingérer...
Á (1140)
Le président: Monsieur Godin.
M. Yvon Godin: ...dans un programme que le gouvernement a la responsabilité de rendre accessible à tous les Canadiens et Canadiennes!
Je n'irai pas dans le détail de ce que j'ai dit à l'autre groupe qui était ici plus tôt, mais j'aimerais connaître vos réactions. Vous dites que le gouvernement ne devrait pas faire de l'ingérence; or, il s'ingère dans tout ce qu'il y a au Canada, quand ça l'arrange. On parle ici de défendre la langue française au Canada, d'offrir des services aux Canadiens et aux Canadiennes et de leur donner la chance de s'exprimer par l'entremise de la télévision, entre autres.
Malgré toute la sympathie que vous exprimez—et que j'apprécie—, vous dites néanmoins que le gouvernement ne devrait pas s'ingérer. En fait, ne pensez-vous pas que le gouvernement, dans ce cas-ci, devrait s'en mêler, d'autant plus que ce sont les contribuables canadiens qui paient?
M. Michael Wernick: Vous m'avez mal cité; je n'ai pas dit qu'on ne pouvait pas ou qu'on ne devait pas s'ingérer. Il s'agit de décider, dans le cadre d'un partenariat entre les secteurs public et privé, jusqu'à quel niveau de détail on s'ingère. Je peux vous transmettre aujourd'hui l'entente de contribution. Le comité peut faire des recommandations sur la façon de la bonifier.
Le président: Monsieur Wernick, vous avez fait cette suggestion à deux reprises, alors s'il vous plaît, faites-nous parvenir dans les meilleurs délais une copie de l'entente de contribution, pour qu'on la distribue à tous les membres du comité.
M. Michael Wernick: Je vous propose trois options sur lesquelles vous pourrez réfléchir et poser des questions à d'autres témoins par la suite.
La première serait de prendre un certain montant du Fonds canadien de télévision et de créer avec cet argent un fonds spécial géré par Téléfilm Canada. On choisirait un chiffre, 10, 12, 15 ou 20 millions de dollars, on le soustrairait des sommes données au FTC et on créerait un fonds spécial pour la production en situation minoritaire. Ce serait une option, mais elle aurait des conséquences.
La deuxième serait de bonifier ou d'améliorer la façon dont le FTC fonctionne. Mme Chevrier a cité l'option la plus connue: la création d'une réserve au sein du Fonds canadien de télévision, dont le tiers serait alloué à la production francophone et dont on réserverait 15 p. 100 pour les producteurs en situation minoritaire. Ce serait une option valable.
La troisième serait de suivre les règles habituelles et de garantir que, si les résultats sont inférieurs à un certain seuil, il y ait un montant minimum dans l'allocation de réserve. Nous pouvons aussi adopter des mesures d'incitation et offrir des primes plus substantielles.
Ce sont plus ou moins les options possibles. Si vous avez d'autres recommandations, nous pouvons passer à l'action.
La diapositive no 4 nous permettait de constater qu'il y a un certain niveau de représentativité dans les décisions des agences importantes du domaine audiovisuel. Si le comité pense que ce n'est pas suffisant et recommande au gouvernement de nommer plus de gens, c'est son droit. Le gouverneur en conseil nomme ces représentants. Il faut malgré tout constater qu'il y a déjà certaines lois.
Á (1145)
Le président: Merci.
Monsieur Godin, c'est à vous.
M. Yvon Godin: Le Fonds canadien de télévision compte 18 membres dont un seul vient du Nouveau-Brunswick. De quel endroit viennent les 17 autres?
M. Michael Wernick: Ils ne sont pas nommés par le ministère ni par la ministre. Ils sont nommés par les associations qui sont partenaires au sein du Fonds canadien de télévision. L'Association canadienne des radiodiffuseurs, l'ACR, en nomme quatre. Ils choisissent quatre délégués parmi leurs membres. L'Association des producteurs de films et de télévision du Québec choisit une personne. L'Association canadienne de production de film et télévision en nomme deux. La ministre nomme 5 personnes sur 18. Une de ces personnes doit représenter le ministère—en l'occurrence, moi-même, au cours des dernières années—, une autre représente Téléfilm Canada—M. Charles Bélanger—et les trois autres personnes sont des cadres qui sont nommés par la ministre. Il faut dire que la ministre a décidé depuis trois ou quatre ans de réserver un de ces trois postes de cadres à un représentant de l'Association des producteurs francophones du Canada.
