LANG Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent des langues officielles
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le lundi 9 décembre 2002
¹ | 1545 |
Le président (M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.)) |
Mme Dyane Adam (commissaire aux langues officielles, Commissariat aux langues officielles) |
¹ | 1550 |
¹ | 1555 |
º | 1600 |
º | 1605 |
º | 1610 |
Le président |
M. Scott Reid (Lanark—Carleton, Alliance canadienne) |
Mme Dyane Adam |
º | 1615 |
M. Scott Reid |
Mme Dyane Adam |
M. Scott Reid |
Mme Dyane Adam |
M. Scott Reid |
Mme Dyane Adam |
º | 1620 |
Le président |
M. Eugène Bellemare (Ottawa—Orléans, Lib.) |
º | 1625 |
Mme Dyane Adam |
º | 1630 |
Le président |
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ) |
º | 1635 |
Mme Dyane Adam |
Le président |
Mme Christiane Gagnon |
º | 1640 |
Le président |
Mme Christiane Gagnon |
Le président |
M. Raymond Simard (Saint-Boniface, Lib.) |
Mme Dyane Adam |
M. Raymond Simard |
Mme Dyane Adam |
º | 1645 |
M. Raymond Simard |
Mme Dyane Adam |
M. Raymond Simard |
Mme Dyane Adam |
M. Michel Robichaud (directeur général des Enquêtes, Commissariat aux langues officielles) |
M. Raymond Simard |
Mme Dyane Adam |
º | 1650 |
Le président |
M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD) |
Mme Dyane Adam |
M. Yvon Godin |
Mme Dyane Adam |
M. Yvon Godin |
Mme Dyane Adam |
M. Yvon Godin |
Mme Dyane Adam |
M. Yvon Godin |
Mme Dyane Adam |
M. Yvon Godin |
Mme Dyane Adam |
M. Yvon Godin |
Mme Dyane Adam |
M. Yvon Godin |
Mme Dyane Adam |
Le président |
M. Yvon Godin |
Mme Dyane Adam |
º | 1655 |
M. Yvon Godin |
Mme Dyane Adam |
Le président |
M. Yvon Godin |
Le président |
M. Gérard Binet (Frontenac—Mégantic, Lib.) |
» | 1700 |
Mme Dyane Adam |
M. Gérard Binet |
Mme Dyane Adam |
M. Gérard Binet |
Mme Dyane Adam |
M. Gérard Binet |
Mme Dyane Adam |
M. Gérard Binet |
Mme Dyane Adam |
» | 1705 |
Le président |
» | 1710 |
Mme Dyane Adam |
Le président |
Mme Dyane Adam |
Le président |
» | 1715 |
Mme Dyane Adam |
Le président |
Mme Dyane Adam |
Le président |
Mme Dyane Adam |
Le président |
Mme Dyane Adam |
Le président |
Mme Dyane Adam |
Le président |
M. Yvon Godin |
Mme Dyane Adam |
M. Yvon Godin |
Mme Dyane Adam |
M. Yvon Godin |
Mme Dyane Adam |
M. Yvon Godin |
Mme Dyane Adam |
» | 1720 |
M. Yvon Godin |
Mme Dyane Adam |
Le président |
M. Eugène Bellemare |
Mme Dyane Adam |
M. Michel Robichaud |
M. Eugène Bellemare |
Mme Dyane Adam |
M. Eugène Bellemare |
Mme Dyane Adam |
» | 1725 |
M. Eugène Bellemare |
Mme Dyane Adam |
M. Eugène Bellemare |
Mme Dyane Adam |
M. Eugène Bellemare |
Mme Dyane Adam |
M. Eugène Bellemare |
Mme Dyane Adam |
Le président |
M. Raymond Simard |
Mme Dyane Adam |
Le président |
Mme Dyane Adam |
Le président |
Mme Dyane Adam |
Le président |
CANADA
Comité permanent des langues officielles |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le lundi 9 décembre 2002
[Enregistrement électronique]
¹ (1545)
[Français]
Le président (M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.)): Bonjour, madame Adam. Nous vivons aujourd'hui une situation intéressante du fait que certains de nos membres ne sont pas ici; cela laisse à penser qu'il y a des élections partielles quelque part. Nous sommes néanmoins suffisamment nombreux pour pouvoir entendre des témoins, le quorum pour entendre les témoins étant de 4. Le quorum proposé pour le comité est maintenant de 9, alors qu'il était de 7 du temps où nous étions 25. Sur un total de 16, cela donne un quorum de 9. C'est intéressant, la vie. Enfin, c'est notre problème et non le vôtre.
Soyez la bienvenue. Nous vous avons demandé de venir nous entretenir de votre troisième rapport annuel et de répondre à nos questions concernant ce dernier. Vous pouvez nous faire une présentation et présenter les gens qui sont avec vous; nous procéderons de la façon habituelle, soit une alternance de questions et réponses et ce, jusqu'à ce que le temps réglementaire soit écoulé ou qu'il n'y ait plus de questions. Madame Adam, à vous la parole.
Mme Dyane Adam (commissaire aux langues officielles, Commissariat aux langues officielles): Merci de l'invitation. Je suis heureuse de vous rencontrer enfin, bien que nous soyons déjà presque rendus à l'ajournement de Noël. Mais mieux vaut tard que jamais, n'est-ce pas?
Je voudrais d'abord vous présenter mes quatre collègues ici présents. Ce sont M. Guy Renaud, directeur général des politiques, communications et bureaux régionaux; M. Gérard Finn, conseiller politique; Mme Johane Tremblay, directrice des services juridiques; et M. Michel Robichaud, directeur des enquêtes.
Aujourd'hui, j'aimerais vous donner l'occasion de prendre connaissance de mes dossiers prioritaires; je traiterai donc brièvement des questions qui me préoccupent, soit, entre autres, le leadership tant politique qu'administratif--c'est pour moi un thème récurrent --, l'actualisation des droits linguistiques, l'utilisation des deux langues officielles au sein de l'appareil fédéral, mon rôle de vigie, qui m'a amenée à intervenir dans les dossiers de l'immigration, de la santé, de l'accès à la justice dans les deux langues officielles, et enfin, la fonction de vérification. Je vais profiter de cette occasion pour explorer des pistes d'action avec vous.
Dans mon dernier rapport annuel, j'ai de nouveau établi des diagnostics, mais j'ai également répondu publiquement à une demande du premier ministre, qui m'avait invitée à proposer des mesures concrètes. J'ai donc émis sept recommandations en plus de souligner les progrès accomplis et les bons coups, notamment l'octroi par le commissariat du Prix Léon du Leadership.
[Traduction]
En ce qui concerne le leadership tant politique qu'administratif, nous avons constaté quelques signes concrets d'un leadership engagé et concerté. L'engagement formel du gouvernement, renouvelé dans le dernier discours du Trône, devrait nous inciter à conserver un certain optimisme si l'action suit effectivement la parole. Il se lit ainsi:
La dualité linguistique est au coeur de notre identité collective. Le gouvernement verra à l'application d'un plan d'action sur les langues officielles mettant l'accent sur l'enseignement dans la langue de la minorité et l'enseignement de la langue seconde avec pour objectif entre autres de doubler d'ici dix ans le nombre de diplômés des écoles secondaires ayant une connaissance fonctionnelle du français et de l'anglais. Il appuiera le développement des communautés minoritaires d'expression française et anglaise et rendra plus accessibles les services dans leur langue dans les domaines tels que la santé. Il renforcera l'utilisation de nos deux langues officielles dans la fonction publique fédérale, autant au travail que dans les communications avec les Canadiens. |
¹ (1550)
[Français]
Au niveau de l'actualisation des droits linguistiques et par rapport à l'engagement du gouvernement touchant le redressement ou sa relance au niveau des langues officielles, il manque toujours, bien sûr, la pièce maîtresse qui est le plan d'action du ministre Dion. Je n'ai pas besoin de vous dire que je trouve qu'il y a urgence et qu'on attend très impatiemment ce plan.
Les pertes d'acquis, l'intégration des langues officielles aux opérations du gouvernement et la mise en oeuvre de nos recommandations requièrent des actions innovatrices ainsi qu'un engagement ferme et soutenu à tous les échelons de l'appareil gouvernemental.
L'actualisation des droits linguistiques dépend de la répartition des ressources. J'espère que l'ensemble du Conseil des ministres en fait une priorité. C'est pourquoi j'ai demandé au gouvernement de ne pas se limiter à des réformettes sporadiques sans cohésion ni finalité.
Une fois de plus, je l'exhorte à se doter d'une vision d'ensemble assortie d'objectifs comportant des échéances et des mécanismes d'évaluation de résultats. Ce sont là des conditions essentielles pour assurer le succès de la mise en oeuvre du plan d'action.
Les investissements en langues officielles ont stagné et même diminué depuis 1990. Et on a coupé de plus de la moitié le nombre de personnes responsables du bilinguisme dans l'administration fédérale. Il faut maintenant redresser cette situation.
J'ai donc recommandé au gouvernement d'allouer les ressources adéquates, tant humaines que financières, pour que le Secrétariat du Conseil du Trésor puisse assumer pleinement son rôle de surveillance et d'évaluation des organismes assujettis à la Loi sur les langues officielles. Il doit jouer ses rôles de formateur, de sensibilisateur et de vérificateur linguistique. Et bien sûr, je continue à déplorer une lenteur certaine. C'est pourquoi j'insiste sur l'action mais surtout l'action diligente.
Il faut également assurer l'intégration et la continuité dans le domaine des droits linguistiques. En formant le Groupe de référence ministériel sur les langues officielles, présidé par le ministre Dion, le gouvernement s'est doté d'une capacité d'agir horizontale et bien structurée. J'ai donc recommandé au premier ministre que ce groupe obtienne un statut de comité permanent afin de stimuler le leadership continu au plus haut niveau de l'administration publique et d'appuyer la mise en oeuvre du plan d'action du gouvernement.
Revenons aux bons coups de l'année. Dans le rapport annuel de cette année, on accordait, comme je le disais tout à l'heure, pour la première fois, un prix du leadership. Notre meneur en matière de leadership administratif est sans contredit M. Ivan Fellegi, le statisticien en chef du Canada, qui a reçu ce premier prix. Son institution s'est distinguée par l'excellence des services bilingues offerts au public, par un milieu de travail propice à l'utilisation des deux langues officielles et, plus généralement, par la gestion de son programme linguistique. Bien sûr, il nous faudrait beaucoup plus d'exemples de ce genre dans le reste de l'appareil bureaucratique.
[Traduction]
Les dernières études sur l'utilisation des deux langues officielles au sein de la fonction publique fédérale démontrent clairement qu'il y a énormément à faire dans ce domaine. La langue de travail est un dossier prioritaire, car je crois que la fonction publique doit incarner une culture vivante de la dualité linguistique. L'étude du Conseil du Trésor intitulée «Attitudes face à l'utilisation des deux langues officielles dans la fonction publique du Canada» révèle que les fonctionnaires appuient les principes fondamentaux des politiques linguistiques.
Cette étude confirme aussi l'appui des employés de l'État envers le programme: 92 p. 100 des fonctionnaires croient qu'il est important pour eux de servir le public dans les deux langues officielles et 86 p. 100 d'entre eux seraient prêts à faire des efforts pour encourager le bilinguisme en milieu de travail. En moyenne, les anglophones bilingues qui travaillent dans un milieu bilingue passent 14 p. 100 de leur temps à parler français. Les francophones bilingues dans un milieu bilingue consacrent pour leur part 43 p. 100 de leur temps à parler anglais.
L'étude révèle qu'il y a encore beaucoup de confusion ou d'ignorance quant à la façon dont ces principes peuvent être concrétisés dans le quotidien. La présidente du Conseil du Trésor, Mme Robillard, qui a abondé dans le même sens, a adopté une approche proactive à cet égard. Je lui avais d'ailleurs proposé des pistes d'action pour redresser la situation actuelle, et Mme Robillard a retenu la plupart d'entre elles.
L'une de ces pistes découle du constat unanime voulant qu'un changement de culture s'impose et que l'exemple devrait venir d'en haut. J'ai donc recommandé que la réalisation des trois objectifs de la Loi sur les langues officielles demeure l'une des priorités du greffier du Conseil privé pour les trois prochaines années. Les administrateurs de la fonction publique devront consacrer le temps et les ressources nécessaires pour assurer la mise en oeuvre du programme des langues officielles dans leur milieu de travail.
¹ (1555)
[Français]
Une autre piste tient compte de la modernisation de la gestion des ressources humaines entreprise au sein de l'appareil fédéral. J'ai suggéré qu'au cours de cet exercice, la fonction publique intègre pleinement les langues officielles à ses activités. Le changement de culture passera par la modernisation de la fonction publique. Durant ce processus, il faudrait donc: accroître l'obligation de rendre compte de la haute gestion fédérale en redéfinissant le cadre de gouvernance des langues officielles; valoriser le bilinguisme comme compétence de base; nommer aux postes bilingues des personnes qui connaissent les deux langues officielles, c'est-à-dire faire de la dotation impérative; réorienter la formation linguistique; et mettre l'accent sur le bilinguisme réceptif.
Par ailleurs, dans la dynamique des communications de travail, une multitude de facteurs sont en interaction constante. Afin de les identifier, j'ai commandé une étude à caractère sociolinguistique qui portera d'abord sur la situation des sièges sociaux de la région de la capitale et s'étendra aux régions désignées bilingues. Il faudra trouver à tout prix des moyens de donner une plus grande place au français dans la fonction publique.
Dans la même veine, lors du Colloque sur la langue du travail qui s'est déroulé au Nouveau-Brunswick au début novembre, la ministre Robillard a réitéré la volonté et l'engagement du gouvernement en lançant un message clair aux gestionnaires qui ne pourront satisfaire aux exigences linguistiques de leur poste le 31 mars 2003, qui est la date butoir. Elle a tenté de les responsabiliser en clarifiant les attentes et les mesures punitives qui pourraient être prises si nécessaire. Je suis heureuse de constater que mes recommandations résultent en actions tant politiques qu'administratives. Toutefois, je déplore que la mesure ne touche pas les sous-ministres, qui sont actuellement exemptés des mesures linguistiques. Il est tout de même paradoxal que le gouvernement exige le bilinguisme pour ses cadres mais ne le fasse pas pour ceux et celles qui sont à la tête de l'administration fédérale. Dès leur entrée en service, les nouveaux membres de la haute fonction publique devraient être informés des exigences de la loi et des valeurs qui la sous-tendent. Il est essentiel de les orienter et de les préparer à gérer le programme des langues officielles. Il faut qu'ils soient conscients qu'ils sont les premiers responsables d'assurer l'intégration de ces valeurs à la culture organisationnelle de l'institution. Bref, ils doivent donner forme à l'engagement du gouvernement envers l'égalité de statut et d'utilisation des deux langues officielles et envers les droits des employés de travailler dans la langue de leur choix.
º (1600)
[Traduction]
J'aimerais maintenant parler de mon rôle de vigie. Dans notre dernier rapport annuel, nous avons consacré tout un chapitre aux différents rôles que joue le commissariat. Dans le cadre de mon rôle de vigie, au cours de l'année écoulée, j'ai agi de façon préventive en intervenant dès l'étape de l'élaboration des lois, des règlements, des politiques et programmes afin de m'assurer que les droits linguistiques sont pris en compte.
Je suis intervenue, entre autres, auprès du ministre responsable et devant les comités parlementaires pour que la nouvelle politique et le projet de loi sur l'activité physique et le sport tiennent compte de la dualité linguistique. Vous vous souviendrez que j'ai publié une étude en 2000 qui démontrait que les francophones se butent à des obstacles majeurs les empêchant d'atteindre la pleine participation aux diverses activités sportives.
D'autres grandes questions retiennent aussi mon attention. Il y a entre autres la radiodiffusion, y compris le sous-titrage, Internet, la presse minoritaire, la transmission des débats parlementaires et le gouvernement en direct.
L'immigration a été sans aucun doute un autre important dossier. Dès le début de mon mandat, j'ai pris conscience que la croissance de la population canadienne et la survie des communautés minoritaires de langue officielle reposaient sur les nouveaux arrivants. Deux des études que j'ai commandées sur l'immigration ont confirmé cette réalité. Sans mesures efficaces, les communautés minoritaires de langue officielle ne peuvent recruter des immigrants francophones ou anglophones et les intégrer.
Je n'ai pas ménagé mes efforts pour que la nouvelle Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et son règlement favorisent le développement des deux collectivités de langues officielles au pays, en particulier des communautés minoritaires francophones qui se voient nettement défavorisées par ce déséquilibre démographique qui s'accentue depuis plusieurs années. Selon les données de Statistique Canada, actuellement, parmi la population anglophone, une personne sur cinq est immigrante alors que parmi la population francophone au Québec et ailleurs au pays, la proportion est d'une sur 20.
La dualité linguistique et la diversité ethno-culturelle sont donc au coeur de notre identité canadienne.
J'ai recommandé dans mon dernier rapport annuel que le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration élabore des programmes d'appui en vue de mettre en oeuvre les dispositions linguistiques de la nouvelle loi.
Il faudrait aussi promouvoir la dualité linguistique à l'étranger en faisant connaître l'existence des communautés minoritaires de langue officielle, et en aidant ces mêmes communautés à développer des structures d'accueil adéquates pour les nouveaux arrivants.
[Français]
Un autre dossier prioritaire pour l'ensemble des Canadiens est, bien sûr, celui de la santé. En mai dernier, j'ai présenté un mémoire devant la Commission Romanow, car le volet de la dualité linguistique était absent des débats sur la santé nationale. J'ai examiné le rapport final déposé le 28 novembre dernier. La dimension linguistique se retrouve maintenant dans l'une des recommandations de la commission, mais c'est nettement insuffisant. Même s'il y a un échéancier pour plusieurs des recommandations, vous allez remarquer qu'on n'en retrouve aucun pour les soins de santé dans la langue officielle de la minorité. De plus, le principe de l'accès aux services de santé dans la langue officielle de son choix devrait être explicitement reconnu dans la Loi canadienne sur la santé. Je ne pense pas devoir en convaincre le président de ce comité-ci. Je déplore d'ailleurs cette absence de garantie juridique nationale. Il me faut poursuivre mes efforts de sensibilisation ou plutôt, dirais-je, nous devons poursuivre nos efforts de sensibilisation. Je compte donc me faire entendre devant les comités parlementaires de la Chambre et du Sénat. Comme psychologue clinicienne, je peux témoigner de l'importance des communications lorsque l'on doit créer un climat de confiance entre le patient et le médecin, ou tout autre professionnel de la santé. Il s'agit là d'une condition très importante, sinon essentielle dans un processus de guérison. Soigner, c'est avant tout être en mesure de comprendre le patient.
º (1605)
[Traduction]
Passons maintenant à la justice. L'accès à la justice dans les deux langues officielles constitue également un enjeu de taille. Le ministère de la Justice a rendu publique en août dernier son étude sur «l'État des lieux». Cette étude a permis d'identifier les obstacles à la disponibilité des services judiciaires en français et en anglais, partout au Canada, et surtout une variété de pistes de solutions issues du milieu minoritaire. Le ministère de la Justice, en concertation avec ses homologues provinciaux et territoriaux, doit maintenant s'employer à examiner les solutions suggérées dans l'étude et mettre en oeuvre celles qui sont susceptibles de mieux répondre aux besoins des communautés minoritaires.
En ce sens, l'initiative du ministère de créer un groupe de travail fédéral-provincial-territorial, issu du forum des sous-ministres de la Justice, constitue certainement un pas dans la bonne direction. Je m'attends donc à ce que cette démarche donne lieu à des actions concrètes de la part du ministère. Les mesures nécessaires doivent maintenant être prises afin d'aider les gouvernements provinciaux et territoriaux à mettre sur pied les structures institutionnelles appropriées permettant aux justiciables d'avoir accès au système de justice dans les deux langues officielles.
Dans l'un de ses derniers rapports, le comité mixte a formulé une série de recommandations au ministère de la Justice, dont la première portait sur le renforcement de la mise en oeuvre de la partie VII de la Loi sur les langues officielles, et sur l'importance de travailler avec les communautés sur cette question. J'ai recommandé dans mon rapport annuel que le gouvernement précise la portée juridique de l'engagement prévu à l'article 41 de la Loi et prenne les mesures nécessaires pour s'acquitter efficacement des responsabilités prévues par cette disposition—autrement dit, de demeurer vigilant à cet égard.
Dans un autre ordre d'idées, je vous invite à vous pencher sur la pertinence des dispositions actuelles du Règlement sur les langues officielles portant sur les communications avec le public, élaboré par le Secrétariat du Conseil du Trésor. Je crois que le temps est venu de le revoir et j'ai fait connaître ma position aux ministres Robillard et Dion.
[Français]
Avant de terminer, j'aimerais vous donner un peu de détails sur la fonction de vérification au commissariat.
L'un des volets de ma fonction touche les plaintes et les enquêtes. C'est probablement l'aspect du rôle de commissariat qui est le plus connu. On connaît bien la plainte. C'est un moyen pour le citoyen ou la citoyenne de faire connaître directement ses doléances afin que des mesures soient prises et que des enquêtes soient menées pour examiner ces plaintes. C'est d'ailleurs un outil puissant de changement lorsque nos recommandations sont mises en oeuvre. Mais au-delà de la plainte, il nous faut demeurer proactifs. Je me dois donc de rapporter fidèlement au Parlement la situation linguistique au sein de l'administration fédérale et au sein des sociétés d'État, agences et institutions privatisées qui ne relèvent pas du Conseil du Trésor ou qui ne l'ont pas comme employeur. Ces dernières totalisent plus d'une centaine d'organismes. C'est pourquoi j'entends renforcer la fonction de vérification qui doit être faite par le commissariat en tant qu'organisme indépendant chargé de surveiller l'application de la loi.
Parmi les principales pistes d'action sur lesquelles on vous invite à vous pencher, il y a le plan d'action du gouvernement, l'étude L'état des lieux, la modernisation de la fonction publique, la situation des langues officielles dans les sociétés d'État et autres institutions assujetties, la langue de travail, le cadre d'imputabilité et, bien sûr, mon bureau. Nous allons disposer de toutes sortes d'études et de recherches qui vont vous appuyer dans votre travail de parlementaires.