M. Yvon Godin: Je vais revenir à ma question parce que vous n'y avez pas répondu.
Le Fonds canadien de télévision comprend 18 membres, qu'ils soient nommés par la ministre ou non, mais un seul vient du Nouveau-Brunswick. De quel endroit viennent les 17 autres? Viennent-ils de Montréal, de Québec...?
M. Michael Wernick: Cela change à chaque année, selon les nominations. Il y a parfois un diffuseur de Vancouver, de Montréal ou de la Saskatchewan. Cette année, le représentant pour la télévision éducative vient de l'Alberta, je pense.
Mme Sandra MacDonald: Non, de la Saskatchewan.
M. Michael Wernick: Cela change à chaque cycle.
Le président: Votre question doit être très courte, monsieur Godin.
M. Yvon Godin: Comment peut-on expliquer que les productions anglophones au Québec reçoivent 17 millions de dollars, alors que cette population est de moins d'un million de personnes, et que les francophones hors Québec reçoivent 10,7 millions de dollars, alors qu'ils sont plus d'un million de personnes à travers un grand pays comme le Canada?
M. Michael Wernick: Il ne s'agit pas d'une enveloppe ou d'une réserve et ce n'est pas un montant prédéterminé non plus. Il s'agit simplement du résultat du fait que les producteurs anglophones en situation minoritaire peuvent vendre leurs produits à beaucoup plus de compagnies.
Le président: Madame Macdonald, vous avez la parole.
Mme Sandra Macdonald: Beaucoup de productions en anglais du Québec sont faites par des compagnies de langue française qui produisent en anglais et en français. Il y a plusieurs compagnies de langue française qui font des productions en anglais.
Le président: Mesdames et messieurs, nous devrons ajourner à 12 h 10 parce qu'il y a un vote à la Chambre des communes. Il s'agit d'un vote de nature procédurale et nous entendons les cloches présentement.
Madame Thibeault, vous avez la parole.
Mme Yolande Thibeault: Merci, monsieur le président.
Monsieur Wernick, on a parlé beaucoup de ces ententes intervenues entre votre ministère et, par exemple, Téléfilm Canada ou le Fonds canadien de télévision. J'aimerais que vous me rassuriez: y a-t-il une clause dans ces ententes qui prévoit qu'elles sont assujetties à la Loi sur les langues officielles? Est-ce écrit clairement dans l'entente?
M. Michael Wernick: Ces ententes contiennent des clauses sur la dualité linguistique, sur des objectifs et des obligations, mais je pense—et je peux vérifier—qu'il n'y a pas de référence directe à la Loi sur les langues officielles. Il s'agit d'une des lois d'encadrement qui régissent toutes nos actions.
Mme Yolande Thibeault: Je comprends ce que vous me dites, mais, comme on le fait de plus en plus dans les lois qui sont présentées à la Chambre des communes, j'aimerais voir une clause qui dit spécifiquement que cet organisme est assujetti à la Loi sur les langues officielles.
M. Michael Wernick: Téléfilm Canada y est clairement assujettie.
Mme Yolande Thibeault: Mais ce n'est pas suffisant.
M. Michael Wernick: La question est si le Fonds peut imposer cette obligation à une tierce partie.
Mme Yolande Thibeault: D'accord.
M. Michael Wernick: Monsieur Bélanger, j'aimerais préciser une chose.
Je ne veux pas que M. Bellemare quitte avec l'impression que les membres du conseil d'administration gèrent le Fonds canadien de télévision de façon à favoriser leurs propres entreprises.
Le conseil d'administration n'a qu'une seule fonction, celle d'établir les règles d'allocation. Il y a une discussion à chaque automne où on décide des règles. On ne discute jamais de productions spécifiques. On décide des primes, des réserves, des allocations, on fixe les règles du jeu, on les publie sur Internet, et le système de diffusion se charge du reste. Il y a un code de déontologie très clair. Les responsabilités légales de ces directeurs sont claires aussi au niveau des sociétés d'affaires du Canada. On ne discute jamais de productions spécifiques.
Á (1150)
Le président: Madame Baillargeon, vous avez la parole.
Mme Louise Baillargeon (vice-présidente, Fonds canadien de télévision): Je voulais tout simplement réagir à la question de Mme Thibeault.