Le gouvernement doit agir, je le répète, mais il doit surtout agir avec diligence. Il ne peut plus se permettre de pécher par omission. Il m'apparaît important de rappeler constamment aux décideurs, aux responsables qu'ils doivent intervenir au bon moment et ne pas accepter des délais non justifiés ou encore des échappatoires.
En conclusion, j'ai pu constater que vous aviez déjà commencé votre travail en invitant le CRTC et le Conseil du Trésor à comparaître. Bien que je n'aie pas pu assister à ces premières réunions, j'ai suivi vos travaux avec beaucoup d'intérêt et je vois que vous continuez à évaluer régulièrement la performance d'Air Canada. Je sais que je peux compter sur vous et, en contrepartie, je veux vous assurer que vous pouvez compter également sur mon entière collaboration. Vos réunions sont au nombre de mes priorités, et je vais tenter d'y être le plus souvent possible. Bien sûr, il y aura toujours quelqu'un de mon bureau ici qui sera apte à répondre à des questions si vous le souhaitez. Si je connais d'avance les dossiers que vous allez examiner ou étudier à chaque réunion, il me sera plus facile de vous envoyer les personnes du commissariat ayant le plus de connaissances touchant ces dossiers particuliers.
Je vous remercie de votre attention et je serai heureuse de répondre à vos questions maintenant.
º (1610)
Le président: Merci, madame Adam.
Monsieur Reid, vous avez sept minutes.
M. Scott Reid (Lanark—Carleton, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.
Soyez la bienvenue à notre comité, madame la commissaire.
[Traduction]
Je veux vous poser une question à propos d'un sujet que vous n'avez pas soulevé aujourd'hui mais qui doit sans doute vous préoccuper, et c'est une question que j'ai soulevée à la Chambre des communes concernant l'émission de contraventions unilingues dans la région de la capitale nationale par la GRC, ce qui contrevient à l'article 25 de la Loi sur les langues officielles qui prévoit que tous les ministères fédéraux doivent offrir l'ensemble de leurs services dans la région de la capitale nationale dans les deux langues officielles.
Je remarque, bien entendu, et vous devez sans doute le savoir, que la Loi sur les langues officiellesstipule également que lorsque l'article 4 de la Loi entre en conflit avec une autre loi fédérale—l'article 4 porte entre autres sur la fourniture de services au public dans la région de la capitale nationale—, les dispositions de cet article l'emporteront sur les dispositions de l'autre loi.
Je soutiens donc que bien que la Loi fédérale sur les contraventions permet au gouvernement fédéral de conclure des ententes avec les provinces sur la nature des contraventions qu'elles peuvent émettre, cela ne change rien au fait que l'émission de ces contraventions va à l'encontre de la Loi sur les langues officielles. C'est ce que j'ai soutenu. Je me demande si vous êtes d'accord avec cette affirmation.
Mme Dyane Adam: C'est une question dont nous sommes non seulement très bien au courant, comme vous le savez, mais qui est directement liée à l'une des poursuites que nous avions intentée contre le gouvernement, plus précisément le ministère de la Justice, à l'issue desquelles le juge a reconnu la validité de la position ou de l'interprétation présentée par le commissariat sur cette question, et le ministère s'est vu donner au départ un an pour remédier à la situation. Vous vous souviendrez que cette situation s'était produite en Ontario et qu'il s'agissait de la Loi sur les contraventions.
Je crois que la question en jeu ici est essentiellement la même que celle que vous soulevez, mais il s'agit du Québec. Le ministère a mis du temps à rectifier la situation en ce qui concerne d'abord l'Ontario. De toute évidence, le juge veut qu'il remédie à la situation et lui a donné un an pour le faire. Comme le ministère ne l'a pas fait dans cette période de temps, on lui a accordé une prolongation d'un an. Le ministère nous a donc indiqué qu'il met d'abord l'accent sur l'Ontario, pour respecter la décision rendue par le tribunal. Mais parallèlement, il a commencé à en discuter avec les autres provinces, parce que cela aura effectivement des répercussions sur les autres provinces. Nous avons aussi reçu une plainte en ce qui concerne cette question en particulier du côté du Québec.
º (1615)
M. Scott Reid: Lorsque les responsables du ministère ont comparu devant le comité la semaine dernière, j'ai eu l'impression qu'ils soutenaient qu'on ne pouvait pas faire le parallèle avec l'Ontario. Il s'agit de la décision Blais en Ontario.
Il me semble qu'il existe bel et bien un parallèle. Il s'agit d'une situation où un palier de gouvernement émet des contraventions, ou assure dans les faits l'application de la loi pour un autre palier de gouvernement. Par conséquent, il existe un parallèle entre la situation décrite par le juge Blais dans sa décision et la situation soulevée en ce qui concerne la région de la capitale nationale.
Je me demandais simplement si vous constatez vous aussi qu'il existe un lien, que ces situations sont essentiellement parallèles.
Mme Dyane Adam: Tout à fait. L'obligation décrite dans le jugement était claire. Si le gouvernement fédéral transfère sa responsabilité à un autre palier de gouvernement, ou disons au secteur privé, il ne peut pas se soustraire à cette obligation. Il doit s'assurer que la tierce partie respectera effectivement la Loi sur les langues officielles. Si elle ne le fait pas, ils doivent alors négocier d'autres modalités.
Donc ce jugement ou cette décision rendue par le tribunal s'applique aux autres provinces. Elles devront remédier à la situation, c'est du moins ce à quoi je m'attends, si elles enfreignent la Loi sur les langues officielles par d'autres types de transferts de responsabilité à d'autres parties ailleurs au Canada.
M. Scott Reid: Pourriez-vous m'indiquer quand prend fin la période de prolongation autorisée par le tribunal.
Mme Dyane Adam: C'est le 23 mars 2003.
M. Scott Reid: J'ai de la difficulté à me faire à l'idée que nous ne sommes plus dans les années qui commencent par le chiffre 19.
Dans un autre ordre d'idées, je voulais vous poser une question à propos de la recommandation, faite par la présidente du Conseil du Trésor, pour modifier la désignation linguistique d'un certain nombre de postes du niveau de la direction qui de postes désignés bilingues deviendraient des postes bilingues à nomination impérative. J'ai l'impression que cela aura pour conséquence de rendre plus difficile aux membres des deux majorités unilingues du Canada—la majorité unilingue francophone du Québec et la majorité unilingue anglophone en dehors du Québec, qui sont toutes deux des majorités assez importantes—d'obtenir des postes au sein de la fonction publique fédérale et d'obtenir de l'avancement. On semble s'attendre à ce que ces personnes possèdent une maîtrise des deux langues que la plupart des Canadiens, tant francophones qu'anglophones, ne possèdent pas en fait. Je trouve cela très inquiétant.
Je me demande ce que vous en pensez et j'aimerais savoir en particulier comment on pourrait apaiser cette crainte des populations unilingues du Canada, si une telle mesure était mise en oeuvre.
Mme Dyane Adam: Je crois que nous devons préciser l'objectif visé par Mme Robillard. Cela n'a rien de nouveau. Il existe un certain nombre de postes à la fonction publique fédérale qui sont désignés bilingues et pour lesquels vous devez posséder des compétences qui correspondent à un certain niveau, qu'il s'agisse du niveau A, B ou C. Il existe différents niveaux et vous devez posséder des compétences de niveau particulier pour être admissible au poste en question parce qu'il a été déterminé au moyen d'un processus objectif qu'étant donné que vous exercez des fonctions de superviseur ou des fonctions qui vous amènent à servir le public, vous aurez besoin de ces compétences.
Ce qu'a dit Mme Robillard, c'est que pour ces postes, vous devriez au moment où vous remportez le concours être en mesure de servir le public ou de superviser vos employés dans la langue de leur choix. Vous devriez posséder ces compétences et c'est ce que l'on appelle la dotation impérative. Par le passé, on a plus ou moins autorisé certaines personnes à occuper le poste et on leur a accordé une période de temps, deux ans ou plus, une période prolongée pour devenir bilingues. Ce qu'elle dit, c'est que désormais nous avons un décret d'exclusion.
En fait, cette autorisation était presque exceptionnelle. C'est un peu comme dire à quelqu'un qui n'est pas, par exemple, un médecin, qu'il peut exercer la médecine même s'il n'a pas sa licence. Il s'agit d'une exception, et j'ai pu le constater. Nous trouvons cela étrange, mais lorsque vous exercez la médecine dans les régions rurales, vous pourriez être étonné du nombre d'ordres de professionnels qui bénéficient d'exceptions pour leur permettre d'exercer la médecine alors que cela ne serait pas autorisé en milieu urbain.
D'une certaine façon, il s'agit pratiquement d'une anomalie lorsqu'on laisse des gens occuper un poste pour lequel on juge que cette compétence est nécessaire. Elle indique donc que cela ne se fera plus. Désormais, nous avons suffisamment d'employés bilingues et la preuve c'est que parmi les personnes qui ont été engagées pour ces postes désignés bilingues au cours des deux dernières années, je crois que plus de 90 p. 100 d'entre elles possédaient déjà les compétences voulues. Il s'agit d'une remarquable amélioration au fil des ans avant l'établissement du décret d'exclusion.
º (1620)
[Français]
Le président: Merci.
[Traduction]
Nous avons dépassé notre temps donc je devrai compenser lors du deuxième tour.
[Français]
Monsieur Bellemare.
M. Eugène Bellemare (Ottawa—Orléans, Lib.): Merci, monsieur le président.
Madame Adam, aux pages 54, 55 et 56 de votre rapport annuel 2001-2002, vous faites un compte rendu sur la télédiffusion des débats parlementaires par l'entremise de la chaîne d'affaires publiques par câble, CPAC.
Nous avons rencontré le CRTC il y a deux ou trois semaines, et j'ai été royalement déçu d'apprendre qu'ils avaient décidé de renouveler la licence de CPAC, non pas pour cinq ans, comme ils en avaient l'habitude, mais pour sept ans. Cela signifie que nous sommes maintenant aux prises avec un problème qui risque de ne pas être réglé avant sept ans, à moins que vous connaissiez une façon de renverser la décision du CRTC ou, du moins, de la bloquer jusqu'à ce que la situation soit rétablie.
Le problème est le suivant. Vous faites allusion à l'affaire Quigley, qui se rapporte à cet homme du Nouveau-Brunswick qui veut écouter les débats de la Chambre dans la langue de son choix. Jusqu'à maintenant, il a du succès et je l'en félicite. Notre président s'implique même dans la cause portée en appel, et je l'en félicite aussi.
Cependant, cela a un effet négatif sur la décision du CRTC concernant le renouvellement de la licence de CPAC. La région de la capitale nationale devrait refléter les principes du gouvernement canadien en matière de langues officielles, peu importe le parti qui est au pouvoir. Or, à Ottawa, capitale du Canada, un francophone ne pourra pas écouter les débats de la Chambre des communes en français à la télévision au cours des sept prochaines années.
Un anglophone de Gatineau, au Québec, ne pourra pas, pour sa part, écouter les débats de la Chambre ou des comités en anglais. Donc, dans la région de la capitale nationale, les deux minorités sont désavantagées.
Le CRTC justifie cet état de choses par le fait qu'il existe maintenant une nouvelle technologie appelée SCES, connue en anglais sous le nom de SA. Cette dernière permet, lorsqu'on regarde une émission de télévision, de passer de l'anglais au français ou l'inverse.
En ce qui me concerne, je possède un téléviseur tout neuf de marque Sony. C'est un appareil qui a bonne réputation, et de plus, je me suis inscrit au système numérique de Rogers. C'est également tout nouveau, mais ça comporte quelques contraintes: premièrement, il faut posséder un nouveau téléviseur; deuxièmement, il faut probablement être abonné au système numérique; troisièmement, il faut savoir se servir de la technologie SCES. Je peux vous confirmer que plusieurs autres députés et moi-même avons eu quelques difficultés à comprendre la façon de faire fonctionner ce système. C'est peut-être une question d'âge, ou encore de « pitonnage ».
Le président: Le décorum, monsieur Bellemare!
M. Eugène Bellemare: Le président est en amour avec le mot « décorum »; il l'utilise chaque fois que j'aborde ce sujet.
Quatrièmement, même ceux qui peuvent et savent s'en servir sont incapables de modifier la réception assez vite pour que le changement se fasse d'une langue à l'autre.
J'ai fait un essai et j'ai finalement réussi à trouver la version française.
º (1625)
Quand j'ai réussi à trouver le français, le député avait commencé à parler dans l'autre langue. Comme je voulais l'entendre en anglais, j'ai recommencé le même jeu, et ainsi de suite. Avant, dans le vieux système, avec un vieux téléviseur, tout ce qu'on avait à faire, c'était regarder le poste 21 qui était en français ou le poste 22 qui était en anglais. Vous avez vous-même, dans votre présentation, alterné entre l'anglais et le français. Si j'avais écouté votre discours sur le nouveau système SCES, j'aurais eu de la difficulté à vous entendre dans une autre langue sans être obligé de « pitonner » et de le faire d'une façon assez rapide pour pouvoir capter la langue de mon choix.
Comment peut-on faire modifier cette décision-là? Est-ce au Cabinet de le faire? Pouvez-vous intervenir vous-même? Est-ce qu'on doit supplier CPAC? Ici, il y a un principe de base, puisque c'est la capitale du Canada. Si mon ami Yvon Godin était ici, il parlerait du Nouveau-Brunswick, comme il l'a fait déjà d'une façon brillante. Mais je parle pour la capitale du Canada, la région de la capitale nationale. On va devoir attendre encore sept ans avant de pouvoir régler cette situation, à moins qu'on puisse intervenir d'une autre façon.
Mme Dyane Adam: Je vais tenter de répondre assez brièvement, parce que c'est un dossier complexe tout de même. Ce que je comprends de vos propos, c'est que vous avez beaucoup de préoccupations et que vous croyez que la décision du CRTC va empêcher les francophones ou les anglophones d'être servis dans la langue de leur choix, par rapport à la télédiffusion des débats parlementaires.
J'ai fait analyser la décision du CRTC et je peux vous dire que c'est une nette amélioration par rapport à ce qui existe. Mais avant de mentionner cela, je dois dire que ce qu'il est important de retenir pour moi, c'est que nous sommes présentement devant les tribunaux concernant la question de fond même, à savoir si la Chambre des communes ou le Parlement canadien a l'obligation de s'assurer que les citoyens canadiens ont bien accès à l'un ou l'autre des signaux sonores anglais ou français qui accompagnent l'image vidéo des travaux parlementaires. Cette question est devant les tribunaux et vous connaissez notre point de vue. Nous disons qu'on doit veiller à cela à toutes les étapes de la transmission. Si c'est CPAC qui est responsable de l'enregistrement, elle doit veiller à ce que les autres parties impliquées dans le processus respectent la loi. Nous ne toucherons pas à ça.
Ce qui m'importe, c'est le résultat. Je veux qu'en bout de ligne, dans votre salon, vous puissiez avoir accès au signal dans la langue de votre choix. Comment allez-vous le recevoir? C'est là que la technologie peut nous créer des problèmes. C'est ça, votre question. La dernière décision du CRTC lui a imposé beaucoup plus d'exigences qu'elle n'en avait. Elle exige que sa programmation soit bilingue et qu'elle soit traduite. Elle est plus exigeante pour l'analogique qu'elle l'était pour le numérique. Elle exige également qu'il y ait des créations originales, si on peut dire, en français, ce qui n'était pas le cas avant. Je pourrais vous donner une analyse plus poussée de cette décision du CRTC, si vous le voulez. Je ne dis pas qu'elle est parfaite, mais c'est un grand pas en avant. Est-ce que la technologie nous permettra vraiment d'avoir accès aisément à notre signal? Je ne suis pas une experte dans ce domaine-là et je ne voudrais pas non plus me risquer et dire que ça va être une nette amélioration à ce niveau-là. Moi aussi, je suis un peu comme vous: il faut que je l'expérimente et que mon équipe examine ça de plus près. La décision du CRTC est relativement positive à première vue.
º (1630)
Le président: Je vous redonnerai la parole au deuxième tour.
Madame Gagnon.
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Merci, monsieur le président.
Je suis heureuse d'être ici aujourd'hui, madame Adam. Je siège au comité qui fait la révision de la Loi sur la radiodiffusion, et nous avons beaucoup de pain sur la planche. Je me demande si on pourra penser un jour que le bilinguisme au Canada n'est pas une utopie. Je regarde ce que fait M. Mauril Bélanger et je le félicite pour sa persévérance.
Cependant, il faut se demander quelle urgence il y a à ce qu'il y ait du bilinguisme dans certaines communautés comme Vancouver et autres. J'ai fait la tournée du Canada. Dans le cadre du dossier de la Loi sur la radiodiffusion, on parle de la règle du 50 p. 100. Il y a aussi la question de la disponibilité des signaux, que les câblodistributeurs offrent ou n'offrent pas, ainsi que celle des satellites.
Il faudra que vous fassiez votre enquête au niveau des satellites parce qu'ils ne sont pas soumis aux mêmes règles que les câblodistributeurs. Ils ont à choisir leurs propres signaux et, ce qui est encore plus grave, on ne peut même plus avoir accès à de la programmation locale, aux nouvelles locales. Il faut leur donner les outils nécessaires, qui coûtent très cher. Ayant visité les différentes régions du Canada, je sais qu'à Terre-Neuve, par exemple, la communauté francophone vit dans des conditions difficiles. J'ai beaucoup de compassion pour elle. Ces gens vivent difficilement leur culture francophone parce qu'on n'investit pas d'argent là-dedans. Ils n'ont pas les outils nécessaires pour se développer et faire leur propre programmation. Donc, il faudra donner un coup de barre. Je ne sais pas comment la politique du ministre pourra se concrétiser, mais c'est à tous les niveaux qu'il faut agir.
Je suis allée dans tous les aéroports. J'aimerais savoir comment, dans les aéroports, on pourrait avoir des journaux ou de la littérature en français, qui viendraient du Québec ou d'ailleurs, pour les communautés francophones. Dans les aéroports, je demandais systématiquement si on avait des journaux français. « No », me répondait-on. Je suis allée à Sarajevo et à Moscou, en Russie, et on y trouve des journaux en français. Au Canada, on n'en trouve pas. Sur la scène internationale, on se targue d'être un pays multilingue ou bilingue, alors que dans les faits, ce n'est pas le cas.
Lorsqu'on voit aux nouvelles que le nombre d'allophones augmente et qu'on utilise moins l'anglais et encore moins le français, quelle image donne-t-on du Canada? On donne l'image d'un pays unilingue anglais ou d'un pays où les gens ne peuvent pas identifier la communauté à laquelle ils ont décidé d'appartenir en choisissant le Québec ou le Canada.
Je trouve qu'il y a un excellent travail qui se fait au Comité des langues officielles. Vous faites un excellent travail quand vous posez cette question, mais dans les faits, je me demande comment on pourra investir dans ce dossier. Il n'y a jamais eu d'argent là. C'est le soutien technique qui est nécessaire.
Certains francophones de Terre-Neuve ou de l'Île-du-Prince-Édouard m'ont dit qu'ils étaient très gênés de faire une émission en français au tout début, quand ils ont eu la radio, parce qu'ils avaient honte de leur français. Ils n'avaient pas eu la chance de l'apprendre correctement et n'avaient pas les bons mots pour s'exprimer. Au Québec, on a vécu la même situation. On s'est donné une marge de manoeuvre différente à cause du nombre, mais on est en diminution présentement. On dit bien que la communauté francophone du Québec est en train de perdre de l'importance au niveau du pourcentage.
Donc, il y a un coup de barre à donner, et j'espère que le ministre entendra les revendications de votre comité, monsieur Bélanger, parce qu'il ne semble pas penser qu'il est urgent d'agir.
º (1635)
Mme Dyane Adam: Je pense qu'on tient le même discours à plusieurs égards et qu'on est également préoccupés par l'urgence d'agir et la nécessité d'agir avec diligence.
J'aimerais commenter plusieurs points que vous avez soulevés. À propos des signaux par satellite, je dois dire que nous avons en effet reçu des plaintes. Dans la région de la ville de Québec, par exemple, les gens ne reçoivent pas le signal régional; ils ne captent que le signal national. Nous sommes saisis de cette question; elle fait l'objet d'une enquête, et nous avons commencé à faire des interventions à ce sujet.
J'aimerais souligner le fait qu'en vertu de la décision du CRTC, CPAC est maintenant tenue de télédiffuser dans les deux langues officielles les travaux du Parlement et ce, sur le service de base des câblodistributeurs. Ce n'était pas ainsi auparavant, et il s'agit d'un changement très positif.
Il a aussi été question d'accès à des journaux et à de la littérature, si j'ai bien compris, à des endroits tels que le salon Feuille d'érable d'Air Canada, où il y a souvent une pénurie en cette matière. Je vous encourage à porter plainte à ce sujet.
Concernant les minorités et la maîtrise de leur langue, une étude a été publiée il y a à peine quelques jours, si je ne fais pas erreur, par Statistique Canada. On y démontre que, particulièrement en situation minoritaire, un francophone sur deux a beaucoup de difficulté à exprimer et comprendre la langue écrite et que la même proportion a des difficultés en matière d'alphabétisation. Ce problème reflète en partie le fait que les écoles de langue française sont un phénomène relativement récent dans plusieurs de nos communautés. Donc, il y a vraiment du redressement et du rattrapage à faire.
Le président: Madame Gagnon, vous avez encore une quarantaine de secondes. On peut aussi faire un autre tour.
Mme Christiane Gagnon: J'avais une question à poser au sujet des aéroports mais je voulais aussi déposer une plainte; j'avais l'intention de vous écrire à ce sujet. Jeudi dernier, dans un petit autobus vert, je me suis adressée au chauffeur en français. Je n'aurais jamais pensé qu'il serait incapable de me répondre en français. Or, il m'a répondu: « I don't speak French ». Je lui ai alors rétorqué qu'il était tenu de me parler français et que, travaillant sur la Colline parlementaire, il devait être en mesure d'assurer le service dans cette langue. Il n'a pas cessé pour autant de me répondre en anglais, d'une façon un peu méprisante, en me laissant entendre qu'il ne parlerait pas français. Pour ma part, je crois qu'il ne voulait pas parler français parce qu'il comprenait ce que je lui disais.