Le Fonds canadien de télévision est une corporation privée et n'est donc pas nécessairement assujetti à la loi. Nous avons néanmoins choisi d'appliquer l'esprit de la loi. N'importe qui peut s'adresser à nous dans l'une des deux langues officielles du pays; il y aura toujours quelqu'un pour lui parler en français ou en anglais. Il y a traduction simultanée lors de l'ensemble des réunions du conseil d'administration, comme au gouvernement. Plus de 50 p. 100 du personnel est d'origine francophone. Ils ne sont pas nécessairement toujours francophones, car ils vivent en Ontario ou ailleurs. Nous faisons de notre mieux et nous publions l'ensemble de nos documents publics dans les deux langues.
Mme Yolande Thibeault: Merci.
Le président: Merci.
Cela vous convient-il, madame Thibeault?
Monsieur Simard, vous avez la parole.
M. Raymond Simard: Merci, monsieur le président.
J'aimerais poser plusieurs questions. Je vous demanderais donc de répondre aussi succinctement que possible.
Je voudrais commencer par M. Wernick.
Je suis heureux de voir que vous partagez le point de vue de Mme Chevrier et que vous êtes prêt à chercher des pistes de solution. Je pense que c'est très important, au départ. Vous reconnaissez, bien sûr, les iniquités du projet.
Vous avez aussi parlé d'ingérence. Je considère qu'il s'agit plutôt de bonne gestion. Quand on investit 100 millions de dollars dans un fonds, je pense qu'il faut faire un suivi. Reconnaître qu'il y a des problèmes est de la bonne gestion et non pas de l'ingérence.
Je voudrais savoir si vous avez déjà communiqué avec Mme Macdonald et son groupe pour tenter de trouver des pistes de solution, sans attendre les recommandations des comités.
M. Michael Wernick: La situation décrite par Mme Chevrier se situe dans le contexte général de ce qui s'est passé ce printemps. Beaucoup de gens sont mécontents des résultats. Comme l'a précisé Mme Macdonald, il y avait moins d'argent et plus de rejets. Ainsi, des pressions sont exercées sur le conseil d'administration pour que ce dernier, comme il le fait chaque année, fasse un genre de «post-mortem» des événements en vue de corriger et bonifier les règles d'ici le mois de novembre. Le conseil va changer; la semaine prochaine, il y aura un nouveau groupe de directeurs qui va passer tout de suite à l'analyse de ce qui s'est passé. On déterminera alors comment améliorer les règles du jeu. Merci.
M. Raymond Simard: Madame Macdonald, vous avez dit plus tôt que vos fonds avaient été réduits. Nous sympathisons tous avec vous. Néanmoins, nous parlons aujourd'hui de proportions et de juste part pour les régions.
Étant donné qu'il est question du respect des proportions, seriez-vous d'accord, étant donné que les producteurs en région représentent, nous dit-on, 15 p. 100 du nombre total, qu'on réserve obligatoirement un minimum de 15 p. 100 des fonds au financement de ces gens-là?
Mme Sandra Macdonald: Ce n'est certainement pas à moi de décider une telle chose; cela revient au conseil. Nous avons déjà un fonds linguistique minoritaire, si on peut dire. Il est destiné aux autochtones et administré par Téléfilm Canada. Il a été créé pour répondre aux besoins d'une population assez petite répartie partout à travers le pays pour qui il est difficile d'être concurrentiel à l'intérieur du système. C'est un élément spécifique de l'entente avec le ministère du Patrimoine.
M. Raymond Simard: Vous avez aussi parlé, Madame Macdonald, d'un système de bonis. Si je comprends bien, ils s'appliquent seulement une fois que le projet est accepté?
Mme Sandra Macdonald: Oui.
M. Raymond Simard: Alors il faut passer la première étape et être accepté pour bénéficier des bonis.
Mme Sandra Macdonald: Je voudrais d'abord préciser que pour nous, la première étape est le niveau d'admissibilité. En fait, nous ne rejetons presque jamais les projets des producteurs hors Québec. Lorsque nous le faisons, il s'agit généralement d'une production qui n'est pas d'un genre qu'on appuie financièrement. Par exemple, de temps en temps, on reçoit une demande pour la production d'un documentaire qui, à notre avis, correspond, en termes de style, aux nouvelles.
Il y a aussi le programme de licence. Il faut dans ce cas vérifier les chiffres concernant la licence de radiodiffuseur et ceux ayant trait à la priorité. Enfin, je tiens à préciser que ce sont toutes de petites compagnies et qu'au début, elles reçoivent un boni à cet effet.
Á (1155)
M. Raymond Simard: Vous dites apparemment dans vos rapports annuels que vous n'êtes un agent ni de Patrimoine Canadien ni de Sa Majesté la reine.
Ou, je voudrais savoir à qui vous rendez des comptes: à ceux qui vous financent ou aux gens que vous représentez?
Par exemple, à qui se plaignent les gens des régions qui sont inquiets de la façon dont c'est géré?
Ils sont ici aujourd'hui, mais je ne suis pas sûr qu'on suive le bon processus.
Mme Sandra Macdonald: Nous répondons à plusieurs maîtres.
Nous avons notre conseil d'administration qui, comme je l'ai dit, est formé par le CRTC, pour ce qui est de la partie privée. On a ajouté quelques personnes, mais il reste qu'en général, il s'agit ici de l'administration des fonds de câblos.
La plupart des fonds du gouvernement sont du ressort de Téléfilm Canada, étant donné que cet organisme relève du Parlement. Il a son propre conseil d'administration, qui est nommé par le gouverneur en conseil.
Nous avions aussi, par le passé, un fonds de 100 millions de dollars. Il s'agit cette année de 75 millions de dollars, et cette somme est partagée. Par exemple, 15 millions de dollars sont réservés aux longs métrages. La totalité de cette somme va à Téléfilm Canada. Un montant de deux millions de dollars, également par l'entremise de Téléfilm Canada, est réservé aux productions en langue autochtone. Nous partageons le reste selon nos besoins. Cette année, nous n'avons accordé que 8,4 millions sur les 75 millions de dollars aux programmes de droits de diffusion.
Le président: Une dernière question.
M. Raymond Simard: M. Wernick a peut-être déjà répondu à la question. Je voulais savoir qui, en principe, établissait et évaluait les critères d'approbation. Si j'ai bien compris, c'est le conseil d'administration.
Les témoins ont dit plus tôt qu'on avait établi un minimum de 1,5 million de téléspectateurs pour certains choses. Est-ce le conseil d'administration qui a imposé cela? Le cas échéant, il me semble que c'est une mesure plutôt insensible envers les petits producteurs.
Enfin, comment évaluez-vous ces choses? Est-ce que vous prenez en considération, par exemple, le fait qu'en région, les producteurs sont souvent moins bien équipés?
Mme Sandra Macdonald: D'abord, il faut dire qu'il y a des petits producteurs partout au pays et qu'ils ont tous accès à plusieurs autres sources de financement.
Quand j'étais commissaire de l'ONF, nous avions, par exemple, un studio à Moncton; nous y avons réalisé plusieurs projets. Ou, il n'était pas nécessaire d'avoir un radiodiffuseur pour faire un projet avec l'ONF.
En outre, toutes les provinces ont à l'heure actuelle leur propre programme d'appui destinés aux producteurs de leur province. Il n'est pas nécessaire d'avoir une licence de radiodiffuseur pour avoir accès au crédit d'impôt.
Depuis 1983, en vertu de la politique en matière de radiodiffusion du gouvernement fédéral, le fonds de production pour la télévision doit être axé sur l'accessibilité pour l'auditoire et non sur l'appui aux producteurs. C'est l'auditoire qui est primordial. En fait, on doit se demander en quoi l'octroi de ces fonds peut être profitable pour le citoyen si personne ne voit la production.
Pour cette raison, lorsque le fonds de radiodiffusion a été crée à Téléfilm Canada, ce critère est devenu un facteur clé, et il l'est resté pendant toutes ces années. À notre avis, cela nous permet d'assumer une forme d'imputabilité envers les citoyens.
 (1200)
Le président: Merci.
Monsieur Castonguay.
M. Jeannot Castonguay: Je veux d'abord remercier nos invités. Nous pourrions sûrement passer plusieurs jours à tenter de comprendre la complexité de cette structure. Vous êtes des experts et nous ne le sommes pas. Il reste que nous avons à coeur ce qui touche les francophones du pays.
En ce qui concerne la distribution des fonds, si j'ai bien compris, deux tiers vont aux anglophones et un tiers est réservé aux francophones. La proportion de francophones à l'extérieur du Québec est d'environ 15 p. 100. Or, ne croyez-vous pas que tenir compte de ce pourcentage serait une façon très simple, très rapide et très efficace d'arriver à une distribution qui reconnaîtrait nos minorités francophones?