Est-ce à vous que je dois soumettre cette plainte? Je vais essayer de savoir quel est son nom. Je me souviens très bien de son visage; je vais donc aller voir les photos des chauffeurs d'autobus afin de l'identifier. J'avais réellement l'impression qu'il ne voulait pas parler français. Si j'avais été malade et que j'avais eu besoin de mes médicaments se trouvant dans mon sac à main, comment aurait-il pu m'aider? S'il n'est pas capable d'offrir le service dans les deux langues, et qu'une urgence survient, va-t-il encore une fois s'obstiner à dire qu'il ne peut pas parler français? Je lui ai aussi demandé le nom de la rue qu'il empruntait, parce qu'un taxi devait venir me chercher. Or, il a fallu que j'entre à l'intérieur pour le demander. De la part de quelqu'un qui travaille à la Chambre des communes, c'est une preuve de mauvaise foi.
º (1640)
Le président: Vous avez donc deux lettres à envoyer. Sérieusement, j'espère que vous allez le faire.
Mme Christiane Gagnon: Je le ferai parce que cette situation m'a frustrée. À Prague, par exemple, il y a une communauté francophone et on a accès à de la littérature française.
Si on veut montrer au reste du monde qu'on est une communauté à la fois francophone et anglophone, il faut agir en conséquence. Il y a en Russie, à Prague et à Sarajevo des communautés francophones; ces gens sont fiers de parler français. On leur dit que chez nous, il y a des francophones, mais quand on est sur place, on...
Le président: Merci.
Monsieur Simard.
M. Raymond Simard (Saint-Boniface, Lib.): Merci, monsieur le président.
Bienvenue, madame Adam. Je ne suis pas sûr si ce que je vais dire constitue des questions ou des observations; je vous inviterai donc à émettre des commentaires. Il y a quatre points que j'aimerais soulever.
Au Manitoba, nous avons établi des centres de services bilingues dernièrement; deux d'entre eux ont déjà été ouverts et le troisième le sera d'ici quelques semaines. C'est une véritable réussite chez nous. Les trois niveaux de gouvernement offrent activement des services dans les deux langues officielles. Il s'agit d'un événement vraiment unique et les choses se déroulent très bien.
Je dois vous dire, néanmoins, que l'expérience s'est avérée plutôt difficile. Les gens qui allaient voir les ministères pour aller chercher des employés ont rencontré une résistance assez formidable.
Mais si cette expérience s'avère positive chez nous, serait-elle envisageable dans les autres provinces, au Nouveau-Brunswick, par exemple?
Mme Dyane Adam: Pas plus tard que la semaine dernière, j'étais à Winnipeg, où j'ai d'ailleurs visité un de ces centres-là. On a évalué cela et on va d'ailleurs publier prochainement une étude sur ce concept de services intégrés de différents ordres de gouvernement. Je pourrai donc vous donner plus de détails en janvier.
Lors de ma visite, j'ai rencontré des ministres provinciaux et des personnes qui ont participé à l'exercice. À mon avis, il faudra se pencher sur la part du fédéral dans ce genre de guichet. Ils ont vraiment conçu un nouveau modèle, et la participation du fédéral est plutôt timide. Ce que j'entends, c'est qu'on a l'impression que s'il ne mène pas le jeu, le fédéral a de la difficulté à collaborer ou à être partenaire. Alors, je crois qu'il serait peut-être important que vous, comme députés, sensibilisiez vos collègues à votre niveau.
J'ai bien l'intention de suivre cela parce qu'il y a là un concept intéressant. Dans ces guichets uniques, on offre un service intégré dans les deux langues officielles, mais on a aussi créé des environnements où la langue de travail sera le français. Je pense que c'est unique au pays, et si cela s'avère un modèle à suivre, à moment-là, on soulèvera plus de questions intéressantes pour le fédéral. Sauf dans les régions désignées bilingues, nos minorités ne peuvent pas travailler dans leur langue. Donc, dans des régions comme le Manitoba, si ça fonctionne, il faudra voir ce que veut dire exactement pour nous la Loi sur les langues officielles en termes de possibilités et de soutien au développement de la partie VII pour nos minorités, par exemple. Ce serait peut-être une nouvelle façon de soutenir nos communautés en leur offrant la possibilité de travailler dans leur langue. Bref, cela a soulevé beaucoup de questions intéressantes.
M. Raymond Simard: Mon deuxième commentaire porte sur la dévolution des responsabilités fédérales. Je sais que certains programmes du fédéral ont été dévolus au ministère provincial chargé de l'éducation et de la formation. J'ai eu la chance, dans ma vie antérieure, de rencontrer la personne qui en était responsable pour la province. Elle nous disait qu'elle n'avait aucune responsabilité, aucune obligation de respecter la Loi sur les langues officielles, que ce n'était pas dans l'entente. Cela m'a vraiment frappé parce qu'antérieurement, les minorités étaient protégées. Je ne sais pas si vous faites quelque chose pour ça. Évidemment, quand le gouvernement fédéral signe ces ententes, il me semble qu'il devrait y a voir des conditions.
Quels sont vos commentaires à ce sujet?
Mme Dyane Adam: Non seulement cela me semble-t-il le cas, mais on a fait des enquêtes là-dessus et on a publié des études qui portaient sur l'impact des transformations gouvernementales. Un des dossiers qui ont été au coeur même du diagnostic de l'impact négatif des transformations gouvernementales fédérales sur les droits linguistiques a été celui du transfert de la responsabilité de la main-d'oeuvre du fédéral au provincial. Selon ce que je comprends, au Manitoba, il y a un problème attribuable à l'absence de clauses linguistiques.
Il y a aussi le fait que la question de la formation est différente pour les francophones. Le taux de chômage est très faible, presque nul, et une grande partie des fonds fédéraux ont été conçus en fonction des personnes sans emploi. Ainsi, la communauté francophone, qui a quand même des besoins en matière de perfectionnement et de formation, est, à la limite, privée d'à peu près tous les programmes de formation. On m'a signalé ce problème lors de mon passage à Winnipeg.
º (1645)
M. Raymond Simard: Mon troisième commentaire touche la fonction publique.
Nous avons plusieurs exemples chez nous où on a invité les gens bilingues à postuler des emplois désignés bilingues pour ensuite les éliminer assez rapidement avant de combler les postes avec des personnes unilingues anglophones. Le problème, évidemment, est que les conditions ne sont pas assez sévères pour assurer que ces postes soient comblés par des gens bilingues. On me dit que si les gens ne se qualifient pas, on peut les éliminer assez rapidement et combler les postes avec des personnes unilingues anglophones.
Est-ce que c'est cela?
Mme Dyane Adam: Parlez-vous de la fonction publique fédérale?
M. Raymond Simard: Oui.
Mme Dyane Adam: Il faudrait avoir des cas précis. Si vous en avez, n'hésitez pas à déposer des plaintes formelles pour qu'on puisse au moins faire enquête, parce qu'on a eu plusieurs plaintes dans le passé.
N'est-ce pas le cas, Michel?
M. Michel Robichaud (directeur général des Enquêtes, Commissariat aux langues officielles): Absolument. Si vous avez un cas précis, j'apprécierais le savoir. D'ailleurs, on pourrait communiquer avec vous.
M. Raymond Simard: Parfait.
Mon dernier point porte sur l'immigration. Tout récemment, au Manitoba, les francophones ont eu une conférence sur l'immigration. C'était très intéressant. Évidemment, nous avons établi que nous avons des besoins tout à fait particuliers; je pense que ce n'était pas une surprise.
Le ministre Coderre est venu annoncer quelques semaines plus tard que nous avions une clause pour les francophones. Normalement, le défi est que ces clauses-là ne viennent pas avec des fonds, et s'il n'y a pas d'argent pour mettre les infrastructures en place, ça ne vaut pas grand-chose.
Comment fait-on pour donner des dents à ces choses-là et pour s'assurer que ces recommandations soient suivies? Toute la bonne volonté du monde, c'est bien beau, mais s'il n'y a pas de fonds pour poursuivre... C'est un peu le défi que nous avons.
Mme Dyane Adam: Je pense que le gouvernement fédéral a non seulement l'obligation de traiter les deux langues de façon équivalente et égale, mais aussi des obligations quant aux résultats. En matière d'immigration, dans le dernier projet de loi et dans le règlement, il y a quand même des obligations, un engagement envers les communautés minoritaires de langue officielle.
Comme ce dossier vous intéresse particulièrement, vous allez aussi noter la dernière étude que j'ai publiée. Nous avons beaucoup documenté la nature des outils nécessaires pour que les communautés minoritaires jouent leur rôle de société d'accueil, afin qu'elles puissent aussi avoir les ressources requises, car le gouvernement fédéral, avec les autres paliers de gouvernement, injecte des ressources. Il y a des services d'accueil et d'intégration disponibles à l'échelle du pays, mais ils sont souvent développés seulement en anglais ou dans la langue de la majorité.
Il s'agit maintenant de s'assurer que le ministère suive. C'est pour cette raison que cela fait partie de l'une des recommandations de notre rapport annuel. Je pense que le comité pourrait être un des intervenants clés pour s'assurer qu'on donne les ressources nécessaires pour que les communautés minoritaires de langue officielle deviennent vraiment des acteurs et des participants à part entière dans ce processus. Ce n'est pas que la volonté n'est pas là: notre étude démontre clairement qu'il y a de très bonnes leçons et des façons de faire en milieu minoritaire qui sont gagnantes, mais encore faut-il pouvoir outiller et sensibiliser nos communautés.
Il nous fera plaisir, à moi et mon équipe, de suivre cela de très près. Nous sommes assez conscients de ce qui se passe au Manitoba, mais comme vous, nous trouvons que le fédéral devra se donner des ressources.
º (1650)
Le président: Merci.
Monsieur Godin.
M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Merci, monsieur le président.
Merci à vous aussi d'être venus nous rencontrer aujourd'hui.
Tout à l'heure, j'ai entendu des commentaires de certaines personnes selon lesquelles, dans l'Atlantique, nous n'aurons pas d'émissions régionales de télévision ou de radio parce que nous ne parlons pas assez bien le français. Je trouve que c'est un petit peu insultant et que ce n'est pas de cette façon que les communautés se développeront. Je pense qu'il faut respecter l'origine des communautés; sinon, la Sagouine ne serait pas là.
Comme vous le savez, nous avons beaucoup de problèmes. J'aimerais en mentionner quelques-uns et peut-être aussi poser une question.
Plus tôt, vous avez parlé des sous-ministres. Avez-vous déjà fait des recherches afin de savoir combien de sous-ministres ici, au fédéral, sont unilingues anglophones et combien sont unilingues francophones?
Mme Dyane Adam: Nous avons publié, au cours de l'année couverte par ce rapport-ci, une étude sur la haute fonction publique fédérale, et dans cette étude, nous avons fait plusieurs recommandations. Nous avons noté le taux de participation des francophones et des anglophones aux plus hauts échelons de la fonction publique fédérale. À ma connaissance, pour les sous-ministres adjoints, c'est au-delà de 25 p. 100. En fait, pour les sous-ministres adjoints, en moyenne, je pense que nous en sommes à 30 p. 100 environ. Pour les sous-ministres, nous en sommes à 20 ou 25 p. 100 environ.
M. Yvon Godin: Vingt-cinq pour cent de quoi?
Mme Dyane Adam: De francophones.
M. Yvon Godin: De francophones qui ne parlent pas un mot d'anglais?
Mme Dyane Adam: Ah, non. Excusez-moi, j'avais mal compris.
M. Yvon Godin: Ma question était la suivante: combien a-t-on de sous-ministres unilingues anglophones au fédéral, et combien a-t-on de sous-ministres unilingues francophones au fédéral?
Mme Dyane Adam: Je ne peux pas répondre à cette question parce qu'il n'y a pas de données. Puisque ce n'est pas une exigence formelle du poste de sous-ministre, on n'évalue pas les sous-ministres. Donc, il n'y pas de données. On pourrait me dire qu'ils sont tous bilingues, mais je ne peux pas le vérifier.
M. Yvon Godin: Les sous-ministres adjoints sont-ils protégés aussi?
Mme Dyane Adam: Non, pour eux, il y a une exigence.
M. Yvon Godin: D'accord.
Est-ce qu'on peut avoir les données pour les sous-ministres adjoints?
Mme Dyane Adam: Oui, je pourrais vous donner cela.
M. Yvon Godin: Combien de sous-ministres adjoints ne parlent pas...?
Mme Dyane Adam: Leur langue seconde. C'est ça?
M. Yvon Godin: Oui, et ce, dans les deux langues.
Mme Dyane Adam: Oui, je peux vous donner cela.
Le président: Veuillez faire parvenir cela au greffier, madame Adam.
M. Yvon Godin: Il y a autre chose. Je peux comprendre la frustration de M. Bellemare face à la décision que le CRTC vient de prendre. Quand le CRTC s'est présenté ici, on nous a dit qu'il appartenait aux gens d'acheter l'équipement nécessaire pour capter CPAC, les débats de la Chambre des communes, dans leur langue. Je trouve que c'est frustrant parce que le pays devrait l'offrir gratuitement aux Canadiens et aux Canadiennes. Il y en a qui ne peuvent pas se le payer.
Comme je l'ai dit au CRTC, j'ai un téléviseur de moins de 10 ans. Qu'ils arrêtent d'utiliser le prétexte que, si on a un téléviseur récent, on peut utiliser le SAP pour recevoir la version dans la langue désirée. J'inviterai ces gens-là à venir chez moi me montrer comment faire ou j'amènerai le téléviseur ici, une bonne journée, pour qu'ils nous fassent une démonstration, car malgré mes connaissances assez bonnes de l'électronique, selon moi, je n'ai pas encore pu trouver comment faire, même pas avec des téléviseurs neufs achetés dernièrement. Alors, imaginez les problèmes qu'ont certaines gens.
C'est simple: je pense qu'on manque le bateau. Il faudrait que ça devienne aussi simple que ceci: que le Parlement exige que les câblodistributeurs diffusent CPAC dans les deux langues pour les Canadiens et les Canadiennes. Chez nous, on capte la version du parquet. Imaginez un peu ceci: la question est en français et la réponse est en anglais. Aucun des deux ne peut comprendre parce qu'on perd tout le monde à mi-chemin.
Mme Dyane Adam: J'aimerais réagir maintenant à cette question. Ce qui m'intéresse, comme commissaire, c'est de clarifier les obligations du Parlement. Comment va-t-il respecter ses obligations ensuite? On va laisser au CRTC, à CPAC et aux techniciens la responsabilité d'y voir. Mais quelque part, si on tranche la question qui est devant les tribunaux en faveur de l'interprétation du commissariat, le Parlement aura l'obligation, en tout cas selon le juge, de livrer la radiodiffusion des débats dans les deux langues officielles. À ce moment-là, on devra trouver un moyen d'obéir à ce jugement.
Pour moi, il y a deux questions de fond: tant et aussi longtemps qu'on ne s'entendra pas, car la Chambre elle-même croit qu'elle n'est pas tenue de le faire, il sera difficile de pousser un moyen particulier. Moi, je ne veux pas de compromis; je veux que la Chambre ou le Parlement respecte la loi, c'est tout. Après, ils trouveront un moyen de le faire.
º (1655)
M. Yvon Godin: On parlait plus tôt d'Air Canada et des journaux dans la langue... Je pourrais vous dire que chez nous, Air Canada Jazz a même cessé d'offrir des journaux dans les avions. On ne les a même plus. Ce n'était pas assez de couper le sandwich, ils ont coupé le journal aussi. Mais je pense que ce qui me fait encore bien plus peur, ce sont les deux choses qui suivent.
Selon les rumeurs, à cause de l'acquisition de Canadien, Air Canada transférerait des anglophones dans les provinces de l'Atlantique pour remplacer des personnes bilingues. Je peux prévoir le développement d'un nouveau problème en Atlantique ou à bord des avions.
De plus, on abolit beaucoup de services dans des régions où Air Canada, quand elle appartenait au gouvernement, avait la responsabilité de donner un service aux Canadiens et aux Canadiennes. Maintenant que le secteur privé détient la majorité des parts de la compagnie, on commence à fermer les aéroports et on cesse de donner des services dans les régions. Je vais faire une accusation, et je me fiche carrément de la façon dont ils vont l'interpréter. Je pense que c'est une belle manière de se libérer des obligations relatives aux langues officielles, car ensuite, ce seront des transporteurs privés qui vont prendre la relève, et eux se lavent les mains de tout cela.
Je ne sais pas si vous avez la possibilité de faire des vérifications afin de déterminer dans quelle direction on s'en va avec Air Canada et ses obligations envers les Canadiens et les Canadiennes. Il ne s'agit pas seulement des aéroports internationaux; il s'agit pour eux de donner un service à tous les Canadiens et à toutes les Canadiennes et de se soustraire ensuite à leurs responsabilités en disant qu'ils ne donnent plus le service à Saint-Léonard, qu'ils ne donnent plus le service à Yarmouth, qu'ils ne donnent plus le service ici et là, et qu'ils feront la même chose dans toutes les régions du pays. Ainsi, ils n'auront plus besoin de respecter leurs obligations, madame.
Mme Dyane Adam: En fait, il y a eu une annonce de cessation de services dans certains des aéroports que vous avez mentionnés, donc dans des petites communautés souvent bilingues ou francophones. Une des choses que nous avons faites après cette annonce fut d'écrire au ministre Collenette afin de lui faire part de notre inquiétude quant aux services offerts par Air Canada et à son respect de ses obligations linguistiques. Nous lui avons mentionné l'impact de la cessation des services offerts par Air Canada sur l'épanouissement de ces communautés, par exemple en vertu de la loi, mais aussi en vertu de l'article 41 de la loi, et l'impact de la reprise éventuelle de ces services par d'autres transporteurs. Nous avons demandé au ministre s'il avait des plans à ce niveau. À ma connaissance, on n'a pas eu de réponse.
Dans son rapport déposé en août dernier, et dont vous vous souviendrez, je crois, Mme Ward soulevait cette question de la responsabilité du fédéral de s'assurer que les Canadiens... On parle d'accès aux soins de santé pour tous au pays, mais il y a aussi la question de l'accès à du transport. S'il y a des régions qui sont privées d'un service de transport aérien, cela a des conséquences sur leur vitalité, sur leur développement économique et, bien sûr, puisque plusieurs d'entre elles sont bilingues, sur l'épanouissement des communautés minoritaires, dans certains cas. Il y a en quelque sorte une concordance.
Nous sommes déjà intervenus, mais je peux vous dire que je n'ai pas encore eu de réponse du ministre.
Le président: Monsieur Binet.
M. Yvon Godin: Est-ce qu'il y aura un autre tour?
Le président: Oui.
M. Gérard Binet (Frontenac—Mégantic, Lib.): Bonjour, madame Adam. Je vous félicite pour votre excellent travail. Notre président fait, lui aussi, un bon travail, et on en a de bonnes répercussions.
Il y a quelques semaines, au caucus du Québec, on a rencontré le ministre de la Défense nationale. On lui a fait part du problème des francophones à la Défense nationale. J'ai eu le rapport. Bien sûr, ce n'est pas une question de chiffres, mais si on évalue la situation à partir des chiffres et qu'on établit le ratio, on voit que c'est bien équilibré en ce qui a trait aux francophones, peu importe le sujet.
À titre de commissaire aux langues officielles, quel jugement portez-vous sur la situation des langues officielles en ce qui a trait à la Défense nationale?
» (1700)
Mme Dyane Adam: Il m'est difficile de porter un jugement global parce qu'il demeure que le principal indicateur dont on dispose en ce moment, ce sont surtout les plaintes, et les plaintes sont toujours, bien sûr, des actions individuelles. Elle proviennent d'un citoyen ou encore d'un employé. C'est un indicateur qui est, comme je le dis toujours, important mais incomplet, d'où l'importance que j'accorde au développement d'autres façons d'évaluer ou de vérifier l'état de santé des langues officielles dans nos institutions et d'où la fonction de vérification. Je pense que quand le commissariat pourra vraiment établir des indicateurs et procéder à une analyse plus poussée de la question des langues officielles...
Il y a quand même des dossiers importants; on en parle un peu dans notre rapport annuel. Il y a toute la question, par exemple, du navire bilingue ou du navire Ville de Québec, où il y a eu des problèmes quant au français langue de travail. On rapporte quelques cas à cet effet.
Il y a également la question de la formation technique. On a toujours des plaintes d'employés ou de militaires. Il n'y a pas si longtemps, à Gatineau, on nous a fait part du fait que la formation technique était souvent offerte en anglais seulement ou partiellement en anglais et en français.
M. Gérard Binet: Prévoyez-vous faire un rapport ou vous pencher sur le problème de la Défense nationale bientôt?
Mme Dyane Adam: Je ne prévois pas faire un rapport global sur la situation dans l'immédiat. Nous n'avons pas vraiment décidé quelles institutions nous examinerons, mais nous voulons mettre la fonction de vérification en oeuvre dès le début de l'année 2003-2004. J'espère que je serai plus en mesure de vous dire quelles institutions seront ciblées à chaque année. L'idéal est toujours de faire un plan sur plusieurs années puisque les institutions elles-mêmes doivent y participer.
Est-ce que ce sera la Défense? Je ne peux pas répondre à cette question: je n'ai pas encore pris cette décision.
M. Gérard Binet: Je regardais le palmarès des belles réussites. On entend parler d'argent pour les langues officielles; mon collègue en parlait tout à l'heure. On sait que le budget s'en vient et que tout le monde demande de l'argent. Les députés ont tous des demandes.
Je regarde les beaux mérites de Sport Canada et de l'Association olympique canadienne. Je ne veux pas parler de celui qui est en poste présentement. Je suis certain qu'il fait du bon travail et qu'il se débrouille très bien en français, mais nous avions un ministre du Québec qui mettait beaucoup l'accent là-dessus. À mon avis, il n'a pas dû avoir beaucoup plus d'argent pour atteindre ses fins.
Selon vous, le fait d'avoir un ministre venant du Québec vraiment désireux d'arriver à ses fins peut-il faire une différence en ce qui a trait aux langues officielles? En tout cas, en ce qui concerne Sport Canada, on le voit ici.
Mme Dyane Adam: Ce qui est important, je crois, c'est que tous les ministres, tous les politiciens, tous les décideurs, peu importe d'où ils viennent, soient engagés.
M. Gérard Binet: Ce n'est pas seulement une question d'argent.
Mme Dyane Adam: Je vous dirai qu'il y a sûrement des ressources, mais que l'engagement, la volonté et la diligence font la différence. Ce comité-ci a aussi la responsabilité d'y veiller. Vous avez beaucoup de pouvoir en vertu des questions que vous pouvez poser et de la vigie que vous pouvez faire.