Ma crainte à cet égard est que si on ne pose pas un geste concret et précis pour donner à ces francophones une chance de survivre, ils risquent de tranquillement disparaître, étant donné qu'ils sont en minorité, que les décisions se prennent autour de la table par la majorité et que, par définition, ils ont moins de chance de rester au soleil.
Enfin, au point de vue pratique, ne croyez-vous pas que ce serait la façon la plus simple, la plus rapide et la plus efficace de les reconnaître et de les aider à prendre leur place au soleil?
M. Michael Wernick: Cela fait partie de la solution. Clairement, si on crée une réserve ou une garantie, il y aura un effet. Il y a de l'argent disponible et les gens vont le chercher. L'autre facteur qui est absolument fondamental, c'est le comportement des radiodiffuseurs. S'ils ne sont pas très intéressés à commander des programmes, on peut offrir toutes sortes de subventions et ne pas avoir le même effet. Je sais que vous allez parler à Radio-Canada au sujet de son comportement. Je vous recommande aussi de parler aux télédiffuseurs privés. Il y a aussi TVA et d'autres diffuseurs. C'est la demande de ces diffuseurs qui est le facteur déterminant dans les résultats.
M. Jeannot Castonguay: Je peux comprendre cela, monsieur le président, mais par contre, si on ne fait pas connaître notre produit, c'est très difficile pour les diffuseurs de le demander. Le plus bel exemple, c'est ce qu'on a vécu dernièrement avec Wilfred, le petit gars du Nouveau-Brunswick. Si on ne l'avait pas fait connaître, il n'aurait jamais percé, parce qu'il est en minorité. Alors, la poule vient de l'oeuf et l'oeuf vient de la poule.
M. Michael Wernick: Si on veut une solution permanente, il faut avoir un mariage entre les mesures de l'offre et celles de la demande. C'est là où on verra le plus rapidement les résultats.
Le président: Merci. Permettez-moi aussi de poser quelques questions.
[Traduction]
Mme Macdonald et M. Wernick, je signale à titre d'information que je fais partie de ceux qui sont intervenus à la Chambre avant le vote sur le budget pour demander le rétablissement des 25 millions de dollars, et j'espère que ce montant sera rétabli, sinon cette année, mais du moins l'année prochaine. C'est mon souhait personnel et j'aimerais que la situation évolue ainsi.
J'aimerais vous interroger sur les 40 millions de dollars de réserve qui ont été dépensés. Ont-ils été intégralement dépensés l'année dernière?
Mme Sandra Macdonald: Oui.
Le président: Pourquoi est-ce qu'on a dépensé intégralement ces 40 millions de dollars l'année dernière? Les réserves sont-elles épuisées?
Mme Sandra Macdonald: Oui. C'est notamment parce que nous avons eu l'année dernière une situation plus ou moins semblable à celle de cette année. La demande a été très forte et pour éviter un taux de rejet trop élevé, on s'est servi des réserves pour financer un plus grand nombre de projets.
Le président: En épuisant toutes les réserves l'année dernière, vous n'avez fait qu'aggraver le problème cette année.
Mme Sandra Macdonald: Effectivement.
Le président: Monsieur Wernick, vous faites partie du groupe qui a révisé les critères pour cette année, n'est-ce pas? Les critères ont été quelque peu modifiés pour l'exercice financier en cours.
M. Michael Wernick: Oui.
Le président: Est-ce que vous ou Mme Macdonald pourriez envoyer au greffier du comité un document indiquant les critères avant et après le changement? Il semble, d'après l'évolution évoquée ce matin par Mme Chevrier, que les montants attribués, qui ont progressé pendant un certain temps, sont maintenant en diminution, même en pourcentage. J'y reviendrai tout à l'heure.
Lorsque le conseil a révisé les critères, a-t-il consulté les milieux concernés quant aux effets éventuels des changements?