M. Gérard Binet: On attend avec impatience le rapport du ministre des Affaires intergouvernementales, l'honorable Stéphane Dion. Tout le monde a vraiment hâte de le voir et d'entendre vos commentaires.
En vertu de votre rôle en matière d'éducation et de promotion de la dualité linguistique canadienne au sein de l'administration fédérale, mais aussi dans la société canadienne, est-ce que vous entendez poser des gestes particuliers pour convaincre les majorités francophone, au Québec, et anglophone, dans le reste du pays, du bien-fondé et de la pertinence de ce plan d'action?
Lorsque le ministre déposera son rapport, il faudra que quelqu'un en fasse la promotion.
Mme Dyane Adam: Il n'y a pas de doute que le premier responsable, c'est le gouvernement. La commissaire, comme je le dis souvent, n'est pas responsable de la mise en oeuvre de la loi; elle est responsable de la promotion, et c'est ce que je fais. Mais ce qui est plus puissant, à mes yeux, pour les citoyens et pour les deux majorités, c'est d'entendre les élus utiliser les deux langues officielles dans leurs allocutions, de les entendre en parler, de les voir travailler avec leur province ou leurs homologues provinciaux, car vous êtes tous, finalement, dans des régions. Mon personnel et moi-même ne pouvons pas être partout, mais vous, vous êtes partout, collectivement.
Donc, lorsque M. Dion déposera son plan au nom du gouvernement, bien sûr, je vais le commenter et en faire la promotion, si je crois vraiment qu'il est... Mais ce que je souhaite, en tant que commissaire, c'est que chacun d'entre vous et le gouvernement dans son ensemble, dont le Cabinet, soient derrière cela, qu'on donne les ressources dont on a besoin, que le comité veille à ce qu'on réalise ce plan-là et que les gens aient des comptes à rendre par rapport à la réalisation des objectifs, qu'ils viennent vous en parler, car c'est eux qui doivent le mettre en oeuvre.
Je pense qu'on va avancer sur la question des langues officielles au moment où on aura cette synergie d'acteurs et où la responsabilité sera vraiment celle de nos élus et--on a parlé des sous-ministres--celle de l'appareil administratif, qui est l'autre bras. Il faut que ça fonctionne à ce niveau-là.
» (1705)
Le président: Si vous me le permettez, je vais prendre quelques minutes au premier tour. Ensuite, on passera au deuxième tour.
Madame Adam, je suis parfaitement d'accord avec vous que le gouvernement est le premier responsable.
En ce qui a trait au plan Dion, si j'ai bien saisi les réactions des communautés, tant celle de la communauté francophone hors Québec, qui s'est réunie à Whitehorse au mois de juin où M. Dion avait fait une sorte d'exposé sur les grandes lignes de son plan, que celle de la communauté anglophone du Québec, qui, elle, l'avait reçu au mois de septembre, je crois, et qui a eu l'exposé également, il semblait y avoir une bonne réaction, du moins quant aux grandes lignes.
La question n'est plus là; elle est surtout au niveau des ressources. Est-ce que le gouvernement va donner les ressources nécessaires à l'application du plan? À cet effet, M. Dion a dit qu'il attendrait le dépôt du budget pour voir s'il aura effectivement les ressources.
Si je peux faire un commentaire à tous mes collègues, je leur dirai de faire vouloir que les ressources sont nécessaires, parce que le plan, sans ressources, n'ira pas loin. C'est mon premier commentaire.
Deuxièmement, en réaction à ce que Mme Gagnon disait, si je ne m'abuse, la décision du CRTC par rapport à la diffusion des travaux parlementaires exige des distributeurs par satellite qu'ils fassent cette diffusion en anglais et en français. Je pense que c'est clair pour cette chose, mais ce n'est pas la même chose du tout pour le reste. Il y a peut-être eu des progrès dans certains sens, mais dans d'autres, à mon avis, il y a eu un recul, parce que maintenant, tous ceux qui sont branchés au câble sont appelés à verser 8 ¢ par mois, dont 3 ¢ pour les travaux parlementaires, alors que 5 p. 100 des foyers qui sont branchés ne les recevront pas dans la langue de leur choix. C'est un minimum de 5 p. 100, en plus de tous ceux qui n'ont pas un téléviseur pouvant être transformé en appareil bilingue comme ceux dont on a parlé.
Personnellement, je suis très déçu du CRTC et j'espère que, comme comité, on reviendra à la charge, car ce n'est pas acceptable. Mais ça, c'est autre chose.
D'ailleurs, on avait aussi parlé au CRTC--mes collègues s'en souviendront--de la diffusion par satellite d'émissions de nouvelles locales. Il serait peut-être bon de reprendre ça, si les collègues le veulent. Ça m'enchanterait d'envoyer une lettre au CRTC reprenant les demandes du comité mixte. Ce comité s'attendait à ce que le CRTC exige qu'on diffuse des nouvelles de producteurs locaux, par exemple à Québec, avec Radio-Canada Québec, et ici, à Ottawa, et probablement ailleurs, au lieu des nouvelles nationales.
Ce sont les commentaires que je voulais faire, mais je voudrais, madame Adam, vous amener à parler d'autres choses.
Demain, on va tous connaître les résultats du recensement de 2001 par rapport aux langues. Je me souviens que lorsqu'on avait appris les résultats du recensement de 1996, en 1998, je crois, votre prédécesseur disait qu'on avait atteint le fond. Il disait que maintenant qu'on avait notre régime d'éducation un peu partout au pays, ça devait remonter.
Est-ce que vous partagez cet avis?
» (1710)
Mme Dyane Adam: D'abord, je ne sais pas ce qu'est le fond.
Le président: Il disait que les données au niveau des statistiques, au niveau des chiffres absolus, au niveau des pourcentages de communautés de langue officielle vivant en situation minoritaire ne diminueraient plus.
Mme Dyane Adam: Je dirais que si la tendance se maintient... Comme je le dis depuis presque trois ans, l'immigration est, à mon avis, le facteur le plus important--et c'est confirmé par les spécialistes--qui explique la croissance démographique au pays. Puisque les francophones, qu'ils soient au Québec ou ailleurs au pays, ne reçoivent pas leur part d'immigrants, même cinq fois moins que leur part, que va-t-il arriver, pensez-vous? On n'a pas besoin d'être Einstein pour comprendre que le poids démographique relatif des francophones au pays va diminuer encore. Je n'ai pas les statistiques, mais ça ne sera pas surprenant: c'est la simple logique qui mène à cette conclusion.
Les transferts linguistiques, quand des francophones adoptent une autre langue et renoncent entièrement à leur langue française, sont un autre élément qui pourrait expliquer le poids relatif des francophones. Ce qui est intéressant, c'est que le commissariat avait demandé que Statistique Canada introduise dans son recensement une nouvelle question--et j'avoue que c'est une de celles pour lesquelles on a bien hâte de voir le résultat--pour tenir compte de la réalité changeante de la société canadienne, c'est-à-dire quelle langue, autre que le français ou l'anglais, est parlée. Si, par exemple, un francophone dit que sa langue d'usage au foyer est surtout l'anglais, on va maintenant lui demander s'il parle une autre langue. L'hypothèse de départ est qu'il y a de plus en plus de couples exogames. Même si on parle l'anglais la plupart du temps, ça ne veut pas dire que le français n'existe plus. Il est possible d'avoir deux ou trois langues dans le foyer, comme il y en a deux ou trois en milieu de travail. Est-ce qu'il est possible de faire coexister ou cohabiter deux langues dans un foyer tout en préservant notre identité ou notre culture francophone?
C'est quelque chose qui m'intéresse.
Le président: On peut donc s'attendre à une baisse proportionnelle. Pour ce qui est des chiffres absolus, on verra demain.
Voilà qui m'amène à vous poser une autre question. Vous avez présenté, il y a certain temps, un rapport sur l'éducation et les ayants droit. Si je me souviens bien, la moitié des ayants droit, c'est-à-dire ceux qui avaient le droit de poursuivre leurs études en français ou en anglais, n'allaient pas le faire dans leur langue première.
Est-ce que j'ai raison de penser ça?
» (1715)
Mme Dyane Adam: [Note de la rédaction: inaudible].
Le président: Est-ce que des démarches ont été entreprises pour corriger ça?
Mme Dyane Adam: Oui, des démarches ont été entreprises par les différents intervenants.
Le président: Des démarches entreprises au niveau du gouvernement du Canada parce...
Mme Dyane Adam: Au fédéral?
Le président: Oui, parce que c'est avec le fédéral que nous devons faire affaire. J'aimerais que l'on parle du programme d'éducation en langue seconde, des ententes qu'il y a avec les provinces et des mécanismes d'évaluation de ces ententes-là. Où en est-on?
Mme Dyane Adam: Tout ce que je peux dire, c'est que le fameux plan de redressement du gouvernement vise à cibler un de ces problèmes en injectant des ressources additionnelles pour la langue d'enseignement en maternelle...
Le président: Mais je ne voudrais pas qu'on injecte des ressources additionnelles si le cadre de référence demeure le même. Il faut que ça change. Il faut qu'il y ait des objectifs très précis, des plans d'action précis et tout ça. Je croyais que cela avait été inséré dans les ententes qu'on avait conclues avec les provinces.
Mme Dyane Adam: Non, parce qu'on est en train de les renégocier en ce moment. En fait, c'est dans une année. Donc, le fédéral, représenté par Patrimoine Canada, est en train d'examiner le cadre et tous les changements qui pourraient être apportés à ces différentes ententes, ou du moins leur enrichissement par des ressources additionnelles. Il a beaucoup été question d'augmenter l'imputabilité. Je vous dirais cependant que cette question est encore à l'étude; on commence à peine. Peut-être que Patrimoine Canada serait...
Le président: Je reviendrai sur cette question à la fin de la réunion parce je dois consulter mes collègues et que mon temps est écoulé.
Monsieur Godin, c'est le deuxième tour, et vous avez cinq minutes.
M. Yvon Godin: J'aimerais avoir des éclaircissements sur un document portant sur une enquête approfondie et intitulé « Rapport d'enquête sur une plainte concernant la réorganisation de l'Agence canadienne d'inspection des aliments à son bureau de Shippagan (Nouveau-Brunswick) ». Dans ce rapport, on dit:
D’après le rapport, l’enquête a fait ressortir que les décisions prises par l’Agence ne lui avaient pas permis de remplir pleinement ses obligations aux termes de la Partie IV de la Loi sur les langues officielles, qui porte sur les communications avec le public et la prestation des services.
Où en est rendu le suivi de cette question?
Mme Dyane Adam: On le fait présentement, et on pense pouvoir le rendre public à la fin de janvier ou en février.
M. Yvon Godin: J'aurais une petite suggestion à faire. On disait plus tôt que l'argent et la volonté politique étaient nécessaires. On pourrait peut-être faire un changement et dire qu'on veut dorénavant faire l'enregistrement des langues officielles; on obtiendrait peut-être ainsi des milliards de dollars qu'on pourrait investir dans la promotion des langues officielles.
J'aimerais aussi savoir si des recherches ont été faites sur certaines implications qu'ont des accords internationaux comme l'ALENA. Dans le cadre de ce type d'ententes, des compagnies étrangères peuvent se soustraire aux lois canadiennes ou même intenter des poursuites contre le gouvernement fédéral si elles considèrent qu'on leur a fait perdre des avantages commerciaux. Est-ce que votre commissariat s'est vraiment penché sur ce problème et sur les implications de ce dernier?
Mme Dyane Adam: Pas à ma connaissance. Qu'est-ce qui vous amène à poser la question, monsieur Godin?
M. Yvon Godin: Le problème est que les compagnies étrangères peuvent forcer le gouvernement à faire certaines choses; elles peuvent même contrevenir aux lois canadiennes. La compagnie UPS, par exemple, a porté des accusations contre le gouvernement du Canada parce qu'elle considérait que Postes Canada lui livrait une concurrence déloyale. Ce genre de problème pourrait également affecter les langues officielles.
Mme Dyane Adam: J'essaie de...
M. Yvon Godin: Aucun incident ne s'est produit jusqu'à maintenant. Je ne fais qu'exprimer mon inquiétude. Les langues officielles sont fragiles.
Mme Dyane Adam: Le seul enjeu à caractère international qui me vient à l'esprit--le Canada, d'autres pays et la province de Québec insistent beaucoup sur cette question--est la notion d'exception culturelle ou de diversité culturelle. On veut absolument que la culture demeure hors du contexte du libre-échange. Si elle était considérée comme un bien commercial, ce serait désastreux pour la culture canadienne et pour le fait français. À l'heure actuelle, au Canada, elle est protégée et, bien sûr, fortement financée.
» (1720)
M. Yvon Godin: Ça sera ma dernière question étant donné que mes cinq minutes sont écoulées ou à la veille de l'être.
Le président: Il vous reste 30 secondes.
M. Yvon Godin: On parlait plus tôt de Radio-Canada--je l'appelle pour ma part Radio-Montréal, puisque c'est là que se trouve le bouton de commande--, et je me demande quelles recommandations devraient être faites au gouvernement pour qu'il y ait de la programmation régionale, que les régions se développent et que les gens des régions puissent s'épanouir.
J'ai encore des raisons de croire que cela pourrait se faire par l'entremise de Radio-Canada. Il faudrait évidemment que tout ne soit pas décidé uniquement à Montréal. Il serait essentiel de déterminer ce qui doit être fait pour aider Terre-Neuve, les régions où vivent les Acadiens, les francophones du Manitoba ou de l'Alberta, et ainsi de suite.
Parlons des problèmes locaux pour faire en sorte que les gens veuillent encore vivre en français. À l'heure actuelle, on écoute la télévision, et ça vient de Montréal; à la radio, c'est la même chose.
Mme Dyane Adam: Toute la question de la production culturelle au Canada n'est pas régie seulement par Radio-Canada; il y a, par exemple, Téléfilm Canada, l'ONF et d'autres. De plus en plus d'organismes sont régis par des objectifs. Pour avoir des réponses aux questions que vous posez, à mon avis, vous devriez vous pencher sur les politiques et les objectifs qui orientent ces organismes. Téléfilm Canada, par exemple, doit maintenant dépenser plus d'argent dans la production originale par des minorités que ce n'était le cas dans le passé. Il y a beaucoup d'organismes qui subventionnent au niveau culturel, la télévision et tout ça, qui ont aussi un rôle à jouer là-dedans.
On pourrait peut-être un jour faire une sorte de survol de toutes ces institutions fédérales qui ont un rôle important à jouer pour s'assurer de rencontrer les objectifs que vous mettez de l'avant. Ce n'est pas seulement Radio-Canada.
Le président: C'est une très bonne suggestion et elle n'est pas tombée dans l'oreille d'un sourd.
Monsieur Bellemare.
M. Eugène Bellemare: J'ai trois courtes questions, monsieur le président, et j'aimerais qu'on me donne trois courtes réponses.
Lorsqu'on parle de régions désignées bilingues, quelle est la définition d'une région désignée bilingue?
Mme Dyane Adam: Je vais laisser Michel répondre.
M. Michel Robichaud: La notion de région désignée bilingue s'applique à la question de la langue de travail. Parmi les régions désignées bilingues, il y a la région de la capitale nationale, Montréal, le nord-est de l'Ontario et toute la province du Nouveau-Brunswick. C'est plutôt associé à la question de la langue de travail: un employé du fédéral peut utiliser sa langue en milieu de travail.
M. Eugène Bellemare: Je voudrais parler d'une règle du CRTC, qui dit à un télédiffuseur ou à un radiodiffuseur que la langue de diffusion doit être la langue de la majorité de l'endroit. Par exemple, si 51 p. 100 ou plus de la population est francophone, la langue du marché est le français. Pourquoi n'y a-t-il pas une relation entre la langue du marché et la langue de travail?
Mme Dyane Adam: Ça serait mieux qu'il n'y en ait pas, parce que la langue de travail est beaucoup plus restrictive en ce moment. Ça pourrait changer, mais la norme pour désigner une région bilingue au pays pour les fins de la langue de travail est plus restreinte que la norme pour le marché bilingue.
M. Eugène Bellemare: Mais dans le cas de la région de la capitale nationale?
Mme Dyane Adam: Elle est entièrement désignée bilingue.
» (1725)
M. Eugène Bellemare: Elle est désignée bilingue?
Mme Dyane Adam: Pour les fins de travail, oui.
M. Eugène Bellemare: Pour les fins de travail, mais pour la radiodiffusion et la télédiffusion, c'est la langue du marché ou de la majorité.
Mme Dyane Adam: Je ne suis pas certaine que c'est exactement ça. Je ne veux pas vous contredire, mais c'est un concept différent. On parle plutôt de locuteurs, du nombre de locuteurs bilingues ou francophones. On ne parle pas nécessairement de la même... C'est le nombre de personnes qui, dans un environnement donné, parlent le français.
M. Eugène Bellemare: Pour ce qui est de la question de CPAC et du CRTC, et de l'événement qui s'est produit récemment, avez-vous l'intention d'intervenir ou de faire des démarches quelconques en vue d'intervenir?
Mme Dyane Adam: Pour ce qui est de la décision du CRTC, nous sommes à examiner son impact sur le terrain, parce que c'est assez complexe, comme quelqu'un l'a dit. Que veut dire vraiment « avant et après »? Qu'est-ce que cette décision-là va donner vraiment aux citoyens canadiens? Étant donné la prémisse que le gouvernement fédéral est tenu de servir les citoyens dans la langue de leur choix en vertu de la loi, mon rôle est de m'assurer que cette décision-là va lui permettre effectivement de rencontrer son obligation. C'est ce qui m'intéresse. Alors, nous allons évaluer l'impact de cette décision. Il se peut qu'elle ait des lacunes; certains ont dit avoir des inquiétudes à ce sujet. Notre rôle est de voir à déceler les problèmes et, à ce moment-là, nous serons mieux en mesure de conseiller les parlementaires et les gouvernements.
M. Eugène Bellemare: Vous comprenez que concernant la question de CPAC et du CRTC, il faut avoir la technologie nécessaire, mais la technologie n'est pas assez rapide pour qu'on puisse aller d'un système à l'autre pour capter ce qu'on veut entendre.
Mme Dyane Adam: J'ai compris votre préoccupation. Ce sera une des choses dont on devra examiner l'impact. En d'autres termes, on devra examiner la convivialité de la mesure prise par CPAC.
Le président: Monsieur Simard.
M. Raymond Simard: Je voudrais faire un dernier commentaire pour appuyer les propos du président au sujet du service satellite.
Il y a un an et demi, à Winnipeg, j'ai décidé de m'abonner au service par satellite, qui coûtait 55 $ par mois, je pense, et j'ai été étonné de voir que je ne pouvais pas avoir les nouvelles locales. J'avais Radio-Canada Edmonton, Radio-Canada Vancouver et Montréal, mais pas Radio-Canada de chez nous. Un politicien qui n'a pas les nouvelles de chez lui, de sa communauté... J'ai donc dû m'abonner au câble, ce qui me coûte 28 $ de plus, je crois. Je dois donc débourser presque 100 $ par mois pour m'abonner aux deux services. Ce n'est vraiment pas acceptable.
Cela m'a étonné parce que je pensais que c'était normal. Tout ceci renforce les inquiétudes qu'il y a de ce côté-là.
Mme Dyane Adam: J'imagine que vous informez le CRTC de ces problèmes, n'est-ce pas?
Le président: Y a-t-il 'autres questions ou commentaires?
Alors, nous allons conclure.
Madame Adam, la question des institutions culturelles en est une très bonne. Est-ce que votre commissariat fait des analyses des plans d'action des gens qui sont tenus d'en faire en vertu de l'article 41 de la Loi sur les langues officielles?
Mme Dyane Adam: Patrimoine Canada demande aux institutions assujetties--et je dis bien à un certain groupe, pas à toutes--de rendre des comptes ou d'expliquer ce qu'elles font. Il y a toute une série d'institutions culturelles qui mériteraient d'être examinées sur le continuum parce qu'elles sont interreliées et que là, c'est fragmenté.
Le président: Mais est-ce que Commissariat aux langues officielles fait l'analyse ou l'évaluation de ces plans d'action?
Mme Dyane Adam: On le fait beaucoup moins que par le passé, parce que c'est maintenant le rôle de Patrimoine Canada. Ce que je compte faire plutôt dans le cadre de nos études spéciales, c'est d'examiner un des dossiers spéciaux. C'est justement cette question-là qui...
Le président: Je m'engage à sonder les membres du comité pendant la période où la Chambre ne siégera pas, parce qu'il faut faire la planification de notre charge de travail pour la fin janvier. J'invite les membres du comité à y réfléchir. Il y a toute la question de la partie VII de la Loi sur les langues officielles qu'on a entamée. On a fait des rapports sur la justice et sur l'immigration, dont un que l'on doit adopter. Il a aussi été question de santé, de ressources humaines et d'industrie. On pourrait certainement aussi parler des institutions culturelles.
Sur ce point, je voudrais dire aux membres du comité que je vais faire parvenir une lettre, dont je vais envoyer copie à tous les membres du comité, à la ministre du Patrimoine canadien sur cette question d'éducation que j'ai soulevée tout à l'heure, pour savoir où cela en est rendu, parce qu'on est à la veille du renouvellement des ententes avec les provinces, le 1er avril 2003 étant le début de l'année financière. Il serait important que les membres du comité aient l'input du ministère là-dessus, de même que pour la question de l'analyse des plans d'action, surtout concernant la partie VII et l'article 41 de la loi.
Je vais aller chercher des renseignements pour le comité afin d'alimenter nos travaux. Je vais peut-être aussi suggérer à nos recherchistes de nous préparer un rapport pour le CRTC, étant donné que cette question semble préoccuper plusieurs personnes. On pourrait aborder cette question dès le début, fin janvier ou début février.
Est-ce qu'il y a des questions là-dessus? Ça va?
Merci beaucoup, madame Adam, de nous avoir accordé de votre temps. Je pense qu'il est important d'aller chercher dans vos recommandations notre fil conducteur en commençant--je pense que la priorité devient très évidente--par le soi-disant plan Dion et son financement adéquat. C'est là qu'il faut mettre les efforts, selon moi.
Merci et Joyeux Noël à tout le monde.
La séance est levée.