M. Michael Wernick: En résumé, ce qui a changé, c'est qu'auparavant, une partie des points attribués correspondait à ce qu'on appelait les éléments visiblement canadiens, que ce soit le scénario, le cadre ou certains aspects de la production qui présentaient un caractère nettement plus créatif. Ces critères étaient très contestés. Certains ont demandé à les faire supprimer parce qu'ils étaient trop subjectifs et qu'ils avaient une incidence sur les choix de programmation. Ce sont les télédiffuseurs qui ont demandé des critères plus objectifs. Et lorsqu'ils ont présenté une proposition au fonds, nous avons envisagé différents modèles et nous avons retenu celui qui a reçu l'aval des associations de producteurs du Québec et de l'Association canadienne de production.
À l'époque, Mme Chevrier a dit craindre que le changement n'ait des conséquences négatives pour la production minoritaire, et elle avait raison. Le reste du conseil, soit les 17 autres membres, ont jugé que c'était une façon raisonnable d'éliminer les liens de dépendance et de mieux préciser la relation entre le fonds et les producteurs au cours d'une année qui s'annonçait comme difficile. Il fallait que les projets retenus soient ceux qui tenaient le plus à coeur aux télédiffuseurs. Ce sont eux qui sont les mieux placés pour désigner les projets susceptibles d'attirer les meilleures cotes d'écoute et les budgets publicitaires.
C'est pourquoi nous avons augmenté le poids des télédiffuseurs dans le profil de sélection. C'est indiscutable, nous l'avons fait consciemment.
Nous avons essentiellement consulté les membres du conseil. Lorsque tous les milieux sont représentés, ils font leurs devoirs avant d'arriver aux réunions du conseil et de prendre des décisions. Les deux délégués de l'Association canadienne de production de film et de télévision procèdent à une ronde complète de consultation auprès de nombreux adhérents, et les autres en font autant. Je peux donc dire que le processus est ouvert et transparent, mais aussi qu'il s'est fait énormément de travail entre septembre et novembre, avant que les décisions ne soient prises.
 (1205)
Le président: Il y a donc eu des consultations à l'interne, mais pas à l'extérieur.
Madame Macdonald vous avez dit dans votre exposé que le taux de rejets est le même pour les communautés minoritaires que pour les autres. C'est sans doute le cas, mais le taux de financement, comme l'a dit M. Simard, a été l'année dernière de 10,5 p. 100 pour la population francophone et, je crois, de 12 p. 100 pour les populations anglophones minoritaires. En pourcentage, ça représente une baisse d'au moins 25 p. 100, et pour cette année, la population francophone va subir des conséquences disproportionnées; je n'ai pas les chiffres pour la minorité anglophone. Pour les francophones, la différence est beaucoup plus grande, d'au moins 25 p. 100.
Mme Sandra Macdonald: Ce que je peux dire tout d'abord, c'est que notre financement a diminué de 25 p. 100—
Le président: Non, les proportions ne sont pas respectées. Je sais que vous avez subi une diminution de 25 millions en plus des 40 millions qui ont été dépensés l'année dernière. Tout le monde s'en ressent. Vous l'avez dit et c'est indiscutable. Mais en plus, les francophones subissent une diminution supplémentaire de 25 p. 100 puisqu'en proportion, par rapport à l'année précédente, ils ont obtenu un financement de 10,5 p. 100, et on prévoit qu'ils vont maintenant obtenir 7,5 p. 100.
Mme Sandra Macdonald: Je voudrais dire deux choses.
Tout d'abord, vous avez vu dans le tableau de M. Wernick qu'il y a eu une forte augmentation pendant deux ans après le creux. Cette année, on redescend à un niveau plus semblable à ce qu'il était il y a trois ans. Si nous avions conservé les 25 millions de dollars, comme nous connaissions les projets alors que les membres du conseil ne les connaissaient pas, on aurait constaté une proportion beaucoup plus semblable à celle de l'année dernière pour ce groupe.
Le président: Voici maintenant des questions que je vous soumets à titre d'information, car je vais devoir m'absenter. Tout d'abord, pourriez-vous faire parvenir au greffier du comité des renseignements sur les Autochtones, indiquant le financement, les mécanismes, les pourcentages, les chiffres, etc., sur une période de quatre ou cinq ans? Deuxièmement, pouvez-vous nous dire si les réseaux privés, TVA et Astral, ont fait figurer les productions de langue française minoritaire ou de langue anglaise minoritaire dans leur priorité pour le programme de financement de cette année?
Merci beaucoup. Vous m'excuserez de précipiter le mouvement, mais nous devons ajourner la séance pour aller voter à la Chambre.
Nous nous reverrons demain à 15 h 30.